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OVIDE

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les Halieutiques les Métamorphoses les Fastes les Tristes les Pontiques consolation ibis      noyer

LES TRISTES.

LIVRE I LIVRE II LIVRE III LIVRE IV LIVRE V

LIVRE II

Qu'ai-je encore à démêler avec vous, tristes fruits de mes veilles, écrits infortunés ? Moi qui viens d'en être si cruellement victime, pourquoi revenir aux Muses, qui m'ont rendu criminel et qui sont la cause de ma condamnation ? N'est-ce pas assez d'en avoir une fois porté la peine ? Mes vers m'ont valu cet empressement fatal que les hommes et les femmes ont mis à me connaître ; mes vers ont attiré sur moi et sur mes mœurs la censure de César (1), après qu'il eut enfin jeté les yeux sur mon Art d'aimer. Effacez mes écrits, vous effacerez tous mes crimes. Si j'ai été coupable, je ne le dois qu'à mes vers ; telle a été la récompense de mes efforts et de mes veilles laborieuses. L'exil, voilà tout le fruit que j'ai retiré de mon génie !
Si j'étais sage, je vouerais une juste haine aux doctes Sœurs, divinités funestes à leur adorateur ! Eh bien, au contraire, je viens encore une fois (tant mon mal est voisin du délire !) heurter du pied l'écueil où déjà je me suis blessé ; semblable au gladiateur qui rentre en lice après la défaite ou au vaisseau qui, après son naufrage, affronte encore la mer furieuse.
Mais peut-être, comme jadis l'héritier du royaume de Teuthras, dois-je recevoir de la même arme la blessure et la guérison ; peut-être ma Muse désarmera-t-elle la colère qu'elle a provoquée. La poésie fléchit plus d'une fois de puissantes divinités : César lui-même a prescrit aux matrones et aux jeunes épouses de chanter des vers en l'honneur de Cybèle, couronnée de tours (
2). Il avait fait la même prescription en l'honneur de Phébus, à l'époque où il fit célébrer ces jeux (3) qui ne reviennent qu'une fois dans chaque siècle. Puisses-tu, à l'exemple de ces divinités, puisses-tu, César, modèle de clémence, te laisser attendrir par mes vers ! Ta colère est légitime, et je ne prétends pas ne l'avoir point méritée : je n'en suis pas encore à ce degré d'impudence ; mais si je n'avais pas été coupable, comment pourrais-tu pardonner ? mon malheur n'est qu'une occasion d'exercer ta générosité. Si, toutes les fois que les hommes pèchent, Jupiter lançait ses foudres, il les aurait bientôt épuisées. Mais, quand il a fait gronder son tonnerre et épouvanté le monde, il purifie l'atmosphère en la dégageant de ses lourdes vapeurs. C'est donc à juste titre qu'on le nomme le père et le maître des dieux, et que le vaste univers ne renferme rien de plus grand que lui! Toi, qu'on appelle aussi le maître et le père de la patrie, imite ce dieu, dont tu partages les titres. Mais tu l'imites en effet, et jamais personne n'a tenu d'une main plus modérée les rênes de l'empire. Tu as accordé au parti vaincu un pardon que, vainqueur, il t'eût refusé ; je t'ai vu combler d'honneurs et de richesses ceux dont le glaive avait menacé ta tête, et le même jour mit fin à la guerre et aux ressentiments qu'elle avait allumés : les deux partis allèrent ensemble porter leurs offrandes dans les temples, et si tes soldats s'applaudirent d'avoir vaincu l'ennemi, l'ennemi, de son côté, a sujet de s'applaudir de sa propre défaite.
Ma cause est meilleure, puisque je ne suis accusé ni d'avoir porté les armes contre toi, ni d'avoir marché sous les enseignes de tes ennemis. J'en atteste la terre, la mer et les dieux du ciel, j'en atteste toi-même, dont la divinité éclate à nos regards ; mon cœur te fut toujours fidèle, prince illustre, et dans le fond de mon âme, ne pouvant rien de plus, j'étais à toi tout entier. J'ai souhaité que ton entrée au séjour des dieux fût longtemps différée (
4), et mon humble prière s'est alors mêlée à celle de tout un peuple. J'ai brûlé l'encens en ton honneur, et mes vœux pour toi se sont confondus avec les vœux de la foule des citoyens. Dirai-je que ces livres même qui ont fait mon crime glorifient ton nom en mille endroits ? Jette les yeux sur mon ouvrage le plus important, mais encore inachevé, sur les fabuleuses métamorphoses qu'ont subies les êtres ; tu y trouveras ton nom célébré (5), tu y trouveras de nombreux témoignages de mon dévouement. Ce n'est pas que mes vers ajoutent un nouveau lustre à ta renommée ; elle est parvenue à une hauteur telle qu'elle ne saurait s'élever au-delà ; mais il ne manque rien non plus à la gloire de Jupiter, et pourtant il aime à entendre chanter ses hauts faits, à exercer la verve du poète ; et lorsqu'on célèbre ses combats contre les géants, sans doute qu'il n'est pas insensible au plaisir de la louange. Il est, je le sais, d'autres voix plus fécondes, plus éloquentes que la mienne pour te louer d'une manière digne de toi, mais la divinité reçoit la fumée du moindre grain d'encens avec autant de plaisir qu'une hécatombe.
Ah ! qu'il fut barbare et acharné contre moi, cet ennemi, quel qu'il soit, qui te lut les produits licencieux de ma Muse ! Il les lut sans doute, afin que les autres poésies, confidentes des hommages respectueux que je t'adresse, trouvassent en toi un tuteur, un juge prévenu. Mais une fois haï de toi, qui pouvait être mon ami ? Peu s'en fallut que je ne me haïsse moi-même. Quand une maison ébranlée s'affaisse, toute la pesanteur se porte sur le côté qui penche ; si les murs se crevassent, l'édifice entier s'entrouvre, et s'écroule enfin par son propre poids. Ainsi mes vers ont attiré sur moi tout le poids de l'animadversion générale, et la foule, avec raison sans doute, m'a regardé du même oeil que toi.
Et cependant, il m'en souvient, tu approuvais mes mœurs et ma conduite, alors que tu me faisais présent de ce cheval sur lequel je fus passé en revue (
6). Si ce témoignage de ta part est sans valeur, il n'y a pas de mérite à faire son devoir ; du moins n'existait-il alors aucun grief contre moi ! Je n'ai point mal versé quand on m'a confié la fortune des accusés dans quelque procès du ressort des centumvirs (7) ; j'ai statué sur des affaires particulières (8) avec la même équité et sans donner lieu à aucune récrimination, et mon impartialité a même été reconnue par la partie condamnée. Malheureux que je suis ! sans la dernière catastrophe qui m'a frappé, j'aurais pu vivre sous la sauvegarde de ton approbation plus d'une fois manifestée : cette catastrophe m'a perdu ; une seule tempête suffit à engloutir ma barque tant de fois échappée au naufrage ! et ce n'est pas seulement une vague qui m'a maltraité, ce sont tous les flots, c'est l'Océan tout entier qui a fondu sur ma tête.
Pourquoi ai-je vu ce que j'ai vu ? Pourquoi mes yeux furent-ils coupables ? Pourquoi n'ai-je mesuré toute l'étendue de ma faute qu'après l'avoir étourdiment commise ? Ce fut par mégarde qu'Actéon surprit Diane toute nue, il n'en devint pas moins la proie de ses propres chiens : c'est qu'à l'égard des dieux, les crimes même dus au hasard sont punissables, et que l'offense involontaire ne trouve pas grâce devant eux. Du jour où je fus entraîné par une fatalité aveugle, date la perte de ma maison, modeste, mais sans tache... et encore, bien qu'elle soit modeste, lui reconnaît-on une ancienne illustration et une noblesse égale à toute autre. Elle était d'ailleurs aussi peu remarquable par sa pauvreté que par sa richesse, et telle qu'elle devait être pour qu'un chevalier n'attirât pas sur lui les regards par l'un ou l'autre de ces deux excès. Mais admettons que ma maison soit humble à la fois et de fortune et d'origine, toujours est-il que mon génie la préserve de l'obscurité : et quoique j'aie gâté mon génie par des exercices futiles, je n'en porte pas moins un nom célèbre dans tout l'univers. La foule des doctes esprits connaît Ovide, et ne craint pas de le compter parmi ses auteurs favoris. Ainsi s'est écroulée cette maison chère aux Muses, abîmée sous le poids d'une seule faute, mais d'une faute grave ; cependant, malgré sa chute, elle peut encore se relever, si la colère de César, après avoir suivi son cours, finit par se lasser.
Sa clémence a été telle dans le choix de la peine qu'il m'inflige, que cette peine fut au-dessous même de mes appréhensions. La vie m'a été accordée. Ta colère, ô prince si modéré dans ta colère, n'est pas allée jusqu'à ordonner ma mort. Bien plus, comme si le bienfait de la vie n'était pas un bienfait suffisant, tu n'as pas confisqué mon patrimoine ; tu n'as pas fait décréter ma condamnation par un sénatus-consulte ; un tribunal spécial n'a pas prononcé mon exil, l'arrêt (ainsi doit agir un prince) est sorti de ta bouche : tu as vengé toi-même, comme il convenait de le faire, tes injures personnelles. En outre, l'édit, tout terrible et tout menaçant qu'il fût, est énoncé dans des termes pleins de douceur. Il ne dit pas que je suis exilé, mais relégué (
9) ; ma triste destinée a été ménagée dans la forme. Sans doute il n'est pas, pour quiconque a conservé le sens et la raison, de peine plus cruelle que le remords d'avoir déplu à un si grand homme ; mais la divinité n'est pas éternellement implacable. Quand les nuages sont dissipés, le jour reparaît plus pur ; j'ai vu un ormeau qui venait d'être frappé de la foudre, chargé ensuite de pampres et de raisins. En vain tu me défends d'espérer... je veux espérer toujours, en cela seul je peux te désobéir. 
L'espoir me saisit tout à coup, quand je songe à toi, ô le plus doux des princes ; l'espoir m'abandonne quand je songe à mon malheur. Mais comme la fureur des vents qui se déchaînent et agitent la mer n'est pas incessante et implacable, et que par intervalle elle s'apaise, se tait, et semble avoir perdu toute son énergie : ainsi disparaissent et reviennent tour à tour mes sollicitudes, et, soumises à des variations continuelles, tantôt elles me laissent, et tantôt me ravissent l'espoir de te fléchir.
Par les dieux que je prie de te donner de longs jours, et qui te les donneront pour peu qu'ils aiment le nom romain, par la patrie que tu mets, en bon père, à l'abri de tout danger et de toute crainte, et dont naguère, mêlé à ses enfants, je faisais encore partie, puisses-tu recevoir de l'empire le tribut d'amour qu'il doit à tes actes et à tes intentions ; puisse remplir heureusement près de toi de longues années, Livie (
10), seule femme digne de partager ta couche, et sans laquelle tu serais condamné au célibat, puisque tu ne pouvais en épouser aucune autre ; puisse ton fils vivre longtemps sans te perdre et associer sa maturité à ta vieillesse dans le gouvernement de l'empire ; puissent tes petits-fils, jeune constellation, suivre, comme ils le font déjà, tes exemples et ceux de leur père ; puisse la victoire, jusqu'ici fidèle à tes armes, suivre toujours ses étendards favoris, envelopper comme toujours de son aile protectrice le chef des armées de l'Ausonie, et orner une fois encore du glorieux laurier la chevelure du héros par lequel tu diriges la guerre et tes combats, et auquel tu prêtes tes nobles auspices et le secours de tes dieux, de sorte que partageant pour ainsi dire ta personne, d'une part, tu veilles sur Rome, de l'autre tu portes la guerre en des contrées lointaines ! Puisse ce guerrier vainqueur de l'ennemi revenir près de toi, et monter de nouveau sur ce char glorieux traîné par des coursiers parés de guirlandes !
Grâce, je t'en supplie ; dépose ta foudre, cette arme terrible dont je connais trop bien la portée, pour mon malheur ! Grâce, père de la patrie, et, ne démentant pas ce titre, ne m'ôte pas l'espoir de t'apaiser un jour. Je ne demande pas que tu me rappelles (quoique la générosité divine dépasse quelquefois nos vœux), mais si tu accordes à ma prière un exil moins rude et moins éloigné, tu auras beaucoup adouci la rigueur de ma peine.
Jeté au milieu de populations hostiles, je souffre tous les maux imaginables, et aucun exilé n'est plus loin de sa patrie que moi : je suis le seul confiné aux sept embouchures de l'Ister, sous l'influence de la glaciale Vierge de Parrhasie. Entre les Jazyges, les Colchiens, les hordes de Métérée, les Gètes, et moi, les eaux du Danube sont à peine une barrière suffisante. Bien que d'autres aient été bannis par toi pour des causes plus graves, nul ne l'a été à une aussi grande distance. Au-delà de ces lieux, il n'y a que des glaces, et l'ennemi, et la mer dont le froid condense les flots. C'est ici qu'expire la domination romaine, sur la rive gauche du Pont-Euxin ; les Basternes et les Sauromates sont limitrophes. C'est la dernière contrée soumise à l'empire ausonien, à peine même en est-elle la lisière.
C'est pourquoi, je t'en supplie, relègue-moi dans un lieu plus sûr ; que je n'aie pas à craindre ces populations, dont L'Ister me garantit mal, et que je ne puisse pas moi, ton concitoyen, tomber aux mains de l'ennemi. Il serait impie qu'un homme du sang latin portât les fers de la barbarie, tant qu'il y a des Césars pour l'empêcher.
Des deux causes de ma perte, mes vers et une offense involontaire, il en est une sur laquelle je ne dois jamais entrer en explication. Mon importance n'est pas telle que je doive rouvrir tes blessures, César, et c'est déjà trop que tu aies eu à souffrir une première fois. Reste l'autre grief qui consiste en une accusation honteuse, celle d'avoir impudiquement professé l'adultère. Les intelligences célestes s'abusent donc aussi quelquefois ! et il est tant de choses indignes d'être connues de toi ! Comme Jupiter, occupé des affaires du ciel et de ce qui regarde les dieux, tu ne te prêtes guère aux humbles détails: ainsi, pendant que tu contemples le monde régi par ta puissance, ce qui n'est qu'accessoire échappe à ton coup d’œil. Pouvais-tu, prince, abandonner ton poste de chef de l'état pour lire quelques pauvres distiques ? Le poids de l'empire romain que supportent tes épaules n'est pas tellement léger que tu aies le loisir d'arrêter ta divine intelligence sur d'insignifiants badinages, et d'examiner de tes propres yeux le produit de mes délassements. Tantôt c'est la Pannonie, tantôt la frontière illyrienne, qu'il faut dompter ; tantôt l'alarme vient de la Rhétie ou de la Thrace soulevée ; tantôt l'Arménie demande la paix, tantôt le cavalier parthe rend d'une main tremblante ses arcs et les étendards qu'il a pris sur nous ; tantôt le Germain te retrouve rajeuni dans ton petit-fils, parce qu'à la place du grand César, c'est encore un César qui lui fait la guerre. Enfin dans ce corps, le plus gigantesque qui fût jamais, nulle partie ne s'affaiblit. Rome agitée réclame aussi tous tes soins pour le maintien des lois et la surveillance des mœurs que tu désires assimiler aux tiennes. A toi seul manquent ces loisirs que tu fais au monde, et des agressions successives tiennent constamment ton génie en haleine.
Je serais donc bien étonné que, surchargé de tant d'affaires, tu aies jamais parcouru mes futiles compositions ; et si, par un bonheur pour moi bien préférable, tu avais consacré un moment à cette lecture, tu n'aurais trouvé rien de criminel dans mon Art d'aimer.
Ce n'est pas, j'en conviens, un livre empreint de gravité et digne d'être lu par un si grand prince, mais pourtant il ne renferme rien de contraire aux lois et ne s'adresse pas aux dames romaines. Et afin que tu ne puisses pas douter de sa destination, voici quatre vers du premier des trois livres : "Loin d'ici, bandelettes légères (
11), symbole de la pudeur, et vous, longues robes, qui cachez aux regards le pied de nos matrones ; je ne chante pas les amours illégitimes et défendus, mes vers ne seront pas criminels." N'ai-je pas sévèrement exclu de mon Art toutes celles que la bandelette et la robe longue nous enjoignent de respecter ?
Mais, dit-on, une matrone peut essayer de cet Art destiné à d'autres, et céder à un penchant qui l'entraîne, bien qu'elle soit étrangère à nos leçons. S'il en est ainsi, elle doit s'interdire toute lecture, car toute poésie peut être pour elle une école de corruption. Quelque livre qu'elle prenne, si elle a du goût pour le vice, elle y aura bientôt façonné ses mœurs. Qu'elle ouvre nos Annales, (je ne sache rien de moins attrayant que ce récit), elle y verra comment Ilia devint mère ; qu'elle ouvre encore ce poème dont le début est une invocation à la mère des Romains (
12), elle voudra savoir comment l'aimable Vénus est cette mère ; je prouverai plus loin, s'il m'est permis d'entrer dans ces détails, que toute poésie peut corrompre les cœurs ; mais il ne faut pas conclure de là que toute lecture poétique soit criminelle, car il n'est rien d'utile qui n'entraîne avec soi des inconvénients. Quoi de plus utile que le feu ? cependant s'il prend envie à quelqu'un d'incendier une maison, c'est le feu qui armera ses mains audacieuses. La médecine ôte quelquefois, et quelquefois donne la santé, mais elle indique les plantes qui sont malfaisantes et celles qui sont salutaires. Le brigand et le voyageur prudent marchent ceints d'une épée ; mais l'un pour attaquer, l'autre pour se défendre. L'étude de l'éloquence a pour but le triomphe de la justice, et souvent elle protége le crime et accable l'innocence.
Si donc on lit mon poème avec impartialité, on reconnaîtra combien il est inoffensif ; quiconque y voit un sujet de scandale se trompe ou déshonore gratuitement mes écrits. Mais je suppose qu'ils soient dangereux, ces germes de corruption se retrouvent aussi dans les jeux de la scène : proscris donc les spectacles, les divertissements qui sont la cause de tant de désordres, une fois que les combats sont engagés sur le sol poudreux de l'arène ; proscris le Cirque, ce théâtre d'une liberté dangereuse (
13), où la jeune fille se trouve assise côte à côte avec un inconnu ; pourquoi ne pas fermer tous les portiques où l'on voit certaines femmes se promener et donner des rendez-vous à leurs amants ? Est-il un lieu plus saint que les temples? Une femme les doit fuir, pour peu qu'elle soit possédée du génie du mal ; est-elle dans le temple de Jupiter, ce temple lui rappelle combien de femmes ce dieu a rendues mères ; vient-elle un peu plus loin adresser ses prières à Junon, elle songe aux nombreuses rivales qui ont fait le tourment de cette déesse ; à la vue de Pallas, elle demandera pourquoi la déesse vierge fit élever Érichtonius, cet enfant né d'un crime ; qu'elle entre dans le temple de Mars, ouvrage de ta magnificence (14), elle y verra, devant la porte, la statue de Vénus, près du dieu vengeur (15) ; s'assied-elle dans le temple d'Isis, elle veut savoir pourquoi Junon l'a poursuivie dans la mer Ionienne et sur le Bosphore ; Vénus lui rappellera Anchise, Diane le héros du Latinus, Cérès Jason. Tous ces monuments peuvent consommer la perte de cœurs déjà corrompus, et cependant ils restent tous intacts et solides sur leurs bases. Mais, dès la première page de mon Art d'aimer, écrit pour les seules courtisanes, j'exclus les femmes vertueuses ; si l'une d'elles viole le sanctuaire malgré la défense du pontife, elle est responsable des suites de sa désobéissance criminelle. Après tout, ce n'est pas un crime de feuilleter des poésies galantes ; une honnête femme peut bien lire des choses qu'elle ne doit pas faire. Souvent la dame la plus fière voit des femmes nues (16) prêtes à tous les combats de Vénus, et le chaste regard de la vestale rencontre la courtisane immodeste, sans que celui qui veille sur la vierge sainte punisse ce hasard.
Mais enfin, pourquoi ma muse est-elle si licencieuse ? Pourquoi mon livre invite-t-il à aimer ? C'est un tort, c'est une faute manifeste, je ne puis qu'en convenir, et je me repens de ce caprice, de cette erreur de mon imagination. Pourquoi n'ai-je pas plutôt, dans un nouveau poème, renouvelé la guerre de Troie, qui jadis succomba aux attaques des Grecs ? Pourquoi n'ai-je pas chanté Thèbes et les deux frères s'égorgeant l'un l'autre, et les sept portes de la cité, gardées chacune par un des sept chefs ? Rome, la belliqueuse, m'offrait sans doute d'assez riches matériaux, et c'est un pieux travail que de célébrer les gloires de sa patrie. Enfin, parmi tes faits merveilleux dont tu remplis l'univers, je pouvais, ô César! en choisir un pour le célébrer ; et comme la lumière éblouissante du soleil attire nos regards, ainsi tes belles actions auraient dû séduire toutes les puissances de mon âme.
Non, ce reproche est injuste ; le champ que je cultive est humble et modeste ; celui-là était immense et d'une fertilité trop abondante. Une nacelle ne doit pas se confier à l'Océan parce qu'elle vogue impunément sur un lac resserré ;  peut-être même dois-je douter si j'ai une vocation suffisante pour la poésie légère, et si je puis m'élever à ses modestes proportions ; mais si tu m'ordonnes de chanter les géants foudroyés par Jupiter, je succomberai à l'effort d'une pareille tâche. Il faut un génie sublime pour raconter les merveilleux exploits de César, et maintenir le style à la hauteur du sujet. Et pourtant, si j'avais osé ! mais il m'a semblé que je profanerais sa gloire, et que, par un sacrilège odieux, je compromettrais sa majesté. Je revins donc au genre léger, à cette poésie qui fait l'amusement de la jeunesse, et je pris plaisir à émouvoir en mon cœur des passions factices. Que n'ai-je résisté à cette inspiration ? Mais ma destinée m'entraînait, et ma perte devait être aussi l’œuvre de mon génie. Maudites soient mes études et l'éducation paternelle ! maudite la première leçon de lecture qui a captivé mon attention ! J'ai attiré sur moi ta haine par cette fantaisie désordonnée, par cet art que tu regardes comme une provocation à l'adultère ; mais les femmes mariées n'ont point appris de moi l'infidélité, et personne, d'ailleurs, ne peut enseigner ce qu'il connaît à peine ; ainsi, bien que j'aie écrit des vers érotiques et galants, jamais ma réputation n'a été effleurée par la moindre médisance, et il n'est aucun mari, même de la plus humble condition, dont j'aie rendu la paternité équivoque. Mes vers sont loin de ressembler à ma vie ; ma conduite est sage, mais ma muse est un peu folâtre ; la plupart de mes ouvrages ne sont que fictions et mensonges ingénieux, qui ont beaucoup plus dit que l'auteur n'eût osé faire. Mon livre n'est pas l'écho de mon cœur, mais un divertissement honnête, dont le but, presque toujours, est de charmer les veilles. Accius (
17) serait donc un être sanguinaire, Térence un parasite, tout chantre des combats un homme belliqueux ?
Enfin, je n'ai pas seul chanté les tendres amours, et pourtant je suis le seul puni ! Que nous enseigne le vieillard de Téos (
18), si ce n'est à nous enivrer à la fois d'amour et de vin ? N'est-ce pas des leçons d'amour que la Lesbienne Sapho donna aux jeunes filles ? Cependant Sapho et Anacréon chantèrent impunément. Il n'est rien non plus arrivé de fâcheux à toi, fils de Battus (19), pour avoir fait si souvent tes lecteurs confidents de tes succès. Il n'est pas une pièce du divin Ménandre qui ne soit basée sur l'amour, et pourtant on le donne à lire aux jeunes garçons et aux jeunes filles. L'Iliade elle-même, qu'est-elle ? une femme adultère que se disputent et son amant et son époux. Le début du poème n'est-il pas l'amour qu'inspira la fille de Chrysès, et la discorde que son enlèvement fait naître entre les chefs ? L'Odyssée n'offre-t-elle pas une femme, en l'absence de son époux, exposée aux obsessions amoureuses de nombreux rivaux ? N'est-ce pas Homère lui-même qui représente, Mars et Vénus surpris et enchaînés sur la couche même du plaisir ? Saurions-nous, sans le témoignage de ce grand poète, que deux déesses (20) s'éprirent d'amour pour leur hôte ? Le genre tragique est le plus grave de tous, et cependant l'amour en est le nœud et l'intrigue. Ce qui nous touche dans Hippolyte (21) n'est pas l'aveugle passion d'une marâtre : Canacé (22) est célèbre pour avoir aimé son frère ; n'était-il pas guidé par l'amour, ce char traîné par des coursiers phrygiens, et qui valut au fils de Tantale, à l'épaule d'ivoire, la main de la princesse de Pise ? C'est le désespoir d'un amour outragé qui porta une mère à tremper le fer dans le sang de ses enfants ; l'amour fit changer tout à coup en oiseaux un roi, sa maîtresse et cette mère qui pleure encore son cher Itys ; sans l'amour incestueux qu'Erope inspira à son frère, nous n'aurions pas vu reculer d'horreur le char du soleil ; jamais l'impie Scylla n'eût chaussé le cothurne tragique, si l'amour ne lui eût fait couper le fatal cheveu de son père ; lire Électre et la Folie d'Oreste, c'est lire le crime d'Égisthe et de la fille de Tyndare. Que dirai-je du héros intrépide qui dompta la Chimère, et que sa perfide hôtesse fut sur le point d'immoler ? Que dirai-je d'Hermione et de la fille de Schenée ? de toi, prophétesse, aimée du roi de Mycènes ? Rappellerai-je Danaé, sa belle-fille, la mère de Bacchus, Hémona, et cette amante pour laquelle deux nuits n'en firent qu'une ? Rappellerai-je le gendre de Pélias, Thésée, et ce Grec dont le navire aborda le premier les rivages de Troie? A cette liste ajoutez Iole, la mère de Pyrrhus, l'épouse d'Hercule, Hylas et Ganymède.
Le temps me manquerait si je voulais énumérer tous les amours de la scène tragique, et les seuls noms des acteurs pourraient à peine être cités dans mon livre ; la tragédie est même quelquefois descendue à des bouffonneries obscènes, et elle offre beaucoup de passages où la pudeur n'est pas respectée. L'auteur qui a peint Achille efféminé n'a point été puni pour avoir avili, dans ses vers, un caractère héroïque ; Aristide (
23) a fait le tableau des vices reprochés aux Milésiens, et n'a pas été, pour cela, chassé de sa patrie. Ni Eubius, auteur d'un infâme traité, qui apprend aux mères les secrets de l'avortement, ni cet autre, qui naguère composa ses livres sybarites (24), ni enfin ces femmes qui ont proclamé leurs turpitudes (25), ne furent exilés ; tous ces ouvrages sont confondus avec les chefs-d’œuvre de nos grands écrivains, et mis à la disposition du public par la libéralité de nos généraux (26).
Et, pour ne pas me défendre seulement par des armes étrangères, je citerai la littérature romaine, qui compte aussi plus d'une oeuvre érotique. Si, pour chanter la guerre, Ennius trouva de si mâles accents, Ennius, génie sublime, mais sans art, si Lucrèce développa les causes de l'activité du feu, et prophétisa l'anéantissement des trois éléments de la création, d'autre part, le voluptueux Catulle célèbre sans cesse la beauté qu'il désigne sous le faux nom de Lesbie, et non content de cet amour, il nous en révèle plusieurs autres et avoue même ses passions adultères. Tel fut aussi Calvus, ce nain licencieux qui s'accuse à mille endroits de ses heureux larcins. Parlerai-je des poésies de Ticidas, de celles de Memmius, où la pensée et l'expression sont également impudiques ? Cinna est dans la même catégorie ; Anser (
27) est plus éhonté que Cinna. Et les poésies légères de Cornificius ! et celles de Caton ! et ces vers où l'on voit, proclamée sous son vrai nom, Métella, désignée d'abord sous le pseudonyme de Périlla. Le poète qui a guidé le navire Argo dans les eaux du Phase n'a pu taire non plus ses conquêtes amoureuses ; les vers d'Hortensius et ceux de Servius ne sont pas plus réservés. Qui pourrait craindre d'aborder ce genre sous l'autorité de ces noms ? Sisenna (28), traducteur d'Aristide, n'a pas été puni pour avoir mêlé des badinages immoraux à ses travaux historiques ; et ce qui a déshonoré Gallus (29), ce n'est pas d'avoir chanté Lycoris, mais bien de s'être laissé aller à l'indiscrétion sous l'influence de l'ivresse. Il paraît difficile à Tibulle de croire aux serments d'une maîtresse, puisque c'est aussi par des serments qu'elle nie au mari son infidélité. Il déclare lui avoir enseigné à tromper un jaloux, mais qu'il est maintenant la dupe de ses propres leçons. Il se rappelle que souvent, sous prétexte d'admirer la pierre ou les diamants de sa maîtresse, il lui pressa la main, que, par un signe du doigt ou de la tête, il se faisait comprendre d'elle ou qu'il traçait sur sa table arrondie des caractères mystérieux. Il indique les liqueurs qui ravivent le teint flétri par de mordants baisers ; enfin, il adjure l'époux, surveillant malhabile, de lui conserver son poste, s'il veut mettre un frein aux infidélités de sa femme. Il sait à qui s'adressent ces aboiements quand il rôde tout seul ; il sait pourquoi la porte reste fermée quoiqu'il ait toussé plusieurs fois ; il donne mille préceptes de cette sorte de supercheries, et il n'est pas de ruses qu'il n'enseigne aux femmes pour tromper leurs maris. De tout cela on ne lui fit pas un crime ; Tibulle est lu, il charme tout le monde, et sa réputation était déjà florissante lors de ton avènement au pouvoir. Le même esprit règne dans les oeuvres du tendre Properce, et la censure ne l'a pas noté de la moindre infamie.
Voici donc quels sont mes devanciers (puisque la bienséance exige que je taise les noms illustres des écrivains vivants) : je ne craignais pas, je l'avoue, que dans ces mêmes eaux, heureusement sillonnées par tant de barques, la mienne seule dût faire naufrage.
D'autres ont donné des traités sur les jeux de hasard (
30) ; grande immoralité aux yeux de nos ancêtres ! Là on apprend la valeur des osselets (31), la manière de les lancer pour amener le plus fort point et éviter le chien fatal (32) ; le chiffre de chaque dé (33), comment il faut les jeter quand on désire tel ou tel chiffre, et les combiner, pour atteindre le nombre gagnant. Là, on apprend comment vos soldats, de couleurs différentes, doivent longer de près les bords du champ de bataille, parce que toute pièce engagée au milieu risque d'être enveloppée par deux ennemis ; l'art de soutenir la première pièce et d'assurer sa retraite qu'elle ne pourrait opérer seule. Sur une surface étroite (34) sont disposés deux rangs de trois petites pierres ; celui-là gagne la partie qui peut maintenir ses trois pierres de front. Il est enfin une foule d'autres jeux (je n'en veux pas ici épuiser la liste) qui ont pour but la perte du temps, ce bien si précieux. Tel autre encore chante la paume et la manière de la lancer (35); celui-ci enseigne la natation, celui-là, le jeu du cerceau (36) ; cet autre, l'art de se farder. L'un règle les repas et l'étiquette des réceptions ; l'autre nous apprend quelle est la terre la plus propre à des ouvrages de poterie, et quels sont les vases qui conservent au vin sa pureté. Voilà les passe-temps qui sentent la fumée du mois de décembre, et aucun de ces traités n'a été préjudiciable à son auteur.
Séduit par ces exemples, j'ai fait des vers légers, mais ce plaisir a été sévèrement puni. Enfin, parmi tant d'écrivains, je n'en vois pas un seul que son imagination ait perdu : on ne cite que moi ! Que serait-ce si j'avais écrit des mimes pour ces représentations obscènes dont l'intrigue est toujours un amour criminel, et où l'on voit toujours un séducteur impudent, et une épouse rusée qui se joue d'un mari trop crédule ? À ce spectacle viennent pourtant la jeune fille, la mère de famille, le mari, les enfants ; la majeure partie du sénat y assiste, et là, non seulement l'oreille est souillée par des paroles incestueuses, mais la vue s'y familiarise encore avec le scandale. Une femme a-t-elle usé d'un nouvel artifice pour leurrer son époux, on l'applaudit ; on lui décerne la palme avec enthousiasme ; mais, ce qu'il y a là de plus dangereux, c'est que l'auteur de cette pièce criminelle est payé grassement, et le préteur l'achète au poids de l'or (
37). Calcule toi-même, Auguste, les dépenses des jeux publics : tu verras que des pièces de ce genre t'ont coûté cher. Tu en as fait toi-même ton spectacle et le spectacle des autres, tant la grandeur en toi s'unit toujours à la bonté ! Tu as vu enfin, tranquille, et de cet oeil qui veille sur les intérêts du monde, ces représentations de l'adultère ! S'il est permis d'écrire des mimes qui retracent de si honteuses  mœurs, le choix de mon sujet mérite un châtiment moins sévère. Est-ce à dire que le privilège théâtral assure l'impunité à tout ce qui le touche, et que la scène autorise toute licence dans ceux qui l'exploitent ? Mais alors mon Art lui-même a fourni le canevas d'un ballet public (38), et il a souvent captivé tes regards.
Si vous placez dans vos palais les portraits de vos aïeux, oeuvres brillantes de quelques grands maîtres, il s'y trouve bien aussi quelque part telle ou telle miniature représentant des poses d'amour et des scènes voluptueuses. L'on voit ici Ajax dont les traits respirent la fureur, et là cette mère barbare qui porte le crime dans ses yeux ; plus loin on voit Vénus exprimant l'eau de la mer de sa chevelure humide (
39), et couverte encore de l'onde qui lui donna le jour.
D'autres chantent la guerre et les bataillons hérissés de piques sanglantes ; quelques-uns les exploits de tes ancêtres ou les tiens. Pour moi, la nature jalouse m'a fixé des bornes plus étroites, ne m'a donné qu'un faible génie. Toutefois l'heureux auteur de ton Énéide a fait reposer le héros et ses armes sur la couche de la princesse tyrienne ; et c'est l'épisode de cet amour illégitime qu'on lit avec le plus d'avidité. Le même poète, dans sa jeunesse (
40), avait chanté les amours pastorales de Phyllis et de la tendre Amaryllis ; et moi aussi, j'avais pris, il y a longtemps (41), la même liberté dans un de mes poèmes, et une faute qui n'était pas nouvelle subit aujourd'hui un châtiment nouveau. Mes vers étaient déjà publiés lorsque, dans l'exercice de ta censure, tu m'as si souvent laissé passer comme un chevalier irréprochable. Ainsi ces vers, dont je n'augurais rien de fâcheux pour ma jeunesse, font aujourd'hui le malheur de ma vieillesse ; une vengeance tardive frappe ce livre d'une date déjà ancienne, et la peine n'a suivi la faute que longtemps après.
Ne crois pas cependant que mes oeuvres soient toutes aussi dissolues ; ma barque a souvent déployé de plus larges voiles. J'ai fait la description des Fastes en six livres, et chacun d'eux se termine avec le mois qu'il embrasse ; mais cet ouvrage, César, que j'avais commencé sous tes auspices, et que je t'avais dédié (
42), mon malheur est venu l'interrompre. J'ai fait aussi monter sur la scène les rois chaussés du cothurne tragique, et l'expression a la gravité qui sied au cothurne. J'ai décrit encore, quoique je n'aie pu mettre la dernière main à cet ouvrage, les Métamorphoses des êtres. Puisses-tu, revenant à des dispositions plus indulgentes, te faire lire, dans tes loisirs, quelques pages de ce dernier livre, celles surtout où, après avoir pris le monde à son berceau, j'arrive, César, à ton époque. Tu y verras quelles inspirations je dois à ton nom et avec quel enthousiasme je glorifie toi et les tiens !
Jamais je ne déchirai personne par une mordante épigramme (
43) ; mon vers ne sut jamais accuser personne. Naturellement bon, j'abhorrai toujours la raillerie amère, et ne lançai dans aucun de mes écrits des traits empoisonnés. Parmi tant de milliers de citoyens et, tant de milliers de vers, je suis le seul, hélas ! que ma muse ait blessé ; aussi j'aime à croire que pas un de mes concitoyens ne s'est réjoui de mon infortune, et que plusieurs y ont compati. Je ne saurais admettre que quelqu'un ait insulté à ma détresse, pour peu que ma candeur et mon ingénuité méritent des égards.
Puissent ces motifs et d'autres encore fléchir ta divinité, ô père de la patrie! son amour et sa providence. Je ne demande point mon rappel en Italie (si ce n'est un jour peut-être, quand la durée de mon supplice t'aura désarmé), mais un exil moins dangereux et plus tranquille (
44), afin que la peine soit proportionnée au délit.

LIVRE DEUXIÈME.

(1) Ce serait donc dix ans après la publication de l'Art d'aimer qu'Auguste se serait avisé de le lire, et de l'incriminer. Cette supposition est invraisemblable.

(2) Auguste avait ordonné, l'an 746 de Rome, que les Opalies, fêtes en l'honneur de Cybèle, aussi appelée Opis, fussent célébrées chaque année le 19 décembre, et durassent trois jours.

(3) Les jeux séculaires, célébrés tous les cent dix ans, le furent pour la cinquième fois par Auguste, l'an de Rome, 737.

(4) Voy. les Métamorphoses, livre XV, v. 868.

(5) Voy. le même ouvrage, id, v. 854 et suivant. Vestri parce qu'Ovide loue J. César et Auguste.

(6) Il s'agit sans doute de la revue des chevaliers, passée par les censeurs tous les cinq ans, et qu'Auguste fit lui-même plusieurs fois à ce titre ; elle avait lieu le quinze juillet, en commémoration de la victoire remportée par les Romains, près du lac Régille, par le secours de Castor et Pollux. (Denys d'Halic., liv. VI.)

(7) Le tribunal des centumvirs, au rapport de Festus, était composé de trois hommes choisis dans chacune des trente-cinq tribus, ce qui en portait le nombre à cent cinq. On ne déférait à ce tribunal que des causes de peu d'importance, et qui regardaient la police publique.

(8) Le mot index désigne la charge de triumvirs, lesquels jugeaient les causes particulières, c'est-à-dire celles de citoyen à citoyen.

(
9) L'exil était le bannissement prononcé par arrêt du sénat ou par sentence de juge, et emportait toujours avec lui la confiscation des biens ; au lieu que la relégation n'était que l'éloignement momentané par ordre du prince.

(10) Livie Drusille, fut d'abord l'épouse de Tibère Claude Néron, qui la céda ensuite à Auguste. - Natus, Tibère, fils de Livie, et par conséquent beau-fils d'Auguste, qui l'adopta et le nomma son successeur à l'empire. - Nepotes, Drusus, fils de Tibère, et Germanicus, neveu de Tibère, et son fils par adoption, tous deux petits-fils adoptifs d'Auguste. - Sui parentis, Tibère, père de Drusus, et par adoption père de Germanicus, son neveu, comme nous l'avons dit précédemment. - Ausonium ducem, Tibère.

(
11) Ces quatre vers sont dans le premier livre de l'Art d'aimer, v. 31 à 34.- Vittae, gaze fine qui couvrait la tête, et d'où pendaient deux barbes par derrière. Cet ornement était interdit aux courtisanes.

(12) Il s'agit ici du poème de Lucrèce, qui commence par une magnifique invocation à Vénus.

(13) Voy. l'Art d'aimer, liv. I, v. 136.

(14) Auguste, après la défaite de Brutus et de Cassius, fit élever un temple en l'honneur de Mars vengeur, sur le forum Augusti.

(15) Le mot juncta veut dire ici voisine et non pas unie au dieu Mars dans les filets de Vulcain, comme l'ont cru quelques-uns. On concevra très bien qu'Auguste n'ait pas permis la représentation d'une scène de cette nature à la porte d'un temple.

(16) C'était aux jeux floraux, célébrés vers la fin d'août, la nuit, à la lueur des flambeaux, par des courtisanes, avec une licence effrénée.

(17) Accius, célèbre auteur tragique, dont il ne reste que des fragments.

(18) Anacréon était né à Téos.

(19) Callimaque était fils ou petit-fils de Bassus.

(20) Calypso et Circé, Métam., liv. XIV.

(21) Pièce d'Euripide, imitée par Sénèque. Voy. Héroïde, 4.

(22) Nous avons dans les Héroïdes d'Ovide (Hér. 11 ), une lettre de cette Canacé à son frère Macarée, où elle avoue qu'elle en avait un fils. Elle était fille d'Éole.

(23) Aristide, né à Milet, ville fort dissolue, était auteur des Milésiaques, récits licencieux, qu'imitèrent Lucien dans l'Âne de Lucius, et Apulée dans l'Âne de Patras.

(24) Lucien (ad. indoct., § 23 ) cite un écrivain de Sybaris qui fit un ouvrage digne de la réputation de cette ville.

(25) Il est ici question principalement de Philénis et d'Éléphantis, toutes deux auteurs de poésies obscènes. Athénée parle de la première, liv. VIII, 13, et Suétone de la seconde, liv. XLIII.

(26) Ce fut en effet à des généraux, à Paul Émile, à Sylla, à Lucullus, à Pollion, à Auguste que les Romains durent leurs bibliothèques.

(27) Anser était un poète aux gages d'Antoine, et dont Cicéron se moque dans sa 13e Philippique. Cornificius est celui auquel Cicéron adresse plusieurs lettres du 12e livre, et dont Macrobe (Saturn., VI ) cite quelques vers. Il périt abandonné de ses soldats, qu'il avait appelés galeati lepores. Il eut une sœur poète. - Catonis, Valérius Caton, grammairien célèbre, qui naquit dans la Gaule. Il reste de lui un petit poème intitulé Dirae, où il exprime son chagrin de quitter sa patrie et sa chère Lydie.

(28) Sisenna était un des plus anciens historiens romains, et contemporain de Marius et de Sylla.

(29) Gallus, gouverneur d'Égypte, pilla la ville de Thèbes ; Auguste nomma une commission pour le juger, il se tua de désespoir. D'autres disent que c'est pour avoir vu ses biens confisqués par Auguste, à cause d'un bon mot qui lui était échappé contre son bienfaiteur.

(30) Les jeux de hasard, regardés par les anciens Romains comme flétrissants, furent proscrits par plusieurs lois qui ne les permettaient que dans le mois de décembre, époque des Saturnales.

(31) Les osselets n'avaient que quatre faces marquées : l'as, unio ; le trois, ternio ; le quatre, quaternio ; le six, senio.

(32) C'était le plus malheureux des coups : il consistait, dans le jeu des osselets, à amener le même nombre sur tous les quatre, et dans celui des dés, l'as sur tous les trois. Le coup le plus heureux était d'amener trois six pour les dés, et des nombres différents pour chaque osselet. Il s'appelait Vénus.

(33) Le dé avait la forme cube comme le nôtre, et les six faces marquées. L'osselet était oblong.

(34) C'est le troidium, sorte de marelle.

(35) Le jeu de paume se jouait, soit avec une balle petite et dure, soit avec un ballon de peau, gonflé d'air, soit avec une autre espère de ballon rempli de plumes. Voy. sur tous ces jeux, Pollux, liv. IX.

(36) C'était un petit cerceau de fer ou de cuivre, garni d'anneaux.

(37) C'était en effet le préteur ou l'édile qui était chargé des jeux.

(38) On disait saltare fabellam, jouer une pantomime, mais ici il y a poemata, et, liv. V, éleg. VII, v. 25, Ovide dit encore : Carmina saltari plena theatro. Il faut donc supposer qu'on lisait sur la scène des pièces de vers détachées, et qu'on entremêlait de danses cette lecture.

(39) La Vénus Anadyomène d'Apelle.

(40) Virgile composa ses Bucoliques de vingt-huit à trente-deux ans.

(41) En effet, Ovide travailla à son Art d'aimer dès l'âge de vingt-huit ou vingt-neuf ans, selon les uns, et selon d'autres de trente-trois à quarante-deux ; il y avait donc au moins dix ans que cet ouvrage avait paru, puisque le poète en avait environ cinquante-deux lors de sa disgrâce.

(42) Ovide avait dédié ses Fastes à César, mais il n'avait pas publié son poème avant son exil ; il ne le fit paraître qu'après la mort d'Auguste, et le dédia à Germanicus.

(43) Ce n'est que plus tard et pendant son exil qu'il composa son Ibis.

(44) Voy. v. 485, et passim.