JUVÉNAL
SATIRE X
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
SATURA X / SATIRE X.
(Traduction de
L. V. Raoul, 1812)
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SATIRE
X.
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SATURA X.
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Omnibus in terris, quæ sunt
a Gadibus usque
Auroram et Gangen, pauci dignoscere possunt
Vera bona, atque illis multum diversa, remota
Erroris nebula. Quid enim ratione timemus
Aut cupimus? quid tam dextro pede concipis, ut te
Conatus non pœniteat votique peracti?
Evertere domos totas, optantibus ipsis,
Di faciles. Nocitura toga, nocitura petuntur
Militia. Torrens dicendi copia multis
Et sua mortifera est facundia. Viribus ille
Confisus periit admirandisque lacertis.
Sed plures nimia congesta pecunia cura
Strangulat, et cuncta exsuperans patrimonia census,
Quanto delphinis balæna britannica major.
Temporibus diris igitur, jussuque Neronis,
Longinum et magnos Senecæ prædivitis hortos
Clausit, et egregias Lateranorum obsidet ædes
Tota cohors; rares venit in cœnacula miles.
Pauca licet portes argenti vascula puri,
Nocte iter ingressus, gladium contumque timebis,
Et motæ ad lunam trepidabis arundinis umbram:
Cantabit vacuus coram latrone viator. |
Des
plaines de l’Indus, aux campagnes du Tage,
Peu d’hommes, de l’erreur écartant le nuage,
Savent des biens réels discerner les vrais maux;
Peu savent désirer, savent craindre à propos.
Quels désirs, en effet, dans nos vagues caprices,
Quels projets formons-nous, sous d’assez bons auspices,
Pour ne pas voir bientôt avec d’amers regrets,
Nos efforts et nos vœux couronnés du succès?
Les dieux, en exauçant d’imprudentes prières,
Souvent ont renversé des familles entières:
Souvent nous n’avons dû qu’à nos propres souhaits,
Et nos maux dans la guerre, et nos maux dans la paix.
L’un, sublime orateur, tonne contre le crime,
Et de son éloquence il devient la victime;
L’autre croit tout possible aux muscles de son bras,
Et dans ses muscles même il trouve le trépas.
Des richesses surtout la soif insatiable
Prépare au plus grand nombre un destin effroyable;
Témoins ces jours de sang, où l’ordre de Néron
Fit des Latéranus investir la maison;
Où l’on vit du tyran les farouches cohortes,
Du palais de Longin environner les portes,
Et, brandissant en l’air leurs glaives assassins,
Du trop riche Sénèque assiéger les jardins.
Rarement le soldat monte au dernier étage.
Toi qui portes la nuit un peu d’or en voyage,
Un souffle, un jonc qui tremble, une ombre te fait peur.
Pauvre, tu chanterais sous les yeux du voleur. |
Prima fere vota, et cunctis notissima templis,
Divitiæ ut crescant, ut opes, ut maxima toto
Nostra sit arca foro. Sed nulla aconita bibuntur
(01)
Fictilibus: tunc illa time, quum pocula sumes
Gemmata, et lato Setinum ardebit in auro.
Jamne igitur laudas , quod de sapientibus alter
Ridebat, quoties de limine moverat unum
Protuleratque pedem, fiebat contrarius alter?
Sed facilis cuivis rigidi censura cachinni:
Mirandum est unde ille oculis suffecerit humor.
Perpetuo risu pulmonem agitare solebat
Democritus, quanquam non essent urbibus illis
Pratexta et trabeæ, fasces, lectica, tribunal.
Quid si vidisset pnntorem in curribus altis
(02)
Exstantem, et medio sublimem in pulvere circi,
In tunica Jovis, et pictæ sarrana ferentem
Ex humeris aulæa togæ, magnæque coronæ
Tantum orbem, quanto cervix non sufficit ulla?
Quippe tenet sudans hanc publicus, et, sibi consul
Ne placeat, curru servus portatur eodem.
(03)
Da nunc et volucrem sceptro quæ surgit eburno,
Illinc cornicines, hinc præcedentia longi
Agminis officia, et niveos ad frena Quirites,
Defossa in loculis quos sportula fecit amicos.
Tunc quoque materiam risus invenit ad omnes
Occursus hominum, cujus prudentia monstrat
Summos posse vires, et magna exempla daturos,
Vervecum in patria crassoque sub ære nasci.
(04)
Ridebat curas, nec non et gaudia vulgi,
Interdum et lacrymas, quum Fortunæ ipe minaci
Mandaret laqueum , mediumque ostenderet unguem
(05)
Ergo supervacua hæc aut perniciosa petuntur,
Propter quæ fas est genua incerare deorum.
(06) |
Des vœux
dont chaque jour une foule importune,
Dans les temples des dieux fatigue la Fortune,
Le premier, c’est de voir s’accroître nos trésors;
C’est qu’au forum, parmi tant de lourds coffre-forts,
Nul ne soit aussi grand, aussi plein que le nôtre.
Téméraires mortels, quel délire est le vôtre!
Dans des vases d’argile on boit impunément;
Mais tremblez, quand dans l’or brille un vin écumant.
Qui donc les blâmerait ces sages de la Grèce,
Dont l’un riait toujours, l’autre pleurait sans cesse?
Je conçois du premier les sarcasmes moqueurs;
Mais l’autre, quelle source entretenait ses pleurs?
Démocrite, en mettant un pied hors de la porte,
Sûr de trouver un fou de l’une ou l’autre sorte,
D’un rire inextinguible éclatait en tons lieux,
La Thrace cependant ne montrait à ses yeux,
Pour exciter sa verve et lui servir de texte,
Tribunal ni faisceaux, litière ni prétexte.
Qu’eût-ce été si, présent aux pompes de nos jeux,
Il eût vu dans le cirque un préteur fastueux,
En triomphe porté sur un char magnifique,
Du souverain des dieux revêtir la tunique,
Rejeter sur l’épaule un superbe manteau,
Et courbé sous le poids d’un énorme bandeau,
Ne porter, qu’avec peine, au milieu de la fête,
Cet ornement trop lourd pour une seule tête;
S’il eût vu, sur son front, d’un bras ferme et tendu,
Un esclave tenir ce fardeau suspendu,
Et placé près de lui sur son char de victoire,
Avertir le consul du néant de la gloire?
Ajoutez à ces traits l’aigle qui, dans ses mains,
Sur un sceptre d’ivoire, éblouit les Romains;
D’un côté, les clairons, de l’autre, le cortège
Qui, de le précéder, brigue le privilège,
Et ses nobles amis, pour quelques vils deniers,
Courant, en toge blanche, au frein de ses coursiers?
Mais, pour donner carrière sa verve ironique,
Il n’en fallait pas tant à ce rieur caustique,
Qui prouve qu’on peut voir, sous l’air le plus épais,
Naître de ces talents qui ne meurent jamais.
Il riait des soucis, des plaisirs du vulgaire,
Quelquefois de ses pleurs; et du destin contraire,
En le montrant du doigt, avec un air moqueur,
Défiait la menace et bravait la rigueur.
Nos vœux n’arrachent donc aux puissances célestes,
Que des dons superflus, s’ils ne sont pas funestes.
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Quosdam præcipitat subjecta
potentia magnæ
Invidiæ mergit longa atque insignis honorum
Pagina; descendunt statuæ restemque sequuntur.
Ipsas deinde rotas bigarum impacta securis
Cædit, et immeritis franguntur crura caballis.
Jam strident ignes, jam follibus atque caminis
Ardet adoratum populo caput, et crepet ingens
Sejanus; deinde ex facie, toto orbe secunda,
Fiant urceoli, pelves, sartigo, patellæ.
Pone domi lauros, duc in Capitolia magnum
(07)
Cretatumque bovem ; Sejanus ducitur unco
Spectandus. Gaudent omnes. Quæ labra! quis illi
Vultus erat! Nunquam, si quid mihi credis, amavi
Hunc hominem. Sed quo cecidit sub crimine? quisnam
Delator? quibus indiciis, quo teste probavit?
Nil horum: verbosa et grandis epistola venit
(08)
A Capreis. Bene habet; nil plus interrogo. Sed quid
Turba Remi? Sequitur fortunam, ut semper, et odit
Damnatos. Idem populus, si Nursia Tusco
Favisset, si oppressa foret secura senectus
Principis, hac ipsa Sejanum diceret hora
Augustum. Jam pridem, ex quo suffragia nulli
Vendimus, effudit curas : nam, qui dabat olim
Imperium, fasces, legiones, omnia, nunc se
Continet, atque duas tantum res anxius optat,
Panem et circenses. Perituros audio multos.
Nu dubium, magna est fornacula pallidulus mi
Brutidius meus ad Martis fuit obvius aram:
Quam timeo victus ne pœnas exigat Ajax,
Ut male defensus! Curramus præcipites, et,
Dum jacet in ripa, calcemus Cæsaris hostem.
Sed videant servi, ne quis neget et pavidum in jus
(09)
Cervice obstricta dominum trahat. Hi sermones
Tunc de Sejano; secreta hæc murmura vulgi. |
Victimes
de l’envie attachée aux grandeurs,
Plusieurs doivent leur chute à ces mêmes honneurs
Dont la liste pompeuse enlie de longues pages.
Vois de leur piédestal descendre leurs images;
Vois le peuple s’armer, et, la hache à la main,
Briser l’essieu du char et les chevaux d’airain.
Le feu va s’allumer : déjà la flamme brille;
Déjà dans le creuset le grand Séjan pétille;
Et ce front si longtemps adoré des Romains,
Ce front qui fut celui du second des humains,
Des arts les plus grossiers essuyant les outrages,
Va servir désormais à d’indignes usages.
— Pour rendre grâce aux dieux vengeurs des trahisons,
D’un laurier solennel couronnez vos maisons;
Hâtez-vous, citoyens, et qu’un taureau sana tache,
Conduit au capitole expire sous la hache.
Séjan, par des bourreaux dans la fange traîné,
A la fureur du peuple en spectacle est donné.
C’est un jour de bonheur, de triomphe pour Rome.
— Quel air! quels yeux! crois-moi : je n’aimais point cet homme,
Cependant, de quel crime a-t-on pu raccuser?
Quels témoins contre lui sont venus déposer?
Dit-on les faits? a-t-on quelque preuve assurée?
— Aucune! seulement du rocher de Caprée,
Une lettre diffuse, équivoque … — J’entends.
Et le peuple? —Le peuple! il fait comme en tout temps,
S’attache à la fortune, et maudit la victime.
Que, prévenant le coup dont son maître l’opprime,
Le Toscan dans le sein de l’indolent vieillard,
Aidé de sa Nursie, eût plongé le poignard,
De festons glorieux lui-même ornant son buste,
Ce vil peuple aujourd’hui le saluerait Auguste.
Depuis qu’avec dédain foulant aux pieds nos droits,
Les grands au champ de Mars n’achètent plus nos voix,
Qu’importe de l’état le calme ou les orages?
Ces Romains si jaloux, si fiers de leurs suffrages,
Qui jadis commandaient aux rois, aux nations,
Décernaient les faisceaux, donnaient les légions,
Et seuls, dictant la paix, ou proclamant la guerre,
Régnaient du Capitole aux deux bouts de la terre,
Esclaves maintenant de plaisirs corrupteurs,
Que leur faut-il? du pain et des gladiateurs.
— Il court encor des bruits de meurtres, de vengeance.
— Qui pourrait en douter? la fournaise est immense.
Je viens de rencontrer, près de l’autel de Mars,
Brutidius tremblant, pèle, les yeux hagards.
Que je crains, m’a-t-il dit, qu’altéré de carnage,
Ajax mal défendu ne redouble de rage.
Tandis que de Séjan les lambeaux déchirés,
Sur la rive aux passants sont encore livrés,
Courons fouler aux pieds l’ennemi du monarque:
Courons, et que surtout la foule nous remarque,
De peur qu’un vil esclave à nous perdre excité,
De son maître tremblant par ses mains garrotté,
N’aille livrer la tête aux glaives de Tibère.
Voilà ce qu’en secret murmurait le vulgaire;
Voilà comme il plaignait le rival du tyran! |
Visne salutari sicut
Sejanus? habere
Tantumdem, atque illi sellas donare curules,
Illum exercitibus præponere? tutor haberi
Principis auguste Caprearum in rupe sedentis
(10)
Cum grege Chaldæo? Vis certe pila, cohortes,
Egregios equites et castra domestica. Quid ni
Hæc cupias? et, qui nolunt occidere quemquam,
Posse volunt. Sed quæ præclara et prospera tanti,
Ut rebus lætis per sit mensura malorum?
Hujus, qui trahitur, prætextam sumere mavis,
An Fidenarum Gabiorumque esse potestas,
Et de mensura jus dicere, vasa minora
Frangere pannosus vacuis ædilis Ulubris?
Ergo quid optandum foret, ignorasse fateris
Sejanum : nem qui nimios optabat honores,
Et nimias poscebat opes, numerosa parabat
Excelsæ turris tabulata, unde altior esset
Casus, et impulsæ præceps immane ruinæ. |
Et
bien ! que penses-tu du bonheur de Séjan?
De ses prospérités es-tu jaloux encore?
Voudrais-tu, comme lui, voir chez toi, dès l’aurore,
Se presser à l’envi des flots d’adulateurs;
Forcer l’orgueil des grands à briguer tes faveurs;
A l’armée, au sénat, seul dispenser les places;
Seul, au nom de César, distribuer les grâces,
Et parmi ses devins, gouverner dans sa cour,
Le prince dont Caprée est l’auguste séjour?
Sans doute tu voudrais, de nombreuses cohortes,
De nobles chevaliers, voir un camp à tes portes.
C’est une ambition qu’il est permis d’avoir;
Sans aimer à tuer, on aime à le pouvoir.
A quoi bon cependant cette brillante pompe,
Ce faste dont l’éclat nous séduit et nous trompe,
S’il est vrai qu’il n’est point de richesses, d’honneurs,
Qui puissent égaler la somme des malheurs?
Ah! loin de désirer les dignités funestes
De celui dont le peuple outrage ainsi les restes,
Va plutôt, dans les murs de quelque humble cité,
Sous un lambeau de toge, édile respecté,
De l’avide marchand soumis à tes sentences,
Confisquer les faux poids ou briser les balances.
Il faut donc l’avouer, Séjan dans la grandeur
A méconnu les biens qui font le vrai bonheur,
Et, lorsqu’il entassait, titres, gloire, puissance,
L’insensé, dans l’éclat de sa vaine opulence,
Ne faisait qu’élever une orgueilleuse tour
Qui devait de plus haut le voir tomber un jour. |
Quid Crassos, quid Pompeios
evertit, et ilium
Ad sua qui domitos deduxit flagra Quirites?
Summus nempe iocus, nulla non site petitus,
Magnaque numinibus vota exaudita malignis.
Ad generum Cereris sine cæde et vulnere pauci
Descendunt reges, et sicca morte tyranni. |
Les
Crassus, les Pompée, et celui que le Tibre
Vit façonner au joug le front d’un peuple libre,
Qui les a renversés? des vœux ambitieux;
Des vœux qu’en leur colère exaucèrent les dieux.
Peu de rois sans blessure, au terme de leur âge,
Du gendre de Cérès abordent le rivage. |
Eloquium et famam
Demosthenis aut Ciceronis,
Incipit optare, et totis quinquatribus optat,
Quisquis adhuc uno partam colit asse Minervam
(11)
Quem sequitur custos angustæ vernula capsæ.
Eloquio sed uterque periit orator; utrumque
Largus et exundans letho dedit ingenii fons.
Ingenio manus est et cervix cæsa; nec unquam
Sanguine caussidici maduerunt rostra pusilli.
O fortunatam natam, me
consule, Romam!
(12)
Antoni gladios potuit
coutemnere, si sic
Omnia dixisset. Ridenda pœmata malo
Quam te conspicuæ, divina Philippica, famæ,
Volveris a prima quæ proxima. Sævus et illum
Exitus eripuit, quem mirabantur Athenæ
Torrentem, et pleni moderantem frena theatri.
Dis ille adversis genitus fatoque sinistro,
Quem pater ardentis massæ fuligine lippus,
A carbone et forcipibus, gladiosque parante
Incude, et luteo Vulcano, ad rhetora misit.
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Puissé-je quelque jour devenir au barreau,
Un autre Démosthène, un Cicéron nouveau!
Voilà, pendent les jours consacrés à Minerve,
Les souhaits qu’en l’ardeur de sa naissante verve,
A sa petite image adresse en triomphant,
Ce marmot d’écolier qui d’un esclave enfant,
Chargé de lui porter sa cassette et son livre,
Pour courir chez son maître, en chemin se fait suivre.
Cicéron! Démosthène! hélas! quel fut leur sort?
Aux foudres de leur voix tous deux ont dû la mort.
Rome laissa trancher avec ignominie,
Et la tète et la main de l’homme de génie.
D’un avocat obscur, sans danger vieillissant,
La tribune jamais n’a vu couler le sang.
O
Rome fortunée, Sous mon consulat née!
Ce style
aurait d’Antoine évité le poignard.
Oui, j’aime mieux des vers sans génie et sans art,
Que toi, noble oraison, seconde Philippique,
D’un talent immortel monument magnifique.
Et le destin pour toi fut-il moins rigoureux,
Indomptable orateur, torrent impétueux,
Dont la mâle éloquence, à son gré, dans Athènes,
D’un peuple tout entier savait guider les rênes?
Quel astre à ta naissance avait donc présidé?
De quel démon funeste étais-tu possédé,
Le jour où, recherchant une gloire éphémère,
On te vit déserter la forge de ton père,
Et préférant l’école au travail des métaux,
Oublier, pour les bancs, l’enclume et les marteaux?
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Bellorum exuviæ, truncis
affixa tropæis
Lorica, et fracta de casside buccula pendens,
Et curtum temone jugum, victæque triremis
A plustre, et summo tristis captives in arcu
(13)
Humanis majora bonis creduntur : ad hæc se
Romanus Grajusque ac Barbarus induperator
Erexit; causas discriminis atque laboris
Inde habuit tanto major famæ sitis est, quam
Virtutis. Quis enim virtutem amplectitur ipsam,
Præmia si tollas? Patriam tamen obruit olim
Gloria paucorum, et laudis tituhique cupido,
Hæsuri saxis cinerum custodibus, ad quæ
Discutienda valent sterilis mala robora ficus;
Quandoquidem data sunt ipsis quoque fata sepulcris. |
Des
chars sans leur timon, des cuirasses rompues,
Des casques, des débris de trirèmes vaincues,
Quelques mornes captifs, les bras chargés de fers,
Sur un arc triomphal, s’élevant dans les airs,
Voilà, chez nos aïeux, comme au siècle où nous sommes,
Le bien qu’au premier rang ont placé tous les hommes:
Voilà chez le Gaulois, le Grec et le Romain,
Ce qui met aux guerriers les armes à la main.
Ce n’est point la vertu, c’est la gloire qu’on aime.
Quel homme fait le bien, pour le bien en lui-même?
Cependant, si l’on voit, par quelques forcenés,
Les peuples à grands pas vers leur chute entraînés,
Qui produit tous ces maux? n’est-ce pas cette gloire,
Ce fastueux éclat dont brille la victoire,
Ces titres attachés aux cendres d’un cercueil?
Mortels ambitieux, qu’aveugle votre orgueil,
Que faut-il pour briser ce monument superbe?
Un stérile figuier sorti du sein de l’herbe;
Car enfin rien n’échappe à la rigueur du sort,
Et le tombeau lui-même est sujet à la mort. |
Expende Annibalem : quot
libras in duce summo
Invenies? Hic est quem non capit Africa Mauro
Perfusa Oceano, Niloque admota tepenti,
Rursus ad Æthiopum populos alliosque elephantos!
Additur imperiis Hispania; Pyrenæum
Transilit : opposuit natura Alpemque nivemque;
Diducit scopulos, et montem rumpit aceto
(14)
Jam tenet Italiam; tamen ultra pergere tendit:
Actum, inquit, nihil est, nisi Pœno milite portas
Frangimus, et media vexillum pono Suburra.
O qualis facies, et quali digna tabella,
(15)
Quum Gætula ducem portaret bellua luscum!
Exitus ergo quis est? O gloria! vincitur idem
Nempe, et in exilium præceps fugit, atque ibi magnus
Mirandusque cliens sedet ad prætoria regis,
Donec Bithyno libeat vigilare tyranno.
Finem animæ, quæ res humanas miscuit olim,
Non gladii, non saxa dabunt, non tela, sed ille
Cannarum vindex, et tanti sanguinis ultor
Annulas. I, demens, et svæas curre per Alpes,
Ut pueris placeas, et declamatio fias! |
Soulève
d’Annibal la dépouille funèbre:
Combien pèse aujourd’hui ce conquérant célèbre?
Le voilà donc celui dont l’orgueil effréné,
Loin des cieux africaine follement entraîné,
Ne peut se renfermer dans l’immense rivage
Qui joint les bords du Nil aux remparts de Carthage!
Non content de régner sur ces âpres déserts,
A l’Hispanie encore il veut donner des fers:
Elle est soumise. Il part, franchit les Pyrénées,
Parvient jusqu’au sommet des Alpes étonnées;
Leurs neiges, leurs frimas le repoussent en vain;
Dans leurs flancs calcinés il entrouvre un chemin;
Déjà sous son pouvoir l’Italie est rangée;
Eh bien! Carthage encor n’est point assez vengée.
Marchons, dit-il, courons à de nouveaux hasards;
Bien n’est fait si de Rome écrasant les remparts,
Sur les débris fumants de cette ville altière,
Je ne vais dans Suburre arborer ma bannière.
Le voyez-vous porté sur un fier éléphant,
Jusqu’au pied de nos murs s’avancer triomphant?
Quel tableau! mais, ô gloire! il succombe, il s’exile,
Il va chez un barbare implorer un asile,
Il arrive à sa cour, et là, noble client
Aux portes du palais assis en suppliant,
Incroyable spectacle! il est forcé d’attendre
Qu’au roi de Bithynie il plaise de l’entendre.
Vous ne le verrez point ce génie indompté,
Ce fléau de la paix et de l’humanité,
Expiant sous nos coups sa fureur meurtrière,
Par le glaive ou les dards terminer sa carrière.
Un simple anneau, vengeur de Canne et des Romains,
Nous paiera tout le sang dont il rougit ses mains.
Cours, insensé, poursuis tes desseins magnanimes;
De ces monts escarpés ose franchir les cimes,
Pour qu’un jour sur les bancs tes nobles actions
Deviennent des sujets de déclamations! |
Unus Pello juveni non
sufficit orbis:
Æstuat infelix angusto limite mundi,
Ut Gyaræ clausus scopulis parvaque Seripho.
Quum tamen a figulis munitam intraverit urbem,
Sarcophago contentus erit. Mors sola fatetur
Quantula sint hominum corpuscula. |
De
l’enfant de Pella vois la douleur profonde:
Pour ce jeune insensé c’est trop peu d’un seul monde;
Il s’y trouve à l’étroit et comme emprisonné:
Vous diriez dans Sériphe un captif enchaîné.
Babylone l’attend. Là, bornant son empire,
A tous ces vœux outrés un tombeau va suffire.
La mort seule, en montrant où la gloire aboutit,
Nous force d’avouer combien l’homme est petit. |
Creditur olim
Velificatus Athos, et quidquid Græcia mendax
(16)
Audet in historia, constratum ciassibus isdem
Suppcsitumque rotis solidum mare : credimus altos
Defecisse amnes, epotaque flumina, Medo
Prandente, et madidis cantat quæ Sostratus alis.
(17)
Ille tamen, qualis rediit, Salamine relicta,
In Corum atque Eurum solitus sævire flagellis
Barbarus, Æolio nunquam hoc in carcere passos,
(18)
Ipsum compedibus qui vinierat Ennosigæum?
Mitius id sane, quod non et stigmate dignum
Credidit. Huic quisquam vellet servire deorum?
Sed qualis rediit? Nempe una nave, cruentis
Fluctibus, ac tarda per densa cadavera prora.
Has toties optata exegit gloria pœnas! |
Les
vaisseaux du grand roi, si pourtant il faut croire
Aux récits mensongers d’une pompeuse histoire,
De leurs voiles jadis ombragèrent l’Athos.
De l’Hellespont entier ils couvrirent les flots,
Et d’innombrables chars, d’une course rapide,
Passèrent sans danger sur une mer solide.
Alors, dit-on, Xercès voyait dans un repas,
Les fontaines, les lacs, taris par ses soldats,
Et tout ce que Sostrate, en sa féconde ivresse,
Chante, pour embellir les fables de la Grèce.
Mais, lorsque Salamine eut borné ses succès,
Comment se sauva-t-il, ce superbe Xercès
Qui, les verges en main, plus sévère qu’Éole,
S’arma contre l’Eurus d’une rigueur frivole,
Et donna des fers même au maître du trident
Trop heureux d’éviter l’affront du fer ardent!
Comment se sauva-t-il? sur une seule barque,
(Quels dieux auraient voulu servir un tel monarque!)
A travers les débris dont les flots sont couverts,
Vaincu, forcé de fuir, il repasse les mers,
Et de son frêle esquif, poussé vers le rivage,
La proue entre les morts s’ouvre à peine un passage.
O gloire! voilà donc quels cruels châtiments,
Pour prix de tant de vœux, attendent tes amants! |
Da spatium vitæ, multos da, Jupiter, annos!
Hoc recto vultu solum, hoc et pallidus optas,
Sed quam continuis et quantis longa senectus
Plena malis! Deformem et tetrum ante omnia vultum,
Dissimilemque sui, deformem pro cute pellem,
Pendentesque genas, et tales aspice rugas
Quales, umbriferos ubi pandit Tabraca saltus,
In vetula scalpit jam mater simia bucca.
Plurima sunt juvenum discrimina: pulchrior ille
Hoc, atque ille alio; multum hic robustior illo:
Uns senum facies, cum voce trementia labra,
Et jam leve caput, madidique infantia nasi.
Frangendus misero gingiva panis inermi:
Usque adeo gravis uxori, natisque, sibique,
Ut captatori moveat fastidia Cosso.
Non eadem vini atque cibi, torpente palato,
Gaudia: nam coïtus jam longa oblivio; vel si
Coneris, jacet exiguus cum ramice nervus,
Et, quamvis tota palpetur nocte, jacebit.
Anne aliquid sperare potest hæc inguinis ægri
Canities? quid, quod merito suspecta libido est,
Quæ Venerem affectat sine viribus? Adspice partis
Nunc damnum alterius: nam quæ cantante voluptas,
Sit licet eximius, citharœdo, sive Seleuco,
Et quibus aurata mos est fulgere lacerna?
(19)
Quid refert magni sedeat qua parte theatri,
Qui vix cornicines exaudiet atque tubarum
Concentus? Clamore opus est, ut sentiat auris,
Quem dicat venisse puer, quot nuntiet horas.
(20)
Præterea minimus gelido jam
corpore sanguis
Febre calet sola; circnmsilit, agmine facto,
Morborum omne genus quorum si nomina quæras,
Promptius expediam quot amaverit Hippia mœchos,
Quot Themison ægros autumno occident uno
(21)
Quot Basilus socios, quot circumscripserit Hirrus
Pupillos, quot longa viros exsorbeat uno
Maura die, quot discipulos inclinet Hamillus;
Percurram citius quot villas possideat nunc,
Quo tondente gravis juveni mihi barba sonabat.
Ille humero, hic lumbis, hic coxa debilis; ambos
Perdidit ille oculos et luscis invidet: hujus
Pallida labra cibum accipiunt digitis alienis.
Ipse ad conspectum cœnæ diducere rictum
Suetus, hiat tantum, ceu pullus hirundinis, ad quem
Ore volat pleno miter jejuna. Sed omni
Membrorum damno major dementia, quæ nec
Nomina servorum, nec vultum agnoscit amici
Cum quo præterita cœnavit nocte, nec illos
Quos genuit, quos eduxit. Nam codice sævo
Heredes vetat esse suos; bona tota feruntur
Ad Phialen : tantum artificis valet halitus oris,
Quod steterat multis in carcere fornicis annis!
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Jupiter,
de mes jours prolonge la carrière!
Telle est souvent encor la fervente prière
Qu’heureux ou malheureux, l’homme adresse aux autels.
Que de maux cependant, trop aveugles mortels,
Que de cruels chagrins ne viennent pas sans cesse
Assiéger les longs jours d’une lente vieillesse?
D’abord, c’est un air sombre, un visage amaigri,
Un teint méconnaissable, un cuir rude et flétri,
Une lèvre pendante, et des rides si creuses,
Que vous diriez les peaux arides et calleuses
Que s’épluche au soleil, sur les bords du Tusca,
Une vieille guenon du bois de Tabraca.
Mille dons variés nuancent le jeune âge;
L’un a plus de beauté, plus de grâce en partage,
L’autre plus de vigueur; également hideux,
Les vieillards seuls n’ont rien qui les distingue entre eux.
Vois ce frêle squelette, à la marche pesante,
Chauve, le nez humide et la voix tremblotante;
Vois ce pain qu’en souffrant il ne rompt qu’à moitié,
Sous sa gencive à nu péniblement broyé.
A charge à son épouse, à ses fils, à lui-même,
Tout le fuit, et Cossus, malgré le zèle extrême
Qu’en habile flatteur, il met à le capter,
De dégoût à son tour est près de déserter.
Les vins pour son palais n’ont plus la même sève,
Les mets le même goût : l’amour n’est plus qu’un rêve,
Qu’un vague souvenir qui s’efface à jamais;
Ou si Vénus encor l’effleure de ses traits,
Son feu qui s’évapore en stériles tendresses,
Réclamerait en vain une nuit de caresses.
Que peut d’un débauché par les ans refroidi,
L’organe languissant sous la neige engourdi?
Le vieillard sans vigueur, qu’un vain désir enflamme,
Est justement suspect de quelque goût infâme.
Autre privation. Citharistes fameux,
Chanteurs, fiers d’étaler vos manteaux fastueux,
Qu’importe qu’au théâtre il soit près de la scène,
Si les accents du cor le réveillent à peine?
Si, quand il veut savoir ou les heures du jour,
Ou les clients venus pour lui faire la cour,
Afin de surmonter sa surdité profonde,
Il faut que son esclave à grands cris lui réponde?
Ce n’est pas tout : son sang glacé jusqu’en son cœur,
Ne doit plus qu’à la fièvre un reste de chaleur,
Et tant de maux divers accablent sa faiblesse,
Que, s’il en fallait dire et le nombre et l’espèce,
J’aurais plus tôt compté les amants d’Hippia,
Les hommes qu’en un jour épuise Mævia,
Les fiévreux que Celsus dépêche en un automne,
Les pupilles qu’Hirrus a réduits à l’aumône,
Les jeunes gens courbés par l’infâme Hamillus,
Et les associés que vola Basilus;
J’aurais plus tôt compté les maisons de plaisance
Où brille maintenant, au sein de l’abondance,
L’affranchi qui, jadis officieux barbier,
Sur mon poil importun faisait sonner l’acier.
L’un souffre de l’épaule et l’autre de la cuisse:
Celui-ci de la goutte endure le supplice:
Celui-là, plus à plaindre, a perdu les deux yeux,
Et, plongé dans la nuit, du borgne est envieux.
Cet autre, tout perclus, d’une main étrangère,
Reçoit la nourriture à ses jours nécessaire,
Et ne sait, à l’aspect de l’aliment offert,
Que présenter la bouche à la main qui le sert,
Semblable en ce moment à la jeune hirondelle
Que revoit, le bec plein, sa mère à jeun pour elle.
Mais c’est peu: son cerveau vient de se déranger;
Dans sa maison pour lui tout devient étranger;
Celui dont l’amitié lui fut longtemps si chère,
Qui près de lui soupait encor la nuit dernière,
Ses meilleurs serviteurs, il ne sait plus leur nom;
Ses fils même, l’objet de son affection,
Il les chasse; et, séduit par une courtisane,
Transporte tous ses biens à l’impure Cyane:
Tant peut causer de maux le souffle dangereux
D’une Phryné vieillie en un bouge hideux! |
Ut vigeant sensus aniini,
ducenda tamen sunt
Funera natorum, rogus adspiciendus amatæ
Conjugis et fratris, plenæque sororibus urnæ.
Hæc data pœna diu viventibus, ut, renovata
Semper clade domus, multis in luctibus, inque
Perpetuo mœrore et nigra veste senescant.
Rex Pylius, magno si quidquam credis Homero,
(22)
Exemplum vitæ fuit a cornice secunde.
Felix nimirum, qui tot per accula mortem
Distulit, atque sues jam dextra computat annos
(23)
Quique novum toties mustum bibit ! Oro, parumper
Attendas, quantum de legibus ipse queratur
Fatorum, et nimio de stamine, quum videt acris
Antilochi barbam ardentem : nam quærit ab omni
Quisquis adest socio, cur hæc in tempora duret,
Quod facinus dignum tam longo admiserit ævo.
Hæc eadem Peleus, ratum quum luget Achillem,
Atque alius, cui fas Ithacum lugere natantem.
Incolumi Troja, Priamus venisset ad umbras
Assaraci, magnis solemnibus, Hectore funus
Portante, ne reliquis fratrum cervicibus, inter
Iliadum lacrymas, ut primos edere planctus
Cassandra inciperet, scissaque Polixena palla,
Si foret extinctus diverso tempore, quo non
Cœperat audaces Paris ædificare carinas.
Longa dies igitur quid contulit? omnia vidit
Eversa, et flammis Asiam ferroque cadentem.
Tunc miles tremulus posita tulit arma tiara,
Et ruit ante aram summi Jovis, ut vetulus bos,
Qui domini cultris tenue et miserabile collum
Præbet, ab ingrate jam fastiditus aratro.
Exitus ille utcumque hominis : sed torva canino
Latravit rictu, quæ post hunc vixerat, uxor. |
Mais je
veux qu’à la fin d’une longue carrière,
L’homme ait pu conserver son énergie entière:
D’autant plus malheureux qu’il vécut plus longtemps,
Que de tristes objets affligent ses vieux ans!
Entouré de cyprès et d’urnes funéraires,
Chaque instant lui ravit ou ses sœurs ou ses frères;
Son épouse n’est plus, ses fils sont au cercueil;
Il sèche dans les pleurs et vieillit sous le deuil.
Le sage de Pylos, si l’on en croit Homère,
Des jours de la corneille atteignit la chimère.
Il vécut si longtemps, et de pampres nouveaux
Vit tant de fois l’automne ombrager ses coteaux,
Qu’épuisant tout le fil des parques étonnées,
Déjà sur sa main droite il comptait ses années.
Sans doute vous croyez que Nestor fut heureux.
Eh bien! prêtez l’oreille à ses cris douloureux,
Écoutez ses sanglots, lorsqu’aux murs de Pergame,
Du bûcher d’Antiloque il voit briller la flamme.
O mes amis, dit-il, par quel crime odieux
Excitant contre moi la vengeance des dieux,
Ai-je de tant de jours mérité le supplice?
Tel Laërte gémit sur l’absence d’Ulysse:
Tel l’époux de Thétis, détestant les combats,
D’Achille assassiné déplore le trépas.
Des fils d’Assaracus, sur les rivages sombres,
Priam avec honneur eût abordé les ombres;
Le noble Hector, suivi de ses frères en deuil,
Jusqu’au tombeau des rois eût porté son cercueil,
Et, les cheveux épars, Polyxène et Cassandre
Eussent en soupirant accompagné sa cendre:
C’est ainsi que Priam eût rejoint ses aïeux,
S’il eût perdu la vie avant que, sous ses yeux,
Paris, accomplissant un dessein téméraire,
Achevât les apprêts de sa flotte adultère.
De quoi lui servira que l’arrêt du destin,
De sa longue carrière ait retardé la fin?
Au milieu des débris de sa ville embrasée,
Il voit l’Asie en feu sous son trône écrasée.
En vain de la tiare écartant les bandeaux,
Il charge encor son front du casque des héros.
Soldat faible et tremblant, ceint d’un glaive inutile,
Tel qu’un bœuf aux travaux désormais inhabile
Qui sous le fer ingrat baisse un cou languissant,
Il tombe, et les autels sont rougis de son sang.
Priam, dans cette triste et fatale journée,
D’un homme, en expirant, subit la destinée;
Mais comment, sans horreur, voir, par des hurlements,
Hécube furieuse exprimer ses tourments? |
Festino ad nostros, et regem
transeo Ponti,
Et Crœsum, quem vox justi facunda Solonis
Respicere ad longæ jussit spatia ultima vitæ.
Exilium, et carcer, Minturnarumque paludes,
Et mendicatus victa Carthagine panis,
Hinc causas habuere. Quid illo cive tulisset
Natura in terris, quid Roma beatius unquam,
Si, circumducto captivorum agmine, et omni
Beborum pompa, animam exhalasset opimam,
(24)
Quum de Teutonico vellet descendere curru?
Provida Pompeio dederat Campania febres
Optandas; sed mœstæ urbes, et publica vota
Vicerunt. Igitur fortuna ipsius et urbis
Servatum victo caput abstulit, hoc cruciatu
Lentulus, hac pœna caruit, ceciditque Cethegus
Integer, et jacuit Catilina cadavere toto. |
Je
laisse Mithridate et ce roi de Lydie
Qui reçut de Solon cette leçon hardie,
Qu’un mortel, quel qu’il soit, avant son dernier jour,
Ne saurait se flatter d’un bonheur sans retour.
Il est temps de passer à nos propres annales.
Du rival de Sylla les disgrâces fatales,
Son exil, sa prison, Minturne et les roseaux
Où la nuit le dérobe au glaive des bourreaux,
Et le pain qu’il mendie aux lieux où fut Carthage,
D’où lui vient cet excès d’infortune et d’outrage?
Il vécut trop d’un jour. Quel homme plus heureux,
Quel guerrier revêtu de titres plus pompeux,
Si, dans le même instant où, rayonnant de gloire,
On le vit s’avancer sur son char de victoire,
Et vers le capitole, en nos remparts surpris,
Des Cimbres, des Teutons promener les débris,
Tout à coup, de ses jours un dieu coupant la trame,
Il eût en triomphant exhalé sa grande âme?
Naples, qui de Pompée a prévu le malheur,
Par une heureuse fièvre enchaîne sa valeur;
Mais nos cités en deuil, mais les larmes de Rome,
A de nouveaux malheurs appellent ce grand homme;
Il y court, et sa tête échappée au danger,
Tombe, après le combat, sous un glaive étranger.
Ainsi, pour mettre un terme à la guerre civile,
Le voulait sa fortune et celle de la ville!
Ce supplice du moins épargna Céthégus;
On ne mutila point le corps de Lentulus;
Et Catilina même, exempt d’un tel outrage,
Fut trouvé tout entier sur le champ du carnage. |
Formam optat modico pueris,
majore puellis
Murmure, quum Veneris fanum videt anxia mater,
Usque ad delicias votorum. Cur tamen, inquit,
Corripias? pulchra gaudet Latona Diana.
Sed vetat optari faciem Lucretia, qualem
Ipas habuit. Cuperet Rutilæ Virginia gibbum
Accipere, atque suam Rutilæ dare. Filius autem
Corporis egregii miseros trepidosque parentes
Semper habet: rara est adeo concordia formæ
Atque pudicitiæ! Sanctos licet horrida mores
Tradiderit domus, ac veteres imitata Sabinas;
Præterea castum ingenium, vultumque modesto
Sanguine ferventem tribuat natura benigna
Larga manu (quid enim puero conferre potest plus
Custode et cura natura potentior omni?),
Non licet esse viros: nam prodiga corruptoris
Improbitas ipsos audet tentare parentes:
Tanta in muneribus fiducia! Nullus ephebum
Deformem sæva castravit in arce tyrannus;
(25)
Nec prætextatum rapuit Nero loripedem, nec
Strumosum, atque utero pariter gibboque tumentem. |
Aux
autels de Vénus, une mère, en tremblant,
Se présente inquiète et d’un pied chancelant:
O Vénus, de tes dons embellis ma famille;
Répands-les sur mon fils, et surtout sur ma fille;
Tel est le vœu timide et plein d’anxiété
Qui fait battre son cœur tendrement agité.
Un tel vœu, direz-vous, n’a rien que l’on condamne;
Latone s’applaudit des charmes de Diane.
Oui; mais, par la rigueur de son fatal trépas
Lucrèce te défend d’envier ses appas;
Et, maudissant les siens, la triste Virginie
Leur aurait préféré la bosse d’Ogulnie!
Que je te plains, ô toi, dont le fils, en naissant,
Reçut de la beauté le dangereux présent!
Les mœurs et la beauté n’habitent guère ensemble.
En vain autour de lui ta maison ne rassemble
Qu’exemples de vertu, qu’images de pudeur:
En vain ce front modeste où siège la candeur,
Montre dans tous ses traits une âme chaste et pure;
Qu’eût fait de plus pour lui l’indulgente nature
Dont l’empire est plus doux, plus puissant sur nos cœurs,
Que toutes les leçons et tous les gouverneurs?
Il cessera d’être homme; il verra sa jeunesse,
Sa beauté mise à prix; il verra la richesse,
Tant l’or à son pouvoir croit que tout doit céder,
A ses propres parents venir le marchander.
Étaient-ils contrefaits, sans grâce, sans figure,
Ces jeunes gens qu’au gré d’une infâme luxure,
Des tyrans façonnaient à leurs goûts dépravés?
Et ces adolescents sous la pourpre enlevés,
Ces fils de sénateurs, dont, malgré leur naissance,
Néron prostituait le sexe et l’innocence,
Étaient-ils ou rongés par d’impures humeurs,
Ou boiteux, ou couverts de hideuses tumeurs? |
I, nunc, et juvenis specie
lætare tui, quem
Majora exspectant discrimina! Fiet adulter
Publicus, et pœnas metuet quascumque mariti
Exigere irati; nec erit felicior astro
Martis, ut in laqueos nunquam incidat. Exigit autem
Interdum ille dolor plus quam lex ulla dolori
Concessit. Necat hic ferro, secat ille cruentis
Verberibus; quosdam mœchos et mugilis intrat.
(26)
Sed tuus Endymion dilectæ fiet adulter
Matronæ; mox, quum dederit Servilia nummos,
Fiet et illius quam non amat : exuet omnem
Corporis ornatum. Quid enim ulla negaverit udis
Inguinibus, sive est hæc Hippia, sive Catulla?
Deterior totos habet illic femina mores. |
Triomphe, père aveugle, à l’aspect de ces charmes
Qui bientôt à ton fils coûteront tant de larmes.
Tu le verras, bravant la fureur des jaloux,
Adultère banal expirer sous leurs coups.
Aurait-il, plus que Mars, le rare privilège,
De tromper les Vulcains et d’éviter leur piège?
Qu’il tremble alors: l’époux outragé dans ses droits,
Ne s’arrêtera point dans les bornes des lois.
Pour punir l’insolent surpris dans son asile,
Il emploiera le fer, les verges, le mugile.
Mais ton Endymion, fidèle à ses amours,
N’aura qu’une Diane et l’aimera toujours.
Vaine erreur. Qu’à ses yeux Pompéïa se présente:
Elle est riche : il suffit: la fortune le tente:
Sans amour, par calcul, il tombe à ses genoux,
Et Pompéïa pour lui vend jusqu’à ses bijoux.
Quelle femme en effet, ou Julie ou Catulle,
Quand un désir brûlant en ses veines circule,
Quand l’espoir du plaisir l’inonde de sueur,
Refusa jamais rien à sa pressante ardeur? |
Sed casto quid forma nocet?
quid profuit olim
Hippolyto grave propositum? quid Bellerophonti?
Erubuit nempe hæc, ceu fastidita, repulsa.
Nec Sthenobœa minus quam Cressa excanduit, et se
Concussere ambæ. Mulier sævissima tunc est,
Quum stimulos odio pudor admovet. Elige quidnam
Suadendum esse putes, cui nubere Cæsaris uxor
Destinat. Optimus hic, et formosissimus idem
Gentis patriciæ, rapitur miser extinguendus
Messalinæ oculis. Dudum sedet illa parato
(27)
Flammeolo, tyriusque palam genialis in hortis
Sternitur, et ritu decies centena dabuntur
(28)
Antiquo; veniet cum signatoribus auspex.
Hæc tu secreta et paucis commissa putabas?
Non, nisi legitime, vult nubere : quid placeat, dic?
Ni parere vetis, pereundum erit ante lucernas.
Si scelus admittas, dabitur mora parvula, dum res
Nota urbi et populo contingat principis aures.
Dedecus ille domus sciet ultimus. Interea tu
Obsequere imperio, si tanti est vita dierum
Paucorum. Quidquid melius leviusque putaris,
Præbenda est gladio pulchra hæc et candida cervix.
Nil ergo optabunt homines? Si consilium vis,
Permittes ipsis expendere numinibus, quid
Conveniat nobis, rebusque sit utile nostris:
Nam pro jucundis aptissima quæque dabunt di.
Carior est illis homo quam sibi. Nos animorum
Impulsu, et cæca magnaque cupidine ducti,
Conjugium petimus, partumque uxoris; at illis
Notum qui pueri, qualisque futura sit uxor.
Ut tamen et poscas aliquid, voveasque sacellis
Exta, et candiduli divina tomacula porci,
Orandum est ut sit mens sana in corpore sano.
Fortem posce animam, mortis terrore carentem,
Qui spatium vitæ extremum inter munera ponat
Naturæ, qui ferre queat quoscumque labores,
Nesciat irasci, cupiat nihil, et potiores
Herculis ærumnas credat sævosque labores
Et Venere, et cœnis, et pluma Sardanapali.
Monstro qnod ipse tibi possis dare. Semita certe
Tranquillæ per virtutem patet unica vitæ.
Nullum numen abest, si sit prudentia: nos te,
(29)
Nos facimus, Fortuna, deam, cœloque locamus. |
— En
quoi donc le présent d’une beauté modeste
A l’homme vertueux peut-il être funeste?
— Considère Hippolyte, et vois Bellérophon:
A leur austérité quel prix réserve-t-on?
Sténobée en rougit: Phèdre en frémit de rage
L’une et l’autre, jurant de venger son outrage,
Ne voit plus son amant qu’avec des yeux d’horreur.
La femme dédaignée est un tigre en fureur.
Silius a frappé les yeux de Messaline:
L’épouse de César à son lit le destine;
Parle, que fera-t-il? que lui conseilles-tu?
Modèle de beauté, de grâce, de vertu,
Vainement il repousse une flamme abhorrée;
Messaline l’a vu : sa perte est assurée.
Déjà dans les jardins, pour cet hymen fatal,
Tout est prêt, les flambeaux, le voile nuptial,
La couche des époux, l’augure, la victime,
Et les témoins d’usage, et la dot légitime.
Tu croyais, Silius, qu’en un secret profond,
Elle voudrait de Claude ensevelir l’affront.
Non, des lois, des autels, pour ce nœud sacrilège,
Elle réclamera l’auguste privilège.
Choisis. Il faut céder ou périr dans le jour.
Si tu veux couronner son criminel amour,
Tu vivras jusqu’à l’heure où de cette aventure
Le bruit, de Rome entière excitant le murmure,
Ira dans son palais réveiller l’empereur.
C’est lui qui le dernier saura son déshonneur.
Si cependant, d’une âme à la crainte asservie,
Tu n’oses sur-le-champ renoncer à la vie:
Si tu mets tant de prix à quelques jours de plus,
Obéis: mais prononce un généreux refus,
Ou perds, en consentant, tout le soin de ta gloire,
Le glaive du licteur attend ce cou d’ivoire.
— Ainsi l’homme n’a rien à demander aux cieux!
— Voulez-vous un conseil? laissez faire les dieux.
L’homme leur est plus cher qu’il ne l’est à lui-même.
Il s’abuse en courant après le bien suprême;
Car les dieux, mieux Instruits de son propre intérêt,
Font ce qui lui convient, et non ce qui lui plaît.
Entrainés par nos vœux dans une erreur profonde,
Nous voulons une épouse et la voulons féconde;
Mais ils savent déjà ces dieux plus clairvoyants,
Ce que seront un jour la mère et les enfants.
Ce n’est pas toutefois que leur bonté propice
Refuse d’accueillir un pieux sacrifice.
Veux-tu les voir sourire et céder à tes vœux?
Demande un esprit sain dans un corps vigoureux:
Une âme que jamais aucun trouble n’agite;
Que n’épouvantent point les fables du Cocyte;
Qui ne s’égare pas de souhait en souhait;
Qui regarde la mort comme un dernier bienfait;
Qui sache supporter la fortune contraire,
Modérer ses désirs, réprimer sa colère;
Qui préfère à la table, aux plaisirs, au repos,
Les fatigues d’Hercule et ses douze travaux.
Ce sentier peu battu qui mène au bien suprême,
Chacun, quand il le veut, le trouve par lui-même;
La vertu nous l’indique: elle seule ici bas
Vers ce but glorieux peut diriger nos pas.
Tu n’es rien, ô Fortune! où règne la sagesse,
Et c’est nous, oui nous seuls, qui te faisons déesse.
|
NOTES SUR LA
SATIRE X.
(01)
Les riches particuliers avaient coutume de déposer leur argent
dans le temple de Saturne, situé près du Forum, afin de le
mettre à l’abri des incendies et des voleurs. C’était dans ce temple
que l’on gardait aussi le trésor public.
(02)
Cette pompeuse entrée du préteur dans le cirque, quand il venait
présider les jeux, est précisément la même que celle des généraux à
qui l’on accordait les honneurs du triomphe, après quelque grande
victoire. Ces jeux étaient l’unique passion du peuple, et c’était
une politique adroite que de leur donner cet appareil de grandeur et
de magnificence.
(03)
Le triomphateur et, dans cette circonstance, le préteur avait à côté
de lui, sur le même char, un esclave qui semblait n’y être placé que
pour lui rappeler l’inconstance de la fortune et la vicissitude des
choses humaines. Juvénal nomme consul celui qu’il vient d’appeler
préteur. C’est qu’insensiblement l’un et l’autre nom fut donné
quelquefois à ces deux magistrats.
(04)
Démocrite était d’Abdère, ville de Thrace. L’air épais et grossier
de cette région passait pour abrutir les esprits. Le même préjugé
avait lieu contre les béotiens.
Juvénal dit
vervecum
in patria.
C’était sans
doute une manière de parler proverbiale. Plaute s’en était déjà
servi pour désigner un homme stupide :
Ain’ vero vervecum caput.
(05)
Mandaret
laqueum
exprime
une insulte triviale qui répondait à ceci : va te
pendre. C’était chez les anciens la plus grande marque du mépris
que de désigner quelqu’un avec le doigt du milieu.
(06)
Genua incerare
deorum ne
veut pas dire allumer des cierges aux pieds des immortels, mais
coller sur leurs statues des espèces de tablettes votives. C’est
probablement ce que signifie ce passage d’Apulée.
Votum in
alicujus statuæ femore assignasti.
Au
reste, les anciens, dans certaines occasions, avaient coutume
d’enduire avec de la cire les statues de leurs dieux.
Insignis honorum pagina
désigne, selon l’ancien scholiaste, la table d’airain sur laquelle
étaient gravés les titres d’honneur de celui à qui on élevait un
monument.
(07)
Ce bœuf, destiné au Capitole, est appelé
cretatus,
soit
pour désigner sa blancheur semblable à celle de la craie, soit parce
qu’on se servait de craie pour effacer on dissimuler ses taches,
quand il ne se trouvait pas d’une blancheur parfaite.
(08)
« Cette lettre était longue et ne contenait rien de suivi contre le
ministre. Tibère y parlait d’abord de tout autre chose après quoi
venait un mot de plainte contre Séjan. L’empereur passait à quelque
autre objet, et puis il retombait sur ce favori. Enfin, il demandait
que l’on fit justice de deux sénateurs attachés à Séjan, et qu’on
les gardât en prison. Dans la crainte d’exciter quelque trouble, il
n’osait demander sa mort. » Dion, trad. de
la Bléterie.
(09)
Tibère avait donné aux esclaves le droit d’accuser leurs maîtres; et
ils étaient reçus en déposition contre eux, quand il s’agissait du
crime de lèse-majesté.
(10)
Ceux qui écrivent
angusta sede,
au lieu de
augusta, ont pour eux les plus anciens manuscrits, et en outre,
la description de l’île de Caprée. Achaintre trouve dans l’épithète
d’angusta,
opposée à la majesté de l’empire, quelque chose de plus mordant que
dans l’autre leçon. Dusaulx, au contraire, admire le mot
augusta,
surtout
à cause du sarcasme violent qu’il y découvre contre Tibère
transportant sur ce rocher tous les attributs de la majesté
impériale.
(11)
Quisquis adhuc
uno partam colit asse Minervam
est encore une
expression sujette à plusieurs interprétations différentes. Les uns,
par
uno asse,
entendent la rétribution que les enfants, qui faisaient leurs
études, avaient coutume de donner à leurs maîtres le jour de la
naissance de Minerve. D’autres croient que c’est l’offrande faite à
la déesse même, le jour consacré à son culte.
L’ancien scholiaste pense qu’il ne s’agit dans ce vers que des
images de Minerve que les enfants achetaient pour s’amuser.
Les
fêtes de Minerve s’appelaient
quinquatries,
parce
qu’elles doraient cinq jours. Elles répondaient aux panathénées des
Grecs.
(12)
Juvénal, en citant ce vers ridicule, semble partager l’avis de
Sénèque, de Quintilien et de Martial qui refusaient à Cicéron le
talent de la poésie.
(13)
Aplustre est le nom de certaines figures ou ornements
attachés à la poupe des vaisseaux, et qui représentaient
ordinairement un Triton, ou quelque autre divinité.
(14)
On lit dans Tite-Live:
ardentiaque saxa infuso aceto putrefaciunt.
(15)
La bonne figure ! le bon modèle à peindre que ce borgne
guindé sur on éléphant ! telle est la traduction de Dusaulx. On
présume qu’un sarcasme de si mauvais goût n’est pas dans la pensée
de Juvénal, et qu’il faut prendre en bonne part,
ô
qualis facia et quali digna tabella !
comme s’il y
avait:
quam tremenda
facies! quam nobili digna tabella!
(16)
Haute montagne de Macédoine, au golfe de Contessa; elle ne tient au
continent que par une isthme d’une demi-lieue de largeur; elle eu a
environ dix de circuit. On prétend que Xerxès ordonna de couper cet
isthme, afin de procurer à sa flotte un chemin plus abrégé.
(17)
Ce Sostrate était apparemment un poète ampoulé, aussi fidèle au
culte de Bacchus, qu’à celui des neuf Sœurs, et qui avait fait un
poème sur l’expédition de Xerxès.
(18)
Hérodote raconte ces extravagances avec une singulière naïveté. « Du
golfe d’Abyde au continent, dit-il, il y a une distance de sept
stades. Le roi y avait fait construire nu pont de vaisseaux. Mais,
une tempête ayant rompu le pont et détruit tous ses ouvrages, il fut
indigné de cette insulte faite à sa majesté, et, après avoir fait
donner cent coups de bâton à la mer, il ordonna d’y jeter des
chaînes : j’ai même entendu dire qu’il voulut qu’on lui
imprimât un fer chaud sur le front. Toujours est-il certain qu’il
fit battre de verges l’Hellespont, en ajoutant ces paroles barbares
: Onde amère, ton maître te punit ainsi, parce que tu l’as outragé
sans avoir été offensé par lui. Cependant, le roi Xerxès te
franchira malgré toi, et ne t’offrira plus de sacrifices, parce que
tu es un fleuve amer et perfide. »
(19)
Les joueurs de flûte et de guitare ne paraissaient sur le
théâtre qu’avec une robe brodée en or, un manteau de pourpre nuancé
de diverses couleurs, et une couronne d’or resplendissante de
pierres précieuses.
(20)
Les esclaves, chez les anciens, qui n’avaient ni montres, ni
pendules, allaient de temps en temps, dans le cours de la journée,
visiter le cadran solaire pour dire à leur maître quelle heure il
était.
(21)
Thémison était un médecin célèbre, et qui fonda une secte différente
de celle d’Hippocrate et d’Asclépiade.
(22)
Homère, dans le troisième chant de l’Odyssée, dit que Nestor avait
vécu trois âges d’homme. Or, trois âges d’homme ne font guère que 90
ans. Juvénal suit donc plutôt, en cet endroit, l’opinion commune que
celle d’Homère. L’opinion commune était que Nestor avait vécu trois
siècles. On lit dans Ovide:
.........................................................vixit
Annos bis centum, nunc tertia vivitur atas.
Quant à
la corneille, on avait cru longtemps, d’après Hésiode, qu’elle
vivait 900 ans.
(23)
Les anciens marquaient les nombres avec les doigts de la main
gauche, depuis l’unité jusqu’à cent: pour exprimer les centaines et
les milles, ils se servaient de la main droite.
(24)
Animam
exhalasset opimam
est une
expression hardie, et qui serait aussi ridicule qu’elle est sublime,
si on ne voyait qu’elle doit s’entendre des dépouilles opimes,
c’est-à-dire, de celles que le vainqueur enlevait de ses propres
mains au général ennemi, et qui étaient les plus glorieuses dont un
Romain pût s’emparer. Cette belle épithète appliquée à Marius sur
son char de triomphe, ne signifie donc autre chose qu’une âme
enivrée et, pour ainsi dire, rassasiée de sa gloire.
(25)
Les tyrans dont il s’agit, employaient la castration, afin que les
victimes de leur lubricité conservassent plus longtemps, la
fraîcheur de la jeunesse.
(26)
L’usage, au défaut des lois, autorisait les particuliers à punir
comme, ils voulaient, les adultères qui se laissaient surprendre. Un
des supplices usités pour ces malheureux, consistait à leur épiler
le fondement avec de la cendre chaude, et à y introduire un poisson
vorace appelé
mugil
ou
mugilis.
(27)
Claude étant parti de Rome pour aller faire des sacrifices dans la
ville d’Ostie, Messaline épousa publiquement C. Silius: l’empereur
en fut instruit par Narcisse, et les fit périr tous deux.
(28)
La dot des filles de bonne maison était d’un million de sesterces.
(29)
Ceux qui lisent
nullum numen
abest
l’expliquent ainsi : la prudence tient lieu de tous les dieux. En
suivant l’autre version:
nullum numen
habes,
il faut
traduire: que peut le sort si nous sommes prudents?
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