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table des matières de l'œuvre de damascius

 

DAMASCIUS LE DIADOQUE

 

 

PROBLÈMES ET SOLUTIONS TOUCHANT LES PREMIERS PRINCIPES

§ 21 - § 30

 

Introduction - § 1 à § 10 - § 11 à § 20 - § 31 à § 40

Oeuvre numérisée et mise en page par Marc Szwajcer et PhIlippe Remacle

 

§ 21 (01). Arrêtons-nous donc ici pour respirer et discutons la question de savoir si l'être est le principe que nous cherchons, c'est-à-dire le principe de Tout. Car, quelle chose ne participerait pas (02) à l'être de même que toute chose qui est, est, plus pauvre que l'être même (03)? Mais si l'être est l'Unifié, il sera le second au-dessous de l'Un, puisque c'est parce qu'il participe à l'Un, qu'il est devenu unifié. En un mot, nous pensons l'Un comme une chose et l'être comme une autre. Si l'être est antérieur à l'Un, il ne participera pas de l'Un; il sera donc uniquement pluralité et une pluralité infiniment infinie. Si l'Un est en même temps que l'Être et l'Être en même temps que l'Un, ou bien ils seront du même rang, ὁμοσταγῆ, et ils seront distincts l'un de l'autre; il y aura alors deux principes et nous retomberons dans l'absurdité déjà signalée. S'ils participent mutuellement l'un de l'autre; il y aura deux éléments ou deux parties, dont sera différente la chose composée des deux et il faudra quelque chose qui les rapproche l'un de l'autre et les unisse ensemble. Car si l'Un unit à lui-même l'être, en tant qu'un, — c'est une objection qu'on peut faire — l'Un agira avant l'être afin de pouvoir appeler et tourner à lui l'être. L'Un par soi-même subsistera donc indépendant avant l'être. Maintenant le plus simple est toujours antérieur au plus composé ; si donc les deux sont également simples, il y aura deux principes ; s'il n'y en a qu'un, formé des deux, il sera composé. Avant ce principe composé, il y aura donc le simple, l'absolument non composé, qui est ou Un ou non-Un, οὐδέν. S'il est non-Un, il est plusieurs ou rien; mais le rien, s'il signifie ce qui est absolument vide, n'est qu'un pur mot sans sens ; s'il signifie l'ineffable, cet ineffable-là, du moins, n'est pas simple (04) ; s'il signifie la pluralité, il n'est pas simple. Car le simple veut être sans pluralité (05), par la privation des plusieurs. En un mot, il n'est pas possible de concevoir un principe plus simple que l'Un. L'Un est, par conséquent, partout et absolument antérieur à l'être.

Mais, pour en finir avec ces raisonnements, reprenons la méthode ascendante et remontons à l'Unifié, à celui qui est dit absolument Unifié ; de celui-ci nous remonterons à l'Un, c'est-à-dire du participant au participé.

§ 22. C'est donc lui qui est principe de Tout et après s'être élevé à ce principe, Platon n'en a pas eu besoin d'autre dans sa philosophie (06). Car ce principe ineffable n'est pas le principe des raisonnements, ni des connaissances, ni des animaux, ni des êtres, pas même des Uns (07) ; il est purement le principe de Tout, et est placé au-dessus de toutes nos pensées. C'est pourquoi il ne présente pas de démonstration de ce principe ; il se borne à nier de l'Un toutes les autres choses excepté l'Un même. Car à la fin il nie que l'Un soit; il ne nie pas l'Un et cette négation même, il la nie; il nie le nom, le concept, la connaissance ; il ne nie pas l'Un. Et que pourrait-on dire de plus (08)? L'Être, dans son tout et tout être, sera l'Unifié, ou l'unie, ἐνιαῖον, ou, si vous voulez, l'infini et le fini, deux principes. C'est là ce que nie Platon ; mais il ne nie nulle part et nullement l'Un qui est au-delà de tous ces principes. C'est pourquoi il le pose dans le Sophiste (09) comme Un avant l'être, et dans la République (10) comme le Bien, au-delà de toute substance. Mais cependant, il reste uniquement Un; il est ainsi, ou connaissable et exprimable, ou inconnaissable et ineffable, ou l'un et l'autre sous un rapport, sous un autre rapport, non. Car on peut, par des négations, dire quelque chose de lui et l'appeler par une affirmation, ineffable (11) et au rebours encore, on pourrait dire qu'il est connaissable et intelligible à la simplicité de la connaissance, mais absolument inconnaissable à la connaissance composée ; c'est pour cela qu'il ne peut être saisi même par une négation et, en un mot, en tant qu'il est posé Un, il est coordonné par là, en quelque sorte, aux choses qui sont posées de quelque autre manière, car il est le sommet des choses qui subsistent selon la position (12). Cependant il y a en lui multiplicité, car il est ineffable, inconnaissable, incoordonnable, non posable, ἄθετον, mais avec la manifestation des caractères contraires, et les premiers sont supérieurs aux autres, car partout les choses pures présubsistent à leurs contraires, les non-mélangées sont avant les mélangées. En effet, ou bien les meilleurs sont selon l'hyparxis dans l'Un, et comment là y seront-ils en même temps avec leurs contraires ; ou bien ils y sont par participation, et dans l'un et l'autre sens ils viennent du premier qui est tel. Donc avant l'Un est le purement et absolument ineffable, le non-posable, l'incoordonnable, l'inconcevable sous tous les rapports. Mais, par là, nous avons procédé par l'intermédiaire des propriétés . Mais nous n'avons pas fait voir le Grand, le Parfait des premiers Principes, ce qui les enveloppe tous, c'est-à-dire l'Unifié, l'Un, l'Ineffable.

§ 23. Il nous faut donc suivre cette voie, dans la mesure de nos forces. Attachons-nous donc à saisir le premier Parfait, que les Dieux proposent à la sensation pour montrer, eux aussi, la perfection invisible, intelligible, uniée et ineffable (13).

Donc (14) ce monde-ci, qui est parfait, est composé de choses parfaites, comme nous le voyons. Nous en voyons le sensible ; mais il est évident que les choses qui sont en nous et en lui ont une existence antérieure et supérieure à ce sensible (15). Car certes on ne peut pas dire qu'il contient les plus imparfaites des choses qui sont en nous, le corporel et ce qui sert de fondement au corporel, puisque le corporel n'existe pas par soi mais dans un sujet, — et qu'il ne contient pas les plus parfaites, et cela quand on le proclame le plus parfait Il aura donc une nature en harmonie avec cet élément supérieur, non cette nature dont les mouvements se portent en haut et en bas, mais une nature se mouvant en cercle ; car c'est là le mouvement qui, par essence, convient à ce meilleur. Il aura donc aussi une vie meilleure que cette vie, une vie végétative, mais qui n'accroît pas, ne nourrit pas, n'engendre pas des êtres semblables à lui, qui naissent et qui meurent soit par afflux, soit par écoulement ; à moins que ces phénomènes ne se produisent d'une autre manière dont il n'est pas nécessaire de traiter ici (16), — mais une vie, toujours la même en genre et en nombre (17), contenant et opérant un achèvement et un accroissement qui ne se réalise pas dans un moment, mais a été déjà tout entier réalisé (18). Enfin, ce monde a un mode de génération qui n'engendre pas actuellement ses produits (19), mais les a de tout temps engendrés par sa nature, et il fait cela et contient tout cela là-haut, en suivant la loi de la proportion (20). Ce monde aura donc aussi l'âme irrationnelle et non pas seulement une âme sensitive, comme on dit, mais aussi une âme céleste gouvernant du dedans les phénomènes sensibles (21),  une imagination (22) divine, constamment dans l'ordre, mais encore une âme irascible et concupiscible, mais dont les passions et les désirs sont là haut d'une autre sorte, dont la constitution inaccessible aux passions, donne à l'être vivant qu'elle anime une délectation parfaite dans un repos divin, une âme enfin jouissant de la perfection et de la sainteté d'un état supérieur et tel qu'il convient par essence à l'animal cosmique. Mais cependant si l'homme est un animal pensant, et suspendu à une âme pensante, certes le monde aussi sera tel (23), et il aura a fortiori réellement la cause automotrice préexistante. Ainsi son mouvement circulaire ne sera pas simplement physique, il sera de plus volontaire et manifestement toujours ordonné et ne manquant jamais sa fin propre. C'est là ce que proclame dans le mouvement cosmique la science de l'astronomie. Ainsi donc la force active automotrice du mouvement circulaire, conformément à loi de ses changements propres et de ses successions diverses, fera toujours et incesamment la même chose (24),  suivra la même loi, dans le même espace, autour du même objet, vers la même fin ; elle sera absolument sans changement dans le changement, immuable dans la diversité, immobile dans le mouvement. Qu'est-ce donc qui est donné au Tout (25)? Car l'âme automotrice accomplit spontanément des actes qui changent, puisqu'en mouvant elle est mue. Mais alors d'où vient au monde l'immobilité? S'il est éternel, son immobilité est de tout temps et complète ; s'il n'est qu'un être dont la durée est fort longue (car on peut le supposer tel pour le moment (26),  c'est-à-dire enveloppé dans cette durée et y demeurant), il sera de même encore constamment sans changement, revenant, dans son mouvement circulaire, du même point au même point, dans le même ordre et gardant la même forme de mouvement circulaire. Car, dans cette longue durée, il ne souffre ni changement ni déviation quelconque (ce qu'il ne pourrait faire (27)), s'il n'était pas uni à quelque cause absolument immobile. Ainsi nécessairement dans le Tout, l'automoteur est suspendu à l'immobile, qui fournit au monde l'ordre qui lui est propre et la vie immobile.

§ 24. En outre, l'âme du Tout, comme l'âme première des êtres cosmiques (28), est toujours parfaite et toujours bienheureuse. Or, elle ne saurait posséder ces propriétés par elle-même ; car elle produit des choses qui changent : elle les tient donc de la cause immobile, placée au-dessus d'elle. Car si elle possédait l'ordre et l'harmonie constants par son élément automoteur, l'âme humaine serait également constamment parfaite; car elle est automotrice, et, de plus, immortelle et éternellement en mouvement ; et cependant elle n'est pas immuable dans ses actes changeants, parce qu'elle est à trop longue distance de l'âme immobile. En un mot, puisqu'il a été démontré que l'immobile est antérieur à l'automoteur, il faut qu'antérieurement à l'automoteur cosmique préexiste l'immobile cosmique, caractère propre à la puissance préexistante qui gouverne sans changement le monde, de même qu'à chaque animal divin (29), est propre un immobile associé à lui et à son caractère déterminé. Mais afin de ne pas insister maintenant sur ces raisonnements, qui laissent place à de nombreuses incertitudes (30), posons avant le Tout automoteur le Tout immobile ; car certes le plus imparfait ne sera pas universel, et le plus parfait, partiel. Il y aura donc un monde immobile avant le monde automoteur. Par la même raison, avant le monde divisé, il y a le monde systématisé et unifié, qui est, selon l'union, tout ce qu'est à l'état séparé le monde plurifié, qu'on appelle aujourd'hui automoteur, et encore plus s'il est permis de le dire. De ce diacosme caché (31), nous sommes remontés à l'Un même : par où il ne faut pas entendre l'Un obtenu par la réduction à la plus petite dimension, ni aucune propriété particulière, comme lorsqu'on dit : une forme, une raison, un Dieu, ou les Dieux plusieurs ou tous les Dieux exclusivement : nous entendons par là quelque chose d'infiniment grand, le purement Un (32) même, le simplement Un, qui embrasse toutes les choses qui procèdent de lui-même, ou plutôt qui est toutes ces choses selon l'Un même, l'Un antérieur à toutes (33). C'est là ce monde plus ineffable encore que le monde que nous appelions caché, κρύφιος, qui ne veut même pas être monde, mais est tout Un sans distinction (34), Et même, en réalité, il n'est pas Tout, mais l'Un avant Tout, enveloppant Tout dans la simplicité parfaite qui lui est propre. Si l'Un est tel, c'est tel aussi que nous devons concevoir l'Ineffable, c'est-à-dire comme étant une sphère ineffable enveloppant tout à la fois, et tellement ineffable qu'on ne puisse l'appeler, ni force enveloppante, ni être, ni ineffable. C'est la limite où il faut que s'arrête l'ardeur téméraire de nos raisonnements, en demandant pardon aux Dieux de notre audace, qui nous peut faire courir les périls  (35) (de Terreur).

§ 25. Maintenant (36), partant d'un autre principe (37), nous allons rechercher une autre chose, à savoir s'il faut placer l'Un après l'absolument ineffable, et si, comme dans les autres choses distantes les unes des autres (38), il faut placer quelque chose entre l'inexprimable et l'exprimable. Peut-être l'inexprimable est-il un terme en quelque sorte négatif, je dis en quelque sorte, non qu'il soit jamais affirmatif ou positif (θετικόν), mais parce que ni la négation ni la position ne sont ni son nom ni son idée réelle : c'est, au contraire, une suppression absolue, suppression qui n'est pas elle-même quelque chose (39). Car elle n'est pas un des êtres, et l'on peut même dire qu'elle n'est absolument pas. Si maintenant nous définissons ainsi le nom : ineffable, qui n'est même pas un nom, tout ce qui est avant l'Un appartiendra à cette nature. Car nous sommes impuissants à concevoir quelque chose au-delà de l'Un. Mais si nous concevons celui-ci comme premier et n'importe comment, que cherchons-nous encore avant lui? Où il n'y a pas de pluralité, il n'y a pas non plus d'unité. Débarrassons-nous donc de cette question insoluble qui nous donne tant de peines, et cherchons de nouveau si l'Un en soi est absolument exprimable, ou si ce que nous cherchons est un intermédiaire entre l'exprimable et l'inexprimable.

§ 25 bis (40). Nous avons ci-dessus déjà longuement parlé de la nature de l'Un et cela nécessairement pour arriver au principe qui est au-delà de lui (41). En nous attachant à cette nature, essayons de parler de celle que nous n'avons pas pu atteindre. Mais reprenons cependant maintenant encore la question sur l'Un, qui domine tout, et cherchons, avant tout, s'il est connaissable sous un certain rapport, ou s'il est absolument inconnaissable. Car si nous pouvons arriver par l'analyse jusqu'à l'élément le plus simple et le plus universel, — et c'est ainsi seulement que nous pouvons concevoir l'Un, — il est certain que nous en aurons une certaine connaissance, et en outre, et a fortiori, que c'est lui que vise à atteindre la connaissance plus parfaite.

En second lieu, si nous concevons l'Un comme une certaine chose et les plusieurs comme une autre chose opposée à celle-là, nous avons donc une certaine notion de l'Un ; et si cette notion, nous le concevons comme spécifié, nous concevrons aussi l'Un antérieur aux espèces, incirconscrit : ce sera le Tout-Un (42), selon l'extrême et absolue simplicité. En outre, puisque chaque espèce (43) est aussi quelque chose d'Un, et que ce n'est pas la même chose qu'être Un et être espèce, comme être n'est pas la même chose qu'Un, faisant la synthèse de chacun de ces éléments, nous les rassemblons en tant qu'espèces, dans la substance une et incirconscrite de la raison, et en tant qu'êtres dans l'union une et indistincte de l'être, et en tant qu'Uns dans l'unité une et incomposée de l'Un. Car de même qu'en rassemblant des points infinis tu obtiens un seul point, de même en réunissant ensemble des Uns infinis, tu fais un Un qui embrasse Tout (44) . Outre cela, il faut nécessairement que tout ce qui est l'objet d'une notion soit ou bien exclusivement plusieurs, ne participant pas à l'Un; et, dans ce cas, l'infinitude n'aura pas de terme, et nous ne pourrons concevoir aucun de ces infinis ; ou bien qu'il soit plusieurs participant de l'Un ; alors, par la connaissance des plusieurs, nous arriverons à une sorte de connaissance de l'Un, ce qui met une borne à la diffusion, à l'infini des plusieurs ; ou bien, enfin, il faut poser l'Un demeurant, μένον, séparé, autant que possible, de la notion de plusieurs; car quoiqu'il ne soit pas facile de se délivrer absolument de la pluralité, nous nous élevons cependant par là davantage à l'Un, et nous purifions la conception que nous avons de lui.

En outre, la connaissance a lieu ou par intuition ou par raisonnement (45). La connaissance intuitive est molle et faible; elle voit pour ainsi dire de loin, mais s'appuie sur la nécessité de la conséquence (46) : ou bien encore elle s'opère selon un raisonnement bâtard, qui n'a pas, et bien loin de là, des conclusions nécessaires : il conçoit les choses les unes par les autres, et c'est lui qui nous donne la connaissance de la matière, de la privation et, en général, du non-être. Si c'est là un certain mode de connaître, quel sera celui de la connaissance? Peut-être, comme Platon l'enseigne (47), est-ce celui par lequel nous connaissons l'Un au-delà de Tout; celui qui, par la force et l'analogie, nous fait tantôt approcher de ce qui est élevé au-dessus de la substance, tantôt par les négations dépouille (48) et met à nu cette nature qu'il finit par déclarer ne pas être (49) et qui est seulement l'Un non participant de l'être ; car c'est d'elle que vient l'être ; et puisque le nom, la notion, l'opinion, la science de l'être sont supprimés, il supprime également cette nature ; car si la pensée est la pensée de l'intelligible, c'est-à-dire de l'être, il faut également la supprimer comme composée et ne convenant pas au parfaitement simple. Si c'est une connaissance uniée (50), comme celle des Dieux, qui a son fondement d'existence dans l'Un et s'élève au-dessus de l'Unifié, elle pourra saisir l'Un par intuition, tandis qu'une connaissance plus épaisse, comme Test la nôtre, atteindra à peine l'Un, par l'effort d'un raisonnement bâtard. Mais nous aussi ici-bas déjà nous avons parfois une sorte d'intuition, lorsque, comme Platon le dit, nous déployons la lumière de l'âme et nous posons comme objet de notre connaissance parfaitement une, la fleur de l'être (51), Qu'il le pose comme connaissable, il le montre clairement en l'appelant la plus grande des sciences et même dans le Sophiste (52) où il le pose avant l'être, et fonde sa démonstration exclusivement sur la notion de l'Un. Outre cela, si la connaissance a pour essence l'unité, comme le montrent les états d'inspiration (53) divine, de même que la connaissance divisée des êtres plusieurs se ramasse dans le concept Un de l'Un être, il en est de même pour la connaissance des plusieurs unies connaissables. Car il est évident que la connaissance parfaitement une a pour objet un objet parfaitement un. Car, assurément, on ne pourra pas dire que le Dieu (54) participable connaîtra tout le reste et ne se connaîtra pas lui-même, ou qu'il se connaîtra lui-même selon l'être, mais non selon l'Un, surtout puisqu'il se connaît par une connaissance uniée qui est en sa possession. Car de même que la raison est suspendue (à l'Un (55)), de même elle est prédominante, προάρχων. Elle se connaîtra donc elle-même; mais elle est l'Un : elle connaîtra donc l'Un. En un mot, de même qu'il y a deux espèces d'intellectuel, de même il y a deux espèces d'intelligible : l'Un unifié, l'autre unie, l'un, supra substantiel, l'autre substantiel. Or, ce que nous nommons l'intelligible, c'est ce qui est connaissable à la pensée pure (56). Il y a donc aussi un connaissable unié ; donc il y a un certain Un qui est connaissable. Donc les plusieurs unies sont connaissantes, et je vais dire ce que tout à l'heure je n'ai fait qu'indiquer. Il faut ramasser ces connaissances multiples et divisées en une seule connaissance complète de l'Un complet, c'est-à-dire fondre en une synthèse simple la pluralité des hénades. Ajoutons de plus : s'il y a quelque chose d'un qui soit connaissable, la nature de l'Un ne se dérobe pas absolument à la connaissance. Ainsi donc, de même que ce qui est simplement espèce est connaissable parce qu'il est ceci (57), que ce qui est simplement être est connaissable parce qu'il est ceci, de même, ce qui est simplement un est susceptible d'être connu, parce qu'il est ceci. Et, en effet, ce qui, dans chaque cas particulier est tel, en tant que tel, est connaissable : par exemple, une certaine forme est connaissable, mais en tant que forme ; un certain être est connaissable ; mais en tant qu'être, un certain Un est connaissable, mais en tant qu'Un. Et si cette synthèse, ἡ συναίρεσις (58), nous dépasse, nous qui avons été dispersés et divisés par la guerre titanique (59), qu'y a-t-il à cela d'étonnant? Car nous ne connaissons pas l'Un par l'espèce (ou l'idée), comme le dit Platon lui-même dans ses Lettres (60), et cependant nous croyons sur ces sujets pouvoir établir quelques connaissances légitimes, les atteindre en quelque sorte par des intermédiaires, comme il nous arrive de saisir par l'intermédiaire de certains corps diaphanes les formes en nous (61) qui se réveillent.

En outre, il faut que le connaissable commence par l'Un; car tout commence par les Dieux, comme le disent les philosophes et comme nous le montrerons nous-mêmes dans ce qui va suivre, lorsque nous serons arrivés à ce sujet; de sorte que le premier objet connaissable est les Dieux comme ils sont le premier sujet capable de connaître. Car dans les relatifs, où l'un des termes existe, existe aussi l'autre. Si donc le premier connaissable est Un, nécessairement le premier Un est connaissable puisque, même parmi les êtres, le premier connaissable est le premier intelligible et le premier être.

Mais en toutes choses l'Un, purement un, est tout un, πάντα ἕν, car il n'est pas quelque chose d'Un, mais tout un, comme l'ont dit Linus (62) et Pythagore, de sorte qu'il est aussi connaissable, car le connaissable est une partie déterminée de toutes les choses ; il est donc enveloppé dans l'Un. De ces raisons et d'autres semblables, on pourrait conclure que l'Un antérieur à Tout est connaissable.

§ 26. Mais, d'un autre côté, on pourrait objecter, en considérant ces caractères dont le premier est le dernier dont il ait été question; on pourrait objecter, si l'Un est Tout, pourquoi serait-il plutôt connaissable qu'inconnaissable? Car l'inconnaissable est là-haut premier, car il est une certaine des choses qui viennent après l'Un, qui est l'opposé contraire au connaissable, et il est une certaine chose déterminée des plusieurs (63). Mais ce qui est au-delà de l'Un, n'est ni connaissable ni inconnaissable. Donc l'Un est inconnaissable, du moins par ce raisonnement. Car, d'ailleurs, s'il est le premier qui soit sorti du sein de l'ineffable, il est évident qu'il en est le moins éloigné et qu'il est encore comme couvert d'ombre par l'incognoscibilité de celui-là. D'ailleurs, si tout est selon Γ Un, rien en lui n'a été séparé ; il n'est donc ni connaissable ni inconnaissable, mais seulement Un et tout un, Ἓν καὶ πάντα ἕν (64). En outre, si, parce qu'il est Tout, il est par cela connaissable, il sera aussi capable de connaître, car cela même est l'une de toutes les choses. Cependant que pourrait-il connaître? car il ne pourra connaître ce qui est antérieur à lui et au-dessus de lui-même, puisque cela n'est pas connaissable et il ne se connaîtra pas lui-même, car cela supposerait qu'il y a en lui une sorte de dualité pour se replier sur lui-même et alors il ne sera plus un. De plus, une chose qui existe avant tout acte et toute puissance, sera en acte ; or, ces fonctions se voient dans une sorte de distinction de la substance, tandis que lui est au-dessus de toute distinction et est exclusivement Un. Il ne connaîtra pas davantage les choses qui sont après lui, car alors il sera en acte et son acte sera dirigé vers le pire et cela, quand cet acte est le premier de tous les actes. Or, même dans les choses postérieures (65), la première connaissance est celle du meilleur, la seconde celle de soi-même, la troisième celle des choses qui sont après l'objet connaissant. D'ailleurs, si le quelque chose d'Un (66) est connaissable et tant qu'il est quelque chose d'Un, il ne l'est pas du moins, en tant qu'il est absolument Un. On pourra donc connaître cette chose dont l'unité est l'essence, (τὸ ἑναιαῖον), comme intellectuelle, ou comme vitale, ou comme l'Un supra-substantiel qui illumine de ses rayons, l'être. Mais au-delà de tout cela, il y a l'absolument Un, de sorte que tous les arguments tirés des synthèses ou de l'analogie de l'être, aboutissent à cet Un, dont le fondement est au-dessus de l'être. Car, de même que l'Un être dans les êtres est le premier intelligible, de même l'Un, dans les choses supra* substantielles, est le premier supra-substantiel. L'Au-delà est donc inconnaissable. Or, il y a une raison bâtarde qui procède par négations, une qui suit l'analogie et une raison qui procède par le syllogisme à des conclusions nécessaires ; si elles prétendent savoir toutes ces choses qu'on ne sait pas, c'est qu'elles reposent sur un raisonnement qui marche dans le vide et qui ne connaît les choses que les unes par les autres. En un mot, si on ne connaît pas le simple (67) on ne peut pas connaître la proposition entière et par conséquent tout le syllogisme. L'analogie, à son tour, ne s'applique guère qu'aux non-êtres (68). Ce que le soleil est au visible et au voyant, l'Un l'est au connaissant et au connaissable. Or, nous connaissons le soleil, mais l'Un, nous ne le connaissons pas. La négation supprime ce que nous connaissons et ce qu'elle laisse, nous ne le connaissons pas. D'ailleurs, Platon ne croit pas l'être absolument connaissable, car d'abord il dit dans le Parménide : « il n'est donc pas connu (69). » Il en supprime donc absolument la connaissance et dans la République (70) quoique paraissant le considérer comme connaissable, il dit que le sujet connaissant et l'objet connu ont besoin de la lumière, afin que le sujet connaissant, illuminé par la lumière, soit capable de saisir l'objet connaissable, devenu plus clair par la lumière qui l'éclaire. Car le connaissable agit sur le connaissant et l'éveille, pour ainsi dire, à son acte propre. Si maintenant l'Un est connaissable, il a été nécessairement éclairé par la lumière; mais comment l'Un serait-il éclairé par sa lumière propre ? Car la lumière de la vérité, dans ees sortes de choses, découle de l'Un... Mais c'est sans doute que notre pensée, en saisissant l'Un, ne saisit que l'Un dans sa différence avec les autres choses. C'est pour cela qu'elle enveloppe et déploie en même temps la notion des plusieurs, de sorte que, même si nous les réunissons dans une synthèse, nous aboutissons à la même notion qui a pour contraire les plusieurs. Mais la notion de l'Un doit être sans contraire opposé, absolument une, et la synthèse qui aboutit à une chose uniée, est impuissante à nous la fournir. C'est selon l'un de cet Un, que toutes les choses existent, puisque même l'être est Tout selon l'unifié et selon la simplicité la plus parfaite, c'est-à-dire ce qui précède immédiatement, sans discontinuité, les plusieurs. De même donc que le simple est dit sans pluralité (ἄπολυ), ce qui est sans pluralité est au-delà des hénades plusieurs, — car la différence lui est postérieure; en effet, de même que le plus simple des unifiés est le parfaitement unifié, l'absolument indistinct, de même le plus simple des Uns est l'Unifié supra-substantiel, l'Unifié unie, si l'on peut ainsi parler. Mais ce qu'on appelle le purement Un, est encore au-dessus de cette simplification (71) en sorte que le degré dernier de cette simplification, sera l'être, que nous disons aussi l'Unie, το ἑνιαῖον.

§ 27. Il faut encore considérer que l'unifié n'est pas encore connaissable. Car le connaissable est ramassé en lui et pour ainsi dire confondu avec les autres, sans aucune distinction, de sorte qu'étant à la fois tous les coagrégats de tout et un coagrégat unique, il n'est pas encore quelque chose d'un déterminé, qui serait par sa nature propre (72), le connaissable, comme se manifestant par lui-même. Ce sont-là des objections qu'on pourrait faire à ce que nous avons dit ; mais, à part ces objections et examinant le problème en lui-même, cherchons si cet Un purement un peut être connaissable.

Si donc l'Un même est seulement l'Un et aucune autre chose du Tout, ni par participation, parce qu'il n'y a rien avant lui, ni par hyparxis, parce qu'il est Un, ni selon la cause, parce qu'il n'a pas en lui la cause particulière des choses qui viennent de lui (73) ; — car il n'y a là haut aucune chose que l'Un, comment le dirons-nous et Un et connaissable? Car connaissable et Un ne sont pas choses identiques, et s'ils sont différents, il n'est plus Un, et s'il est connaissable, il l'est ou par participation, et alors le connaissable sera avant lui selon l'hyparxis, ou selon la cause, et alors il n'est pas encore connaissable, mais le connaissable est après lui et vient de lui, ou selon l'hyparxis, et alors celui-là n'est pas selon l'hyparxis, mais c'est l'Un qui est les deux à la fois qui sera connaissable, de sorte qu'il est Un par participation, puisque celui qui est selon l'hyparxis (74) est dans les deux réunis. En outre, si cet Un là est le Tout et Tout (75), comme l'ont dit Linus et Pythagore, si être ce Tout-ci n'est pas être cette chose particulière-ci, tandis que être ce connaissable-ci c'est être cette chose particulière-ci (76), la conséquence est évidente, le Tout être, τὸ πάντα ὄν (77), n'est pas connaissable.

En outre, le connaissable est le désirable du sujet connaissant. La connaissance est donc le retour du sujet connaissant vers le connaissable. Or, toute conversion (ou retour) est contact. Le causé est en contact avec le causant, soit selon la connaissance, soit selon la vie, soit selon l'être même. Avant donc le retour selon la connaissance, il y a le retour selon la vie, avant celui-ci le retour selon la substance, et avant tous ces contacts ainsi distingués, il y a le retour et le contact absolus. Ce contact ou bien est identique à la connaissance absolue, ou, ce qui est plus exact, c'est l'union qui la précède. Et puisque l'Un est avant la raison, avant la vie, avant la substance (je parle de la substance uniée), l'union est donc au-delà de chaque connaissance. Ce qui se retourne vers l'un ne se retourne donc pas ni comme sujet connaissant ni comme mû vers l'objet connaissable, mais comme un vers (78) un, par l'union et non pas par la connaissance; car nécessairement le retour vers le premier doit s'accomplir par le retour premier. La connaissance n'est donc pas première, mais pour le moins troisième; ou plutôt elle est commune aux trois (79), mais le plus vrai, c'est qu'elle est antérieure à cette connaissance commune (80).

Il est peut-être encore intéressant de rechercher s'il est possible que le contact avec celui-là puisse avoir lieu par le retour ; car il n'est pas possible que quelque chose procède de lui, afin que quelque chose, après la procession, retourne ensuite vers lui. Car comment y aurait-il procession, s'il n'y avait pas de distinction, et comment quelque chose pourrait-il se distinguer de l'Un sans tomber dans le pas un (le rien, τὸ μηδέν) ? Car, puisqu'il est sorti en quelque manière de l'Un il est non Un, οὐδέν. Et si chaque chose individuelle devient un et non un, afin que le non un demeure et ne se perde pas dans le rien, parce qu'elle est enchaînée à l'Un, du moins en tant qu'elle est encore un, elle coexiste avec l'Un ; ou plutôt n'a pas procédé de l'Un, du moins selon l'un, mais même pas selon le non Un; car l'Un anticipe toujours une sorte de distinction du non Un, de sorte qu'elle ne se retourne pas, du moins vers l'Un dont elle n'a pas procédé. Maintenant le distingué est distingué du distingué, comme une chose différente est différente de celle dont elle est différente. Si maintenant quelque chose se retourne, elle est distinguée en tant qu'elle se retourne, et alors l'Un est distingué d'elle : car il a subi une distinction et est non pas seulement un, mais aussi distingué : il n'est donc pas Un. De plus quelle est la cause de la distinction en lui? Est-ce donc lui-même?Et comment l'Un pourrait-il être cause de la distinction, c'est ce qu'il est difficile même d'imaginer ; car l'Un est cause de l'union, tandis que les plusieurs et tout ce qui a le caractère d'autre est cause de la distinction : mais nous reviendrons sur ce point. Si ce n'est pas lui-même qui se distingue, c'est donc autre chose, et alors ou cette autre chose est avant lui, ce qui est absurde; car on placerait alors le principe distinguant avant le principe unifiant, le pire avant le meilleur; ou bien, elle est après lui; et alors comment le causant sera-t-il modifié par le causé? Mais qu'est-ce que cette chose qui vient après lui par procession? Le raisonnement ne risque-t-il pas de tourner dans un cercle (81), toute procession distinguant, et cherchant toujours un intermédiaire comme cause de la distinction, et cela à l'infini ? Il ne procède donc rien de l'Un; la procession ne commence pas là; mais elle est antérieure à ce qui peut le premier se distinguer lui-même des choses qui viennent après lui, et distinguer ces choses de lui-même. Inversement, l'Un s'unit lui-même aux choses qui viennent après lui, et ne permet pas à ces choses de se distinguer de lui. Si donc rien ne procède de lui, il ne se retourne pas sur lui-même, et à plus forte raison par la connaissance, comme un sujet connaissant se retourne à l'objet connaissable. Car toutes ces choses sont dans leur rapport réciproque extrêmement distinguées. Et si l'on voulait concevoir un degré, le plus faible possible, de distinction provenant de l'Un ou du premier, par la procession (mais jamais même un tel degré de distinction ne proviendra de l'Un, qui n'aurait pour raison que de rendre nécessaire le retour par la connaissance), il faudrait répondre en niant que la distinction puisse s'étendre à l'Un. Qui donc décidera entre ces raisonnements contradictoires les uns avec les autres, sur ces questions? Les Dieux seuls savent toute la vérité sur ces sujets. Hasardons-nous cependant et cherchons à satisfaire la curiosité inquiète de notre esprit, à la recherche de la vérité, dans la mesure que nous permet la divine providence et selon la mesure de nos propres forces.

§ 28 (82). En quoi consiste la procession des choses qui procèdent de l'Un, comment elle s'opère, comment on peut éviter les difficultés soulevées contre elle, nous y reviendrons plus tard et même tout à l'heure. Maintenant nous devons seulement poser ceci : à savoir que Tout vient après l'Un. Car l'Un n'est pas seul, il y a après lui les plusieurs et les choses différentes (83). Et que celles-ci ne sont pas l'Un, est évident; de sorte qu'elles sont distinguées de lui, non pas en ce que chacune d'elles est Un, du moins en ce que chacune est non-un. Ce non-un donc n'est pas négation (de l'Un), mais position de ce qui est autre que l'un : et cependant il est Un, non pas en tant que non-un et autre que l'Un, mais parce que lui-même n'est pas absolument séparé de l'Un, mais a pour ainsi dire sa racine dans l'Un, et que le non-un est par l'Un. De sorte qu'à bien considérer, le non-un se distingue de l'Un par sa propre nature, la nature du non-un, tandis que l'Un s'attache encore à lui et ne s'en sépare pas, pas même par là, puisque le non un, quel qu'il soit d'autre que le Un, est cependant toujours Un par participation, parce qu'il est devenu le non-un. Il se fait donc lui-même non Un (84), tandis que l'Un en soi et comme Un opère immédiatement sa distinction de lui par sa propre union. Donc le non Un se distingue de l'Un, parce qu'il devient non Un ; mais l'Un ne se distingue pas du non Un, puisqu'il fait le non Un, quoique séparé, il le fait cependant Un. Tant s'en faut qu'il s'en distingue, que même celui-ci se dérobant, lui ne se dérobe pas; mais par la vertu unifiante de la participation, il prévient l'hyparais discriminante de l'autre. Car il ne saurait y avoir d'hyparxis d'aucune chose sans l'Un, de sorte que la participation constitue même l'hyparxis, c'est-à-dire que l'union crée la distinction. Et nous ne nous étonnerons pas trop de cela, pas assez pour douter et nier ce que nous venons de dire, si nous réfléchissons que la nature de l'Un ne peut par essence ni créer ni souffrir la distinction. Nous allons vérifier cette affirmation en l'appliquant au soleil, ce juge incontesté de toute vérité. A l'œil ouvert, mais qui, par suite d'une certaine infirmité de l'organe, ne voit pas, le soleil est présent comme à l'œil qui voit ; mais l'œil n'est pas présent au soleil, par suite de l'infirmité particulière qui l'en éloigne. Et ne craignons pas les règles de la logique (85), qui ne s'appliquent qu'aux choses de même ordre, dans lesquelles les relatifs sont en quelque sorte égaux entre eux ou de même nature. Parce que la forme est différente de la matière, la matière est-elle donc différente de la forme (86)? Mais la différence est une forme : la matière et la forme ne sont donc pas différentes. La forme a été distinguée de la matière, mais comme la matière n'a pas été distinguée, il est une autre distinction qui est demeurée dans la forme, parce qu'elle n'a pas pu passer dans la matière (87). Si donc quelque chose a été ainsi distinguée d'une chose qui n'a pas été distinguée d'elle, qu'est-ce qui empêche que ce distingué même guérisse sa distinction par la conversion, afin que non seulement l'Un soit présent en lui, mais que lui-même soit présent en l'Un? Et il est clair que cette présence sera plus proche ou plus éloignée suivant les degrés de la distinction. Car selon que chaque chose individuelle a dans son essence la tendance à se distinguer de lui (de l'Un), dans cette même mesure elle peut se retourner vers lui, et de même que l'Un en soi demeure indistingué par rapport à chaque chose distinguée, de même dans son rapport à chaque chose qui fait retour à lui, il demeure le même et est la fin une et indistinguée de tout (88). Et de même que tout en restant le même, il coexiste en procédant dans chaque chose individuelle, appelée du nom de sa propriété caractéristique, à lui, tels que l'Un substantiel, et l'Un vital, et l'Un intellectuel, qui restent partout l'Un même, quoiqu'ils tirent leur nom des choses qui en participent, comme il n'a pas encore été divisé, — c'est mon sentiment, — par les nombreuses propriétés des dieux (89); — et comme je considère au contraire le purement Un en chaque chose comme antérieur à l'Un déterminé quelconque, je l'appelle cependant du nom des choses dans lesquelles il est présent, quoiqu'il soit sans différence et en chacune tout Un ; de même (90) donc aussi je considère que la perfection particulière qui appartient à chacun de ces Uns, restant le même, selon sa propre distinction qu'il tient de sa perfection propre venue de l'Un suprême, lui donne un nom qui le fait être la chose où il s'est rencontré et en avoir la qualité (91).  Car ce Tout être, selon l'hyparxis de l'Un, coexiste en chaque chose individuelle, comme sa racine propre, et apparaît en chacune, comme sa fin propre. Car ce que toutes les choses sont à l'état divisé (92), ce Tout être l'est selon l'Un, et il l'est, non pas en puissance, comme on pourrait le croire, ni comme cause des êtres qui ne sont pas encore, mais s'il est permis de le dire, selon l'hyparxis existante des êtres existants, l'hyparxis une, et l'hyparxis une de la nature qui engendre tout. De même donc qu'en chacune des autres choses, de même dans le sujet capable de connaître coexiste l'Un, en tant que capable de connaître. Et il est objet connaissable, non pas parce qu'il est l'un ou l'autre des deux, mais parce qu'il est le composé des deux, et placé au-dessus des deux réunis, et, pour parler plus exactement, parce qu'il est au-dessus même de ce composé. Car il est tout, non par suite de la distinction, mais avant la distinction. Car c'est ainsi qu'il sera tout avant tout, πάντα πρὸ πάντων, non pas imparfaitement, comme s'il n'était cela qu'en puissance, ni selon la cause comme s'il n'était pas encore Tout ; il est tout selon l'hyparxis indistinguée, non pas l'hyparxis unifiée avant Tout, mais l'hyparxis la plus complètement simplifiée de tout, étant, par sa propre simplicité, tout ce qui procède selon la distinction, et en qualité et en nombre. C'est lui qui est proprement Tout, car les choses distinguées de lui, la distinction, par sa propre nature, les a comme obscurcies et amoindries. Chacune de ces choses, quand elle est dans le coagrégat un de Tout, est plus proprement ce qu'elle est elle-même ; si elle s'écarte de ce coagrégat, elle devient toujours plus particulière et plus pauvre, selon que des propriétés caractéristiques, les unes ont une affinité plus intime pour la moindre distinction, les autres pour la plus grande : c'est pourquoi elles se montrent différentes dans les différents sujets (93). Mais ce n'est pas le moment opportun d'instituer ici sur ce sujet une discussion développée et approfondie.

§ 28 bis. L'Un donc, qui est Tout avant Tout, est à la fois connaissable et capable de connaître, et chacune des autres choses, non pas assurément comme je les dis et comme est chacune d'elles (car ces choses ont leur être dans la distinction, et sont par la division opposées et contraires les unes aux autres), mais comme coexistant en chacune des choses distinguées, sous un mode particulier propre à la chose dans laquelle il coexiste ; car l'Un de l'homme est homme plus vrai, et celui de l'âme, âme plus vraie, et celui du corps, corps plus vrai. Car c'est ainsi que l'un du soleil et l'un de la lune est soleil plus vrai et lune plus vraie ; mais cependant il n'est aucune des choses distinguées, en étant plus vrai qu'elles : il est seulement l'Un de chacune fondé avant elle. Il a donc, voyez-vous, ramassé  (94) ce qui coexiste en chacune et qui paraît avoir été partagé en le Un coexistant (95) et indivisible d'une part et le véritablement Un de l'autre; car, certes, il n'a pas été divisé, mais il demeure le même, présent en tous et en chacun, comme propre, et sans aucune division ; car le Tout-être selon l'Un n'a pas besoin de division. Est-ce donc qu'il connaît ? Mais (96) connaître est propre à la distinction. Il n'est donc pas connu ; car cela aussi est propre à la distinction, et la preuve que cela est vrai, c'est que le connaître est le pendant contraire à être connu. Aucune de ces propriétés ne lui convient; car ni l'Un ni le Tout ne lui conviennent; car ce sont là des contraires et ils divisent notre conception. Car si nous contemplons le simple, nous anéantissons même l'Un, dans sa grandeur immense et infinie (97), et si nous concevons Tout ensemble (98), nous faisons disparaître et l'Un et le simple. La cause, c'est que nous, nous sommes divisés et que nous pensons des propriétés divisées, et que cependant, désireux de posséder une connaissance quelconque de ce principe, nous lions ensemble, nous tissons ensemble toutes les choses, pour essayer si nous serions ainsi capables de saisir cette grande nature, en évitant toutefois la multiplicité ramassée de toutes les choses et la particularité étroite de l'un, nous emparant avec joie du simple et du premier, qui nous représente le plus ancien des principes (99). Nous introduisons ainsi dans ce simple, l'Un qui devient pour ainsi dire le symbole de la simplicité, puis ensuite le Tout qui est comme le symbole de la synthèse enveloppante de toutes les choses; car ni au-dessus des deux ni avant les deux nous ne pouvons rien concevoir ni désigner par un nom (100). Et qu'y a-t-il d'étonnant si nous sommes dans cette situation, relativement à une chose dont la connaissance distincte est uniée, connaissance qui échappe à la conscience (101) ? Mais même relativement à l'être, nous sommes dans le même état ; car lorsque nous tentons de le voir, nous le laissons échapper et nous courons autour de ses éléments, la limite et l'infini, comme on dit. Et si nous en concevons une notion plus vraie, à savoir qu'il est le plérome unifié de toutes les choses, le mot toutes les choses nous entraîne à la pluralité, tandis que l'unifié fait disparaître toutes les choses. Mais cela même n'est pas non plus étonnant;, car lorsque nous voulons voir chacune des espèces, nous courons après ses éléments, et lorsque nous cherchons à ne saisir que son unité, nous perdons ses éléments. Or chaque espèce est en même temps un et plusieurs, non pas un, sous certain rapport, plusieurs sous un autre ; elle est un et plusieurs tout entière et dans son tout, que nous ne pouvons saisir d'un seul coup-d'œil et que nous sommes satisfaits d'approcher par la division de nos pensées.

§ 29 (102). En grimpant toujours vers ce but ardu, pour atteindre le plus indivisible, nous avons pris conscience en quelque mesure, même dans la division, de l'uniforme (103). Il est vrai que nous en altérons l'idée, si on la compare à sa notion complète, et nous ne le concevrions pas par là, s'il ne s'agitait en nous comme une trace de son concept entier et total, et c'est cette trace qui allume subitement la lumière de la vérité, comme la flamme jaillit de morceaux de bois frottés. Car les pensées divisées, rassemblées ensemble, s'exerçant les unes les autres à atteindre ce sommet qui suggère l'idée de l'uniforme et du simple, finissent par coïncider, pour ainsi dire, comme coïncident, au centre du cercle, les extrémités de la multitude des droites, menées de la circonférence à ce centre. Nos pensées, de même, sont divisées ; mais lorsque nous les rapprochons en les portant vers l'indivisible, une certaine connaissance de la forme s'agite en nous, comme une sorte de centre invisible, et nous acquérons une certaine représentation, quoique affaiblie, qui nous est fournie par la notion du cercle, qui de tous les points, et également, est conçu (104) comme ramassé en un seul point central. C'est de la même manière que nous montons aussi à l'Être, d'abord en concevant chaque espèce, qui s'offre à nous divisée, non seulement comme indivisible, mais même comme unifiée, fondant, s'il est possible de s'exprimer ainsi, les plusieurs qui sont dans chacune, puis, prenant ensemble tous ces plusieurs distingués et supprimant les circonscriptions qui les séparent, comme nous faisons une seule masse d'eau incirconscrite, de plusieurs eaux particulières, sauf que nous concevons comme l'eau une, non pas celle qui est unifiée de toutes, mais celle qui les précède, parce que l'espèce de l'eau est antérieure à toutes les eaux distinctes (105). C'est par une simplification analogue que nous arrivons à l'Un : d'abord, nous rassemblons nos pensées, puis, laissant de côté ces notions réunies ensemble, nous arrivons à la notion de cet Un qui est au-dessus d'elles et les dépasse en simplicité. Est-ce donc qu'en montant ainsi nous l'avons touché comme connaissable, ou en voulant le toucher comme tel, ne sommes-nous arrivés qu'à l'inconnaissable? L'un et l'autre est vrai, car de loin nous le touchons comme connaissable ; mais après nous être unis de loin à lui, dépassant ce qui de l'Un est susceptible d'être connu de nous, nous nous arrêtons à ceci : qu'il est Un, τὸ ἓν ε῾ἶναι, c'est-à-dire qu'il est inconnaissable, au lieu d'être susceptible d'être connu. Ainsi donc l'un de ces contacts est au-dessus de la connaissance, comme contact de l'Un avec l'Un ; l'autre, également, comme contact du sujet capable de connaître avec l'objet connaissable. Car comment serait-il connaissable, s'il est seulement Un? comment fonder là-dessus une connaissance? il n'est donc pas connaissable, pas même connaissable par un raisonnement bâtard, c'est-à-dire de la même manière qu'on dit que nous connaissons la matière, quoiqu'elle ne possède pas le connaissable (106). Car le connaissable est une certaine espèce et une sorte d'être, tandis que la matière est le non-être et l'absence de forme. De même donc que c'est par le droit qu'on dit connaître le brisé, de même c'est par le connaissable que nous concevons vaguement l'inconnaissable; car c'est là aussi un mode de connaître (107). Ainsi donc Celui-là est connaissable dans cette mesure qu'il ne se soumet pas à une connaissance qui s'approche de lui ; mais c'est de loin que l'imagination se le figure comme connaissable ; c'est de loin qu'il nous communique une certaine notion de lui-même ; et ce n'est pas en s'en approchant davantage (108) (car il n'en est pas de lui comme des autres choses) que la connaissance connaît mieux ce dont elle s'approche ; mais, au contraire, c'est de loin (qu'elle le connaît mieux) parce que la connaissance est, pour ainsi dire, moins dissoute en inconnaissance par l'Un ; et cela est naturel, puisque la connaissance a besoin de distinction, comme nous l'avons dit, plus haut, et que, lorsqu'elle s'approche de l'Un, la distinction aboutit à l'union, de sorte que la connaissance se résout en inconnaissance. C'est ce qu'en effet, implique la comparaison de Platon (109) ; car nous essayons de voir le soleil, c'est là la première connaissance, et nous le voyons de loin : plus nous nous approchons de lui, moins nous le voyons, et nous finissons par ne plus voir ni lui ni le reste : nous devenons la lumière même, parce que nos yeux sont remplis de sa lumière. L'Un est-il donc inconnaissable par sa nature propre, quoique l'inconnaissable soit autre chose que l'Un ? L'Un veut être par soi, et avec aucune autre chose. L'inconnaissable opposé au connaissable, est l'inconnaissable au-delà de l'Un, absolument ineffable, ce que nous reconnaissons ni connaître ni ne pas connaître, ce vis-à-vis de quoi nous nous sentons être dans un état de Superinconnaissance (110), et par le voisinage duquel l'Un même est obscurci. Car étant le plus rapproché de ce Principe inaccessible, il demeure, s'il est permis de s'exprimer ainsi, dans l'Abîme de ce Silence(111) infini. C'est pourquoi c'est aussi sur lui que tournent les raisonnements de Platon ; car il est proche partout de cette révolution circulaire du Premier (112) ; mais il en diffère en ce qu'il est purement Un et selon l'Un et Tout, ensemble, tandis que lui (le Premier) est au-dessus de l'Un et de Tout, plus simple que tous les deux, et qu'il n'est même pas cela (113). Donc, en tant qu'il est sorti de l'Ineffable, sans être encore l'Un déterminé — car celui-ci est parfaitement connaissable, — il est le Tout Un, πάντα ἕν, mais le Tout qui n'est pas déterminé ; car ce Tout déterminé est encore plus connaissable, puisqu'il est plusieurs espèces : il est ce qui est à la fois Tout Un, qui tient de l'Un, le simple purifié, purgé des plusieurs et qui tient de Tout le déterminé de l'Un (114), mais nié et comme rétréci. Chacun de ces deux est connaissable, et leur composé également en tant que connaissable par les deux; mais ce qui est avant les deux et ce que nous désignons par Celui-là, ne supporte pas par lui-même la connaissance : c'est par l'image du composé qu'il est connu être, avant le composé, semblable au composé qui est après lui. Et s'il est nécessaire de distinguer ici, disons : le réellement connaissable est ce qu'on perçoit dans une certaine distinction et qui est en quelque sorte par soi-même espèce ; c'est celui-ci qui, par sa propre circonscription, supporte une connaissance circonscrite. C'est pourquoi c'est à lui que va la connaissance; celui qui est son pendant et son contraire est l'absolument ineffable, et ne donne aucune prise à la connaissance ; celui qui est au milieu a comme deux parties : l'une, du côté du connaissable, est semblable à l'Unifié et se dérobe à la connaissance discriminante et circonscrivante; — l'autre, du côté de l'ineffable, tel qu'est l'Un purement Un, et le Tout selon l'Un, ne nous fournit sur lui-même que la notion la plus faible et la plus obscure. Maintenant, lorsque nous analyserons et distinguerons chacun de ces modes de connaissance, nous examinerons s'il y a entre eux quelque intermédiaire. En ce moment, pour conclure et comme pour sceller notre opinion sur l'Un, tel que nous venons de l'entendre, nous disons que ce que nous disons Un ne l'est pas comme Un et comme Tout à la fois, et que c'est là tout le résultat que nous tirons de ces considérations par une sorte d'enfantement. (Je parle ici de l'enfantement de l'esprit dans le travail de la connaissance (115).) Notre connaissance de l'Un s'avance jusqu'à ce travail ; mais en essayant d'aboutir au fruit et à une pensée distincte, nous avortons, nous retombons dans les produits de cet Un, et c'est là ce que le philosophe Proclus, dans son Monobiblon (116), a appelé l'axiome ineffable, c'est-à-dire l'axiome relatif à la connaissance qui veut enfanter l'Un, comme il appelle exprimable l'axiome concernant la connaissance organisée et distincte. C'est là la cause qui fait que toute recherche, toute décision sur cet objet présente toujours deux faces, parce que nous le trouvons tantôt comme connaissable, tantôt comme inconnaissable en soi ; car il est tantôt l'un, tantôt l'autre, et c'est pourquoi Platon dans ses Lettres (117) lui enlève qualité et essence déterminée, et accuse de tous nos maux la division des choses particulières suivant la qualité et suivant l'essence ; car nous sommes réellement dans cet état psychique qu'on peut appeler Titanique (118), et cependant cette disposition d'âme, nous nous efforçons de la porter à l'objet le plus sacré et le plus indivisible de l'univers entier.

§ 29 bis. Si maintenant il faut supprimer de la connaissance de cet objet la qualité et l'essence, il faut en supprimer aussi l'Un ; car l'Un est une certaine chose du tout, aussi bien que les choses qui sont toutes, certaines choses ; car chacune d'elles est une essence déterminée : leur totalité l'est donc aussi. Si donc il n'est connu ni comme Un ni comme Tout, que serait-il (τί) ? Arrête, mon ami ; n'introduis pas ici le quelque chose (τὸ τί). Car c'est cela même qui t'empêche de connaître l'Un, parce que tu t'imagines entendre quelque chose (τΐ) (119), tandis que si tu supprimais ce quelque chose, τόδε τὸ τι, ainsi que la qualité, il t'apparaîtrait ce qu'il est, au moins dans la mesure du possible. Car il est précisément le non quelque chose (τὸ μή τι), le sans qualité : il est antérieur à tous deux, il n'est ni possible de l'exprimer, — car tout nom est quelque chose et signifie quelque chose, — ni facile à concevoir; car toute pensée est quelque chose et pensée de quelque chose qualifié ; car si tu ramasses ensemble toutes les choses, elles n'en ont pas moins une essence déterminée et une qualité, puisqu'elles sont le tout de choses déterminées et qualifiées. De sorte que même la raison, en tant que raison, voyant certaines choses déterminées en leur essence et par leurs qualités, se travaille pour enfanter la notion de cette nature; mais elle-même ne parvient pas à la mettre au jour et tout au contraire, elle ramasse sur lui-même ce travail d'enfantement, cherche à s'élever vers le plus simple, l'absolument indéterminé, l'absolument dépouillé de toute qualité déterminante, soit commune à toutes les choses à la fois, soit propre à chacune. Et c'est ce que Platon, d'après les Oracles (120), nous ordonne de faire, si toutefois nous le pouvions, à savoir d'oublier nos propres pensées et de recourir à ce travail d'enfantement qui a pour essence le privilège de connaître l'Un, mais non de l'exposer à personne ; mais il supprime l'obstacle qui arrête une pareille intuition, c'est-à-dire qui nous le ferait concevoir comme un quelque chose qualifié et d'une essence déterminée. Si quelqu'un est contraint d'exposer cette intuition de l'Un, au lieu d'elle il n'exprimera qu'une conception du second ou même du troisième degré au-dessous d'elle, qui, en exposant d'une façon distincte les choses confondues ensemble, ne l'exprime qu'en apparence. C'est ainsi qu'on dira : le Principe, C'est le plus simple, c'est le premier, c'est ce qui embrasse tout, ce qui engendre tout, ce qui est désirable pour tous, ce qui est le plus puissant de tout. Et ainsi on ne fera qu'énumérer les unes à la suite des autres toutes les choses dont il est la cause, ou du moins les plus puissantes, les plus vénérables de toutes, et surtout l'Un et le Tout, selon les causes que nous ayons déjà données. Par ces expressions, on obtient sans doute une meilleure conception du principe, en écartant toute distinction, toute multiplicité de formes de la notion du principe, en ramassant tout en une seule nature d'une essence une, et voulant mettre l'une avant l'autre (121), je veux dire la nature unifiée avant la nature distinguée ; mais ce premier enfantement de la puissance de connaître, demeurant interne et ne procédant pas, n'acceptera pas ce coagrégat  (122) parce qu'il est gros de la pluralité quoiqu'il ne l'ait pas encore mise au jour ; mais l'enfantement enfantant l'absolument simple, et l'Un fondé au-dessus de toute la pluralité, qui est inconnaissable, enfante cependant le connaissable, s'il est permis de le dire, mais qui ne s'ajoute pas (123) à cet Un. Mais sa nature n'étant pas absolument inexprimable (124), permet de concevoir le connaissable analogue à l'enfantement, mais vaguement; l'enfantement n'arrivant pas jusqu'à la connaissance, ce connaissable indéterminé ne va pas jusqu'à l'être connaissable (125).

§ 30. Voyons maintenant puisqu'il est Tout, et que ce qui n'est pas l'Un n'est rien, οὐδέν, comme nous disons, recherchons d'abord comment il est vrai qu'il soit lui-même Tout ; en second lieu, s'il est Tout au même degré, et en troisième, quelle est la différence entre être (126) Tout, et l'un et l'unifié ; car l'un et l'autre est tout indistinctement — et j'entends ici non l'être substantiel, mais l'être unie ; car celui-ci est tout selon l'Un ; il est fondé au-dessus de l'être et on pourrait l'appeler unifié antérieur à l'être, parce qu'il a anticipé (127) l'éternité du mélangé. Celui-ci, à la vérité, manifeste par lui-même la plus haute union formée des choses multiples, et le premier enfantement de la pluralité, ou plutôt du mélange de la pluralité. Car la pluralité, comme l'Un, apparaît avant lui. Des deux concourant et se fondant en une seule et même chose, il a produit au-dessus d'eux la nature propre de l'être, nature une, unifiée et mélangée qui en est devenue l'hyparxis, et qui est non pas l'Un, ni les plusieurs, mais leur mélange qui se manifeste dans le troisième Dieu, et c'est cela même, c'est-à-dire le mélange et le mixte, que nous appelons Unifié, c'est-à-dire Divin (128). Si donc celui-ci aussi est Tout, mais Tout à l'état unifié  (129), puisqu'avant le Tout même est la pluralité, qui est tout plus proprement que l'Un ; car celui-ci est Tout, c'est-à-dire le Tout plusieurs, tandis que lui est le Tout-Un et tout selon l'Un, peut-être on pourrait demander si l'Un aussi est Tout et ne sera pas seulement le seulement un avant lui, puisque la notion en est plus simple que l'Un Tout ; car on lui ajoute : Tout, et si on le veut, on pourra concéder à celui qui fait l'objection et dire que la pluralité est, il est vrai, Un Tout (130), un selon l'hyparxis, et Tout selon la participation, tandis que l'Un est seulement Un et n'est pas encore Tout. Mais néanmoins il est plus exact de dire que même la pluralité est dans l'Un ; car elle en procède, mais pour ainsi dire comme d'une cause qui n'est pas distinguée de la chose dans laquelle elle est ; car il n'y a pas encore là de distinction ; — et que l'Un est avant Tout tel que le Tout est après l'Un, et qu'il est encore plutôt Tout un que Tout  (131). Car l'Un est la vraie cause qui fait que le Tout est Tout. D'ailleurs, en effet, l'Un est Tout avant la pluralité, mais le seulement Un et le plus simple de tout, c'est la même chose, car il est le plus simple parce qu'il est le plus enveloppant, et voilà pourquoi il est tout.



 

 

(01. Est-ce donc l'Être qui est le premier Principe? Note marginale : «  ὅτι οὐκ ἔστι τὸ ὂν ἡ μία τῶν πάντων ἀρχή.

(02)  Paraphrase de Kopp : « Num Ens est quod quœrimus Principium primum ? Quid enim Entis expers? Quidquid est, quum est, ipso ente inferius est. At Ens Unitum est, unitum uni succedit. Prœterea, quum aliud Unum aliud ens esse animo informamus, si Ens Uni antecedat, Unius participio non utetur; Multa tantummodo eaque infinitus infinita erit. Sin cum Ente Unum, item cum Uno Ens erit, sive constant, sive distant, duo erunt principia, quod absurdum. Sin mutuo inter se consortio offlciisque alterum alterius reciprocis utuntur, elementa vel partes binœ alius ex utroque conflati erunt. Quid porro illa ad se invicem conciliavit? Si Unum, qua est unum, sibi ens adunavit, Unum ente prius aget, quippe quod (Unum) ens ad se revocaverit et converterit : ergo Unum in se suapte natura absolutum ante ens constitit. Prœterea simplex composite prius est. — Simplex aut Unum aut non Unum erit : Si non Unum, aut multa aut nihil. Nihil aut inane et privativum significat, et vanum est; aut reconditum lllud neque est simplex. Si non Unum Multa est, ei simplex abest, quod quum privationem multorum significat non multum esse, multitudine carere debebit, ergo jam ab Unito, participante, ad Unum, quod de se impertit, progrediamur. »

(03)  L'être possède donc les deux conditions qui caractérisent le principe de tout. Toutes les choses participent de lui et précisément, parce qu'elles sont, elles sont plus imparfaites que lui-même. Je lis: ὅ τι ἔστιν, au lieu de ὅτε.

(04) Puisqu'il est et rien et ineffable.

(05) Ἄπολυ.

(06)Ἐν τοῖς λόγοις.

(07) Τῶν ἑνῶν.

(08) Note marginale : Σῆ· « Remarquez que Platon nie l'être de l'Un placé au-dessus de l'être, mais non celui qui est à part de être un être : οὐ τὸ χωρίς τοῦ εἶναι ἕν, peut-être vaudrait-il mieux lire : τοῦ εἶναι ἕν. »

(09) Platon ne dit pas positivement cela (Soph., 245 b.), mais seulement que l'être Un, τὸ ὄν εἶναι πώς n'est pas la même chose que l'Un.

(10)  Rep., VIl, 518, c. Platon, dans ce passage, se borne à dire que le bien est la splendeur de l'être, τὸ φανότατον... τοῦ ὄντος.

(11)  Ἄρρητον, mot qui, sous sa forme affirmative, contient encore une négation. — Paraphr. de Kopp : « Unum qua ponitur, ea parte conjunctum aliquidpiam et commune cum ceteris utrumque positis habet (scilicet positionem); apex namque earum est rerum quœ positione subsistunt. Prœterea multum in eo inest, ineffabile, cognitione, conjunctione et positura liberum, et hœc quidem contrariorum (eloquii, cognitionis, positionis, etc.) significationem prœbent, illa (absolutae notœ), his (finiti vis) prœstant. Jam quum pura et contrariis libera sinceraque mixtis undique supersunt, quœritur utrum Unum, qua est essentia et primordio, meliora illa (absolutiones) teneat? Quod si est, quo pacto in eo Una simul contrarietates emicant? An Uni illa meliora pet communicationem (transitive) insint, et aliunde ab hujus modi (absoluto) Principio adveniant? Quod si est, Uni illud pregreditur, quod plane omninoque omni eloquio, finitione, relatione, positura et conjectura eximium est (lisez: exemptum).

(12)  Dont l'hypostase est fondée dans la position ; κατὰ θέσιν est opposé à ίθιτον. D'après les Analytiques Post. (11, 10, 94, a. 9) la θέσις est la position indémontrable du τl ἔστι, de l'essence. Damascius parlerait donc ici des choses dont la définition peut poser l'essence. L'hypothèse porte sur l'être et pose la question, si la chose est ou n'est pas. Peut-être pourrait-on entendre θέσις par situation dans un lieu intelligible, ce qui revient à peu près au même, car la définition n'est autre chose que la détermination du lieu qu'occupe une idée dans un système donné d'idées. Platon dit lui-même que toute chose doit être quelque part, être située et pour les idées, assurément, c'est dans le lieu intelligible seul qu'elles peuvent être situées. Simplicius (in Phys. Cor., 150 b.) : « Il y a θέσις même dans les incorporels, c'est une situation selon l'ordre, κατὰ τάξιν, comme dans les nombres, la dyade est située, χεΐσθαι, avant la triade. » Leibniz combat, comme Platon, la proposition que l'Esprit n'est nulle part, et il attribue aux monades des rapports extérieurs, une situation, un lieu dans l'espace. Ed. Dutens : 11,1, p. 280 : « Substantia nempe simplex, et si non habet extensionem, habet tamen positionem, quœ est fundamentum extensionis. »

(13)  Kopp : « Primum quod perfectum consummatumque cluet, prostat mundus, a quo Damascius progreditur. Mundus itaque, quem sensu usurpamus, non modo corpore, sed etiam vi motoria vitaque praditus est. »

(14) Note marginale : « Σῆ· Commencement de la discussion sur le monde. Avant ce monde-ci, il y a un monde immobile. »

(15)  Προϋφέστηκεν.

(16) Παρεισκυκλεῖν. Kopp : « Mundus fruitur vita vegetativa, non ita quidem ut nutriat et sui generis alia gignat, sed ea quae, uti mundus specie et numero semper idem et perfectus est, ita eum in sua perfectione et incremento contineat et agat, quœ llluminationes sive habitutates et proprietates jam genltas habeat. »

(17) Kopp lit : τὴν αὐτήν au lieu de τῇ αὐτῇ, et je suis cette leçon.

(18) Οὐ τὴν αὐξομένην, ἀλλ' ἤδη πᾶσαν ἠυξημένην. Cet accroissement n'est jamais en train de devenir ; il est toujours accompli et achevé.

(19 Φωτισμούς identique à ἔλλαμψις. La transmission de cette vie céleste est une transmission de lumière. Les êtres sont des flambeaux qui s'allument les uns aux autres.

(20)  Ἀνάλογον ἐκεῖ ποιοῦσαν τε καὶ συνέχουσαν. Je lis avec Ruelle ἀνὰ λόγον.

(21) L'Âme n'est pas seulement principe d'unité, mais elle est maîtresse des développements de l'être.

(22) Kopp voudrait lire, devant οὐρανίαν, la préposition κατά et il traduit en conséquence « ad modum coelestis divinœque imaginationis semper occupata est ». Mais il reconnaît que cette addition n'est pas nécessaire, et donne une autre version conforme au texte que je conserve, comme Ruelle.

(23) Damascius est fidèle au principe qu'il a posé : c'est de la connaissance de l'homme qu'il tire la connaissance des autres mondes.

(24)  Kopp : « Ut homo rationem participat, ita mundus hac dote instructus est, et sponte mobilem causant habet prœfectam ; itaque consulto circularem exigit motionem eamque liquido semper ordinatam, nec unquam a suo scopo aberrantem. — Sponte mobilis vis quae alias alia existit, pro sua ipsius mutationum lege eadem repetitamque circularem motionem exeequatur. Hoc vero idem semper et in eodem et circa idem atque ad idem, id est, hanc constantiam et œquabilitatem in errante inconcussam, in mutato immutabilem, in moto immotam quietamque, quid est quod Omni praebeat ? Sponte namque motoria anima vires mutantes procudit. »

(25) Du dehors, qu'il n'ait pas par lui-même.

(26) Ici une lacune : Πρὸς τὸ παρὸν ἀπὸ τῆς εἰλημμένον « Locus depravatus, hanc sententiam habuisse videtur. Unde immotum mundo adest? Qui si sternus est, item omnino et semper immotum œterne ei inest. Sin quam maxime longœvum est animal, hoc ei propter analogiam quam sortitus est (sive malis, hoc ei fato) intérim tribuamus, cur hoc in tempore durans, pariter semper ad eadem constans, ab eodem ad idem in orbem revolutum, uno ordine, unoque modo in circulum versatile, tanto in temporis tractu nullam mutationem nec varietatem expertum est, nisi immobilis omnino ei causa adest. »

(27 Je complète l'expression par trop elliptique de la pensée, par cette incise.

(28). Olympiod., in Phaed., p. 22, éd. Finck : « Proclus croyait que ces êtres cosmiques ne possédaient que le sens de l'ouïe et de la vue, se fondant sur le vers d'Homère (Iliad., III, 277; Od., XIII, 323) :

Ἠέλιος, ὃς πάντ' ἐφορᾶς καὶ πάντ'άκούεις.

En quoi il était d'accord avec Aristote (de Anim., 3, 14, 9, p. 58 d ; — de Sensu, I, p. 61, c). Mais Aristote ne dit pas cela; mais seulement que les autres sens sont nécessaires à la vie et ces deux au bien de la vie. — Mais Damascius veut qu'ils aient aussi tous les autres sens, ou qu'ils n'en aient aucun; car sans cela les animaux d'ici-bas, qui les ont tous, seraient plus parfaits et plus complets que les animaux divins, qui sont parfaits. D'ailleurs, s'ils ne les avaient pas tous, ils n'auraient pas besoin des autres : ni de la vue, puisque, privés de la vue, ils n'ont pas à craindre de tomber dans des précipices; ni de l'ouie, pour se communiquer les uns aux autres leurs pensées. »

(29) Chaque astre.

(30) Cet esprit curieux de tout savoir, reconnaît partout l'incertitude du savoir humain.

(31) Le monde intelligible.

(32) Αὐτὸ τὸ ἁπλῶς ἕν.

(33)  Kopp lit : πάντα ἂν ἐκεῖνα κατὰ τὸ ἕv, au lieu de πάντα ὄν, et traduit : « ex eo quod unum est. »

(34) Πάντα ἓν ἀδιάκριτον. Omnia-Unum. Kopp voudrait devant πάντα, lire τ ou τὸ et il ajoute : « Hoc πάντα ἕν per ὑφ' ἕν jungendum est : Omnia-Unum, sive omnitenens Unum. »

(35Προκινθυνευτικής, que lit Kopp, au lieu de παρακ..., sur l'indice d'un manuscrit de Hambourg.

(36) Y a-t-il un intermédiaire entre l'ineffable et l'exprimable ?

(37)  Changement de méthode.

(38) Dont les parties sont en dehors les unes des autres : « partes extra partes ».

(39) Kopp : « Primum, Damascius ait, quœritur si post abditum Ineffabile Unitas deinceps ordinatur, ut de ceteris distantibus evenit, médium aliquid inter Ineffabile et effabile certumque ponendum est? An aliquopiam modo negativum est id quod dicitur Ineffabile? Aliquopiam dico, non quod usquam affirmativum vel positivum est, sed quia et nomen et res nec negatio nec positio est : ab omni parte absoluta est abolitio, eaque haud quidquam est : nihil enim rerum quae sunt, abolet et tollit : quin ea ipsa plane non est » Kopp sous-entend ἀναιτρεῖ devantοὔ τι ὄντων.

(40)  Note marginale : « περὶ τοῦ πρότερον γνωστόν πῇ ἢ ἄγνωστον τὸ ἓν πάντη καὶ πρῶτόνγε, — ὅτι πῇ γνωστόν, — ἄλλο ἐπιχείρημα. » Il faut certainement lire πότερον au lieu de προτερον.

(41) Διὰ τὴν ἐπέκεινα καὶ τοῦδε ἀρχήν. Il donne à διὰ le sens causal, « propter ».

(42) Οἷον τὸ πάντα ἕν.

(43Εἶδος.

(44) Τὸ πάντων περιληπτικώτατον. Procl. in Parm., VI, p. 73 : διότι γὰρ αὐτὸ τὸ ἓν πάντων ἔστιν, εἰ θέμις εἰπεῖν, περιληπτικώτατον καὶ οὐδὲν ἕξω τοῦ ἑνός. De même, Damascius répétera plus loin, § 423, ᾗ ἓν τὰ πολλὰ περιείληφεν.

(45)  Kopp : « Spuria et adulterina ratiocinatio (quœ fere cum Aristotelis dialectica ratiocinatione congruit, de qua multus est in Topicis et Rhetoricis) ne e longinquo et dissito quidem quasi prospicit ut vera ratiocinatio, sed ex aliie alia animo informat. In sequentibus alterum τίς ante ἔστι γνώσεως inducendum videtur : si hic cognoscendi modus per ratiocinia fallacia conceditur, fortasse.... »

(46)  Au lieu d'ἀκολουθίας qui ne se comprend guère ici, plusieurs manuscrits donnent ἀληθείας. Je lirais volontiers : ἡ δὲ τῇ ἀνάγκῃ, une autre s'appuie.... Il y aurait ainsi trois modes de connaissance : 1* la connaissance intuitive, qui voit, ὁρώσα ; 2° la déductive ; 3° la connaissance analogique ou inductive.

(47)  Tïm., 52 b. Parm., 141 c.

(48) Le texte donne )απογυμνών ἡμῶν ἐκείνην τὴν φυσιν. Kopp veut lire ἡμῖν qui n'a guère plus de sens. Je supprime ἡμῶν qui paraît être une erreur de copiste entraîné par la similitude des sons des syllabes précédentes ὑμῶν. ἡμῶν.

(49) Parm., 141 e. C'est, en effet, la conclusion de la première hypothèse. Ruelle veut que ce passage prouve que la première partie du Traité des Principes n'était elle-même qu'un commentaire du Parménide. J'y vois la preuve de l'unité de l'ouvrage, qui, sans être un commentaire spécial, s'appuie partout sur Platon.

(50)  Ἐνιαία, unosa : une proposition identique, pour ainsi dire. Kopp : « Sin quœdam cognitio est unosa, qualis est Deorum, in Uno supraque Unitum fulta, haec cognitio Unum adtinget per injectum mentis et quasi coitum. »

(51) Rep., VII, 540 : ἀναγκαστέον ἀνακλίναντας τὴν τῆς ψυχῆς αὐγὴν εἰς αὐτὸ ἀποβλέψαι τὸ πᾶσι φῶς παρέχον.

(52) Soph., 244, — Le passage du Sophiste a pour objet de distinguer l'un de l'être. Kopp, à propos de ces citations, observe que Damascius comme les autres Néoplatoniciens : « Platonis testimonio et interpretatione ita fere utitur, quemadmodum Theologi qualiscumque sectœ scripturis sacris usi sunt. »

(53) Οἱ ἐνθουσιασμοί, ou les états psychologiques de la méditation mystique, la contemplation de Dieu en soi où le sujet s'unit à l'objet, de manière à effacer toute distinction entre eux.

(54) Kopp : « ὁ θεὸς glossema esse videtur quod ad μεθεκτός pertinet. Deus enim, communie et quasi publicus, sive dicere licet, transitivus et tralatitius, quum ceteras res sciat, se ipsum ignorabit? Cum seipsum nisi a parte, qua est, noverit ; quantum vero unum est, non cognoscet? praesertim unosa cogi-tatione qua gaudet.

(55) ἐξαρτημένος. Je lirais volontiers ἐξηρημένος.

(56)  Γνωστὸν τῇ νοήσει. Note marginale : τὸ νοητὸν ἐνιαῖον — ἡνωμένον, ὑπερούσιον — οὐσιῶδες.

(57) Τοῦ τί équivalent au τὸ δέ τι d'Artstote et qui désigne la substance, ce qui n'est ni dans un sujet, ni dit d'un sujet : « Singularum rerum forma deflnita. Arist., de An., 416 b. 13; Met., 1060 b. 1, τὸ δέ τι καὶ τοῦτο ἡ οὐσία.

(58)  Kopp : « Sin in eum arctum quasi nodum et complexum mente in cogni-tionem que constringere, sive ut recentiores loquuntur, ad hune abstractionis et intuitionis gradum ascendere nequimue, ne miremur qui Titanico bello distracti simus. »

(59)  La guerre des Titans est pour Damascius le symbole du principe de la différenciation, opposé au principe de la concentration et de l'intégration. Damasc, t. II, p. 190. Ru. § 521 : καὶ γὰρ ἔδει ταὐτὸν μὲν ἀπὸ τῆς συναγωγοῦ προελθεῖν αἰτίας, ἕτερον δὲ γέννεσθαι ἀπὸ τῆς τιτανικῆς. Mais c'est un moment nécessaire de l'évolution de la nature des choses, et la monade elle-même est en quelque sorte titanique; id., 360, τιτανικὴ, γὰρ πως ἠ μονάς, c'est-à-dire divisée. Cet état titanique, nous le subissons en réalité et cependant c'est cet état que nous nous efforçons de transformer et d'amener à l'état le plus saint, et le plus indivisible de tout l'univers, id., § 29, τῷ γὰρ ὄντι τοῦτο τιτανικὸν πάσχομεν. Dans la procession des mondes engendrés, ce stade de développement a sa place et ce n'est pas la dernière. « De la Raison absolument simple, procède la raison synthétisante, συνοχιχός, de celle-ci procède la raison titanique, et de la raison titanique procède la raison démiurgique, id.t § 97 bis, p. 249. Ru. Il en est de même des mondes : le monde démiurgique procède du monde titanique; le monde titanique du monde composé ; et le monde intellectuel du monde intelligible, id., g 94, p. 235. C'est pourquoi l'on dit que Kronos engendre le monde titanique qui lui est propre, id., § 97 bis, p. 247. Ru. Conf. Creuzer, ad Plot, de Pulchrit., p. XLIII. Le ms. 100 de la Bibl. de Munich contient cette mention : Ἁνωνύμου τινὸς λόγος περὶ θεῶν.... ὁ Κρόνος, διὰ μὲν τῶν οὐρανίων τομῶν προάγων εἰς τὰ μέρη τὴν ὁλότητα τὴν νοερὰν καὶ προόδων γιννητικών καὶ πόλλα πλααιασμῶν αἴτιος γινόμενος, καὶ ὁλῶς τῆς Τιτανικῆς γινεᾶς ἡγούμενος ἀφ' ἧς ἡ διαίρεσις τῶν ὄντων. Conf. Procl. in Crat., p. 60, Olympiod., in Phaed., (éd. Finck), p. 66, 24-68, 11-96, 21-35, 6-95, 1-67,14-95, 3-68, 3-6.

(60) Ep., VII, 343.

(61) Que veut il dire? On peut à peine le soupçonner.

(62Stob., Ecl.., 1,10,5: Λίνου ἐκ τῶν περὶ Φύσεως κόσμου. Conf. Lobeck, Aglaoph., p. 337. Diogène de Laerte, dans son Introduction, prétend que tout ce qu'a dit Anaxagore de l'Origine des choses, il l'a emprunté à Linus et à Orphée, et il cite de Linus le vers :

Ἦν ποτ τοι χρόνος οὗτος ἐν τῷ ἅμα πάντα ἐπεφύκει.

Sur la légende de Linus voir le très intéressant mémoire de Welker, Kleine Schrift.)  I, pp. 8-55.

(63)  Il fait partie des plusieurs en tant qu'un déterminé ἕν τι.

(64)  Kopp : « Unum, si ideo quod Omnia est, comprehensible esse videtur et ipsum cognoscens erit; nam cognoscendi facultas (τοῦτο) de Omnibus Unum est. At quid tandem cognoscet?

(65) Ἐv τοῖς ἔπειτα

(66) Τὸ τὶ ἕv.

(67 Τὸ ἁπλοῦν, chaque terme, pris en soi, à part.

(68)  Elle n'affirme que des relations et non des êtres.

(69) M. Ruelle remarque avec raison que, dans le passage du Parménide (134 b.), il s'agit non de l'être, mais des espèces des êtres, τὰ εἴδη τῶν ὄντων. En général, les Alexandrins citent, avec la plus grande liberté et interprètent avec une liberté plus grande encore, les passages de Platon qu'ils croient favorables à leurs opinions particulières.

(70) Rep., V, 477 b. Platon est très affirmatif sur ce point : οὐκοῦν ἐπὶ μὲν τῷ ὄντι γνώσις ἦ,... οὐκοῦν ἐπιστήμη μὲν ἐπὶ τῷ ὄντι πέφυκε γνώναι ὡς ἔστι τ ὄν.

(71) Je lis ἅπλωσιν au lieu d'ἀνάπλωσιν.

(72)  Ἕν τι ἤδη τὸ γνωστόν.

(73) Il n'est pas principe des connaissances particulières.

(74)  LὝπαρξις n'est pas la substance même, mais le fondement de la substance.

(75)  Πάντα καὶ πᾶν.

(76) Τόδε πάντα εἶναι οὐκ ἔστι τόδε τι εἶναι, τόδε γνωστὸν εἶναι, τόδε τί ἐστιν εἶναι.

(77) L'être qui est tout.

(78) 5. Ἀλλ' ὡς ἓν πρὸς ἕv. C'est le retour soi-même, Olympiod., in Phileb, p. 263. Stallb. : κίνησίς τις καὶ ἡ γνῶσις ἐπὶ τὸ γνωστόν.

(79)  La raison, la vie, la substance.

(80Le texte de Ruelle : μᾶλλον δε ἡ κοινὴ τῶν τριῶν est changé par un manuscrit qui donne αὕτη δὲ ἡ ἕνωσις ἡ κοινή ; ni l'une ni l'autre de ces leçons n'offre un sens clair.

(81 Εἰς τὸ αὐτὸ περιτρέπευθαι.

(82)  Note marginale : Ἀρχή — ὅτι μὲν οὐχ ἓ διαχκίνεται τῦυ ἑνὸς, τὸ δέ γε ἕv ἥκιστα τοῦ ἑνός. — Au lieu de τοῦ ἑνός un autre manuscrit donne οὐδένος. — Note marginale. — Ἐτεῦθεν πρὸς τὰς περὶ τοῦ ἄγνωστον εἶναι τό ἓν ἐπιχειρήσεις.

(83)  Kopp. « Quo pacto res omnes ab Uno procédant et nascantur, demonstrandum est. Omnia Unum postsequuntur; nam Unum non tantum hoc est ipsum (Unum), verum etiam posteriora multa et varia exœquat. Hœc milita et varia Unum non esse, in manifesto est : ergo sunt secreta, non quidem quatenus Unum cluent, at quatenus de eis non Unum prœdicatur. Hoc non Unum, non negat, sed juxta ipsum Unum positum est; manet Unum, non quatenus non Unum cluet propeque, παρά, (?) Unum stat, sed propterea quod non radicitus ab Uno evulsum est. »

(84)   Kopp. « Non Unum sua ipsius vi atque indole id quod est evasit, idemque per communionem et participatum Unum manet (Kopp supprime διὰ τὸ γενέsθαι oὐχ ἕv, sans en avertir) non Unum ab Uno dissidet, indeque originem ducit ; at Unum, quum et non Unum seu plurativum constringat, ab non Uno non secernitur, imo Unum cum sua vi adunante et colligente secernentem non Unius prœvertit essentiam, quia essentia sive ipsum esse cujuscunque rei consistere nequit, quin Unum subsit, itaque ubi Unum adest et participatur, ibi demum essentia et ipsum esse existit. »

(85) Ropp : « Logica effata, quae in rebus posterioribus et citerioribus, in rebus comparatis et inter se cognatis adhibeantur et valeant, ibi in rébus abstrusis minus valent. »

(86) Note marginale : Σῆ... ὅτι τὸ εἶδος καὶ ἕτερον καὶ διακρινόμενον τῆς ὕλης· αὕτη δὲ τούτων οὐδέν, ὡς ἀνείδεος. —Je change la ponctuation de Ruelle : je mets un point après ὁμοφυῆ et je le supprime après τῆς ὕλης.

(87) Ruelle propose de lire εἰ δέ τι διακέκριται, au lieu de διακέκριται simplement. On lit en marge du manuscrit Ε : Qu'est-ce qui l'empêche de passer dans la matière ? — On pourrait répondre : précisément parce que cette distinction est demeurée dans la forme. — Kopp : « Forma a materia differt et sejuncta est, materia non item, materia, puta, formata ; forma igitur a materia secreta est, neque vero materia secreta est, sed secretio sive dififeritas, quœ formarum una est, in his remansit nec tota in materiam abiit. Quemadmodum hac ratione aliquid ab eo, quod non defecit, secretum est, ita ipsum quod defocit, reflexione et conversione, sive quasi postliminio secretionem corri-gere et sanare potest. »

(88) Je lis avec Kopp : αὐτὸ ὄν et προϊόν. — « Unum igitur, sicut cuicumque rei procedens, aliquantisper adhœrescit, et ab ea nomen ducit (quamvis semper sibi idem constat) v. c. substantiale Unum, vitale Unum et quas alias denominationes ab rebus concretis trahit, — ita, opinor, finem constantem singuls res, pro sua quœque secretione nanciscuntur et ab sua illinc ducta perfectione ipse finis et perfectio cognominatur atque ejusmodi esse ponitur qualis est res, ad quam offendit. »

(89) Toutes les propriétés spécifiques viennent des dieux respectifs qui les possèdent a priori et ensuite les communiquent.

(90) Ici seulement vient l'apodosis de la protase qui commence à la ligne 11.

(91) Οἵῳ-οἵου. On lui donne la qualité de l'objet où il se trouve.

(92)  Kopp : « Quae enim Omnia rerum pluraliter et sparsim sunt, ea iste finis imiter est, noli arbitrari, quantum potentia est, nec quantum causa cluet rerum quae non adhucdum sunt, sed, si fas est dicere, quantum quasi primordium et essentia ipsa exstat, et entium est, et essentia quidem unica illa et qua est Unica, Omnium ferace natura instructa. Quemadmodum igitur ceterarum rerum cuilibet, sic itidem cognitivo seu cognitionis capaci adest unum cognitivum seu cognitione tinctum, quod tanquam comprehensibile prostat, non eo quod alterum utrum est, sed eo quod utrumque super alterumutrum, gravius ut dicam, quod supra utrumque Junctum eminet. Omnia namque cluet non ex discretione, sed ante diecretionem. Hoc demum modo probe Omnia prœ Omnibus erit, non imperfecte, quasi potentia, nec causaliter, quasi nondum Omnia esset, sed Omnia est indiscrete primordio et essentia, eaque non prœ Omnibus Unita, sed Omnibus superiore, subtiliore et per suam ipsius simplicitatem sinceriore. »

(93) Kopp : « Rerum ab uno seductarum unaquœvis, quanto in una sum-maque Omnium junctura continuatur, eo potior est; qua conjunctione cum deficit, semper particularior et debilior evadit, prout proprietatum aliœ ad majorem, aliœ ad minorem secretionem proprius adeunt.

(94) Kopp veut lire συνάγαγέ μοι, avec plusieurs manuscrits. Je ne vois pas de raison bien forte pour préférer cette leçon.

(95) Tὸ συνάν. Dans la marge d'un manuscrit on lit τὸ μένον.

(96) Ἤ indique souvent la réponse à une question ou à une objection que l'auteur se fait lui-même.

(97) On pourrait, en changeant la ponctuation de Ruelle, traduire : Si nous contemplons le simple et l'Un, nous détruisons la grandeur immense et infinie de l'Un Tout.

(98) L'ensemble de tout.

(99Celui qui précède tous les autres, dans le temps comme en dignité.

(100) Kopp : « Notione Unius, quod et simplicissimum et copiosissimum omnium rerum quasi seminarium perhihetur, excruciatur, et ejusdem generis labores et de Ente, de Ideis etc... dolores, quibus mens laborat, commemorat. »

(101)  Par la contradiction qu'elle enferme : distincte et à la fois uniée, unosa.

(102)  1. Note marginale : ἀναβαίνοντες εἳς ὕψος, ταῖς χερσὶ καὶ ποσὶν ἀντερείδοντες.

(103) Μονοειδοῦς. De ce qui ressemble à l'un.

(104) Ἐπινοουμένη. Kopp : « Suspicor legendum Ιπινεύουσα vel quod melius ἐπινευομένη. » Je ne crois pas ce changement nécessaire, et j'ai conservé la leçon des manuscrits, qui se laisse comprendre à l'aide d'une forte ellipse, mais habituelle à notre auteur.

(105) C'est le grand principe néoplatonicien : Toute pluralité pose une unité qui l'explique ; tout degré inférieur des choses pose un être supérieur qui l'embrasse.

(106) C'est-à-dire la faculté d'être connue.

(107) Par les contraires qu'une même connaissance embrasse, comme dit Aristote.

(108) Je pense qu'une négation doit être mise devant le membre de phrase ὅσω δὲ μᾶλλον, ou sous-entendue par ellipse, et contenue dans le membre précédent, ὅτι οὐχ ὑπομένει τὴν γνῶσιν προσιοῦσαν. — L'Un se dérobe à la connaissance par rapprochement ; son éclat éblouit l'esprit et transforme la connaissance en inconnaissance. C'est ce qu'indiquent clairement les notes marginales que je reproduis avec la disposition des manuscrits.

ὁρᾷ
ὁρασις ὁρᾷ
πόρρω μᾶλλον τὸν ἥλιον καὶ  πᾶν ὁρατάν
μέση  ἧτητον τὸν ἥλιον
ἐγγὺς οὐδαμῶς οὔτε τν ἥλιον (οὔτε ἄλλο τι)
γνώσις — γιγνώσκει
πόρρω — μᾶλλον τὸ πρῶτον ἔν
μέση — ἧττον τὸ πρῶτον ἕν
ἐγγὺς — οὐδαμῶς τὸ πρῶτον ἕν

(109) Une autre note marginale fait remarquer : Σημείωσαι : παράδειγμα προσφυέστατον περὶ γνώσεως καὶ ἀγνωσίας τοῦ ἑνός. Plat.,Rep., VII, 532, a.

(110)  Ὑπεράγνοιαν que des manuscrits lisent en deux mots : un seul en un, ce que je préfère avec Ropp et Ruelle.

(111) Τῆς Σιγῆς ἐκείνης. On reconnaît ici les formules et les idées gnostiques. Valentin identifie le Silence avec le Principe insondable des choses, qu'il appelle βυθός et Damascius τὸ ἄδυτον. Conf. § 41 et 189. On peut se demander si ce silence dont parle aussi Proclus {in Parm.y 1171. 4) εἶτε ὁρμὸς μυστικὸσ, εἶτε σιγὴ πατρική signifie le Père seul ou tout le monde intelligible.

(112) Τῆς τοῦ πρώτου περιτροπῆς.

(113Au-dessus de l'Un, plus simple que l'Un, sont des déterminations qu'exclut sa simplicité absolue.

(114).Il y a dans l'Un même quelque détermination que le Tout rétrécit et nie.

(115) Ὠδινά φησι γνωστικήν — une parturition gnostique.

(116). Proclus lui-même (Plat. Theol, III, 18, p. 151, 31) fait allusion à cet écrit monographique ; peut-être le même auquel il se réfère, dans son commentaire in Remp., 1. 433, où il traite de la Vérité, de la Beauté et de la Proportion.

(117)  Ep., VII, 342, 343. Je ne vois pas bien cela au passage indiqué par Ruelle : Platon établit que sur chaque chose, il y a : 1° un nom ; 2° une notion, une idée, λόγος ; 3° une représentation, une image, εἴδωλον ; 4° une science, ἐπιστήμη et enfin 5° la chose même, αὐτό, qu'il faut poser et qui est connaissable et vraie. —- Puis, il ajoute que l'infirmité humaine est telle, que tandis que l'âme cherche à savoir non pas la qualité τὸ ποιόν τι, mais l'essence αὐτό ποιόν τι, τὸ δὲ τὶ ζητούσης, elle est remplie d'incertitude et de doutes par chacune des quatre premières choses : nom, jugement, image, science, qu'elle ne cherchait pas.

(118)  La succession et les états successifs des mondes engendrés ressemblent à une suite de règnes, où dominent tour à tour les Titans, les Démiurges et autres Dieux. Le règne des Titans correspond au moment où les mondes divers, compris, jusque-là, dans l'Unité, se séparent, se partagent, se divisent. Conf. Damasc., περ. ἀρχ. § 60. — § 94. — § 97 bis (pp. 247 et 249). — § 321. Nous voyons là distingués et issus l'un de l'autre les diacosmes ὁ συνοχικός, ὁ τιτανικός, ὁ δημιουργικός et les causes : ἡ συνάγωγος et ἡ τιτανική, qui sont entre elles dans le rapport du monde (κόσμος) νοερὸς au monde νοητός. Conf. de Vi atque indole verbi Τιτανικός, Creuzer, dans l'édition du livre de Plotin : de Pulchritudine, p. XLIII. Heidelb, 1814.

(119) Les Stoïciens ramenaient à quatre les dix catégories d'Aristote : au-dessus de ces quatre était le genre le plus universel, le genre suprême, le quelque chose, le τί, l'Etwas de Hegel. Ils lui donnaient parfois un autre sens, et l'opposaient au τόδε, la chose individuelle, comme un genre commun, τὰ κοινὰ, οὔ τίνα. Plotin a exposé et critiqué toute cette théorie. Enn., VI, 1, c. 25 et VI. Conf. Chaignet, Hist, de la Psych. d. Grecs, t. IV, p. 275.

(120). Τὰ Λόγια. Lobeck en distingue de plusieurs espèces : les uns attribués par Suidas au Théurge Julien le jeune; d'autres, les Oracula Chaldaica, recueillis par Julien, l'ancien, le père, appelé ὁ Χαλδαῖος, et interprétés par Michel Psellus de Grœcor. Opin. et par Pléthon (Fabric. Bibl. Gr.,  t. I, p. 313) et par Mosheim, ad Cudworth., p. 338. On en trouvera une analyse à la fin de cet ouvrage.

D'autres encore cités par Nicolas Damascène (I, 461) intitulés : Λογία τῶν ἀπὸ Ζωροάστρου Μάγων, contiennent des doctrines, soi-disant exposées par la voix des Dieux et sous forme d'oracles, au sujet des substances hypercos-miques, des idées formatrices de la matière, et reproduisent des idées et même des passages textuels de Platon. C'est l'œuvre d'un demi barbare, dit Lobeck.

Enfin, Porphyre en avait encore recueilli d'autres, dans un ouvrage dont il ne reste que la partie concernant les formules d'évocation magique des Dieux, et dont le titre était : « La philosophie tirée des oracles », περὶ τῆς ἐκ Λογίων φιλοσοφίας. Conf. Euseb., Prœp. Εv., IV, 7, 1, 8, 1.

Taylor a édité, dans le Classical Journal, t. XVI et XVII, les Oracula Chaildaica ; mais Lobeck porte sur cette édition le jugement le plus sévère et même le plus dur (Aglaoph., p. 94). — Proclus en avait fait une étude approfondie et passionnée (Marin. Vit. Procl., c. 36) et leur avait consacré des mémoires dont la composition lui avait coûté cinq années de travail, εἰς τὰ θεοπαραίδοτα Λόγια, mémoires dont il fait mention lui-même (in Remp., p. 349, 39 b. εἴρηται διὰ πλειόνων ἐν τοῖς εἰς τὰ Λόγια γεγραμμένοις). Marinus (Vit. Procl. c. 38) rapporte qu'il aurait dit : « Si j'étais le maître de toute la littérature ancienne, je ne laisserais en circulation que les Λόγια et le Timée. » Syrianus avait écrit un livre pour prouver la concordance, συμφωνία, d'Orphée, de Pythagore et de Platon avec les Λογία (Suid. ν. Σ.); Hiéroclès, dans son IVe livre de la Providence, s'était efforcé de démontrer la concordance « de ce qu'on appelle les Λογία et les règles hiératiques (ἱερατικούς θεσμούς, Theurgorum prœcepta) avec les doctrines de Platon » (Phot, Cod. 214, p. 173 a. 13). — C'est également la conviction absolue de Damascius comme de Proclus. Un mémoire de G. Krroll (de Orac. Chaldaic, 1894. Breslau) cherche à démontrer la thèse contraire. Gennadius (dans son Dialogue avec un Juif, p. 157 du ms. de Berne, p. 34 de l'édition de Alb. Jahn. Leips. 1893) mentionne un recueil en un livre, extrait d'ouvrages très anciens, et contenant avec les prophéties des Sibylles, les Oracles de Delphes (τῶν ἐv Δελφοϊς καὶ Δάφνῃ μαντείων — quoique selon une certaine tradition la nymphe Daphné ait possédé le don prophétique et rempli la fonction oraculaire à Delphes, avant Apollon, je ne crois pas que Gennadius distingue ces deux époques et ces deux sources : il use de la figure ἐν διὰ δυοῖν). — Ce recueil, où se trouvaient des prophéties sur le Christ, fut perdu dans la prise de Constantinople en 1453. — Gennadius atteste qu'il y a encore de son temps de ces livres d'oracles et de prophéties, dont l'authenticité ne peut être suspectée (id., p. 37. C. Jahn) : " εἰσὶν ἐν Χριστιανοῖς ἔτι σωζόμενα τάτε τῶν σοφῶν )ἐχείνων (Hiérothée et Denys l'Aréopagite) συγγράμματα καὶ τῶν σιβυλλῶν καὶ τῶν χρηστηρίων αἱ συγγεγραμμέναι προρρήσεις... πᾶσαν ῾θποψίαν διαιπεφευγμέναι. — Olympiod., in Pfiœd., I, 91. Finck mentionne aussi les Λόγια : Τὰ Λόγια τῇ πηγαίᾳ ψυχῇ τὴν πηγαίαν παραζεύγνυσιν ἀρετήν. Conf. Procl., in Tim., p. 315.

(121) 1. Kopp : « Quum promta et quasi subita atque prœsentanea (ἀθρόα) cognitione, quœ in nobis perexigua est, ad ipsum Individuum accedere nequeamus, per gradue et partes succedentes ejus potiri conabimur. Sic ad unum adscendimus primum quamlibet speciem, quœ nobis offendit, ratione non solum individuam, sed etiam unitam effingentes, dum varietates cujuslibet conflamus ; deinde omnes partes (seu notas) diversas simul concipimus et circumscriptiones seu determinationes detrahimus. Cum tenui humanœ menti innata unius cognitione ad Unum quad ara tenus accedere possumus ; at uni nostram cognoscendi unius facultatem et terminum migramus, in incertum et inscitiam deferimur, ex comprehendentibus facti sumus non comprehendentes, non cognoscentes, hinc duplex nexus exoritur, alter unius cum uno, qui cognitionem superat. Etc. ».
 

(122) Συναίρεσιν, on a vu tout à l'heure que la pensée est συναιροῦσα πάντα εἰς μίαν φύσιν.

(123) Comme prédicat.

(124) Kopp. : « Num Unum sua ipsius natura ita comparatum est, ut cognitionem non habeat, quamvis id quod cognitione inaccessum est, alterum est, quam purum unum, quod per se stat, neque cum ulla quapiam re communionem habet. Quod comprehensibili opponitur est Incognitum ; quod uno ultcrius Ineffabile et Reconditum, cujus neque cognitionem neque ignorantiam habere confitemur, sed eis exsuperante circa id inscitia versamur, qua ipsum Unum obumbratur. »

(125) Subtile distinction entre : le connaissable, et le être connaissable.

(126) Τοῦ εἶναι πάντα.

(127) Προειληφάς. Il s'est emparé primitivement antérieurement.

(128) Δίῖον ou de Ζευς.

(129) Un manuscrit donne ἡνωμένων au lieu de ἡνωμένως.

(130) Unum-Omnia. Kopp.

(131) Car l'article jette dans la notion du Tout une pluralité, que dissimule l'absence de la particule.