MAXIME DE TYR
DISSERTATIONS
DISSERTATION
VIII.
S'il
faut représenter les Dieux sous des emblèmes sensibles (25).
Εἰ θεοῖς ἀγάλματα ἱδρυτέον.
LES
Dieux ont toujours été regardés comme les conservateurs, comme les gardiens
tutélaires des hommes; d'abord tous les Dieux comme les conservateurs de tous
les hommes, et ensuite tel Dieu, selon sa dénomination, comme le gardien de tel
homme en particulier. De leur côté, les hommes ont consacré aux Dieux des
honneurs solennels, des objets pour les représenter, selon que les bienfaits
qu'ils en avaient reçus les touchaient, sous les rapports divers de leur
intérêt personnel. C'est ainsi que les matelots consacrèrent aux Dieux de la
mer des timons de navire qu'ils placèrent sur des points élevés au bord du
rivage, de manière que les vagues n'y pussent atteindre. C'est ainsi que les
bergers honorèrent le Dieu Pan, en lui consacrant ou un grand sapin, ou une
profonde grotte. C'est ainsi que les agriculteurs rendirent hommage à Bacchus,
en plantant dans leur jardin le tronc d'un arbre venu de lui-même, genre
d'emblème vraiment agreste. On consacra à Diane les fontaines d'eau vive, les
coteaux et les vallons couverts de forêts, les prés où les chasseurs sont si
à leur aise (26). Jupiter aussi reçut de la part
des premiers mortels des offrandes de cette nature. On lui consacra les points
les plus éminents des montagnes, le mont Olympe, le mont Ida, et tous ceux qui
s'approchaient le plus du ciel.Les
fleuves eux-mêmes ne restèrent point sans honneurs, ou lorsqu'ils furent
utiles, comme le Nil en Égypte, ou lorsqu'ils offrirent à là vue un beau coup
d'œil, comme le Pénée en Thessalie, ou lorsqu'ils en imposèrent par leur
majesté, comme le Danube chez les Scythes, ou lorsque quelque événement
fabuleux les eut rendus recommandables, comme l'Acheloüs chez les Étoliens, ou
lorsque les lois de l'État s'en mêlèrent, comme l'Eurotas à Lacédémone, ou
lorsqu'ils entrèrent pour quelque chose dans une institution religieuse, comme
l'llissus à Athènes. L'usage que faisaient les peuples des eaux des fleuves
fut une autre source des honneurs qu'ils leur décernèrent. Les arts eurent
aussi chacun leurs Dieux particuliers, auxquels ils consacrèrent des monuments.
Et s'il est des hommes, qui ne soient ni épars sur les rivages de la mer, ni
répandus dans les campagnes, mais réunis dans des cités, vivant dans des
relations communes sous une même forme de gouvernement, les Dieux n'en
obtiendront-ils ni honneurs ni hommages ? Ou bien les révéreront-ils seulement
de bouche, et penseront-ils d'ailleurs que les Dieux n'ont nul besoin ni
d'autels, ni d'emblèmes qui les représentent ? Car les emblèmes et les autels
ne paraissent pas plus nécessaires aux Dieux, que les images des grands hommes
aux gens de bien. |
Ἀρωγοὶ ἀνθρώποις θεοί, πάντες μὲν
πᾶσιν, ἄλλοι δὲ ἄλλοις ἐνομίσθησαν κατὰ τὴν φήμην τῶν ὀνομάτων, καὶ
διένειμαν αὐτοῖς οἱ ἄνθρωποι τιμὰς καὶ ἀγάλματα, οἱ ἐς τὰ ἴδια
ἕκαστοι ὠφεληθέντες. Οὕτω μὲν ναῦται ἐπὶ ἀκλύστου πέτρας ἀνέθηκαν
οἴακας θαλαττίοις· οὕτω δέ τις ποιμένων τὸν Πᾶνα τιμᾷ ἐλάτην αὐτῷ
ὑψηλὴν ἐξελόμενος, ἢ ἄντρον βαθύ· καὶ γεωργοὶ Διόνυσον τιμῶσιν,
πήξαντες ἐν ὀρχάτῳ αὐτοφυὲς πρέμνον, ἀγροικικὸν ἄγαλμα· ἱερὰ δὲ
Ἀρτέμιδος, πηγαὶ ναμάτων, καὶ κοῖλαι νάπαι, καὶ εὔθηροι λειμῶνες·
ἐπεφήμισαν δὲ καὶ Διὶ ἀγάλματα οἱ πρῶτοι ἄνθρωποι, κορυφὰς ὀρῶν,
Ὄλυμπον, καὶ Ἴδην, καὶ εἴ τι ἄλλο ὄρος πλησιάζει τῷ οὐρανῷ· ἔστίν
που καὶ ποταμῶν τιμή, ἢ κατ´ ὠφέλειαν, ὥσπερ Αἰγυπτίοις πρὸς τὸν
Νεῖλον· ἢ κατὰ κάλλος, ὡς Θετταλοῖς πρὸς τὸν Πηνειόν· ἢ κατὰ
μέγεθος, ὡς Σκύθαις πρὸς τὸν Ἴστρον· ἢ κατὰ μῦθον, ὡς Αἰτωλοῖς πρὸς
Ἀχελῶον· ἢ κατὰ νόμον, ὡς Σπαρτιάταις πρὸς τὸν Εὐρώταν· ἢ κατὰ
τελετήν, ὡς Ἀθηναίοις πρὸς Ἰλισσόν. Εἶτα ποταμοὶ μὲν διέλαχον τὰς
τιμὰς κατὰ τὴν χρείαν τῶν ὠφελουμένων, καὶ αἱ τέχναι τιμῆς θεῶν
ἑκάστη εὔπορος, ἄλλο ἄλλη προστησαμένη ἄγαλμα· εἰ δέ που τὶ γένος
ἀνθρώπων ἐστὶν οὐ θαλάττιον οὐδὲ γεωργικὸν, ἀλλ´ ἀστυπολοῦν καὶ
ἀνακεκραμένον κοινωνίᾳ πολιτικῇ νόμου καὶ λόγου, ἆρα τούτοις
ἀγέραστον ἔσται τὸ θεῖον καὶ ἀτίμητον; ἢ τιμήσουσιν μέν, τῇ δὲ φήμῃ
μόνῃ· ἀγαλμάτων δὲ καὶ ἱδρυμάτων οὐκ οἰήσονται δεῖν τοῖς θεοῖς; οὐδὲ
γὰρ δεῖ τοῖς θεοῖς ἀγαλμάτων οὐδὲ ἱδρυμάτων μᾶλλον, ἢ εἰκόνων
ἀγαθοῖς ἀνδράσιν. |
II.
De même, à mon avis, qu'en ce qui concerne la parole et le langage nous
n'avons nul besoin qu'il consiste en caractères, ou Phéniciens, ou Ioniens, ou
Attiques, ou Assyriens, ou Égyptiens, et que tous ces signes ont été
inventés par la faiblesse humaine, comme un supplément à l'imperfection de
l'intelligence, et comme une ressource pour la mémoire; de même, sans doute,
les Dieux n'ont nul besoin ni d'emblèmes, ni d'autels. Mais les hommes, dans
l'excès de leur faiblesse, éloignés comme ils le sont des Dieux, autant que
le ciel l'est de la terre (27), imaginèrent ce
genre de signes auxquels ils imposèrent les noms des Dieux, et auxquels ils
attachèrent ce qu'ils en disaient. Ceux donc qui ont de la vigueur dans
l'intelligence (28), et qui peuvent faire prendre
à leur âme un essor direct vers le ciel, et s'y aller mettre en commerce avec
les Dieux, ceux-là peut-être peuvent se passer d'emblèmes. Mais le nombre en
est assez rare parmi les hommes, et il serait impossible de trouver une nation
entière qui eût la connaissance des Dieux, et à laquelle un tel secours ne
fût point nécessaire. De même que ceux qui enseignent à lire aux enfants
pratiquent certains artifices, comme de crayonner à leurs yeux les caractères
dans une forme très défectueuse, pour leur donner lieu de rectifier eux-mêmes
ces défectuosités, et s'imprimer par ce moyen dans la mémoire le souvenir de
ces caractères; de même les législateurs, tout ainsi que s'ils avaient eu
affaire à des troupeaux d'enfants, me paraissent avoir inventé pour les hommes
ces représentations, ces images des Dieux, comme des signes du culte qui leur
est dû, comme un moyen propre à conduire, à diriger vers ce souvenir. |
Ὥσπερ δέ, οἶμαι, τῷ κατὰ τὰς φωνὰς
λόγῳ οὐδὲν δεῖ πρὸ0ς σύστασιν χαρακτήρων Φοινικίων τινῶν, ἢ Ἰωνικῶν,
ἢ Ἀττικῶν, ἢ Ἀσσυρίων, ἢ Αἰγυπτίων, ἀλλ´ ἡ ἀνθρωπίνη ἀσθένεια
ἐξεῦρεν σημεῖα ταῦτα, ἐν οἷς ἀποτιθεμένη τὴν αὑτῆς ἀμβλύτητα ἐξ
αὐτῶν ἀναμάττεται τὴν αὖθις μνήμην· οὕτως ἀμέλει καὶ τῇ τοῦ θείου
φύσει δεῖ μὲν οὐδὲν ἀγαλμάτων οὐδὲ ἱδρυμάτων, ἀλλὰ ἀσθενὲς ὂν κομιδῇ
τὸ ἀνθρώπειον, καὶ διεστὸς τοῦ θείου ὅσον ‘οὐρανὸς γῆς,’ σημεῖα
ταῦτα ἐμηχανήσατο, ἐν οἷς ἀποθήσεται τὰ τῶν θεῶν ὀνόματα καὶ τὰς
φήμας αὐτῶν. Οἷς μὲν οὖν ἡ μνήμη ἔρρωται, καὶ δύνανται εὐθὺ τοῦ
οὐρανοῦ ἀνατεινόμενοι τῇ ψυχῇ τῷ θείῳ ἐντυγχάνειν, οὐδὲν ἴσως δεῖ
τούτοις ἀγαλμάτων· σπάνιον δὲ ἐν ἀνθρώποις τὸ τοιοῦτο γένος, καὶ οὐκ
ἂν ἐντύχοις δήμῳ ἀθρόῳ τοῦ θείου μνήμονι, καὶ μὴ δεομένῳ τοιαύτης
ἐπικουρίας· οἷον καὶ τοῖς παισὶν οἱ γραμματισταὶ μηχανῶνται
ὑποχαράττοντες αὐτοῖς σημεῖα ἀμυδρά, οἷς ἐπάγοντες τὴν χειρουργίαν,
ἐθίζονται τῇ μνήμῃ πρὸς τὴν τέχνην. Δοκοῦσιν δή μοι καὶ οἱ
νομοθέται, καθάπέρ τινι παίδων ἀγέλῃ, ἐξευρεῖν τοῖς ἀνθρώποις ταυτὶ
τὰ ἀγάλματα, σημεῖα τῆς πρὸς τὸ θεῖον τιμῆς, καὶ ὥσπερ χειραγωίαν
τινὰ καὶ ὁδὸν πρὸς ἀνάμνησιν. |
III.
D'ailleurs, il n'existe nulle uniformité touchant ces images, ces
représentations des Dieux, ni dans l'objet fondamental de l'institution
religieuse qu'on leur attache, ni dans le mode du cérémonial qu'on leur
approprie, ni dans la forme même qu'on leur donne, ni dans la matière dont on
les compose (29). Les Grecs, par exemple, ont jugé
convenable de consacrer à leurs Dieux les premiers genres de beau qui sont sur
la terre, la matière la plus pure, la forme humaine, l'art le plus parfait. Et
ce n'est pas sans raison qu'on a imaginé de faire ressembler à l'homme les
représentations, les images des Dieux. Car si l'âme de l'homme est ce qui
approche le plus de la Divinité, ce qui lui ressemble davantage, il n'y avait
nulle apparence de représenter la Divinité, qui lui ressemble le plus à
elle-même, sous les figures les plus difformes, mais sous celle qui par sa
prestance, sa légèreté, sa mobilité devait être appropriée à des âmes
immortelles (30); mais sous la figure du seul des
êtres qui sont sur la terre, qui soit capable de tourner ses regards vers le
ciel, qui ait de la dignité, de la majesté, une régulière ordonnance; qui
n'épouvante point par sa grandeur, qui n'en impose point par sa force (31);
qui n'est ni par son poids difficile à mouvoir, ni par sa légèreté facile à
renverser; qui ne repousse point par ses aspérités; qui ne se traîne point
terre à terre à cause de sa frigidité; qui n'a point de chaleureuse
impétuosité; qui n'est réduit, ni à vivre dans l'eau à cause du peu de
consistance de son organisation, ni à manger de la chair crue, à cause de sa
férocité, ni à se nourrir d'herbe, à cause de sa faiblesse; mais
harmoniquement doué de toutes les qualités propres à sa destination, offrant
un aspect terrible au méchant, montrant de l'aménité à l'homme de bien;
ayant toujours ses pieds attachés à la terre, mais s'élançant dans les airs
sur les ailes de l'intelligence, au milieu des mers sur les ailes de la
navigation (32); vivant des productions de la
terre, la cultivant par ses labeurs, se nourrissant des fruits qu'il lui fait
produire, ne présentant à l'œil que des agréments sous le rapport de la
teinte de la carnation, sous le rapport de la stature et sous celui de la
physionomie (33). C'est en représentant les Dieux
sous la forme d'un pareil être, que les Grecs crurent les honorer. |
Ἀγαλμάτων δὲ οὐχ εἷς νόμος, οὐδὲ εἷς
τρόπος, οὐδὲ τέχνη μία, οὐδὲ ὕλη μία· ἀλλὰ τὸ μὲν Ἑλληνικόν,
τιμᾶν τοὺς θεοὺς ἐνόμισαν τῶν ἐν γῇ τοῖς καλλίστοις, ὕλῃ μὲν καθαρᾷ,
μορφῇ δὲ ἀνθρωπίνῃ, τέχνῃ δὲ ἀκριβεῖ. Καὶ οὐκ ἄλογος ἡ ἀξίωσις τῶν
τὰ ἀγάλματα εἰς ἀνθρωπίνην ὁμοιότητα καταστησαμένων· εἰ γὰρ ἀνθρώπου
ψυχὴ ἐγγύτατον θεῷ καὶ ἐμφερέστατον, οὐ δήπου εἰκὸς τὸ ὁμοιότατον
αὐτῷ περιβαλεῖν, τὸν θεόν, σκήνει ἀτοπωτάτῳ, ἀλλ´ ὅπερ ἔμελλεν
ψυχῆς ἀθανάτοις εὔφορόν τε ἔσεσθαι καὶ κοῦφον καὶ εὐκίνητον μόνον,
τοῦτο τῶν ἐν γῇ σωμάτων ἀνατεῖνον τὴν κορυφὴν ὑψοῦ, σοβαρὸν, καὶ
γαῦρον, καὶ σύμμετρον, οὔτε διὰ μέγεθος ἐκπληκτικόν, οὔτε διὰ
χαίτην φοβερόν, οὔτε διὰ βάρος δυσκίνητον, οὔτε διὰ λειότητα
ὀλισθηρόν, οὔτε διὰ τραχύτητα ἀντίτυπον, οὔτε διὰ ψυχρότητα
ἑρπηστικόν, οὔτε ἰταμὸν διὰ θερμότητα, οὔτε νηκτὸν διὰ μανότητα, οὐκ
ὠμοφάγον δι´ ἀγριότητα, οὐ ποιηφάγον δι´ ἀσθένειαν, ἀλλὰ κεκραμένον
μουσικῶς πρὸς τὰ αὑτοῦ ἔργα· φοβερὸν μὲν δειλοῖς, ἥμερον δὲ ἀγαθοῖς,
βαδιστικὸν μὲν τῇ φύσει, πτηνὸν δὲ τῷ λόγῳ, νηκτὸν δὲ τέχνῃ,
σιτοφάγον καὶ γεωπόνον καὶ καρποφάγον καὶ εὔχρουν καὶ εὐσταλὲς καὶ
εὐωπὸν καὶ εὐγένειον, διὰ τοιούτου σώματος τύπων τοὺς θεοὺς
τιμᾶν ἐνόμισαν οἱ Ἕλληνες. |
IV.
Quant aux Barbares, admettant tous également l'existence des Dieux, ils les
représentèrent les uns sous une figure, les autres sous une autre. Les Perses
sous l'image fugitive du feu, élément dévorateur et insatiable. Dans les
sacrifices, ils lui offrent son aliment ordinaire, en lui disant : « Feu,
souverain maître, mange.». Ils mériteraient ces Perses qu'on leur dît,« O
les plus insensés des hommes, qui, dédaignant de prendre pour représenter vos
Dieux les nombreux, les divers objets que vous offrait la nature, ou cette terre
nourricière (34), ou ce brillant soleil, ou cette
mer, théâtre de la navigation, ou ces fleuves pères de la fécondité, ou cet
air qui donne la vie, ou le ciel lui-même, ne vous êtes principalement
occupés que de celui-là seul qui en est le plus violent, le plus propre à la
destruction; et qui, sans vous contenter d'offrir à ce Dieu que vous vous êtes
choisi, à cet emblème sous lequel il vous a plu de le représenter, ce qui est
son naturel aliment, ou des sacrifices, ou des parfums, lui avez donné à
dévore Érétrie, Athènes, les temples de l'Ionie, et les statues de la Grèce
» ! |
Τὸ δὲ βαρβαρικόν, ὁμοίως μὲν ἅπαντες
ξυνετοὶ τοῦ θεοῦ, κατεστήσαντο δὲ αὐτοῖς σημεῖα ἄλλοι ἄλλα. Πέρσαι
μὲν πῦρ, ἄγαλμα ἐφήμερον, ἀκόρεστον καὶ ἁδηφάγον· καὶ θύουσιν Πέρσαι
πυρί, ἐπιφοροῦντες αὐτῷ τὴν πυρὸς τροφήν, ἐπιλέγοντες·
πῦρ δέσποτα, ἔσθιε.
Ἄξιον δὲ πρὸς τοὺς Πέρσας εἰπεῖν,
Ὦ πάντων γενῶν ἀνοητότατον, οἱ
τοσούτων καὶ τηλικούτων ἀγαλμάτων ἀμελήσαντες, γῆς ἡμέρου, καὶ
ἡλίου λαμπροῦ, καὶ θαλάττης πλοΐμου, καὶ ποταμῶν γονίμων, καὶ ἀέρος
τροφίμου, καὶ αὐτοῦ οὐρανοῦ, περὶ ἓν μάλιστα ἀσχολεῖσθε τὸ
ἀγριώτατον καὶ ὀξύτατον, οὐ ξύλων αὐτῷ τροφὴν χορηγοῦντες μόνον,
οὐδὲ ἱερείων, οὐδὲ θυμιαμάτων· ἀλλὰ τούτῳ τῷ ἀγάλματι καὶ τούτῳ τῷ
θεῷ καὶ τὴν Ἐρετρίαν ἀναλῶσαι δεδώκατε, καὶ τὰς Ἀθήνας αὐτάς, καὶ τὰ
Ἰώνων ἱερά, καὶ τὰ Ἑλλήνων ἀγάλματα. |
V.
Je n'approuve pas davantage les institutions de l'Égypte. On y adore un bœuf,
un oiseau, un bouc, les reptiles du Nil, êtres dont les corps sont
périssables, l'existence abjecte, la vue rampante, les fonctions serviles, et
qu'il est honteux d'adorer. Chez les Égyptiens, les Dieux meurent : on porte
leur deuil. On voit à la fois et leurs tombeaux et leurs temples. Chez les
Grecs (35), dans les solennités célébrées en
l'honneur des héros, on offre des hommages à leurs vertus, mais on ne parle
point des maux qui ont pu être leur ouvrage. Mais en Égypte, dans le culte
qu'on rend aux Dieux, on mêle quelquefois les pleurs aux offrandes (36).
Une femme égyptienne élevait un petit crocodile. Les Égyptiens regardaient
comme un grand bonheur pour elle d'être la nourrice d'un Dieu. Quelques-uns
même allaient jusqu'à faire des caresses (37) à
cette femme et à son nourrisson. Cette Égyptienne avait un fils, encore
impubère, du même âge que le Dieu, avec lequel il était accoutumé de
prendre ses ébats et de manger. Tant que le Dieu fut faible, il eut de la
mansuétude. En grossissant, il développa sa férocité naturelle. Un jour il
dévora l'enfant. L'infortunée Égyptienne envisagea comme un bonheur pour son
fils son genre de mort, d'avoir été la proie d'un Dieu domestique. Voilà pour
ce qui concerne l'Égypte. |
Μέμφομαι καὶ τὸν Αἰγυπτίων νόμον. Βοῦν
ἐκεῖνοι τιμῶσιν καὶ ὄρνιν καὶ τράγον καὶ τοῦ ποταμοῦ τοῦ Νείλου τὰ
θρέμματα· ὧν θνητὰ μὲν τὰ σώματα, δειλοὶ δὲ οἱ βίοι, ταπεινὴ δὲ ἡ
ὄψις, ἀγεννὴς δὲ ἡ θεραπεία, αἰσχρὰ δὲ ἡ τιμή. Ἀποθνήσκει θεὸς
Αἰγυπτίοις, καὶ πενθεῖται θεός· καὶ δείκνυται παρ´ αὐτοῖς ἱερὸν
θεοῦ, καὶ τάφος θεοῦ. Καὶ Ἕλληνες μὲν θύουσιν καὶ ἀνθρώποις ἀγαθοῖς,
καὶ τιμῶνται μὲν αὐτῶν αἱ ἀρεταί, ἀμνημονοῦνται δὲ αἱ συμφοραί· παρὰ
δὲ Αἰγυπτίοις ἰσοτιμίαν ἔχει τὸ θεῖον τιμῆς καὶ δακρύων.
Γυναικὶ Αἰγυπτίᾳ θρέμμα ἦν κροκόδειλος σκύλαξ· ἐμακάριζον οἱ
Αἰγύπτιοι τὴν γυναῖκα, ὡς τιθηνουμένην θεόν τινα ἑαυτῶν, καὶ
προσετρέποντο καὶ αὐτὴν καὶ τὸν τρόφιμον· ἦν αὐτῇ παῖς ἄρτι ἡβάσκων,
ἡλικιώτης τοῦ θεοῦ, συναθύρων αὐτῷ καὶ συντρεφόμενος· ὁ δὲ τέως μὲν
ὑπὸ ἀσθενείας ἦν τιθασός, προελθὼν δὲ εἰς μέγεθος ἤλεγξεν τὴν φύσιν,
καὶ διέφθειρεν τὸν παῖδα· ἡ δὲ δύστηνος Αἰγυπτία ἐμακάριζεν τὸν υἱὸν
τοῦ θανάτου, ὡς γενόμενον δῶρον ἐφεστίῳ θεῷ. |
VI.
Le célèbre Alexandre, après s'être rendu maître de la Perse, s'être
emparé de Babylone, et avoir fait Darius prisonnier, poussa jusqu'aux Indes,
où jusqu'alors nulle autre armée étrangère, d'après ce que disent les
Indiens, n'avait pénétré, à l'exception de celle de Bacchus. Porrus et
Taxile, Rois de cette contrée, prirent les armes. Porus fut fait prisonnier, et
Taxile rechercha la bienveillance d'Alexandre. Il lui fit parcourir toutes les
merveilles de l'Inde. Il lui fit admirer la grandeur des fleuves, la variété
des oiseaux, les parfums des plantes, et tout ce qui pouvait piquer la
curiosité d'un Grec. Entre autres choses prodigieuses, il lui montra un animal
d'une grandeur au-dessus de toutes les proportions de la nature, que les Indiens
regardaient comme la représentation de Bacchus, et auquel ils offraient des
sacrifices. C'était un dragon d'une longueur et d'une grosseur monstrueuse (38).
On le nourrissait dans un lieu creux, profond, et entouré de murailles qui
dominaient toutes les hauteurs d'alentour. Il absorbait les troupeaux de l'Inde.
On lui amenait des bœufs et des moutons à manger, plutôt comme à un tyran
que comme à un Dieu. |
Τὰ μὲν Αἰγυπτίων τοιαῦτα. Ἀλέξανδρος
δὲ ἐκεῖνος, Πέρσας ἑλών, καὶ Βαβυλῶνος κρατήσας, καὶ Δαρεῖον
χειρωσάμενος, ἦλθεν εἰς τὴν Ἰνδῶν γῆν ἄβατον οὖσαν τέως στρατιᾷ
ξένῃ, ὡς Ἰνδοὶ ἔλεγον, πλήν γε Διονύσου καὶ Ἀλεξάνδρου. Ἐστασίαζον
Ἰνδοὶ βασιλεῖς Πῶρος καὶ Ταξίλης. Πῶρον μὲν λαμβάνει ὁ Ἀλέξανδρος,
Ταξίλην δὲ κατὰ φιλίαν παρεστήσατο. Ἐπεδείκνυεν Ἀλεξάνδρῳ Ταξίλης τὰ
θαυμαστὰ τῆς Ἰνδῶν γῆς, ποταμοὺς μεγίστους, καὶ ὄρνιθας
ποικίλους, καὶ εὐώδη φυτά, καὶ εἴ τι ἄλλο ξένον ὀφθαλμοῖς
Ἑλληνικοῖς· ἐν δὲ τοῖς ἔδειξε καὶ ζῷον ὑπερφυές, Διονύσου ἄγαλμα, ᾧ
Ἰνδοὶ ἔθυον· δράκων ἦν μῆκος πεντάπλεθρον, ἐτρέφετο δὲ ἐν χωρίῳ
κοίλῳ, ἐν κρημνῷ βαθεῖ, τείχει ὑψηλῷ ὑπὲρ τῶν ἄκρων περιβεβλημένος·
καὶ ἀνήλισκεν τὰς Ἰνδῶν ἀγέλας, χορηγούντων αὐτῷ τροφὴν βοῦς καὶ
ὄϊς, καθάπερ τυράννῳ μᾶλλον ἢ θεῷ. |
VII.
Les Libyens occidentaux habitent une langue de terre étroite et longue que la
mer cerne des deux côtés. A l'extrémité de cette langue de terre, la mer qui
la baigne fait du fracas par le tourbillonnement et l'impétuosité de ses
vagues. L'Atlas est le Dieu de ce peuple. Il est lui-même sa représentation.
Or l'Atlas est une montagne creuse, d'une médiocre hauteur, et dont l'ouverture
s'offre du côté de la mer, comme l'ouverture d'un théâtre s'offre vis-à-vis
de l'atmosphère (39). Dans le milieu de la
montagne est un court boyau d'une terre féconde, et couvert de beaux arbres.
Ces arbres portent du fruit. En regardant du sommet de la montagne on voit comme
dans le fond d'un puits. D'ailleurs, il n'est pas possible d'y descendre à
cause de la raideur de la pente, et d'un autre côté cela n'est pas permis. Ce
qu'il y a là de plus merveilleux, c'est que quand le flux de l'Océan gagne le
rivage, les ondes se répandent à droite et à gauche au travers des terres,
tandis qu'en face de l'Atlas elles s'amoncellent; et l'on voit les flots
s'entasser les uns sur les autres comme une muraille, sans se diriger vers la
cavité de la montagne, et sans toucher à la terre ferme, entre laquelle et les
flots sont un air extrêmement dense, et des bois enfoncés. Tel est le temple,
tel est le Dieu des Libyens. C'est par lui qu'ils jurent. C'est à lui qu'ils
rendent leurs adorations. |
Οἱ ἑσπέριοι Λίβυες οἰκοῦσι γῆν, αὐχένα
στενὸν καὶ ἐπιμήκη καὶ ἀμφιθάλασσον· σχιζομένη γὰρ κατὰ κορυφὴν τοῦ
αὐχένος ἡ ἔξω θάλασσα περιλαμβάνει τὴν γῆν κύματι πολλῷ καὶ
πελαγίῳ. Τοῖς ἀνθρώποις τούτοις ἱερόν ἐστιν καὶ ἄγαλμα ὁ Ἄτλας·
ἔστιν δὲ ὁ Ἄτλας ὄρος κοῖλον, ἐπιεικῶς ὑψηλόν, ἀνεῳγὸς πρὸς τὸ
πέλαγος, ὥσπερ τὰ θέατρα πρὸς τὸν ἀέρα· τὸ δὲ ἐν μέσῳ τοῦ ὄρους
χωρίον, αὐλὼν βραχύς, εὔγαιος καὶ εὔδενδρος· καὶ ἴδοις ἂν καὶ
καρποὺς ἐπὶ τῶν δένδρων, καὶ ὀπτεύσαις ἐκ τῆς κορυφῆς, ὥσπερ εἰς
φρεατείας ἔδαφος· κατελθεῖν δὲ οὔτε δυνατόν, κρημνῶδες γάρ, οὔτε
ἄλλως θέμις. Τὸ δὲ ἐν τῷ χωρίῳ θαῦμα, ὁ ὠκεανὸς πλημμύρων ἐμπίπτει
τῇ ἠϊόνι, καὶ τῇ μὲν ἄλλῃ ἀναχεῖται ἐπὶ τὰ πεδία, κατὰ δὲ τὸν
Ἄτλαντα αὐτὸν κορυφοῦται τὸ κῦμα· καὶ ἴδοις ἂν τὸ ὕδωρ ἀνεστηκὸς ἐφ´
ἑαυτοῦ, ὥσπερ τειχίον, οὔτε εἰσρέον ἐπὶ τὰ κοῖλα, οὔτε ὑπὸ γῆς
ἐρειδόμενον, ἀλλ´ ἐκ μέσου τοῦ ὄρους καὶ τοῦ ὕδατος ἀὴρ πολύς,
κοῖλον ἄλσος. Τοῦτο Λιβύων καὶ ἱερόν, καὶ θεός, καὶ ὅρκος, καὶ
ἄγαλμα. |
VIII.
Les Celtes adorent Jupiter, et le Jupiter des Celtes est un grand chêne (40).
Les Poeons adorent le soleil, et le soleil des Poeons est un petit disque pendu
à une longue perche. Les Arabes adorent aussi, niais je ne sais quoi. Quant à
l'objet sensible de leurs adorations, je l'ai vu, c'est une pierre
quadrangulaire (41). Vénus était adorée à
Paphos. La figure sous laquelle on la représentait ne ressemblait guère qu'à
une pyramide blanche, de l'on ne sait quelle matière. Chez les Lyciens, le mont
Olympe jette des flammes, mais non point à l'instar de l'Etna. Ce sont des
flammes périodiques et qui ne font aucun mal. Ce feu est pour eux l'objet de
leur culte. Il leur représente leur Dieu. Les Phrygiens, qui habitent Célène,
rendent leurs hommages à deux fleuves que j'ai vus, le Marsyas et le Méandre.
Ils partent de la même source. L'eau qui en sort, après avoir traversé une
montagne, disparaît à côté de la ville. Elle reparaît au delà, et se
distribue en deux courants sous des noms divers. Celui qui se dirige vers la
Lydie est le Méandre. L'autre va se perdre dans les campagnes. Les Phrygiens
sacrifient à ces fleuves, les uns à tous les deux, les autres au Méandre, et
les autres au Marsyas. Ils jettent leurs offrandes dans la fontaine qui leur
sert de source, en prononçant à haute voix le nom du fleuve auquel elles sont
destinées. Ces offrandes suivent le courant des eaux au travers de la montagne,
s'engloutissent, ressortent avec elles, et l'on ne voit point que celles qui
sont adressées au Méandre prennent le chemin du Marsyas, ni que celles qui
doivent appartenir au Marsyas prennent le chemin du Méandre. Si elles sont pour
l'un et pour l'autre, elles se partagent entre eux (42).
C'est une montagne qui est le Dieu des habitants de la Cappadoce. C'est par elle
qu'ils jurent. C'est elle qui leur représente la Divinité. Chez les peuples
qui habitent les rivages du Palus-Méotide, c'est le Palus-Méotide lui-même.
Chez les Massagètes, c'est le Tanaïs. |
Κελτοὶ σέβουσιν μὲν Δία, ἄγαλμα δὲ
Διὸς Κελτικὸν ὑψηλὴ δρῦς. Παίονες σέβουσιν μὲν Ἥλιον, ἄγαλμα δὲ
Ἡλίου Παιονικὸν δίσκος βραχὺς ὑπὲρ μακροῦ ξύλου. Ἀράβιοι σέβουσι
μέν, ὅντινα δέ, οὐκ οἶδα· τὸ δὲ ἄγαλμα εἶδον, λίθος ἦν τετράγωνος.
Παφίοις ἡ μὲν Ἀφροδίτη τὰς τιμὰς ἔχει· τὸ δὲ ἄγαλμα οὐκ ἂν εἰκάσαις
ἄλλῳ τῳ ἢ πυραμίδι λευκῇ, ἡ δὲ ὕλη ἀγνοεῖται. Λυκίοις ὁ Ὄλυμπος πῦρ
ἐκδιδοῖ, οὐχ ὅμοιον τῷ Αἰτναίῳ, ἀλλ´ εἰρηνικὸν καὶ σύμμετρον· καὶ
ἐστὶν αὐτοῖς τὸ πῦρ τοῦτο καὶ ἱερὸν καὶ ἄγαλμα. Φρύγες οἱ περὶ
Κελαινὰς νεμόμενοι τιμῶσιν ποταμοὺς δύο, Μαρσύαν καὶ Μαίανδρον·
εἶδον τοὺς ποταμούς· ἀφίησιν αὐτοὺς πηγὴ μία, ἣ προελθοῦσα ἐπὶ τὸ
ὄρος ἀφανίζεται κατὰ νώτου τῆς πόλεως, καὖθις ἐκδιδοῖ ἐκ τοῦ ἄστεος,
διελοῦσα τοῖς ποταμοῖς καὶ τὸ ὕδωρ καὶ τὰ ὀνόματα· ὁ μὲν ἐπὶ Λυδίας
ῥεῖ, ὁ Μαίανδρος· ὁ δὲ αὐτοῦ περὶ τὰ πεδία ἀναλίσκεται. Θύουσιν
Φρύγες τοῖς ποταμοῖς, οἱ μὲν ἀμφοτέροις, οἱ δὲ τῷ Μαιάνδρῳ, οἱ δὲ τῷ
Μαρσύᾳ· καὶ ἐμβάλλουσιν τὰ μηρία εἰς τὰς πηγάς, ἐπιφημίσαντες
τοὔνομα τοῦ ποταμοῦ, ὁποτέρῳ ἔθυσαν· ἀπενεχθέντα δὲ ἐπὶ τὸ ὄρος, καὶ
ὑποδύντα ὄρος σὺν τῷ ὕδατι, οὔτ´ ἂν ἐπὶ τὸν Μαρσύαν ἐκδοθείη τὰ τοῦ
Μαιάνδρου, οὔτ´ ἐπὶ τὸν Μαίανδρον τὰ τοῦ Μαρσύου· εἰ δὲ ἀμφοῖν
εἴη, διαιροῦνται τὸ δῶρον. Ὄρος Καππαδόκαις καὶ θεὸς καὶ ὅρκος καὶ
ἄγαλμα, Μαιώταις λίμνη, Τάναϊς Μασσαγέταις. |
IX.
O quelles différences, quelle variété dans les images des Dieux, dans les
signes qui les représentent ! Tantôt c'est la main des arts qui les a
élaborés. Tantôt ce sont les services du besoin qui ont déterminé les
hommages. Les uns se sont conciliés le respect des mortels par le bien réel
qu'ils leur faisaient, les autres par des impressions imposantes. Ici le culte a
été commandé par l'énormité des formes; là, il a été. l'ouvrage de leur
régularité, de la beauté de leur coup d'œil. D'ailleurs il n'est aucun
peuple, ni Grec, ni Barbare (43), ni placé sur les
bords de la mer, ni reculé dans l'intérieur des terres, ni nomade, ni
civilisé, qui n'ait senti le besoin d'avoir sous les yeux des symboles
quelconques propres à rappeler l'idée des hommages que l'on doit aux Dieux. A
quoi bon mettre donc en question s'il faut représenter les Dieux sous des
emblèmes sensibles ? Si nous avions à. donner des lois à des hommes qui nous
fussent totalement étrangers, qui vécussent dans une autre atmosphère que la
nôtre; qui fussent récemment sortis du sein de la terre (44),
ou pétris par un nouveau Prométhée, sans aucune expérience de notre manière
de vivre, de nos habitudes, de notre langage, peut-être aurions-nous besoin de
nous livrer à cette recherche, et d'examiner s'il conviendrait de permettre à
une semblable génération de prendre pour symboles de la Divinité ceux que la
nature présente, et d'adorer non de l'ivoire, ni de l'or, ni des chênes, ni
des cèdres, ni des fleuves, ni des oiseaux, mais le soleil à son lever, la
lune dans son plein, le firmament dans sa variété brillante, ou même la
terre, l'air, ou le feu universel, ou les eaux en masse. Aimerions-nous mieux
les réduire à la nécessité d'adorer du bois, de la pierre, de la toile ?
Mais si telle est la condition commune de tous les peuples, laissons les choses
comme elles sont; respectons les opinions reçues sur le compte des Dieux, et
conservons leurs symboles ainsi que leurs noms. |
Ὢ πολλῶν καὶ παντοδαπῶν ἀγαλμάτων· ὧν
τὰ μὲν ὑπὸ τέχνης ἐγένετο, τὰ δὲ διὰ χρείαν ἠγαπήθη, τὰ δὲ δι´
ὠφέλειαν ἐτιμήθη, τὰ δὲ δι´ ἔκπληξιν ἐθαυμάσθη, τὰ δὲ διὰ μέγεθος
ἐθειάσθη, τὰ δὲ διὰ κάλλος ἐπῃνέθη. Πλὴν οὐδὲν γένος, οὐ βάρβαρον,
οὐχ Ἑλληνικόν, οὐ θαλάττιον, οὐκ ἠπειρωτικόν, οὐ νομαδικόν, οὐκ
ἀστυπολοῦν, ἀνέχεται τὸ μὴ καταστήσασθαι σύμβολα ἄττα τῆς τῶν
θεῶν τιμῆς. Πῶς ἂν οὖν τις διαιτήσαι τὸν λόγον, εἴτε χρὴ
ποιεῖσθαι ἀγάλματα θεῶν, εἴτε μή; Εἰ μὲν γὰρ ἄλλοις τισὶν
νομοθετοῦμεν ὑπερορίοις ἀνθρώποις ἔξω τοῦ καθ´ ἡμᾶς αἰθέρος, ἄρτι ἐκ
γῆς ἀναφυομένοις, ἢ ὑπό τινος προμηθείας πλαττομένοις, ἀπείροις βίου
καὶ νόμου καὶ λόγου, δέοι ἂν ἴσως τοῦ σκέμματος· πότερα ἐατέον τουτὶ
τὸ γένος, ἐπεὶ τῶν αὐτοφυῶν τούτων ἀγαλμάτων προσκυνεῖν αἱροῦνται,
οὐκ ἐλέφαντα, οὐδὲ χρυσόν, οὐδὲ δρῦν, οὐδὲ κέδρον, οὐδὲ ποταμόν,
οὐδὲ ὄρνιθα, ἀλλὰ τὸν ἥλιον ἀνίσχοντα, καὶ τὴν σελήνην λάμπουσαν,
καὶ τὸν οὐρανὸν πεποικιλμένον, καὶ γῆν αὐτήν, καὶ ἀέρα αὐτόν, καὶ
πῦρ πᾶν, καὶ ὕδωρ πᾶν· 〈ἢ〉 καὶ τούτους καθείρξομεν εἰς ἀνάγκην τιμῆς
ξύλων ἢ λίθων ἢ τύπων; εἰ δέ ἐστιν οὗτος ἱκανὸς ὁ πάντων νόμος, τὰ
κείμενα ἐῶμεν, τὰς φήμας τῶν θεῶν ἀποδεχόμενοι, καὶ φυλάττοντες
αὐτῶν τὰ σύμβολα, ὥσπερ καὶ τὰ ὀνόματα. |
X.
Car il est un DIEU, père et créateur de tout ce qui existe, plus ancien que le
soleil, plus ancien que le firmament, antérieur aux temps, aux âges, et à
toutes les générations qui en ont émané; législateur supérieur à toutes
les lois, dont le langage des mortels ne peut pas plus énoncer le nom, que
leurs yeux n'en peuvent contempler l'essence. Dans l'impuissance où nous sommes
de nous faire une idée de sa nature, nous cherchons un appui dans les mots,
dans les dénominations, dans les animaux, dans les images d'or, d'argent et
d'ivoire, dans les plantes, dans les fleuves, dans les hauteurs des montagnes,
dans les fontaines. Nous sommes avides de le connaître, mais la faiblesse de
notre intelligence nous réduit à nous le représenter sous l'emblème du beau
à nos veux (45). Il en est comme de ce qu'on
éprouve en amour. Ce qu'on voit avec le plus de plaisir est le portrait de
l'objet qu'on aime. On se plaît encore à fixer ses regards sur la lyre dont il
tirait de si agréables sons, sur la lance dont il s'armait avec tant de grâce,
sur le siège où il venait se reposer, sur le lieu où il jouissait de la
promenade; en un mot, sur tout ce qui peut en rappeler le souvenir. Que
servirait donc d'aller plus avant et de nous ériger eu législateurs sur cette
matière? Il suffit que l'entendement humain ait l'idée de DIEU. D'ailleurs, que
le ciseau de Phidias soit employé chez les Grecs pour en retracer la mémoire,
qu'en Égypte le culte qu'on rend aux animaux soit chargé de la même fonction,
que chez certains peuples on adore un fleuve, chez d'autres le feu, qu'importe
la différence ? Elle ne me choque pas. C'est assez pour moi que les nations
sachent qu'il est des Dieux. Il suffit qu'elles les honorent. Il suffit qu'elles
en conservent le souvenir.
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Ὁ μὲν γὰρ θεός, ὁ τῶν ὄντων πατὴρ καὶ
δημιουργός, ὁ πρεσβύτερος μὲν ἡλίου, πρεσβύτερος δὲ οὐρανοῦ,
κρείττων δὲ χρόνου καὶ αἰῶνος καὶ πάσης ῥεούσης φύσεως, ἀνώνυμος
νομοθέτῃ, καὶ ἄρρητος φωνῇ, καὶ ἀόρατος ὀφθαλμοῖς· οὐκ ἔχοντες δὲ
αὐτοῦ λαβεῖν τὴν οὐσίαν, ἐπερειδόμεθα φωναῖς, καὶ ὀνόμασιν, καὶ
ζῴοις, καὶ τύποις χρυσοῦ καὶ ἐλέφαντος καὶ ἀργύρου, καὶ φυτοῖς, καὶ
ποταμοῖς, καὶ κορυφαῖς, καὶ νάμασιν· ἐπιθυμοῦντες μὲν αὐτοῦ τῆς
νοήσεως, ὑπὸ δὲ ἀσθενείας τὰ παρ´ ἡμῶν καλὰ τῇ ἐκείνου φύσει
ἐπονομάζοντες· αὐτὸ ἐκεῖνο τὸ τῶν ἐρώντων πάθος, οἷς ἥδιστον εἰς μὲν
θέαμα οἱ τῶν παιδικῶν τύποι, ἡδὺ δὲ εἰς ἀνάμνησιν καὶ λύρα, καὶ
ἀκόντιον, καὶ θῶκος που, καὶ δρόμος, καὶ πᾶν ἁπλῶς τὸ ἐπεγεῖρον τὴν
μνήμην τοῦ ἐρωμένου. Τί μοι τὸ λοιπὸν ἐξετάζειν καὶ νομοθετεῖν ὑπὲρ
ἀγαλμάτων; Θεῖον ἴστω πᾶν γένος, ἴστω μόνον. Εἰ δὲ Ἕλληνας μὲν
ἐπεγείρει πρὸς τὴν μνήμην τοῦ θεοῦ ἡ Φειδίου τέχνη, Αἰγυπτίους δὲ ἡ
πρὸς τὰ ζῷα τιμή, καὶ ποταμὸς ἄλλους, καὶ πῦρ ἄλλους, οὐ νεμεσῶ τῆς
διαφωνίας· ἴστωσαν μόνον, ἐράτωσαν μόνον, μνημονευέτωσαν.
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NOTES.
(25) Heinsius a rendu le titre de cette
Dissertation par ces mots, Utrum Diis sint dicandae statuae. Cette
version ne m'a pas paru exacte. D'abord, dans le cours de la Dissertation, on
voit qu'il s'agit pour la plus grande partie de toute autre chose que de
statues. D'un autre côté, le mot grec ἄγαλμα
qu'Heinsius a rendu par statue, n'a ce sens que dans une acception spécifique.
Or, dans ce sens, il en a plusieurs car si l'on peut le prendre pour l'ouvrage
d'un sculpteur, on peut la prendre aussi pour l'ouvrage d'un peintre. C'est dans
ce dernier sens, par exemple, que l'a pris Cicéron, dans son second livre des Lois,
en traduisant un passage du douzième livre des Lois de Platon. Ici donc
ce mot m'a semblé emporter une acception générique, et sous ce rapport, Pacci
m'a paru plus correct qu'Heinsius, lorsqu'il a traduit, Utrum Diis dicanda
sint signa. Signa est générique, Statuae ne l'est pas.
(26) Heinsius a traduit, vestita floribus
prata. Le traducteur Florentin s'est plus rapproché du texte, venationibus
exposita prata. Cette dernière version laisse encore quelque chose à
désirer, parce qu'elle ne rend pas tout le sens de l'épithète, εὔθηροι.
(27) Le texte porte littéralement, autant que la
terre l'est du ciel.
(28) Le grec dit littéralement, dans la
mémoire.
(29) Voilà sans doute une
très longue phrase pour rendre une ligne et demie du texte. J'en conviens. A ce
propos j'observe deux choses. C'est que si, en traduisant du grec, Cicéron
même, dont la langue se prêtait si facilement au laconisme, reconnaît qu'il
étroit souvent obligé d'emplir plusieurs mots latins pour un grec, (equidem
soleo etiam, dit-il, au 3 livre de Finibus, equidem soleo etiam
quod uno graeci, si aliter non possum, idem pluribus verbis exponere), à
plus forte raison cette obligation doit exister dans une langue qui n'a sous ce
rapport aucun des avantages du latin. Je remarque, en second lieu, que les
ellipses étaient pour les écrivains Grecs, sous le rapport du style, et sous
le rapport des pensées, la source la plus féconde des agréments et de la
grâce de leur langue, au lieu que nos langues vulgaires ne comportent point ce
double genre d'abréviation au même degré.
(30) Mécontent du sens dans lequel Heinsius
et Pacci avaient entendu ce passage, j'hésitais à prendre celui que je croyais
devoir préférer, lorsque je me suis avisé de voir si Reiske, au défaut des
autres annotateurs, n'avait fait aucune remarque sur cet endroit. J'ai trouvé
que ce passage avait fixé son attention, et qu'il l'avait entendu comme je
pensais devoir l'entendre. Sur la foi de cet habile critique, j'ai eu bientôt
pris mort parti. En effet, Maxime de Tyr venait de dire que ce n'était pas sans
raison qu'on avait représenté les Dieux sous la figure de l'homme. Cette
raison, il la donne dans le passage en question. Si je ne me trompe, le sens
dans lequel j'ai traduit, rend cette raison sensible. Qu'on voie dans les
versions latines, ou dans celle de Formey, s'il en est ainsi.
(31) Le grec porte littéralement, par
sa chevelure. Markland a remarqué qu'il ne s'agissait ici que des qualités
corporelles, et qu'il fallait lire force, au lieu de cheveux, à moins que force
et cheveux ne soient synonymes, comme dans l'exemple de Samson.
(32) Le
texte porte littéralement, volant par la raison, nageant par l'art.
(33) Le
grec ajoute, et de la barbe. J'ai cru, par égard pour la délicatesse
des lecteurs Français, devoir supprimer ce dernier trait.
(34)
L'épithète grecque parait ici insignifiante, à la prendre clans son sens
propre. Pacci a traduit, placida terra. Heinsius a traduit, terram
mitissimam, et Formey, la terre si bénigne.
(35) Voyez
sur cet endroit une longue note de Markland.
(36) Chaque
année les Égyptiens célébraient une fête funéraire en l'honneur d'Osiris.
Ils poussaient de longs gémissements, ils rasaient leur tête, ils frappaient
leur poitrine, ils déchiraient leurs bras, ils rouvraient les cicatrices de
leurs antérieures lacérations. Après avoir employé quelques jours à ces
momeries, ils faisaient semblant d'avoir retrouvé les morceaux de chair qu'ils
avaient détachés de leur corps en l'écharpant, et alors ils se livraient à
la joie. Voy. Firmicus, De err. prof delig. p. 4. Minucius-Felix., chap.
21; etle savant Selden, De Diis Syriis, Syntagm. II, cap. 2.
(37) J'ai
adopté la correction de Davies. Il a προσεπτύσσοντο,
qui donne un bon sens, au lieu de προσεθύσσοντο,
qui est évidemment une altération.
(38)
Plutarque, au troisième livre de ses Propos de table quest. 5,
remarque que les Dragons étaient consacrés à Bacchus. Quant aux énormes
dimensions de celui dont il est ici question, il est contre toute vraisemblance
qu'elles couvrissent quatre arpents de terre, ainsi que le dit Maxime de Tyr. Il
vaut mieux en croire Élien, au livre XV, chap. 21 de ses Histoires diverses,
qui ne lui donne que soixante-dix coudées de longueur. Voy. Samuel Bochard,
dans sa Hierozologie, part. II, liv. III, chap. 14.
(39) Les
théâtres des anciens n'étaient pas, comme les nôtres, couverts de toitures.
Leur intérieur était aussi dans un autre plan. Ceux qui ont vu les restes des
monuments de ce genre, que le temps n'a point encore dévorés, saisiront
facilement l'idée de notre Auteur.
(40) Chêne,
en grec, est
δρύς. Telle est l'étymologie des
Druides de l'ancienne Celtique. Tel est tout le mystère de leur religion.
(41)
Selon Clément d'Alexandrie, in protrepticis, les Arabes adoraient une
pierre. Arnobe, dans son sixième livre, appelle cette pierre, « une pierre
informe», informem lapidem. Le savant Bochard, dans son Phaleg.
liv. II, chap. 19, a prétendu que le nom de ce Dieu, que les Arabes adoraient
sous la forme d'une pierre carrée, était Dusaris, ou Dousaris.
(42) Quel
malheur que Maxime de Tyr, qui parait avoir été sur les lieux, n'ait pas eu la
curiosité de se rendre témoin de ces merveilles, et de se mettre en état de
nous dire d'elles, comme des deux fleuves qui en étaient le théâtre, je l'ai
vu.
(43) Les
éditions vulgaires portent βαρβαρικόν, correct,
au lieu de βάρβαρον, incorrect, que porte
l'édition de Davies. Ce savant Helléniste a dit à ce sujet, quod eodem
sane redit, « ce qui revient parfaitement au même. » Il s'est trompé.
S'il eût consulté la précieuse collection des mots grecs d'Ammonius, il
aurait vu que ces deux mots ont une acception différente, διαφέρει;
et que le premier se dit de tout ce qui appartient aux Barbares, tandis que le
second ne s'entend que d'un mot qui n'est pas de la langue grecque, autrement
dit d'un barbarisme. Βάρβαρον
μὲν γὰρ ἐστιν ὄνομα τὸ οὐκ ῾Ελληνικὸν,
βαρβαρικὸν δὲ, τὸ τῶν βαρβάρων.
(44) Comme
les soldats de Cadmus. Voyez la Mythologie.
(45) Les
Auteurs des Livres Saints ont-ils jamais parlé de Dieu en termes plus pompeux
et plus magnifiques ? Maxime de Tyr n'en dit-il pas autant dans ce passage, que
Job dans le XIe et le XXVIe chapitre de son livre ?
Paris,
le 28 Germinal an IX. (18 avril 1801.)
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