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A LA TABLE DES MATIERES DE MAXIME DE TYR
MAXIME DE TYR
DISSERTATIONS
DISSERTATION X.
Quels
sont ceux qui ont eu les idées les plus saines touchant les dieux,
des poètes ou des philosophes.
Τίνες ἄμεινον περὶ θεῶν διέλαβον, ποιηταὶ ἢ φιλόσοφοι.
[1] Δεινῶς γε οἱ ἄνθρωποι στασιωτικοὶ οὐ μέχρι πολιτείας μόνον, οὐδὲ
ἀρχῆς, οὐδὲ τῶν ἐν μέσῳ κακῶν, ἀλλὰ καὶ ἐπὶ τὰ εἰρηνικώτατα τῶν
ὄντων προεληλύθασιν, ποιητικὴν καὶ φιλοσοφίαν· χρῆμα διττὸν μὲνκατὰ
τὸ ὄνομα, ἁπλοῦν δὲ κατὰ τὴν οὐσίαν, καὶ διαφέρον τὸ αὐτοῦ, οἷον εἴ
τις ἢ τὴν ἡμέραν ἄλλό τι ἡγήσαιτο πλὴν ἡλίου φῶς πίπτον εἰς γῆν, ἢ τὸν
ἥλιον ὑπὲρ γῆς θέοντα ἄλλό τι ἢ ἡμέραν· οὕτω τοι καὶ τὰ ποιητικῆς πρὸς
φιλοσοφίαν ἔχει. Καὶ γὰρ ποιητικὴ τί ἄλλο ἢ φιλοσοφία, τῷ μὲν χρόνῳ
παλαιά, τῇ δὲ ἁρμονίᾳ ἔμμετρος, τῇ δὲ γνώμῃ μυθολογική; καὶ φιλοσοφία
τί ἄλλο ἢ ποιητική, τῷ μὲν χρόνῳ νεωτέρα, τῇ δὲ ἁρμονίᾳ εὐζωνοτέρα,
τῇ δὲ γνώμῃ σαφεστέρα; Δύο τοίνυν πραγμάτων χρόνῳ μόνον καὶ σχήματι
ἀλλήλοις διαφερομένων πῶς ἄν τις διαιτῆσαι τὴν διαφορὰν ἐν οἷς τι περὶ
τοῦ θείου ἑκάτεροι λέγουσιν καὶ οἱ ποιηταὶ καὶ οἱ φιλόσοφοι; |
Il est
étonnant qu'il y ait conflit d'opinion entre les hommes, non
seulement en matière de principes politiques, non seulement en
matière de formes de gouvernement, et des inconvénients attachés aux
uns et aux autres (1),
mais encore sur les choses qui en. devaient être les plus éloignées
du monde, la poésie et la. philosophie. Ces deux choses, diverses
quant à la dénomination, n'en forment qu'une seule quant à
l'essence, et n'ont entre elles aucune différence réelle. C'est tout
comme si l'on disait que le jour est autre chose que la lumière du
soleil qui éclaire la terre, ou que la lumière du soleil qui éclaire
la terre est autre chose que le jour. Il en est ainsi de la poésie
et de la philosophie. Car qu'est-ce que la poésie, sinon la
philosophie, antique sous le rapport de l'origine, harmonique sous
le rapport de la mesure, allégorique sous le rapport du fond des
choses ? Qu'est-ce aussi que la philosophie, sinon la poésie plus
récente sous le rapport de l'origine, plus régulière (2)
sous le rapport de la mesure, et plus à découvert pour le fond des
choses? La poésie et la philosophie n'étant donc différentes que par
rapport à l'époque de leur origine, et à leur forme respective,
quelle autre différence y chercherait-on, car d'ailleurs les uns et
les autres parlent des dieux, les poètes et les philosophes.
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[2] Ἢ τὸ σκέμμα τουτὶ ἐοικέναι φῶμεν τοιῷδε, οἷον εἴ τις καὶ
ἰατρικὴν ἐνθυμηθεὶς τὴν πρώτην ἐκείνην πρὸς τὴν νέαν δὴ καὶ τοῖς νῦν
σώμασιν ἐπιτεταγμένην, σκοποῖ τὸ ἐν ἑκατέρᾳ βέλτιον καὶ χεῖρον;
Ἀποκρίναιτο γὰρ ἂν αὐτῷ ὁ Ἀσκληπιός, ὅτι τὰς μὲν ἄλλας τέχνας οὐ
μεταποιοῦσιν οἱ χρόνοι· ὧν γὰρ ἡ αὐτὴ χρεία ἀεί, τούτων παραπλήσια
καὶ τὰ ἔργα· ἰατρικὴν δὲ ἀνάγκη ἑπομένην τῇ κρατήσει τῶν σωμάτων, πράγματι
οὐχ ἑστῶτι οὐδὲ ὡμολογημένῳ, ἀλλὰ ταῖς κατὰ τὴν δίαιταν τροφαῖς
ἀλλοιουμένῳ καὶ μεταπίπτοντι, ἰάματα καὶ διαίτας αὐτῷ ἐξευρίσκειν
ἄλλοτε ἄλλας, προσφόρους τῇ παρούσῃ τροφῇ. Μηδὲν οὖν ἡγοῦ τοὺς υἱέας
τοὺς ἐμούς, τὸν Μαχάονα ἐκεῖνον καὶ τὸν Ποδαλείριον, ἧττόν τι εἶναι
δεξιωτέρους ἰᾶσθαι τῶν αὖθις ἐπιτιθεμένων τῇ τέχνῃ, καὶ τὸ σοφὰ ταῦτα
καὶ παντοδαπὰ ἰάματα ἐξευρηκότων· ἀλλὰ τότε μὲν ἡ τέχνη σώμασιν
ὁμιλοῦσα οὐ θρεπτικοῖς, οὐδὲ ποικίλοις, οὐδὲ ἐκλελυμένοις παντάπασιν,
ῥᾳδίως αὐτὰ μετεχειρίζετο, καὶ ἦν αὐτῆς ἔργόν τι ἁπλοῦν ἰούς τ´
ἐκτάμνειν, ἐπί τ´ ἤπια φάρμακα πάσσειν· τελευτῶσα δὲ νῦν,
ὑπολισθαινόντων αὐτῇ τῶν σωμάτων εἰς δίαιταν ποικιλωτέραν καὶ κρᾶσιν
πονηράν, ἐξεποικίλθη τὲ αὐτὴ καὶ μετέβαλλεν ἐκ τῆς πρόσθεν
ἁπλότητος εἰς παντοδαπὸν σχῆμα. |
II.
Se livrer à l'examen d'une pareille question, ce serait comme si,
comparant la médecine de l'antiquité à celle qui se pratique
aujourd'hui dans le traitement des maladies, on recherchait ce
qu'elles ont l'une et l'autre de pis et de mieux. Esculape nous
répondrait (3)
: « Le temps ne change rien dans les autres arts. Leur emploi est
perpétuellement identique. Ils produisent des ouvrages toujours à
peu près de même nature. Mais la médecine doit s'adapter à la
constitution des corps, chose qui n'a ni assiette fixe ni
uniformité, mais qui varie, qui se diversifie, selon la nature des
aliments, et le genre de vie, et par conséquent approprier ses
médicaments et ses régimes aux diverses données qui se présentent.
Ne pensez donc pas que mes successeurs (4),
l'illustre Machaon et le célèbre Podalyre, fussent moins habiles
dans l'art de guérir, que ceux qui se sont adonnés dans les temps
modernes à la même profession, et qui ont introduit avec succès la
variété des remèdes. Seulement, alors, la médecine n'ayant affaire
qu'à des corps, uniformément, identiquement constitués et qui ne
s'abandonnaient point à toute sorte de dissolution, leur
administrait ses secours avec plus de facilité. Tout se bornait pour
elle à une opération fort simple, à arracher le fer des blessures,
et à appliquer les plus doux topiques (5).
Mais aujourd'hui que les corps out dégénéré, qu'on a mis beaucoup de
variété dans la manière de vivre, et produit une mauvaise complexité
dans les humeurs, la médecine a dû varier elle-même, et passer de
son antique simplicité à la diversité des modifications qui en ont
pris la place » |
[3] Φέρε καὶ ὁ ποιητικὸς ὁμοῦ καὶ ὁ φιλόσοφος ἀποκρινάσθω κατὰ τὸν
Ἀσκληπιὸν ὑπὲρ τῶν ἐπιτηδευμάτων· οὗτος μὲν καὶ ἄγαν δεινοπαθῶν, εἴ
τις ἡγήσαιτο Ὅμηρον καὶ Ἡσίοδον ἤ, νὴ Δία, Ὀρφέα ἢ ἄλλόν τινα τῶν τότε
ἀνδρῶν, ἧττόν τι εἶναι σοφώτερον Ἀριστοτέλους τοῦ Σταγειρίτου, ἢ
Χρυσίππου τοῦ Κίλικος, ἢ Κλειτομάχου τοῦ Λίβυος, ἢ τῶν τὰ πολλὰ καὶ
σοφὰ ταῦτα ἡμῖν ἐξευρηκότων· ἀλλὰ οὐχὶ καὶ τούτους ὁμοίως μὲν καὶ τὰ
αὐτὰ δεινούς, εἰ μὴ καὶ μᾶλλον. Καθάπερ δὲ ἐπὶ τῶν σωμάτων τὰ μὲν
ἀρχαῖα ὑπὸ διαίτης χρηστῆς εὐμεταχείριστα ἦν τῇ τέχνῃ, τὰ δὲ αὖθις
ἐδεήθη ἰατρικῆς ἀλλοιοτέρας· οὕτω καὶ ἡ ψυχὴ πρότερον μὲν δι´
ἁπλότητα καὶ τὴν καλουμένην ταύτην εὐήθειαν ἐδεῖτο φιλοσοφίας μουσικῆς
τινος καὶ πρᾳοτέρας, ἣ διὰ μύθων δημαγωγήσει αὐτὴν καὶ μεταχειριεῖται,
καθάπερ αἱ τιτθαὶ τοὺς παῖδας διὰ μυθολογίας βουκολῶσιν·
προϊοῦσα δὲ εἰς δεινότητα, καὶ ἀνδριζομένη, καὶ ὑποπιμπλαμένη
ἀπιστίας καὶ πανουργίας, καὶ τοὺς μύθους διερευνωμένη, καὶ οὐκ
ἀνεχομένη τῶν αἰνιγμάτων, ἐξεκάλυψέν τε καὶ ἀπέδυσεν φιλοσοφίαν τοῦ
αὑτῆς κόσμου, καὶ ἐχρήσατο γυμνοῖς τοῖς λόγοις· οἱ δ´ εἰσὶν οὐδὲν
ἀλλοιότεροι τῶν προτέρων οἱ ἔπειτα, πλὴν τῷ σχήματι τῆς ἁρμονίας,
ἀλλ´ αἱ περὶ θεῶν δόξαι ἀρξάμεναι ἄνωθεν διὰ πάσης φιλοσοφίας ἦλθον. |
III.
Voyons que le poète et le philosophe nous répondent, chacun de son
côté, sur l'objet de son travail, dans le même sens qu'Esculape (6).
Le premier souffrira d'abord très impatiemment que l'on regarde
Homère, ou Hésiode, ou Orphée, ou tout autre poète de ce temps-là,
comme moins éclairé des lumières de la sagesse, qu'Aristote de
Stagyre, que Chrysippe de la Cilicie, que Clitomaque de la Libye, ou
tout autre de ceux qui ont les premiers dit ou écrit de si belles
choses sur la philosophie; et il trouvera mauvais qu'on ne pense pas
que les premiers étaient au moins aussi habiles sous ce rapport,
s'ils ne l'étaient davantage. De même qu'en ce qui concerne le corps
humain, la manière dont il était constitué anciennement, à l'aide
d'un régime sainement ordonné, le rendait très facile à être traité
par les gens de l'art, au lieu qu'aujourd'hui les méthodes
compliquées sont devenues nécessaires; de même dans les temps
antiques, l'âme encore en possession de sa simplicité native, et de
ce qu'on appelle son goût inné pour les bonnes mœurs (7),
avait besoin d'une philosophie en quelque façon musicale, pleine de
douceur, qui la gouvernât, qui la dirigeât à la faveur des fictions,
de la même manière que les nourrices forment l'esprit de leurs
nourrissons avec les fables qu'elles leur content. Mais à mesure que
l'âme a fait des progrès, qu'elle a acquis de la vigueur, que
l'incrédulité et les vices se sont emparés d'elle, qu'elle a cherché
à pénétrer les fictions, qu'elle n'a plus voulu se payer d'énigmes,
elle a mis la philosophie à découvert, elle l'a dépouillée de toutes
ses brillantes enveloppes, elle a mis de la nudité dans son langage.
Ce dernier ne diffère de celui d'autrefois que par les formes
harmoniques; mais les opinions touchant les dieux, dont l'origine
remonte à l'antiquité la plus reculée, sont communes à l'une et
l'autre philosophie. |
[4] Ἐπίκουρον δὲ ἐξελῶ λόγου καὶ ποιητικοῦ καὶ φιλοσόφου, τοῖς δὲ
ἄλλοις ἡ πραγματεία ἴση καὶ ἡ αὐτή· πλὴν εἰ μὴ νομίζεις Ὅμηρον
ἐντετυχηκέναι τοῖς θεοῖς τοξεύουσιν, ἢ διαλεγομένοις, ἢ θύουσιν, ἤ τι
ἄλλο δρῶσιν, οἷα περὶ αὐτῶν ἐκεῖνος ᾄδει. Οὐδὲ γὰρ Πλάτωνα
ἡγητέον ἐντετυχηκέναι τῷ Διὶ ἡνιοχοῦντι καὶ φερομένῳ ἐπὶ πτηνοῦ
ἅρματος, στρατιᾶς θεῶν κατὰ ἕνδεκα λόχους κεκοσμημένης, οὐδέ γε δαινυμένοις
τοῖς θεοῖς ἐν Διὸς τοὺς Ἀφροδίτης γάμους, ὅτε Πόρος καὶ Πενία
λαθόντε ξυνηλθέτην τὲ καὶ Ἔρωτα ἐξ αὐτῶν ἐγεννησάτην. οὐδέ γε θεατὴν
γενέσθαι Πυριφλεγέθοντός τε καὶ Ἀχέροντος καὶ Κωκυτοῦ καὶ τῶν ἄνω
καὶ κάτω ποταμῶν, ῥεόντων ὕδατι καὶ πυρί· οὐδὲ τὴν Κλωθὼ ἰδεῖν καὶ τὴν
Ἄτροπον, οὔτε ἐντετυχηκέναι ἑλιττομένῳ τῷ ἀτράκτῳ ἑπτὰ καὶ διαφόρους
ἑλιγμούς. Ἀλλὰ καὶ τοῦ Συρίου τὴν ποίησιν σκόπει, τὸν Ζῆνα, καὶ τὴν
Χθονίην, καὶ τὸν ἐν τούτοις Ἔρωτα, καὶ τὴν Ὀφιονέως γένεσιν, καὶ τὴν
θεῶν μάχην, καὶ τὸ δένδρον, καὶ τὸν πέπλον· σκόπει καὶ τὸν
Ἡράκλειτον, θεοὶ θνητοί, θεοὶ ἀθάνατοι. |
IV. À
l'exception d'Épicure, que je ne range ni parmi les poètes, ni parmi
les philosophes, les autres avaient le même objet et tendaient au
même but. Si ce n'est qu'on ne croira pas peut-être qu'Homère ait vu
les dieux lancer des flèches, dialoguer entre eux, se livrer aux
plaisirs de la table (8),
ou faire toutes autres choses de cette nature, dont il parle dans
ses poèmes. On ne pensera pas davantage que Platon ait vu Jupiter
tenir les rênes d'un char ailé (9)
sur lequel il était porté, ni l'armée des dieux distribuée en onze
phalanges, ni les dieux célébrant par de splendides festins les
noces (10)
de Vénus dans le palais de Jupiter, lorsque le dieu qui fait venir
l’Argent (11)
s'approcha clandestinement de la Pauvreté, et lui fit engendrer
l'Amour. On n'admettra pas non plus, qu'il ait contemplé de ses
propres yeux, ni le Pyriphlégéthon (12),
ni l'Achéron, ni le Cocyte, ni les fleuves qui roulent sens dessous
dessus des torrents d'eau et de feu. On ne s'imaginera pas, enfin,
qu'il ait vu Clotho et Atropos, ni le fuseau roulant, ni les sept
révolutions en sens inverse du Peson (13).
Qu'on jette les yeux, d'un autre côté, sur la Théogonie de Phérécyde
(14),
poète Syrien, et qu'on voie ce qu'il dit de son Jupiter, de sa
Chthonie, de son Amour, qu'il place entre l'un et l'autre, de sa
naissance d'Ophionée, de sa guerre des dieux, de son arbre, de son
voile de femme. Héraclite n'a-t-il pas aussi ses dieux mortels, et
ses hommes immortels ? |
[5] Πάντα μεστὰ αἰνιγμάτων, καὶ παρὰ ποιηταῖς, καὶ παρὰ φιλοσόφοις·
ὧν ἐγὼ τὴν πρὸς τὸ ἀληθὲς αἰδὼ ἀγαπῶ μᾶλλον, ἢ τὴν παρρησίαν τῶν
νεωτέρων· πραγμάτων γὰρ ὑπ´ ἀνθρωπίνης ἀσθενείας οὐ καθορωμένων σαφῶς,
εὐσχημονέστερος ἑρμηνεὺς ὁ μῦθος. Ἐγὼ δὲ εἰ μέν τι πλέον ἐθεάσαντο τῶν
προτέρων οἱ ἔπειτα, μακαρίζω τοὺς ἄνδρας τῆς θέας· εἰ δὲ μηδενὶ πλεονεκτοῦντες
κατὰ τὴν γνῶσιν, μετέλαβον αὐτῶν τὰ αἰνίγματα εἰς μύθους σαφεῖς, δέδια
μή τις αὐτῶν ἐπιλάβηται ὡς ἐξαγορευόντων ἀπορρήτους λόγους. Τί γὰρ
ἂν ἄλλο εἴη μύθου χρεία; λόγος περισκεπὴς ἑτέρῳ κόσμῳ, καθάπερ τὰ
ἱδρύματα, οἷς περιέβαλλον οἱ τελεσταὶ χρυσὸν καὶ ἄργυρον καὶ πέπλους,
τὰ πρῶτα ἀποσεμνύνοντες αὐτῶν τὴν προσδοκίαν. Θρασεῖα γὰρ οὖσα ἡ
ἀνθρωπίνη ψυχή, τὰ μὲν ἐν ποσὶν ἧσσον τιμᾷ, τοῦ δὲ ἀπόντος
θαυμαστικῶς ἔχει· καταμαντευομένη δὲ τῶν οὐχ ὁρωμένων καὶ θηρεύουσα
ταῦτα τοῖς λογισμοῖς, μὴ τυχοῦσα μὲν σπεύδει ἀνευρεῖν, τυχοῦσα δὲ
ἀγαπᾷ ὡς ἑαυτῆς ἔργον. |
V.
Tout est plein d'énigmes et d'allégories chez les poètes, et chez
les philosophes; et j'aime bien mieux le respect qu'ils ont montré
pour la vérité en l'enveloppant, que l'état de nudité dans lequel
elle a été présentée par les modernes. Car la faiblesse humaine ne
permet point de contempler les choses sous l'évidence de la réalité;
et alors les mythes (15)
en sont les emblèmes les plus décents. Si d'ailleurs les modernes
ont étendu les lumières de leurs prédécesseurs, c'est un bonheur
dont il faut les féliciter. Mais, si sans rien ajouter sous ce
rapport, ils n'ont fait qu'écarter les voiles, et donner le mot des
énigmes, je crains qu'on n'ait le droit de leur reprocher d'avoir
indiscrètement révélé le secret des choses (16).
Car à quoi d'ailleurs seraient bons les mythes, s'ils n'étaient des
discours destinés à cacher une vérité sous des ornements étrangers,
semblables aux représentations, aux images des dieux, que les
prêtres entourent d'incrustations d'or, d'argent, qu'ils couvrent de
vêtements magnifiques, pour en accroître la majesté ? L'âme de
l'homme est constituée de manière qu'elle contemple avec une sorte
d'arrogance les choses qui sont à sa portée, et qu'elle en fait peu
de cas ; tandis qu'elle attache du merveilleux à tout ce qu'elle ne
peut atteindre. Guidée par la conjecture vers ce qu'elle ne voit
point, elle cherche, à l'aide du raisonnement, d'en acquérir la
connaissance. Si elle éprouve des difficultés, elle fait des efforts
pour les vaincre; et lorsqu'elle est parvenue à apprendre ce qu'elle
voulait savoir, elle n'y attache pas plus d'intérêt qu'aux choses
qui sont l'objet de ses fonctions les plus naturelles. |
[6] Τοῦτο τοίνυν οἱ ποιηταὶ κατανοήσαντες, ἐξεῦρον ἐπ´ αὐτῇ μηχανὴν
ἐν τοῖς θείοις λόγοις, μύθους λόγου μὲν ἀφανεστέρους, αἰνίγματος δὲ
σαφεστέρους, διὰ μέσου ὄντας ἐπιστήμης πρὸς ἄγνοιαν· κατὰ μὲν τὸ ἡδὺ
πιστευομένους, κατὰ δὲ τὸ παράδοξον ἀπιστουμένους· καὶ
χειραγωγοῦντας τὴν ψυχὴν ἐπὶ τὸ ζητεῖν τὰ ὄντα, καὶ διερευνᾶσθαι περαιτέρω.
Ἔλαθον μέχρι πλείστου οἱ ἄνδρες οὗτοι, ἐπιβουλεύσαντες ἡμῶν ταῖς
ἀκοαῖς, φιλόσοφοι μὲν ὄντες, ποιηταὶ δὲ καλούμενοι, ἀλλαξάμενοι
χρήματος ἐπιφθόνου δημοτερπῆ τέχνην. Ὁ μὲν γὰρ φιλόσοφος βαρὺ καὶ πρόσαντες
τοῖς πολλοῖς ἄκουσμα, ὡς ἐν πένησιν ὁ πλούσιος θέαμα βαρύ, καὶ ἐν
ἀκολάστοις ὁ σώφρων, καὶ ἐν δειλοῖς ἀριστεύς· οὐ γὰρ ἀνέχονται αἱ πονηρίαι
τὰς ἀρετὰς ἐν αὐταῖς καλλωπιζομένας· ὁ δὲ ποιητὴς ἄκουσμα ἁβρὸν καὶ
δήμῳ φίλον, ἀγαπώμενον μὲν καθ´ ἡδονήν, ἀγνοούμενον δὲ κατὰ τὴν
ἀρετήν. Καθάπερ δὲ οἱ ἰατροὶ τοῖς κακοσίτοις τῶν καμνόντων τὰ πικρὰ
τῶν φαρμάκων ἀναδεύσαντες προσηνεῖ τροφῇ ἀπέκρυψαν τὴν τοῦ
ὠφελοῦντος ἀηδίαν, οὕτως καὶ ἡ παλαιὰ φιλοσοφία καταθεμένη τὴν
αὑτῆς γνώμην εἰς μύθους καὶ μέτρα καὶ σχῆμα ᾠδῆς, ἔλαθεν τῇ περιβολῇ
τῆς ψυχαγωγίας, κεράσασα τὴν ἀηδίαν τῶν διδαγμάτων.
|
VI.
Les poètes, qui connaissaient cette manière d'être de l'âme,
inventèrent ce moyen de l'entretenir des choses qui appartiennent
aux dieux, le langage des mythes, moins clair que celui du discours
ordinaire, moins obscur que celui des énigmes, et tenant le milieu
entre la science et l'ignorance; déterminant la crédulité par les
charmes de sa contexture, et la repoussant par ses paradoxes ;
inspirant à l'âme l'amour de la recherche de la vérité, et le désir
de faire constamment vers elle de nouveaux progrès. On fut longtemps
à s'apercevoir (17),
que ces hommes, en s'emparant de nos oreilles par les agréments de
leurs ouvrages, philosophes en réalité, et poètes de nom, avaient
mis à la place d'une chose qui aurait été mal accueillie, une
invention agréable à la multitude. Car le nom de philosophe est
lourd et mal sonnant aux oreilles du vulgaire; c'est ainsi que le
pauvre ne voit point avec plaisir le spectacle de l'opulence, ni le
libertin le tableau de la tempérance, ni le lâche le modèle du
courage. Les vices n'aiment pas davantage de voir les vertus se
complaire dans leur propre mérite, et s'enorgueillir d'amour-propre.
Au lieu que le nom de poète est doux à entendre. Le peuple aime ce
nom-là. Il l'aime par l'idée du plaisir qu'il en attend, sans se
douter de sa puissance. Semblable à ces médecins, qui, voyant des
malades avoir un grand dégoût pour les remèdes, administrent les
drogues amères enveloppées dans des choses d'une saveur agréable, et
dissimulent ainsi ce qui rebuterait dans le médicament destiné à
produire un effet salutaire; l'ancienne philosophie déposa la
substance de sa doctrine dans des mythes, dans des vers, dans des
hymnes, et l'on ne se douta point de la tournure qu'elle avait prise
pour s'insinuer dans l'esprit des hommes et les diriger, en masquant
ce qui aurait repoussé sous un appareil didactique. |
[7] Μὴ τοίνυν ἔρῃ, πότεροι κρεῖττον περὶ θεῶν διειλήφασιν, ποιηταὶ ἢ
φιλόσοφοι· ἀλλὰ σπονδὰς καὶ ἐκεχειρίαν τοῖς ἐπιτηδεύμασιν ποιησάμενος,
ὡς περὶ μιᾶς καὶ ὁμοφώνου τέχνης σκόπει· κἂν γὰρ ποιητὴν καλῇς,
φιλόσοφον λέγεις, καὶ ἂν φιλόσοφον καλῇς, ποιητὴν λέγεις. Καὶ γὰρ
ἀριστεῖς καλεῖς, ὁμοίως μὲν τὸν Ἀχιλλέα μετὰ χρυσῆς καὶ ποιητικῆς
ἀσπίδος στρατευόμενον, ὁμοίως δὲ καὶ τὸν Αἴαντα, κἂν ἐκ βύρσης φέρῃ
σάκος· ἀμφότερα δὲ ἀριστευτικὰ καὶ ἐκπληκτικὰ ὁμοίως ἡ ἀρετὴ ποιεῖ,
καὶ οὐδὲν ἐνταῦθα ὁ χρυσὸς πρὸς τὴν βύρσαν. Εἴκαζε δὴ κἀνταῦθα τὰ
μὲν μέτρα καὶ τὴν ᾠδὴν χρυσῷ, τὸν δὲ ψιλὸν λόγον ὕλῃ δημοτικῇ·
σκόπει δὲ μήτε τὸν χρυσόν, μήτε τὴν βύρσαν, ἀλλὰ τὴν ἀρετὴν τοῦ
χρωμένου. Ἀληθῆ λεγέτω, κἂν ποιητὴς λέγῃ, κἂν μῦθον λέγῃ, κἂν ᾄδων
λέγῃ, ἕψομαι τοῖς αἰνίγμασιν, καὶ διερευνήσομαι τὸν μῦθον, καὶ οὐκ
ἐκστήσει με ἡ ᾠδή· ἀληθῆ λεγέτω, κἂν ψιλῶς λέγῃ, δέξομαι καὶ ἀγαπήσω
τὴν ῥᾳστώνην τῶν ἀκουσμάτων· ἐὰν δὲ ἀφέλῃς ἑκατέρου τὸ ἀληθές, καὶ
τοῦ ποιητοῦ καὶ τοῦ φιλοσόφου, ἄμουσον μὲν τὴν ᾠδὴν ποιεῖς, μῦθον δὲ
τὸν λόγον· ἄνευ δὲ τοῦ ἀληθοῦς μήτε μύθῳ ποιητοῦ διαπιστεύσῃς τὸ
πάμπαν, μήτε φιλοσόφου λόγῳ.
|
VII.
Qu'on ne demande donc pas quels sont ceux qui ont le mieux pensé des
dieux, des poètes ou des philosophes. Qu'on laisse plutôt la
concorde et la bonne intelligence régner entre les ouvrages des uns.
et des autres ; et qu'on les considère comme n'ayant qu'une fin
unique et un même objet. Nommer un poète, c'est parler d'un
philosophe; nommer un philosophe, c'est parler d'un poète. On donne
également le nom d'intrépide guerrier, et à Achille armé d'un
bouclier d'or, chef-d'œuvre de l'art, et à Ajax qui ne portait qu'un
bouclier de cuir. Le courage donne aux exploits de l'un et de
l'autre le même caractère de grandeur et d'éclat, sans nul égard à
ce qui fait la matière des armures. Que dans la question qui nous
occupe (18),
on assimile donc les formes métriques et musicales à l'or du
bouclier d'Achille, et le discours simple et naturel au cuir du
bouclier d'Ajax. Mais, laissant de côté l'or et le cuir, qu'on ne
considère que le mérite de celui qui est dans l'arène. Qu'il
s'agisse de la vérité, et alors que ce soit un poète qui parle,
qu'il emploie le langage des mythes, qu'il l'embellisse des
agréments de la musique, je m'attacherai à ses énigmes, je
m'efforcerai d'en pénétrer le sens, et le charme des formes ne m'en
imposera point. Qu'il soit question de la vérité, et alors que ce
soit un philosophe qui nous la présente tout bonnement et sans
enveloppe, je ne me plaindrai point de la facilité qu'il me donne de
l'entendre. Mais si ni l'un ni l'autre, ni le poète ni le
philosophe, ne m'offrent la vérité, les vers du premier ne sont à
mes yeux que de grossières rapsodies; et les beaux discours du
second, que des mythes. Car, si l'on ôte la vérité, on n'aura pas
plus de confiance dans les mythes du poète que dans les
dissertations du philosophe. |
[8] Καὶ γὰρ Ἐπίκουρος λέγει μὲν λόγους, ἀλλὰ μύθων ἀτοπωτέρους· ὥστε
ἔγωγε πιστεύω μᾶλλον Ὁμήρῳ περὶ Διὸς λέγοντι, ὅτι ψυχὰς δυοῖν
ἀριστέοιν ἐπὶ πλάστιγγος χρυσῆς ἐταλάντευεν, τὴν μὲν Ἀχιλλῆος,
τὴν δ´ Ἕκτορος ἀνδροφόνοιο, ἀνατείνας τὰ ζυγὰ τῇ δεξιᾷ· ὁρῶ
γὰρ τὴν εἱμαρμένην τῶν ἀνδρῶν συναπονεύουσαν τῇ Διὸς δεξιᾷ - - - οὐ
γὰρ ἐμὸν παλινάγρετον οὐδ´ ἀπατηλὸν οὐδ´ ἀτελεύτητον, ὅτι κεν κεφαλῇ
κατανεύσω. Αἰσθάνομαι τῶν Διὸς νευμάτων· διὰ τούτων γῆ μένει, καὶ
ἀναχεῖται θάλαττα, καὶ ἀὴρ διαρρεῖ, καὶ πῦρ ἄνω θεῖ, καὶ οὐρανὸς
περιφέρεται, καὶ ζῷα γίνεται, καὶ δένδρα φύεται· τῶν Διὸς νευμάτων
ἔργα καὶ ἀνθρώπου ἀρετὴ καὶ εὐδαιμονία. Συνίημι δὲ καὶ Ἀθηνᾶς, νῦν
μὲν τῷ Ἀχιλλεῖ ξυνισταμένης καὶ ἀπαγούσης τοῦ θυμοῦ τὸν ἄνδρα καὶ
σπώσης ὀπίσω, νῦν δὲ τῷ Ὀδυσσεῖ παρισταμένης ἐν πάντεσσι πόνοισι.
Ξυνίημι καὶ τοῦ Ἀπόλλωνος, τοξότης ὁ θεὸς καὶ μουσικός· καὶ φιλῶ μὲν
αὐτοῦ τὴν ἁρμονίαν, φοβοῦμαι δὲ τὴν τοξείαν. Σείει δὲ καὶ Ποσειδῶν
γῆν τριστόμῳ δόρατι, ξυνάγει καὶ Ἄρης στρατοπέδων τάξεις, καὶ ὁ
Ἥφαιστος χαλκεύει· ἀλλ´ οὐκ Ἀχιλλεῖ μόνῳ, πάσῃ διαπύρῳ χρείᾳ
συντάττεται καὶ συνεργάζεται. Ταῦτα μὲν οἱ ποιηταὶ λέγουσιν, ταῦτα
δὲ καὶ οἱ φιλόσοφοι λέγουσιν· ὧν ἂν μεταλάβῃς τὰ ὀνόματα, εὑρήσεις
τὴν ὁμοιότητα, καὶ γνωριεῖς τὸ διήγημα. Κάλει τὸν μὲν Δία νοῦν
πρεσβύτατον καὶ ἀρχικώτατον, ᾧ πάντα ἕπεται καὶ πειθαρχεῖ· τὴν
δὲ Ἀθηνᾶν, φρόνησιν· τὸν δὲ Ἀπόλλω, ἥλιον· τὸν δὲ Ποσειδῶ, πνεῦμα
διὰ γῆς καὶ θαλάττης ἰόν, οἰκονομοῦν αὐτῶν τὴν στάσιν καὶ τὴν
ἁρμονίαν. |
VIII.
En effet, Épicure traite à la vérité les matières de la philosophie;
mais c'est dans un langage encore plus inconcevable que celui des
mythes. Si bien que j'aime mieux en croire Homère, lorsqu'il nous
dit de Jupiter, qu'il pesait dans une balance d'or les âmes de deux
vaillants guerriers (19),
« celle d'Achille, et celle d'Hector, dont le bras faisait tant de
carnage (20)
» : et qu'il tenait le fléau de la balance de la main droite. Car la
main de Jupiter est à mes yeux l'emblème du signe de tète, du Dieu
qui règle la destinée des mortels : « Ce signe de tête irrévocable,
qui ne trompe jamais, qui ne reste jamais sans être accompli,
lorsqu'il a été une fois donné (21)
». Je sens qu'il s'agit là de la volonté de Jupiter, de cette
volonté suprême, qui maintient la terre dans son immobilité (22),
qui retient la mer dans ses limites, qui fait circuler l'air, monter
le feu, rouler le firmament, produire les animaux, végéter les
plantes. La vertu même des hommes et leur félicité sont l'ouvrage de
la volonté de Jupiter (23).
J'entends aussi ce que c'est que Minerve, qui, tantôt vient auprès
d'Achille, calme sa colère et se tient derrière lui; tantôt est à
côté d'Ulysse, « au milieu de tous ses dangers (24)
». J'entends aussi ce que c'est qu'Apollon, ce Dieu qui lance des
flèches, et qui préside à la musique. Je l'aime sous ce dernier
rapport, je le redoute sous le premier. D'un autre côté, Neptune
ébranle la terre de son trident, Mars range ses escadrons en
bataille, Vulcain fait retentir les enclumes. Mais ce n'est point
pour Achille seul qu'il met tout en mouvement dans son ardent
atelier. Tel est le langage des poètes, tel est le langage des
philosophes. Transposez les noms, et vous verrez qu'ils vous disent
les uns et les autres la même chose, et vous trouverez que leur
doctrine est semblable. Entendez par Jupiter, cette intelligence qui
est la plus ancienne de toutes, à laquelle toutes les autres doivent
leur origine, à l'empire de laquelle tout ce qui existe est soumis ;
par Minerve, entendez la prudence ; par Apollon, le soleil ; par
Neptune, les vents qui se promènent sur mer et sur terre, et qui les
maintiennent l'une et l'autre dans une mutuelle harmonie, dans un
réciproque équilibre. |
[9] Κἂν ἐπὶ τὰ ἄλλα ἴῃς, εὑρήσεις πάντα μεστά, παρὰ μὲν τοῖς
ποιηταῖς ὀνομάτων, παρὰ δὲ τοῖς φιλοσόφοις λόγων. Τὰ δὲ Ἐπικούρου
τίνι μύθων εἰκάσω; τίς οὕτω ποιητὴς ἀργὸς καὶ ἐκλελυμένος καὶ θεῶν
ἄπειρος; Τὸ ἀθάνατον οὔτε αὐτὸ πράγματα ἔχει, οὔτε ἄλλῳ παρέχει Τίς
μοι γένηται τοιοῦτος μῦθος; πῶς ἀναπλάσω τὸν Δία; τί δρῶντα, καὶ τί
βουλευόμενον, καὶ ποίαις ἡδοναῖς συνόντα; Πίνει μὲν καὶ παρ´ Ὁμήρῳ ὁ
Ζεύς, ἀλλὰ καὶ δημηγορεῖ, καὶ βουλεύεται, ὡς ἡ τῶν περὶ τὴν Ἀσίαν
πραγμάτων χορηγία 〈διὰ〉 βασιλέως ῥεῖ, καὶ ἡ τῶν Ἑλληνικῶν πραγμάτων
χορηγία ἐκ τῆς Ἀθηναίων ἐκκλησίας ῥεῖ· βουλεύεται γὰρ ὑπὲρ μὲν τῆς
Ἀσίας ὁ μέγας βασιλεύς, περὶ δὲ τῆς Ἑλλάδος ὁ Ἀθηναίων δῆμος·
βουλεύεται καὶ περὶ νεὼς κυβερνήτης, καὶ περὶ στρατοπέδου στρατηγός,
καὶ περὶ πόλεως νομοθέτης· καὶ ἵνα σωθῇ ναῦς, καὶ στρατόπεδον, καὶ
γῆ, καὶ οἶκος, πράγματα μὲν ὁ κυβερνήτης ἔχει, πράγματα δὲ ἔχει ὁ
στρατηγός, πράγματα δὲ ὁ νομοθέτης· ὑπὲρ δὲ οὐρανοῦ καὶ γῆς καὶ
θαλάττης καὶ τῶν ἄλλων μερῶν, τίς, ὦ Ἐπίκουρε, βουλεύεται; τίς
κυβερνήτης; τίς στρατηγός; τίς νομοθέτης; τίς γεωργός; τίς
οἰκονόμος; Ἀλλ´ οὐδὲ ὁ Σαρδανάπαλλος ἀπράγμων ἦν, ἀλλ´ ἐντὸς θυρῶν
κατακεκλεισμένος, ἐπὶ σφυρηλάτου κλίνης κείμενος ἐν γυναικῶν χορῷ,
ἐβουλεύετο ὅμως, πῶς σωθῇ Νῖνος, καὶ πῶς Ἀσσύριοι εὐδαιμονῶσιν· σοὶ
δὲ ἡ Διὸς ἡδονὴ καὶ τῆς Σαρδαναπάλλου ἐκείνου ἀργοτέρα; Ὢ μύθων
ἀπίστων, καὶ μηδεμιᾷ ποιητικῇ ἁρμονίᾳ πρεπόντων.
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IX.
Si l'on dirige son attention sur d'autres objets, on trouvera que
tout est affaire de noms chez les poètes, et que tout consiste en
discours chez les philosophes. Mais, ce que débite Épicure, à quel
genre de mythe le comparerons-nous ? Où est le poète dont le langage
soit aussi futile, aussi décousu, et aussi étranger aux idées
relatives à la connaissance des dieux? L'Être immortel n'a rien et
faire de son chef, pas plus qu'il ne donne affaire ci un autre (25).
Que veut dire un semblable mythe ? Quelle idée nous ferons-nous de
Jupiter ? Quelles imaginerons-nous que sont ses actions, ses
volontés, ses jouissances ? Sans doute chez Homère il boit, mais il
fait aussi des harangues; il tient des conseils pour régler les
choses humaines, comme en tient le grand Roi (26)
pour administrer les affaires de l'Asie, comme les Athéniens
tiennent leurs comices pour la conduite des affaires de la Grèce.
Car les délibérations du grand Roi régissent l'Asie, celles du
Peuple d'Athènes régissent la Grèce, celles du pilote régissent le
vaisseau, celles du général régissent l'armée, celles du législateur
régissent la Cité, celles de l'agriculteur régissent ses propriétés,
celles du chef de famille régissent sa maison; et pour le salut du
vaisseau, de l'armée, de la Cité, des propriétés, de la maison, le
pilote, le général, le législateur, l'agriculteur, le père de
famille, ont des soins à prendre. Et du ciel, de la terre, de la
mer, et des autres parties du monde, dites-nous donc, Épicure, qui
s'en occupe ? Où sont le pilote, le général, le législateur,
l'agriculteur, le père de famille ? Mais Sardanapale lui-même
n'était pas sans avoir quelque chose à faire. Quoique les portes de
son palais fussent constamment fermées, quoiqu'il fût toujours
étendu sur des lits magnifiques, et entouré d'un sérail, il
s'occupait néanmoins des moyens de sauver Ninive, et de faire le
bonheur des Assyriens. Et, à vous en croire, Jupiter sera plus
inertement enfoncé dans les voluptés que le fameux Sardanapale ! Ô
l'incroyable conte que vous nous faites là, et auquel ne se
prêteront jamais les charmes de l'harmonie poétique ! |
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NOTES.
(1)
Formey a traduit, « Et sur d'autres matières prises en quelque sorte
du sein des maux ». Des matières prises du sein des maux ! Je
doute que cela soit intelligible, et que Formey se soit entendu
lui-même. C'est peut-être la faute d'Heinsius qui a rendu le texte
par reliquisque quae in medio versantur malorum. Cette
version n'est pas correcte. Pacci a mieux fait, aut ad ea mala
quae jacent in medio contentionem attulerint.
(2)
Pour être littéral, j'aurais dû traduire, plus leste sous le
rapport de la mesure.
(3) Notre
auteur emprunte ici un passage de Platon au troisième livre de la
République.
(4) Le
grec porte littéralement, mes enfants, τοὺς ὑιέας τοὺς
ἐμούς.
(5) Maxime
de Tyr a emprunté ici le 515 vers du onzième chant de l'Iliade.
Heinsius a étranglé ce vers d'Homère, en s'efforçant de le rendre en
un seul vers latin.
Tollere
corporibus jaculum, vulnusque fovere.
Ces derniers
mots vulnusque fovere ne disent pas tout. Pacci aurait été
plus heureux, quoique moins laconique, s'il n'avait pas pris les
javelots pour la gangrène,
Virus ab
infectis abscindere partibus aegri ;
Mitiave affectis imponere pharmaca membris.
(6) Pacci
n'a pas correctement rendu le début de cette phrase. Il s'est laissé
induire en erreur par le participe dieinopayÇn. Formey a traduit, «
Le premier dira que c'est faire une grande injure aux poètes que de
ne pas les décorer du titre de Sages, etc. et les croire pour le
moins aussi sages, etc. » Pour être correct en français, il fallait,
et ne pas les croire.
(7) Ni
Pacci, ni Heinsius n'ont correctement rendu le substantif grec
εὐήθειαν. Le premier a traduit, crassus animus,
le second, ruditas animi. Ce n'est point cela. D'abord le mot
grec signifie proprement et étymologiquement, ainsi que le rendent
les Lexiques, bonitas seu probitas morum, innocentia. Il est
d'ailleurs assez évident que notre Auteur porte ici sa pensée sur ce
bel âge de l'espèce humaine, où l'âme non encore corrompue ne
connaissait ni le crime, ni l'injustice; de ce bel âge, dont Ovide a
dit :
.........
Quæ vindice nullo
Sponte sua, sine lege, fidem rectumque colebat.
Poena, metusque aberant; nec vincula minacia collo
Aere ligabantur; nec supplex turba timebat
Judicis ora sui; sed erant sine judice tuti.
Metamorph. lib. I
(8) Les
critiques ont regardé le mot θύουσιν du texte
comme suspect, et y ont substitué le mot μεθυούσιν,
correction heureuse. Les imprimeurs de la traduction de Formey ont
fait une faute énorme dans la note qu'il a mise ici. Ils out imprimé
πτύουσιν, ils crachent, au lieu de
πίνουσιν, ils boivent.
(9) Notre
Auteur fait allusion ici à un passage du Phèdre de Platon.
Philostrate, dans la Vie d'Apollonius de Thyane, liv. II,
pag. 74, édition d'Oléarius, rappelle le même passage.
(10) Davies
remarque avec raison, que Platon, dans le passage de son
Symposiaque, auquel notre Auteur fait allusion ici, n'a point
parlé des noces de Vénus, mais de sa naissance. « Lorsque Vénus vint
au monde, dit-il, les Dieux du premier ordre firent des festins,
ainsi que les autres Dieux, entre autres le fils de la Prudence, le
Dieu qui fait venir l'argent, etc. ». Origène, dans son quatrième
livre contre Celse, p. 189, et Eusèbe, dans sa Préparation
évangélique, liv. XII, chap. II, donnent des éloges à cette
allégorie de Platon. Thérnistius en fait autant dans la treizième de
ses Oraisons, p. 162.
(11) Plutus
était proprement le Dieu des richesses. Celui dont il s'agit ici
sous une autre dénomination, πόρος, avait des
attributions moins étendues que le premier. Il était, selon toutes
les apparences, un de ses subordonnés; et s'il faut en juger par son
étymologie, sa fonction spéciale était de présider aux perceptions
pécuniaires, et à toutes les opérations industrielles qui
produisaient de l'argent.
(12)
Maxime de Tyr fait allusion ici à ce que dit Platon dans son
Phédon. Voy. la traduction de cet ouvrage de Platon par Dacier,
vers la fin.
(13) Pour
entendre ce passage, il faut lire dans le dixième livre de la
République de Platon, vers la fin, ce que dit ce philosophe du
fuseau de la nécessité, et du peson qui y était attaché. On peut
consulter l'estimable traduction que Grou nous a donnée de cet
ouvrage.
(14) La
Théogonie de Phérécyde était un ouvrage en prose.
Diogène-Laërte, dans son premier livre, sous le mot Phérécyde, parle
de cette Théogonie. Il en a même copié le début. Cet ouvrage n'est
point venu jusqu'à nous. Peut-être n'en doit-on pas beaucoup
regretter la perte. Car s'il en faut croire ce qu'en disant l'Auteur
lui-même, dans une lettre qu'il adressa à Thalès, en lui envoyant
son travail, lettre que Diogène-Laërte nous a conservée, qu'aurait
pu nous apprendre un livre où tout était enveloppé d'énigmes. Il est
probable que Thalès n'en fit pas grand cas. Le peu de mérite de cet
Ouvrage est cause sans doute qu'il s'est perdu. Il y a lieu de
s'étonner que les Auteurs du Dictionnaire historique n'aient fait
aucune mention de cette Théogonie, dans le long article dont ils ont
honoré ce philosophe.
(15) Ce
mot qui n'est que le μύθος grec, a été assez
récemment introduit dans notre langue. Le Citoyen Millin, entre
autres, en fait un fréquent usage dans les articles aussi curieux
que savants, dont il enrichit le Journal Encyclopédique. Au surplus,
Maxime de Tyr donne un peu, plus bas la définition la plus exacte de
ce mot d'origine grecque, en disant que c'est « un Discours destiné
à cacher une vérité sous des ornements étrangers ».
(16)
La 105 des Épîtres de Synèse offre un passage qui renfermé la
même idée. ῇ τοῖς ὀφθαλμιῶσι τὸ σκότος ὠφελιμώτερον,
ταύτῃ καὶ τὸ ψεῦδος ὄφελον εἶναι τίθεμαι δήμῳ, καὶ βραβερὸν τὴν
ἀλήθειαν τοῖς οὐκ ἰσχύουσιν ἔνα τενίσαι πρὸς τὴν τῶν ὄντων ἐνάργειαν
« De même que les ténèbres sont plus avantageuses à ceux qui ont une
ophtalmie, de même je pense que le mensonge n’est utile au peuple,
et que la vérité est nuisible à ceux qui ne peuvent point élever
leur esprit jusqu'à la vraie nature des choses. »
Dans le
système politique de l'antiquité, à partir des Égyptiens,
l'ignorance de la multitude fut un des premiers ressorts de la
science du Gouvernement. Les prêtres avaient senti que leur empire
ne pouvait avoir d'autre base; et les Princes, soit exemple, soit
intérêt, s'étaient mis de moitié dans ce calcul. Il ne fut pas
malaisé de régner sur ce pied-là, jusqu'au quinzième siècle de notre
ère. Mais la découverte de l'imprimerie produisit une révolution,
dont les dominateurs des peuples n'aperçurent pas toutes les
conséquences. Ils protégèrent, ils encouragèrent cet art naissant.
Tels, les Troyens introduisirent dans l'enceinte de leurs murailles,
le cheval des Grecs. « Lorsque les Souverains, dit quelque part J. J
. Rousseau, a ouvriront les yeux sur leurs véritables intérêts, ils
mettront à restreindre l'Imprimerie autant de zèle, qu'ils en ont
mis à la propager ». Que gagneraient-ils à cela, en supposant que
cette étrange coalition fût praticable ? N'est-il pas plus simple et
plus digne d'eux, sous tous les rapports, de remplacer l'ancien
Traité avec les Prêtres et la superstition par une sainte alliance,
avec les sages lumières et les vrais philosophes. Qui sait même,
n'en déplaise à l'Auteur du Contrat Social, si, en calculant
les progrès et le perfectionnement de l'esprit humain depuis trois
ou quatre siècles, ou ne trouverait pas que c'est aujourd'hui pour
eux le cas de faire de nécessité vertu.
(17)
J'ai suivi Davies, qui, sur la foi des manuscrits, a substitué
ἔλαθον à ἔτυχον.
(18)
Les éditions de Maxime de Tyr qui ont précédé celle de Davies, ont
ici une lacune considérable. Les deux précieux manuscrits qui ont
fourni à cette dernière de si utiles et si importantes corrections,
ont également rendu ici au texte grec, ce que l'inadvertance d'un
copiste lui avait enlevé. Markland explique bien naturellement cette
inadvertance. Henri Étienne s'était aperçu de cette lacune. Car
Pacci ne l'avait point trouvée dans le manuscrit sur lequel il fit
sa version; et en imprimant cette dernière avec le texte en 1557,
Henri Étienne avait bien vu qu'autant le sens paraissait plein et
entier dans le latin de l'Archevêque de Florence, autant il
paraissait incomplet et tronqué dans le manuscrit sur lequel il
imprimait le grec. Ante ἀλλὰ, dit-il, desunt
quaedam quae in suo exemplari reperit interpres. Nam in ejus
interpretatione sententia est integra.
(19)
Plutarque nous apprend, au Traité, comme il faut lire les poètes,
qu'Eschyle prit dans cette fiction d'Homère, le sujet d'une
tragédie, qu'il intitula : le Poids et la Balance des Âmes.
Il ajoute que le poète faisait assister aux bassins de la balance de
Jupiter, d'un côté Thétis, et de l'autre l'Aurore, qui priaient
respectivement pour leurs fils qui combattaient.
(20) Ce
passage est emprunté du 22e chant de l'Iliade, au 211e
vers. Il y a lieu de s'étonner, nous le remarquons en passant, que
Markland, toujours si soigneux de relever les inexactitudes qui
échappent à Maxime de Tyr, lorsqu'il cite les vers d'Homère, n'ait
pas vu qu'il y en avait une dans celui-ci; savoir,
ἀνδροφόνοιο au lieu de ἱπποδάμοιο.
(21)
Iliade, chant premier, vers 526 et 527.
(22) Il
est assez connu que dans le système astronomique des Anciens, la
terre était immobile. Nous avons déjà eu occasion de faire cette
remarque. Maxime de Tyr se sert ici d'un verbe grec qui exprime
l'immobilité, μένει. Pacci ne s'y est pas trompé.
Il a traduit, quo videlicet stat tellus. Par quelle
inadvertance est-il donc arrivé à Heinsius de traduire, cujus
beneficio terra movetur.
(23)
Dans le Discours qu'Énée adresse à Achille au 20e chant
de l'Iliade, vers 242, il dit spécialement de la vertu militaire, du
courage, ce que Maxime de Tyr dit ici de la vertu en général.
(24) Odyssée,
chant 13, vers 299. Euripide, dans sa tragédie de Rhésus,
vers 609. Plutarque, dans son Traité De l'Esprit familier de
Socrate, n°11, compare Minerve assistant Ulysse dans tous ses
travaux, à l'esprit familier de Socrate, qui l'inspirait dans toutes
les actions de sa vie.
(25)
La mémoire de notre Auteur ne l'a pas fidèlement servi, lorsqu'il a
cité ce dogme de la philosophie d'Épicure. Du moins Cicéron l'a
énoncé en d'autres termes, dans le premier livre de son Traité
sur la Nature des Dieux, n° 17. « L'Être heureux et éternel »
a-t-il dit, au lieu de « l'Être immortel ». D'ailleurs, ces légères
différences d'énonciation ne valent peut-être pas trop la peine
d'être relevées Ausone, dans sa 116e Épigramme, a
renfermé l'axiome d'Épicure dans deux vers ïambes :
Quod est
beatum, morte et aeternum carens,
Nec sibi parit negotium nec alteri.
Voyez touchant
ce principe de la doctrine d'Épicure, Lactance, De ira Dei,
chap. 4; et Diogène-Laërte, liv. X, §. 139.
(26) C'est
par cette antonomase que les Rois de Perse étaient communément
désignés dans le style grec. Arrien, au septième livre de
l'Expédition d'Alexandre, chap. I, nous apprend qu'ils s'étaient
eue-mêmes donné cette imposante dénomination, et il leur reproche de
ne pas la justifier.
Paris; le 4
floréal en IX. (24 avril 1801.)
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