JUVÉNAL
SATIRE VI Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
SATURA VI / SATIRE VI(éd. Jules Lacroix) satire V - satire VII
autre traduction
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SATURA VIMULIERES |
SATURA VILES FEMMES |
Credo Pudicitiam,
Saturno rege, moratam In terris, visamque diu, quum frigida parvas Præberet spelunca domos ignemque laremque Et pecus et dominos communi clauderet umbra: Sylvestrem montana torum cum sterneret uxor Frondibus et culmo vicinarumque ferarum Pellibus : haud similis tibi, Cynthia, nec tibi, cujus Turbavit nitidos extinctus passer ocellos; Sed potanda ferens infantibus ubera magnis Et sæpe horridior glandem ructante marito. Quippe aliter tunc orbe novo cœloque recenti, Vivebant homines, qui rupto robore nati, Compositive lute, nullos habuere parentes. Multa Pudicitiæ veteris vestigia forsan, Aut aliqua existerunt et sub Jove, sed Jove nondum Barbato, nondum Græcis jurare paratis Per caput alterius; quum furtum nemo timeret Caulibus et pomis, et aperto viveret horto. Paulatim deinde ad superos Astræa recessit Hac comite, atque duæ pariter fugere sorores. |
La
Pudeur sur la terre habita, je le crois; Elle y parut longtemps quand Saturne était roi; Quand des antres glacés prêtaient leur toit rustique Aux troupeaux, au pasteur, au foyer domestique; Quand de la peau des ours, et de feuille, et d’osier, L’épouse montagnarde enflait son lit grossier, Et, suivant un mari gorgé de glands comme elle, A ses grands nourrissons présentait sa mamelle: Bien autre que Cynthie, et toi, dont l’œil charmant Pleura sur un moineau si douloureusement! Qu’ils nous ressemblaient peu, dans l’enfance première D’un monde enveloppé de sa jeune lumière, Ces hommes, nés du sein des chênes murmurants, Ou pétris de limon, ces hommes sans parents! Sous Jupiter, avant qu’il eût barbe au visage, Il restait quelque trace encor de ton passage, O Pudeur! oui, peut-être ! ... avant qu’effrontément Sur la tête d’autrui le Grec prêtât serment; Lorsque chacun vivait, sans défiance encore, Des fruits de son jardin, qu’il négligeait d’enclore. Astrée enfin, gagnant les sommets radieux, Avec sa blanche sœur remonta vers les dieux. |
Antiquum et vetus
est alienum, Postume, lectum Concutere, atque sacri genium contemnere fulcri. Omne aliud crimen mox ferrea protulit ætas: Viderunt primes argentea sæcula mœchos. Conventum tamen et pactum, et sponsalia nostra Tempestate paras; jamque a tonsore magistro Pecteris, et digito pignus fortasse dedisti. Certe sanus eras. Uxorem, Postume, ducis! Dic, qua Tisiphone, quibus exagitare colubris? Ferre potes dominam, salvia tot restibus, ullam? Quum pateant altæ caligantesque fenestræ? Quum tibi vicinum se præbeat Æmilius pons? Aut si de multis nullus placet exilus, illud Nonne putas melius quod tecum pusio dormit? Pusio qui noctu non litigat, exigit a te Nullajacçns illic munuscula, nec queritur quod Et lateri parcas, nec, quantum jussit, anhales. Sed placet Ursidio lex Julia tollere dulcem Cogitat heredem, cariturus turture magno, Mullorumque jubis et captatore macello. Quid fieri non posse putes, si jungitur ulla Ursidio? si mœchorum notissimos olim Stulta maritali jam porrigit ora capistro, Quem toties texit perituri cista Latini? Quid, quod et antiquis uxor de moribus illi Quæritur? O medici! mediam pertundite venam. Delicias hominis! Tarpeium limen adora Pronus, et auratam Junoni cæde juvencam, Si tibi contigerit capitis matrona pudici. Paucæ adeo Cereris vittas contingere dignæ, Quarum non timeat pater oscula. Necte coronam Postibus, et densos per limina tende corymbos. Unus Iberinæ vir sufficit! Ocius illud Extorquebis, ut hæc oculo contenta sit uno. Magna tamen fama est cujusdam rure paterno Viventis. Vivat Gabiis ut vixit in agro; Vivat Fidenis, et agello cedo paterno. Quis tamen affirmat nil actum in montibus, aut in Speluncis? Adeo senuerunt Jupiter et Mars? |
Ce n’est
pas d’aujourd’hui que le saint Hyménée Pleure, cher Postumus, sa couche profanée. Ce crime est vieux, bien vieux! Tous les autres forfaits, C’est le siècle de fer qui plus tard les a faits L’âge d’argent a vu le premier adultère!... Pourtant, lorsque nos mœurs empoisonnent la terre, Tu règles un contrat; le jour est pris; tu veux Qu’un habile coiffeur parfume tes cheveux: Peut-être as-tu déjà, pressant la signature, Passé l’anneau de fer au doigt de ta future. Certes je t’ai vu sage, et tu prends femme, toi! Dis, quelle Tisiphone, ô malheureux, dis-moi, Quel noir serpent te mord? Tu peux souffrir un maître, Tant qu’il reste une corde, et tant qu’une fenêtre S’ouvre profonde et sombre?... Oh! quelle déraison! Lorsque le pont Émile est près de ta maison! — Ce parti violent peut-être t’effarouche; Mais ne vaut-il pas mieux amener dans sa couche Un bel enfant soumis, paisible et complaisant, Qui n’exige de toi, la nuit, aucun présent, Et ne t’accuse pas, quand le plaisir t’essouffle, De ménager tes flancs et d’épargner ton souffle? « Mais la loi Julia me plaît, dit Postumus: Dussé-je renoncer aux surmulets barbus, Comme aux gras tourtereaux des coureurs d’héritage, C’est un fils, un cher fils que je veux en partage. » — De quel prodige alors nous étonnerons-nous, Si l’adultère illustre et fameux entre tous, Dont cent fois, Latinus, ton coffre fut l’asile, Au licou des maris tend sa tête imbécile? — Je veux une matrone au pur et chaste sein. — Ouvrez-lui donc la veine! il est fou, médecin! Si ta femme est pudique, à genoux, vite! adore Jupiter Tarpéien ! ... couvre de fleurs et dore Le front de la génisse immolée à Junon. O Cérès, combien peu qui, révérant ton nom, Soient dignes de toucher ta bandelette sainte, Et qu’un père aujourd’hui puisse embrasser sans crainte! Entrelace à ta porte et guirlande et festons; Qu’un lierre épais se roule en corymbe aux frontons! — Regarde! Ibérina se contente d’un homme. — D’un seul homme! dis-tu? Celle qu’ici l’on nomme, Nous la verrions plutôt contente d’un œil seul. — Mais une autre vit pure aux champs de son aïeul — Bien. Qu’à Fidène alors sa pudeur l’accompagne; Qu’elle vive à Gabie, ainsi qu’à la campagne. Encor, dans les vallons ne s’est-il rien passé ? Mars est-il donc si vieux? Jupiter, si cassé ? |
Porticibusne tibi monstratur
femina voto Digna tuo? cuneis an habent spectacula totis Quodsecurus ames, quodque inde excerpere possis? Cheironomon Ledam molli saltante Bathyllo, Tuccia vesicæ non imperat; Appula gannit Sicut in amplexu. Subitum, et miserabile lougum Attendit Thymele? Thymele tunc rustica discit. Ast aliæ, quoties aulæa recondita cessant, Et vacuo clausoque sonant fora sola theatro, Atque a plebeiis longe Megalesia, tristes Personam Thyrsumque tenent et subligar Acci. Urbicus exodio risum movet atellanæ Gestibus Autonœs; hunc diligit Ælia pauper. Solvitur bis magno comœdi fibula. Sunt quæ Chrysogonum cantare vetent. Hispulla tragœdo Gaudet: an exspectas ut Quintilianus ametur? Accipis uxorem, de qua citharœdus Echion Aut Glaphyrus fiat pater, Ambrosiusque choraules. Longa per angustos figamus pulpita vicos, Ornentur postes et grandi janua lauro, Ut testudineo tibi, Lentule, conopeo Nobilis Euryalum mirmillonem exprimat infans. |
Où
trouver une épouse, aux vertus domestiques, Et digne de tes vœux? Est-ce sous nos portiques? L’amphithéâtre a-t-il, dans son immensité, Une femme qu’on puisse aimer en sûreté? Quand Bathylle, jouant sa molle pantomime, Danse, Tuccia brûle; Apulla qui s’anime, Comme aux bras d’un amant, soupire, a le frisson; Et Thymèle, ignorante encore, prend leçon. Puis, lorsque le théâtre est clos et n’a personne, Quand le barreau, tout seul, de voix criardes sonne, Pendant ces jours si longs qui, des jeux Plébéiens, Séparent tristement les Mégalésiens, On les voit manier, dans leur ennui fantasque, Le thyrse d’Accius, la ceinture, et le masque. Urbicus dans l’exode imite Autonoé, Et l’on se pâme encore après qu’il a joué. L’indigente Ælia d’Urbicus est éprise; Mais ce n’est qu’à prix d’or que leur boucle se brise... Ces grands acteurs sont chers! Quant aux femmes, j’en vois Qui du beau Chrysogon ruinèrent la voix. Hispulla d’un tragique est amoureuse et folle! Eh! d’un Quintilien veux-tu qu’elle raffole? Épouse donc : fort bien! Le harpiste Échion, Ambrosius, flûteur, Glaphyrus, histrion, De toi feront bien vite un père de famille... De théâtres joyeux, que ton quartier fourmille! Plante un vaste laurier à ton seuil triomphant, Pour qu’un jour, Lentulus, un glorieux enfant T’offre dans son berceau, couche molle et royale, Les traits d’un mirmillon, les traits d’un Euryale! |
Nupta Senatori comitata est
Hippia ludium Ad Pharon et Nilum, famosaque mœnia Lagi, Prodigia et mores Urbis damnante Canopo. Immemor fila domus, et conjugis atque sororis, Nil patriæ induisit, plorantesque improba gnatos, Utque magis stupeas, ludos Paridemque reliquit. Sed quanquam in magnis opibus, plumaque paterna Et segmentatis dormisset parvula cunis, Gonternpst pelagus: famam cotempserat olim, Cujus apud molles minima est jactura cathedras. Tyrrhenos igitur fluctus, lateque sonantem Pertulit Ionium constanti pectore, quamvis Mutandum toties esset mare. Justa pericli Si ratio est et honesta, timent pavidoque gelantur Pectore, nec tremulis possunt insistere plantis: Fortem animum præstant rebus quas turpiter audent. Si jubeat conjux, durum est conscendere navim; Tunc sentina gravis, tunc summus vertitur ær. Quæ mœchum sequitur, stomacho valet. Illa maritum Convomit: hæc inter nautas et prandet, et errat Per puppim, et duras gaudet tractare rudentes. Qua tamen exarsit forma, qua capta juventa Hippia? quid vidit, propter quod ludia dici Sustinuit? Nam Sergiolus jam radere gutturt Cœperat, et secto requiem sperare lacerto. Præterea multa in facie deformia; sicut Attritus gales, mediisque in naribus ingens Gibbus, et acre malum semper stilantis ocelli. Sed gladiator erat; facit hoc illos Hyacinthos. Hoc pueris patriæque, hoc præetulit illa sorori Atque viro. Ferrum est, quod amant. Hic Sergius idem, Accepta rude, cœpisset Veiento videri. |
Quelle
honte! Hippia, femme d’un sénateur, Jusqu’au Nil, à Pharos, suit un gladiateur! Jusqu’aux murs de Lagus, trop fameux dans le monde! Et Rome fait horreur à Canope, l’immonde! La cruelle, oubliant maison, époux et sœur, Et la douce patrie, elle quitte, ô noirceur! Ses enfants éplorés ! ... et, quel effort suprême! Elle renonce aux jeux du cirque, à Pâris même! Dans le riche palais de son père, elle avait Reposé, tout enfant, sur un moelleux duvet: Intrépide, elle brave aujourd’hui l’onde amère, Comme elle avait bravé l’honneur, cette chimère, Qu’au milieu de la pourpre on immole aisément! Les vagues d’Ionie au sourd mugissement, Les flots Tyrrhéniens, et le vent, et l’orage, Tant de mers à franchir, rien n’émeut son courage... Vienne un juste motif de courir au danger, Soudain la peur les glace, on voit leur front changer, Leur pied tremblant faiblit: les voilà presque mortes, Elles, qui pour le mal sont vaillantes et fortes! Lorsqu’un époux l’ordonne, on craint de s’embarquer; La sentine est puante, et le cœur va manquer!... Mais qu’on suive un amant, l’estomac est robuste. L’une, pâle, vomit sur le despote injuste; L’autre avec les marins boit, mange, et devant eux Se plaît à manier les câbles raboteux. Quels charmes Hippia vit-elle dans l’infâme, Pour tomber jusqu’à lui, pour se dire sa femme? L’histrion, déjà mûr, n’était plus très dispos, Et son bras mutilé réclamait le repos. En outre, de son front, le poids d’un casque énorme Rabattait jusqu’au nez une loupe difforme, Et ses yeux larmoyaient, pleins d’une âcre moiteur... Mais notre Sergius était gladiateur! A ce titre, ils sont beaux comme des Hyacinthes: Adieu patrie, enfants, époux, sœurs, chaînes saintes! Elles aiment le fer!... Mais, armé du bâton, Sergius en congé n’est plus qu’un Véienton. |
Quid privata domus, quid
fecerit Hippia, curas? Respice rivales Divorum Claudius audi Quæ tulerit. Domire virum quum senserat tuxor, Ausa Palatino tegetem præferre cubili, Sumere nocturnos meretrix augusta cucullos, Linquebat, comite ancilla non amplius una: Sed, nigrum flavo crinem abscondente galero, Intravit calidum veteri centone lupanar, Et cellam vacuam atque suam. Tunc nuda papillis Prostitit auratis, titulum mentita Lyciscæ, Ostenditque tuum, generose Britannice, ventrem. Excepit blanda intrantes, atque æra poposcit, Et resupina jacens multorum absorbuit ictus. Mox lenone suas jam dimittente puellas, Tristis abit: sed, quod potuit, tamen ultima cellam Clausit, adhuc ardens rigidœ tentigine vulvæ, Et lassata viris, sed non satiata, recessit; Obscurisque genis turpis, fumoque lucernæ Fœda, lupanaris tulit ad pulvinar odorem. |
Mais
laisse Hippia, laisse une maison privée, Et contemple les dieux dans leur sphère élevée: Vois quels rivaux eut Claude!... Ecoute pour gémir! A peine l’empereur vient-il à s’endormir, Son épouse, écartant la pompeuse courtine, Quitte pour un grabat la couche palatine; Puis avec une esclave, une seule, elle fuit Sous un obscur manteau qui se perd dans la nuit. Couvrant ses noirs cheveux d’une perruque blonde, L’auguste courtisane entre en un bouge immonde; Et dans sa loge vide, où fume encore un lit, Au fond du lupanar, elle s’ensevelit. Là, sous un nom menteur, lascive, toute nue, Par une tresse d’or la gorge retenue, Noble Britannicus, dans ce hideux séjour Elle étale le ventre où tu puisas le jour! Elle accueille la foule, et, jalouse de plaire, La fausse Lycisca demande le salaire: Sur le dos renversée, elle étreint le passant, Et, les défiant tous, elle absorbe leur sang !... Lorsque le proxénète enfin clôt sa tanière, Elle sort; mais, fermant sa loge la dernière, Et triste, aiguillonnée encor par le désir, Elle veut prolonger quelque temps son plaisir. Elle sort, fatiguée et non pas assouvie; Et, le visage terne, enfumé, l’œil sans vie, Au lit impérial, dans sa lubrique ardeur, Du lupanar infâme elle apporte l’odeur! |
Hippomanes
carmenque loquar, coctumque venenum, Privignoque datum?Faciunt graviora coactæ Imperio sexus, minimumque libidine peccant. Optima sed quare Cesennia, teste marito? Bis quingenta dedit; tanti vocat ille pudicam: Nec pharetris Veneris macer est, aut lampade fervet; Inde faces ardent, veniunt a dote sagittæ Libertas emitur: coram licet innuat atque Rescribat; vidua est, locuples quæ nupsit avaro. |
Dirai-je
l’hippomane, et les poisons verdâtres, Les noirs enchantements des cruelles marâtres? Car aux plus grands forfaits leur sexe est emporté, Si grands, que sa débauche est petite à côté! — Césennie est charmante, et la perle de Rome; Son mari vous le jure. —Oui; mais pourquoi? Notre homme Reçut un million de sesterces, voilà! Il l’aime, et la déclare honnête à ce prix-là. Ce n’est point le carquois de Vénus qui le perce; Le carquois, c’est la dot: la flèche est un sesterce. Césennie a de l’or: elle peut sans détour Lire un billet galant, y répondre à son tour, En un mot, elle est libre; en voulez-vous la preuve? Que femme riche épouse un avare, elle est veuve! |
Cur desiderio Bibulæ
Sertorius ardet?
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Pourquoi
Sertorius aime-t-il Bibula? —Si tu veux bien scruter cette passion-là, Il adore un visage, et non pas une épouse. Qu’un pli se forme, vienne une ride jalouse, Que la peau se ternisse avec l’émail des dents, Que les yeux rétrécis pâlissent, moins ardents: « Sors! dira l’affranchi; plions bagage! en route! Ce nez toujours humide et rouge nous dégoûte. Pars vite! nous voulons un nez moins larmoyant. » Elle est jeune, elle règne; et belle, et souriant, Exige, d’un mari faible qu’elle dépouille, Des bergers, des troupeaux dans les champs de la Pouille, Des vignes à Falerne. Et ce n’est point assez: Il faut des bataillons d’esclaves entassés. Tout ce qu’elle n’a pas dans sa riche demeure Est-il chez le voisin? qu’on l’achète sur l’heure! Sous la neige d’hiver qui tombe à larges flots, Quand l’armateur Jason reste chez lui bien clos, On va chercher pour elle et des cristaux énormes, Et des vases murrhins aux gigantesques formes, Et puis ce diamant précieux et vanté, Qu’à son doigt Bérénice elle-même a porté: De son frère Agrippa, l’incestueuse reine L’avait reçu jadis sur la plage sereine Où les rois vont pieds nus célébrer le sabbat, Où jamais sur un porc le couteau ne s’abat. |
Nullane de tantis gregibus
tibi digna videtur? Sit formosa, decens, dives, fecunda; vetustos Porticibus disponat avos; sit castior omni Crinibus effusis bellum dirimente Sabina, Rara avis in terris, nigroque simillima cycno, Quis ferat uxorem cui constant omnia? Malo, Malo Venusinani, quam te, Cornelia mater Gracchorum, si cum magnis virtutibus affers Grande supercilium, et numeras in dote triumphos. Tolle tuum, precor, Annibalem, victumque Syphacem In castris, et cum tota Carthagine migra. Parce, precor, Pæan, et tu, dea pone sagittas; Nil pueri faciunt; ipsam configite matrem, Amphion clamat: sed Pæan contrahit arcum. Extulit ergo greges natorum, ipsamque parentem, Dum sibi nobilior Latonæ gente videtur, Atque eadem scrofa Niobe fecundior alba. Quæ tanti gravitas? quæ forma, ut se tibi semper Imputet? Hujus enim cari summique voluptas Nulla boni, quoties animo corrupta superbo, Plus aloes quam mellis habet. Quis deditus autem Usque adeo est,ut non illam, quam laudibus effert, Horreat, inque diem septenis oderit horis? |
—Quoi!
dans ce nombre immense aucune femme, aucune Qui mérite mon choix ?—Décence, attraits, fortune, Qu’elle ait tout; qu’elle soit féconde, et montre aux yeux, Sous un vaste portique, une suite d’aïeux; (Oiseau plus rare encor qu’un cygne au noir plumage,) Qu’elle soit pure et chaste, — enfin, l’auguste image De l’antique Sabine aux longs cheveux flottants, Qui s’élance à genoux parmi les combattants; Pourras-tu la souffrir, cette épouse accomplie? Oui, je préfère à toi, sublime Cornélie, Une Vénusienne en sa rusticité; Si, pleine de vertus, mais pleine de fierté, Tu viens, de tes aïeux dénombrant les victoires, Gonfler ta dot superbe avec toutes leurs gloires. Loin, bien loin ton Syphax, ô mère des Gracchus? Annibal et Carthage, et vainqueurs et vaincus! Grâce, Apollon vengeur! Retiens la flèche prête! S’écriait Amphion; et toi, déesse, arrête! Épargnez mes enfants!... Leur mère, frappez-la! » Le dieu bande son arc, l’air frémit, et voilà Que cette Niobé déjà tremble et s’étonne! Orgueilleuse et féconde, elle bravait Latone; Et l’arrogante voit, sous les traits belliqueux, Choir son troupeau d’enfants, et leur père avec eux! A quoi bon la naissance, quoi bon la fortune, S’il faut que nuit et jour on nous en importune? Beauté, gloire, vertu, ces trésors pleins de miel, La fierté les corrompt: ils se tournent en fiel. Celle que porte aux cieux ta louange effrénée, Tu l’abhorres au moins sept heures par journée. |
Quædam parva quidem, sud
non toleranda mentis. Nam quid rancidius, quam quod se non putat ulla Formosam, nisi quæ de Tusca Græcula facta est, De Sulmonensi mera Cecropis? omnia Græce, Cum sit turpe magis nostris nescire latine. Hoc sermone pavent; hoc iram, gaudia, curas, Hoc cuncta effundunt animi secreta. Quid ultra? Concumbunt græce. Dones tamen ista puellis: Tunc etiam, quæ sextus et octogesimus annus Pulsat, adhuc græce? non est hic sermo pudicus In vetula, quoties lascivum intervenit illud Zoé kai Psukê: modo sub lodice relictis Uteris in turba. Quod enim non excitat inguen Vox blanda et nequam? digitos habet, ut tamen omnes Subsidant pennæ. Dicas hæc mollius Hœmo Quanquam et Carpophoro, facies tua computat annos. |
Il est
d’autres défauts, légers, mais qu’un époux Trouve aussi révoltants. Nulle femme chez nous Qui pense être jolie, à moins qu’on ne la prenne Pour une Grecque pure, une Grecque d’Athènes! Elles vous parlent grec, toujours, soir et matin, Quand elles feraient mieux de savoir le latin. Crainte, chagrin, plaisir, et colère de flamme, Enfin tous les secrets épanchés de leur âme, C’est en grec! Quoi de plus? même aux bras d’un amant, C’est du grec que leur bouche exhale en se pâmant... Aux jeunes, ce travers! Mais toi qui, surannée, Vis quatre-vingt six fois naître et mourir l’année, Encor du grec? Parmi des soupirs convulsifs, Toujours ces mots : ZWH KAI YUKH; mots lascifs, Tant de fois étouffés sous le drap de ta couche, Monstrueux en public dans une vieille bouche! Aux doux chatouillements d’une lubrique voix, Quel désir ne s’éveille? elle a comme des doigts. Mais parle, et tout retombe engourdi plus encore... De l’amoureux Émus, du tendre Carpophore, Dût ta voix surpasser les accords séduisants: Car ton front porte inscrit le nombre de tes ans. |
Si tibi legitimis pactam
junctamque tabellis Non es amaturus, ducendi nulla videtur Causa : nec est quare cœnam et mustaces perdas, Labente officio, crudis donanda, nec illud Quod prima pro nocte datur, cum lance beata Dacicus et scripte radiat Germanicus auro Si tibi simplicitas uxoria, deditus uni Est animus : submitte caput, cervice parata Ferre jugum : nullam invenies quæ parcat amanti. Ardeat ipsa licet, tormentis gaudet amantis, Et spoliis. Igitur longe minus utilis illi Uxor, quisquis erit bonus optandusque maritus. Nil unquam invita donabis conjuge : vendes, Hac obstante, nibil; nihil, hæc si nolet, emetur. Hæc dabit affectus: ille excludetur amicus Jam senior, cujus barbam tua janua vidit. Testandi cum sit lenonibus atque lanistis Libertas, et juris idem contingat arenæ, Non unus tibi rivalis dictabitur heres. Pone crucem servo. Meruit quo crimine servus Supplicium? quis testis adest? quis detulit? audi; Nulla unquam de morte hominis cunctatio longa est. O demens! ita servus homo est? nil fecerit, esto; Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas. |
Marié,
si l’amour doit s’éteindre en ton âme, Pourquoi lier ta vie à celle d’une femme? Pourquoi ce grand banquet, ces friands massepains, Qui viennent au dessert lorsqu’on ôte les pains? Pourquoi ces pièces d’or, où rayonne la face Du prince qui dompta le Germain et le Dace? Pourquoi ce riche don qui sonne et qui reluit, Offert dans un plat d’or pour la première nuit? Mais si ta passion, faiblesse conjugale, A ta simplicité débonnaire est égale, Soumis, courbe la tête, et porte un joug pesant: Pas une qui t’épargne, époux trop complaisant! Elle voudra, fût-elle amoureuse elle-même, Spolier, torturer le malheureux qui l’aime. Aussi plus on est doux, facile, et moins on doit Se mettre imprudemment l’anneau de fer au doigt. Tu ne pourras jamais rien acheter, rien vendre, Rien donner, sans l’aveu de ton épouse tendre; Tes affections même, on te les prescrira; Cet ami déjà vieux, ta femme l’exclura, L’ami, dont ta maison vit la barbe première! — Le proxénète affreux qui souille la lumière, Même un gladiateur, peut tester librement: Tes rivaux empliront ton propre testament; On te le dictera. — Vite! en croix cet esclave! — Qu’a-t-il fait? pour quel crime un châtiment si grave? Parle, où sont les témoins, le dénonciateur? Quelques moments encor!... Jugeons avec lenteur On ne peut trop longtemps peser la mort d’un homme! — Imbécile! un esclave! est-ce ainsi qu’on le nomme? Coupable ou non, qu’importe? Il va mourir en croix. Je le veux, je l’ordonne!... et c’est assez, je crois! |
Imperat ergo viro : sed mox
hæc regna relinquit, Permutatque domos, et flamea conterit : inde Advolat, et spreti repetit vestigia lecti. Ornatas paulo ante fores, pendentia linquit Vela domus, et adhuc virides in limine ramos. Sic crescit numerus, sic fiunt octo marlti Quinque per autumnos: titulo nos digna sepulchri. |
Ta femme règne donc: mais bientôt elle
aspire
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Desperanda tibi salva
concordia socru: Illa docet spoliis nudi gaudere mariti: Illa docet, missis a corruptore tabellis, Nil rude, nec simplex rescribere : decipit illa Custodes, aut ære domat. Tunc corpore sano Advocat Archigenen, onerosaque pallia jactat. Abditus interea latet et secretus adulter, Impatiensque moræ pavet, et præputia ducit. Scilicet exspectas ut tradat mater honestos, Atque alios mores quam quos habet? Utile porro Filiolam turpi vetulæ producere turpem. |
Tant
qu’une belle-mère au sein de ta famille Vivra, point de concorde! Elle instruira sa fille, L’indigne! à ruiner ta bourse et ton honneur, A répondre avec art au billet suborneur: Elle trompe ou corrompt le surveillant qui gêne. Alors près de sa fille elle mande Archigène, De la fausse malade entrouvre le rideau, Et feint de soulever les draps, pesant fardeau; Tandis que l’amant, pâle, et comme à la torture, Hâte ses voluptés derrière une tenture. Cette mère peut-elle enseigner la vertu, Et donner d’autres mœurs que les siennes? Crois-tu Qu’elle ne veuille pas, elle infâme et ridée, Voir sa fille comme elle infâme et dégradée? |
Nulla fere causa est, in qua
non femina litem Moverit. Accusat Manilia, si rea non est. Componunt ipsæ per se formantque libellos, Principium atque locos Celso dictare paratæ. |
Elles font les procès, et dans chaque
débat
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Endromidas
Tyrias, et femineum ceroma Quis nescit? Vel quis non vidit vulnera pali, Quem cavat assiduis sudibus, scutoque lacessit, Atque omnes implet numeros? dignissima prorsus Florali matrona tuba, nisi si quid in illo Pectore plus agitat, veræque paratur arenæ. Quem præstare potest mulier galeata pudorem, Quæ fugit a sexu, vires amat? Hæc tamen ipsa Vir nollet fieri; nam quantula nostra voluptas ! Quale decus rerum, si conjugis auctio fiat, Balteus et manicæ, et cristæ, crurisque sinistri Dimidium tegmen ! Vel si diverse movebit Prælia, tu felix, ocreas vendente puella! Hæ sunt quæ tenui sudant in cyclade, quarum Delicias et panniculus bombycinus urit. Aspice quo fremitu monstratos perferat ictus, Et quinto galeæ curvetur pondere, quanta Poplitibus sedeat; quam denso fascia libro; Et ride, positis scaphium cum sumitur armis. Dicite, vos, neptes Lepidi, Cœcive Metelli, Gurgitis aut Fabii, quæ ludia sumpserit unquam Hos habitus? quando ad palum gemat uxor Asyli? |
Qui ne
les vit, portant de lourdes endromides, Athlètes frottés d’huile, et de sueur humides, Un bouclier au poing, avec le dur épieu, Dans les règles de l’art saper un large pieu? Matrones, en effet, plus dignes que personne D’entrer aux jeux Floraux, quand la trompette sonne. Qui sait? déjà peut-être, ambitieux vainqueurs, La véritable arène appelle ces grands cœurs. Quelle pudeur, hélas! peut-elle avoir encore, La femme combattant sous le casque sonore? Mais de sexe avec nous voudrait-elle changer? Non! Le plaisir de l’homme est fade et passager! Quelle gloire pour toi, si ton épouse chère Mettait son baudrier, son aigrette à l’enchère, Et ses lourds gantelets, et le souple rempart Qui de sa jambe gauche enveloppe une part! Quand elle aura couru les palestres latines, Quel bonheur! tu verras adjuger ses bottines. Voilà celle pourtant que brûle jusqu’aux os Un léger vêtement de soie, aux fins réseaux; Celle que fait suer la cyclade flottante. Vois comme elle gémit, robuste et palpitante, En assenant les coups qu’on lui montre à porter! Oh! comme sous le casque on l’entend haleter! Vois sa gorge, et l’armure épaisse qui l’enferme; Comme, sur les jarrets, elle est assise et ferme! Et ris, lorsqu’un besoin impérieux et bas La force à détacher l’appareil des combats... Filles des Métellus, des Gurgès, des Lépides, Parlez! des mirmillons les femmes intrépides, L’épouse d’Asylus a-t-elle ce manteau? Fait-elle sous l’épieu retentir un poteau? |
Semper habet lites
alternaque jurgia lectus In quo nupta jacet: minimum dormitur in illo. Tunc gravis illa viro, tunc orba tigride pejor, Cum simulat gemitus occulti conscia facti, Aut odit pueros, aut ficta pellice plorat, Uberibus semper lacrymis, semperque paratis In statione sua, atque exspectantibus illam, Quo jubeat manare modo. Tu credis amorem; Tu tibi tunc, curruca, places, fletumque labellis Exsorbes: quæ scripta, et quas lecture tabellas, Si tibi zelotypæ retegantur scrinia mœchæ ! Sed jacet in servi complexibus aut equitis. Dic, Dic aliquem, sodes, dic. Quintiliane, colorem. Hæremus. Dic ipsa: « Olim convenerat, inquit, Ut faceres, tu, quod velles; nec non ego possem Indulgere mihi: clames licet, et mare cœlo Confundas, homo sum. » Nihil est audacius illis Deprensis. Iram atque animos a crimine sumunt. |
La
couche nuptiale est un foyer de guerres; Là, d’éternels débats: aussi, l’on n’y dort guères! Cache-t-elle en son cœur une infidélité, Ta Lucrèce gémit, l’œil flambant, irrité, Plus cruelle cent fois qu’une mère tigresse. Elle t’accuse alors d’avoir une maîtresse, Ou d’infâmes gitons!... Alors plaintes, sanglots, Et des torrents de pleurs qui roulent à grands flots; Réservoirs toujours pleins, sources toujours fécondes, N’attendant qu’un signal pour épancher leurs ondes. Et toi, pauvre fauvette, en becquetant ses yeux, Tu bois avec amour des pleurs si précieux. Mais de sa trahison les preuves sont complètes: Ta jalouse adultère, ouvre un peu ses tablettes! Elle est aux bras d’un homme, esclave ou chevalier. Allons, Quintilien, tâche de pallier, Colore, si tu peux, son aime d’une excuse. — Je suis embarrassé : réponds, toi qu’on accuse. — Nous étions convenus, dit-elle à son époux, Que, mariés, chacun satisferait ses goûts. Crie, éclate, confonds mer et cieux! Quoi qu’on fasse, Je suis homme ! ... — Non, rien de pareil à l’audace D’une femme coupable, et prise sur le fait: Sa rage monte alors au niveau du forfait! |
Unde hæc monstre tamea, vel
quo de fonte requiris? Præstabat castas humilis fortuna Latinas Quondam, nec vitiis contingi parva sinebant Tecta labor, somnique breves, et vellere Tusco Vexate duræque manus, ac proximus urbi Annibal, et stantes Collina in turre mariti. Nunc patimur longæ pacis mala: sævior armis Luxuria incubuit, victumque ulciscitur orbem. Nullum crimen abest facinusque libidinis, ex quo Paupertas Romana perit. Hinc fluxit ad istos. Et Sybaris colles: hinc et Rhodos, et Miletos, Atque coronatum, et petulans, madidumque Tarentum. |
D’où
sort-il ce torrent monstrueux de licence? Jadis un humble toit conservait l’innocence De la femme latine; et les travaux fréquents, Les mains qu’endurcissait la laine des Toscans, Annibal, sous nos murs plantant sa javeline, Et les maris debout sur la porte Colline, Tout cela défendait au vice d’approcher. Mais le vice est venu dans la paix nous chercher: Le luxe, noir fléau, plus cruel que la guerre, En s’abattant sur nous, venge toute la terre! La pauvreté romaine est morte en nos remparts. Depuis, les sept coteaux ont vu de toutes parts Descendre les forfaits que la débauche entraîne. Alors vint Sybaris, cette molle sirène, Et Rhodes et Milet, fécondes en malheurs, Et Tarente lascive, au front chargé de fleurs. |
Prima peregrinos obscena
pecunia mores Intulit, et turpi fregerunt sæcula luxu Divitiæ molles. Quid enim Venus ebria curat? Inguinis et capitis quæ sint discrimina, nescit, Grandia quæ mediis jam noctibus ostrea mordet, Cum perfusa mero spumant unguenta Falerno, Cum bibitur concha, cum jam vertigine tectum Ambulat, et geminis exsurgit mensa lucernis. I nunc, et dubita qua sorbeat aëra sanna Tullia, quid dicat note collactea Mauræ, Maura Pudicitiæ veterem cum præterit aram. Noctibus hic ponunt lecticas, micturiunt hic, Effigiemque Deæ longis siphonibus implent, Inque vices equitant, ac, luna teste, moventur. Inde domos abeunt: tu calcas, luce reversa, Conjugis urinam, magnos visurus amicos. |
L’infâme
argent porta chez nous les mœurs d’Asie. La richesse, le luxe, immonde frénésie, Des antiques vertus brisa le joug divin. Où s’arrête Venus, folle et prise de vin? Discerne-t-elle encor ses jambes de sa tête, Lorsqu’au milieu des nuits, dans la cynique fête, Une femme engloutit les huîtres par monceaux; Quand les brûlants parfums se mêlent aux ruisseaux Du Falerne écumant, où la conque se noie; Quand déjà le plafond se promène et tournoie; Lorsque la table monte, et qu’aux regards troublés Les torches, les flambeaux apparaissent doublés? Maintenant doute encor des sales moqueries Que Tullie et Maura, du même lait nourries, Se plaisent à vomir, dans leur obscène ardeur, Devant l’autel désert de l’antique Pudeur. Là, dans l’ombre, elles font déposer leur litière; Et d’urine, à longs jets, couvrant l’image entière, Aux rayons de la lune, on les voit toutes deux Se lasser tour à tour d’embrassements hideux. Et toi qu’au seuil des grands le jour naissant réclame, Tu foules, pauvre époux, l’urine de ta femme! |
Nota bonæ secreta Deæ, cum
tibia lumbos
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De la
bonne déesse enfin nous connaissons Les mystères honteux, les hurlantes chansons, Quand le plaisir frissonne aux accords de la flûte, Lorsque pleines de vin, dans l’amoureuse lutte, Ménades de Priape, avec des cris nerveux, Elles courent, faisant tournoyer leurs cheveux. Comme leur voix s’éteint, comme leur tête penche! Quel flot large et vineux sur leurs jambes s’épanche! On pose une couronne: aussitôt Laufella Provoque les Phrynés que l’orgie appela, Et remporte le prix. Elle-même s’incline Devant l’impétueuse et chaude Médulline: C’est la seule vigueur qui donne ici les rangs. Rien n’est feint, tout est vrai: spectacles dévorants, Qui certe enflammeraient jusqu’au libertinage L’invalide Nestor, Priam, malgré son âge! Mais la rage est au comble; il faut d’autres combats: Chaque femme n’étreint qu’une femme en ses bras!... Alors ce même cri fait résonner tout l’antre: « Il est temps! admettez les hommes ! ... que l’on entre! » L’amant dort. Qu’on l’éveille, et qu’il accoure nu! Point d’amant? Un esclave! oui, le premier venu! Point d’esclave? Louez un portefaix de Rome! — Si l’on n’en trouve point, et que l’on manque d’homme, Elle est prête à subir, ne pouvant s’apaiser, D’un âne monstrueux le monstrueux baiser!... |
Atque utinam ritus veteres,
et publics saltem His intacta malis agerentur sacra ! Sed omnes Noverunt Mauri atque Indi, quæ psaltria penem Majorem quam sunt duo Cæsaris Anticatones Illuc, testiculi sibi conscius unde fugit mus, Intulerit, ubi velari pictura jubetur, Quæcumque alterius sexus imitata figuram est. Et quis tunc hominum contemptor numinis? aut quis Simpuvium ridere Numæ, nigrumque catinum, Et vaticano fragiles de monte patellas Ausus erat? Sed nunc ad quas non Clodius aras? Audio quid veteres olim moneatis amici: Pone seram : cohibe. Sed quis custodiet ipsos Custodes? Cauta est, et ab illis incipit uxor. |
Ah! nos
rites anciens et nos cérémonies, Du moins s’ils restaient purs de ces ignominies! Mais, des sables du Maure au Gange, ignore-t-on Qu’un Phallus, égalant les deux anti-Caton, Sous un habit de femme, a pollué l’enceinte Dont le rat mâle n’ose approcher : voûte sainte, Lieu pudique, lieu chaste, où des voiles discrets Tombent sur les tableaux qui figurent nos traits? Jadis, quel sacrilège eût méprisé l’argile, Les plats du Vatican, la patère fragile, L’auguste bassin noir du vieux Pompilius? Aujourd’hui quel autel n’a pas son Clodius? Parlez, mes vieux amis, conseillez-moi ... j’ecoute. —N’est-il plus ni verrous, ni gardiens?— Oui, sans doute; Mais qui les gardera ces gardiens ?... Malheureux? Une femme est rusée, et commence par eux! |
Jamque eadern summis pariter
minimisque libido: Nec melior silicem pedibus quæ conterit atrum, Quam quæ longorum vehitur cervice Syrorum. Ut spectet ludos, conducit Ogulnia vestem; Conducit comites, sellam, cervical, arnicas, Nutricem, et flavam, cui det mandata, puellam. Hæc tamen argenti superest quodcumque paterni Levibus athletis, ac vasa novissima donat. Multis res angusta domi; sed nulla pudorem Paupertatis habet, nec se metitur ad ilium Quem dedit hæc posuitque modum. Tamen utile quid sit Prospiciunt aliquando vin : frigusque famemque, Formica tandem quidam expavere magistra, Prodiga non sentit pereuntem femina censum: Ac, velut exhausta redivivus pullulet arca Nummus, et e pleno tollatur semper acervo, Non unquam reputat quanti sibi gaudia constent. |
Noble ou
non, toute femme aux débauches se rue: Celle qui va, foulant le pavé de la rue, Et la matrone enfin, que, sous d’épais rideaux, Des Syriens géants promènent sur leur dos. Pour assister aux jeux, Ogulnie a coutume De louer un cortège, un splendide costume, Une riche litière, un coussin, puis encor La nourrice, et l’esclave aimée, aux cheveux d’or. Adieu son patrimoine! Elle prodigue et jette A des gladiateurs imberbes, qu’elle achète, Jusqu’au dernier morceau de ses vases d’argent. Beaucoup vivent ici dans un faste indigent; Mais aucune qui soit pauvre et modeste, aucune Qui veuille mesurer son train à sa fortune! Du moins l’homme prévoit; l’homme plus sage enfin, Imitant la fourmi, craint le froid et la faim; Mais la femme jamais ne sent l’or qui s’épuise: Comme si, dans le coffre où sa main toujours puise, On voyait les écus renaître et pulluler, L’imprudente jouit, jouit sans calculer. |
Sunt quas eunuchi imbelles,
ac mollia semper Oscula delectent, ac desperatio barbæ, Et quod abortivo non est opus, Illa voluptas Summa tamen, quod jam calida matura juventa, Inguina traduntur medicis, jam pectine nigro. Ergo exspectatos, ac jussos crescere primum Testiculos, postquam cœperunt esse bilibres, Tonsoris damno tantum, rapit Heliodorus. Conspicuus longe, cunctisque notabilis intrat Balnea, nec dubie custodem vitis et horti Provocat, a domina factus spado. Dormiat ille Cum domina; sed tu jam durum, Posthume, jamque Tondendum eunucho Bromium committere noli. |
D’autres
aiment l’eunuque et ses molles délices, Ses baisers féminins, sans barbe, et toujours lisses, Qui donnent le plaisir sans la fécondité. Mais comme il ne faut pas nuire à la volupté, Héliodore attend que, pleins d’effervescence, Les organes mûris aient toute leur croissance. Enfin, quand sur le ventre un duvet noir se tord, Au barbier seulement le médecin fait tort. Celui qu’une maîtresse avec tant d’art mutile, A peine il a des bains franchi le péristyle, On admire? Il peut, lui, sans craindre ses dédains, Provoquer hardiment le grand dieu des jardins. Qu’il dorme avec ta femme, et qu’elle le défie? Mais à pareil eunuque, oh! jamais ne confie Ton Bromius aimé, ce bel adolescent, Malgré ses flancs nerveux, malgré son poil naissant. |
Si gaudet cantu, nuilius
fibula durat Vocem vendentis prætoribus : organa semper In manibus: densi radiant testudine tota Sardonyches: crispe numerantur pectine chordæ, Quo tener Hedymeles operam dedit: hunc tenet, hoc se Solatur, gratoque indulget basia plectro. Quædam de numero Lamiarum, ac nominis alti Cum farre et vino Janum vestamque rogabat, An Capitolinam deberet Pollio quercum Sperare, et fidibus promittere. Quid faceret plus Ægrotante viro? medicis quid tristibus erga Filiolum? Stetit ante aram, nec turpe putavit Pro cithara velare caput; dictataque verba Pertulit, ut mos est, et aperta palluit agna. Dic mihi nunc, quæso, dic, antiquissime Divum, Respondes his, Jane pater? Magna otia cœli! Non est, ut video, non est, quod agatur apud vos. Hæc de comœdis te consulit: illa tragœdum Commendare volet: varicosus fiet aruspe. |
De
musique et de chant si ta femme est éprise, Il faut de tout chanteur que la boucle se brise. Des Amphions, gagés par l’édile romain, La cithare qu’elle aime est toujours dans sa main. Le feu de ses rubis, sur l’instrument qui vibre, Court, et l’archet frissonne en pressant chaque fibre. Ses doigts, son cœur, sa bouche étreignent cet archet, Que son Hédymélès si mollement touchait. Dans ses libations, une patricienne Du sang des Lamia, cette famille ancienne, A Janus, à Vesta demandait tour à tour Si Pollion, joueur de lyre, son amour, Pouvait au Capitole, à la fête prochaine, Espérer, triomphant, la couronne de chêne. Pour un fils moribond qu’eût-elle fait de plus, Quand les secours de l’art deviennent superflus? Debout devant l’autel, cette femme en délire Ose voiler son front pour un joueur de lyre, Et, répétant les mots que l’aruspice lit, Auprès de la victime ouverte, elle pâlit! O toi le plus ancien des dieux, Janus, ô père! Non, tu ne daignes pas leur répondre, j’espère? Vous êtes bien oisifs là-haut, vous autres dieux: Je ne sais pas vraiment ce qu’on fait dans les cieux! Bouffons, tragédiens, tous ont leurs sacrifices: Le prêtre y gagnera quelque jour des varices! |
Sed cautet potius quam totem
pervolet urbem Audax et cœtus possit quam ferre virorum; Cumque paludatis ducibus, præsente marito, Ipsa loqui recta facie, strictisque mamillis. Hæc eadem novit quid toto fiat in orbe, Quid Seres, quid Thraces agant: secreta novercæ Et pueri : quis amet, quis decipiatur adulter. Dicet quis viduam prægnantem fecerit, et quo Mense: quibus verbis concumbat quæque, modis quot. Instantem regi Armenio, Parthoque cometen Prima videt : famam, rumoresque illa recentes Excipit ad portas : quosdam facit. Isse Niphaten In populos, magnoque illic cuncta arva teneri Diluvio, nutare urbes, subsidere terras, Quocumque in trivio, cuicumque est obvia, narrat. |
Que ton
épouse chante! oui, plutôt ce métier Que d’aller hardiment, de quartier en quartier, La gorge et le front hauts, l’air plein de suffisance, Apostropher soldats et peuple en ta présence. Pareille femme sait tout l’univers à fond: Ce que les Indiens, ce que les Thraces font; Le secret du beau-fils et de la belle-mère; Les amants qu’on s’arrache, et l’intrigue éphémère, Et de qui cette veuve est grosse, et de quel jour, Et ses cris, sa posture au mystère d’amour. La première elle a vu l’astre, fatal Génie, Qui menace les rois de Perse et d’Arménie. Aux portes de la ville et parmi les clameurs, Recueillant tous les bruits et toutes les rumeurs Elle en forge parfois. C’est le Niphate immense, Qui sur un peuple entier bondit comme en démence, Et dans la plaine au loin roule ses noirs limons; Là tremblent des cités, là s’abaissent des monts. Dans tous les carrefours, avec effronterie, Voilà ce qu’aux passants elle débite et crie. |
Nec tamen id vitium magis
intolerabile, quam quæ Vicinos humiles rapere, et concidere loris Exorata solet; nal si latratibus alti Rumpuntur somni, fustes huc ocius, inquit, Afferte, atque illis dominum jubet ante feriri, Deinde canem. Gravis occursu, teterrima vultu, Balnea nocte subit: conchas et castra moveri Nocte jubet: magno gaudet sudare tumultu, Cum lassata gravi ceciderunt brachia massa, Callidus et cristæ digitos impressit aliptes, Ac summum dominæ femur exclamare cœgit. Convivæ miseri interes somnoque fameque Urgentur. Tandem illa venit rubicundula, totum Œnophorum sitiens, plena quod tenditur urna, Admotum pedibus, de quo sextarius alter Ducitur ante cibum, rabidam facturus orexim. Dum redit, et loto terram ferit intestino, Marmoribus rivi properant, aut lata Falernum Pelvis olet: nam sic, tanquam alta in dolia longus Deciderit serpens, bibit et vomit. Ergo maritus Nauseat, atque oculis bilem substringit opertis. |
Mais plus intolérable est la femme au
cœur dur, |
Illa tamen gravior, quæ, cum
discumbere cœpit, Laudat Virgilium, perituræ ignoscit Elisa: Committit vates et comparat; inde Maronem, Atque alia parte in trutina suspendit Homerum. Cedunt grammatici, vincuntur rhetores, omnis Turba jacet, nec causidicus, nec præco loquatur, Altera nec mulier; verborum tanta cadit vis! Tot pariter pelves, tot tintinnabula dicas Pulsari. Jam nemo tubas, nemo æra fatiget: Una laboranti poterit succurrere Lunæ. |
Pire
encore, cette autre, au début d’un repas, Justifiant Didon, son amour, son trépas, Exalte l’Énéide; et sa balance agile Pèse tous les auteurs, pèse Homère et Virgile. Elle parle, elle parle: assourdis, convaincus, Rhéteurs, grammairiens se déclarent vaincus, Et la foule se tait. Dans ce tapage extrême, L’avocat, le crieur, une autre femme même, Tout parlerait en vain. Quel flux! quel tourbillon! Quel cliquetis de mots! C’est comme un carillon, Bruit de cymbales, bruit de sonores clochettes. — Qu’on ne fatigue plus l’airain ni les trompettes: A cette femme seule il faut avoir recours, Quand la lune en travail demandera secours. |
Imponit finem sapiens et
rebus honestis. Nam quæ docte nimis cupit et facunda videri, Crure tenus medio tunicas succingere debet, Cædere Sylvano porcum, quadrante lavari Non habeat matrona, tibi quæ juncta recumbit, Dicendi genus; aut curtum sermone rotato Torqueat enthymema, nec historias sciat omnes: Sed quædam ex libris et non intelligat. Odi Hanc ego, quæ repetit volvitque Palæmoms artem. Servata semper lege et ratione loquendi, Ignotosque mihi tenet antiquaria versus; Nec curanda viris opicæ castigat amicæ Verbe. Solœcasmum liceat fecisse marito. |
L’excès
d’un bien peut nuire, et le sage l’évite. Femme qui veux paraître éloquente, allons, vite, Sois homme; et, retroussant la tunique au genou, Offre un porc à Sylvain, baigne-toi pour un sou! Qu’elle n’ait pas toujours de grands mots à la bouche, La matrone qui doit reposer dans ta couche. Défends-lui de citer l’histoire à tout propos; Qu’elle ne lance pas, sans trêve et sans repos, Comme avec une fronde, un rapide enthymème; Qu’elle lise, mais peu, sans trop comprendre même. Oh! combien je la hais, celle qu’un noir démon Courbe sur les écrits du savant Palémon; Celle qui, mesurant ses phrases à l’équerre, Fouille les vieux auteurs et parle en antiquaire! Dans une campagnarde elle va critiquer Des fautes, qu’on pourrait à peine remarquer Dans la bouche d’un homme... Ennuyeux atticisme! Qu’un mari puisse faire au moins un solécisme! |
Nil non permittit mulier
sibi: turpe putat nil, Cum virides gemmas collo circumdedit, et cum Auribus extensis magnos commisit elenchos. Intolerabilius nihil est quam femina dives. Interea fœda aspectu, ridendaque multo Pane tumet facies, aut pinguia Poppæana Spirat, et hinc miseri viscantur labra menti. Ad mœchum lota veniunt cute. Quando videri Vult formosa domi? Mœchis foliata parantur: His emitur quidquid graciles huc mittitis, Indi. Tandem aperit vultum, et tectoria prima reponit: Incipit agnosci, atque illo lacte fovetur, Propter quod secum comites educit asellas , Exul hyperboreum si dimittatur ad axem. Sed quæ mutatis inducitur, atque fovetur Tot medicaminibus, coctæque siliginis offas Accipit et madidæ, fades dicetur, an ulcus? |
Une
femme devient un monstre tout à coup, Quand l’émeraude brille et serpente à son cou, Lorsque de lourds pendants allongent ses oreilles. Une femme opulente, oh! douleurs sans pareilles! Qu’elle est charmante à voir, et comme elle séduit, Quand son visage, enflé d’un glutineux enduit, Exhale affreusement les parfums de Poppée! Le pauvre époux y colle une lèvre crispée. Elle se lavera, mais pour ses rendez-vous: Elle est toujours assez belle pour un époux! Pour l’amant, on apprête et le nard et l’amome, Tout ce que l’indien délicat vend à Rome. Elle remontre enfin sa figure au soleil, Et lève par degrés le premier appareil: il se peut maintenant que tu la reconnaisses. Puis, c’est un bain de lait, fourni par des ânesses, Qui suivraient son exil aux régions du nord. Mais cette face humide et grasse, qui se tord Sous le masque d’onguents qui l’empâte et la serre, Regarde, est-ce un visage? ou bien est-ce un ulcère? |
Est pretium curæ penitus
cognoscere, toto Quid faciant agitentque die. Si nocte maritus Aversus jacuit, periit libraria; ponunt Cosmetæ tunicas; tarde venisse Liburnus Dicitur, et pœnas alieni pendere somni Cogitur. Hic frangit ferulas, rubet ille flagello, Hic scutica. Sunt quæ tortoribus annua præstent. Verberat atque obiter faciem unit; audit amicas, Aut latum pictæ vestis considerat aurum, Et cædit; longi relegit tranversa diurni, Et cædit, donec, lassis cædentibus : Eri Intonet horrendum, jam cognitione peracta. |
Pendant
le jour entier voici ce qu’elles font: Si l’époux a dormi d’un sommeil trop profond, intendante ou coiffeuse, une maîtresse inique Leur fera sur le champ dépouiller la tunique. Le grand Liburnien tarde? Point de pitié! Du sommeil de son maître il sera châtié. Les verges et les fouets, les dures étrivières Sifflent, et font couler de sanglantes rivières!... Même il en est plusieurs qui gagent des bourreaux. On frappe; et, s’accoudant sur de moelleux carreaux, Elle se peint la joue; elle cause, elle arrange D’une robe splendide et les plis et la frange. On frappe, on frappe encore; et, d’un air machinal, Elle froisse et parcourt un vaste et long journal. Lorsque enfin des bourreaux la main retombe lasse, Si voix tonne effrayante: « Allons! c’est fini! Passe! » |
Præfectura domus sicula non
mitior aula! Nam si constituit, solitoque decentius optat Ornari, et properat, jamque exspectatur in hortis, Aut apud Isiacæ potius sacraria lenæ: Disponit crinem, laceratis ipsa capillis, Nuda humeros Psecas infelix, undisque mamillis. Altior hic quare cincinnus? Taurea punit Continuo flexi crimen facinusque capilli. Quid Psecas admisit? quænam est hic culpa puellæ, Si tibi displicuit nasus tuus? Altera lævum Extendit, pectitque comas, et volvit in orbem. Est in concilio matrona, admotaque lanis Emerita quæ cessat acu : sententia prima Hujus erit: post banc, ætate atque arte minores Censebunt, tanquam famæ discrimen agatur, Aut animæ: tanta est quærendi cura decoris! Tot premit ordinibus, tot adhuc compagibus altum Ædificat caput: Andromachen a fronte videbis; Post minor est: credas aliam. Cedo, si breve parvi Sortita est lateris spatium, breviorque videtur Virgine Pygmæa, nullis adjuta cothurnis, Et levis erecta consurgit ad oscula planta. |
Le joug
de Phalaris pesait moins lourdement! Veut-elle plus de goût dans son ajustement; Veut-elle, en nos jardins, que chacun la contemple; Isis lui promet-elle un amant dans son temple; Le dos nu, les cheveux épars, une Psécas La frise d’une main tremblante. Quel fracas! Écoutez... « Malheureuse! Une boucle trop haute! » Et, vite, un nerf de bœuf a châtié la faute. Qu’a fait la pauvre fille? Oui, ton visage est laid; Mais faut-il la punir, si ton nez te déplaît? — Une autre, à gauche, vient réparer le désordre, Rassembler les cheveux sous le peigne, et les tordre. Une vieille préside au conseil imposant: Elle tenait l’aiguille, elle file à présent. On consulte d’abord cette vieille émérite; Puis chacune, selon son âge et son mérite. Tu dirais que la vie et l’honneur sont en jeu: Mais, près de la beauté, combien l’honneur est peu! Sa coiffure, bâtie avec tant d’artifice, S’élève par étage ainsi qu’un édifice: De face, elle grandit; majestueuse, on croit Voir la femme d’Hector... Derrière, elle décroît. Que sera-ce, bons dieux! si ton épouse aimée, Sans cothurnes, paraît moins haute qu’un Pygmée; Et courte, pour atteindre au baiser du galant, Sur la pointe des pieds se dresse en chancelant? |
Nulla viri cura interea, nec
mentio fiet Damnorum : vivit tanquam vicina mariti. Hoc solo propior, quod amicos conjugis odit, Et servos: gravis est rationibus. Ecce furentis Bellonæ, matrisque deum chorus intrat, et ingens Semivir, obsceno facies reverenda minori, Molla qui rupta secuit genitalia testa Jampridem, cui rauca cohors, cui tympana cedunt Plebeia, et phrygia vestitur bucca tiara; Grande sonat, metuique jubet Septembris et Austri Adventum, nisi se centum lustraverit ovis, Et xerampelinas veteres donaverit ipsi, Ut quidquid subiti et magni discriminis instat, In tunicas est, et totum semel expiet annum. Hybernum fracta glacie descendet in amnem; Ter matutino Tiberi mergetur, et ipsis Vorticibus timidum caput abluet: inde Superbi Totum Regis agrum nuda ac tremebunda cruentis Erepet genibus. Si candida jusserit Io, Ibit ad Ægypti finem, calidaque petitas A Meroë portebit aquæ, ut spargat in ædem Isidis, antiquo quæ proxima surgit ovili: Credit enim ipsius dominæ se voce moneri. En animam et mentem, cum qua Di nocte loguantur! Ergo hic præcipuum summumque meretur honorem, Qui grege linigero circumdatus et grege calvo, Plangentis populi currit derisor Anubis. Ille petit veniam, quoties non abstinet uxor Concubitu, sacris observandisque diebus; Magnaque debetur violato pœna cadurco, Et movisse caput visa est argentea serpens. Illius lacrymæ meditataque murmura præstent Ut veniam culpæ non abnuat, ansere magno Scilicet et tenui popano corruptus Osiris. |
Que lui font tes chagrins, que lui
fait ta ruine?
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Quum dedit ille locum,
cophino fœnoque relicto, Arcanam Judæa tremens mendicat in aurem, Interpres legum Solymarum, et magna sacerdos Arboris, ac summi fida internuntia cœli. Implet et ille manum, sed parcius. Ære minuto, Qualiacumque voles, Judæi somnia vendunt. |
Il sort;
entre une Juive. Interprète des lois De Solyme et du ciel, prêtresse du Grand-Bois, Elle vient de quitter son foin et sa corbeille. Tremblante, elle murmure, et mendie à l’oreille. On lui donne, mais peu : n’en soyez pas surpris, Les visions des Juifs se vendent à bas prix. |
Spondet amatorem tenerum,
vel divitis orbi Testamentum ingens, calidæ pulmone columbæ Tractato, Armenius vel Commagenus aruspex. Pectora pullorum rimabitur, exta catelli, Interdum et pueri: faciet qod deferat ipse. |
Qu’elle
veuille un amant, que son époux la gêne, Un prêtre d’Arménie, ou bien de Commagène, D’une jeune colombe ouvre le cœur fumant. A-t-elle convoité le riche testament D’un vieillard sans famille, — il consulte le foie, Les entrailles d’un chien, et le poumon d’une oie, Ou même d’un enfant, que l’on égorge exprès!... Il consomme le meurtre, et le dénonce après. |
Chaldæis sed major erit
fiducia : quidquid Dixerit astrologus, credent a fonte relatum Ammonis, quoniam Delphis oracala cessant, Et genus humanum damnat caligo futuri. Præcipuus tamen est horum, qui sæpius exul, Cujus amicitia conducendaque tabella, Magnus civis obiit, et formidatus Othoni. Inde fides arti, sonult si dextera ferro, Lævaque, si longo castrorum in carcere mansit. Nemo mathematicus genium indemnatus habebit: Sed qui pene periit, cui vix in Cyclada mitti Contigit, et parva tandem caruisse Seripho. Consulit ictericæ lento de funere matris, Ante tamen de te, Tanaquil tua: quando sororem Efferat et patruos? an sit victurus adulter Poet ipsam? quid euh majus dare numina possunt? |
Mais le
Chaldéen parle, et la femme, ô miracle! De Jupiter Ammon croit entendre l’oracle; Car Delphes est muet, et notre œil éperdu Dans l’avenir plein d’ombre à jamais est perdu. De tous ces imposteurs, ici, le plus en vogue, C’est le plus fréquemment banni, c’est l’astrologue, Dont la vénale main traça (l’ignore-t-on?) La mort de ce guerrier, terreur du lâche Othon. Au camp prétorien, si, dans les cachots mornes, Tu ployas sous les fers, ton crédit est sans bornes! Les condamnations illustrent le devin: Au sortir des prisons, c’est un homme divin, Si, quand déjà la mort le tenait dans sa griffe, Il parvint à s’enfuir de l’étroite Sériphe. Ta femme, consultant ce héros de l’exil, L’interroge sur toi, nouvelle Tanaquil. Quand pourra-t-elle, après une trop longue attente, Conduire à leur bûcher mère, sœur, oncle, et tante? Son amant lui doit-il survivre? sa ferveur Implore des grands dieux cette immense faveur. |
Hæc tamen ignorat quid sidus
triste minetur Saturni, quo læta Venus se proferat astro, Quis mensis damno, quæ dentur tempora lucro. Illius occursus etiam vitare memento, In cujus manibus, ceu pinguia succina, tritas Cernis ephemeridas; quæ nullum consulit, et jam Consulitur; quæ, castra viro patriamque petente, Non ibit pariter, numeris revocata Thrasylli. Ad primum lapidem vectari quum placet, hora Sumitur ex libro: si prurit frictus ocelli Angulus, inspecta genesi, collyria poscit. Ægra licet jaceat, capiendo nulla videtur Aptior hora cibo, nisi quam dederit Petosiris. |
Mais du
moins cette femme, elle ignore, ô Saturne, Ce que présage au ciel ton astre taciturne, Sous quel signe Vénus est favorable ou non; Des mois bons ou mauvais elle ignore le nom. Fuis celle qui toujours, entre ses mains arides, Tient les jaunes feuillets de ses éphémérides; Qui ne consulte plus, et se fait consulter; Celle enfin qui jamais n’oserait escorter Son époux dans les camps, son époux qui s’exile, Dès que l’heure est contraire aux nombres de Thrasylle. Pour une promenade, elle hésite, elle attend Que son livre magique ait décidé l’instant. Lorsqu’un œil lui démange, elle se met à lire Sou vieux grimoire, avant de songer au collyre. Elle est au lit, malade, et n’a jamais rien pris Qu’aux moments désignés dans son Pétosiris. |
Si mediocis erit, spatium
lustrabit utrumque Metarum, et sortes ducet, frontemque manumque Præbebit vati crebrum poppysma roganti. Divitibus responsa dabunt Phryx augur et Indus Conductus: dabit astrorum mundique peritus, Atque aliquis senior, qui publica fulgura condit. Plebeium in circo positum est et in aggere fatum. Quæ nudis longum ostendit cervicibus aurum, Consulit ante Phalas delphinorumque columnas, An saga vendenti nubat, caupone relicto. |
Pauvre,
elle va tournant dans le cirque, et présente Au sorcier qui l’appelle une main complaisante. Riche, de la Phrygie et de l’Inde, à grands frais, Elle mande un augure, ou fait venir exprès L’astronome savant, le prêtre centenaire Qui purge les saints lieux qu’a frappés le tonnerre. Le cirque, le rempart du vieux Tarquin, c’est là Que s’agitent les sorts populaires... Voilà Ces colonnes de marbre, en dauphins terminées, Où, près des tours de bois, cherchant ses destinées, La plébéienne court savoir pour un denier Si le fripier vaut mieux que son gros tavernier. |
Hæ tamen et partus subeunt
discrimen, et omnes Nutricis tolerant, fortuna urgente, labores: Sed jacet aurato vix ulla puerpera lecto; Tantum artes hujus, tantum medicamina possunt, Quæ steriles facit, atque homines in ventre necandos Conducit ! Gaude, infelix, atque ipse bibendum Porrige quidquid erit: nam si distendere vellet Et vexare uterum pueris salientibus, esses Æthiopis fortasse pater; mox decolor heres Impleret tabulas, nunquam tibi mane videndus. |
Ces
femmes-là, du moins, leur indigence amère Les voue au dur métier de nourrice et de mère; Mais, sur les couches d’or, en est-il aujourd’hui Qui de l’enfantement veuillent subir l’ennui? Tant cette empoisonneuse, au sein qui le renferme, Est habile à tuer l’homme encor dans son germe! Quel bonheur, pauvre époux! Si ta femme conçoit, Le tout-puissant breuvage, offre-le, quel qu’il soit; Car, intrépide enfin, si ton épouse tendre Voulait sentir son flanc s’élargir et se tendre Sous le fruit tressaillant d’un adultère amour, Peut-être un Africain serait ton fils un jour; Et de cet héritier, au teint couleur de bistre, Tu fuirais le matin la rencontre sinistre! |
Transeo suppositos, et
gaudia votaque sæpe
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Je ne te
parle pas des enfants supposés, La nuit, près du Vélabre infâme, déposés, Qui trompent des maris l’espérance et la joie. Les prêtres Saliens, ce lac nous les envoie. Sous le nom des Scaurus quelque jour triomphants, La maligne Fortune accueille ces enfants, Leur sourit, dans ses bras les serre avec tendresse: Mystérieux acteurs, sa main d’abord les dresse, Et les produit enfin dans nos grandes maisons. Elle adopte et chérit ces obscurs nourrissons. |
Hic magicos affert cantus,
hic thessala vendit Philtra quibus valeant mentem vexare mariti, Et solea pulsare nates. Quod desipis, inde est; Inde animi caligo, et magna oblivio rerum Quas modo gessisti. Tamen hoc tolerabile, si non Et furere incipies, ut avunculus ille Neronis, Cul totam tremuli frontem Cæsonia pulli Infudit. Quæ non faciet quod principis uxor? Ardebant cuncta, et, fracta compage, ruebant Non aliter quæ fessicet Juno maritum Insanum. Minus ergo nocens erit Agrippinæ Boletus, siquidem unius præcordia pressit Ille senis, tremulumque caput descendere jussit In cœlum, et longam manantia labra salivam. Hæc poscit ferrum atque ignes; hæc potio torquet; Hæc lacerat mistos equitum cum sanguine patres. Tanti partus equæ ! tanti una benefica constat ! |
Aux
femmes l’un vendra des recettes magiques L’autre, Thessalien, ses philtres énergiques, Destinés à troubler le cerveau d’un époux, Qui gémit, écrasé d’outrages et de coups. De là, dans ton esprit ces ténèbres glaçantes, Et cet oubli profond des actions récentes... Insensé, passe encor, si tu n’as la fureur De l’oncle de Néron, du féroce. empereur A qui Césonia fit boire l’Hippomane, Horrible potion d’où la folie émane! Qui ne fait ce que fit l’épouse de César? Tout dans le monde en feu s’écroulait au hasard, Comme si, déchaînant cette immense tempête, Junon de son époux eût dérangé la tête. Le bolet d’Agrippine est moins pernicieux: Il a précipité seulement dans les cieux Un vieillard imbécile, à la tête branlante, A la bouche toujours ouverte et ruisselante. Mais chevaliers, sénat, ce breuvage d’enfer Confond tout dans la mort, sous la flamme, et le fer! Hippomane, boisson folle et vertigineuse!... Oh! que de maux produits par une empoisonneuse! Si de la concubine elle abhorre l’enfant, |
Oderunt natos de pellice:
nemo repugnet, Nemo vetet; jam jam privignum occidere fas est. Vos ego, pupilli, moneo, quibus amplior est res, Custodite animas, et nulli credite mensæ Livida materno fervent adipata veneno. Mordeat ante aliquis, quidquid porrexerit illa Quæ peperit; timidus prægustet pocula pappas. |
Qui l’en
blâme? personne. Est-ce qu’on lui défend De haïr, de tuer les fils d’une autre épouse? Riches pupilles, vous qu’en secret on jalouse, Veillez bien sur vos jours, veillez matin et soir; Redoutez les banquets où l’on vous fait asseoir: Le poison d’une mère enfle ces mets livides! Tout ce qu’elle présente à vos lèvres avides, Qu’un autre avant le goûte; et ce plat trop vante, Que votre gouverneur l’essaye, épouvanté! |
Fingimus hæc, altum satira
sumente cothurnum Sciilicet: et, finem egressi legemque priorutu, Grande sophocleo carmen bacchamur hiatu, Montibus ignotum Rutulis cœloque Latino. Nos utinam vani ! sed clamat Pontia: Feci, Confiteor, puerisque meis aconita paravi, Quæ deprensa patent : facinus tamen ipsa peregi. Tune duos una, sævissima vipera, cœna? Tune duos? Septem, si septem forte fuissent. Credamus tragicis, quidquid de Colchide torva Dicitur et Procne. Nu contra conor, et illæ Grandia monstra suis audebant temporibus; sed Non propter nummos. Minor admiratio summis Debetur monstris, quoties facit ira nocentem Hunc sexum : rabie jecur incendente feruntur Præcipites, ut saxa jugis abrupta, quibus mons Subtrahitur, clivoque latus pendente recedit. Illam ego non tulerim, quæ computat, et scelus ingens Sana facit. Spectant subeuntem fata mariti Alcestim; et, similis si permutatio detur, Morte viri cupiant animam servare catellæ. Occurrent multæ tibi Belides atque Eriphylæ: Mane Clytemnestram nullus non vicus hahebit. Hoc tantum refert, quod Tyndaris illa bipennem Insulsam et fatuam dextra lævaque tenebat; At nunc res agitur tenui pulmone rubetæ: Sed tamen et ferro, si prægustarit Atrides Pontica ter victi cautus medicamina Regis |
Mais
j’invente, et, peut-être ici trop énergique, Ma satire, chaussant le cothurne tragique, Hurle emphatiquement des forfaits, inconnus Au ciel Rutule, aux monts sacrés de Latinus... J’invente? Plût aux dieux! Pontia parle: écoute! — Je l’ai fait! je l’avoue. Oui! personne n’en doute; Moi-même, à mes enfants, j’ai versé l’aconit: Dans un même repas cette main les unit. — Eh quoi! tes deux enfants, exécrable vipère! Tous deux à la fois! — Sept! si j’eusse été leur mère. Quand la muse tragique, effrayant les échos, Chante Procné sanglante, et Médée à Colchos, Croyons-la, tout est vrai! Ces monstrueuses femmes, L’intérêt n’armait pas du moins leurs bras infâmes! Des crimes de leur sexe il faut peu s’étonner, Quand c’est la passion qui vient les ordonner: Une femme en fureur, c’est un rocher qui croule, Et qui, du haut des monts, de pente en pente roule!... Mais plus hideuse encor celle qui sans effroi Calcule un grand forfait, et l’exécute à froid! Viens aux théâtres, viens : pas une qui n’admette Le dévouement d’Alceste, expirant pour Admète; Mais dans l’occasion, pour le chien favori, Elles sacrifieraient sans pitié leur mari. Partout une Eriphyle, et pas une Hypermnestre! Demain, chaque quartier aura sa Clytemnestre. Mais elle, en ses transports furieux, surhumains, Aveugle, brandissait la hache des deux mains: Un poumon de grenouille ici clôt l’anecdote. Le fer est là, d’ailleurs, si du vieux antidote Atride s’est muni pour rester ici-bas; Comme ce roi de Pont vaincu dans trois combats. |
NOTES SUR LA SATIRE VI.
V. 1. Credo Pudicitiam, etc. — Les Romains firent de la pudeur une déesse qui avait à Rome des temples et des autels. V. 7. Haud similis tibi, Cynthia, nec tibi, etc. — Cynthie, maîtresse de Properce. Lesbie, maîtresse de Catulle. Elles vivaient toutes deux sous Auguste. V. 17. Per caput alterius, etc. —Les Grecs prêtaient serment sur la tête de leurs enfants ou de leur père. V. 19. Astræa. —Astrée, fille de Jupiter et de Thémis. V. 34. Nonne putas melius, etc. — Il ne faut pas prendre au sérieux cet étrange conseil, qui n’est qu’un trait de satire. V. 3. Lex Julia, etc. — Plusieurs lois, portées tant par Jules César que par Auguste, furent comprises sous le titre commun de Julia. V. 40. Mullorumque jubis, etc. — Les surmulets barbus étaient les plus estimés. V. 44. Ciste Latini. — Ce Latinus jouait dans quelque farce le rôle d’un adultère surpris par le mari. V. 63. Saltante Bathyllo. — Bathylle, fameux pantomime natif d’Alexandrie, vint à Rome pendant le règne d’Auguste, et fut affranchi de Mécène. V. 69. Megalesia. — Les jeux Mégalésiens duraient six jours; ils furent institués l’an de Rome 550, en l’honneur de Cybèle. V. 73. Comœdi fibula. — Cette boucle avait pour objet de conserver aux gladiateurs la force, aux chanteurs la voix, en les empêchant d’avoir aucun commerce avec les femmes. Cette opération bizarre s’appelait Infibulation. V. 83 et suivant. Famosaque mœnia Lagi, etc. — Lagus, simple soldat de l’armée d’Alexandre, fut père de Ptolémée qui régna dans Alexandrie. — Canope, ville d’Égypte, éloignée de cent vingt stades d’Alexandrie. Ces deux villes étalent fort décriées pour leurs débauches. V. 87. Paridem, etc. — Ce Pâris, célèbre pantomime, originaire d’Égypte, fut mis à mort par Domitien. (Voyez Dion Cassius.) V. 113. Veiento. — Veienton, mari d’Hippia. V. 123. Titulum mentita Lyciscæ. — Chaque cellule portait pour inscription le nom de la courtisane qui l’occupait. V. 130. Et lassata viris, etc. —Cet effrayant tableau des désordres de Messaline n’est point une exagération de Juvénal. Tacite, au chapitre 26 du livre XI des Annales, parle de Messaline en ces termes: Jam Messalina, facilitate adulterorum in fastidium versa, ad incognitas libidines profluebat. Thomas, l’auteur des Eloges, nous a laissé une fort belle imitation de ce magnifique et terrible épisode; mais ses vers, beaucoup trop prolixes, ont un caractère emphatique et vague qui ne convient guère au ton de Juvénal. Le hideux lupanar s’est transformé, sous la plume de Thomas, en dômes et en parvis. Quant aux détails spéciaux, aux particularités significatives, au coloris énergique et cru du poète latin, ils ont complètement disparu dans la paraphrase du versificateur français. Nous avons taché d’être plus vigoureux, et surtout plus exact. La difficulté était prodigieuse! Aurons-nous mieux réussi? V. 133. Hippomanes, etc. — Tous les auteurs anciens ne s’accordent pas sur la nature de l’hippomane. Les uns disent que c’est une liqueur qui coule des parties sexuelles d’une jument en chaleur; les autres prétendent que c’est une excroissance de chair qui s’engendre quelquefois au front d’un poulain nouveau-né. L’hippomane était considéré comme un philtre d’amour très puissant. On l’employait aussi dans les maléfices. V. 156. Murrhina. — Tout ce qu’on sait des vases murrhins, c’est qu’ils étaient fort rares et d’un prix excessif. Néron acheta un de ces vases trois cents talents, ce qui fait environ un million et demi de nos livres. (Voyez Pline au chapitre ii du livre XXXVII.) V. 160. Et vetus indulget, etc. — La loi de Moïse défendait aux Juifs de se nourrir de la viande de porc. V. 204. Quod prima pro nocte datur, etc. — Le jour des noces, on offrait à la nouvelle épouse des pièces d’or ou d’argent dans un riche bassin. V. 236. Archigenen. — Archigènes, célèbre médecin, vivait sous Trajan. V. 246. Endromidas, etc. — L’endromide était une sorte de manteau à l’usage des athlètes. V. 250. Florali rnatrona tuba. — Les jeux de Flore devinrent si licencieux, que les courtisanes s’y rendaient toutes nues au son de la trompette. V. 337. Quæ psaltria, etc. — Publius Clodius fut surpris en habits de femme dans la maison de Pompéia, épouse de César. César la répudia. V. 338. Duo Cæsaris Anticatones. — Les deux Anti-Caton, libelle composé par César contre Caton d’Utique. Cet ouvrage formait sans doute un énorme rouleau. V. 378. Tondendum eunucho Bromium, etc. — Pour bien entendre ce passage, il faut peut-être recourir à l’étrange commentaire de Lubin. Ce commentaire, nous laissons à d’autres le soin de le traduire: « O Posthume, talis eunuchus membro egreie instructus dormiat cum domina sua, id est, conjuge, quæ illius membri enormitatem facile sustinere et tolerare poterit. At vero concubitum tuum Bromium, quamvis jam durum, virilem, et jam barbatum et tondendum, cave hujusmodi eunucho committas. Si cum illo enim dormiret, ilium sua enormitate prorsus diffunderet, et corrumperet. » V. 409. Niphaten, etc. — Le Niphate, fleuve d’Arménie. V. 443. Una laboranti, etc. — On croyait, dans l’antiquité, que les magiciennes avaient le pouvoir de faire descendre la lune sur la terre. Dans les éclipses de lune ou de soleil, on frappait à grand bruit sur des chaudrons et d’autres instruments de cuivre, pour effrayer les sorciers et secourir l’astre en travail. V. 446 et 447. — Crure tenus medio, etc. — Les hommes portaient la tunique retroussée; les femmes étaient vêtues d’une robe qui leur descendait jusqu’aux talons. — Les hommes pavaient moins cher que les femmes pour entrer aux bains. — Silvain était le génie des hommes, comme Junon celui des femmes. V. 450. Enthymema. — L’enthymème, espèce de syllogisme abrégé. V. 462. Poppæana. — Parfums à l’usage de Poppée, seconde femme de Néron, et primitivement sa concubine. V. 489. Aut apud Isiacæ, etc. — Le temple d’Isis était le rendez-vous ordinaire des intrigues amoureuses. V. 491. Psecas, etc. —Nom donné aux jeunes esclaves chargées de parfumer la coiffure de leurs maîtresses; du mot grec yekazein, arroser. V. 634. Anubis. — Dieu des Égyptiens, adoré sous la figure d’un homme avec une tête de chien. V. 541. Osiris.—La plus grande divinité des Égyptiens; personnification du Soleil. V. 544. Magna sacerdos Arboris, etc. — Il est ici question de la forêt d’Aricie, près de Rome. V. 564. Seripho, etc. — Sériphe, île de l’Archipel, et l’une des Cyclades. V. 566. Tanaquil tua. — Tanaquil, femme de Tarquin l’Ancien, présagea que son époux régnerait. V. 574. Ephemeridas. — Les éphémérides sont des tables où se trouve relaté, jour par jour, l’état du ciel. V. 576. Thrasylli. —Thrasylle, célèbre astrologue, aimé de Tibère. V. 582. Petosiris. — Autre astrologue fameux, dont Pline fait mention au livre VIII. V. 603 et 604. Ad spurcos decepta lacus, etc. — Le lac Vélabre servait de réservoir aux immondices de toute la ville : il était situé au pied du mont Aventin. — Pour entrer dans le collège des Saliens ou pontifes de Mars, il fallait être de famille patricienne. Ce collège de prêtres fut institué par Numa. V. 615. Avunculus ille Neronis. — Cet oncle de Néron est Caligula, frère d’Agrippine. V. 661. Pontica ter victi, etc. — Mithridate fut vaincu trois fois: la première, par Sylla; la seconde, par Lucullus; la troisième, par le grand Pompée.
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