LIVRE III
DÉFINITION DU MOUVEMENT. - THÉORIE DE L'INFINI.
CHAPITRE V.
Cinq arguments pour démontrer
l'existence de l'infini; le temps, la divisibilité des grandeurs, lu
génération des choses, la nécessité d'une limite absolue, et le
nombre conçu par la pensée. - Difficultés inévitables de la théorie
de l'infini. |
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1 Τοῦ δ' εἶναί τι ἄπειρον ἡ πίστις ἐκ πέντε μάλιστ' ἂν συμβαίνοι σκοποῦσιν, 2. ἔκ τε τοῦ χρόνου (οὗτος γὰρ ἄπειρος) 3 καὶ ἐκ τῆς ἐν τοῖς μεγέθεσι διαιρέσεως (χρῶνται γὰρ καὶ οἱ μαθηματικοὶ τῷ ἀπείρῳ)· 4 ἔτι τῷ οὕτως ἂν μόνως μὴ ὑπολείπειν γένεσιν καὶ φθοράν, εἰ ἄπειρον εἴη ὅθεν ἀφαιρεῖται τὸ γιγνόμενον· 5 ἔτι τῷ τὸ πεπερασμένον ἀεὶ πρός τι περαίνειν, ὥστε ἀνάγκη μηδὲν εἶναι πέρας, εἰ ἀεὶ περαίνειν ἀνάγκη ἕτερον πρὸς ἕτερον. 6 Μάλιστα δὲ καὶ κυριώτατον, ὃ τὴν κοινὴν ποιεῖ ἀπορίαν πᾶσι· διὰ γὰρ τὸ ἐν τῇ νοήσει μὴ ὑπολείπειν καὶ ὁ ἀριθμὸς δοκεῖ ἄπειρος εἶναι καὶ τὰ μαθηματικὰ μεγέθη καὶ τὸ ἔξω τοῦ οὐρανοῦ. Ἀπείρου δ' ὄντος τοῦ ἔξω, καὶ σῶμα ἄπειρον εἶναι δοκεῖ καὶ κόσμοι· τί γὰρ μᾶλλον τοῦ κενοῦ ἐνταῦθα ἢ ἐνταῦθα; ὥστ' εἴπερ μοναχοῦ, καὶ πανταχοῦ εἶναι τὸν ὄγκον. Ἅμα δ' εἰ καὶ ἔστι κενὸν καὶ τόπος ἄπειρος, καὶ σῶμα εἶναι ἀναγκαῖον· ἐνδέχεσθαι γὰρ ἢ εἶναι οὐδὲν διαφέρει ἐν τοῖς ἀϊδίοις. 7 Ἔχει δ' ἀπορίαν ἡ περὶ τοῦ ἀπείρου θεωρία· καὶ γὰρ μὴ εἶναι τιθεμένοις πόλλ' ἀδύνατα συμβαίνει καὶ εἶναι. 8 Ἔτι δὲ ποτέρως ἔστιν, πότερον ὡς οὐσία ἢ ὡς συμβεβηκὸς καθ' αὑτὸ φύσει τινί; ἢ οὐδετέρως, ἀλλ' οὐδὲν ἧττον ἔστιν ἄπειρον ἢ ἄπειρα [204a] τῷ πλήθει; 9 Μάλιστα δὲ φυσικοῦ ἐστιν σκέψασθαι εἰ ἔστι μέγεθος αἰσθητὸν ἄπειρον. |
§ 1. Pour démontrer l'existence de l'infini, on peut recourir à cinq arguments principaux. § 2. D'abord, le temps, qui est infini. § 3. Puis, la divisibilité dans les grandeurs; car les mathématiciens emploient aussi la notion de l'infini. § 4. En troisième lieu, l'infini se prouve par cette considération que le seul moyen que la génération et la destruction ne défaillent jamais, c'est qu'il y ait un infini d'où sorte sans cesse tout ce qui se produit. § 5. Quatrièmement, tout ce qui est fini est toujours fini relativement à quelque chose; et nécessairement il n'y aurait jamais de limite ni de fin, s'il fallait toujours nécessairement qu'une chose se limitât relativement à une autre. § 6. Enfin, le plus puissant argument, et qui embarrasse tous les philosophes également, c'est que dans la pensée il n'y a pas de limitation possible, et qu'en elle le nombre est infini, aussi bien que les grandeurs mathématiques, et l'espace qui est en dehors du ciel. Cet extérieur du ciel étant infini, il faut bien qu'il y ait un corps infini, ainsi que des mondes sans fin. Car pourquoi le vide serait-il dans telle partie plutôt que dans telle autre ? Par conséquent, s'il y a du plein en un seul endroit, le plein doit être aussi partout. En admettant même qu'il y ait du vide, il n'en faut pas moins nécessairement que l'espace soit infini, et que le corps soit infini également; car dans les choses éternelles, il n'y a aucune différence entre pouvoir être et être. § 7. Mais la théorie de l'infini présente toujours une difficulté très grande, et l'on tombe dans une foule d'impossibilités, soit qu'on en admette soit qu'on en rejette l'existence. § 8. Puis, comment l'infini existe-t-il? Existe-t-il comme substance? Ou bien n'est-il qu'un accident essentiel dans quelque substance naturelle? Ou bien encore n'existe-t-il ni de l'une ni de l'autre façon? L'infini n'existe pas moins cependant, tout aussi bien qu'il y a des choses [204a] qui sont en nombre infini. § 9. Mais ce qui regarde par dessus tout le physicien, c'est de savoir s'il y a une grandeur sensible qui soit infinie. |
Ch. V, § 1. Pour démontrer l'existence le l'infini, il faut s'occuper d'abord de l'existence de l'infini ; et, quand on sera sûr qu'il existe, on passera à l'étude de sa nature et de ses propriétés. - Cinq arguments principaux, ces arguments sont fort exacts; et il est douteux qu'aujourd'hui on pût en produire de meilleurs. Voir plus loin, ch. 12, la réfutation de quelques-uns de ces arguments. § 2. D'abord le temps, c'est avec raison que cet argument est placé le premier ; et c'est certainement par l'écoulement de la durée que nous avons tout d'abord quelques notions de l'infini. Plus loin au Livre VIII, ch. 1, § 15, Aristote reprochera à Platon d'être le seul parmi les philosophes qui n'ait point admis l'infinité et l'éternité du temps. § 3. Puis tu divisibilité dans la grandeurs, qui est également infinie, si ce n'est en réalité du moins rationnellement. - Car les mathématiciens, l'emploi de l'idée d'infini est tout rationnel dans les mathématiques, où l'on suppose des lignes infinies. § 4. En troisième lieu, cet argument qui se tire de l'ordre de la nature, est vrai; mais il n'est pas nécessaire comme les deux premiers, et la succession des êtres dans l'univers peut cesser sans que le temps cesse d'exister comme eux, sans que l'espace cesse d'exister comme le temps. § 5. Tout ce qui est fini, c'est ici l'infinité de l'espace; peut-être eût-il fallu le placer après le temps; en effet, après l'idée de durée qui nous est donnée par la succession de nos propres pensées, l'idée d'espace infini est la plus simple et la plus claire que nous puissions acquérir sur l’infini. - Qu'une chose se limitât relativement à une autre, et s'il n'y avait pas un espace infini dans lequel sont renfermes toutes les choses finies et tous les êtres. § 6. Enfin le plus puissant argument, Aristote aurait pu débuter par celui-là, qui est en effet la condition de tous les autres, parce qu'il est tout psychologique. L'infini, appliqué soit au temps, soit à l'espace, soit au nombre, soit aux grandeurs mathématiques, est toujours une conception de la raison. - Tous les philosophes également, sans doute ceux qui nient l'existence de l'infini. - Aucune limitation possible, le texte dit plutôt : « lacune. » - En elle, j'ai ajouté ces mots. - Le nombre est infini, parce que la pensée peut toujours, quelque grand que soit un nombre, concevoir un nombre encore plus grand. - Les grandeurs mathématiques, et par conséquent purement rationnelles. - L'espace en dehors du ciel, l'espace au-delà de ce qu'il nous est donné de voir. - Un corps infini, c'est le mot même dont le texte se sert. Peut-être eût-il mieux valu dire : « Des corps en nombre infini. » - En admettant même qu'il y ait du vide, en effet, l'idée de vide n'est pas du tout contradictoire à celle d'infini. - Que le corps soit infini également, ou mieux : « Que les corps soient en nombre infini; » mais la première traduction rend le texte exactement, tandis que la seconde l'interprète et le change. - Aucune différence entre pouvoir être et être, précisément parce que ces choses sont éternelles ; car si elles étaient éternellement possibles, elles cesseraient par là même d'être éternellement. § 7. Une difficulté très grande, ceci est vrai; mais ce qui l'est moins, c'est que les impossibilités soient égales à admettre l'existence de l'infini et à la rejeter; et les cinq arguments donnés au début du chapitre démontrent invinciblement l'existence de l'infini. § 8. Existe-t-il comme substance, voir plus haut, ch, 4, § 3, l'opinion des Pythagoriciens et de Platon, qui font de l'infini une substance existant par elle-même. - Dans quelque substance naturelle, le texte dit : « Quelque nature. » - L'infini n'en existe pas moins, mais s'il n'existe, ni comme substance, ni comme attribut, il est difficile de concevoir quelle espèce d'existence il peut avoir. § 9. Le Physicien, c'est-à-dire le philosophe qui étudie la nature. - Une grandeur sensible, parce que c'est surtout des grandeurs sensibles que le physicien doit s'occuper. Pour les arguments développés dans ce chapitre, voir plus loin, ch. 12, §§ 2 et suiv.
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