Aristote : Physique

ARISTOTE

PHYSIQUE.

TOME DEUX : LIVRE ΙII : DÉFINITION DU MOUVEMENT. - THÉORIE DE L'INFINI. CHAPITRE XII
 

Traduction française : BARTHÉLÉMY SAINT-HILAIRE.

chapitre XI - LIVRE IV chapitre I

paraphrase du livre III

 

 

 

LIVRE III

DÉFINITION DU MOUVEMENT. - THÉORIE DE L'INFINI.

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE XII.

Suite et fin : réfutation des arguments qui représentent l'infini comme déterminé; se défier des arguments purement logiques; regarder surtout aux réalités. - Résumé de la théorie de l'infini.
 

1 Λοιπὸν δ' ἐπελθεῖν καθ' οὓς λόγους τὸ ἄπειρον εἶναι δοκεῖ οὐ μόνον δυνάμει ἀλλ' ὡς ἀφωρισμένον· τὰ μὲν γάρ ἐστιν αὐτῶν οὐκ ἀναγκαῖα, τὰ δ' ἔχει τινὰς ἑτέρας ἀληθεῖς ἀπαντήσεις. 2 Οὔτε γὰρ ἵνα ἡ γένεσις μὴ ἐπιλείπῃ, ἀναγκαῖον ἐνεργείᾳ ἄπειρον εἶναι σῶμα αἰσθητόν· ἐνδέχεται γὰρ τὴν θατέρου φθορὰν θατέρου εἶναι γένεσιν, πεπερασμένου ὄντος τοῦ παντός. 3 Ἔτι τὸ ἅπτεσθαι καὶ τὸ πεπεράνθαι ἕτερον. Τὸ μὲν γὰρ πρός τι καὶ τινός (ἅπτεται γὰρ πᾶν τινός), καὶ τῶν πεπερασμένων τινὶ συμβέβηκεν, τὸ δὲ πεπερασμένον οὐ πρός τι· οὐδ' ἅψασθαι τῷ τυχόντι τοῦ τυχόντος ἔστιν. 4 Τὸ δὲ τῇ νοήσει πιστεύειν ἄτοπον· οὐ γὰρ ἐπὶ τοῦ πράγματος ἡ ὑπεροχὴ καὶ ἡ ἔλλειψις, ἀλλ' ἐπὶ τῆς νοήσεως. Ἕκαστον γὰρ ἡμῶν νοήσειεν ἄν τις πολλαπλάσιον ἑαυτοῦ αὔξων εἰς ἄπειρον· ἀλλ' οὐ διὰ τοῦτο ἔξω [τοῦ ἄστεός] τίς ἐστιν [ἢ] τοῦ τηλικούτου μεγέθους ὃ ἔχομεν, ὅτι νοεῖ τις, ἀλλ' ὅτι ἔστι· τοῦτο δὲ συμβέβηκεν. 5 Ὁ δὲ χρόνος καὶ ἡ κίνησις ἄπειρά ἐστι καὶ ἡ νόησις οὐχ ὑπομένοντος τοῦ λαμβανομένου. 6 Μέγεθος δὲ οὔτε τῇ καθαιρέσει οὔτε τῇ νοητικῇ αὐξήσει ἔστιν ἄπειρον.

7 Ἀλλὰ περὶ μὲν τοῦ ἀπείρου, πῶς ἔστι καὶ πῶς οὐκ ἔστι καὶ τί ἐστιν, εἴρηται.
 

§ 1. Il nous reste à examiner les arguments qui font paraître l'infini, non pas comme étant simplement eu puissance, mais comme étant aussi quelque chose de déterminé. De ces arguments, les uns n'arrivent pas à des conclusions nécessaires; les autres peuvent être réfutés par des raisons décisives § 2. Ainsi, il n'est pas besoin que l'infini soit en acte un corps sensible pour que la génération des êtres puisse ne jamais défaillir; car il se peut fort bien que, même le tout étant limité et fini, la destruction d'une chose soit réciproquement la génération d'une autre. § 3. De plus, ce sont deux choses très différentes que le contact et la limitation. L'une est relative et dépendante; car tout ce qui touche quelque chose, et toucher est l'attribut d'une chose finie et limitée, tandis que l'autre, le limité, le fini, n'est pas relatif; et une chose quelconque ne peut pas, au hasard, toucher la première chose venue. § 4. L'argument tiré de la pensée est insoutenable; l'accroissement excessif et l'excessive réduction ne sont pas dans l'objet; ils ne sont que dans la pensée qui les suppose; car il est loisible à quelqu'un d'imaginer l'un de nous mille fois plus grand qu'il n'est, en l'accroissant à l'infini; et il ne suffit pas, pour qu'une personne soit hors de la ville ou qu'elle ait une taille égale à la nôtre, que quelqu'un le suppose; mais il faut que cela soit, et la conjecture de ce quelqu'un n'est qu'un pur accident sans réalité. § 5. Quant au temps et au mouvement, ils ne sont infinis aussi bien que la pensée qu'en ce sens que rien de ce qu'on en considère ne subsiste ni ne demeure. § 6. Enfin, il n'y a pas de grandeur qui soit infinie par le retranchement, ni par l'addition que la pensée peut toujours faire.

§ 7. Mais arrêtons-nous; car nous avons dit de l'infini comment il est et n'est pas, et ce qu'il est.

Ch. XII, § 1. Il nous reste à examiner, les arguments qui vont être réfutés dans ce chapitre sont précisément tous ceux qui ont été donnés plus haut pour démontrer l'existence de l'infini; voir plus haut, ch. 5, §§ 2 à 6; et Aristote semblait alors les avoir admis sans les contester. Il est vrai qu'il avait fait des réserves au § 7 de ce chapitre 5 sur les difficultés de cette théorie, et il avait annoncé qu'il n'y a guère moins d'impossibilité à admettre qu'à rejeter l'existence de l'infini. C'est à ces réserves que répond le présent chapitre, on l'on renverse les arguments qui plus haut avaient paru évidents. Il n'y a pas de contradiction dans la pensée d'Aristote, bien que ces discussions en sens contraires puissent laisser quelqu'obscurité sur sa véritable opinion.

- Étant simplement en puissance, voir plus haut, ch. 8, § 2 et ch, 10, § 3.

- Quelque chose de déterminé, cette idée de déterminé et celle d'infini ont quelque chose de contradictoire; mais cette opposition est dans le texte.

- N'arrivent pas à des conclusions nécessaires, le texte dit simplement : « Ne sont pas nécessaires. ».

§ 2. Pour que la génération des êtres, voir plus haut, ch. 5. § 4, c'est le troisième argument donné pour prouver l'existence de l'infini.

- Le tout étant limité et fini, le tout ou l'univers; ceci peut s'en-tendre encore de toute la série des générations.

- Réciproquement, j'ai ajouté ce mot. -

 La génération d'une autre, et alors la génération, étant en quelque sorte circulaire, devient inépuisable et infinie; mais cela même suppose tout au moins un infini de succession.

§ 3. Le contact et la limitation, c'est le quatrième argument donné au ch. 5, § 5, où il n'a été parlé qui de limitation et non point de contact.

 - L'une est relative et dépendante, ceci est vrai pour le contact; mais cela semble non moins vrai pour la limitation, puisque le limité est toujours limité par quelque chose, ne serait-ce que par le vide.

- Relative et dépendante, il n'y a qu'un seul mot dons le texte. - Le limité, le fini, même remarque.

- Une chose quelconque ne peut pas, par conséquent, le contact universel n'est pas une nécessité, et il peut y avoir quelque chose de fini qui ne touche plus à rien.

§ 4. L'argument tiré de la pensée, voir plus haut, ch. 5, § 6; c'est le cinquième argument et le plus puissant de tous, à ce qu'il semblait.

- Est insoutenable, le texte dit: « absurde. »

 - L'accroissement excessif et l'excessive réduction, que la pensée peut toujours imaginer indépendamment de toute réalité possible .Le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

- Ne sont pas dans l'objet, c'est vrai sans aucun doute; mais l'idée de l'infini n'en est pas moins dans la pensée, et c'est en cela que consiste la force de l'argument. Sans doute, non plus, il n'y a point de corps infini perceptible à nos sens, comme on l'a démontré dans le chapitre 7; mais l'infini n'en est pas moins une conception incontestable de la raison.

- Soit hors de la ville, ou comme le veulent quelques commentateurs : Soit plus grand que la ville.

§ 5. Quant au temps, c'est le premier argument donné pour prouver l'existence de l'infini , ch. 5, § 2.

 - Rien de ce qu'on en considère, le texte dit précisément : « De ce qu'on en prend. »

- Ne subsiste ni ne demeure, c'est-à-dire qu'il n'y a qu'une simple succession sans réalité actuelle.

§ 6. Enfin, j'ai ajouté ce mot. - Il n'y a pas de grandeur, voir plus haut, ch. 5, § 3. C'est le second argument pour prouver l'existence de l'infini. Cette réponse semble rentrer dans celle qui vient d'être faite un peu plus haut, § 4.

§ 7. Mais arrêtons-nous, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.

Nous avons dit, depuis le chapitre 4 jusqu'à celui-ci, il n'a été question que de l'infini.