MAXIME DE TYR
DISSERTATIONS
DISSERTATION
IX.
Si
Socrate fit bien de ne rien dire pour sa défense (46).
Εἰ καλῶς ἐποίησεν Σωκράτης μὴ ἀπολογησάμενος.
C'EST
une chose inconcevable, que dans chaque profession on puisse décliner la
juridiction commune : que le marin, qui a pris le commandement d'un vaisseau et
qui l'a dirigé à sa guise d'après ses connaissances nautiques, puisse ne pas
rendre compte de sa conduite à des hommes qui n'entendent rien à la
navigation; qu'il ne soit point permis aux malades de se constituer juges des
ordonnances de leur médecin, des remèdes qu'il commande, du régime qu'il
prescrit; que, ni ceux qui fabriquent des vases, ni ceux qui fabriquent des
armes, ni aucun des autres artisans qui font des métiers bien moins relevés,
ne soumettent le jugement de leurs ouvrages qu'à la juridiction respective de
leurs pairs; et que Socrate, qui ne fut point regardé comme dénué de
lumières et de connaissances, au tribunal même d'Apollon, de ce Dieu « qui
savait le nombre des grains de sable, et qui devinait juste, au-delà même
des mers (47) », soit poursuivi encore aujourd'hui
sans relâche de la part des Sycophantes qui le traduisent devant eux ; et que
parmi de pareils accusateurs et de pareils juges, qui se succèdent sans
interruption, il trouve plus d'animosité, plus d'acharnement, que ne lui en
montrèrent jadis Anytus, Mélitus, et les Athéniens ses contemporains. S'il
eût été ou peintre comme Zeuxis, ou sculpteur comme Polyclète et Phidias, à
la faveur de la réputation dont il aurait joui dans son art, ses ouvrages
auraient été admirés comme ceux de ces artistes célèbres. Car, en
contemplant ces derniers, non seulement on n'ose pas leur reprocher des défauts
; on n'ose pas même y appliquer l'œil de la critique. Chacun au contraire les
comble à l'envi d'éloges. Mais qu'un homme qui fut étranger aux arts de la
main, qui ne fut ni statuaire ni peintre, dont le talent consista à mettre de
la symétrie, de l'harmonie dans ses mœurs, et à les soumettre à la plus
parfaite régularité, à l'aide de la raison, du travail, de l'habitude, de la
frugalité, de l'honnêteté, de la tempérance et de toutes les autres vertus ;
que cet homme n'ait point obtenu une gloire solide, des éloges unanimes, des
juges qui n'aient eu qu'une voix, mais que chacun ait eu de cet homme une
opinion différente, c'est ce dont nous allons en ce moment faire l'objet de
notre examen (48). |
Δεινόν γε τὰς μὲν ἄλλας τέχνας
ἀπηλλάχθαι ἑκάστην τοῦ τῶν πολλῶν δικαστηρίου, καὶ μήτε τὸν
κυβερνήτην ἐπιλαβόμενον τῆς νεώς, καὶ χρώμενον τῇ τέχνῃ κατὰ τοὺς
ναυτικοὺς λόγους, εὐθύνεσθαι πρὸς τῶν ἀτέχνων, μήτε τὸν ἰατρὸν
ἀνέχεσθαι τοὺς κάμνοντας τὰ προστάγματα αὐτοῦ καὶ τὰ ἰάματα καὶ τὰ
διαιτήματα ἐπισκοποῦντας καὶ βασανίζοντας, ἀλλ´ οὐδὲ κεραμέας, οὐδὲ
σκυτοτόμους, οὐδὲ τοὺς τὰ ἔτι τούτων ἀτιμότερα μεταχειριζομένους,
ἄλλόν τινα ἔχειν δικαστὴν τῶν ἔργων, πλὴν τῆς τέχνης. Σωκράτη δὲ τὸν
μηδὲ τῷ Ἀπόλλωνι παρασχόντα ἀμαθίας αἰτίαν, τῷ τὰς ψάμμους εἰδότι
καὶ καταμαντευσαμένῳ τῆς θαλάττης, οὔπω καὶ νῦν πεπαῦσθαι
συκοφαντούμενον καὶ εὐθυνόμενον, ἀλλὰ πικροτέρους αὐτῷ εἶναι
τοὺς ἐπιγιγνομένους αἰεὶ καὶ τοὺς συκοφάντας Ἀνύτου καὶ
Μελήτου, καὶ τοὺς δικαστὰς Ἀθηναίων τῶν τότε· καὶ εἰ μὲν
γραφεὺς ἦν ἢ δημιουργὸς ἀγαλμάτων, οἷον Ζεῦξις ἢ Πολύκλειτος ἢ
Φειδίας, παρέπεμπεν ἂν τὰ ἔργα αὐτῶν μετ´ εὐφημίας ἡ τῆς τέχνης
δόξα· ὁρῶντες γοῦν ἐκεῖνα οἱ ἄνθρωποι, μὴ ὅτι αἰτιᾶσθαι, ἀλλ´ οὐδὲ
ἐξετάζειν τολμῶσιν, ἀλλ´ εἰσὶν αὐτεπάγγελτοι ἐπαινέται θεαμάτων
ἐνδόξων· εἰ δέ τις μὴ κατὰ γραφέας, μηδὲ κατ´ ἀγαλμάτων δημιουργοὺς
ἀγαθὸς ἦν τὴν χειρῶν τέχνην, ἀλλὰ τὸν αὑτοῦ βίον συμμέτρως, καὶ πρὸς
τὸ ἀκριβέστατον, λόγῳ καὶ πόνῳ καὶ ἐθισμῷ καὶ εὐτελείᾳ καὶ
καρτερίᾳ καὶ σωφροσύνῃ καὶ ταῖς ἄλλαις ἀρεταῖς ἡρμόσατο·
τοῦτον μὴ τυγχάνειν βεβαίας δόξης, μηδὲ ἐπαίνων ὡμολογημένων, μηδὲ
ὁμοφώνων δικαστῶν, ἀλλὰ ἄλλον ἄλλό τι διατελεῖν ὑπὲρ αὐτοῦ λέγοντας;
Ὁποῖόν τι καὶ τὸ παρὸν ἡμῖν νυνὶ σκέμμα.
|
II.
Socrate fut accusé par Mélitus, traduit en jugement par Anytus, poursuivi par
Lycon, condamné par les Athéniens, chargé de fers par les onze (49),
et réduit à avaler la ciguë : et Socrate dédaigna Mélitus qui l'accusait,
et Socrate couvrit de mépris Anytus qui le traduisait en justice, et Socrate se
moqua de Lycon qui parlait contre lui ; et tandis que les Athéniens le
jugeaient, il les jugeait lui-même ; et tandis qu'ils prononçaient une
condamnation contre lui, il en prononçait une contre eux. Lorsque les onze se
présentèrent pour le charger de chaînes, il leur abandonna son corps, un des
plus faibles, sous le rapport des forces physiques. Mais il ne leur abandonna
point son âme ; sous le rapport des forces morales, il l'emportait sur tous les
Athéniens. L'aspect du bourreau ne l'effraya point. La vue du poison ne fit
aucune impression sur lui. Les Athéniens le condamnèrent à contrecœur, et
lui, il reçut la mort sans répugnance. La preuve qu'il ne répugna point à la
mort, c'est qu'étant le maître d'en être quitte pour une amende (50),
ou de se sauver par une évasion clandestine, il aima mieux mourir. La preuve
que les Athéniens le condamnèrent à contrecœur, c'est qu'ils ne tardèrent
pas à se repentir de l'avoir condamné. Or, peut-il rien arriver à des juges
de plus propre à les couvrir de ridicule ? |
Σωκράτη τοῦτον Μέλητος μὲν ἐγράψατο,
Ἄνυτός τε εἰσήγαγεν, Λύκων δὲ ἐδίωκεν, κατεδίκασαν δὲ
Ἀθηναῖοι, ἔδησαν δὲ οἱ ἕνδεκα, ἀπέκτεινεν δὲ ὁ ὑπηρέτης. Καὶ Μελήτου
γραφομένου ὑπερεώρα, καὶ Ἀνύτου εἰσάγοντος κατεφρόνει, καὶ Λύκωνος
λέγοντος κατεγέλα, καὶ ψηφιζομένων Ἀθηναίων ἀντεψηφίζετο, καὶ
τιμωμένων ἀντετιμᾶτο, καὶ δεόντων αὐτὸν τῶν ἕνδεκα τὸ μὲν σῶμα
παρεῖχεν, ἀσθενέστερον γὰρ ἦν πολλῶν σωμάτων, τὴν δὲ ψυχὴν οὐ
παρεῖχεν, κρείττων γὰρ ἦν Ἀθηναίων ἁπάντων, οὐδὲ τῷ ὑπηρέτῃ
ἐχαλέπαινεν, οὐδὲ πρὸς τὸ φάρμακον ἐδυσχέραινεν· ἀλλ´ Ἀθηναῖοι μὲν
αὐτὸν οὐχ ἑκόντες κατεδίκασαν, ὁ δὲ ἀπέθνησκεν ἑκών· ἐλέγχει δὲ τοῦ
μὲν τὸ ἑκούσιον, ὅτι ἐξὸν αὐτῷ καὶ χρημάτων τιμήσασθαι, καὶ φεύγειν
ἐκκλαπέντι, προείλετο ἀποθανεῖν· τῶν δὲ τὸ ἀκούσιον, μετέγνωσαν γὰρ
εὐθύς· οὗ τί ἂν εἴη πάθος δικασταῖς καταγελαστότατον. |
III.
Vous désirez donc d'examiner si Socrate, dans ces circonstances, se conduisit
bien ou mal. Si quelqu'un s'approchait de vous, et vous disait : « Il fut un
homme à Athènes, avancé en âge, Philosophe de profession, mal à son aise du
côté de la fortune, doué d'ailleurs d'excellentes qualités morales, bon
orateur, ayant beaucoup de sagacité, actif, sobre, incapable de rien faire ni
de rien dire, sans avoir un objet déterminé ; ayant parcouru une assez longue
carrière en se conciliant sous le rapport des mœurs les éloges des plus
recommandables d'entre les Grecs, et d'Apollon entre les Dieux. L'envie,
l'animosité, la haine du beau moral, soulevèrent contre lui, parmi les poètes
comiques Aristophane, parmi les Sophistes Anytus, parmi les sycophantes
Mélitus, parmi les orateurs Lycon, parmi les Grecs les Athéniens (51)
; et tandis qu'il était ainsi joué sur le théâtre par l'un, accusé par
l'autre, tandis que celui-ci le traduisait en jugement, que celui-là parlait
contre lui, et qu'il était d'ailleurs en présence du tribunal, il commença
par user de représailles vis-à-vis d'Aristophane, il le mit à son tour sur la
scène durant les fêtes de Bacchus, pendant que les spectateurs étaient encore
échauffés par la licence des orgies. De là, il se rendit vers ses propres
juges, il parla à son tour contre ceux qui avaient parlé contre lui, il entra
dans de très longs détails ; son but principal dans sa défense fut de se
concilier le tribunal, de gagner sa bienveillance dès le début de son
discours, de le convaincre par l'exposition des faits, de faire éclater
l'évidence à ses yeux, par la force et la vérité de ses preuves, par la
justesse des rapprochements, par le témoignage de ses concitoyens les plus
recommandables, et les plus dignes de faire foi devant des juges athéniens.
Dans sa péroraison, il eut recours aux supplications, aux prières, il excita
la pitié, il laissa échapper de temps en temps quelques larmes ; à tout cela,
il finit par ajouter l'apparition de Xantippe, le tableau de ses lamentations,
celui des pleurs et des cris de ses enfants ; et par le concours de tous ces
moyens, ses juges, fléchis, attendris, touchés de commisération, se
décidèrent en sa faveur, et le renvoyèrent absous ». |
Ἔτ´ οὖν ποθεῖς σκέψασθαι περὶ
Σωκράτους, εἰ ὀρθῶς ταῦτα ἔδρα ἢ μή; τί οὖν, εἴ τις σοι παρελθὼν
διηγεῖτο, ὅτι ἀνὴρ Ἀθηναῖος, γέρων τὴν ἡλικίαν, φιλόσοφος τὴν
ἐπιτήδευσιν, πένης τὴν τύχην, δεινὸς τὴν φύσιν, ἀγαθὸς εἰπεῖν,
συνετὸς νοῆσαι, ἄγρυπνος καὶ νηφάλεος, καὶ οἷος μηδὲν εἰκῇ μήτε
ἔργον πρᾶξαι, μήτε εἰπεῖν λόγον, βεβιωκὼς μὲν πόρρω ἡλικίας,
ἐπαινέτας δὲ σχὼν τοῦ τρόπου Ἑλλήνων μὲν οὐ τοὺς φαυλοτάτους
τὴν φύσιν, θεῶν δὲ τὸν Ἀπόλλωνα· οὗτος ἐπαναστάντων αὐτῷ φθόνῳ καὶ
ἀπεχθείᾳ καὶ τῇ πρὸς τὰ καλὰ ὀργῇ ἐκ μὲν τοῦ θεάτρου Ἀριστοφάνους,
ἐκ δὲ τῶν σοφιστῶν Ἀνύτου, ἐκ δὲ τῶν συκοφαντῶν Μελήτου, ἐκ δὲ τῶν
ῥητόρων Λύκωνος, καὶ τοῦ μὲν κωμῳδοῦντος, τοῦ δὲ γραφομένου, τοῦ δὲ
εἰσάγοντος, τοῦ δὲ λέγοντος, τῶν δὲ δικαζόντων, ἐχαλέπαινεν πρῶτα
μὲν τῷ Ἀριστοφάνει, καὶ καταστὰς ἐν Ἀθηναίοις ἀντεκωμῴδει τὸν ἄνδρα
ἐν Διονυσίοις, ἔτι μεθυόντων δικαστῶν· ἔπειτα εἰς τὸ δικαστήριον
παρελθὼν ἀντερρητόρευεν τοῖς λέγουσι καὶ λόγους διεξῄει μακρούς,
ἀπολογίαν εὖ μάλα εἰς ἐπαγωγὴν δικαστῶν συγκειμένην, ἐξευμενιζόμενος
μὲν τὸ δικαστήριον τοῖς προοιμίοις, πείθων δὲ τοῖς διηγήμασιν,
ἀποδεικνὺς δὲ τεκμηρίοις καὶ πίστεσιν καὶ εἰκάσμασιν, ἀναβιβαζόμενος
δὲ καὶ μάρτυρας τῶν πλουσίων τινὰς καὶ ἀξιόχρεων ἐν Ἀθηναίοις
δικασταῖς, κἂν τοῖς ἐπιλόγοις ἱκετεύων καὶ ἀντιβολῶν καὶ δεόμενος
καί που καὶ δάκρυα ἐν καιρῷ ἀφιείς, καὶ μετὰ τοῦτο τελευτῶν τὴν
Ξανθίππην ἀναβιβασάμενος κωκύουσαν, καὶ τὰ παιδία κλαυμυριζόμενα,
διὰ τούτων ἁπάντων μετεχειρίσατο τοὺς δικαστάς, καὶ ἀπεψηφίσαντο
αὐτοῦ, καὶ ᾤκτειραν, καὶ ἀφῆκαν; |
IV.
O la brillante victoire ? Certes, en sortant de là, il eût pu reparaître ou
au Lycée, ou à l'Académie, ou dans les autres lieux de ses rendez-vous, avec
autant d'hilarité que ceux qui ont échappé sur mer à quelque tempête. Mais,
de quel oeil la Philosophie eût - elle vu un pareil homme revenir vers elle ?
Du même oeil qu'un chef de gymnase verrait revenir de l'arène un athlète tout
parfumé, qui aurait obtenu sa couronne, sans éprouver aucune fatigue, sans se
couvrir de poussière, sans avoir été ni meurtri, ni blessé, sans rapporter
aucune preuve de son courage. Et pour quel motif Socrate se serait-il défendu
devant des juges tels que ceux qui le jugèrent à Athènes ? Était-ce parce
qu'ils pouvaient prononcer selon la justice ? mais ils ne connaissaient que
l'iniquité. Était-ce parce que c'étaient des hommes remplis de sagesse ? mais
ils n'avaient aucun bon sens. Était-ce parce qu'ils étaient susceptibles de
bienveillance ? mais ils étaient pleins d'animosité contre lui. Était-ce
parce qu'ils avaient quelque point de commun avec sa manière d'être ? c'était
tout le contraire. Était-ce parce qu'ils valaient mieux que lui ? mais il
valait lui-même beaucoup mieux qu'eux. Était-ce parce qu'ils avaient moins de
mérite que lui ? et quel est l'homme qui, sentant sa supériorité sur ses
juges, en pareil cas, s'abaisserait à se défendre devant eux? Et s'il eût
voulu se défendre, qu'aurait-il pu dire ? Qu'il n'avait point professé la
philosophie? mais il aimait proféré un mensonge. Qu'il avait fait la
profession de Philosophe? mais c'était de cela même qu'on l'accusait. |
Καλοῦ τοῦ νικηφόρου· ἦ που εἰς Λύκειον
ὤσατο ἂν ἐκεῖθεν, καὶ εἰς Ἀκαδημίαν αὖθις, καὶ τὰς ἄλλας διατριβὰς
φαιδρός, ὥσπερ οἱ ἐκ χειμερίου θαλάττης σεσωσμένοι. Καὶ πῶς ἂν
ἠνέσχετο φιλοσοφία σπάνιον τὸ πρὸς ἑαυτὴν τοῦτον τὸν ἄνδρα; οὐ
μᾶλλον ἢ παιδοτρίβης ἐκ σταδίου ἀγωνιστὴν μύρῳ κεχρισμένον, ἀνιδρωτὶ
καὶ ἀκονιτὶ στεφανωθέντα, ἄπληκτον, καὶ ἄτρωτον, καὶ μηδὲν ἴχνος
ἀρετῆς ἔχοντα. Τίνος δ´ ἂν καὶ εἵνεκα ἀπελογήσατο Σωκράτης ἐπ´
ἐκείνων τῶν Ἀθηναίων; ὡς ἐπὶ δικαστῶν; ἀλλὰ ἄδικοι· ὡς ἐπὶ φρονίμων;
ἀλλὰ ἀνόητοι· ὡς ἐπὶ ἀγαθῶν; ἀλλὰ μοχθηροί· ὡς ἐπὶ εὐμενῶν; ἀλλὰ
ὠργίζοντο· ὡς ἐπὶ ὁμοίων; ἀλλὰ ἀνομοιότατοι· ὡς ἐπὶ
κρειττόνων; ἀλλὰ χείρους ἦσαν· ὡς ἐπὶ χειρόνων; καὶ τίς κρείττων
χείρονι ἀπελογήσατο; τί δ´ ἂν καὶ εἶπεν ἀπολογούμενος; ἆρα ὡς οὐκ
ἐφιλοσόφει; ἀλλὰ ἐψεύδετο ἄν· ἢ ὅτι ἐφιλοσόφει; ἀλλὰ ἐπὶ τούτῳ
ἐχαλέπαινον. |
V.
A la bonne heure, qu'il n'eût rien dit de cela ; mais il devait repousser les
chefs de son accusation, se justifier d'avoir corrompu la jeunesse, et d'avoir
introduit de nouveaux dieux. Mais où est l'artiste qui, sur les matières qui
appartiennent à son art, portera la conviction dans l'esprit de celui qui n'en
a pas les premiers principes ? Et comment les Athéniens auraient- ils entendu
en quoi consistait la corruption de la jeunesse, en quoi consistait la vertu,
quelles notions on devait avoir des Dieux, quel culte on devait leur rendre ?
Les milliers de juges que le sort des fèves (52)
appelle à cette fonction, n'examinent point des questions de cette nature. On
ne trouve rien de réglé là-dessus dans les lois de Solon. Dracon n'en dit pas
un mot dans son code. Il n'y est question que de citations en justice, de
défenses judiciaires, d'accusations, de mise en jugement des comptables, de
serments à prêter respectivement par les parties (53),
et de tous les détails de cette nature, qui composent la juridiction de
l'héliée (54). C'est comme dans les groupes
d'enfants, lorsqu'ils prennent querelle entre eux, et qu'ils se débattent au
sujet de leurs osselets qu'ils s'enlèvent les uns aux autres (55),
et lorsqu'ils éprouvent des injustices dont ils sont réciproquement les
auteurs. Mais la vérité, mais la vertu, mais les bonnes mœurs, demandent
d'autres juges, d'autres lois, d'autres orateurs. Alors Socrate triomphera,
alors la palme lui sera décernée, alors il sera couvert de gloire. |
Ἀλλὰ νὴ Δία τούτων μὲν οὐδέν,
ἀπολύεσθαι δ´ ἐχρῆν τὴν αἰτίαν, ὡς μήτε διέφθειρεν τοὺς νέους, μήτε
καινὰ δαιμόνια ἐπεισέφερεν. Καὶ τίς τεχνίτης τὸν ἄτεχνον πείθει ὑπὲρ
τῶν κατὰ τὴν τέχνην; ποῦ γὰρ Ἀθηναίοις συνιέναι, τί μὲν διαφθορὰ
νέων, τί δὲ ἀρετή; καὶ τί μὲν τὸ δαιμόνιον, πῶς δὲ τιμητέον; οὐ γὰρ
τῷ κυάμῳ λαχόντες δικασταὶ χίλιοι ταῦτα ἐξετάζουσιν, οὐδὲ
Σόλων τὶ ὑπὲρ αὐτῶν γέγραφεν, οὐδὲ οἱ Δράκοντος σεμνοὶ νόμοι· ἀλλὰ
κλήσεις μέν, καὶ φάσεις, καὶ γραφαί, καὶ εὐθύναι, καὶ ἀντωμοσίαι,
καὶ πάντα τὰ τοιαῦτα ἐν ἡλιαίᾳ εὐθύνεται, ὥσπερ ἐν ταῖς τῶν παίδων
ἀγέλαις αἱ περὶ τῶν ἀστραγάλων διαμάχαι καὶ ῥητορικαί, ἀφαιρουμένων
ἀλλήλους, καὶ ἀδικούντων, καὶ ἀδικουμένων· ἀλήθεια δὲ καὶ ἀρετὴ καὶ
βίος ὀρθὸς ἑτέρων δικαστῶν δεῖ, καὶ νόμων ἑτέρων, καὶ ῥητόρων
ἑτέρων, ἐν οἷς Σωκράτης ἐκράτει, καὶ ἐστεφανοῦτο, καὶ εὐδοκίμει. |
VI.
Et combien ne serait-il donc point ridicule de voir un homme avancé en âge, un
philosophe, jouer avec des enfants ? Et quel est le médecin qui a jamais
persuadé à des malades ayant la fièvre, que la faim et la soif sont un bien ?
Et qui a jamais persuadé à un homme livré à la débauche, que ce genre de
volupté est un mal ? Qui a jamais persuadé à celui qui est adonné aux
opérations mercantiles, qu'il n'y a nul. bien dans le but qu'il se propose ?
Certes, Socrate n'aurait pas eu beaucoup de peine à persuader aux Athéniens,
que ce n'est pas pervertir les jeunes gens, de les dresser à la vertu, et que
ce n'est point pécher contre les dieux, de propager les lumières en ce qui les
concerne. Ils en savaient là-dessus autant que Socrate ; ou bien, tandis que
Socrate avait là-dessus les plus saines notions, les Athéniens étaient à cet
égard dans une pleine ignorance. Or, s'ils étaient aussi savants que lui,
qu'avait-il à leur apprendre ? S'ils étaient, au contraire, dans une profonde
ignorance, ce n'était pas de plaidoyer, mais de leçons qu'il devait s'agir
auprès d'eux. Dans les débats judiciaires, c'est des témoignages, des
ouï-dire, des preuves, des pièces de conviction, des épreuves que l'on fait
subir à l'accusé (56), et d'autres semblables
détails, que dépend devant les tribunaux la manifestation de la vérité. Mais
lorsqu'il s'agit des principes de la vertu et de la morale, il n'est qu'une
source de preuves, c'est le respect qu'on a pour l'une et pour l'autre. Or, ce
respect étant alors banni d'Athènes, que pouvait avoir à dire Socrate ? |
Πῶς οὖν οὐκ ἂν ἦν καταγέλαστος γέρων
ἀνὴρ καὶ φιλόσοφος συναστραγαλίζων τοῖς παισίν; ἢ τίς πώποτε ἰατρὸς
ἔπεισεν τοὺς πυρέττοντας, ὅτι ἀγαθὸν τὸ διψῆν καὶ λιμώττειν; ἢ τίς
τὸν ἀκόλαστον, ὅτι πονηρὸν ἡδονή; ἢ τίς τὸν χρηματιστήν, ὅτι οὐδενὸς
ἀγαθοῦ ἐφίεται; ἦ γὰρ ἂν καὶ τοῦτο Σωκράτης οὐ χαλεπῶς ἔπεισεν τοὺς
Ἀθηναίους, ὡς οὐκ ἔστιν διαφθορὰ νέων ἀρετῆς ἐπιτήδευσις, οὐδὲ ἡ τοῦ
θείου γνῶσις περὶ δαίμονας παρανομία. Καὶ γὰρ ἤτοι
συνηπίσταντο ταῦτα τῷ Σωκράτει, ἢ ὁ μὲν ἠπίστατο, οἱ δὲ ἠγνόουν. Καὶ
εἰ μὲν ἠπίσταντο, τί ἔδει λόγων πρὸς τοὺς εἰδότας; εἰ δὲ ἠγνόουν,
οὐκ ἀπολογίας αὐτοῖς, ἀλλ´ ἐπιστήμης ἔδει. Τὰς μὲν γὰρ ἄλλας
ἀπολογίας μάρτυρες ἀποφαίνουσιν, καὶ πίστις, καὶ ἔλεγχοι, καὶ
τεκμήρια, καὶ βάσανοι, καὶ ἄλλα τοιαῦτα, ἵνα τὸ ἀφανὲς τέως ἐπὶ
δικαστηρίου φωραθῇ· ἀρετῆς δὲ καὶ καλοκαγαθίας ὁ ἔλεγχος εἷς, ἡ πρὸς
ταῦτα αἰδώς, ἧς ἐξεληλαμένης τότε Ἀθήνηθεν, τί ἔδει τῷ Σωκράτει
λόγου; Νὴ Δία, ἵνα μὴ ἀποθάνῃ. |
VII.
Il devait dire du moins ce qu'il fallait pour éviter la mort. Mais, si mourir
est un accident, dont l'homme de bien doive se garder sur toutes choses, non
seulement Socrate aurait dû songer à se défendre devant le tribunal des
Athéniens qui le jugeaient, mais il aurait antérieurement (57)
dû s'abstenir de montrer de l'animosité contre Mélitus, de démasquer Anytus,
de dérouler le tableau du dérèglement et de l'inconduite de ses concitoyens,
de passer en revue toute la ville d'Athènes, de scruter toutes les conditions,
toutes les professions, toutes les occupations, toutes les ambitions, de se
constituer l'amer et inexorable censeur de tout le monde, ne prononçant
vis-à-vis de qui que ce soit aucun mot sentant la bassesse, la flagornerie, la
servilité, l'humiliation. Le soldat bravera la mort au milieu des batailles, et
le nautonier au milieu des flots ; l’un et l'autre désirera de mourir avec
gloire pour l'honneur de sa profession, et le Philosophe sera un lâche qui
désertera son poste, qui abandonnera son vaisseau, et pour sauver sa vie, il
jettera sa vertu comme un bouclier à la guerre ? Et où serait le juge qui le
louerait d'une semblable conduite ? Et qui supporterait de voir Socrate en
présence d'un tribunal, dans la contenance de l'humiliation, de l'abattement,
sollicitant, mendiant aux pieds de ses juges quelques jours de vie ? Était-ce
là le genre dans lequel il devait diriger sa défense ; ou bien devait-il, dans
son discours, écartant toute bassesse, toute crainte, toute défiance, prendre
le ton de la liberté, et parler un langage digne de la philosophie? Mais ce
n'eût point été répondre à ses accusateurs. Il n'eût fait qu'enflammer
l'animosité, que l'exaspérer davantage. Et comment une défense de cette
nature aurait-elle été reçue de la part d'un tribunal composé de pervers,
insolents par la forme de leur gouvernement, capables de tous les excès de la
licence par le sentiment de leur autorité, ennemis de cette intrépidité de
pensée et de discours qui est l'apanage de la liberté, et accoutumés
uniquement au langage d'une continuelle adulation ? Elle ne l'aurait pas été
mieux que ne le serait dans une orgie de débauchés la conduite d'un ami de la
tempérance, qui ferait emporter les coupes, qui ferait mettre à la porte la
musicienne jouant de la flûte, qui ferait enlever les couronnes, et qui
voudrait empêcher ses convives de s'enivrer. II n'y eut donc aucun danger pour
Socrate de garder le silence dans une conjoncture, où il ne pouvait parler avec
la dignité convenable. Il ne dégrada point sa vertu. Il n'irrita point les
passions de ses juges, et il leur endossa la honte et l'infamie de l'avoir
condamné sans l'entendre. |
Ἀλλ´ εἰ τοῦτο ἐξ ἅπαντος ἠυλαβεῖτο ἓν
τῷ ἀγαθῷ ἀνδρί, ὥρα ἦν Σωκράτει μὴ τοῖς Ἀθηναίων δικασταῖς
ἀπολογεῖσθαι, ἀλλὰ μήτε Μελήτῳ ἀπεχθάνεσθαι, μήτε ἐλέγχειν Ἄνυτον,
μήτε παρέχειν πράγματα τοῖς ἁμαρτάνουσιν Ἀθηναίων, μηδὲ περϊιέναι
τὴν πόλιν, ἐντυγχάνοντα πάσαις ἀνδρῶν καὶ τύχαις καὶ τέχναις καὶ
ἐπιτηδεύμασιν καὶ ἐπιθυμίαις, σωφρονιστὴν κοινὸν πικρὸν καὶ
ἀπαραίτητον, μηδὲν ταπεινόν, μηδὲ θωπικόν, μηδὲ ἀνδραποδῶδες,
μηδὲ ὑφειμένον πρὸς μηδένα λέγοντα. Εἰ δὲ θανάτου μὲν ἤδη τὶς καὶ ἐν
πολέμῳ κατεφρόνησεν, καὶ κυβερνήτης ἐν θαλάττῃ, ὀρέγονται δὲ ἕκαστοι
τῶν ἐν ταῖς τέχναις ἀποθνήσκειν καλῶς σὺν τῇ τέχνῃ· ἦπου τὸν
φιλόσοφον ἔδει λιποτάκτην γενέσθαι καὶ λιπόνεων καὶ φιλόψυχον,
ῥίψαντα τὴν ἀρετὴν ὡς ἐν πολέμῳ ἀσπίδα. Καὶ ταῦτα δρῶντα τίς ἂν
αὐτὸν δικαστὴς ἐπῄνεσεν; ἢ τίς ἂν ἠνέσχετο τὸν Σωκράτην ἑστῶτα ἐν
δικαστηρίῳ ταπεινὸν καὶ ἐπτηχότα, καὶ τὴν ἐλπίδα τοῦ ζῆν
ἐρανιζόμενον παρ´ ἄλλων; τοῦτο γάρ που τῆς ἀπολογίας τὸ σχῆμα ἦν. Ἢ
λέγειν ἐχρῆν, ταπεινὸν δὲ οὐδέν, οὔτε ἐπτηχός, οὔτε ὑφειμένον, ἀλλ´
ἐλεύθερόν τι καὶ ἄξιον φιλοσοφίας; οὐκ ἀπολογίαν μοι λέγεις, ἀλλ´
ὀργῆς ζωπύρωσιν καὶ φλεγμονήν. Πῶς γὰρ ἂν ἤνεγκεν τοιαύτην ἀπολογίαν
δικαστήριον πονηρὸν καὶ δημοκρατικόν, καὶ ἐκδεδιῃτημένον ὑπ´
ἐξουσίας, καὶ ἀνήκοον παρρησίας, καὶ κολακείᾳ διηνεκεῖ κεχρημένον;
οὐ μᾶλλον ἢ ἀκόλαστον συμπόσιον νήφοντα ἄνδρα ἀφαιρούμενον μὲν τὸν
κρατῆρα, ἀπάγοντα δὲ τὴν αὐλητρίδα, καθαιροῦντα δὲ τοὺς στεφάνους,
παύοντα δὲ τὴν μέθην. Τοιγαροῦν ἐσιώπησεν ὁ Σωκράτης ἀσφαλῶς, ὅπου
λέγειν οὐκ ἐξῆν καλῶς, φυλάξας μὲν τὴν ἀρετήν, φυλαξάμενος δὲ τὴν
ὀργήν, καὶ παρασχὼν τοὔνειδος αὐτοῖς πικρόν, ὅτι καὶ σιωπῶντος αὐτοῦ
κατεδίκασαν. |
VIII.
Socrate avait donc grand besoin de discourir auprès des Athéniens qui le
jugeaient ! Il était âgé de soixante-dix ans. Il avait consacré cette longue
carrière à l'étude de la philosophie et à la pratique de la vertu. Il
n'avait jamais nui à personne. Pas un vice à lui reprocher. Les mœurs les
plus pures. Les liaisons les plus honnêtes. Visant à l'utile dans toutes ses
relations, et améliorant tous ceux qui l'approchaient. Tout cela ne l'arracha
ni au tribunal, ni à la prison, ni à la mort ; et le court espace de quelques
clepsydres (58), qu'on lui aurait accordé pour sa
défense, l'aurait sauvé ? - Non, les clepsydres ne l'auraient pas pu, et cela
leur eût-il été possible, Socrate n'en aurait point fait usage. Non, par
Jupiter ; non, par tous les Dieux ! C'est tout comme si quelque sycophante sous
les armes, admis dans le conseil du célèbre Léonidas lacédémonien, eût
été d'avis de céder un peu de terrain, et de laisser faire une irruption à
Xerxès ; Léonidas aurait repoussé cette proposition. Il eût mieux aimé
périr à son poste, avec sa vertu, les armes à la main, que de se sauver en
tournant le dos à un roi barbare. Eh ! qu'aurait été la défense de Socrate,
que tourner le dos, que se. sauver avec lâcheté, que prendre une honteuse
fuite ? Il resta donc ferme, il soutint le choc, il acquitta la dette de la
valeur et du courage. Les Athéniens pensaient l'avoir condamné à la mort. Et
Xerxès aussi pensait avoir vaincu Léonidas. Mais, par la mort de Léonidas,
Xerxès fut vaincu lui-même ; par la mort de Socrate, les Athéniens aussi ont
été condamnés à l'infamie. Ils l'ont été au tribunal des dieux, au
tribunal de la vérité. Voici l'acte d'accusation de Socrate contre eux. Le
peuple d'Athènes attente à la religion. Il ne regarde point comme dieux, ceux
que Socrate regarde comme tels. Il en introduit de nouveaux. Socrate pense que
Jupiter est le dieu de l'Olympe. Les Althèniens pensent que c'est Périclès (59).
Socrate croit à Apollon (60), et les Athéniens
jugent l'inverse de ce qu'a jugé ce dieu. Le peuple d'Athènes attente à la
morale. Il corrompt les jeunes gens. C'est lui qui a perdu. Alcibiade,
Hypponicus, et une infinité d'autres. O combien il y a de vérité dans cette
accusation ! Combien il y a d'équité à ce tribunal ! Combien elle est grave
cette condamnation ! Les impiétés envers Jupiter amenèrent la peste et la
guerre du Péloponnèse. La corruption de la jeunesse produisit la catastrophe
de Decélie, les revers en Sicile, et les désastres sur l'Hellespont. C'est
ainsi que juge le tribunal des Dieux. Tels sont les arrêts qui en émanent.
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NOTES.
(46) (1)
Platon et Xénophon nous ont laissé chacun une apologie de Socrate. Il résulte
de ces deux monuments de l'amitié et de la vénération, que Socrate, en
présence de ses juges, tint quelques discours pour répondre à ses
accusateurs. Il ne faut donc pas prendre au pied de la lettre le titre de cette
Dissertation, et penser que Maxime de Tyr se soit mis en contradiction avec les
deux disciples de Socrate, qui ont écrit son apologie. Notre auteur a seulement
voulu dire que Socrate n'employa point pour sa défense, cet ensemble, ce
concours, cet appareil de moyens de tout genre qu'on met ordinairement en oeuvre
devant les tribunaux criminels.
(47) Choerephon était un des disciples
de Socrate qui lui étaient le plus attachés. Il consulta l'oracle d'Apollon
sur le compte de son maître ; et l'oracle lui répondit en deux vers grecs ; «
Sophocle est sage; Euripide est plus sage encore ; mais Socrate est le plus sage
de tous les mortels ». Voy. le Scholiaste d'Aristophane sur le 144e vers des Nuées.
Maxime de Tyr fait au surplus allusion ici à la réponse que l'oracle d'Apollon
fit aux envoyés de Crésus, Roi de Lydie. Voy. plus bas Dissert. 17, sect. 6 ; Dissert. 19, sect. 3.
(48) Le défaut d'exactitude de la
ponctuation des manuscrits, dans cet endroit, y a jeté de l'obscurité. Pacci a
placé le point après
λέγοντας.
Mais s'apercevant que pour compléter le sens de la phrase, il manquait quelque
chose, il a ajouté de son crû quis ferat, avec un point
d'interrogation. Heinsius a senti également que le texte laissait le sens
incomplet, en supposant, comme Pacci, la phrase finie après λέγοντας
; et il y a suppléé par cet équivalent, mihi quidem indignissimum videtur.
Les annotateurs anglais ont fait plus ; non seulement ils ont admis le point
après l¡gontaw.
Ils ont encore terminé à ce mot la première section de la Dissertation. S'il
m'est permis d'en dire ma pensée, je crois que le sens de cette phrase n'a dû
se terminer qu'après le mot σκέμμα.
Cette opinion, outre qu'elle donne au passage un sens coulant et naturel,
présente l'avantage de dispenser de l'addition que Pacci et Heinsius ont
appelée à leur secours.
(49) C'était à Athènes le nom d'un
corps de magistrats. Le scholiaste d'Aristophane, Pollux et Suidas en parlent
diversement, en ce qui concerne ses attributions. Pollux est beaucoup plus
précis que les deux autres. Selon lui, ce corps était formé de citoyens pris
dans chacune des onze tribus, dans lesquelles se divisaient les citoyens
d'Athènes. Ils choisissaient entre eux celui qui devait remplir les fonctions
de greffier. Dans la suite on leur donna le nom de gardiens des lois. Ils
avaient l'inspection des prisons. Ils connaissaient du vol commis sur les
grandes routes ou dans les maisons des particuliers, ainsi que du crime de ceux
qui vendaient comme esclave un homme libre. Lorsqu'ils étaient unanimes, ils
prononçaient la peine de mort. Dans le cas contraire, ils renvoyaient devant la
juridiction ordinaire; et s'il échéait peine de mort, ils étaient chargés de
l'exécution. Voy. le scholiaste d'Aristophane sur le 1103e vers de la comédie
des Guêpes; Suidas, sous le mot ἐνδεκα,
et Pollux, liv. VIII, chap. 9, sect. 102.
(50) Les juges de Socrate eurent
d'abord l'intention de ne prononcer contre lui qu'une amende. Ils lui firent
demander jusqu'à quelle somme il pensait qu'elle pouvait être portée. Il leur
répondit qu'on devait la régler d'après ce que coûtait à la République
l'entretien de ceux à qui elle décernait l'honneur de vivre à ses dépens
dans le Prytanée. Suidas remarque sur ce mot, que cet honneur n'était la
récompense que des plus grandes actions, et qu'on attachait un très haut prix
à l'obtenir. Voy. Ménage dans ses Observations sur Diogène-Laërce,
liv. II, n° 42 ; Platon, dans l'Apologie de Socrate, et la quatorzième
des Lettres sous le nom de Socrate, publiées par Allatius.
(51) La suite du discours a fait
conjecturer à Markland qu'il fallait ajouter aux autres traits de la tirade, ἐκ
δὲ τῶν ῾Ελλήνων, ᾿Αθηναίων. J'ai
adopté cette opinion.
(52) C'était en effet avec des
fèves blanches et des fèves noires que l'on donnait les suffrages dans les
scrutins électifs de l'antiquité. Témoin ce que dit Plutarque dans la
première de ses morales, comment il faut nourrir les enfants, au sujet du
précepte de Pythagore, de s'abstenir de fèves, qui signifiait, « ne
s'entremettre point du gouvernement de la chose publique, pour ce
qu'anciennement on donnait les voix avec des fèves, et ainsi procédait-on aux
élections des magistrats ». Version d'Amiot.
(53) L'accusateur et
l'accusé prêtaient serment l'un et l'autre, que ce qu'ils diraient, l'un pour
soutenir l'accusation, l'autre pour la combattre, ne serait que la vérité.
C'était assez bien vu, quoiqu'au fond, il dût, en dernière analyse, en
résulter un parjure, à moins que le fait relatif à l'accusation ne fût pas
un délit, ou que celui qui était mis en jugement n'en fût pas l'auteur.
Aujourd'hui dans notre code criminel, les défenseurs officieux de l'accusé
sont obligés de prêter serment qu'ils n'emploieront que la vérité dans la
défense. Loi du 3 brumaire an 4, art. 342. Aucune obligation de ce genre n'est
imposée ni à l'accusateur, ni au plaignant. Nos Législateurs ont donc fait un
contresens manifeste. Car, à moins de se jouer de la liberté des citoyens,
c'est bien plutôt dans l'accusation que dans la défense que la vérité doit
être exigée. La justice criminelle des Anciens, au moins celle d'Athènes,
avait encore quelque chose de mieux. Si l'accusateur n'obtenait pas contre
l'accusé le cinquième des voix, il était condamné lui-même à la peine du
délit, objet de l'accusation par lui intentée. Voy. dans les lois Romaines, le
Senatus-Consulte Turpilien.
(54) L'Héliée était un tribunal
d'Athènes. Harpocration, sur le mot ῾Ηλεαία,
et Suidas sur le mot ῾Ηλιαστής,
donnent des détails sur l'organisation et les attributions de ce Tribunal.
(55) Le texte est évidemment
corrompu ici. Davies et Marblard se sont savamment escrimés au sujet du mot ζητορικαί,
qui parait ici déplacé. Je pense, comme ce dernier, que puerorum rixae et
concertationes de talis et ludicris suis nihil minus quant ζητορεῖαι
vocari possunt.
(56) Ce qu'on appelait la
question chez les criminalistes modernes, nous était venu des anciens. O
l'étrange moyen d'arracher la vérité à un malheureux, que de mettre son
corps à la torture ! Sans craindre de se tromper, on peut armer que le premier
auteur de cette infernale idée, fut un monstre comme Denys ou Néron. Le nom de
ce dernier rappelle le trait de courage de cette Épichraris qui trempa dans une
conjuration contre lui ; et qui, craignant que les douleurs qu'elle avait
d'abord bravées, ne lui arrachassent le second jour où elle devait être mise
à la question, des révélations funestes à ses complices, s'étrangla pendant
qu'on la portait devant les bourreaux du tyran. Voy. Tacite, Annal. liv.
XV, ch. 57. A ce trait héroïque, joignons-en un d'une atrocité inouïe. Une
Italienne est accusée d'avoir assassiné son mari qui avait diparu. On
l'applique à la question. La torture lui arrache un aveu qui la conduit au
dernier supplice. Trois ans après le mari reparaît. Il veut faire réhabiliter
la mémoire de son épouse. On le met en justice sous prétexte de démence, et
il est condamné pour la vie aux petites-maisons.
(57) Le grec ne porte point
antérieurement. Mais il est enveloppé dans le sens de la phrase, et j'ai cru
devoir me servir de cet auxiliaire, pour être plus clair.
(58) Les anciens, au défaut de
montres et de pendules, avaient des clepsydres pour mesurer le temps. C'étaient
des machines à-peu-près dans la forme de ces sabliers, ou horloges de sable,
en usage autrefois dans les communautés religieuses. La clepsydre contenait une
mesure d'eau déterminée, et cette eau mettait à s'écouler, comme le sable
dans le sablier, une mesure de temps déterminée également. D'ailleurs, Maxime
de Tyr fait allusion ici à un usage des tribunaux de l'antiquité, où les
orateurs ne parlaient point à discrétion, comme dans les nôtres. On accordait
à chacun tel nombre réglé de clepsydres, et il était obligé de tout dire
dans la mesure de temps qui lui avait été assignée.
(59) Notre Auteur fait allusion ici au
surnom d'Olympien, que d'adulation avait fait donner à Périclès. Voy.
Aristophane, au 529e vers de ses Acharnaniennes ; Plutarque, dans la vie
de Périclès, et Philostrate, dans la Vie d'Apollonius, liv. VIII,
chap. 7.
(60) (15) C'est-à-dire,
à la réponse qu'il avait faite à Choerephon. Voy. ci-dessus Sect. I, note I.
Paris,
le 30 germinal an IX. (20 avril 1801)
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