JUVÉNAL

 

SATIRE VI

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

SATURA VI / SATIRE VI.

(Traduction de L. V. Raoul, 1812)

satire V - satire VII

 

autre traduction

 

 


 

 

SATURA VI

MULIERES

SATIRE VI

LES FEMMES

Credo Pudicitiam, Saturno rege, moratam
In terris, visamque diu, quum frigida parvas
Praeberet spelunca domos ignemque laremque
Et pecus et dominos communi clauderet umbra:
Sylvestrem montana torum cum sterneret uxor
Frondibus et culmo vicinarumque ferarum
Pellibus : haud similis tibi, Cynthia, nec tibi, cujus
Turbavit nitidos extinctus passer ocellos;
Sed potanda ferens infantibus ubera magnis
Et saepe horridior glandem ructante marito.
Quippe aliter tunc orbe novo coeloque recenti,
Vivebant homines, qui rupto robore nati,
Compositive lute, nullos habuere parentes.
Multa Pudicitiae veteris vestigia forsan,
Aut aliqua existerunt et sub Jove, sed Jove nondum
Barbato, nondum Graecis jurare paratis
Per caput alterius; quum furtum nemo timeret
Caulibus et pomis, et aperto viveret horto.
Paulatim deinde ad superos Astraea recessit
Hac comite, atque duae pariter fugere sorores.

Oui, je le crois, du temps de Saturne et de Rhée,
On a vu la Pudeur sur la terre honorée,
Et même elle y put faire un assez long séjour,
Lorsque d’une caverne à peine ouverte au jour,
Inutile rempart contre l’âpre froidure,
L’asile étroit, formé des mains de la nature,
Sous un même couvert, dans les flancs d’un coteau,
Réunissait les dieux, les maîtres, le troupeau,
Et qu’au sommet des monts, une épouse sauvage,
Se composant un lit de peaux et de feuillage,
Auprès de son mari rassasié de glands,
Des flots de sa mamelle abreuvait ses enfants:
Différente de vous, amante de Catulle,
Et de vous, tendre objet des soupirs de Tibulle,
Dont les beaux yeux troublés par l’excès des douleurs,
Pour la mort d’un moineau se gonflèrent de pleurs.
Né de chênes brisés, ou sorti de la terre,
L’homme vivait alors sans vice héréditaire:
De cette chasteté, l’honneur du siècle d’or,
On put sous Jupiter voir quelque trace encor;
Mais c’était Jupiter en sa tendre jeunesse,
Quand le parjure était inconnu dans la Grèce,
Quand chacun, pour ses fruits ne craignant nul larcin,
Dormait en sûreté sans clore son jardin.
Depuis, loin des mortels, dans les cieux retirés,
La Pudeur s’est enfuie avec sa sœur Astrée.

Antiquum et velus est alienum, Postume, lectum
Concutere, atque sacri genium contemnere fulcri.
Omne aliud crimen mox ferrea protulit aetas:
Viderunt primes argentea saecula moechos.
Conventum tamen et pactum, et sponsalia nostra
(01)
Tempestate paras; jamque a tonsore magistro
Pecteris, et digito pignus fortasse dedisti.
Certe sanus eras. Uxorem, Postume, ducis!
Dic, qua Tisiphone, quibus exagitare colubris?
Ferre potes dominam, salvia tot restibus, ullam?
Quum pateant altae caligantesque fenestrae?
Quum tibi vicinum se praebeat Aemilius pons?
Aut si de multis nullus placet exilus, illud
Nonne putas melius quod tecum pusio dormit?
(02)
Pusio qui noctu non litigat, exigit a te
Nullajacçns illic munuscula, nec queritur quod
Et lateri parcas, nec, quantum jussit, anhales.
Sed placet Ursidio lex Julia tollere dulcem
(03)
Cogitat heredem, cariturus turture magno,
Mullorumque jubis et captatore macello.
Quid fieri non posse putes, si jungitur ulla
Ursidio? si moechorum notissimos olim
Stulta maritali jam porrigit ora capistro,
Quem toties texit perituri cista Latini?
(04)
Quid, quod et antiquis uxor de moribus illi
Quaeritur? O medici! mediam pertundite venam.
Delicias hominis! Tarpeium limen adora
Pronus, et auratam Junoni caede juvencam,
Si tibi contigerit capitis matrona pudici.
Paucae adeo Cereris vittas contingere dignae,
(05)
Quarum non timeat pater oscula. Necte coronam
Postibus, et densos per limina tende corymbos.
(06)
Unus Iberinae vir sufficit! Ocius illud
Extorquebis, ut haec oculo contenta sit uno.
Magna tamen fama est cujusdam rure paterno
Viventis. Vivat Gabiis ut vixit in agro;
Vivat Fidenis, et agello cedo paterno.
Quis tamen affirmat nil actum in montibus, aut in
Speluncis? Adeo senuerunt Jupiter et Mars?
(07)

Non, mon cher Posthumus, ce n’est pas d’aujourd’hui
Qu’un profane adultère insulte au lit d’autrui.
Ce crime est déjà vieux. Tous les autres, peut-être
C’est le siècle de fer qui les a vus paraître;
Mais la fidélité dans l’amour conjugal,
N’alla pas jusqu’au temps du troisième métal
.
De l’hymen, cependant, tu prépares la fête;
D’un habile coiffeur le peigne orne ta tête,
Et peut-être déjà, pressant un jour si beau,
Au doigt de ta future as-tu placé l’anneau.
On vantait ton bon sens, et tu prends une femme!
Dis, quelle Tisiphone a donc saisi ton Ame?
Quels serpents ont soufflé leur poison dans ton sein?
Tandis qu’un bout de corde à tes jours mettrait fin;
Quand du haut de ces toits qui montent vers la nue,
Tu peux, la tête en bas, te jeter dans la rue,
Lorsque le pont d’Émile est à deux pas de toi,
D’un maître en ta maison tu vas subir la loi !
Si de tous ces moyens aucun ne peut te plaire,
Ne vaudrait-il pas mieux laisser à l’ordinaire
Dormir auprès de toi ce bel adolescent
Qu’un sordide intérêt ne rend point caressant,
Et qui, si ton ardeur vient la nuit à s’éteindre,
De ta langueur du moins n’a pas droit de se plaindre?
Mais non, Ursidius heureusement changé,
Sous la loi Julia désormais s’est rangé;
D’un fils en espérance il caresse l’image,
Dût-il des captateurs de son riche héritage,
Perdre et les surmulets et les grands tourtereaux,
Et tout ce qu’ils lui font de précieux cadeaux.
Quoi d’incroyable, alors qu’Ursidius prend femme,
Alors qu’un débauché, qu’un adultère infâme,
Obligé tant de fois, pour tromper un mari,
A chercher dans un coffre un ridicule abri,
Lui-même, travaillant à son propre esclavage,
Présente un front stupide au joug du mariage?
Que dis-je?... Ursidius en ses chastes amours,
Exige les vertus, les mœurs des anciens jours:
On les cherche pour lui. Venez, fils d’Archigène,
Et qu’au milieu du front on lui frappe la veine,
Il a perdu la tète. Homme délicieux!
Immole une génisse à la mère des dieux,
Cours du mont Tarpéïen adorer le portique,
S’il t’échoit en partage une femme pudique.
Quelle vierge, ô Cérès ! en ces jours criminels,
Est digne de toucher tes bandeaux solennels?
Et combien en voit-on dont la bouche adultère
Ne fît, en le baisant, rougir le front d’un père?
N’importe: de lauriers ombrage ton palais.
La chaste Ibérina va combler tes souhaits:
Un homme lui suffit. —Un homme! l’impudente!
Avec un œil plutôt elle vivrait contente.
—J’en sais une pourtant qui, prônée en tous lieux,
Vit au simple village où sont nés ses aïeux.
—Qu’à Fidène, à Gable, elle soit aussi sage,
Et je crois aux vertus de son simple village.
Encor qui répondra que sur le haut des monts,
À l’ombre des forêts, dans les antres profonds,
Son austère pudeur n’a pas reçu d’outrage?
Mars est-il décrépit, et Jupiter hors d’Age?

Porticibusne tibi monstratur femina voto
Digna tuo? cuneis an habent spectacula totis
Quodsecurus ames, quodque inde excerpere possis?
Cheironomon Ledam molli saltante Bathyllo,
Tuccia vesicae non imperat; Appula gannit
Sicut in amplexu. Subitum, et miserabile lougum
(08)
Attendit Thymele? Thymele tunc rustica discit.
Ast aliae, quoties aulaea recondita cessant,
Et vacuo clausoque sonant fora sola theatro,
Atque a plebeiis longe Megalesia, tristes
(09)
Personam Thyrsumque tenent et subligar Acci.
(10)
Urbicus exodio risum movet atellanae
(11)
Gestibus Autonoes; hunc diligit Aelia pauper.
Solvitur bis magno comoedi fibula. Sunt quae
(12)
Chrysogonum cantare vetent. Hispulla tragoedo
Gaudet: an exspectas ut Quintilianus ametur?
Accipis uxorem, de qua citharoedus Echion
Aut Glaphyrus fiat pater, Ambrosiusque choraules.
Longa per angustos figamus pulpita vicos,
Ornentur postes et grandi janua lauro,
Ut testudineo tibi, Lentule, conopeo
(13)
Nobilis Euryalum mirmillonem exprimat infans.

Parcours, ô Posthumus, ces portiques nombreux;
Dans le cirque avec moi viens assister aux jeux,
Et de tant de beautés, dans l’assemblée entière,
Dis celle qui te plaît, à qui tu voudrais plaire,
Que tu pourrais aimer avec sécurité,
Et sur laquelle enfin ton choix s’est arrêté.
L’efféminé Bathylle, en une danse obscène,
Sous les traits de Léda paraît-il sur la scène?
Tous les cœurs embrasés frémissent de désir:
Chloris se pâme: Églé pousse un cri de plaisir.
Thymelé, d’une danse encor plus expressive,
Vient-elle déployer la mollesse lascive?
Demain nos moindres bourgs auront leur Thymelé.
Mais quand des jeux publics le temps est écoulé,
Lorsque du barreau seul la lutte opiniâtre
Remplace par ses cris le fracas du théâtre,
Et qu’il faut, dans l’ennui, des fêtes du printemps,
A celles de novembre, attendre encor longtemps,
Accius les console avec son jeu burlesque,
Son thyrse, sa ceinture et son masque grotesque.
Dans un exode, ensuite, Urbicus le bouffon,
Les fait rire en jouant la mère d’Actéon.
De l’indigente Aelie aussitôt le cœur brûle:
Mais ce n’est qu’à grands frais qu’on le désinfibule.
Il en est dont le chant fixe avant tout le choix,
Et qui de Chrysogon ont ruiné la voix.
Hispulla que transporte une ardeur héroïque,
Réserve ses faveurs pour un acteur tragique.
Voudrais-tu, par hasard, qu’un cœur tel que le sien,
Se laissât enflammer pour un Quintilien!
Tu prétends contracter un hymen légitime:
Tu veux un fils: eh bien! Ambrosius le mime,
Le harpiste Ecbion, Glaphyrus le flûteur
Te donneront ce fils où tu mets ton bonheur.
Dresse des échafauds, décore ton portique,
Pour que, sur le duvet d’un berceau magnifique,
Quelque jour, Lentulus, un noble rejeton,
Vienne offrir à tes yeux les traits d’un mirmillon.

Nupta Senatori comitata est Hippia ludium
Ad Pharon et Nilum, famosaque moenia Lagi,
Prodigia et mores Urbis damnante Canopo.
Immemor fila domus, et conjugis atque sororis,
Nil patriae induisit, plorantesque improba gnatos,
Utque magis stupeas, ludos Paridemque reliquit.
(14)
Sed quanquam in magnis opibus, plumaque paterna
Et segmentatis dormisset parvula cunis,
Gonternpst pelagus: famam cotempserat olim,
Cujus apud molles minima est jactura cathedras.
Tyrrhenos igitur fluctus, lateque sonantem
Pertulit Ionium constanti pectore, quamvis
Mutandum toties esset mare. Justa pericli
Si ratio est et honesta, timent pavidoque gelantur
Pectore, nec tremulis possunt insistere plantis:
Fortem animum praestant rebus quas turpiter audent.
Si jubeat conjux, durum est conscendere navim;
Tunc sentina gravis, tunc summus vertitur aer.
Quae moechum sequitur, stomacho valet. Illa maritum
Convomit: haec inter nautas et prandet, et errat
Per puppim, et duras gaudet tractare rudentes.

Oubliant à la fois sa maison, sa patrie,
N’a-t-on pas vu naguère aux murs d’Alexandrie,
Du noble Véïenton l’épouse sans pudeur,
Hippia, sur le Nil, suivre un gladiateur,
Et de Canope même excitant la censure,
Y faire des Romains détester la luxure?
Rien ne put l’arrêter, son époux ni ses fils,
Ni sa sœur, je dis plus, le cirque, ni Pâris;
Et bien que née au sein d’une molle opulence,
Elle eût sur l’édredon dormi dans son enfance,
Elle affronta la mer, défia les autans,
Ainsi qu’on l’avait vue, à la fleur de ses ans,
Fouler aux pieds l’honneur, cette vaine chimère
Dont, en un rang pareil, la perte est si légère.
Elle supporta donc les flots thyrréniens,
Les rochers et le bruit des bords Ioniens,
Et ne s’effraya pas, si loin de nos rivages,
De voguer chaque jour vers de nouvelles plages.
Qu’un honnête motif de braver le danger,
Force une épouse à fuir sous un ciel étranger;
Elle pâlit d’effroi, son courage chancelle,
Et ses genoux tremblants se dérobent sous elle.
Ce n’est que lors qu’il faut oser son déshonneur,
Que le cœur d’une femme est exempt de terreur.
L’époux ordonne-t-il? on n’obéit qu’à peine;
Au moment du départ, tout déplaît et tout gêne.
La sentine fait mal, le ciel tourne; on vomit.
Sur les pas d’un amant le cœur se raffermit.
La plus timide alors affronte les orages;
Ses mains ne craignent pas de toucher les cordages;
Elle parcourt le pont, se plait à voir les flots,
A causer, à manger avec les matelots.

Qua tamen exarsit forma, qua capta juventa
Hippia? quid vidit, propter quod ludia dici
Sustinuit? Nam Sergiolus jam radere gutturt
(15)
Coeperat, et secto requiem sperare lacerto.
Praeterea multa in facie deformia; sicut
Attritus gales, mediisque in naribus ingens
Gibbus, et acre malum semper stilantis ocelli.
Sed gladiator erat; facit hoc illos Hyacinthos.
Hoc pueris patriaeque, hoc praeetulit illa sorori
Atque viro. Ferrum est, quod amant. Hic Sergius idem,
Accepta rude, coepisset Vejento videri.
(16)
Quid privata domus, quid fecerit Hippia, curas?
Respice rivales Divorum Claudius audi
Quae tulerit. Domire virum quum senserat tuxor,
Ausa Palatino tegetem praeferre cubili,
Sumere nocturnos meretrix augusta cucullos,
Linquebat, comite ancilla non amplius una:
Sed, nigrum flavo crinem abscondente galero,
Intravit calidum veteri centone lupanar,
Et cellam vacuam atque suam. Tunc nuda papillis
Prostitit auratis, titulum mentita Lyciscae,
Ostenditque tuum, generose Britannice, ventrem.
Excepit blanda intrantes, atque aera poposcit,
Et resupina jacens multorum absorbuit ictus.
Mox lenone suas jam dimittente puellas,
Tristis abit: sed, quod potuit, tamen ultima cellam
Clausit, adhuc ardens rigidœ tentigine vulvae,
Et lassata viris, sed non satiata, recessit;
Obscurisque genis turpis, fumoque lucernae
Foeda, lupanaris tulit ad pulvinar odorem.

Mais est-il donc si beau, si brillant de jeunesse,
Celui dont Hippia daigne être la maîtresse?
Qu’a-t-elle vu dans lui, pour supporter l’horreur
De s’entendre nommer la femme d’un lutteur?
Déjà Sergiolus a droit à la réforme:
Vieux et privé d’un bras, une tumeur énorme,
Du milieu de son front de rides sillonné,
S’aplatit sous son casque et descend sur son né,
Et de ses yeux que ronge une humeur épaissie,
Distille incessamment une immonde chassie.
Il est vrai; mais que dire? il est gladiateur;
Le fer remplace tout, beauté, grâce, fraîcheur;
C’est au gladiateur qu’Hippia sacrifie
Son époux, ses enfants, sa sœur et sa patrie.
Sans ce titre, il n’est plus qu’un homme indifférent,
Qu’un autre Véïenton. Hippia te surprend;
Mais regarde plus haut: vois, sous le diadème,
Quels rivaux sont donnés à l’empereur lui-même;
Vois les affronts de Claude: à peine il s’assoupit:
Sa femme qui l’observe et que l’ombre enhardit,
Seule avec une esclave, auguste courtisane,
S’échappe, et, pour cacher un rang qui la condamne,
Sans bruit, le front voilé, trompant tous les regards,
Préfère un lieu d’opprobre au palais des Césars.
Noble Britannicus, c’est là que toute nue,
D’un simple réseau d’or la gorge retenue,
Sous un nom supposé, dans sa loge, à son tour,
Elle étale les flancs qui t’ont donné le jour.
Tous ceux qu’elle aperçoit, son regard les dévore;
Elle ose les combattre et les défie encore;
Et lorsqu’au point du jour il faut enfin sortir,
Lorsque le Proxénète ordonne de partir,
La dernière, à regret, par l’heure poursuivie,
Elle sort fatiguée et non pas assouvie;
Pâle, les yeux éteints, elle rentre au palais,
Et du réduit impur, témoin de ses excès,
De la lampe fétide au plafond suspendue,
L’odeur à son retour sur ses pas répandue,
Jusque sur l’oreiller du stupide empereur,
De son infâme nuit va révéler l’horreur.

Hippomanes carmenque loquar, coctumque venenum, (17)
Privignoque datum?Faciunt graviora coactae
Imperio sexus, minimumque libidine peccant.
Optima sed quare Cesennia, teste marito?
Bis quingenta dedit; tanti vocat ille pudicam:
Nec pharetris Veneris macer est, aut lampade fervet;
Inde faces ardent, veniunt a dote sagittae
Libertas emitur: coram licet innuat atque
Rescribat; vidua est, locuples quae nupsit avaro.
Cur desiderio Bibulae Sertorius ardet?
Si verum excutias, facies, non uxor, amatur.
Tres rugae subeant, et se cutis arida laxet,
Fiant obscuri dentes, oculique minores:
Collige sarcinulas, dicet libertus, et exi;
(18)
Jam gravis es nobis. Ut saepe emungeris! exi
Ocius, et propera; sicco venit altera naso.
Interca calet et regnat, poscitque maritum
Pastores et ovem Canusinam, ulmosque Falernas.
Quantulum in hoc ! pueros omnes, ergastula tota;
Quodque domi non est et habet vicinus, ematur.
Mense quidem brumae, quo jam mercator Iason
Clausus, et armatis obstat casa caudida nautis,
Grandia tolluntur cristallina, maxima rursus
Murrhina, deinde adamas notissimus, et Berenices
(19)
In digito factus pretiosior : hunc dedit olim
Barbarus incestae, dedit hunc Agrippa sorori,
Observant ubi festa mero pede sabbata rages,
Et vetus indulget senibus clementia porcis.

Dirai-je les transports d’une mère jalouse,
Préparant l’hippomane au fils d’une autre .épouse?
Dirai-je ses poisons, philtres enchantés?
Des coupables écarts aux femmes imputés,
La débauche n’est pas le plus digne de haine;
A de plus grands excès leur sexe les entraîne.
— Comment Césennia, citée à tout propos,
Aux yeux de son époux est-elle sans défauts?
—Comment ! c’est pour sa dot qu’il la trouve si sage:
Un million comptant vaut bien un tel hommage.
Oui, si d’un trait de flamme il fut jamais blessé,
Ce trait par Cupidon ne lui fut point lancé,
Il part du coffre-fort: à ce prix il l’admire,
La laisse librement tout entendre et tout dire,
Et ne s’offense pas de la voir chaque jour
Lire des billets doux, en écrire à son tour.
Près d’un époux avare, heureuse en mariage,
Une femme opulente a les droits du veuvage.
— Pourquoi Sertorius, toujours plus amoureux,
Est-il pour Bibula si constant dans ses feux?
— Si tu veux réfléchir à cet amour extrême,
Ce n’est point Bibula, c’est sa beauté qu’il aime.
Que l’émail de ses dents perde de sa blancheur,
Ses yeux de leur éclat, son teint de sa fraîcheur:
Qu’une ride survienne, et que ce beau visage,
Des ans, par quelque trace, annonce le ravage:
Allons, viendra lui dire un impudent laquais,
Vite pliez bagage et faites vos paquets.
Depuis assez longtemps vous nous êtes à charge:
Plus de délais, vous dis-je, et qu’on gagne le large.
Vous êtes si ridée! et vous vous mouchez tant!
Partez : un nez plus sec nous arrive à l’instant.
Belle et jeune, elle règne: et, dès qu’elle demande,
Il faut qu’à tous ses vœux son époux condescende,
Qu’il lui donne des prés, des vignes et des bois;
Qu’un nombreux domestique obéisse à ses lois;
Que, s’il est chez quelque autre un meuble de toilette,
Un bijou qui lui manque, à l’instant on l’achète.
Même au mois de janvier, lorsque d’un long hiver
Les frimes aux marchands ont interdit la mer;
Lorsque le matelot, que la froidure assiège,
Se voit dans sa cabane enfermé par la neige,
Elle veut qu’en dépit et des vents et des flots,
On courre lui chercher les plus rares cristaux,
Les murrhins les plus grands, les perles de l’aurore,
Et ce beau diamant plus précieux encore,
Depuis que d’Agrippa, complice de ses feux,
Bérénice en reçut le don incestueux,
Chez ce peuple où les rois, comme la foule obscure,
Aux fêtes du sabbat assistent sans chaussure,
Et mieux que leurs sujets traitant de vils troupeaux,
Laissent paître sans trouble et vieillir leurs pourceaux.

Nullane de tantis gregibus tibi digna videtur?
Sit formosa, decens, dives, fecunda; vetustos
Porticibus disponat avos; sit castior omni
Crinibus effusis bellum dirimente Sabina,
Rara avis in terris, nigroque simillima cycno,
Quis ferat uxorem cui constant omnia? Malo,
Malo Venusinani, quam te, Cornelia mater
Gracchorum, si cum magnis virtutibus affers
Grande supercilium, et numeras in dote triumphos.
Tolle tuum, precor, Annibalem, victumque Syphacem
In castris, et cum tota Carthagine migra.

Quoi! dans un si grand nombre, eu ville, à la campagne,
Je ne trouverai pas une digne compagne!
— Je veux que le destin t’en ait fait une exprès
Dont l’aimable décence égale les attraits;
Qui joigne à la beauté les vertus domestiques;
Qui soit riche, féconde, et qui, sous ses portiques,
Avec magnificence étale à tous les yeux
Les bustes triomphants de ses nobles aïeux:
Une femme en un mot pareille à ces Sabines
Qui, les cheveux épars, pudiques héroïnes,
Coururent au milieu d’un combat plein d’horreur,
Désarmer des époux, des pères en fureur:
Phénomène, à coup sûr, peu commun en cet âge,
Et non moins merveilleux qu’un cygne au noir plumage;
Ce phénix, cette épouse accomplie en tout point,
Qui pourrait la souffrir? moi, je n’en voudrais point,
Et, dédaigneux du lit d’une patricienne,
J’irais plutôt chercher quelque Vénusienne,
Que de vous épouser, vous, mère des Gracchus,
Si, gonflant votre dot de toutes vos vertus,
Sans cesse vous veniez, des exploits de vos pères,
Le sourcil rehaussé, m’opposer les chimères.
Laissez-moi, vous dirais-je, avec votre Annibal,
Votre Syphax vaincu, votre char triomphal,
Et, sans venir ici m’étourdir davantage,
Retournez en Afrique avec votre Carthage.

Parce, precor, Paean, et tu, dea pone sagittas;
Nil pueri faciunt; ipsam configite matrem,
Amphion clamat: sed Paean contrahit arcum.
Extulit ergo greges natorum, ipsamque parentem,
Dum sibi nobilior Latonae gente videtur,
Atque eadem scrofa Niobe fecundior alba.
Quae tanti gravitas? quae forma, ut se tibi semper
Imputet? Hujus enim cari summique voluptas
Nulla boni, quoties animo corrupta superbo,
Plus aloes quam mellis habet. Quis deditus autem
Usque adeo est,ut non illam, quam laudibus effert,
Horreat, inque diem septenis oderit horis?

Grâce pour mes enfants, grâce, dieu de Délo,
Et toi, Diane aussi, laisse tes javelots,
Mes enfants n’ont rien fait, n’immolez que leur mère,
S’écriait Amphion; mais, sourd aux cris d’un père,
L’immortel a saisi son arc et son carquois;
La flèche part: il frappe, il immole à la fois
Et ce troupeau d’enfants et leur mère elle-même,
Niobé qui se croit, en son orgueil extrême,
Plus noble que Latone et sa postérité.
A quoi sert la vertu? qu’importe la beauté,
Lorsqu’une épouse altière, abusant de ses charmes,
S’en fait, pour te vexer, un prétexte et des armes,
Et que, par des discours pleins d’aigreur et de fiel,
De ces dons précieux elle corrompt le miel?
Aussi, quel homme épris des vertus de sa femme,
Sentit jamais pour elle une assez vive flamme,
Pour n’être pas tenté sept fois au moins par jour,
De maudire en secret l’objet de son amour?

Quaedam parva quidem, sud non toleranda mentis.
Nam quid rancidius, quam quod se non putat ulla
Formosam, nisi quae de Tusca Graecula facta est,
De Sulmonensi mera Cecropis? omnia Graece,
Cum sit turpe magis nostris nescire latine.
Hoc sermone pavent; hoc iram, gaudia, curas,
Hoc cuncta effundunt animi secreta. Quid ultra?
Concumbunt graece. Dones tamen ista puellis:
Tunc etiam, quae sextus et octogesimus annus
Pulsat, adhuc graece? non est hic sermo pudicus
In vetula, quoties lascivum intervenit illud
Zoé kai Psukê: modo sub lodice relictis
Uteris in turba. Quod enim non excitat inguen
Vox blanda et nequam? digitos habet, ut tamen omnes
Subsidant pennae. Dicas haec mollius Hoemo
Quanquam et Carpophoro, facies tua computat annos.

Il est des torts moins grands, des travers à la mode,
Dont pourtant avec peine un mari s’accommode.
Quoi de plus fatiguant que cette vanité,
Qui, croyant que le grec sied seul à la beauté,
Tourne en petite grecque une campanienne,
Ou change une toscane en pure athénienne?
Toujours du grec, lorsque sous le toit d’un Romain,
Il est bien plus honteux d’ignorer le latin !
Crainte, colère, amour, chagrin, secrets de l’âme,
Tout en grec; c’est en grec qu’une amante se pâme.
Qu’à de jeunes beautés on passe un tel travers;
Mais soupirer en grec après soixante hivers!
Vieille infâme, crois-tu que l’on puisse à ton âge
Te permettre en public cet obscène langage,
Ce Zoé kai Psuké, dans un hideux conflit,
Récemment étouffé sous le drap de ton lit?
On sait tout ce que peut sur la faiblesse humaine,
La dangereuse voix d’une impure syrène.
Plus prompts que le toucher, ses lubriques accents
De l’impuissance même éveilleraient les sens;
Mais, va! ce doux refrain des amoureux mystères,
Plus mollement qu’Emus en vain tu le profères,
De dix lustres complets entassés sur ton front,
Tu n’en portes pas moins l’ineffaçable affront.

Si tibi legitimis pactam junctamque tabellis
Non es amaturus, ducendi nulla videtur
Causa : nec est quare coenam et mustaces perdas,
(20)
Labente officio, crudis donanda, nec illud
Quod prima pro nocte datur, cum lance beata
Dacicus et scripte radiat Germanicus auro
(21)

Si l’amour ne doit pas survivre à l’hyménée,
A quoi bon, Posthumus, en presser la journée?
A quoi bon ce banquet, ces gâteaux délicats,
Friandise indigeste à la fin du repas;
Et ce riche bassin, prix d’une ardeur pudique,
Où brille en pièces d’or le vainqueur germanique?

Si tibi simplicitas uxoria, deditus uni
Est animus : submitte caput, cervice parata
Ferre jugum : nullam invenies quae parcat amanti.
Ardeat ipsa licet, tormentis gaudet amantis,
Et spoliis. Igitur longe minus utilis illi
Uxor, quisquis erit bonus optandusque maritus.
Nil unquam invita donabis conjuge : vendes,
Hac obstante, nibil; nihil, haec si nolet, emetur.
Haec dabit affectus: ille excludetur amicus
Jam senior, cujus barbam tua janua vidit.
Testandi cum sit lenonibus atque lanistis
Libertas, et juris idem contingat arenae,
Non unus tibi rivalis dictabitur heres.
Pone crucem servo. Meruit quo crimine servus
Supplicium? quis testis adest? quis detulit? audi;
Nulla unquam de morte hominis cunctatio longa est.
O demens! ita servus homo est? nil fecerit, esto;
Hoc volo, sic jubeo, sit pro ratione voluntas.
Imperat ergo viro : sed mox haec regna relinquit,
Permutatque domos, et flamea conterit : inde
Advolat, et spreti repetit vestigia lecti.
Ornatas paulo ante fores, pendentia linquit
Vela domus, et adhuc virides in limine ramos.
Sic crescit numerus, sic fiunt octo marlti
Quinque per autumnos: titulo nos digna sepulchri.
(22)

Mais si, de ton épouse amant respectueux,
Tu veux bien consentir à combler tous ses vœux,
Au joug, d’un cœur soumis, cours présenter ta tête.
Toute femme prétend régner sur sa conquête:
Toutes, insultant même à l’amour d’un époux,
Se font de son tourment le plaisir le plus doux.
Et quand même la tienne à son devoir fidèle,
Répondrait à l’ardeur dont tu brûles pour elle,
Tu n’en serais pas moins pillé, persécuté:
L’amant le plus docile est le plus maltraité.
Oui, ta femme à son gré fera tout sans ton ordre:
Rien de ses volontés ne la fera démordre:
Elle seule aura droit de vendre, d’acquérir:
Elle te prescrira ceux que tu dois chérir:
L’ami que ta maison a connu dès l’enfance,
De paraître chez toi recevra la défense;
L’histrion, le lutteur, dans ses droits respecté,
Dispose de ses biens en pleine liberté:
Toi, contraint de souscrire un codicile infâme,
Tu légueras les tiens aux amants de ta femme.
—Vite qu’à cet esclave un gibet soit dressé.
— Quel crime a-t-il commis? qui vous l’a dénoncé?
Avez-vous des témoins? il faut au moins l’entendre.
Pour mettre un homme à mort, on ne peut trop attendre.
— Un homme! l’imbécile! est-ce un homme en effet
Qu’un misérable esclave? au reste, il n’a rien fait:
Soit: mais il périra: je le veux, je l’ordonne;
Et ma seule raison, c’est l’ordre que j’en donne.
Ainsi tu fléchirais sous le joug conjugal;
Mais non; elle renonce au voile nuptial,
Court porter chez un autre un amour infidèle,
Et bientôt, désertant cette maison nouvelle,
Ces bandeaux, ces festons, ces portiques sacrés
D’un feuillage encor vert récemment décorés,
Elle fuit, et chez toi revient avec audace,
Dans ton lit méprisé redemander sa place.
Voilà comme, en cinq ans, une femme chez nous,
Beau sujet d’épitaphe, a souvent huit époux!

Desperanda tibi salva concordia socru:
Illa docet spoliis nudi gaudere mariti:
Illa docet, missis a corruptore tabellis,
Nil rude, nec simplex rescribere : decipit illa
Custodes, aut aere domat. Tunc corpore sano
Advocat Archigenen, onerosaque pallia jactat.
Abditus interea latet et secretus adulter,
Impatiensque morae pavet, et praeputia ducit.
Scilicet exspectas ut tradat mater honestos,
Atque alios mores quam quos habet? Utile porro
Filiolam turpi vetulae producere turpem.

Plus de repos pour toi, plus de paix sur la terre,
Si ta femme près d’elle a conservé sa mère.
Sa mère lui dira par quels adroits moyens,
On outrage un époux, on dissipe ses biens;
Comment, en femme habile et sans se compromettre,
On fait à son amant parvenir une lettre;
Et s’il faut endormir d’incommodes argus,
C’est elle qui bientôt les aura corrompus:
Près de sa fille alors elle appelle Archigène,
Écarte un drap trop lourd qui lui pèse et la gène;
L’adultère introduit, de désirs palpitant,
S’excite dans un coin au plaisir qui l’attend.
Penses-tu qu’à l’honneur cette mère infidèle,
Puisse engager ta femme à vivre autrement qu’elle?
D’une mère sans mœurs l’amour-propre blessé,
A corrompre sa fille est trop intéressé.

Nulla fere causa est, in qua non femina litem
Moverit. Accusat Manilia, si rea non est.
Componunt ipsae per se formantque libellos,
Principium atque locos Celso dictare paratae.

Il est peu de procès où l’ardente chicane
D’un sexe querelleur n’ait emprunté l’organe.
Manilie au barreau vient discuter les lois:
Accusée ou plaignante, elle y soutient ses droits,
Et seule rédigeant ses moyens de défense,
Donnerait à Celsus des leçons d’éloquence.

Endromidas Tyrias, et femineum ceroma
Quis nescit? Vel quis non vidit vulnera pali,
(23)
Quem cavat assiduis sudibus, scutoque lacessit,
Atque omnes implet numeros? dignissima prorsus
Florali matrona tuba, nisi si quid in illo
(24)
Pectore plus agitat, veraeque paratur arenae.
Quem praestare potest mulier galeata pudorem,
Quae fugit a sexu, vires amat? Haec tamen ipsa
Vir nollet fieri; nam quantula nostra voluptas !
Quale decus rerum, si conjugis auctio fiat,
Balteus et manicae, et cristae, crurisque sinistri
(25)
Dimidium tegmen ! Vel si diverse movebit
Praelia, tu felix, ocreas vendente puella!
Hae sunt quae tenui sudant in cyclade, quarum
Delicias et panniculus bombycinus urit.
Aspice quo fremitu monstratos perferat ictus,
Et quinto galeae curvetur pondere, quanta
Poplitibus sedeat; quam denso fascia libro;
Et ride, positis scaphium cum sumitur armis.
Dicite, vos, neptes Lepidi, Coecive Metelli,
Gurgitis aut Fabii, quae ludia sumpserit unquam
Hos habitus? quando ad palum gemat uxor Asyli?

Qui n’a pas vu souvent des femmes sans pudeur
Usurper l’endromide et l’huile du lutteur?
Qui n’a point, sur le psi en butte à leurs atteintes,
Remarqué de l’épieu les profondes empreintes?
Art sublime et vraiment digne des jeux Floraux,
A moins que, méditant de plus rudes assauts,
En plein amphithéâtre, athlètes formidables,
Elles n’aillent livrer des combats véritables!
De quoi pourrait rougir, sous un casque effronté,
Celle qui, préférant la force à la beauté,
Pour sa seule vigueur prétend qu’on la renomme?
Ne croyez point pourtant qu’elle voulût être homme.
Femme expérimentée, elle sait trop combien
Le plaisir d’un amant est moins vif que le sien;
Le bel honneur pour toi, lorsque, dans une enchère,
Le crieur Machéra, d’une épouse si fière,
Adjuge au plus offrant, l’attirail tout entier,
Son cimier, ses jambarts, ses gants, son baudrier!
Ou que, dans d’autres jeux athlète plus savante,
Elle met en public ses bottines en vente!
Et voilà ces beautés qu’on voit si mollement
Succomber sous le poids du moindre vêtement,
Que d’un fil de Bombyx la simple trame écrase,
Que brûle, que dévore une légère gaze!
Regarde cependant ces habits retroussés,
Ce casque, ce jarret, ces coups sûrs et pressés,
Et ris, lorsqu’en un coin détachant leur ceinture,
Certain besoin les force à quitter leur armure.
Filles des Fabius, parlez: un histrion
Livrerait-il sa femme à cette abjection?
Et jamais a-t-on vu, contre un pieu, dans l’arène,
L’épouse d’Asylus s’escrimer hors d’haleine?

Semper habet lites alternaque jurgia lectus
In quo nupta jacet: minimum dormitur in illo.
Tunc gravis illa viro, tunc orba tigride pejor,
Cum simulat gemitus occulti conscia facti,
Aut odit pueros, aut ficta pellice plorat,
Uberibus semper lacrymis, semperque paratis
In statione sua, atque exspectantibus illam,
Quo jubeat manare modo. Tu credis amorem;
Tu tibi tunc, curruca, places, fletumque labellis
Exsorbes: quae scripta, et quas lecture tabellas,
Si tibi zelotypae retegantur scrinia moechae !
Sed jacet in servi complexibus aut equitis. Dic,
Dic aliquem, sodes, dic. Quintiliane, colorem.
(26)
Haeremus. Dic ipsa: « Olim convenerat, inquit,
Ut faceres, tu, quod velles; nec non ego possem
Indulgere mihi: clames licet, et mare coelo
Confundas, homo sum. » Nihil est audacius illis
(27)
Deprensis. Iram atque animos a crimine sumunt.

Théâtre de discorde et de transports jaloux,
La couche nuptiale est l’enfer des époux:
On n’y saurait dormir; et c’est lorsqu’une femme
De quelque tort secret s’accuse au fond de l’âme,
Qu’on la voit s’emporter comme un tigre en fureur,
Chez elle sans raison prendre tout en horreur;
Tantôt persécuter ton affranchi fidèle;
Tantôt te supposer une amante nouvelle;
Et pour te mieux trahir, les yeux noyés de pleurs,
En soupirs de commande exhaler ses douleurs.
Sot époux! ses soupirs ont pour toi mille charmes:
Tu crois que c’est l’amour qui fait couler ses larmes;
Tu le crois, et ces pleurs longtemps étudiés,
Par tes lèvres déjà je les vois essuyés.
Oh! que si tu pouvais, de cette digne épouse
Adultère à la fois effrontée et jalouse,
Ouvrir le portefeuille et lire les billets,
La belle découverte, et les touchants secrets!
Tu la surprends aux bras d’un insolent esclave;
Au sein d’un chevalier tu la vois qui te brave;
—Parle, si tu le peux, parle, Quintilien,
Parle, et pour l’excuser, cherche quelque moyen.
— Je n’en saurais trouver. — Eh bien! parle toi-même.
— Moi! dit-elle, affectant une assurance extrême;
Quoi! ne sommes-nous pas convenus entre nous,
Toi, de vivre à ton gré; moi, de suivre mes goûts!
Pousse des cris, confonds et le ciel et la terre;
Je suis homme! Telle est leur audace ordinaire.
Prenez-les sur le fait, la honte dans leur cœur
Ne fait que redoubler la haine et la fureur.

Unde haec monstre tamea, vel quo de fonte requiris?
Praestabat castas humilis fortuna Latinas
Quondam, nec vitiis contingi parva sinebant
Tecta labor, somnique breves, et vellere Tusco
Vexate duraeque manus, ac proximus urbi
Annibal, et stantes Collina in turre mariti.
Nunc patimur longae pacis mala: saevior armis
Luxuria incubuit, victumque ulciscitur orbem.
Nullum crimen abest facinusque libidinis, ex quo
Paupertas Romana perit. Hinc fluxit ad istos.
Et Sybaris colles: hinc et Rhodos, et Miletos,
Atque coronatum, et petulans, madidumque Tarentum.

D’où provient, diras-tu, cette horrible licence?
Dans quelle source impure a-t-elle pris naissance?
Le voici, Posthumus; la médiocrité
Jadis de tout péril sauvait la chasteté;
Et si le Latium eut des femmes pudiques,
Les veilles, le travail, les besoins domestiques,
Annibal sous nos murs plantant ses étendards,
Les maris nuit et jour debout sur les remparts,
Voilà ce qui d’un peuple, armé pour sa défense,
Sous le chaume longtemps conserva l’innocence.
Maintenant accablés du plus grand des fléaux,
D’une trop longue paix nous subissons les maux.
Le luxe, les plaisirs, plus cruels que la guerre,
Ont enfin subjugué les maîtres de la terre:
Ils ont vengé le monde; et le Tibre indompté
A vu fuir ses vertus avec sa pauvreté.
Rhodes et Sybaris, et Milet et Tarente
les roses, les festins, l’ivresse pétulante,
Apportant parmi nous des exemples impurs,
De la ville aux sept monta ont infecté les murs.

Prima peregrinos obscena pecunia mores
Intulit, et turpi fregerunt saecula luxu
Divitiae molles. Quid enim Venus ebria curat?
Inguinis et capitis quae sint discrimina, nescit,
Grandia quae mediis jam noctibus ostrea mordet,
Cum perfusa mero spumant unguenta Falerno,
(28)
Cum bibitur concha, cum jam vertigine tectum
Ambulat, et geminis exsurgit mensa lucernis.
I nunc, et dubita qua sorbeat aëra sanna
Tullia, quid dicat note collactea Maurae,
Maura Pudicitiae veterem cum praeterit aram.
Noctibus hic ponunt lecticas, micturiunt hic,
Effigiemque Deae longis siphonibus implent,
Inque vices equitant, ac, luna teste, moventur.
Inde domos abeunt: tu calcas, luce reversa,
Conjugis urinam, magnos visurus amicos.

Infâme argent! c’est toi qui, servant la mollesse,
De nos antiques mœurs énervas la rudesse !
C’est toi qui dans le sein d’un peuple de bergers
Répandis ce torrent de vices étrangers!
Et quels excès craindrait de commettre une femme,
Lorsqu’au milieu des nuits, dans une orgie infâme,
Elle peut, sans horreur, mêlant, confondant tout,
Des plus sales plaisirs affronter le dégoût,
Et que, d’huîtres gorgée, invoquant les bacchantes,
D’un falerne arrosé d’essences enivrantes,
Elle boit jusqu’à l’heure où les flambeaux doublés,
Se lèvent en tournant à ses regards troublés?
Eh bien! doute à présent des exploits de Tullie,
Des discours qu’elle tient à sa chère Julie,
De ses gestes lascifs, de son rire moqueur,
Quand elle voit l’autel de l’antique Pudeur!
C’est là que, dans la nuit, leur litière s’arrête:
C’est là qu’à s’escrimer, l’une et l’autre s’apprête.
Au pied de l’autel même à la hâte on descend:
Et, comme d’un syphon, tout à coup jaillissant,
Un double filet d’eau, prompt effet de l’ivresse,
Inonde la statue et souille la déesse.
Alors on se défie, on s’étreint tour à tour,
Et Diane est témoin de cet horrible amour.
Chacune rentre ensuite, et, d’une audace égale,
Regagne effrontément la maison conjugale.
Et toi qui, devançant le lever du soleil,
Cours de tes protecteurs saluer le réveil,
Tu foules en chemin, sur la pierre glissante,
De ces obscénités la trace encor récente.

Nota bonae secreta Deae, cum tibia lumbos
Incitat, et cornu pariter vinoque feruntur
Attonitae, crinemque rotant, ululantque Priapi
Maenades. O quantus tunc illis mentibus ardor
Concubitus! quae vox saltante libidine! quantus
Ille meri veteris per crura madentia torrens!
Lenonum ancillas posita Saufeia corona
Provocat, et tollit pendentis praemia coxae:
Ipsa Medullinae frictum crissantis adorat:
Palmam inter dominas virtus natalibus aequat.
Nil ibi per ludum simulabitur; omnia fient
Ad verum, quibus incendi jam frigidus aevo
Laomedontiades, et Nestoris hernia possit.
Tunc prurigo more impatiens, tunc femina simplez,
Et toto pariter repetitus clamor ab antro;
Jam fas est, admitte viros. Jam dormit adulter?
Illa jubet sumpto juvenem properare cucullo.
Si nihil est, servis incurritur. Abstuleris spem
Servorum, veniet conductus aquarius hic si
Quaeritur et desunt homines : mora nulla per ipsam,
Quo minus imposito clunem submittat asello.
(29)

De la bonne déesse on connaît les secrets;
On connaît de l’airain les rapides effets,
Lorsqu’aux accents du cor, des femmes éhontées,
Par les sons et le vin tout à coup transportées,
En tourbillons épars, avec des cris affreux,
Ménades de Priape, agitent leurs cheveux.
Quels désirai quels élans! quels immondes vestiges,
Sur le parquet sali, trahissent leurs vertiges!
Des plus viles Phrynés provoquant les transports,
L’ardente Sauféia les saisit corps à corps;
Elle emporte le prix, puis, devant Médulline,
En extase à son tour elle tombe et s’incline.
Entre elles la vigueur, en ce choc glorieux,
Égale la victoire à l’éclat des aïeux.
Ce n’est plus de l’amour une vaine peinture;
Elles savent si bien imiter la nature,
Qu’elles enflammeraient et l’infirme Nestor,
Et les sens engourdis du vieux père d’Hector.
Mais l’ardeur est au comble, et ne peut plus attendre.
De tous les coins de l’antre, un cri se fait entendre;
Un cri de rage: Ouvrez, Cybèle l’a permis;
Ouvrez, et qu’à nos yeux les hommes soient admis.
Que vient-on m’annoncer? quoi! mon amant sommeille!
Allez, que par mon ordre à l’instant on l’éveille,
Qu’il accoure. Il hésite! esclaves soyez prêts.
Point d’esclaves! eh bien, un rustre, un porte-faix.
Point d’homme! En son dépit, Pasiphaé nouvelle,
Un époux mugissant pourrait approcher d’elle.

Atque utinam ritus veteres, et publics saltem
His intacta malis agerentur sacra ! Sed omnes
Noverunt Mauri atque Indi, quae psaltria penem
(30)
Majorem quam sunt duo Caesaris Anticatones
(31)
Illuc, testiculi sibi conscius unde fugit mus,
Intulerit, ubi velari pictura jubetur,
Quaecumque alterius sexus imitata figuram est.
Et quis tunc hominum contemptor numinis? aut quis
Simpuvium ridere Numae, nigrumque catinum,
Et vaticano fragiles de monte patellas
Ausus erat? Sed nunc ad quas non Clodius aras?
Audio quid veteres olim moneatis amici:
Pone seram : cohibe. Sed quis custodiet ipsos
Custodes? Cauta est, et ab illis incipit uxor.

Plût au ciel que du moins ces transports odieux
N’eussent jamais souillé les autels de nos dieux!
Mais, des bords africains aux rivages du Gange,
Qui n’a point su comment une chanteuse étrange,
Du signe triomphant de sa virilité,
Surprit l’asile saint de la pudicité;
Cet asile où, fidèle à de chastes usages,
D’un sexe différent on voile les images,
Et dont le rat timide et prompt à se cacher,
Avec un testicule aurait peur d’approcher?
Quel mortel autrefois, quel railleur incrédule
Eût tourné de nos dieux le culte en ridicule?
Que! impie eût osé du second de nos rois
Mépriser l’humble argile et les vases de bois,
Et la soucoupe noire, où, dans les sacrifices,
De la liqueur sacrée il versait les prémices?
Maintenant quel autel n’a pas son Clodius?
J’entends, mes vieux amis: des barreaux, des argus!
Mais par qui ferez-vous garder vos sentinelles?
Une femme est adroite et commence par elles.

Jamque eadern summis pariter minimisque libido:
Nec melior silicem pedibus quae conterit atrum,
Quam quae longorum vehitur cervice Syrorum.
Ut spectet ludos, conducit Ogulnia vestem;
Conducit comites, sellam, cervical, arnicas,
Nutricem, et flavam, cui det mandata, puellam.
Haec tamen argenti superest quodcumque paterni
Levibus athletis, ac vasa novissima donat.
Multis res angusta domi; sed nulla pudorem
Paupertatis habet, nec se metitur ad ilium
Quem dedit haec posuitque modum. Tamen utile quid sit
Prospiciunt aliquando vin : frigusque famemque,
Formica tandem quidam expavere magistra,
Prodiga non sentit pereuntem femina censum:
Ac, velut exhausta redivivus pullulet arca
Nummus, et e pleno tollatur semper acervo,
Non unquam reputat quanti sibi gaudia constent.

De la corruption qui gagne tous les rangs,
L’opprobre n’admet plus de degrés différents.
Plébéiennes à pied, matrones en litière,
Toutes de la décence ont franchi la barrière.
Voyez Ogulnia : pour assister aux jeux,
Elle prend à loyer des habits somptueux,
Une chaise, un cortège, et jusqu’à l’intrigante,
De ses ordres galants messagère élégante!
Du bien de ses aïeux ce qui lui reste encor,
Sa vaisselle d’argent, son dernier vase d’or,
D’un imberbe histrion tout devient le partage.
La plupart à l’étroit vivent dans leur ménage;
Mais de la pauvreté conservant la pudeur,
Aucune de ses vœux ne modère l’ardeur.
Les hommes quelquefois, songeant à la vieillesse,
Prennent de la fourmi des leçons de sagesse;
La femme ne prévoit ni la soif ni la faim:
L’or, sans qu’elle le sente, échappe de sa main;
Et, quand il faut jouir, ardente, insatiable,
Comme si, dans les flancs d’un coffre inépuisable,
Les écus renaissaient au gré de ses désirs,
Elle ne compte pas le prix de ses plaisirs.

Sunt quas eunuchi imbelles, ac mollia semper
Oscula delectent, ac desperatio barbae,
Et quod abortivo non est opus, Illa voluptas
Summa tamen, quod jam calida matura juventa,
Inguina traduntur medicis, jam pectine nigro.
Ergo exspectatos, ac jussos crescere primum
Testiculos, postquam coeperunt esse bilibres,
Tonsoris damno tantum, rapit Heliodorus.
Conspicuus longe, cunctisque notabilis intrat
Balnea, nec dubie custodem vitis et horti
Provocat, a domina factus spado. Dormiat ille
Cum domina; sed tu jam durum, Posthume, jamque
Tondendum eunucho Bromium committere noli.

D’autres, dans leurs amours, consultant la prudence,
A l’eunuque impuissant donnent la préférence;
Ses baisers que sans crainte elles peuvent goûter,
Ne les exposent point à se faire avorter.
Le plaisir n’y perd rien; et quand d’Héliodore,
Au moment attendu, l’acier le déshonore,
C’est qu’à leurs yeux déjà l’homme est fait tout entier,
Et l’opération ne fait tort qu’au barbier.
L’esclave ainsi traité par sa belle maîtresse,
Eclatant de fraîcheur, rayonnant de jeunesse,
Attire tous les yeux, en entrant dans nos bains,
Et délierait le dieu qui préside aux jardins.
Qu’au lit de ton épouse il aille prendre place;
Mais sache, ô Posthumus, de sa lubrique audace
Sauver ton Bromius dont le poil déjà noir,
Indice de vigueur, appelle le rasoir.

Si gaudet cantu, nuilius fibula durat
Vocem vendentis praetoribus : organa semper
In manibus: densi radiant testudine tota
Sardonyches: crispe numerantur pectine chordae,
Quo tener Hedymeles operam dedit: hunc tenet, hoc se
Solatur, gratoque indulget basia plectro.
Quaedam de numero Lamiarum, ac nominis alti
Cum farre et vino Janum vestamque rogabat,
An Capitolinam deberet Pollio quercum
(32)
Sperare, et fidibus promittere. Quid faceret plus
Aegrotante viro? medicis quid tristibus erga
Filiolum? Stetit ante aram, nec turpe putavit
Pro cithara velare caput; dictataque verba
Pertulit, ut mos est, et aperta palluit agna.
Dic mihi nunc, quaeso, dic, antiquissime Divum,
Respondes his, Jane pater? Magna otia coeli!
Non est, ut video, non est, quod agatur apud vos.
Haec de comoedis te consulit: illa tragoedum
Commendare volet: varicosus fiet aruspe.

Le goût de la musique a-t-il saisi ta femme?
Plus de chanteur gagé qui résiste à sa flamme:
Plus d’anneau qui ne cède et ne tombe à sa voix.
Les instruments toujours résonnent sous ses doigts;
Et la riche cithare, où la perle étincelle,
Ne répond qu’à l’archet de son cher Hédymèle.
Cet archet précieux, sa joie et son trésor,
Elle le tient, le baise et le rebaise encor.
C’est ainsi qu’à nos yeux, aux yeux de Rome entière,
Une patricienne, une matrone altière,
D’offrandes et de sang remplissant les autels,
Naguère de ses vœux lassait les immortels;
Et pourquoi? pour savoir si le bel Hermogène
Obtiendrait au concours la couronne de chêne.
Qu’eût-elle fait de plus pour un époux souffrant,
Pour un père en danger, pour un fils expirant?
Debout, devant l’autel, se donnant en spectacle,
C’était pour un chanteur qu’elle invoquait l’oracle,
Et que, le front voilé, de l’agneau palpitant,
Elle venait, tremblante, interroger le flanc !
Éternels habitants de la voûte céleste,
Vous avez, je le vois, bien des moments de reste!
Pauvre Janus! ô toi des dieux le plus ancien!
L’une vient t’implorer pour un comédien!
L’autre pour un chanteur, l’autre... tes aruspices,
Trop longtemps sur leurs pieds, gagneront des varices.

Sed cautet potius quam totem pervolet urbem
Audax et coetus possit quam ferre virorum;
Cumque paludatis ducibus, praesente marito,
Ipsa loqui recta facie, strictisque mamillis.
Haec eadem novit quid toto fiat in orbe,
Quid Seres, quid Thraces agant: secreta novercae
Et pueri : quis amet, quis decipiatur adulter.
Dicet quis viduam praegnantem fecerit, et quo
Mense: quibus verbis concumbat quaeque, modis quot.
Instantem regi Armenio, Parthoque cometen
Prima videt : famam, rumoresque illa recentes
Excipit ad portas : quosdam facit. Isse Niphaten
In populos, magnoque illic cuncta arva teneri
Diluvio, nutare urbes, subsidere terras,
Quocumque in trivio, cuicumque est obvia, narrat.

 

Mais laisse la chanter plutôt que de souffrir
Qu’on la voie en tous lieux par la ville courir,
Et, le sein découvert, l’œil armé d’impudence,
Avec nos généraux parler en ta présence.
Pour une telle femme il n’est point de secrets:
Du Thrace et du Persan elle sait les projets;
Elle sait ce qu’on dit dans les bains, au théâtre;
Quel fils, au fond du cœur, brûle pour sa marâtre;
Quelle veuve est enceinte, et quel est son amant;
Quand ils se sont parlé; combien de fois; comment.
La première elle a vu, sous la voûte céleste,
La comète sanglante au roi parthe funeste;
Et tout ce qu’on se plaît à semer sur nos bords,
De discours alarmants, d’infidèles rapports,
Au pied de nos remparts, debout, en sentinelle,
Nulle autre n’en apprend les détails avant elle.
Elle invente au besoin. Tantôt du Niphat
Les flots ont entraîné troupeaux, moissons, guérets:
Tantôt la terre, ouvrant ses profondes entrailles,
A d’une ville entière englouti les murailles:
Des lacs ont disparu, des peuples sont détruits,
Et c’est elle partout qui va semer ces bruits.

Nec tamen id vitium magis intolerabile, quam quae
Vicinos humiles rapere, et concidere loris
Exorata solet; nal si latratibus alti
Rumpuntur somni, fustes huc ocius, inquit,
Afferte, atque illis dominum jubet ante feriri,
Deinde canem. Gravis occursu, teterrima vultu,
Balnea nocte subit: conchas et castra moveri
Nocte jubet: magno gaudet sudare tumultu,
Cum lassata gravi ceciderunt brachia massa,
(33)
Callidus et cristae digitos impressit aliptes,
Ac summum dominae femur exclamare coegit.
Convivae miseri interes somnoque fameque
Urgentur. Tandem illa venit rubicundula, totum
Oenophorum sitiens, plena quod tenditur urna,
(34)
Admotum pedibus, de quo sextarius alter
Ducitur ante cibum, rabidam facturus orexim.
Dum redit, et loto terram ferit intestino,
Marmoribus rivi properant, aut lata Falernum
Pelvis olet: nam sic, tanquam alta in dolia longus
Deciderit serpens, bibit et vomit. Ergo maritus
(35)
Nauseat, atque oculis bilem substringit opertis.

Je tolère encor moins la cruelle mégère,
Qui, dans l’emportement d’une aveugle colère,
Enlève à ses foyers un voisin sans appui,
Et, lorsqu’on est venu la supplier pour lui,
Pour montrer que son cœur est sensible aux prières,
Le fait tout simplement passer par les lanières.
Qu’un chien, l’interrompant dans son profond sommeil,
En jappant à sa porte, ait hâté son réveil:
Holà! Dave, Syrus; des bâtons : courez vite;
Courez, frappez le maître, et l’animal ensuite.
Faut-il aller au bain? elle s’y rend la nuit.
Au cortège nombreux dont l’attirail la suit,
Tous diriez une armée emportant son bagage.
Le tumulte, l’effroi, règnent sur son passage.
Il s’agit de suer, c’est un plus grand fracas;
Et, quand le plomb massif a fatigué son bras,
L’adroit baigneur approche, et d’une main lubrique,
La frotte, en homme instruit des goûts de la cynique
Chez elle cependant tout souffre et meurt de faim:
Tout succombe au sommeil : elle revient enfin,
Rubiconde, brûlant d’une soif si pressante,
Que l’œnophore entier qu’à ses pieds on présente,
La bacchante, en entrant, des yeux seuls l’engloutit.
Deux fois, pour redoubler son avide appétit,
Elle boit : et deux fois le vin qu’elle rejette,
Inonde le parquet ou remplit sa cuvette;
Car, telle qu’un serpent tombé dans un tonneau,
Elle boit et vomit; à ce hideux tableau,
Sentant à s’échapper sa bile toute prête,
L’époux ferme les yeux et détourne la tête.

Illa tamen gravior, quae, cum discumbere coepit,
Laudat Virgilium, periturae ignoscit Elisa:
Committit vates et comparat; inde Maronem,
Atque alia parte in trutina suspendit Homerum.
Cedunt grammatici, vincuntur rhetores, omnis
Turba jacet, nec causidicus, nec praeco loquatur,
Altera nec mulier; verborum tanta cadit vis!
Tot pariter pelves, tot tintinnabula dicas
Pulsari. Jam nemo tubas, nemo aera fatiget:
Una laboranti poterit succurrere Lunae.
Imponit finem sapiens et rebus honestis.
(36)
Nam quae docte nimis cupit et facunda videri,
Crure tenus medio tunicas succingere debet,
Caedere Sylvano porcum, quadrante lavari
(37)
Non habeat matrona, tibi quae juncta recumbit,
Dicendi genus; aut curtum sermone rotato
Torqueat enthymema, nec historias sciat omnes:
Sed quaedam ex libris et non intelligat. Odi
Hanc ego, quae repetit volvitque Palaemoms artem.
Servata semper lege et ratione loquendi,
Ignotosque mihi tenet antiquaria versus;
Nec curanda viris opicae castigat amicae
Verbe. Soloecasmum liceat fecisse marito.

Le supplice, à mon gré, le plus rude de tous,
Le plus propre à vexer un malheureux époux,
C’est une femme auteur, bavarde insupportable,
Qui du chantre d’Enée, en prenant place à table,
Commence par vanter le poème divin;
S’attendrit sur Didon et son triste destin,
Compare les écrits, les juge en maître habile,
Et, la balance en main, pèse Homère et Virgile.
Tout fléchit devant elle et baisse pavillon:
Les rhéteurs sont vaincus; les clients, le patron,
A ces cris qu’on prendrait pour un son de clochette,
Demeurent interdits et la bouche muette;
Et de ce carillon tel est le bruit confus,
Que l’huissier, l’avocat, le plaideur, je dis plus,
Qu’une autre femme en vain voudrait se faire entendre.
Phoebé, toi que des cieux un charme a fait descendre,
A quoi bon ces bassins, ces clairons, ces tambours?
Elle seule au besoin viendrait à ton secours.
Ce n’est pas encor tout; philosophe nouvelle,
Le portique n’a rien qui soit caché pour elle.
Car, sitôt qu’une femme a la prétention
De briller par le style et l’érudition,
Elle peut bien aussi, discourant sur l’honnête,
Marquer le point précis où le juste s’arrête,
Se baigner pour un as, retrousser son manteau,
Et faire au dieu des bois l’offrande d’un pourceau.
Garde-toi, Posthumus, d’admettre dans ta couche,
La femme qui, toujours de grands mots à la bouche,
Rougirait de parler avec simplicité;
Qui décoche avec art l’enthymème écourté;
Qui sait tout, juge tout, histoire, vers et prose;
Il est bon qu’une femme ignore quelque chose.
Pour moi, je ne saurais souffrir le vain jargon
De celle qui ne fait qu’invoquer Palémon;
Qui ne dit pas un mot sans citer la grammaire;
Qui vient, à tout propos, ennuyeuse antiquaire,
Habile à déterrer des écrits vermoulus,
M’assommer de vieux vers que personne n’a lus;
Et qui, dans son amie élevée au village,
Reprend avec aigreur des fautes de langage,
Que même dans un homme ou ne remarque pas.
La grammaire est fort bonne, et j’en fais très grand cas,
Mais je veux qu’une épouse, oubliant son purisme,
Parfois à son mari permette un solécisme.

Nil non permittit mulier sibi: turpe putat nil,
Cum virides gemmas collo circumdedit, et cum
Auribus extensis magnos commisit elenchos.
Intolerabilius nihil est quam femina dives.
Interea foeda aspectu, ridendaque multo
Pane tumet facies, aut pinguia Poppaeana
Spirat, et hinc miseri viscantur labra menti.
Ad moechum lota veniunt cute. Quando videri
Vult formosa domi? Moechis foliata parantur:
His emitur quidquid graciles huc mittitis, Indi.
Tandem aperit vultum, et tectoria prima reponit:
Incipit agnosci, atque illo lacte fovetur,
Propter quod secum comites educit asellas
(38),
Exul hyperboreum si dimittatur ad axem.
Sed quae mutatis inducitur, atque fovetur
Tot medicaminibus, coctaeque siliginis offas
Accipit et madidae, fades dicetur, an ulcus?
Est pretium curae penitus cognoscere, toto
Quid faciant agitentque die. Si nocte maritus
Aversus jacuit, periit libraria; ponunt
Cosmetae tunicas; tarde venisse Liburnus
Dicitur, et poenas alieni pendere somni
Cogitur. Hic frangit ferulas, rubet ille flagello,
Hic scutica. Sunt quae tortoribus annua praestent.
Verberat atque obiter faciem unit; audit amicas,
Aut latum pictae vestis considerat aurum,
Et caedit; longi relegit tranversa diurni,
Et caedit, donec, lassis caedentibus : Eri
Intonet horrendum, jam cognitione peracta.
Praefectura domus sicula non mitior aula!
Nam si constituit, solitoque decentius optat
Ornari, et properat, jamque exspectatur in hortis,
Aut apud Isiacae potius sacraria lenae:
(39)
Disponit crinem, laceratis ipsa capillis,
Nuda humeros Psecas infelix, undisque mamillis.
Altior hic quare cincinnus? Taurea punit
Continuo flexi crimen facinusque capilli.
Quid Psecas admisit? quaenam est hic culpa puellae,
Si tibi displicuit nasus tuus? Altera laevum
Extendit, pectitque comas, et volvit in orbem.
Est in concilio matrona, admotaque lanis
Emerita quae cessat acu : sententia prima
Hujus erit: post banc, aetate atque arte minores
Censebunt, tanquam famae discrimen agatur,
Aut animae: tanta est quaerendi cura decoris!
Tot premit ordinibus, tot adhuc compagibus altum
Aedificat caput: Andromachen a fronte videbis;
Post minor est: credas aliam. Cedo, si breve parvi
Sortita est lateris spatium, breviorque videtur
Virgine Pygmaea, nullis adjuta cothurnis,
Et levis erecta consurgit ad oscula planta.
Nulla viri cura interea, nec mentio fiet
Damnorum : vivit tanquam vicina mariti.
Hoc solo propior, quod amicos conjugis odit,
Et servos: gravis est rationibus.

Une femme peut tout, fait tout impunément,
Lorsque d’un précieux et rare diamant,
Son collier à nos yeux étale les merveilles,
Ou que de lourds pendants allongent ses oreilles.
Qu’une épouse opulente est un pesant fardeau!
Du soin d’entretenir la fraîcheur de sa peau,
Chez elle à tout moment on la trouve occupée;
Son visage est enduit des pâtes de Poppée:
Elle en est rebutante, et l’époux caressant,
A la glu, sur sa bouche, est pris en l’embrassant
Elle se nettoiera, si son amant l’appelle.
Qu’importe à la maison qu’on soit plus ou moins belle?
Ce n’est que pour l’amant qu’on soigne ses attraits,
Que des parfums de l’Inde on s’inonde à grands frais
Alors le masque tombe, on lève les compresses;
Elle entre dans un bain fourni par des ânesses
Dont, fût-elle exilée aux plus rudes climats,
Elle ferait traîner un troupeau sur ses pas.
D’emplâtres, de parfums dégoûtant assemblage,
Que dire? est-ce un ulcère? ou bien est-ce un visage
Mais depuis le matin suivons-la jusqu’au soir.
L’époux a-t-il, la nuit, trompé son tendre espoir?
Gare aux femmes d’atour! intendante, coiffeuse,
Toutes vont lui payer cette injure odieuse.
Le Liburne est venu trop tard: malheur à lui !
Il sera châtié pour le sommeil d’autrui.
L’un rougit de son sang les verges ;
L’autre, tunique bas, reçoit les étrivières;
Celui-là du bâton se sent meurtrir le dos.
On en voit, à l’année, employer des bourreaux.
On frappe! elle relève un journal de dépense,
On fait à son amie admirer l’opulence
D’un tissu rehaussé de larges franges d’or.
On frappe. Elle se farde. On frapperait encor;
Mais les bourreaux sont las. Allons, c’est fait, dit-elle,
Sortez. De Phalaris la cour fut moins cruelle.
Veut-elle, en nos jardins, au milieu des Laïs,
Ou devant les autels de la commode Isis,
Se montrer plus parée encor qu’à l’ordinaire?
Une Psécas tremblante, empressée à lui plaire,
La sein nu, les cheveux assemblés au hasard,
Accourt pour lui prêter le secours de son art.
Misérable! pourquoi cette mèche trop haute?
Soudain le nerf de bœuf a puni cette faute.
Ce crime qui jamais ne peut être expié,
Cet horrible forfait d’un cheveu mal plié!
Cette pauvre Psécas ! quel excès d’injustice !
Si ton nez te déplaît, faut-il qu’elle en pâtisse?
Le côté gauche enfin, sous des doigts plus savants,
Se démêle, se roule en longs anneaux mouvants,
Là se trouve et préside une vieille édentée,
De l’aiguille aux fuseaux avec l’âge montée.
Elle opine d’abord, et les jeunes après,
Comme lorsqu’il s’agit, en un grave procès,
De sauver d’un client ou l’honneur ou la vie!
Tant elle a de briller une indomptable envie!
Au port de cette femme, à ses cheveux bouclés,
En étages nombreux sur son front assemblés,
En face vous diriez d’Hector la veuve altière;
Mais quelle différence à la voir par derrière!
Je le crois aisément, puisque, sans brodequin,
Ce n’est plus qu’un pygmée, un ridicule nain,
Et que, pour embrasser l’objet de sa tendresse,
Sur la pointe des pieds il faut qu’elle se dresse!
Cependant elle court au lieu du rendez-vous,
Néglige sa maison, laisse là son époux.
Avec lui désormais elle vit en voisine;
La seule affinité, c’est qu’elle le ruine,
Et que, pour l’affliger, se croyant tout permis,
Elle bat ses valets et chasse ses amis.

Ecce furentis
Bellonae, matrisque deum chorus intrat, et ingens
Semivir, obsceno facies reverenda minori,
Molla qui rupta secuit genitalia testa
Jampridem, cui rauca cohors, cui tympana cedunt
Plebeia, et phrygia vestitur bucca tiara;
Grande sonat, metuique jubet Septembris et Austri
Adventum, nisi se centum lustraverit ovis,
Et xerampelinas veteres donaverit ipsi,
(40)
Ut quidquid subiti et magni discriminis instat,
In tunicas est, et totum semel expiet annum.
Hybernum fracta glacie descendet in amnem;
Ter matutino Tiberi mergetur, et ipsis
Vorticibus timidum caput abluet: inde Superbi
Totum Regis agrum nuda ac tremebunda cruentis
Erepet genibus. Si candida jusserit Io,
Ibit ad Aegypti finem, calidaque petitas
A Meroë portebit aquae, ut spargat in aedem
Isidis, antiquo quae proxima surgit ovili:
Credit enim ipsius dominae se voce moneri.
En animam et mentem, cum qua Di nocte loguantur!
Ergo hic praecipuum summumque meretur honorem,
Qui grege linigero circumdatus et grege calvo,
Plangentis populi currit derisor Anubis.
Ille petit veniam, quoties non abstinet uxor
Concubitu, sacris observandisque diebus;
Magnaque debetur violato poena cadurco,
(41)
Et movisse caput visa est argentea serpens.
Illius lacrymae meditataque murmura praestent
Ut veniam culpae non abnuat, ansere magno
Scilicet et tenui popano corruptus Osiris.

Des prêtres de Bellone et des chœurs de Cybèle,
Vois-tu l’impur essaim fondre en foule chez elle?
Vois-tu ce grand eunuque, objet de leur respect!
Le cynique troupeau s’incline à son aspect;
Et, la tiare en tête, en avant du cortège,
Seul de régler la marche il a le privilège.
Du ton d’un inspiré dans la fourbe enhardi:
De septembre, dit-il, et des vents du midi,
Profanes, redoutez les noires influences,
A moins que par cent œufs expiant vos offenses,
Vous n’ayez désarmé la céleste rigueur,
Ou que, pour détourner quelque soudain malheur,
Le don accoutumé de vos vieilles parures,
N’ait de l’année entière effacé les souillures.
Le mati n dans le Tibre, au plus fort de l’hiver,
Trois fois, malgré la glace et la rigueur de l’air,
Elle courra plonger sa tête frémissante.
De là, s’il le prescrit, demi-nue et tremblante,
Autour du champ de Mars, que son sang rougira,
Sur ses genoux meurtris elle se traînera;
Et s’il lui dit: Partez, la blanche Io l’ordonne:
Vous la verrez, soumise à l’ordre qu’on lui donne,
D’un voyage en Égypte affrontant le péril,
Après avoir franchi les rivages du Nil,
De l’île Méroë rapporter l’onde sainte,
Et du temple d’Isis en arroser l’enceinte,
Non loin du champ modeste où le Tibre autrefois
Vit bondir les troupeaux du premier de nos rois.
Pourrait-elle hésiter, quand d’Isis elle-même
Elle croit accomplir la volonté suprême?
Quand elle croit l’entendre? Esprit digne en effet
Qu’un dieu pendant la nuit l’entretienne en secret!
Aussi quelle terreur, quel respect ridicule
Ne sait point inspirer à la foule crédule,
Ce fourbe environné d’un fanatique essaim
De ministres tondus et revêtus de lin,
Qui, d’un peuple abusé redoublant les alarmes,
Sous les traits d’Anubis, court et rit de ses larmes!
C’est lui dont la prière importunant les dieux,
Par des pleurs solennels et des élans pieux,
D’Osiris en fureur désarme la vengeance,
Quand de jeunes beautés, aux jours de continence,
Près d’elles par faiblesse ont admis un époux.
Quel châtiment cruel près de fondre sur vous!
Tremblez, car du serpent la tête vous menace;
Il dit; mais, à sa voix, Osiris leur fait grâce,
Osiris que ses pleurs et qu’un gâteau sacré,
A cet heureux pardon ont déjà préparé.

Quum dedit ille locum, cophino foenoque relicto,
Arcanam Judaea tremens mendicat in aurem,
Interpres legum Solymarum, et magna sacerdos
Arboris, ac summi fida internuntia coeli.
Implet et ille manum, sed parcius. Aere minuto,
Qualiacumque voles, Judaei somnia vendunt.

 

Une juive, laissant son foin et sa corbeille,
Vient ensuite en tremblant et mendie à l’oreille.
De Sion près d’un arbre interprétant les lois,
C’est de là que le ciel nous répond par sa voix.
Elle reçoit aussi le prix de ses prestiges;
Mais on lui donne peu. Voulez-vous des prodiges?
Parlez au premier juif: il vous en fournira
Au prix le plus modique, et tels qu’il vous plaira.

Spondet amatorem tenerum, vel divitis orbi
Testamentum ingens, calidae pulmone columbae
Tractato, Armenius vel Commagenus aruspex.
Pectora pullorum rimabitur, exta catelli,
Interdum et pueri: faciet qod deferat ipse.

Un prêtre d’Arménie, espèce d’aruspice,
Aux flancs d’une colombe offerte en sacrifice,
Entrevoit, pour ta femme, un jeune et tendre amant,
Ou d’un riche vieillard l’immense testament.
D’un chien, d’un enfant même il fera sa victime,
Et c’est lui qui sera le délateur du crime.

Chaldaeis sed major erit fiducia : quidquid
Dixerit astrologus, credent a fonte relatum
Ammonis, quoniam Delphis oracala cessant,
Et genus humanum damnat caligo futuri.
Praecipuus tamen est horum, qui saepius exul,
Cujus amicitia conducendaque tabella,
Magnus civis obiit, et formidatus Othoni.
Inde fides arti, sonult si dextera ferro,
Laevaque, si longo castrorum in carcere mansit.
Nemo mathematicus genium indemnatus habebit:
Sed qui pene periit, cui vix in Cyclada mitti
Contigit, et parva tandem caruisse Seripho.
Consulit ictericae lento de funere matris,
Ante tamen de te, Tanaquil tua: quando sororem
Efferat et patruos? an sit victurus adulter
Poet ipsam? quid euh majus dare numina possunt?

Mais de ces imposteurs à l’envi consultés,
Ce sont les Chaldéens qui sont le plus ventés,
Et leurs oracles seuls de nos jours ont la vogue.
Qu’un mot soit prononcé par leur moindre astrologue,
On le croira sorti de la bouche d’Ammon;
D’Ammon, car négligeant le trépied d’Apollon,
Sur l’avenir caché dans une nuit profonde,
Delphes à l’ignorance a condamné le monde.
Le premier de la troupe est ce fourbe obstiné,
Qui plus souvent qu’un autre à l’exil condamné,
D’un crayon complaisant, sur sa planche vénale,
De l’ennemi d’Othon traça l’heure fatale,
On ne croit à leur art que si de fers chargés,
Longtemps dans un cachot ils se sont vus plongés
Ce sont les fers en eux, le cachot qu’on vénère;
Un imposteur absous n’est qu’un homme ordinaire.
Mais si des criminels près de subir l’arrêt,
Trop heureux par l’exil d’échapper au gibet,
Il s’est fait reléguer dans l’étroite Gyare,
Alors c’est un génie et chacun s’en empare.
Nouvelle Tanaquil, ton épouse d’abord
Ira l’interroger sur l’instant de ta mort;
Sur le trépas trop lent d’une mère ictérique,
Sur le jour ou, suivant un convoi magnifique,
D’une sœur ou d’un oncle elle prendra le deuil.
Doit-elle précéder son amant au cercueil?
Ah ! qu’il vive après elle! une faveur si grande
Est tout ce qu’aux autels sa tendresse demande.

Haec tamen ignorat quid sidus triste minetur
Saturni, quo laeta Venus se proferat astro,
Quis mensis damno, quae dentur tempora lucro.
Illius occursus etiam vitare memento,
In cujus manibus, ceu pinguia succina, tritas
Cernis ephemeridas; quae nullum consulit, et jam
(42)
Consulitur; quae, castra viro patriamque petente,
Non ibit pariter, numeris revocata Thrasylli.
Ad primum lapidem vectari quum placet, hora
Sumitur ex libro: si prurit frictus ocelli
Angulus, inspecta genesi, collyria poscit.
Aegra licet jaceat, capiendo nulla videtur
Aptior hora cibo, nisi quam dederit Petosiris.

Elle ignore du moins sous quel signe en courroux
S’annoncent les fléaux près de fondre sur nous:
Quand Saturne est sinistre et Vénus favorable:
Quel mois porte bonheur : quel jour est redoutable
Souviens-toi, Posthumus, d’éviter en chemin
Celle qu’on voit toujours, ses tablettes en main,
Tourner et parcourir avec des yeux avides,
Les feuillets presque usés de ses éphémérides;
Qui ne consulte plus, mais qu’on vient consulter;
Qui, lorsque son époux, contraint de se hâter,
Doit rejoindre le camp ou regagner la ville,
Si le jour est contraire aux nombres de Thrasylle,
Ne pourra se résoudre à partir avec lui.
Veut-elle, pour tromper son indolent ennui,
Se faire transporter à cent pas de la porte?
Son grimoire lui dit quand il faut qu’elle sorte.
Sent-elle au coin de l’œil une démangeaison?
C’est son thème natal qui, pour la guérison,
Lui montre la recette en ce cas exigée.
Est-elle dans son lit au régime obligée?
Pour l’heure qui convient aux aliments prescrits,
Elle n’ajoute foi qu’à son Pétosiris.

Si mediocis erit, spatium lustrabit utrumque
Metarum, et sortes ducet, frontemque manumque
Praebebit vati crebrum poppysma roganti.
(43)
Divitibus responsa dabunt Phryx augur et Indus
Conductus: dabit astrorum mundique peritus,
Atque aliquis senior, qui publica fulgura condit.
Plebeium in circo positum est et in aggere fatum.
Quae nudis longum ostendit cervicibus aurum,
Consulit ante Phalas delphinorumque columnas,
An saga vendenti nubat, caupone relicto.

Celle qui n’appartient qu’à la classe commune,
Court, aux bornes du cirque, apprendre sa fortune;
Elle tire les sorts, et l’habile devin
On lui touche le front, ou lui palpe la main.
Elle consent à tout et se prête sans honte
Aux baisers indécents qu’il lui demande à compte.
La plus riche interroge un prêtre phrygien,
Un habile astrologue, un augure indien,
Ou le vieillard chargé d’enfouir sous la terre
Les objets qu’en tombant profana le tonnerre.
Pour celui dont la foule apprend son vil destin,
On va le consulter dans le champ de Tarquin;
Et celle qui, la tête et le cou sans parure,
Par un simple fil d’or retient sa chevelure,
Entre deux artisans incertaine en son choix,
Trouve aussi son oracle, auprès des tours de bois.

Hae tamen et partus subeunt discrimen, et omnes
Nutricis tolerant, fortuna urgente, labores:
Sed jacet aurato vix ulla puerpera lecto;
Tantum artes hujus, tantum medicamina possunt,
Quae steriles facit, atque homines in ventre necandos
Conducit ! Gaude, infelix, atque ipse bibendum
Porrige quidquid erit: nam si distendere vellet
Et vexare uterum pueris salientibus, esses
Aethiopis fortasse pater; mox decolor heres
Impleret tabulas, nunquam tibi mane videndus.

 

Mais la femme du moins, en cette classe obscure,
N’apprend point à tromper le vœu de la nature,
Et, pliant sous le joug de la nécessité,
Se soumet aux devoirs de la maternité.
L’hymen est plus commode où la richesse abonde.
Une couche dorée est rarement féconde,
Tant a fait de progrès dans son art inhumain,
Celle qui d’un breuvage exprimé de sa main,
Instruite à préparer la coupe délétère,
Sait tuer les enfants dans le sein de leur mère!
Applaudis-toi pourtant, époux infortuné;
Et, loin de t’opposer au remède ordonné,
Toi-même à l’infidèle apporte le breuvage;
Car, si de la nature accomplissant l’ouvrage,
De son flanc déchiré le fruit voyait le jour,
Elle ne remettrait peut-être à ton amour,
Qui sait? qu’un Africain, monstre d’affreux présage,
Admis à partager un jour ton héritage,
Et dont, tous les matins, le visage odieux
De son horrible aspect te blesserait les yeux.

Transeo suppositos, et gaudia votaque saepe
Ad spurcos decepta lacus, atque inde petitos
(44)
Pontifices Salios, Scaurorum nomina falso
Corpore laturos. Stat Fortuna improba noctu,
Arridens nudis infantibus; hos fovet ulnis,
Involvitque sinu : domibus tunc porrigit altis,
Secretumque sibi mimum parat : hos amat, his se
Ingerit, utque suos ridens producit alumnos.

Je ne te parle pas de la femme impudente
Qui, trompant d’un époux la trop crédule attente,
Lui donne des enfants qu’elle n’a point portés;
Malheureux orphelins sur la rive jetés,
Qui, dans l’éclat pompeux des dignités romaines,
Un jour, malgré le sang qui coule dans leurs veines,
Sous le nom des Scaurus marcheront triomphants.
La Fortune, parfois, sur ces faibles enfants,
La nuit, jette en passant un regard de tendresse,
Les réchauffe eu son sein, les berce, les carrosse,
Et de ses jeux secrets mystérieux acteurs,
Les élève en riant au faîte des grandeurs.

Hic magicos affert cantus, hic thessala vendit
Philtra quibus valeant mentem vexare mariti,
Et solea pulsare nates. Quod desipis, inde est;
Inde animi caligo, et magna oblivio rerum
Quas modo gessisti. Tamen hoc tolerabile, si non
Et furere incipies, ut avunculus ille Neronis,
Cul totam tremuli frontem Caesonia pulli
Infudit. Quae non faciet quod principis uxor?
Ardebant cuncta, et, fracta compage, ruebant
Non aliter quae fessicet Juno maritum
Insanum. Minus ergo nocens erit Agrippinae
Boletus, siquidem unius praecordia pressit
Ille senis, tremulumque caput descendere jussit
In coelum, et longam manantia labra salivam.
Haec poscit ferrum atque ignes; haec potio torquet;
Haec lacerat mistos equitum cum sanguine patres.
Tanti partus equae ! tanti una benefica constat !

 

Un autre leur vendra des paroles magiques;
Un autre, des poisons, des philtres thessaliques
Qui, d’un mari stupide offusquant les esprits,
Le livrent sans défense aux plus sanglants mépris
Alors comme égaré dans la nuit la plus noire,
Il n’aperçoit plus rien, il n’a plus de mémoire;
Heureux s’il n’en vient pas jusques à la fureur,
Comme ce forcené, ce féroce empereur
A qui Césonia, par un secret breuvage,
Inspira tout à coup moins d’amour que de rage.
Ce qu’une impératrice a bien osé tenter,
Quelle femme aujourd’hui craindra de l’imiter?
L’empire était en feu: tout allait se dissoudre:
Ou eût dit que Junon, du maître de la foudre
Venait de déranger le sublime cerveau.
Certes, le champignon qui mit Claude au tombeau,
N’a point d’un tel désastre effrayé nos murailles;
D’un infirme vieillard déchirant les entrailles,
Il n’a fait que hâter son destin glorieux,
Et le précipiter à la table des dieux.
Mais l’oncle de Néron, altéré de carnage,
A peine du poison a senti le ravage,
Il brûle, il assassine et des petits, des grands,
Pêle-mêle égorgés, le sang coule à torrents.
Voilà l’effet cruel d’une coupe amoureuse!
Voilà les maux produits par une empoisonneuse!

Oderunt natos de pellice: nemo repugnet,
Nemo vetet; jam jam privignum occidere fas est.
Vos ego, pupilli, moneo, quibus amplior est res,
Custodite animas, et nulli credite mensae
Livida materno fervent adipata veneno.
Mordeat ante aliquis, quidquid porrexerit illa
Quae peperit; timidus praegustet pocula pappas.

Que d’une concubine, objet de sa fureur,
Une épouse trahie ait le sang en horreur:
J’y consens; c’est l’usage; et sa haine jalouse
Peut même ôter la vie au fils d’une autre épouse;
Mais toi, riche pupille, à ses soins confié,
C’est toi que j’avertis; crains sa fausse amitié;
Crains la coupe, les mets apprêtés par ta mère;
Que ta bouche jamais n’y touche la première,
Et qu’un tuteur tremblant entre elle et toi placé,
Goûte d’abord le vin qu’elle t’aura versé.

Fingimus haec, altum satira sumente cothurnum Sciilicet: et, finem egressi legemque priorutu,
Grande sophocleo carmen bacchamur hiatu,
Montibus ignotum Rutulis coeloque Latino.
Nos utinam vani ! sed clamat Pontia: Feci,
(45)
Confiteor, puerisque meis aconita paravi,
Quae deprensa patent : facinus tamen ipsa peregi.
Tune duos una, saevissima vipera, coena?
Tune duos? Septem, si septem forte fuissent.
Credamus tragicis, quidquid de Colchide torva
Dicitur et Procne. Nu contra conor, et illae
Grandia monstra suis audebant temporibus; sed
Non propter nummos. Minor admiratio summis
Debetur monstris, quoties facit ira nocentem
Hunc sexum : rabie jecur incendente feruntur
Praecipites, ut saxa jugis abrupta, quibus mons
Subtrahitur, clivoque latus pendente recedit.
Illam ego non tulerim, quae computat, et scelus ingens
Sana facit. Spectant subeuntem fata mariti
Alcestim; et, similis si permutatio detur,
Morte viri cupiant animam servare catellae.
Occurrent multae tibi Belides atque Eriphylae:
Mane Clytemnestram nullus non vicus hahebit.
Hoc tantum refert, quod Tyndaris illa bipennem
Insulsam et fatuam dextra laevaque tenebat;
At nunc res agitur tenui pulmone rubetae:
Sed tamen et ferro, si praegustarit Atrides
Pontica ter victi cautus medicamina Regis
(46)

Loin du sentier battu per nos vieux satiriques,
Je poursuis, diras-tu, des monstres chimériques;
Je chausse le cothurne, et rhéteur boursouflé,
Je viens, du ton pompeux d’un Sophocle ampoulé,
Conter avec emphase à mea lecteurs crédules,
Des excès inconnus sur les monts des Rutules,
Des crimes que jamais les Latins n’ont commis.
Plût au ciel, Posthumus! mais écoute et frémis.
Oui, te dit Pontia, le crime est véritable
C’est moi qui fis périr mes enfants à ma table:
Du poison par mes mains le vase fut rempli:
Je l’ai fait, on m’a vue, et je n’ai point péri.
— Quoi! deux fils innocents, détestable vipère,
Ont péri de ta main, de la main d’une mère!
Deux en un seul festin!—Sept, dans un seul festin !
Si j’en avais eu sept, seraient morts de ma main!
— Du barbare Térée épouse parricide,
Et toi, monstre odieux qu’enfanta ta Colchide,
A vos plus noirs complots nous croyons maintenant;
Vos meurtres, vos poisons n’ont plus rien d’étonnant;
Tout est vrai; mais du moins, si vous fûtes cruelles,
L’or n’a point mis le glaive en vos mains criminelles.
La femme que transporte un accès de fureur,
Quel que soit son forfait, m’inspire moins d’horreur;
C’est un roc menaçant dont la masse ébranlée,
Du mont dont il s’arrache, au fond de la vallée
Tombe et se précipite et roule avec fracas.
Le plus tache, à mes yeux, de tous les attentats,
C’est celui qu’une avare et perfide mégère
Médite froidement et commet sans colère.
Tous les jours sur la scène, attendrissant les cœurs,
Alceste, en s’immolant, nous fait verser des pleurs:
Offrez à nos beautés la même alternative:
Dites à cette épouse au spectacle attentive,
De choisir d’un Admète ou d’un chien favori;
Son choix est déjà fait: périsse le mari.
Vous trouverez partout quelque sœur d’Hypermnestre,
Et demain chaque rue aura sa Clytemnestre.
Mais du moins Clytemnestre en un transport soudain,
Exécuta son crime une hache à la main:
Les nôtres n’ont besoin que d’un simple breuvage,
Du glaive toutefois prêtes à faire usage,
Si leur Agamemnon redoutant le trépas,
A leurs perfides soins ne s’abandonnent pas,
Et qu’imitant ce roi vaincu dans trois batailles,
A l’abri du poison il eût mis ses entrailles.


 

NOTES SUR LA SATIRE VI.

(01) Convenium, pactum et sponsalia sont trois choses distinctes. Convenium est l’entrevue du jeune homme, soit avec la jeune fille qu’il demande en mariage, soit avec ses parents. C’est ce que nous appelons la recherche. Pactum est le résultat des stipulations et des conditions du mariage, ou le contrat. Sponsalia exprime la promesse solennelle par laquelle les époux sont accordés, c’est-à-dire les fiançailles.

(02) Ce conseil ironique ne peut être qu’un sarcasme contre Posthumus.

(03) Le mot tollere est consacré dans ce cas et les semblables. C’était la coutume, chez les Romains, que l’enfant, dès qu’il était né, fût déposé à terre, pour être relevé par le père, quand celui-ci le reconnaissait. S’il n’était pas relevé par lui, il était regardé et traité comme illégitime. C’est ce qui explique ce vers de l’Andrienne: Quidquid peperisset decreverunt tollere.

(04) L’auteur désigne particulièrement le coffre de Latinus, comme nous dirions le sac de Scapin. Latinus était un mime célèbre qui vraisemblablement représentait dans quelque farce les terreurs d’un adultère surpris par le mari.

(05) Les fêtes de Cérès, connues sous un grand nombre de dénominations, et particulièrement sous celles d’Eleusines et de Thesmophories, n’étaient célébrées que par des femmes chastes et de jeunes vierges.

(06) Les nouveaux mariés suspendaient la porte de leurs maisons, des guirlandes de lierre, de myrte, de lauriers, etc.

(07) Il y avait longtemps que les poètes ne croyaient plus aux dieux qu’ils avaient inventés, et le moment approchait où les peuples n’allaient plus reconnaître qu’un seul principe, qu’une seule cause des phénomènes de la nature. Comment une croyance aussi simple, aussi sublime, n’aurait-elle pas triomphé de ce polythéisme ridicule qui s’écroulait de toutes parts, et que l’on abandonnait même aux sarcasmes de la satire? Sénèque ne se montre pas plus respectueux envers le dieu du capitole. Quid ergo est quare apud postas salacissimus Jupiter desierit liberos tollere? Ultrum sexagenarius factus est, et illi lex papia fibulam imposuit?

(08) Subitum et miserabile longum, sont des expressions relatives aux gestes et aux attitudes des pantomimes; mais en quoi y sont-elles relatives, et quel en est le sens exact? C’est ce qu’il serait assez difficile de déterminer. Attendit marque l’attention et les efforts avec lesquels ces divers mouvements sont exécutés.

(09) Il s’agit de l’intervalle qui se trouvait entre les jeux mégalésiens et les jeux plébéiens. Ceux-ci, institués à l’occasion de la concorde rétablie entre le sénat et le peuple, se célébraient le 15 novembre; les antres, fondés par Junius Brutus, en l’honneur de la grande déesse, étaient fixés au 14 avril. Les grandes représentations scéniques étaient interrompues pendant ces mois. C’était aux jeux mégalésiens et plébéiens qu’on jouait les comédies les plus estimées. Celles de Térence le furent toutes aux jeux mégalésiens, à l’exception des Adelphes et de Phormion.

(10) Les acteurs qui se produisaient nus en public, avaient une espèce de ceinture, subligar, subligaculum, sans laquelle, dit Cicéron, personne n’aurait osé se montrer sur la scène.

(11) Les atellanes, ainsi appelées du nom d’Atella, ville de Campanie, où elles avaient pris naissance, étaient des tragédies mêlées de sérieux et de plaisant. L’exode y était ce que c’est chez nous la petite pièce. Le rôle d’Urbicus était celui d’Autonoé, mère d’Actéon, ou peut-être l’une des bacchantes. Les mimes jouaient indifféremment les rôles d’hommes ou de femmes.

(12) Mot à mot il en coûte cher aux femmes pour rompre l’anneau de ces histrions. L’infibulation était une opération pratiquée pour empêcher les gladiateurs, les acteurs, et quelquefois même les jeunes gens, d’avoir commerce avec les femmes.

(13) Ce Lentulus avait probablement trois noms, et s’appelait Postumus Ursidius Lentulus.

(14) Pâris, célèbre pantomime, qui parvint à inspirer de l’amour à Domitia Augusta, femme de Domitien, qui la répudia pour ce motif. On prétend que Pâris fut condamné à mort par l’empereur.

L’histoire parle aussi d’un autre Pâris qui fut encore un pantomime fameux, sous le règne de Néron. Ce prince voulant qu’il lui apprit à danser, le fit mourir parce qu’il ne réussissait pas.

(15) Pour bien entendre cette expression, il faut savoir que les Romains avaient deux manières de faire leur barbe: l’un, en la coupant jusqu’à la peau, ce qu’ils appelaient radere; l’autre, en la coupant sur un peigne, et seulement en partie, ce qu’ils appelaient tondere. Les jeunes gens conservaient leur barbe jusqu’à vingt et un ans, époque à laquelle ils en faisaient offrande à quelque divinité. Ils continuaient ainsi à la tondre jusqu’à l’âge de quarante ans, et c’est alors qu’ils commençaient à se raser pour paraître moins vieux.

(16) Accepta rude veut dire si Sergius avait pris son congé, s’il avait cessé d’être gladiateur, il ne serait plus qu’un Véïenton, qu’un époux aux yeux d’Hippia. Rudis était le nom d’une baguette que l’on donnait aux gladiateurs qui obtenaient leur congé.

(17) Ce mot signifie trois choses dans les écrits des anciens,

1° Une excroissance de chair que les poulains nouveaux-nés ont quelquefois sur le front. 2° Une certaine liqueur qui coule des parties naturelles d’une jument en chaleur. 3° Une herbe d’Arcadie qui, selon Théocrite, avait la propriété de mettre les chevaux en fureur.

(18) Les formules ordinaires du divorce étaient Collige sarcinulas; exi; vade foras; res tuas tibi habeto; res tuas tibi agito. Les époux qui voulaient divorcer, ne pouvaient le faire qu’en présence de sept citoyens romains, outre l’affranchi qui devait faire la déclaration.

(19) Cette Bérénice soupçonnée d’un inceste avec Agrippa, son frère, est la même qui fut tendrement aimée de Titus.

(20) Mustaceum était une espèce de gâteau restaurant, donandum crudis, que l’on donnait à ceux qui avaient des crudités.

(21) Le jour des noces, le mari offrait à son épouse des pièces d’or et d’argent dans un bassin. Celles dont parle Juvénal portaient l’empreinte de Domitien qui, ayant vaincu les Daces et les Germains, avait pris les surnoms de Dacique et de Germanique.

(22) Cette multiplicité de divorces n’est pas une hyperbole; c’est un fait attesté par l’histoire. Sénèque remarque que, de son temps, les femmes ne dataient plus des consulats, mais des différents maris dont elles avaient changé.

On avait coutume de graver sur le tombeau des femmes, le nom de leurs maris.

(23) Dans les exercices athlétiques, on enfonçait en terre un pieu d’environ six pieds, contre lequel les athlètes encore novices se formaient aux principes de leur art, luttant contre ce pieu, l’épée ou un bâton à la main.

(24) Les jeux floraux, ainsi nommés de Flora, célèbre courtisane qui avait légué au peuple romain le produit de ses débauches. Ils étaient devenus si licencieux que les courtisanes s’y rendaient toutes nues, au son de la trompette.

(25) Crurisque sinistris dimidium tegmen, Indique l’usage où étalent les soldats romains, et les gladiateurs qui les imitaient, de n’armer que la partie de la jambe gauche que l’on présente en avant dans un combat singulier. Cette armure était une espèce de bottine qui montait jusqu’au genou. La cuisse gauche se trouvait couverte par le bouclier.

(26) On pourrait être surpris que Juvénal ne laisse passer aucune occasion de citer honorablement Quintilien, tandis que celui-ci, en parlant des satiriques, ne fait aucune mention de Juvénal. C’est un motif de plus à l’appui du sentiment de ceux qui pensent que Juvénal n’a écrit ses satires que sous le règne d’Adrien, époque à laquelle Quintilien était déjà mort.

(27) Homo sum veut dire : je suis sujette aux faiblesses de l’humanité. Vir et femina sunt uterque homo.

(28) L’usage des parfums était porté à un tel excès, qu’on en mettait même dans le vin, et qu’il en coûtait cher, ajoute Pline, pour se procurer une boisson amère.

(29) Cette horreur n’est point une invention de la fable. Quand l’histoire n’en offrirait pas d’exemples, le Lévitique seul en fournirait la preuve. On ne porte pas de lois contre des crimes qui n’ont jamais existé. Mulier non succumbet jwmento, nec miscebitur ei. Liv. 18, v. 20. Mulier quae succumberit Jumennto, simul interficietur cum eo. 20, v. 15.

(30) Cette infâme chanteuse n’était autre chose que le trop fameux Clodius qui, dans sa jeunesse, épris d’une passion criminelle pour Pompéia, femme de César, fut surpris, déguisé en femme, dans la maison de César lui-même, où l’on célébrait les mystères de la Bonne Déesse.

(31) Cicéron avait composé un livre en l’honneur de Caton d’Utique. César irrité des éloges donnés au plus grand homme de son siècle, en composa un autre plus volumineux, dans un sens contraire, et qu’il intitula l’Anti-Caton. C’est la longueur de cet ouvrage qui a donné à Juvénal l’idée plus que bizarre de son indécente comparaison.

(32) C’était la couronne accordée aux vainqueurs dans les jeux capitolins, institués par Domitien, à l’imitation des jeux olympiques, et dans lesquels des prix étaient proposée tous les cinq ans aux athlètes, aux musiciens, et même aux orateurs, aux historiens et aux poètes.

 (33) Parmi les différents exercices employés à Rome par ceux qui fréquentaient les bains, pour s’exciter à suer, il y en avait un qui consistait à balancer longtemps dans ses mains, avec un certain mouvement, une lourde masse de plomb.

(34) L’oenophore contenait dix-huit pintes, mesure de Paris, Le setier, douze cyathes. Le cyathe servait à mesurer le vin ou l’eau que l’on versait dans les coupes appelées pocula.

(35) La comparaison de cette femme avec un serpent est d’autant plus heureuse que, suivant Aristote et Pline, le serpent a une grande avidité pour le vin. Qu’on ne croie pas qu’il y ait la moindre exagération dans cette peinture. Les femmes, sur ce point, le disputait aux hommes, et Sénèque n’en parle pas avec moins d’indignation que les satiriques. On trouve dans Martial

Nec coenat prius aut recumbit

Quam septem vomuit deunces.

(36) Dusaulx, qui trouve ce vers en général très mal expliqué, ne l’explique pas mieux que les autres. La femme qui l’emporte sur les grammairiens et les rhéteurs, qui compare Homère et Virgile, qui parle de philosophie, qui approfondit les préceptes de Palémon, qui sait par cœur de vieux vers que son mari ne connaît pas, est toujours la même. Elle n’est pas plus bavarde au commencement qu’à la fin du passage; et la conjonction nam, qui parait inexplicable au traducteur, n’offre aucune difficulté réelle. Voici le sens de l’auteur : Ce n’est pas tout, elle ose disputer du souverain bien : elle définit le juste et l’honnête; car, de la littérature à la philosophie il n’y a qu’un pas, et puisqu’elle désire passer pour éloquente, il faut aussi qu’elle porte la tunique retroussée, qu’elle immole un pourceau à Sylvain, etc., c’est-à-dire, il faut qu’elle soit philosophe.

(37) Les hommes seuls sacrifiaient à Sylvain, qui était le génie des hommes, comme Junon, celui des femmes. Celles-ci ne fréquentaient pas les bains publics, où les gens du peuple étaient admis pour le quart d’un as.

……………Dum tu quadrante lavatum,

Rex, ibis.

dit Horace, en se moquant d’un stoïcien.

Il est probable que les philosophes, amis de la retraite et des forêts, rendaient un culte particulier à Sylvain.

(38) On croyait le lait d’ânesse propre à entretenir la peau plus blanche et plus douce. Poppée en prenait des bains entiers. Pline assure que dans ses voyages, cette princesse n’avait jamais moins de cinq cents ânesses à sa suite.

(39) Qu’Isis mérite le nom de Lena, que lui donne Juvénal, et que son temple ait été l’asile, le rendez-vous de tous les amants et de tous les adultères, c’est ce qui résulte assez clairement de ces vers de l’art d’aimer

Non fuge linigenae memphitica templa Juvenca:

Mulias ilia facit quœ fuit ipso Jovi.

(40) Ces tuniques de lin étaient couleur de feuilles de vigne sèches; c’est ce que signifient les racines du mot xerampelinas.

(41) Par le mot cadurcum on entend une espèce de matelas, faite à Cahors, ville de la Gaule. Les peuples de cette contrée étaient renommés pour ce genre d’industrie. Les femmes qui célébraient les fêtes d’Isis devaient, pendant neuf jours, s’éloigner de leurs maris, et elle, ne pouvaient manquer à cette loi, sans se rendre coupables d’un adultère religieux qui exigeait une expiation solennelle. La déesse Isis était représentée avec un serpent sur la tête.

(42) Les éphémérides sont des tables qui marquent l’état du ciel pour chaque jour. Juvénal dit plus luisantes que l’ambre, parce qu’un livre souvent feuilleté jaunit sous les doigts.

(43) Les uns, par ce crebrum poppysma, entendent le bruit que fait le chiromancien, en frappant dans la main de celle qui le consulte les autres, le son de l’argent qu’il exige d’elle; quelques autres enfin, les fréquentes caresses qu’il lui demande à compte.

(44) Les femmes galantes qui voulaient cacher les fruits de leurs amours, les faisaient exposer sur les bords du lac Vélabre : et c’est là que s’adressaient aussi celles qui voulaient donner à leurs maris des enfants qu’elles n’avaient point portés.

(45) Pontia, fille de T. Pontius, commit, en effet, ce crime affreux.

(46) Mithridate, vaincu tour à tour par Sylla, Lucullus et Pompée.