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table des matières de l'œuvre de damascius

 

DAMASCIUS LE DIADOQUE

 

 

PROBLÈMES ET SOLUTIONS TOUCHANT LES PREMIERS PRINCIPES

§ 31 - § 40

Introduction - § 1 - § 10 - § 11 - § 20 - § 21 - § 30 - § 41 - § 50

Oeuvre numérisée et mise en page par Marc Szwajcer et PhIlippe Remacle

 

§ 31. Mais est-il tout également ? et comment ne le serait-il pas? Car tout est selon l'Un et il n'y a aucune chose qui ne soit selon l'Un, et ce qui est selon l'Un est plus égal que l'égalité même, s'il est possible de s'exprimer ainsi. Les choses qui viennent de lui ont un ordre : l'une est avant l'autre (01), mais là-haut il n'y a pas d'ordre, parce que l'ordre implique la distinction. Il n'y a pas là d'ordre, même selon la cause ; car alors la distinction selon la cause s'y trouverait, et les causes seraient distinctes. Si donc, à moins qu'il n'y ait là-haut ordre et distinction, il ne contient pas l'ordre selon la cause, il contient les choses à un titre plus parfait que selon la cause. Car il est Tout suivant l'Un et l'absolument un, et par conséquent tout au même degré (02).

§ 31 bis. Pourquoi donc y a-t-il des choses qui ont plus d'affinité avec lui, les autres moins, comme nous nous exprimons, par exemple : l'Un en soi, le Tout ensemble, le plus simple, le premier, l'au-delà de Tout, le Bien, et tout ce qui veut être démontré le Principe unique ; car ce sont là les choses qu'un homme possédant la raison peut dire de lui ; car aucun homme, à moins d'être fou, n'oserait dire qu'il est quelqu'une des choses les plus viles, la dernière des choses, ou le causé, ou la matière ou toute autre chose de cette espèce. Le pourquoi, c'est qu'aucun de ces attributs déterminés n'est vrai, ni le premier ni le dernier, ni aucun des termes intermédiaires; mais nous, voyant l'ordre qu'ils ont entre eux, que les uns produisent, les autres sont produits, les uns ordonnent, les autres sont ordonnés, comme nous voulons dire quelque chose concernant ce que nous ne savons pas, nous partons des choses que nous savons, et nous leur donnons les plus nobles par nature de ces attributs connus, les causants au précausant, les premières choses qui ont procédé de lui à ce qui n'a même pas procédé (03), car ce sont celles qui ont le moins procédé.

§ 31 ter (04). Quoi donc ! L'Un a-t-il donc produit ces choses-ci les premières, celles-là les secondes? Mais alors apparaîtra même en lui un ordre. Ou bien produit-il tout à la fois, sans que pour cela toutes les choses procèdent à la fois, l'une se produisant elle-même la première, l'autre la dernière. Et comment les plus parfaites sont-elles séparées de l'Un avant les plus imparfaites ? C'est que si elles sont les premières séparées parce qu'elles ont une plus grande force pour constituer leur hypostase indépendante, elles ne sont pas pour cela plus séparées, et au contraire, elles le sont le moins, par suite de leur propre force (05). Car si elles avaient procédé à cause de leur faiblesse, les premières auraient les premières perdu de l'Un, comme il arrive aux âmes, dont les plus faibles s'éloignent les premières de la raison, les secondes ensuite, et les plus fortes s'en éloignent à peine. Maintenant la procession qui vient des causes s'opère selon la force, et des choses qui procèdent ainsi les unes sont plus indépendantes selon leur hypostase; les autres n'ont pas même la force de se produire complètement elles-mêmes, et leur tout doit son hypostase à une autre chose. Si c'est Celui-là (l'Un) qui les produit, il produira les plus semblables à lui-même, et les plus semblables d'entre elles, avant celles qui lui sont le plus dissemblables, non pas qu'il ait anticipé l'ordre, mais parce que l'ordre, comme tout le reste, vient de lui. Tel il est donc (06). Mais au lieu de lui nous nommons les choses qui lui sont le plus semblables ; les choses produites sont inégales ; mais lui qui les produit est égal vis-à-vis de toutes et encore plus qu'égal, car il est uniquement Un, et comme lui-même, et comme Tout, et comme produisant Tout, car tout ce qu'on pourra dire de lui est selon l'Un.

§ 32. Mais il faut maintenant résoudre la première de toutes les difficultés qui sont posées à l'égard de l'Un : d'où vient qu'il est Tout ? Car il semble qu'il n'est même pas possible que l'Un soit Tout. Quel besoin a-t-il d'être Tout? Car, pour être la cause de tout, il lui suffit d'être Un et seulement Un. En outre, s'il est la cause de tout, il ne saurait être Tout ; enfin, si le Tout est plusieurs, l'Un ne saurait être plusieurs. Ceux qui soutiennent que l'Un est Tout semblent, pour défendre leur thèse, émettre l'opinion qui se présente tout de suite et qui pose l'Un comme une chose parmi toutes les autres. Mais il n'est pas une chose, τΐ, mais l'Un Tout et plus que le Tout, car on dit que le commencement est la moitié du Tout (07) : il est plutôt le Tout, et la vérité est qu'il est plus que le Tout. C'est la thèse philosophique des partisans de Pythagore, car, en réalité, lorsque nous disons le Tout, nous entendons et le principe et ce qui vient du principe. Mais le principe fait équilibre (08) à ce qui vient de lui ; le principe est la moitié du Tout. Mais s'il est plus vrai de dire que le principe est le Tout, ce qui vient de lui est pour ainsi dire une imitation de lui et comme suspendu à lui. Et cela est vrai; et si cela n'est pas vrai, le principe est l'anticipation de ce qui vient de lui ; car les causes qui sont dans le producteur ne sont pas le producteur même, et ce qui produit les causes en soi, sera le principe plutôt que le Tout. Mais si ce que nous disons est vrai, l'Un ne serait pas réellement le Tout, mais le Tout sera après l'Un. Car nous ne déposons en lui pas même les causes de tout ; car il serait par là tout par la totalité des choses, et il ne serait plus vraiment Un, entendu dans la rigueur du terme. Mais n'allons pas le concevoir comme l'infiniment petit, ni comme le plus enveloppant et l'infiniment grand, c'est-à-dire comme le monde, mais comme la plus simple de toutes les choses, et cela non pas selon quelqu'une des choses de ce monde, par exemple, le cercle extrême de la sphère fixe. Concevons-le de telle sorte que les choses, dans leur totalité, aillent se fondre et se confondre dans sa simplicité et ne veuillent plus être toutes. Si nous avons raison de dire cela, nous avons aussi raison de l'appeler lui Tout, car l'unifié de chaque pluralité est un conglomérat, tout entier indistinct, comme la pluralité déjà distinguée (09) ; mais avant tout unifié, il faut, en chaque chose, poser l'Un individuel, et autant de fois l'Un qu'en contient l'unifié ; car ils sont en tel nombre parce que l'Un a procédé en tel nombre. Car l'Un ne s'abaisse pas à l'Un, mais à l'unifié; l'unifié ne s'abaisse pas à l'unifié (10), mais au Tout différencié, partout où nous avons une notion claire du Tout. Mais, de même que dans le centre se ramassent le cercle et toutes les lignes qui partent du centre, de même dans l'unifié se ramasse toute la pluralité de la distinction. Par la même raison dans l'Un se ramène également à la simplicité et le centre lui-même et tout ce qui s'est ramassé dans le centre. Et c'est ainsi que nous nommons le Tout Un et l'Un Tout, et ce dernier encore mieux puisque le Tout n'existe que par l'Un et que le Tout n'est pas absolument Un et que cet Un est absolument le Tout.

§ 33. Ensuite, il convient de rechercher en quoi diffère la notion qui se manifeste tout d'abord de l'Un déterminé, de celle de cet Un dont nous parlons et qui n'a pas de mesure commune avec nos pensées. La notion qui se présente tout de suite à l'esprit est vraie de l'Un qui se présente naturellement à nous ; mais il est évident que cette notion distincte de toutes les autres choses n'est pas adéquate à l'Un indéterminé ; et cependant, si on la supprime, nous n'avons plus aucun autre moyen de connaître l'Un, de sorte qu'en disant Un nous parlons à vide.

Ensuite cet Un que nous connaissons, nous ne concevons rien de plus simple que lui, de sorte qu'il serait le premier principe de Tout. En effet, le Bien semble être l'absolument premier et c'est pour cela que nos idées nous ramènent à l'Un et au Bien, comme à une seule et même chose. Mais comment le Premier peut-il consister dans la distinction et l'opposition? Gomment le Premier est-il espèce? Car (dans cette hypothèse) l'Un et le Bien sont une déterminée des nombreuses espèces. En outre, de même que le mouvement et le repos, la différence et l'identité et toutes les autres notions de cette sorte, qui sont fort nombreuses, ne forment qu'une seule opposition, de même l'Un et les plusieurs ne forment qu'une seule opposition, et dans chacune de ces oppositions, il y a, d'un côté, le plus parfait, de l'autre le plus imparfait comme un, et le plus parfait et le plus imparfait au même rang (11); or les contraires participent l'un de l'autre, comme il est démontré dans le Parménide (12), en sorte que les plusieurs et l'Un sont l'un dans l'autre. Cet Un n'est donc pas principe, puisque les plusieurs sont unifiés à cet Un ; et c'est en tant que les plusieurs sont unifiés, qu'il est Un. Il y a donc en eux un participé et un subsistant par lui-même selon l'hyparxis et antérieur aux plusieurs, par conséquent, au Tout : c'est donc cet Un qui est le principe de Tout (13). Car, si on oppose les plusieurs à cet Un, ce n'est pas parce que ce sont choses du même rang, mais comme on oppose les causés au causant. En outre, si l'Un est le principe qui rassemble le Tout (car c'est le propre de l'Un de faire l'unité, d'être cause du mélange), et si le principe qui fait l'unité de tout et qui les rassemble est antérieur et supérieur aux choses rassemblées et réunies, il est évident que l'Un est le principe de tout, c'est-à-dire qu'il est opposé au Tout, comme le causant aux choses causées, et c'est là ce que nous connaissons comme Un. Mais n'y a-t-il pas encore un autre Un, comme, par exemple, celui qu'on appelle le genre (14)? Sans doute, il faut dire que nous connaissons le genre comme Un, en tant qu'étant une chose déterminée du Tout, τὶ τῶν πάντων comme j'appelle les plusieurs quelque chose de déterminé (15), c'est-à-dire une espèce, comme le bien et le beau. Car la pensée distincte a un objet distinct. Mais l'Un véritable, il ne faut pas le prendre pour le principe qui crée l'unité, mais comme le principe qui crée tout, car il crée la pluralité, il crée le bien, il crée le beau ; il crée le tout, ὅλον, et il n'y a pas une seule chose qu'il ne crée par sa simplicité parfaitement une et propre. Et s'il était ce qui crée l'unité, il ne faudrait pas l'appeler Un, au sens propre, et s'il n'a pas de nom qui lui appartienne en propre, il faut lui donner chacun de ces noms, non seulement principe d'unité, mais aussi de pluralité, ou encore, si vous voulez, Un et plusieurs, ou mieux encore Tout avant les plusieurs et avant le Tout. Quoi donc ? ne rassemble-t-il pas le Tout, et le Socrate du Philèbe (16) ne le pose-t-il pas comme la cause du mélange ? Sans doute, mais c'est comme projetant exclusivement selon l'Un ce caractère propre, à savoir de créer l'unité et de réunir les choses; car ces choses (17) avaient besoin de lui, puisque la limite est une, l'illimité est un, le mixte des deux, un également. Et nécessairement il est la cause non pas seulement du mélange, comme semble le dire Platon, mais encore des éléments (du mélange). Que Socrate ne porte pas sa pensée sur cet Un, mais sur quelque chose de saint et d'ineffable, il le montre, en le laissant de côté comme étant absolument caché et en exposant les trois monades de l'Un (18), qui sont comme dans le vestibule de l'Un et qui servent à nous le faire connaître. Et cependant il lui était bien facile de concevoir cet Un spécifié, de se représenter à l'esprit ce principe qui rassemble les choses et crée l'unité des plusieurs, et beaucoup plus facilement que la vérité, la beauté et la proportion. En outre, la limite et l'illimité ne sont pas les seuls éléments : il y a encore l'un et le deux; mais même s'ils étaient les seuls éléments, l'Un y serait compris comme élément. D'ailleurs, quel était l'objet de la discussion? Les éléments, les autres et l'Un avaient été posés a priori, et l'on recherchait comment de ces éléments est devenu le mixte. Le mixte formé de tout est donc les éléments réunis ensemble et leur composition : il fallait donc une cause qui fût tout, afin que le Tout Un fût fait de tout, comme celle-ci est avant tout. Mais comment auraient-ils participé à cette cause, si les éléments coopérants n'étaient pas en rapport proportionné et sympathique les uns avec les autres et éclairés par la même lumière de la vérité? Car ce sont des traces, et comme des causes prodromes du général, mais non de tout. En outre, la cause du mixte est la cause du tout et non pas seulement du mélange, ce qui semble être le fait de Faction de l'Un qui est seulement Un. Ou plutôt, il n'y a ni mélange ni ramassement de l'Un, mais l'Un de l'Un seul, et c'est lui qui est la cause du mélange, du ramassement, de l'union et de la distinction. Car le mélange, le ramassement, la communauté comprend toujours les deux choses, et tout ce qui existe de tel, qui est quelque chose à la fois l'une et l'autre, n'est ni uniquement union, ni uniquement distinction (19) ; car celle-ci est dépourvue d'ordre et celle-là de pluralité. Or l'union veut être un et trace d'un ; c'est pourquoi elle procède de l'Un qui est seulement Un, comme la distinction procède de la pluralité qui est seulement pluralité, et la communauté, ἡ κοινωνία, procède de ce qui est à la fois cause de l'unité et cause de la pluralité, c'est-à-dire leur est antérieur à toutes deux. Si maintenant on veut appeler Un ce principe qui est antérieur à tout, par manque d'un terme propre — car il n'y a pas de terme propre pour le désigner, Celui-là, comme il n'y a en Celui-là rien de particulier et de propre, — néanmoins il différera de l'Un déterminé. Car celui-ci unifie les choses distinctes, sans confondre leur distinction, sans effacer les lignes qui les circonscrivent. C'est pourquoi il est Au delà, comme sont les choses qui demeurent ce qu'elles sont, tout en s'unissant ainsi les unes aux autres ; mais l'Un avant tout, puisqu'il est l'Un avant toute circonscription, communique une union réellement existante, union qui n'enferme pas de distinction relativement aux autres choses, mais qui est comme la racine indistincte de toute hypostase individuelle. Puisqu'il en est ainsi, il est évident que l'Un connu est l'Un déterminé et spécifié, et cela est évident parce qu'on conçoit l'Un par la conception d'un certain Un des plusieurs, comme on conçoit les plusieurs, le bien, le beau. Que le principe qui rassemble Tout n'est pas l'Un spécifié ni en général déterminé, cela est évident, parce que celui-ci est un certain Un des choses rassemblées, afin que le Tout soit à la fois unifié et distingué. Or, l'un déterminé subit une certaine influence (20) des plusieurs, soit que ces plusieurs soient le substrat de sa propriété particulière, selon sa constitution qui est d'être composé des plusieurs, soit que les plusieurs soient des contraires, puisque même le repos est mû et que le mouvement se repose, tandis que Lui, il est absolument simple. C'est pourquoi il ne convient pas de l'appeler même Un, parce que l'Un que nous concevons, nous le concevons et être et être mû et être en repos, et différent et identique parce qu'il est formé de plusieurs par participation et qu'il est Un selon l'hyparxis de sa propriété particulière. La première de toutes les difficultés soulevées était donc vraie, à savoir que nous n'avons pas de Lui une notion complète et une. C'est pourquoi il ne faut pas l'appeler Un, à moins qu'il ne faille l'appeler également aussi Tout ; ce que Socrate nous a indiqué par les trois monades placées dans son vestibule et qui se montrent les premières : la Vérité, la Beauté, la Proportion, celle-ci communiquant l'ordre au Tout, la Beauté produisant le mélange sympathique des choses les unes avec les autres, la Vérité leur donnant leur hyparxis réelle. Or, c'est à Lui qu'appartient tout cela à la fois, d'une manière ineffable (21).

§ 34. La suite des idées nous amène maintenant à rechercher (22) si quelque chose procède de Lui dans les choses qui viennent après lui et, qu'est-ce qui en procède, ou au contraire s'il ne leur donne rien? Car on pourrait soutenir l'un et l'autre avec vraisemblance. Car s'il ne donne rien aux choses qui sont produites de lui, comment les produit-il sans qu'elles aient aucun rapport avec lui, sans qu'elles jouissent de rien de sa nature à lui? Comment peut-il être, par sa propre nature, leur causant, s'il ne leur communique rien de cette nature? Comment se retournent-elles vers lui, comment le désirent-elles, si elles ne peuvent participer de lui, s'il est de toute façon imparticipable? Comment les choses qui procèdent sauveraient-elles leur être, si elles n'étaient pas enracinées dans leur cause? Socrate, dans la République) n'a-t-il donc pas raison quand il dit que c'est la lumière de lui, la lumière qui procède de lui, qui lie ensemble l'intelligible et l'intellectuel (23)? Il a donc, lui aussi, connu ce qui procède de Lui et est participé. Si la matière est la dernière trace qui en émane, il est certain que les choses qui sont avant la matière ont aussi des participations de lui, de toute espèce, spécifiées dans chacune, selon la mesure de l'hypostase de chacune, et même si on les examine toutes, il apparaîtra en toutes; car chaque chose, soit individuelle, soit universelle, soit mortelle ou éternelle, soit solide, soit spécifiée, est non seulement plusieurs, mais encore Un avant d'être plusieurs; leur élément indivisible est antérieur à leur division, leur élément unifié avant le distingué. Ce qu'est le tout de chacune, c'est le coagrégat de Tout avant Tout, ce que nous disons unifié, et que nous nommons aussi être; et avant l'unifié, évidemment, est l'Un tout de chaque chose individuelle subsistant selon l'Un, comme leur être tout, subsiste selon l'unifié, puisque tout implique une détermination selon le distingué. Il y a donc, dans toute chose individuelle, un analogue de l'Un qui est avant Tout, et c'est là ce qui est la procession de Lui en tout, c'est-à-dire l'hypostase complète et parfaite préexistante en chaque chose individuelle selon l'Un, ou plutôt la racine de chaque hypostase (24).

Mais maintenant, s'il procédait (25), on pourra demander quel sera le mode de sa procession, car quel sera pour lui le causant de la distinction? En effet, toute procession implique distinction, et toute distinction a pour causant la pluralité; car le discriminatif crée toujours la pluralité. Or, cet Un absolu est antérieur à la pluralité ; en effet, s'il est antérieur à l'Un qui n'est que Un, à plus forte raison il est antérieur à la pluralité. Donc sa nature est absolument indistincte et partant improcessible. Donc tout procède de Lui dans une autre nature : I produit et il ne procède en rien (26); il ne communique à aucune chose aucune chose de lui-même. Car nécessairement ce qui reçoit est abaissé au-dessous de ce qui donne ; il n'est pas celui-là même, mais semblable à lui; il n'est pas lui purement, mais en chaque chose une certaine mesure de lui. Or l'abaissement, et les mesures de cet abaissement, et tous les accidents semblables sont perçus dans une certaine pluralité, impliquent détermination, ont lieu selon un écoulement, un changement du même, quand bien même il ne s'introduirait pas quelque différence ; mais Lui, sa nature est antérieure à toute manifestation plurifiée, peu importe comment elle soit plurifiée. Car c'est après que les plusieurs ont commencé qu'alors aussi apparaît la procession soit homogène, soit anhomogène (27). Donc Lui, il est absolument improcessible : il ne projette même pas de lui-même une illumination (28) dans aucune des choses du Tout. Car l'illumination se distingue de l'illuminant. En outre, l'Être même, que nous posons absolument unifié, l'être lui-même ne saurait procéder. Car lui aussi, antérieur à la discrimination substantielle, est en repos et comme figé dans sa nature (29) et Socrate (30) ne veut pas qu'il soit mû. Car l'être parfaitement unifié et qui n'est sujet à aucune distinction est en repos ; donc il ne se distinguera pas lui-même dans la procession des plusieurs, ni de ceux qui sont avant lui, à savoir des êtres, ni de ceux qui sont après lui. Car quelle action pourrait exercer le second sur le premier, le causé sur le causant? Donc l'Être lui-même ne procède pas dans les plusieurs ni par abaissement, ni par division, ni par quelque autre mode de procession :

Car tu n'empêcheras pas, en le coupant, l'Être d'être rattaché à l'Être (31),

dit Parménide ; c'est pourquoi Socrate a appelé l'Être, Un. On pourrait donc dire qu'il ne procède pas, puisqu'il ne peut même pas être coupé; à plus forte raison, l'Un. En outre, donc, les mesures et les traces de l'Un qui deviennent dans la procession et dans les choses individuelles, et sont avant les autres traces qui surviennent selon d'autres processions et émanent d'autres processions, ou sont complètement unifiées les unes avec les autres, de manière à ce que l'Un ne soit pas comme coupé et séparé de l'Un, et ainsi il sera tout Un, et rien autre chose que cela même, l'Un; ou bien elles sont en quelque manière distinguées [les unes des autres], soit automatiquement et sans aucun causant déterminé, ce qui est absurde, soit par un causant, ce qui ne l'est pas moins, que ce causant soit la pluralité après l'Un, et alors il n'y aura pas de procession véritable de l'Un, mais de la pluralité, ou qu'il soit l'Un, et alors comment l'Un pourra-t-il créer la division (32), — ou qu'il soit quelque chose avant l'Un, comme ce que nous estimons être ce qu'on appelle le Tout Un avant Tout, qui n'est aucune chose déterminée et particulière du Tout, mais Tout avant tout, et dont nous recherchons la procession. Or, Lui n'est ni discriminant ni discriminé, car il n'est ni plusieurs, ni générateur des plusieurs, ni même un, ni générateur de l'Un, de sorte que sa nature à lui ne procède pas, ne demeure pas, ne se retourne pas, parce qu'elle est Tout, par le fait qu'elle est au-dessus de Tout. De plus, si elle procède, et s'il y a en chaque chose individuelle soit des êtres, soit du devenir, quelque (33) mesure d'elle, il est évident qu'elle donne à chacune ce qui entre en elle : or, si elle ne donne rien aux choses périssables et mortelles, comment peut-elle être dite cause de ces choses, et si elle leur donne quelque chose, ce n'est pas la même chose que ce qu'elle donne aux choses perpétuelles et éternelles ; ce qu'elle leur donne donc sera périssable et mortel. Or, qu'est-ce que serait la destruction de l'Un  (34), et encore plus celle de Rien qui ne peut pas même être indestructible ; car toute la multitude des choses éternelles et l'éternité elle-même vient de lui (35). C'est pour cela que même sur l'Être premier la même difficulté nous attend ; car il existe avant l'éternité et par conséquent aussi avant l'éternel ; donc, à plus forte raison, avant ce qui, sous une autre forme, dure toujours (36). Donc il est aussi éloigné du périssable que possible. Donc l'un, dans chacune des choses périssables, étant l'écho de cet Un là, ne saurait être périssable ; mais il se comporte comme la matière (car il est en deçà des autres et pour eux comme une sorte de matière) ; car il est quelque part (37) , comme étant dans la matière même ; mais il est l'être avant d'être matière, et il est en puissance l'un et l'autre, impérissable et périssable, et n'est en acte ni l'un ni l'autre. Mais ce n'est pas de cet un, qui est tombé dans l'en deçà, que nous traitons, mais de celui qui est antérieur à la matière, du tout en puissance qui est coexistant aux espèces mêmes. Car il est évident qu'avant les choses du dernier degré, celles qui sont intermédiaires participent du Principe Suprême du Tout. Ainsi donc elles sont impérissables, et selon leurs différents sujets différentes des pléromes périssables, et malgré leurs changements sont constituées dans les immuables (38) ; mais en tant que l'on admet cela, il n'y a plus de participation propre pour chaque chose individuelle, par exemple, pour cette plume qui écrit ces mots et ce papier où ces mots sont tracés, une participation particulière et propre ; mais elles possèdent un certain bien propre, quoiqu'elles aient procédé non différentes du Principe. Ensuite, le périssable même, en tant que périssable, participe-t-il ou non de cet Un? S'il n'en participe pas, cet Un n'en saurait être le causant ; s'il en participe, ce qui lui est communiqué sera périssable (39). On pourrait appliquer le même raisonnement à l'impérissable. Mais peut-être n'y a-t-il participation que de choses éternelles, par exemple de celles qui constituent un Tout complet. Mais d'abord, comme il a été dit, l'éternel n'est pas une propriété de Lui ; ensuite comment concevoir cette répartition entre les choses, dont quelques-unes participeront de lui (40), les autres, non, et cela quand il est au-dessus de Tout périssable et de Tout impérissable.

Sans doute donc tout participe de lui ; il n'y a qu'une seule et même participation pour toutes les choses, présente tout entière et indivisible en toutes, comme la lumière du soleil est présente à toutes, la même, sauf qu'elle n'y est pas tout entière, parce qu'elle est divisible et en quelque sorte corporelle, tandis que Lui, étant au-dessus même de l'indivisible et au-dessus du Tout, est à juste titre participé le même par toute chose, la distinction étant en bas, dans les choses participantes, et non dans le participé. Car c'est ainsi que Plotin (41) juge bon de concevoir l'Être, partout présent tout entier et le même et universellement en toutes choses et en chacune des plusieurs. Mais s'il n'y a pour toutes choses, qu'une seule et même et indivisible participation, la participation à l'Être et à l'Un, — car c'est là le mode de participation semblable pour les deux, — cependant c'est une participation qui procède de l'hyparxis et s'en distingue. Quel est donc le principe qui distingue le second du premier? Car il ne sert à rien de distinguer l'Un de l'Un et de faire successivement toutes les distinctions de cette nature; car cette nature dédaigne (42) toute distinction. Mais peut-être la participation de Lui ne diffère pas de son hyparxis. Car il ne donne de lui-même aux choses qui participent de Lui, rien d'autre que ce qu'il est lui-même, et ceci convient à la matière et, pour le dire en général, aux éléments; car eux aussi se donnent à ce qui est formé d'eux-mêmes et deviennent pour ainsi dire la matière (43) de l'élémenté. Si l'on écarte cette manière de voir, parce que la matière n'a absolument rien après elle à qui elle puisse donner quelque chose (44), du moins elle se donne elle-même au monde. Mais la matière fait cela dans le sens de l'imperfection, tandis que Lui, assurément, c'est dans le sens de la perfection qu'il se donne à tous et à chacun, non pas comme matière, — car il ne se donne même pas comme espèce — mais comme la première participation de la cause première, ce qui est la même chose que de dire : comme l'hyparxis existant dans les choses participantes, qui ne veut pas être séparée d'elles, quoique celles-ci procèdent d'elle, en tant qu'elles participent à la pluralité. De sorte que la procession n'est pas engendrée d'elle (45), mais de la pluralité, et de l'autre (46) est engendré Tout-un et aussi Tout-être. C'est, pour ainsi dire, la racine seule avant la pousse des branches et de la tige même, qui est déjà l'arbre tout entier, ou comme le centre dans lequel coexistent ensemble toutes les extrémités de la multitude des droites (47); elle est le tout selon l'Un avant la séparation de toutes les droites : la séparation est postérieure au centre et le centre n'est pas la cause de cette séparation, la cause est l'écoulement du continu dirigé sur un point unique (48). Car même dans cet ordre de choses, la cause productrice de la pluralité gouverne les processions : la cause substantielle, la procession substantielle; la cause uniée, la procession uniée (49). Mais ce sont là des choses dont la sublimité supérieure (50) à la nature ne concorde pas avec nos autres conceptions, ni avec celles qui font procéder tout de l'Un, ni avec celles qui supposent que, dans tout causé, il y a toujours quelque trace du causant, présente non pas seulement extérieurement, mais persistant après lui et consubstantialisée avec lui. Car si la lumière du soleil se prête en commun à la participation, il y a cependant dans les yeux une certaine lumière solaire déjà appropriée, qui n'est pas commune, mais particulière et à laquelle nous unissons la lumière commune. Est-ce que Platon ne dit pas aussi que l'âme possède une certaine lueur qu'il faut unir, par un certain mouvement d'expansion, à la lumière de la vérité? Eh! bien, de ce principe un de toutes choses émane une certaine participation commune que nous appelons vérité, et dont l'analogue est non pas le soleil, mais la lumière du soleil. Il est probable que Platon a gardé sous silence la recherche exacte de cette question, par égard pour le grand nombre, et qu'en posant dans le même sujet la cause qui engendre la pluralité, il a eu l'occasion, le prétexte de séparer les plusieurs de l'Un (51). Mais l'objet de notre discussion actuelle considère à part, si cela est permis, le principe un, qu'il n'a pas même non plus nommé, et à part également la cause de la pluralité. C'est volontairement que Platon a omis cette espèce de distinction; et la preuve, c'est qu'il n'a pas même mis la cause qui engendre la pluralité avant le mixte, bien qu'il ait admis la pluralité des éléments du mixte et qu'il ait posé trois principes au lieu d'un seul, et peut-être n'a-t-il pas même exposé, dans ces trois, le principe unique dont nous parlons, mais celui qui est postérieur aux deux principes, et selon lequel devient le mixte. Car celui-ci aussi est un, c'est de lui que les trois monades sont la division et non pas du principe réellement premier.

§35. Nous reviendrons encore une fois sur ce sujet, s'il est nécessaire. Nos conceptions, à nous, ne distinguent pas exactement l'organisation des premiers principes (52), et par suite supposent à l'union et à la distinction absolument la même cause (53) ; elles ne savent pas que la cause qui distingue est autre que celle qui maintient les choses dans l'indistinc-tion, que c'est elle qui la première, se distinguant elle-même de l'Un, devient ensuite la cause de cette distinction dans les autres choses. Mais l'Un est la cause de Tout et il fait tout un ; ou plutôt il ne fait pas ; car il n'agit pas : car l'acte se distingue en quelque manière de l'agent ; il n'a pas non plus de puissance : car la puissance, comme on dit, est le prolongement de la substance et l'Un ne veut pas être même substance. La substance qui est selon le mélange, je parle de la substance uniée et selon l'unie (54), est au troisième degré de lui. Mais nous reviendrons plus tard sur ce sujet. Ce que je veux dire maintenant, c'est que le principe unique et suprême est si loin de séparer que même il n'unifie pas. Car il ne produit et ne fait rien. Car c'est une certaine chose déterminée, ἕν τι, d'unir aussi bien que de distinguer. Mais il fait chaque chose individuelle Un-Tout, ἕv πάντα (55) ; mais il ne fait pas l'individualité de chaque chose, qui a pour cause la cause plurifiante et discriminative, il fait ce qui est plus noble que l'individu, il fait Tout-Un, pour parler ainsi ; car en réalité il ne fait pas Tout ; car Tout consiste dans la distinction, partout du moins où Tout est un tout, ὅλον. Or, l'Un Tout selon l'Un est au-dessus de Tout, en tant que Tout-Un (56). Mais si celui-ci est second après l'autre, en quoi diffère le causé du causant ? Car sans doute cet un commun à tout et participable par tout procède de la cause discriminative; car il est multiple, puisque toute chose commune est multiple selon sa nature, sinon aussi selon le nombre. Donc sans doute, c'est la cause même de la discrimination, quelle qu'elle soit, qui s'est produite elle-même d'abord, en se séparant de cette cause supérieure, universelle, indistincte, invisible ; puis elle a transporté aux autres choses l'élément commun, comme indistinct, après la première distinction. Mais c'est celui-ci même au sujet duquel il faut se demander dans quel rapport il est à la cause première. Car posons qu'il se distingue lui-même de l'Un ; cependant l'Un ne sera pas par là cause de quoi que ce soit, car il ne sera pas cause même de ce qui subsiste après lui-même et avant les autres. Mais admettons toutefois cela : dans quel rapport sera-t-il à l'Un? Participe-t-il de lui en quelque chose ou en rien? Dans ce dernier cas, il sera complètement séparé de lui, et il y aura deux principes, ou plutôt, un seul, le principe discriminatif de Tout et le principe antérieur à celui-ci sera séparé de tout. S'il en participe, il lui viendra quelque chose de celui-là et quel sera le principe discriminatif? Sans doute le deuxième principe, de même qu'il s'est séparé lui-même du participé, en sépare et en distingue aussi la participation propre. Mais par là nous prendrons comme accordé ce qui précisément est en question, à savoir que la nature de l'Un, qui appartient à l'Un et est un, reçoit quelque distinction et ne demeure plus absolument un, puisqu'elle subit quelque modification du deuxième dans lequel elle a procédé. Car en devenant un dans le multiple, elle a subi le multiple et a en quelque sorte permuté avec ce qui la doit recevoir et ainsi, le deuxième principe étant participant, la série des choses qui viennent après lui, de lui et par lui, participeront de la même manière de la cause suprême.

§ 36 bis. Mais si l'Un ne donne pas, comment le deuxième et le troisième reçoivent-ils (57) ? Comment, si l'Un ne produit aucune chose du Tout, est-il causant de Tout ? C'est que, de même qu'il appartient à le être de produire sans aucune action (58), de même il appartient à le Un de produire les choses qui sont produites. Car le être, c'est agir l'acte de la substance (59). C'est pourquoi le agir a lieu par le Un (60). Mais produire est acte, de sorte que l'Un qui n'est que Un a pour nature cela même, — si l'on peut ainsi parler, à savoir, que les autres se produisent d'eux-mêmes ; car s'ils peuvent se produire eux-mêmes, c'est parce que l'Un est, l'Un qu'ils aspirent, dans lequel ils ont leur racine et par lequel ils auront la puissance de se produire eux-mêmes. Mais nous roulons toujours dans un cercle, nous sommes encore enchaînés dans les mêmes difficultés, si quelque chose vient de Lui dans les autres, si l'individuel est et se produit lui-même par la participation de Lui; car, s'ils ne recevaient rien de lui, qu'auraient-ils besoin de lui pour leur propre existence. En un mot, nous désirons voir ce que nous avons de ce principe commun; — car, s'il est le principe absolument premier, il a quelque trace dernière, telle que nous disons être la matière, qui est tout Un, vide des autres, — et si le dernier et le premier est quelque chose qui n'est rien autre que Un, et celui-ci Tout et avant tout, il est parfaitement certain que cette nature se trouve dans les pléromes intermédiaires.

§ 36. Ces questions étant ainsi proposées, reprenons, dès le commencement, le raisonnement que nous invoquerons à notre secours ici comme un sauveur (61). Cet un là, qui est Tout, et non pas seulement l'Un, qui est le Tout selon la simplicité parfaite, qui est la simplicité même, en qui tout vient se résoudre, qui est avant tout, n'est pas un un créateur de l'unité, car ce qui crée l'unité implique discrimination ; ce n'est pas non plus ce qui crée les plusieurs, par la même raison, ni ce qui crée l'individualité des autres choses ; c'est la cause qui ne crée absolument rien que l'universel, qui crée tout, mais qui ne crée pas à la fois toutes les choses distinctes ni même les choses unifiées; car, des unes et des autres, il n'y a qu'une seule et même cause qui les précède toutes deux. Cette cause ne crée donc pas une certaine chose unifiée ni une certaine chose distinguée ; elle produit tout ce qui a simplement l'existence selon tous les modes de l'existence. Sa nature n'est donc ni distincte de rien ni unie à rien ; elle ne permute avec aucune de toutes les choses ; car elle ne serait plus Tout, mais la chose avec laquelle elle aurait été déterminée et propre à elle (62) ; mais cette nature ne devient jamais propre et particulière ; car elle repousse toute appropriation. Il n'y a donc aucune partie d'elle qui s'en sépare pour former une chose individuelle, ayant ses propriétés particulières ou existant d'une façon quelconque; mais elle est commune à tout, c'est une seule et même participation qui procède de lui en tout. La participation n'est donc pas (63) distinguée de l'hyparxis, et il n'y a encore aucune distinction de rien, ni de cause ni d'hyparxis ni de participation. Rien ne procède donc de lui, car rien ne demeure en lui qui en puisse procéder (64) ; car la persistance, μονή, est toujours antérieure à toute procession, et les différences n'existent pas encore dans cette nature indifférente (65). Mais alors toutes les choses ne participent donc pas d'elle? Si, vraiment. Leur donne-t-elle quelque chose ou rien? Elle leur donne ce qu'il y a de plus noble entre toutes les choses; elle se donne elle-même tout entière selon l'hyparxis ; mais elle ne donne pas une participation venant d'elle-même. Deviendra-t-elle donc appartenant aux choses qui l'ont reçue, et non plus à elle-même? Non, elle n'appartient ni à elle-même, ni à celles qui l'ont reçue ; elle n'est ni élevée au-dessus d'elles, ni coordonnée avec elles, ni selon l'hyparxis, ni selon la participation; car ce sont là des choses qui ont pour condition la détermination ; or, elle est absolument indéterminée, elle n'appartient ni à toutes, ni à aucune en particulier. Car, en réalité, elle n'est ni dans toutes ni antérieure à toutes, car ce sont-là des déterminations. Elle est le simple, l'indéterminé et cela seul, tout un, car nous n'avons aucun moyen de lui donner un nom unique, parce que l'Un est autre chose que le Tout, et le Tout autre chose que l'Un. C'est donc autour de Celui-là et après Celui-là que les autres choses se créent leurs infinies déterminations par les causes infinies sorties de lui (66). Donc, lui-même n'est ni participable, ni imparticipable. Mais sous un autre mode, il est antérieur à ces deux (déterminations) ; il maintient l'existence des autres choses, en réalise l'essence parfaite, produit à la fois toutes choses par son acte un, créateur universel, acte qu'il ne faut pas appeler producteur, ni cause de la perfection, ni d'aucun de pareils termes qui désignent tous une détermination. Mais lui il est la fécondité universelle, et selon une nature une ; Tout est donc suspendu à lui, par là, toutes choses jouissent de lui et sont comme tenues et attachées par lui. Rien donc ne vient de lui qui soit pareil à lui, dans sa vraie nature ? absolument rien ; car il n'est pas en état de se séparer de lui-même par abaissement  (67) ; il n'y a aucune autre chose qui puisse opérer la séparation, et il n'est pas possible que la nature indifférente (68) arrive à une certaine différence par rapport à elle-même, ni que la simplicité parfaite procède dans une sorte de dualité. Comment alors la matière est-elle la limite et la trace dernière de cette nature ? Mais il n'en est pas ainsi ; car cet un là n'est pas déterminé comme un (69)., dans le sens où nous disons que l'est la matière, et il n'y a rien en lui qu'on doive appeler premier, moyen, dernier, — ce sont là des déterminations — ni la distinction de la chose en acte et de la chose en puissance, rien, en un mot, de ce qui caractérise la matière n'existe en lui ; car la matière est un certain des éléments de l'engendré ; elle en est donc distincte. Par conséquent, elle est bien loin de la nature indéterminée ; elle commence à prendre une particularité propre, à peu près là où commence aussi la génération ; elle est loin cependant aussi de ce principe ; elle n'est ni dans les créatures du premier ni dans les intermédiaires, mais dans les dernières, qui ne sont que des échos. Toutes choses sont donc déterminées autour d'elle (70) et la détermination dernière de toutes sépare et distingue, après le Tout (71), le véritable fondement de Tout  Mais nous aurons encore une autre fois à parler de la matière, et nous résoudrons au moment opportun les difficultés qui nous arrêtent. Bornons-nous ici à ajouter que le principe que nous venons de poser, enveloppe le principe qui s'écoule dans la dernière matière, parce que, dans sa nature indifférente, il embrasse et enveloppe la simplicité parfaite (72).

§ 37 (73). Si donc rien ne vient de ce principe, comment est-il cause de tout? Si on conçoit la cause comme déterminée et selon la notion déterminée que nous faisons de la cause, il n'est pas cause ; car il n'est pas cause efficiente, puisqu'il y a d'autres choses avant lui, ni cause exemplaire, puisqu'il a lui-même un modèle qui le gouverne, ni, comme on pourrait le penser, cause finale ; car, c'est là une particulière d'entre les causes et qui se distingue des autres; il n'est pas non plus ces trois causes à la fois, comme une cause unique universelle ; car le trois est distinct des plusieurs, qui ne sont pas causes, et en lui il n'y a rien de déterminé : il est avant tout et cause de tout, comme cause des causes, et même pas cela, en tant qu'il serait autre que simplicité parfaitement une; mais de même qu'en partant des choses d'ici-bas, il est un, en ce sens il est cause. Et de quoi est-il cause, si toutefois il est cause? Cause de tout, dirai-je ; il ne faut pas dire qu'il est cause des unes parmi les choses, et non des autres, cause sous un rapport, et non sous un autre, et toutes les autres distinctions que nous opérons après lui. Vient-il donc quelque chose de lui? Sans doute et c'est le Tout, mais qui n'est pas semblable à lui, mais le Tout qui vient après cette nature. La génération qui vient de lui est donc anhomogène, mais avant celle-là est l'homogène en tant que génération des choses qui ont plus d'affinité avec lui, et qui procèdent du tout individuel, mais non de l'une déterminée des causes distinctes contenues en lui, comme l'est la génération anhomogène ; et plutôt encore, la génération la plus commune à tous les dieux (74). Car la génération anhomogène  est n'est pas commune à tous les dieux, si, par exemple, des dieux, les uns sont Vierges et adolescents (75)!. La procession homogène est partout et celui qui n'est pas capable d'opérer cette génération est stérile : ce qui n'est vrai que de la matière, si même cela est vrai d'elle. Si donc la procession anhomogène de tout vient de lui, il est nécessaire que la génération homogène existe antérieurement : or nous avons prouvé que cela était impossible (76). D'abord, il n'est pas permis de distinguer en lui les deux processions; car, puisqu'il est absolument indéterminé, il ne saurait créer de lui-même une génération déterminée, soit homogène, soit réunissant les deux formes à la fois. Il ne peut posséder qu'une génération qui convienne, s'il est permis de le dire, à la génération qui est antérieure aux deux, une génération indéterminée. En second lieu, si l'on voulait se reposer et s'arrêter aux conceptions déterminées, on devrait concevoir l'une et l'autre forme à la fois de génération de tout. Car, comme étant tout, selon l'Un, il produit tout d'une façon homogène, et comme étant antérieur à tout, il produit tout d'une façon anhomogène ; et en même temps, puisqu'il est identique à lui-même, il est tout et avant tout. Donc il opère, en tant qu'identique à lui-même, la même procession, à la fois homogène et anhomogène ; car il est tout et produit tout, et cela d'une façon homogène. En outre, il est antérieur à tout et producteur de tout  (77)... et cela d'une façon anhomogène. Mais, sous un autre point de vue, comme absolument simple, il produit les choses non simples d'une façon absolument anhomogène, et en tant qu'élevé au-dessus même de la simplicité, il produit ces mêmes choses non simples de façon homogène. Mais il produit donc? Oui, car c'est là son acte ; or, avant l'acte, il y a la puissance et avant la puissance, l'hyparxis (78). Mais peut-être n'est-il ni puissance, ni à plus forte raison hyparxis, et encore davantage ni acte (79); car ces choses existent par une détermination et sont distinctes sous un rapport les unes des autres. Donc le subsister, le pouvoir, Vagir ne conviennent pas à l'absolument indéterminé. Ces choses, dans le sens qu'ont pour nous ces mots, ne sont pas des prédicats de lui. Mais, de même que nous lui rapportons cependant l'un, quoiqu'il ne s'ajoute pas à lui, et que nous lions et accouplons toutes choses à l'Un par toutes les raisons que nous avons déjà énumérées plusieurs fois, dans ce sens nous disons qu'il agit, qu'il a une puissance, qu'il est, trois choses qui n'en font qu'une et ne sont pas distinctes les unes des autres. Car il ne crée pas par son être même, comme on pourrait le dire ; c'est là une création distincte des autres et qui leur est opposée ; et ce n'est pas une raison, parce que Celui-là est, pour que les autres, par là même, soient. Car ainsi il ne serait cause de rien, s'il ne les produit pas ; mais c'est par sa simplicité qui porte tout, simplicité antérieure à l'acte, à la puissance, à l'hyparxis, qu'il est cause de tout. Mais enfin est-il cause et est-il distinct des choses causées ? Non : le causant et le causé sont des déterminations qui lui sont postérieures et viennent de la cause discriminative, quelle qu'elle soit. Mais Lui est uniquement Un-Tout  (80) et, s'il est cause, c'est comme le causant en tout, de sorte que tout ce qui vient de lui est causé, en tant que cela (d'être causé) est enveloppé dans le tout. Lui, il subsiste antérieurement, mais ni comme cause, ni comme causé, mais absolument et indistinctement comme Un-Tout de tout. Il est donc par là distingué, en tant que tel, des choses qui ne sont pas telles. Mais si ce qui vient après lui est distinct de lui, la distinction ne vient pas de lui : ce sont les choses procédantes qui se sont elles-mêmes distinguées de Lui, comme celui qui ferme les yeux s'éloigne du soleil qui ne s'éloigne pas de lui. Mais si ce n'est pas lui, quelle est donc la cause de la distinction? Ce n'est pas le Tout qui en est la cause, quoique toutes choses soient distinctes ; ne serait-ce pas quelqu'une des choses qui ont procédé de Celui-là, comme l'expliquera la suite de cette discussion. C'est donc celle-là qui d'abord s'est distinguée elle-même de lui et ensuite a distingué les autres. Posons donc que Celle-là est la première qui soit distinguée par elle-même et se soit distinguée d'elle-même (81), et qui commence son propre acte ; elle est néanmoins distinguée et il est évident que le distingué est distingué du distingué. Mais ce n'est pas là une conséquence nécessaire; car, en fermant les yeux, nous nous écartons du soleil qui ne s'écarte pas de nous. Le soleil a des réfractions, mais le Dieu est partout, tandis que nous, nous sommes isolés et séparés, par suite de l'insuffisance de la vie (82). L'espèce est distinguée de la matière qui n'a pas en soi de détermination distinctive ; car la distinction est une espèce particulière, et l'espèce, dit-on, est différente de la matière qui n'est pourtant pas différente ; car l'image est semblable au modèle, qui n'est pas semblable à sa propre image. Mais a-t-on raison de soutenir cette affirmation ? Car la quantité dont la ressemblance de l'image est inférieure au modèle est la même que celle dont la ressemblance du modèle dépasse l'image (83). La ressemblance des choses du même ordre est égale dans la conversion des rapports : la ressemblance entre une chose supérieure et une inférieure permet, sans doute, la conversion, mais une conversion qui enveloppe l'idée d'une supériorité et d'une infériorité. Si donc l'image ressemble au modèle, mais imparfaitement, mais avec un moins, qu'est-ce qui empêche que le modèle ressemble à l'image, mais avec un plus? Et si, parce que l'image est assimilée au modèle, elle lui est en cela semblable, le modèle qui assimile l'image à lui-même peut être dit lui être semblable. Mais cette discussion rentre dans un autre ordre d'idées.

Néanmoins, on ne doit pas dire que l'espèce est quelque chose de différent de la matière, puisque la matière n'est pas différente, mais seulement qu'elle est non matière; car la différence est dîscriminative de l'identité et l'espèce n'est pas non plus différence. La forme et la matière ne sont jamais identiques. Car la matière ne saurait être identité pas plus que différence, dans les rapports des choses entre elles. Il faut dire que la matière et l'espèce ont été séparées l'une de l'autre ; le séparé est convertible avec le séparé, de sorte que toutes les choses ont été séparées de cette nature Une, qui en a été elle-même séparée. Elle est donc séparée de toutes choses. Comment donc a-t-elle subi cette distinction? Car ce n'est pas par l'une quelconque des choses qui lui sont postérieures, que nous puissions dire être une cause dîscriminative. Comment de ce principe que nous reconnaissons absolument indéterminé, s'est-il distingué quelque chose, dont il a été distingué lui-même? Devons-nous dire que, de  même qu'il ne faut pas appeler différentes deux choses dans lesquelles il n'y a pas une différence commune aux deux, de même il ne faut pas appeler distinctes les unes des autres ou distinguées, celles dans lesquelles il n'y a pas une chose et un nom communs, distinction et détermination (84), puisque la cause distinctive ou discriminative se convertit avec son propre causé, non pas à égalité, mais comme le producteur avec le produit. Car le causé est distingué du causant parce qu'il participe à la cause discriminative et le causant se distingue en quelque manière du causé, parce qu'il le produit de lui-même et le distingue de lui-même. Voilà comment nous concevons la convertibilité dans la ressemblance de l'image et du modèle. Mais ce qui est au-dessus de toute détermination, on n'a pas le droit de le dire, sous aucun rapport et dans aucune mesure, déterminé, puisque même s'il a été déterminé, il ne l'a pas été complètement (85), et il a quelque chose d'un et de commun. Il y aura donc, dans le second venant du premier, quelque chose de semblable à Lui, ce que nous avons nié, et s'il est Lui même et dans le second et dans tout, comme nous l'avons dit, il ne saurait être à la fois et commun et distinct. Car cela, le commun et le propre, implique une certaine distinction.

§ 38. Que faut-il donc dire, et dans quel ordre disposer ces simulacres, φάσματα, simples et réellement invariables de cette vérité qui nous dépasse? Car, ou il n'y a rien après Lui et il est Lui seulement, ou s'il y a aussi d'autres choses après Lui, il est nécessaire qu'elles contiennent une certaine distinction d'avec Lui, qui les détermine. Pour saisir cela, et en donner une notion affaiblie et obscure, partons des choses inférieures : ce sera la notion d'un travail d'enfantement (86) qui cherche toujours avec ardeur à le mettre au monde et qui ne peut jamais en accoucher, mais qui possède dans ce travail d'enfantement, quelle qu'en soit la nature, son fruit même. Pour faire comprendre cet enfantement, opérons une nouvelle distinction d'une espèce très obscure et qui ne fournit que très peu de clarté. Je veux parler de la première distinction de toutes les distinctions et qui a pour ainsi dire été absorbée par l'indéterminé, de sorte que le second paraisse être la puissance du premier, puissance concrétée (87) avec l'hyparxis, comme l'indiquent déjà énigmatiquement certains auteurs de traités religieux (88). Et si Ton pouvait concevoir, dans les choses qui, par nature, sont antérieures à toute hyparxis et à toute puissance, quelque chose qui soit encore plus semblable à l'Un, et qu'on dise que le second est après lui, mais plutôt Lui qu'après Lui, et plutôt lui-même que procédant de lui, et qu'on accumule toutes les exagérations de cette nature qu'on pourra inventer, en résultera-t-il donc que les autres qui sont après le second, même ceux qui sont au dernier rang, sont présentes en Lui au même titre? qu'elles ont tous la même dignité que Lui? C'est évidemment absurde ; de sorte que, si même il n'est pas distingué du second, du moins il est parfaitement distinct des autres et surtout de ceux du dernier rang, à moins que toutes les choses et celles du premier rang, et celles qui sont intermédiaires et celles du dernier rang ne soient toutes confondues ensemble et n'aient pas encore ces rapports de distinction entre elles, mais soient toutes ensemble comme Un est à l'Un tout, comme le causé est au causant (89). Mais il y a une autre procession et un autre ordre qui, provenant des autres causants, descend aussi en toutes choses; mais ceux-là même, en tant qu'ils sont en tout, viennent de Lui. C'est pourquoi Lui seul est cause de toutes, et elles toutes ont chacune une cause différente (90). Et que ce soit Lui qui est le Principe de tout ensemble, cela est prouvé par sa nature universelle, par sa nature indistincte, qui fait qu'il n'est pas plus le principe de ceci que de cela, et surtout par le désir que toutes choses, en tant que toutes, éprouvent pour une telle cause. Car il n'est pas possible qu'il y ait une cause prédominante des choses particulières, et qu'il n'y ait pas une cause de toutes ensemble en tant que toutes. S'il y en a une, quelle peut-elle être, sinon celles que nous présentons ici? Car il y a une différence dans le sens du terme : Toutes les choses, s'il est permis de le dire ; les unes sont Tout en considération de toutes leurs parties; les autres (91) sont Tout, dans le sens de la parfaite simplicité (92). Cette théorie peut se concilier avec celle d'Iamblique; j'en vois la preuve en ce qu'il dit que l'une (des causes) qui nous fait monter jusqu'à celui-là n'est pas accessible à chaque chose en particulier, si elle ne se coordonne pas elle-même au tout et ne se porte pas avec toutes vers le principe commun de tout. Si donc toutes les choses ensemble ont par essence une tendance vers ce principe, et si chacune en particulier n'a pas par elle-même cette tendance, à part des autres, il est clair à tout le monde que toutes les choses ont procédé à la fois de Celui-là, mais que chaque chose individuelle n'en a pas procédé par elle-même, mais en se conditionnant l'une l'autre. Mais si toutes ont procédé à la fois, cependant les unes sont plus éloignées, les autres plus près ; mais même ces déterminations ne sont venues qu'après cette nature, car il n'y avait encore ni près ni loin. Voilà donc comment on pourrait établir un ordre de progression ascendante des plus basses aux plus hautes. Mais pour en parler en toute vérité ni les choses ne sont séparées de Celui-là, ni Celui-là des choses ; elles ne sont pas unifiées les unes aux autres, elles ne sont pas identiques, ni différentes, ni semblables ni dissemblables, ni du même ordre, ni d'un autre ordre ; car même ce qui précède Tout n'a pas de proportion avec Celui-là ; et ce qui est après Celui-là n'a pas de proportion avec le Tout. Il n'est donc ni premier, ni second, ni causant, ni causé; car tous ces rapports enveloppent une détermination; il est l'indéterminé sans être l'opposé du déterminé ; il est absolument simple et tout sans aucune différence, car cet Un qui est Tout, et pas seulement Un, est tout selon l'Un.

§ 39 (93). Qu'on n'objecte pas que si les autres procèdent de lui (94), ils ont été séparés de lui, et que lui, par conséquent, a été séparé d'eux, et que s'ils sont unifiés à Lui, ils n'ont pas procédé. Car il n'en va pas comme nous concevons les choses ; on ne peut pas dire qu'ils ont procédé ni qu'ils n'ont pas procédé. Ce mode de procession uniée est tout différent ; nous ne pouvons pas nous en faire encore une idée, parce que nous concevons la procession en la divisant en permanence, procession, conversion, tandis que ce mode de procession est au-dessus de la division de ces moments, et il n'est pas nécessaire qu'ils aient été unifiés, s'ils n'ont pas été distingués, ni qu'ils soient distingués, s'ils n'ont pas été unifiés ; car lui procède selon une procession indistincte qui précède les deux moments et eux sont des opposés. Qu'on n'objecte pas non plus que, si Lui produit, eux sont produits; car, s'il agit (ἐνεργεῖ) — il peut et il subsiste. Donc le Tout est trois et non pas Un, à savoir : Hyparxis, Puissance et Acte. Mais (95) nous avons dit que Lui est antérieur à l'Acte, à la Puissance et à l'Hyparxis (96) ; car il est Un et non pas trois et il est avant les autres, parce que Tout est Un et trois (97). C'est par l'impuissance de notre pensée et du langage qui l'exprime que nous disons qu'il produit. Il faut purifier ce mode de production auquel rien n'est analogue en nous, qui ne s'opère ni par le agir, ni par le pouvoir, ni par le subsister, mais par l'Un avant les trois et cela d'une manière ineffable. Qu'on ne dise donc pas qu'il s'écoule de lui quelque participation, ni la participation qui est la participation particulière de chaque chose individuelle, ni celle qui est commune à tout, afin que tout ce qui procède de lui participe de Lui et qu'il donne de lui quelque chose aux choses qui en procèdent, ou bien que s'il n'en était pas ainsi, elles ne tiendraient pas de lui l'être et il n'y aurait rien de commun entre elles et Lui; car si cela arrivait (98), de deux choses l'une : ou il sera dans ces choses, mais non par soi-même, ou elles seront en lui, et alors il n'y aura plus rien en dehors de lui (99). Car  (100) il faut répondre que ces objections visent les choses qui produisent et sont produites selon la distinction, et de même que nous avons établi que la procession des choses qui viennent de lui ne s'opère ni selon (101) l'union ni selon la distinction, de même nous disons que l'achèvement parfait qui vient de lui et la participation de lui s'opèrent sans qu'il donne quelque chose de lui, sans que non plus il empêche cette communication, sans qu'il ait quelque chose de commun avec les autres, pas même cette illumination (102)  qui leur est donnée (103) sans qu'il en soit complètement distingué et sans qu'il ait aucune chose commune avec eux. Car toutes ces oppositions impliquent distinction. Or il est, comme il a été dit souvent, indéterminé, de sorte qu'il faut dire que toutes ces déterminations sont confondues en lui, et inversement qu'il n'est par lui-même rien d'exclusivement distingué, et, pour être encore plus dans le vrai, qu'il n'est même pas Tout, mais Un avant Tout, ramenant toutes ces distinctions ensemble à la simplicité.

§ 40. Qu'est-ce donc que cette lumière de la vérité qui, suivant Platon, rayonne autour de lui? En parlant ainsi de lui, Platon s'est trop accommodé à nos pensées, et il l'a montré ailleurs, lorsqu'il croit pouvoir placer aux portes de cette lumière, non seulement la vérité, mais encore la beauté et la proportion (104). D'ailleurs, il n'a pas du tout conçu ici Cet Un qui est avant Tout, mais celui auquel l'être est suspendu sans solution de continuité. C'est pour cela qu'il dit que cette lumière a la puissance d'unir le connaissable et le sujet connaissant, c'est-à-dire l'intelligible et l'intellectuel, lumière fondée dans l'intelligible et qui rend vrais à la fois le pensant et l'objet pensé. Mais nous examinerons cette question encore une autre fois. Si donc nous nommions vérité la lumière de l'Un, nous dirons que cette vérité, procédant de lui, est la procession même des Hénades divines, comme l'enseignent les philosophes. Mais ces Hénades n'ont-elles pas quelque chose de commun entre elles, par où tous les dieux sont dits et sont réellement un seul Dieu? Oui, sans doute, dirai-je ; mais alors : ou bien comme procédant d'Un et procédant dans Un, de sorte que cet élément commun est pluralité (105), — ou bien si c'est quelque un indistinct, qui soit comme la racine une et unique de la pluralité des Dieux, celle-ci n'est pas semblable à lui, ni une participation de Lui ; c'est la racine de choses procédantes procédant elle-même avec les choses procédantes, pour ainsi dire, s'il est permis de s'exprimer ainsi, la monade du nombre divin, tandis que si quelqu'un entendait voir là l'Un de la matière, comme étant une sorte de trace dernière de Lui, il se tromperait du tout au tout. Car la matière est distinguée de l'espèce, le dernier du premier ; or, la nature de Lui est antérieure à celles-ci, tandis que, pour généraliser, en toute chose l'espèce coexiste avec la matière. C'est pour cela donc que l'espèce et la matière procèdent du même ordre. Mais nous parlerons de ceci plus tard. Gomme nous l'avons dit dans toutes les objections précédentes, le coagrégat de tout en chaque chose, l'Un avant toutes les choses qui sont en chacune, est, il est vrai, quelque chose d'analogue à Lui, mais n'est pas cependant son image, ni sa lumière, mais celle de ce qui procède, c'est-à-dire la racine et le sommet qui procède avec lui d'une procession qui naît par essence de Lui, parce qu'il n'y a pour toutes les choses qu'une seule et même racine. Mais Lui n'est pas racine, il est avant tout ; il n'est pas exclusivement racine, mais tout avec la racine. Donc il est Un Tout, ἓν πάντα (106) et avant tout. Tout procède de lui : il est à la fois la racine et les rameaux. Comment donc la racine, qu'il n'y en ait qu'une ou qu'il y en ait plusieurs, est-elle un écho de Lui, ce que nous disons, d'un commun accord, être à la fois racine et branches, quand nous disons qu'il est Un Tout indistinct avant Tout  (107) ? Car la racine est distincte des branches, et le sommet, de tout le reste. Donc l'illumination qui vient de Lui n'est pas l'Un ayant tout : c'est quelque chose de semblable (108) à l'Un en chaque Un des choses plurifiées, et qui, par le rang qu'il occupe dans l'ordre des choses, est plurifié d'une certaine manière et distingué en quelque mesure de l'illuminant. Mais parce que les autres ne participent pas de lui sous ce rapport, ce n'est pas une nécessité qu'ils n'en participent pas du tout et que nous ayons le droit de le poser, lui, comme séparé de tout. Car il faut repousser absolument les secondes objections, qui sont contradictoires au mode de participation habituel dans le reste des choses et qui ne sont pas en soi solides. Formons-nous donc une sorte d'idée tout à fait particulière et de son hypostase comme aussi de sa procession, qu'on ne doit concevoir ni par union, ni par distinction, qui n'est ni homogène ni anhomogène, mais antérieure à l'un et à l'autre; et de même concevons une sorte de participation qui ne s'opère ni par une présence réelle de lui, ni par une illumination séparée de lui, mais antérieure à l'une et à l'autre. Il ne conviendra donc pas de dire que la chose donnée soit particulière ni commune; car elle est antérieure à l'un et à l'autre. On ne doit même pas dire qu'elle est donnée, ni non plus qu'elle n'est pas donnée ; car ce sont là des opposés, et il est au-delà de toute opposition, de toute contradiction (109), et, à plus forte raison, de toute détermination, en sorte qu'il n'est pas permis de l'appeler ni périssable ni impérissable, mais antérieur à ces déterminations, puisqu'il n'y a pas d'appellation quelconque qui lui soit propre. Et comment pourrait-il y avoir une appellation propre de ce en quoi il n'y a aucune qualité propre, aucune commune? Nous ne pouvons donc pas absolument nous assimiler à lui (110), puisqu'il n'y a en lui rien de propre, mais seulement à quelqu'une des choses qui viennent après lui, puisque nous ne sommes pas unis à Lui, mais à l'Un qui est après lui, et Lui, outre l'Un, est aussi Tout, et, pour me servir de cette expression, c'est ce qui est avant l'Un et le Tout.

 

 

(01) Aristote fait une distinction ; quand il s'agit de découvrir la nature de la substance, il faut y mettre un ordre : Anal. Post., II, 14, 97, a. 25. τῦυτα τάξαι τί πρῶτον ἢ δεύτερον ; mais quand il s'agit de la définir, cet ordre n'est plus nécessaire : Met., VII, 1038 a. 39 : τάξις οὐκ ἐστιν ἐν τῇ οὐσίᾳ. Là on peut le transposer.

(02)  Kopp : « Unum pariterne et aequaliter est Omnia? Quidni? Quum omnes res, quantum est Unum, sint. — Illud, quod dicimus : quantum est Unum, majorem œqualitatem quam vox pari ter vel sequaliter désignat. — Res inde ab Uno continuatae per gradus ordinesque alia ante aliam exstans ; — ibi in Uno sine ordine et dispositura sunt, nam dispositura ad secretionem pertinet. Quin, ibi ordinem rerum, tanquam in causa et quasi seminario non reperies, at potion modo quam causali ibi habitat, puta, quantum unum penitusque Unum est. Ideoque Omnia squaliter est. — Cur rerum alias majore, alias minore cum Uno familiaritate et necessitudine uti docemus? v. gr. Unum ipsum, Omnia simul simplicissimum, Primum, Bonum, et hoc genus alia abditum illud summumque Principium propius designant quam si hominum materiam vel meius quidquam esse dixeris. » — Je comprends tout autrement ce passage.

(03)  Au lieu de τῷ μηδὴ προβλθεῖν τι, Kopp veut lire προελθόντα, comme dans le manuscrit e. Il est plus naturel de lire : τῷ μηδὴ ιτροελθόντι.

(04) Note marginale. Σῆ· « Remarquez que l'Un produit tout à la fois; mais les plus parfaites, parce qu'elles ont plus de force quant à l'hyparxis que les plus imparfaites, sont produites avant celles-ci. »

(05) Kopp entend le passage dans un sens tout contraire : « Imo ob hanc ipsam vim ac robur, quant maxime (ἥκιστα) secedunt. »

(06) Τοῦτο τε μὲν οὖν τοιοῦτον. Kopp paraphrase : « Nam illud, eo ipso quantum est Unum, Omnia quidquid dixeris, est. »

(07) Adage fréquent chez Aristote et que Lucien (Hermotim., t. I, p. 742) fait remonter à Hésiode. Ἀλλὰ τήν τε ἀρχήν ὁ αὐτὸς οὗτος Ἡσιοδὸς ἥμισυ τοῦ παντός ἔφη εἶναι. Conf. Hesiod., Opp. et Dies, vv. 286, sqq.

(08) Ἀντίσομος fait le pendant, le contre-poids, ἀντι-ἰσόω (?). Kopp propose de lire ἄντισος ou ἀντίξοος et traduit : « Nam profecto si Principium et inde profecta Omne dicimus atque principium res ab eo profectas quasi œquilibrio œquiparat. »

(09) Οἷον τὸ πλήθος διακκεκριμένον. Κοpp traduit : « Quod multitudo discretum et singulum didit. »

(10)  Rapport de l'Un, de l'unifié et du tout.

(11) Ὁμοταγεῖ λόγῳ.

(12) Parm., 129. « Il y a une espèce absolue de la ressemblance et une espèce absolue de la dissemblance, son contraire, dont toi et moi, et tout ce qu'on appelle plusieurs, participons ; mais ces espèces elles-mêmes, qu'on pose absolues, participent-elles les unes des autres? » C'est ce qui est l'objet de la discussion depuis la page 127 jusqu'à la fin du dialogue. »

(13)   Kopp, au lieu de καθὸ δὲ τὰ πολλὰ ἥνωται, lit ἑνοῖ et paraphrase en conséquence : « Ast Unum, quatenus multa adunat et partira cum eis se communicat et participatur, in ea transit, — partim sua ipsius essentia primitiva et per se ante multa eminet, ea, Omnibus rerum pracedit, adeoque principium omnium est. »

(14) Ἄλλο δὲ οὐδέ ἐστιν ἕν. Κοpp paraphrase assez obscurément : « Hoc unum seu Unicum si ceteris, quœ passim perhibentur, Una seu Unitates, comparaveris, v. gr. generi, etc... Omnia vincit et transcendit. »

(15)  Ὡς τὰ πολλά τι λέγω τὸ εἶδος.

(16) Ρ. 15, b. Conf. Procl., in Remp., 433. « Socrate, dans le Philèbe, constatant la difficulté de saisir le Bien, dit que s'il était visible il ne serait à trouver et à peine que dans les caractères suivants, à savoir, les trois monades établies en ordre dans le vestibule du bien, les monades intelligibles : la vérité, la beauté, la proportion ; car elles nous emportent de vive force vers lui, par suite de leur affinité à lui, comme nous l'avons dit dans notre livre sur ces trois monades. »

(17) Τὸ συναγωγόν et τὸ ἑνοποιόν.

(18)  En marge on lit :

αἱ προθύροις τοῦ ἑνὸς μονάδες

a. Ἀλήθεια — ὕπαρξιν πᾶσι παρέχει

b. κάλλος — συμπαθῆ πρὸς ἄλληλα σύγκρασιν

c. συμμετρία — τάξιν.

Une note marginale modifie un peu les termes de la précédente:

Τὸ ἓν πάντα ἀλήθεια — ὕπαρξιν

κάλλος — συμπάθειαν

συμμετρία — τάξιν.

Le verbe παρέχει y est évidemment omis ou sous-entendu.

La conclusion du passage du Philèbe, 64 c. — 65 a, est ainsi conçue : « Si donc nous ne pouvons pas saisir sous une seule idée le Bien, prenons en trois la beauté, la proportion et la vérité, et nous aurons toute raison de dire que par le mélange de ces trois opéré par le bien lui-même, nous arriverons à quelque chose d'Un qui sera cette idée. » Conf. Plotin, Enn,, V, 9.

(19Je ne change pas le texte. J'entends le génitif dans le sens de l'appartenance « et n'appartient pas exclusivement à la distinction ». Ruelle propose de sous-entendre αἴτιον.

(20) Πάσχει τι, c'est-à-dire en participe.

(21) Kopp lit : ὡς ἀληθῶς ἐκείνου δὲ πάντα et ajoute ἐκείνου. Scil. ἑνός. Ruelle ponctue autrement : τὴν ὕπαρξιν, ὡς ἀληθῶς· έκείνου δέ.

(22)  Note marginale. « Procède- t-il quelque chose de l'Un ou non? — Question : S'il ne procédait pas? »

(23) Rep., VII Init. L'allégorie de la caverne. Conf. Rep., 1. 342, d. où le Principe suprême est appelé aussi ἐκεῖνο.

(24)  Paraphrase de Kopp : « Et hœc est illius unius progressio et transitio in Omnia; hœc, quantum Unum est, sive secundum suam Unitatem, ubicunque locorum, prior exstans, incolumem et perfectam suppeditat et sustinet natu-ram, imo potius radix cujusque natura et substantia est. »

(25)  Note marginale : « Aporie : S'il procédait? »

(26)  La cause ne passe pas dans son effet.

(27C'est-à-dire donc les procédants sont ou ne sont pas identiques en espèce à ce dont ils procèdent. Conf. § 37.

(28) Ἔλλαμψις ou vivification, irradiation.

(29) Πάγιον.

(30) Ἐκεῖνος.

(31)  Parm., ω. 90. Au lieu d'ἀποτμήσει, Karsten et Müllach lisent ἀποτμήξει. Brandis propose ἀποτμήξεις. Karsten, voudrait lire :

oὐ γὰρ ἀποτμηξεῖται ἐὸόν μετ' ἐόντος ἔχεσθαι.

Müllach veut sous-entendre νοῦς (Fragm. Pkil., 1.123). On pourrait faire de ἀποτμήξει un datif, et entendre : on ne pourrait pas par une coupure empêcher l'Être d'être uni à l'Être. On rendrait ainsi au mot son sens étymologique propre et énergique, que semble exiger ce qui suit : εἴπερ μηδὲ ἀποτμήσεσθαι.

(32)  Διαπρακτικόν, sans complément exprimé, n'a guère de sens. On lit audessus du mot διακριτικόν qui est plus intelligible.

(33)  Je lis τί μέτρον au lieu de τὸ.

(34) Dans l'hypothèse, ce qu'il communiquerait, c'est lui-même ; communique-t-il la périssabilité? il est donc lui-même périssable et on ne peut comprendre cela en lui.

(35Il ne saurait donc être périssable puisqu'il est le principe des choses impérissables.

(36) Πρὸ τοῦ ἄλλως ἀϊδίου.

(37) Τὸ ποῦ. Kopp, après avoir traduit ce passage comme il suit : « Inditum illud in quamlibet rem caducam et fluxam imitamen (seu resonantia, ἀκήχημα) Unius corrumpi non potest : sed putaveris eanidem rationem illius esse atque inateri» », ajoute : « Sed fateor mihi sententiam non liquere. »

(38) Ἀλλ' ᾗ. — Kopp voudrait lire εἰ τοῦτο et traduit : « Quod si est, singulis rebus singulare suum participium, sive dicas, natura, non diditum et quasi commodatum exstat. » Je lis, plus loin, μή διάφορα, au lieu de ἀ διάφορα.

(39)  Puisque la chose à laquelle il est communiqué est périssable.

(40)   Ἔνια μὲν τῶν ἀπ' αὐτοῦ μετέχειν. — Je supprime τῶν ἁπό.

(41) Plotin, Enn., VI, 6,17 : οὐκ ἄλλος (ὁ νοῦς καὶ τὸ νοητὸν) ἀλλὰ πάντα ἕν. Procl., ἀφορμαί, c 40. Instit. Theol., 177, πᾶς νοῦς πλήρωμα ὢν εἰδῶν. Chaignet, Hist. de la Psych. d. Grecs, t. IV, p. 284. « Le caractère essentiel qui distingue l'Être de l'apparence de l'Être, c'est l'éternité qu'il faut toujours, pour en avoir une idée vraie, ajouter à sa notion. L'Être est l'intelligible qui ne diffère pas de la raison. » Note marginale Σῆ· : « Comment Plotin veut qu'on conçoive l'Être. »

(42) Άνιμᾶται ou ἀνειιμᾶται. Kopp « Equidem malim ἀναίνεται. Illa enim (primordialis natura) omnes aversatur secretionem. » Je proposerais ἀτιμᾶται, contemnit, qui s'éloigne moins de la leçon des manuscrits et donne à peu près le même sens.

(43Au lieu de ὕλῃ je lis ὕλη.

(44) Au lieu de οὐκ ἔχουσά τι μεθ' ἑατυτὴν ὅ τι δοίη, je lis : οὐκ ἔχουσα ... ᾧ τΐ... κ.τ.λ.

(45)  De l'hyparxis. M. Rav., p. 535 : « Aucune procession ne vient de l'Unité, mais bien de la multitude. »

(46)  La participation première de la cause première.

(47)  Note marginale : « Σῆ· ὠραῖον : C'est charmant. »

(48) M. Rav. t. II, p. 535 : « La séparation ne vient qu'après le centre, et ce qui en est la cause, ce n'est pas le centre, c'est le mouvement du continu vers l'unité » ἡ ῥύσις τοῦ συνεχοῦς ἐφ' ἕν. M. Rav. traduit comme s'il lisait ἐπὶ το ἕv... Un manuscrit donne ὑφ' ἕν.

(49) Τῆς ἐνιαίας τὸ ἑνιαῖον.

(50) Note marginale : Σῆ. πρὸς τὰ εἰρημένα ἀπορίας.

(51) M. Ravaisson (Ess. s. la met. d'Ar., t. II, p. 53) n'a pas compris ainsi le passage qu'il interprète et résume en ces termes : « Partout où il y a de la pluralité, l'unité n'est donc pas la seule cause : il faut, en outre, un élément de multiplication et d'extension, ce que Platon appelait le lieu ou l'espace. » Mais, pour obtenir ce sens, il est obligé de modifier la ponctuation et même le texte : au lieu de : ἐν τῷ αὐτῷ δὲ καὶ τὰ πολλοποιὸν αἴτιον θέμενος, χώραν ἔσχε διακρῖναι il lit. : αἴτιον θέμενος (τὴν) χώραν.

(52) Ne distinguent pas leur organisation différente, διαρθροῦσι.

(53) M. R., id. : « C'est faute de pousser assez loin l'analyse, qu'on ne fait qu'une même cause de l'unité et de celle de la distinction. »

(54) Kopp, en traduisant ἑνιαία par Unosa ou Unalis, se justifie de cette audace en invoquant l'exemple de Pacuvius qui a dit : Unose.

(55)  Kopp, par erreur, traduit Unum Omnia.

(56)   Kopp, après sa traduction de ce passage, ajoute modestement : « Sic intelligo illum priorem locum. »

(57)  Note marginale : « dernière solution des difficultés posées plus haut. »

(58)  Ὥσπερ ἔστι τῷ εἶναι παράγειν οὐδὲν πραγματευόμενον, οὕτως ἔστι καὶ τῷ ἓν παράγειν.

(59) Ἐνεργεῖν τῆς οὐσίας ἐνεργίαν.

(60) Κοpp : διόπερ ἐκεῖνο τῷ ἕν : « Verba non capio. Hic locus corruptelis laborare videtur. » Je crois seulement à une forte ellipse, que je complète ainsi : διόπερ ἐκεῖνο (ἐνεργεῖν τῆς οὐσίας ἐνεργίαν) (ἔστι) τῷ (εἶναι) ἕν. Kopp traduit : « Ex sequentibus hunc elicio sensum : Unum solitarium ita comparatum est ut inde cetera res per se ipsœ deducantur ; quippe omnino se deducere possunt, quia Unum est, quod respirantes, in quo radicitus fixœ facultatem se ipsas deducendi nanciscuntur. »

(61) M. Ruelle en note traduit : Οἷον καὶ ἐνταῦθα σωτήρα παραχαλέσαντες, par : « Postquam (Jovem) servatorem invocaverimus ». Il ne rend pas oἷov, qui se rapporte manifestement à λόγον. Damascius, au lieu de la tradition philosophique ou mythique, invoque ici comme Dieu sauveur, la Raison. Il n'y a aucun rapport entre ce passage et celui du § 150 : ἀλλὰ μὴν τὸ τρίτον (τῷ Σωτῆρί φασιν) — auquel Ruelle renvoie.

(62) Ἐκεῖνο ᾧ συνδιωρίσθη. Ropp traduit : « Sed ista res esset quacum definitum cuique proprium factum esset. »

(63) Je lis οὔκουν au lieu de oὐκoῦv.

(64) M. Ravaisson, t. II, p. 533. « C'est là seulement (dans la Théologie Orphique, celle des livres d'Hermès et de ses modernes interprètes et surtout dans celle des Chaldéens) que Damascius croit voir une révélation des dieux mêmes (Conf. Damasc, pp. 351-345-386) ; c'est là seulement que le Premier Principe est représenté comme il doit l'être, exempt de tout mouvement, de toute pluralité, de toute différence, de toute délimitation et détermination. »

(65) Kopp : « Hœ differentiœ nondum in indifferente natura (illius principii) habitant. »

(66) M. Rav., t. II, p. 534. « Le nom même d'imparticîpable que lui donnait Proclus renferme encore quelque idée de détermination (διορισμός) et de distinction, et aucune distinction ne vient qu'après le premier principe. Il n'est donc ni participable ni imparticipable. C'est d'une manière supérieure à l'une et à l'autre de ces conditions qu'il existe (autant toutefois qu'on peut dire qu'il existe), qu'il produit (παράγει), qu'il conserve et perfectionne (τελειοῖ) tout. »

(67Κατὰ ὑττόβασιν et non ὑπόφασιν comme le lit Kopp, sans doute pour ὑπόφανσιν.

(68) 1. Τὴν διάφορον φύσιν ἐν διαφορᾷ τινι γενέσθαι πρὸς ἑαυτήν. M. Rav., t. II, p. 534. Comment concevoir que cette nature exempte de toute différence devienne à quelque égard différente d'elle-même ? « Comment concevoir que la simplicité absolue devienne d'elle-même multiplicité? » M. Ravaisson parait avoir lu άδιάφορον que semble exiger la suite des idées.

(69) Kopp lit : Οὐδέ γὰρ ἐν ἐκείνῳ, au lieu de ἓν ἐκεῖνο et  ἢ οὐκ ἔχει οὕτως, au lieu de ἢ, et traduit en conséquence : « Quid igitur materiœ termino illius supremi Principii atque extremœ ejus quasi orœ faciemus, quœ materia banc virtutem non participat. Nam illud Un uni, quod supremum Principium cluet, non est determinatum tanquam Unum (numericum)? — quale materiam esse contendimus. »

(70)  Περὶ ἐκείνην. Elle est comme le foyer d'où rayonnent toutes les déterminations.

(71) Il semble que Damascius indique ici obscurément la distinction d'une matière première et d'une matière seconde.

(72)  On pourrait traduire encore : enveloppe aussi par son propre enveloppement indifférent le principe de la simplicité parfaite qui s'écoule dans la dernière matière.

(73) Note marginale : « Remarquez comment il est cause de tout. »

(74) Kopp : « Illud unicum Principium ita quidem, ut pro determinata causa habeatur, et quemadmodum eam determinata et distincta causœ notio velit, ita quidem non est causa; nam neque efficit neque exemplaria neque finem habet, neque vero trinas illas causas conjunctas tenet ; nam hœc causae sunt discriminatae ; in ilio principio nihil discriminis eminet — Causarum causa est, et hoc ipsum Causarum causa, ne tanquam aliud prœter summam simplicitatem intelligas ; quemadmodum ab inferioribus rebus si suspexeris, Unum, sic ibidem Causa est — Omnia ab ilio principio deveniunt, at non quale illud est, sed sibi dissimula, nequiora. Ergo ab ilio ducta generatio dispar et varia erit ; ast hanc generatio comparium œquabilis procedit, quae maxima Deoum communis est, quœ si cui deest, is sterilis putandus est. Quod si generatio omnium rerum processusque ab ilio principio profectus dispar est, et dissimula parit, non potest non generatio (comparium, ὁμοειδῶς), similaris prior subesse. »

(75)   Παρθένοι καὶ ἠίθεοι. M. Ravaisson, t. II, p. 535 : « Ce n'est donc pas du principe simple, tout seul, que vient la procession, soit celle du semblable au semblable, qui est la procession proprement dite, soit celle du semblable au dissemblable, qu'on a nommée abaissement », ὕφεσις. Damasc, § 34, p. 67. R. ὑπόβασις, id., § 36, p. 99.

(76) § 34. La procession soit homogène ou du semblable au semblable soit anhomogène ne vient qu'après qu'ont commencé les plusieurs.

(77) Une lacune est indiquée dans le texte de 20 à 25 lettres, que Kopp propose de remplir par le mot γεννητικόν et Ruelle par πάντων παραγωγών. Kopp lit en outre : ἅμα ἆρα ὡς ταὑτὸν τὴν αὐτήν...

(78) Ainsi l'ordre des principes, en commençant par le plus haut, est : 1. L'hyparxis ; 2. La puissance ; 3. L'acte.

(79)  Je lis avec Kopp : οὔτε δύναμις, οὔτε ὕπαρξις πολλῷ μειζόνως, οὔτε ἔτι μᾶλλον ἐνέργεια.

(80) Ἐκεῖνο δὲ εἰς πάντα μόνον. Je lis avec Kopp : ἓν πάντα, au lieu de εἰς πάντα μόνον, et plus haut, j'ajoute τα devant αἰτιατόν.

(81Kopp : « Sensus est ; sit itaque primum ab Uno seductum id, quod per se et a se suam ipsius vim et actionem ciere incipit, ὐφ' ἑαυτοῦ καὶ ἀφ' ἑαυτοῦ. »

(82)  Τῇ ἀνεπιτηδειότητι τῆς ζωῆς. La vie est impuissante à être partout présente.

(83) Kopp : ᾧ γὰρ λόγῳ... τούτ[ω καὶ ὑπερέχει. « Quanto effigiei similitudo exemptlaris concedit, tanto effigiem exemplaris similitudo vincit. »

(84)  Διάκρισις, la fonction, l'opération; διορισμός le nom du résultat de l'opération.

(85) J'ajoute avec Kopp el devant διώρισται.

(86) Ὠδίς, une pensée vague et un pressentiment inquiets, qui cherchent à se formuler dans une proposition précise et ferme.

(87) Συμπεπηγυῖαν. Leibniz s'est servi du mot concrète.

(88)  Ἱερολόγοι, auteurs de ἱεροι λόγοι. Ces traités ne contenaient donc pas seulement, comme le dit Lobeck, l'exposé des origines, des rites, des noms de ceux qui avaient institué les premiers sacrifices; on voit qu'ils contenaient des doctrines mythiques, religieuses et philosophiques. Platon s'en sert dans ce sens {Ep., VII» 335) πείθεσθαι χρὴ τοῖς παλαιοῖς τε καὶ ἱεροῖς λόγοις. Conf. §§ 124.

(89) N'aient qu'Un seul et même rapport, celui de l'effet à sa cause, sans distinction de degrés.

(90)  Il y a une seule et unique cause première; les causes secondes sont multiples et diverses.

(91) Au lieu de ἡ δέ, je lis τὰ δὲ pour correspondre à τὰ μὲν.

(92)  Il y a une cause universelle qui n'empêche pas les causes particulières des choses particulières.

(93) Note marginale : « Faites attention à tout ce passage. »

 

(94) Kopp propose de lire μή avant si πρόεισιν, Ruelle de placer ᾗ avant ἀπ' αὐτοῦ. Je garde le texte qui se comprend sans ces changements.
 

(95) Réponse à l'objection que si l'Un est Tout et que ce Tout est trois, il n'est plus Un, mais trois.

(96) Conf. Dam., § 43, l'Oracle chaldaïque : Πάντα γὰρ ἐν κόσμῳ λάμπει τριάς ἧσ μονὰς ἄρχει. Procl., in Tim., III, 181, in Alcib., I, p. 52. Creuzer : Πάντα γὰρ ἐν τρίσι τοῖσδε κυβερνᾶται τε κ' ἔστιν. Proclus entend par là (Theol. Plal., IV, 10, 194) les trois causes analogiques de Plotin : la Foi, la Vérité et l'Amour, qui ressemblent si fort à la triade des vertus théologiques de saint Paul. « La Foi, l'Espérance, l'Amour (ἀγάπη) », Porphyre (Ep. ad Marc.,) préfère le quaternaire, qu'il compose en ajoutant à la triade de Plotin, l'Espérance. La vertu du nombre trois, mise en honneur par les Pythagoriciens, qui le composaient du commencement, du milieu et de la fin, est signalée même par Aristote (de Cœlo, 1,1, τὰ τρία πάντα), qui assigne à la vertu trois éléments : la Nature, l'Habitude et la Raison (Polit., VII, 6). On attribuait, tantôt à Orphée, tantôt à Ion de Chio, un ouvrage intitulé τριαγμοί ou τριασμοί cité par Suidas et dont Harpocration cite le commencement : πάντα τρία καὶ πλέον οὐδὲν, οὐδὲ᾿῾έλασσον. Conf. Théo, de Mus., XLI, p. 157, éd. Bouillaud : « La première triade comprend le commencement, des milieux et la fin : c'est pourquoi on dit qu'elle est Tout. Car on ne peut pas dire que Tout est moindre qu'elle ; car elle est Un et les deux ensemble : ἓν καὶ ἀμφότερα. » —- « Tout ce qui est, dit Proclus (in Tim., III, 181), participe de la triade : Hyparxis, Puissance et Acte. »

(97) On pourrait encore entendre : parce que même trois est Un.

(98) Εἰ γὰρ, elliptiquement opposé à εἰ μὴ ταύτα..., c'est-à-dire, s'il donne quelque chose de lui.

(99La procession met le Tout dans l'Un ou l'Un dans le Tout, Dieu dans le monde ou le monde dans Dieu.

(100) Apodose de la proposition : Qu'on ne dise donc pas que.

(101)  Κατὰ exprime la cause exemplaire : conformément à la loi de...

(102)  Ἔλλαμψις, principe de vie, viviflcation.

(103) Διδομένην. Kopp traduit par traditam, c'est-à-dire célèbre, qui est une doctrine transmise et traditionnelle, comme s'il y avait μεταδιδομένήν. J'entendis que cette illumination leur est donnée, sans que lui la leur ait donnée.

(104) Philèb., 64 c. sqq. Voir plus haut.

(105) Ἀφ' ἑνὸς καὶ πρὸς ἕν. Kopp paraphrase la formule par: « Tralatitio modo dicuntur. » C'est une génération par traducianisme.

(106) « Unum-Omnia. » S. Aug., de Trinit., VI, 11.

(107)  Kopp : « Fortasse aeneus esse debet : ilia, a suprema Natura emicans, illuminatio itaque non est cacumen, si eam ad reliquum omne comparaveris, aed hujus cacuminis locum illud Omnia antevertens Unum obtinet, quod cuivis multiplicatorum inest. »

(108) Ἐνοειδὲς ἑκάστῳ ἑνὶ ποῦ πεπληθυσμένων.

(109) Le premier Principe ne peut être ni la synthèse des contraires ni leur union : il n'y a pas en lui de contraires possibles.

(110) C'est-à-dire le connaître, puisque la connaissance est assimilation.