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TABLE DES MATIÈRES DE LA MÉTÉOROLOGIE

table des matières de l'œuvre d'Aristote

 

 

ARISTOTE

 

 

MÉTÉOROLOGIE.

 

LIVRE IV

 

livre 1 - livre 2 - livre 3

 

texte grec

 

 

 

LIVRE IV.

CHAPITRE PREMIER.

Théorie des quatre éléments : deux actifs, le froid et le chaud; deux passifs, le sec et l'humide. Actions diverses de ces éléments ; génération et changement. La putréfaction ; son rôle considérable dans la nature; différence de son action selon les corps
 

§ 1. [378b. 10] Comme on a établi qu'il y a quatre causes des éléments, il résulte que, suivant les combinaisons de ces causes, les éléments sont aussi au nombre de quatre, dont deux sont actifs, le chaud et le froid, et dont deux sont passifs, le sec et l'humide.

§ 2. On peut se convaincre de l'exactitude de ces principes par l'induction. En toutes choses, on voit la chaleur et le froid, déterminant, combinant, changeant les corps homogènes et les corps non homogènes ; humectant .et séchant, durcissant et amollissant, tandis que les corps secs et humides sont déterminés par le chaud et le froid, et qu'ils subissent toutes les autres modifications dont on vient de parler, les souffrant d'abord eux-mêmes tels qu'ils sont, comme les souffrent aussi tous les corps qui se .forment, en parties communes, par la combinaison de ces deux éléments.

§ 3. On peut s'en convaincre encore par les définitions que nous donnons de la nature de ces éléments ; car pour le chaud et le froid, nous les appelons actifs, attendu que ce qui coagule les corps est bien quelque chose d'actif. L'humide et le sec sont quelque chose de passif ; car ils sont faciles ou difficiles à délimiter, selon que leur nature vient à souffrir quelque modification.

§ 4. Il est donc évident que de ces quatre éléments les uns sont actifs, et les autres passifs. Ceci posé, il faut énumérer les effets par lesquels opèrent ainsi les éléments actifs, et rechercher les diverses espèces des éléments passifs.

§ 5. D'abord donc d'une manière générale, la génération absolue des choses et leur changement naturel sont l'oeuvre de ces puissances, ainsi que la destruction naturelle, qui est opposée à la génération et au changement. Ces puissances se retrouvent également dans les plantes et dans les animaux, et dans leurs parties.

§ 6. Mais la génération absolue et naturelle n'est qu'un changement causé par l'action de ces puissances, lorsqu'elles sont en un rapport convenable avec la matière qui est propre à chaque nature de corps. Ce sont alors les puissances que l'on vient d'indiquer, et qu'on appelle passives. [379a] C'est le froid et le chaud qui, en maîtrisant la matière, engendrent les choses. Mais lorsqu'ils ne dominent pas, il y a alors, même dans une simple partie, crudité et indigestion.

§ 7. La génération absolue a pour son contraire le plus ordinaire la putréfaction. En effet toute destruction naturelle est un acheminement vers cet état, comme par exemple la vieillesse et la dessiccation. La fin de tous ces phénomènes, c'est la décomposition, toutes les fois que quelqu'un des composés naturels n'est pas détruit violemment ; et par exemple, une destruction violente c'est de brûler de la chair, de l'os, ou telle autre chose de ce genre, dont la fin suivant leur destruction naturelle devrait être la putréfaction.

§ 8. Voilà pourquoi les choses qui se putréfient sont d'abord humides, et sèches à la fin ; car c'est de là qu'elles sont d'abord venues, et le sec a été délimité par l'humide, quand les éléments actifs ont opéré. La destruction a lieu quand le délimité l'emporte sur le délimitant, par l'action de ce qui l'entoure.

§ 9. Cependant à proprement parler, la putréfaction se dit pour les choses qui se détruisent successivement, quand elles s'éloignent de leur nature. Aussi toutes choses se putréfient, le feu excepté ; la terre, l'eau, l'air se putréfient ; car toutes ces choses sont matière et aliment pour le feu.

§ 10. La putréfaction est, dans tout corps humide, la destruction de sa chaleur propre et naturelle, par le fait d'une chaleur étrangère ; et cette chaleur étrangère ne peut être que celle du corps environnant.

§ 11. Puis donc que le corps souffre dans ce cas par le manque de chaleur, et que tout ce qui manque de cette puissance est froid, tous deux seraient cause de la putréfaction ; et la putréfaction serait la modification commune, et du froid propre au corps, et de la chaleur étrangère.

§ 12. C'est pour cela que toutes les choses qui se pourrissent deviennent aussi plus sèches, et qu'enfin elles deviennent terre et fumier. En effet, la chaleur propre du corps venant à sortir, l'humide naturel s'en évapore aussi ; . et ce qui retient et attire l'humidité n'existe plus, puisque c'est la chaleur propre qui l'y attire et l'y fait entrer.

§ 13. Durant les froids, il y a moins de putréfaction que durant les chaleurs. C'est qu'en hiver, il y a peu de chaleur dans l'air et dans l'eau qui environnent les corps, de sorte que cette chaleur n'a aucune influence ; mais elle en a davantage en été.

§ 14. Ce qui est gelé ne peut pas non plus se putréfier ; Car la glace est plus froide que l'air n'est chaud. L'air est donc dominé, et c'est le principe moteur qui domine. Ce qui bout ou ce qui est chaud ne se putréfie pas non plus ; car la chaleur qui est dans l'air, est moins forte que celle qui est dans la chose, de telle sorte qu'elle ne domine pas et qu'elle n'amène aucun changement.

§ 15. De même encore, ce qui est en mouvement et ce qui coule se putréfie moins que ce qui reste en place ; car le mouvement causé par la chaleur qui est dans l'air est plus faible que la chaleur qui préexiste dans [379b] la chose ; et par conséquent, elle ne produit aucun changement d'état.

§ 16. C'est la même cause qui fait que ce qui est en grande quantité se putréfie moins que ce qui est en petite quantité. Dans la grande quantité, il y a trop de feu propre et de froid, pour que les forces environnantes puissent l'emporter.

§ 17. Aussi l'eau de la mer, si on la divise par portions, se putréfie très vite, tandis que dans sa masse totale elle ne se putréfie pas ; et il en est de même pour toutes les autres eaux.

§ 18. Et les animaux naissent dans les choses putréfiées, parce que la .chaleur naturelle qui s'en dégage recompose et rassemble les parties sécrétées et divisées. voilà donc ce que c'est .que la génération, et aussi la destruction des choses.
 

 

Livre IV, ch. 1. Sur l'authenticité et l'ordre de ce quatrième livre, voir la Dissertation préliminaire.

§ 1 . Comme on a établi, voir plus haut, livre 1, ch. 2, § 1. -- Quatre causes des éléments, le feu, l'air, l'eau et la terre. --- Les éléments sont au nombre de quatre, ce serait plutôt : Les qualités des éléments. -- Dont deux sont actifs sont passifs, voir pour ces distinctions, d'ailleurs peu justes, le Traité du ciel, livre Ill, ch. 5, p. 303, b, 9, et le Traité de la génération et de la corruption, livre II, ch. 2, p. 329, b, 21, et p. 330, a, 30, édit. de Berlin.

§ 2. Par l'induction, ici l'induction n'est pas autre chose que l'observation des faits particuliers, démontrant un principe général. — Sont déterminés par le chaud et le froid, le texte est moins formel. — Dont on vient de parler, ou bien : « dont on a parlé dans d'autres ouvrages. » — Tous les corps qui se forment de ces deux éléments, le texte n'est pas aussi développé.

§ 3. Les définitions que nous donnons, dans le § précédent. — Que ce qui coagule les corps, j'ai ajouté les deux derniers mots. Il est évident d'ailleurs que la chaleur désagrége les corps aussi souvent qu'elle les coagule. -- Faciles ou difficiles à délimiter ou à définir. L'expression du texte est obscure. Voir le Traité de la génération et de la corruption, livre 1, ch. 10, p. 328, h, 2, édit. de Berlin.

§ 4. Il est donc évident, cette conclusion ne paraît pu ressortir évidemment de ce qui précède; ce n'est qu'une simple affirmation, qui n'est pas du tout démontrée. -- Les éléments actifs, l'expression du texte est indéterminée; mais plus haut § 1, l'auteur s'est servi du mot d'élément que je répète ici.

§ 5. La génération absolue des choses, le mot de Génération n'est pas pris ici tout à fait dans le sens que lui donne habituellement Aristote. Il s'agit seulement de la reproduction et du développement naturel des animaux et des plantes. --Leur changement naturel, c'est-à-dire leur développement régulier. -- De ces puissances, c'est le mot même du texte ; mais ordinairement le mot de Puissance a une autre signification dans le style d'Aristote. On pourrait traduire : forces au lieu de puissances..— A la génération et au changement, j'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée. — Ces puissances, ou bien : « la génération et la destruction. »

§ 6. N'est qu'un changement; le texte n'est pas tout à fait aussi formel. — Par l'action de ces puissances, le froid et le chaud faisant naître ou périr les êtres. — Qu'on appelle passives, on attendait plutôt les puissances actives; mais les puissances passives, le sec et l'humide, subissent l'influence des deux autres. — En maîtrisant la matière, l'expression est trop vague; mais je n'ai pas dû la préciser davantage. — Crudité et indigestion, selon Alexandre d'Aphrodisée, la crudité s'applique aux substances qu'on peut faire cuire artificiellement; l'indigestion s'applique aux aliments que doivent absorber les animaux.

§ 7. La génération absolue, c'est-à-dire la génération où l'être passe du non-être à l'existence. — La putréfaction, ceci n'est peut-être pas fort exact; la destruction est le contraire de la génération; la putréfaction est une des voies principales par lesquelles les choses arrivent à être détruites. — Toute destruction naturelle, c'est le contraire qu'il faudrait plutôt dire ; et la putréfaction est un acheminement à la destruction. — La décomposition, l'expression grecque est peut-être encore plus forte. — Une destruction violente, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. — Devrait être, même remarque.

§ 8. Sont d'abord humides, le fait est exact en général. — Et sèches à la fin, ceci n'est pas aussi vrai, et ne s'applique qu'à certaines matières. — Car c'est de là qu'elles sont venues, c'est-à-dire qu'elles ont commencé par être humides. — Quand les éléments actifs, le froid et le chaud. On ne comprend pas bien d'ailleurs comment le sec est délimité ou déterminé par l'humide. — Le délimité, et par exemple ici, l'humide primitif, qui l'emporte sur le sec. — Par l'action, le texte n'est pas tout à. fait aussi pré¬cis.

§ 9. Successivement, le texte dit précisément : en partie. — Quand elles s'éloignent, le texte dit avec plus de force : " quand elles se séparent de leur nature. » -- Le feu excepté, M. Ideler remarque que dans les Problèmes, livre XXV, ch. 20, p. 939, b, 27, édit. de Berlin, l'air aussi est excepté de la putréfaction. — Sont matière et aliment, il n'y a que le premier mot dans le texte. L'idée ne paraît pas d'ailleurs très juste ; car elle tendrait à confondre la putréfaction avec la combustion.

§ 10. Dans tout corps humide, il faut entendre un corps plus ou moins humide. — De sa chaleur propre et naturelle, comme l'humide résulte surtout du froid, il faut .entendre qu'il s'agit ici de la température plutôt que de la chaleur proprement dite.

§ 11. Le corps souffre, l'expression du texte est toute indéterminée. — De cette puissance, c'est le mot même du texte. Voir plus haut, § 5. -- Tous deux, c'est-à-dire le froid et le chaud. — Le froid propre au corps, et acquis en quelque sorte par la dispersion de la chaleur propre. Voir le § 10.

§ 12. Deviennent aussi plus sèches, après avoir été d'abord plus humides, comme il est dit au § 8. — Terre et fumier, ce sont des expressions bien générales, et qui par conséquent ne sont pas très exactes. -- L'humide naturel, qui combiné avec la chaleur composait le corps. -- Ce qui retient et attire l'humidité, c'est-à-dire la chaleur.

§ 13. Il y a moins de putréfaction, le fait est exact ; et on peut l'observer chaque hiver. — Et dans l'eau, peut-être l'eau ne signifie-t-elle ici que l'humidité répandue dans l'atmosphère. — Elle en a davantage en été, ou bien : « la putréfaction a lieu davantage durant l'été. » Ces deux traductions reviennent à peu près au même.

§ 14. Ne peut pas non plus se putréfier, le texte n'est pas aussi formel. -- L'air est donc dominé, même remarque. Ce sens est celui qui paraît le plus acceptable. — C'est le principe moteur, c'est-à-dire le principe qui a déterminé la congélation. — Ce qui est chaud, et continue à garder la même chaleur. - Dans la chose, c'est le mot même du texte; on pourrait traduire aussi : « dans le corps. »

§ 15. Ce qui est en mouvement et ce qui coule, comme l'eau, par exemple. ---- Dans la chose, même remarque qu'au § précédent.— D'état, j'ai ajouté ces mots qui complètent la pensée. Tous ces faits d'ailleurs sont assez exacts.

§ 16. Ce qui est en grande quantité, le fait est exact. — Trop de feu propre et de froid, ceci n'est pas également vrai. — Les forces, le texte dit précisément : les puissances. Voir plus haut, § 5.

§ 17. Se putréfie très vite, c'est un phénomène qu'on peut observer; mais ici peut-être la putréfaction se confond-elle avec l'évaporation. --Dans sa masse totale, le fait est exact, quoiqu'il fût possible d'aller plus loin et de donner une explication plus profonde. — Pour toutes les autres eaux, qui ne sont pas salées comme celles de la mer.

§ 18. Et les animaux naissent, cette croyance très générale dans l'antiquité a duré jusqu'à nos jours ; elle est aujourd'hui restreinte au vulgaire ; mais au dernier siècle, elle avait encore quelque vogue parmi les savants. -- Recompose et rassemble les parties sécrétées et divisées, le texte est moins développé; mais j'ai dû le rendre avec ces détails pour reprouire toute la force des expressions grecques. — La génération et aussi la destruction, dans les limites qui out été indiquées pour la question spéciale dont il est traité ici.

 

CHAPITRE II.

Modifications successives des corps par l'action des quatre éléments, modifications causées par la chaleur et le froid : digestion, maturation, coction, cuisson ; modifications contraires causées par le froid. Résultats divers de la digestion, selon les corps et les circonstances.
 

§ 1. Il nous reste à dire quelles sont les modifications consécutives que déterminent les forces dont nous venons de parler, en agissant sur les objets déjà formés par la nature elle-même. La chaleur cause la digestion, et les espèces de la digestion sont : la maturation, la coction, la cuisson. Le froid cause l'indigestion, et l'indigestion a pour espèces : la crudité, le ramollissement et la coction imparfaite.

§ 2. Il faut bien remarquer que ces expressions ne correspondent pas très convenablement aux choses ; mais pourtant elles ne s'appliquent pas d'une manière générale à des phénomènes identiques. Par conséquent, il faut bien se dire que toutes ces espèces ne sont pas absolument, mais seulement à peu près, ce qu'on vient de dire. Nous allons les reprendre chacune à leur tour.

§ 3. La digestion est donc un achèvement par la chaleur naturelle et propre, agissant sur les opposés passifs. Et par ces. opposés, j'entends la matière propre à chaque corps, puisque, quand elle est digérée, l'opération est achevée, et qu'elle est devenue tout ce qu'elle doit être.

§ 4. Le principe de cet achèvement vient de la chaleur propre, bien que cette chaleur puisse être aidée et complétée par quelque secours extérieur. C'est ainsi, par exemple, que la digestion des aliments est aidée par des lotions et par d'autres moyens analogues. Mais le principe, c'est la chaleur qui est dans le corps même.

§ 5. Le but de la digestion, c'est tantôt la nature même de l'être, la nature qui pour nous est forme et substance ; tantôt la fin de la digestion aboutit à une certaine configuration, lorsque le corps humide qui est ou cuit, ou rôti, ou putréfié, ou échauffé de toute autre manière, acquiert telle qualité ou telle dimension ; car alors il peut être mis en usage, et nous disons qu'il est digéré, comme le moût et les liquides qui sont dans les tumeurs, lorsqu'ils se convertissent en pus, et comme la larme quand elle devient chassie. Et de même pour une foule d'autres choses.

§ 6. C'est là du reste ce qui arrive à tous les corps, quand la matière et l'humidité sont dominées et vaincues ; car c'est elle qui est déterminée par la chaleur qui est dans la nature de l'objet; et tant que la définition lui convient, c'est sa nature. [380a] C'est là ce qui fait aussi que ce sont des objets de ce genre, urines, selles, et en général toutes les excrétions, qui sont des signes de la santé. On dit qu'elles sont digérés, parce qu'elles montrent que la chaleur propre l'emporte sur l'indéterminé.

§ 7. Il faut nécessairement que les choses digérées soient plus épaisses et plus chaudes ; car la chaleur rend la chose sur laquelle elle agit plus renflées plus épaisse et plus sèche.

§ 8. Voilà donc ce que c'est que la digestion. Quant à l'indigestion, elle est l'inaccomplissement de ces phénomènes par défaut de chaleur propre. Le défaut de chaleur, c'est le froid. L'inaccomplissement vient des opposés passifs, selon la matière spéciale de chaque objet, d'après sa nature.

Voilà ce que nous avions à dire de la digestion et de l'indigestion.

 

Ch. Il, § 1. Il nous reste à dire, l'expression n'est pas très juste, si on la prend d'une manière générale; car il reste à dire beaucoup plus qu'il n'est dit dans ce chapitre; mais c'est une manière de compléter ce qui précède. — Les forces, ou les puissances, Voir plus haut, ch. 1, § 5. Ces forces d'ailleurs sont la chaleur et le froid. — Sur les objets déjà formés, c'est le sens que donne Alexandre d'Aphrodisée ; quelques commentateurs ont cru qu'il s'agissait des qualités passive, le sec et l'humide, sur lesquelles agiraient les qualités actives, la chaleur et le froid. Cette opinion serait aussi soutenable que l'autre ; et le contexte y aiderait. -- Sont : la maturation, la coction, je ne suis pas sûr d'avoir bien rendu toutes les nuances des mots grecs ; mais l'auteur lui-même sent la difficulté de bien exprimer toutes ces nuances; et il s'en excuse un peu plus bas, au § suivant. — La crudité, le ramollissement, même remarque.

§ 2. Ces expressions ne correspondent pas, si cet inconvénient existe dans la langue même de l'auteur, à plus forte raison doit-on le retrouver dans une traduction. — D'une manière générale, et confuse par conséquent. — Ne sont pas absolument, mais seulement à peu près, j'ai adopté l'accentuation suivie par M. Ideler ; elle me paraît en effet offrir un sens meilleur. — Chacune à leur tour, le texte n'est peut-être pas aussi formel.

§ 3. Un achèvement, de l'être, sous-entendu, ou d'une des parties de l'être. — Sur les opposés passifs, c'est-à-dire le sec et l'humide, opposés passifs du froid et du chaud, qui sont seuls actifs. Voir plus haut ch. 1, § 1 . -- La matière propre à chaque corps, on peut bien dire que la matière de tous les corps est sèche ou humide ; mais cette généralité est bien vague ; et si elle comprend tout, c'est qu'elle confond tout. --L'opération, ou bien encore : la substance. L'expression du texte est tout à fait indéterminée, et il n'est pas facile de voir au juste à quoi elle s'applique. — Tout ce qu'elle doit être, j'ai ajouté ces mots.

§ 4. Le principe de cet achèvement, ceci n'est guère qu'une répétition du § précédent. — Par des lotions, ou peut-être aussi : par des frictions. --- Mais le principe, autre répétition.

§ 5. La nature même de l'être, l'expression est bien vague; et elle signifie sans doute le développement successif que l'être prend, par la nutrition, pour devenir aussi grand et aussi fort qu'il peut être. -- La nature qui pour nous est forme et substance, ceci a bien l'air d'une glose; Alexandre d'Aphrodisée l'a déjà. Voir la Physique, livre II, ch. 8, § 8, p. 57 de ma traduction. -- A une certaine configuration, ou forme. — Comme le moût, qui après avoir fermenté devient du vin bon à boire. -- Les liquides qui sont dans les tumeurs, le texte n'est pas aussi précis.

§ 6. Dominées et vaincues, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Car c'est elle, soit la matière, soit l'humidité; mais j'ai laissé dans ma traduction le singulier, qui est dans le texte.-- Qui est déterminée, c'est-à-dire qui est délimitée et définie. — Que la définition lui convient, l'expression du texte est encore plus vague. -- C'est sa nature, je n'ai pas voulu préciser davantage; et c'est la traduction exacte de l'expression grecque. -- Qui sont des signes de la santé, cette doctrine médicale, prise dans toute la généralité qui est exprimée ici, est parfaitement vraie. Toutes les excrétions du corps, selon qu'elles sont de telle ou telle espèce, indiquent avec assez de certitude l'état de santé où il est.

§ 7. Plus renflée, il aurait fallu peut-être ajouter : " dans certains cas;» car ce ne sont pas là les effets constants de la chaleur.

§ 8. Ce que c'est que la digestion, c'est là une théorie bien incomplète; mais l'analyse n'était pas allée plus loin au temps d'Aristote; et la question elle-même est extrêmement difficile. — L'inaccomplissement de ces phénomènes, Voir plus haut, § 3. ---- Des opposés passifs, id. ibid. Les opposés passifs sont le froid, contraire au chaud, et l'humide, contraire au sec. -- Et de l'indigestion, l'auteur parle beaucoup moins de l'indigestion, sans doute parce qu'il pense que ce qu'il a dit de la digestion s'applique aussi en sens contraire à l'indigestion.

 

CHAPITRE III.

Des différentes espèces de digestion : la maturation et la crudité; cuisson complète, et cuisson insuffisante par bouillie ; explication de ces deux états des corps susceptibles de bouillir; cuisson par rôtissage. Génération d'animaux dans la putréfaction de la cavité inférieure. Cuisson incomplète par rôtissage.
 

§ 1. La maturation est une sorte de digestion ; car la digestion de la nourriture qui est dans les péricarpes, c'est ce qu'on appelle la maturation. Comme la digestion est une sorte d'achèvement, la maturation est achevée quand les semences, qui sont dans le péricarpe, sont en état de produire un fruit tout pareil à ce qu'elles sont; et c'est bien en ce sens aussi que, pour toutes les autres choses, nous entendons leur achèvement.

§ 2. La maturation s'applique donc précisément au péricarpe. C'est d'après la même idée que beaucoup de choses sont appelées mûres, quand elles sont digérées ; mais ce n'est que par métaphore, parce qu'il n'y a pas, ainsi qu'on l'a dit plus haut, de noms particuliers pour chaque achèvement spécial, dans les choses déterminées par la chaleur et le froid naturels.

§ 3. La maturation des tumeurs et du flegme, ainsi que de toutes les choses analogues, n'est que la digestion par l'humide intrinsèque de la chaleur naturelle qui est dans l'objet ; car ce qui ne domine pas ne peut pas déterminer.

§ 4. Ainsi donc, de la forme aérienne les corps passent à l'état aqueux par la maturation, et les corps aqueux deviennent terreux. Toutes les choses qui se mûrissent deviennent toujours plus lourdes, de légères qu'elles étaient ; et c'est pour atteindre ce résultat que la nature tantôt attire à elle certaines matières, et tantôt en rejette certaines autres.

§ 5. Voilà donc ce que c'est que la maturation. La crudité est le contraire ; et la non-digestion de la nourriture qui est dans le péricarpe est le contraire de la maturation. Elle est précisément l'humidité sans limite déterminée. Voilà pourquoi la crudité provient de l'air ou de l'eau, ou même est composée des deux à la fois.

§ 6. Mais si la maturation est une sorte d'achèvement, la crudité est un inachèvement. L'inachèvement tient au défaut de chaleur naturelle, et à sa disproportion relativement à l'humide digéré..

§ 7. Rien en effet de ce qui est humide ne peut se mûrir par soi-même, sans qu'il n'y ait aussi du sec ; car l'eau est le seul des corps liquides qui ne s'épaississe pas. [380b] Et ce phénomène a lieu, soit parce que la chaleur y est en petite quantité, soit parce que le défini, c'est-à-dire l'humide, y est en grande quantité. Voilà encore pourquoi les sucs des choses crues sont légers, plutôt froids que chauds ; et qu'on ne peut ni les manger  ni les boire.

§ 8. Du reste, le mot de crudité a plusieurs sens tout comme le mot de maturation. De là vient qu'on dit que les urines et les selles et les cathares sont crus et c'est par la même raison ; car on dit de toutes choses qu'elles sont crues, parce qu'elles ne sont pas dominées par la chaleur et qu'elles n'ont pas été constituées définiveinent par elle.

§ 9. En poussant les choses un peu plus loin, on dit aussi de l'argile qu'elle est crue, du lait qu'il est cru, et d'une foule d'autres substances, si pouvant changer et se constituer sous l'influence de la chaleur, elles restent cependant sans éprouver cette influence. Et ce qui fait qu'on dit de l'eau qu'elle est bouillie, et qu'on ne dit jamais d'elle qu'elle est crue, c'est qu'elle n'épaissit pas.

On a donc expliqué ce que c'est que la maturation et la crudité, et quelles sont les causes de chacune d'elles.

§ 10. Quant à l'ébullition, c'est d'une manière générale la digestion ou coction produite par la chaleur humide de l'indéterminé que l'humide renferme. Le mot d'ailleurs ne s'emploie proprement que pour les choses qui peuvent bouillir ; et cet indéterminé peut être, ainsi qu'on l'a déjà dit, ou de l'air ou de l'eau.

§ 11. La digestion ou coction se produit alors par le feu qui est dans l'humide ; car les choses que l'on met sur le gril ne sont que rôties ; et elles sont affectées de cette manière par la chaleur extérieure. Or le feu rend l'humide dans lequel il est, d'autant plus sec, en l'absorbant en lui-même.

§ 12. Mais l'objet qui est bouilli fait tout le contraire ; car l'humide qu'il contient s'en trouve excrété par la chaleur qui est dans le liquide extérieur. Voilà pourquoi les choses bouillies sont plus sèches que les choses grillées ; car les choses bouillies n'absorbent pas en elles l'humide, attendu que la chaleur du dehors l'emporte sur celle du dedans ; et si celle du dedans l'emportait, elle attirerait l'autre entièrement à elle.

§ 13. Tout corps du reste n'est pas susceptible d'être bouilli. Ainsi, un corps ne peut pas se bouillir quand il ne contient pas du tout d'humide, comme les pierres ; ou bien lorsque, tout en contenant de l'humide, cet humide ne peut pas être dominé, à cause de la densité de la matière, comme dans le bois. Mais les seuls corps qui puissent se bouillir, ce sont ceux qui ont de l'humidité susceptible d'être modifiée par la combustion qui se fait dans l'humide.

§ 14. On dit bien parfois que l'or bout, le bois et beaucoup d'autres corps ; mais ce n'est pas d'après la même idée ; c'est uniquement par métaphore, parce qu'il n'y a pas de mot qui réponde directement à ces différences.

§ 15. On dit aussi, en parlant des liquides, qu'ils sont bouillis, le lait, par exemple et le sirop, quand le suc qui est dans le liquide vient à être changé en quelqu'espèce nouvelle par le feu qui l'échauffe tout à l'entour, et de dehors, de manière à produire un état à peu près analogue à la cuisson bouillie [381a] dont il vient d'être parlé.

§ 16. Du reste, tout ce qu'on fait bouillir, ou qu'on cuit, n'a pas la même destination ; ici c'est pour manger, là pour boire, ou pour tel autre usage, puisqu'on dit aussi que les remèdes se cuisent en bouillant.

§ 17. Ainsi, les corps susceptibles d'être bouillis sont tous ceux qui pourront devenir plus épais, ou se réduire, ou se condenser, soit qu'ils restent identiques, soit qu'ils passent aux contraires, parce qu'en se sécrétant les uns deviennent plus épais et les autres plus légers, comme le lait qui peut devenir ou petit-lait ou crème. Quant à l'huile, on ne peut pas dire qu'en elle-même elle soit bouillie ; car elle n'éprouve aucune des modifications qu'on vient d'indiquer.

§ 18. La digestion, ou coction qui se fait dans la cuisson bouillie, est ce que nous venons de dire ; et elle est la même, soit qu'elle se produise par des instruments factices, ou dans des organe» et instruments naturels ; car au fond, c'est toujours la même cause qui agit.

§ 19. La non-cuisson est l'indigestion contraire à la cuisson bouillie ; mais la cuisson bouillie peut avoir aussi pour contraire cette indigestion, qu'on appelle primitive, de l'élément indéterminé du corps, par suite de l'insuffisance de la chaleur contenue dans le liquide environnant.

§ 20. On a dit que cette insuffisance de chaleur est accompagnée de froid ; mais elle a lieu par un autre mouvement que le froid ; car la chaleur qui a fait la cuisson est éliminée, et l'insuffisance de chaleur vient, soit de la quantité de froid qui est clans le liquide, soit de celle qui est dans l'objet et à bouillir ; car alors il arrive que la chaleur qui est dans le liquide est trop grande pour n'y pas causer quelque mouvement, mais trop petite pour qu'elle puisse s'égaliser et avoir la force de digérer complétement. Aussi les choses à demi-cuites sont plus dures que les choses bouillies ; et les liquides sont plus déterminés qu'elles.

Voilà donc ce que c'est que la cuisson et la non-cuisson, et comment elles se produisent.

§ 21. Le rôtissage est une sorte de digestion au moyen de la chaleur sèche et étrangère ; aussi quand on fait rôtir quelque chose et qu'on amène ainsi un changement et une coction, non par la chaleur de l'humide, mais par celle du feu, l'objet, quand l'opération est achevée, est grillé et non bouilli, et l'on dit qu'il est brûlé, s'il y a excès. C'est par la chaleur sèche que cette combustion se forme, quand, à la fin, le corps devient plus sec qu'il ne faut.

§ 22. Voilà aussi pourquoi le dehors est dans ce cas plus sec que le dedans, tandis que c'est tout le contraire pour les choses bouillies ; et pourquoi encore c'est une oeuvre plus difficile pour les chefs de cuisine de rôtir que de bouillir ; car il est difficile d'échauffer également les parties du dedans et celles du dehors ; les parties les plus proches du feu, sèchent toujours aussi le plus vite ; [381b] et c'est là ce qui fait qu'elles sèchent bien davantage.

§ 23. Les pores du dehors venant à se resserrer, l'humide qui est au dedans ne peut être excrété ; mais il y est emprisonné, dès que les pores viennent à se fermer.

§ 24. Le rôtissage et la cuisson bouillie se produisent artificiellement ; mais, ainsi que nous venons de le dire, il y a des actions tout à fait identiques même dans la nature. Les modifications produites sont pareilles de part et d'autre ; mais elles n'ont pas reçu de nom spécial. L'art ne fait qu'imiter la nature en ceci ; car la digestion des aliments dans le corps des animaux est tout à fait analogue à la cuisson bouillie, puisque la digestion se produit, dans l'humide et dans le chaud, par la chaleur, que renferme le corps ; et il y a parfois des indigestions qui ressemblent à la cuisson imparfaite.

§ 25. Il n'y a pas d'animal qui se produise dans la digestion, comme quelques auteurs le prétendent ; mais il s'en produit au milieu de la sécrétion qui se putréfie dans la cavité inférieure, et ensuite l'animal remonte quelquefois en haut ; car la digestion se fait dans la cavité supérieure ; mais l'excrément ne se putréfie que dans l'inférieure. Du reste, c'est dans d'autres ouvrages que nous avons dit quelle est la cause de ce phénomène.

§ 26. Ainsi donc, la dureté par l'incuisson est contraire à la cuisson bouillie. Il y a bien aussi quelque chose d'également opposé à cette digestion, qui est considéré comme une sorte de rôtissage ; mais ce quelque chose a encore moins de nom. Ce reviendrait à dire qu'il y avait mitonnage et non point rôtissage, par un manque de chaleur, qui tiendrait, soit à la petite quantité du feu extérieur, soit à la trop grande quantité d'eau dans la chose, rôtie. Alors il y a trop de chaleur pour qu'elle ne cause pas de mouvement, et il n'y en a pas assez pour digérer.

§ 27. Voilà donc ce que c'est que la digestion et l'indigestion, la maturation et la crudité, la cuisson bouillie et le rôtissage ; et voilà quels sont les états contraires à ceux-là.
 

Ch. III, § 1. La maturation, ce qui va suivre semble s'appliquer surtout aux fruits; mais ce n'est que par une sorte de métaphore qu'on peut dire que la maturation est une espèce de digestion. — La digestion de la nourriture, même remarque. ---- Dans les péricarpes, le terme est bien général, si on veut l'appliquer à tous les fruits et à. toutes les plantes. -- Est une sorte d'achèvement, Voir plus haut, ch. 2, § 3. --- Les semences qui sont dans le péricarpe, Voir le Traité de la sensation et des choses sensibles, ch. 4, § 4, p. 50 de ma traduction. — Un fruit tout pareil, Voir le Traité de l'âme, livre II, eh. 4, § 15, p. 196 de ma traduction. -- Leur achèvement, ou leur état de perfection.

§ 2. Précisément, j'ai ajouté ce mot pour rendre toute la force de la tournure de la phrase grecque. — C'est d'après la même idée, le mot du texte Idea, n'avait pas probablement au temps d'Aristote le sens spécial qu'on lui donne ici. -- Mûres quand elles sont digérées, on pourrait trouver aisément dans notre langue des expressions analogues. On dit d'un projet, par exemple, qu'il est mûr et qu'on l'a longtemps digéré. -- Ainsi qu'on l'a dit plus haut, Voir plus haut, ch. 2, § 2. — Dans les choses déterminées, c'est la traduction exacte du texte; mais l'expression est bien vague.

§ 3. La maturation des tumeurs, Voir plus haut, ch. 2, § 5. — N'est que la digestion, ou coction. — Qui est dans l'objet, j'ai ajouté ces mots. — Ne peut pas déterminer, et donner à l'objet une forme nouvelle qui permette de le définir exactement. On voit bien ce que le texte signifie; mais l'expression aurait pu être plus précise.

§ 4. Par la maturation, j'ai ajouté ces mots, qui m'ont paru indispensables; et je m'appuie pour le sens que j'adopte sur le commentaire d'Alexandre d'Aphrodisée. Le texte est beaucoup plus concis que ma traduction; mais pour la rendre claire, je n'ai pu la faire plus courte. --Terreux, on sait dans quel sens très général Aristote prend cette expression; tout ce qui n'est pas liquide ou aérien est terreux. -- C'est pour atteindre ce résultat, le texte n'est pas tout à fait aussi formel que je suis obligé de l'être.

§ 5. La crudité est le contraire, je n'ai pas pu trouver dans notre langue de mot meilleur que celui de crudité à opposer au mot de maturation. — Sans limite déterminée, ou plus simplement : indéterminée ; c'est-à-dire à laquelle la chaleur ou le froid n'ont pas encore donné une nature définitive. — La crudité provient de l'air ou de l'eau, c'est-à-dire que c'est une trop grande quantité d'air ou d'eau, qui fait qu'une chose est crue et qu'elle ne mûrit pas.

§ 6. Une sorte d'achèvement, voir plus haut, § f . — Un inachèvement, cette opposition est aussi directe dans le texte grec. — Digéré, ou plutôt : « Qui doit être digéré. "

§ 7. Sans qu'il n'y ait aussi du sec, ceci veut dire que la maturation est impossible à moins qu'il n'y ait dans le corps une partie sèche qui demeure et subsiste, en môme temps que le point de maturité est atteint. C'est ce qui fait que l'eau, qui n'a rien de sec eu elle, ne peut ni mûrir ni s'épaissir. — Car l'eau, les idées ne sont pas assez liées entre elle, bien qu'elles soient d'ailleurs assez clairet. -- C'est-à-dire l'humide, j'ai ajouté cette glose qui m'a paru indispensable. — Sont légers, c'est la traduction exacte du texte; mais peut-être eût-il mieux valu dire : " Sont faibles. » — Ni les manger ni les boire, il faut entendre ceci d'une manière restreinte;, et il ne s'agit que des choses qui, pour être bues ou mangées, ont besoin d'être soumises à une cuisson préalable.

§ 8 Tout comme le mot de maturation, Voir plus haut, § f. — Sont crus, je ne crois pas que la médecine actuelle ait gardé ces locutions, qui répondent cependant à des faits. — Dominées par la chaleur, de telle sorte que la maturité peut être complète. — Définitivement, j'ajouté ce mot.

§ 9. De l'argile qu'elle est crue, cette expression nous manque dans notre langue, bien qu'elle soit utile pour marquer un certain état contraire à celui où la chose est cuite. - Jamais d'elle qu'elle est crue, de même qu'on ne dirait pas très bien qu'elle est cuite. — C'est qu'elle n'épaissit pas, la raison est ingénieuse, sans être peut-être fort exacte.

§ 10. Quant à l'ébullition, j'ai dû adopter ce mot, le seul que présente notre langue, bien qu'il ne corresponde pas tout à fait à celui du texte. L'ébullition ne s'applique qu'à l'eau, tandis qu'il s'agit ici de la cuisson des choses qu'on a fait cuire dans l'eau bouillante. -- Ou coction, j'ai ajouté cette glose, parce que le mot de digestion ne convient plus aussi bien aux détails qui suivent. --- De l'indéterminé, c'est le mot même du texte ; mais je conviens qu'il est fort obscur; et sur ce point le commentaire d'Alexandre d'Aphrodisée n'offre aucun éclaircissement. L'auteur veut indiquer sans doute la partie du liquide qui est froide et qui doit être échauffée. — Que pour les choses qui peuvent bouillir, il semble que la chose est par trop évidente, et qu'il y a quelque naïveté à l'exprimer. Mais les manuscrits n'offrent pas de variante. --- Ainsi qu'on l'a déjà dit, Voir plus haut, § 5.

§ 11. La digestion ou coction, Voir le § précédent. — Qui est dans l'humide, ou plutôt : « qui passe par le liquide. » — Qu'on met sur le gril, on ne voit pas d'abord très nettement le lien qui rattache ceci aux pensées précédentes. Mais l'auteur veut dire sans doute que, quand le feu agit directement sur les choses, au lieu de passer par un liquide, ce n'est plus une ébullition qu'il cause, et qu'il rôtit les corps qu'il touche ainsi. La viande, par exemple, est alors rôtie, au lieu d'être bouillie. -- Par la chaleur extérieure, tandis que, quand le liquide bout, c'est par une chaleur qui est en lui. — En l'absorbant en lui-même, c'est la traduction exacte du texte ; mais il serait mieux de dire : En le réduisant. Je n'ai pas dû faire ce changement, que n'autorisent point les manuscrits.

§ 12. L'humide qu'il contient, le corps qui est plongé dans l'eau bouillante et que cette eau fait cuire, peut être plus ou moins humide par lui-même, indépendamment du liquide qui l'entoure. -- Dans le liquide extérieur, le texte emploie le même mot qu'il vient d'employer et il dit : « l'humide extérieur. » Je n'ai pas cru devoir faire cette tautologie. --N'absorbent pas en elles l'humide, le fait n'est pas très exact ; et il y a des corps qui, en étant bouillis, deviennent plus humides que dans leur état ordinaire. — La chaleur du dehors, celle qui passe par le liquide pour bouillir le corps. -- Celle du dedans, celle qui est propre au corps avant qu'il ne soit bouilli. -- Elle attirerait l'autre, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

§ 13. Quand il ne contient pas du tout d'humide, il faut entendre de l'humide propre et intrinsèque. L'explication, d'ailleurs, n'est pas exacte, bien qu'elle soit conséquente à celles qui précèdent. — Ne peut pas être dominé, en d'autres termes : absorbé. — Qui ont de l'humidité, dans leur substance propre. — Qui se fait dans l'humide, c'est-à-dire dans le liquide où le corps doit être bouilli.

§ 14. Que l'or bout, dans notre langue, cette expression ne pourrait s'appliquer qu'à l'or fondu, qui entrerait en ébullition. Il est probable que, dans la langue grecque, elle avait une autre nuance. -- Le bois et beaucoup d'autres corps, ici l'idée d'ébullition ne peut plus s'appliquer; le bois a été distillé, et est devenu du charbon. -- D'après la même idée; Voir plus haut, § 2. --- Il n'y a pas de mot, même remarque. Voir aussi, ch. 2, § 2.

§ 15. Le lait, par exemple, ceci se dit très bien du lait ; mais pour le sirop, l'expression n'est pas aussi juste. Peut-être aussi le mot grec que je rends par Sirop, a-t-il une autre signification. -- A la cuisson bouillie, je n'ai pu employer ici le mot d'ébullition. Voir plus haut, § 10.

§ 16. Du reste tout ce qu'on fait bouillir, ce § qui n'entre pas très convenablement dans la suite des pensées, pourrait bien n'être qu'une interpolation. — Que les remèdes se cuisent en bouillant, c'est-à-dire que les liquides se rapprochent et e condensent en se réduisant. Quelques commentateurs, d'après M. ldeler, ont essayé d'alléguer ce passage comme une preuve qu'Aristote avait été pharmacien durant quelque temps. après la mort de son père.

§ 17. Ainsi tous les corps, ce § fait suite au § 15. — Qui pourront devenir plus épais, l'auteur a remarqué plus haut que l'eau est le seul liquide qui ne s'épaississe pas, et cependant elle peut bouillir. — Soit qu'ils passent aux contraire, en changeant d'état et en se modifiant. --- Ou petit lait ou crème, ces deux phénomènes sont exacts; mais ce n'est pas en bouillant que le lait présente ces modifications. Peut-être s'agit-il du lait qui tourne et qui devient du caillé. -- Elle soit bouillie, l'huile peut bouillir comme l'eau; mais elle ne cuit pas en bouillant. Une fois qu'elle est refroidie, elle redevient à peu près la même.

§ 18. La digestion ou coction, Voir plus haut, §§ 10 et 11.— Dans la cuisson bouillie, Voir plus haut, § 15. -- Par des instrumenta factices, par exemple des marmites, où bout l'eau qui doit cuire les matières qu'on y plonge. — Organes ou instruments, il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

§ 19. La non-cuisson, je n'ai pas trouvé dans notre langue de meilleur terme. Celui de crudité s'applique à un fait différent ; c'est l'état naturel des choses qui peuvent être cuites. Peut-être aurait-il fallu dire ici : la demi-cuisson. — A la cuisson bouillie, Voir plus haut, § 15. — L'indigestion qu'on appelle. primitive, on pourrait croire, d'après la tournure de la phrase grecque, qu'il s'agit d'une indigestion dont il aurait été question plus haut; et quelques commentateurs ont adopté ce sens, sans d'ailleurs pouvoir se référer précisément à quelque théorie antérieure de ce genre. Mais Alexandre d'Aphrodisée combat cette explication, que je ne crois pas non plus devoir accepter. Je pense que l'auteur oppose la crudité naturelle et primitive des choses à cette seconde crudité qui résulte d'une demi-cuisson. Par exemple, de la viande est crue avant d'avoir été bouillie ; mais elle peut être encore à moitié crue après avoir été bouillie imparfaitement. — De l'élément indéterminé, c'est sans doute l'humidité naturelle et primordiale du corps, qui doit la perdre en bouillant. Voir plus haut, ch. 2, § 6. — L'insuffisance de la chaleur, qui fait que le corps est à moitié cuit, parce qu'il n'a pas bouilli suffisamment.

§ 20. On a dit, Alexandre d'Aphrodisse rapporte ce passage à ce qui a été dit plus haut dans ce livre, ch. 1, § 11 . — Par un autre mouvement que le froid, j'ai ajouté ces trois derniers mots pour compléter la pensée. — Qui a fait la cuisson, sous-entendu incomplète, d'une chose à demi-bouillie. -- Qui est dans le liquide, où est plongé le corps qui doit cuire en bouillant. -- Quelque mouvement, lequel est d'ailleurs insuffisant pour cuire la matière plongée dans le liquide bouillant. --S'égaliser, avec la masse du liquide qu'elle doit faire bouillir, pour que le corps soit tout à fait cuit. --- Avoir la force de digérer compiétement, j'ai ajouté ce dernier mot dont le sens est implicitement compris dans l'expression grecque. -- Plus déterminés qu'elles, c'est-à-dire d'une nature plus complète et plus facile à définir. -- La cuisson et la non-cuisson, Voir plus haut, § 19.

§ 21. Une sorte de digestion, le texte dit simplement: une digestion. — Et étrangère, ou en d'autres termes : extérieure. La chaleur sèche est opposée ici à la chaleur humide, qui se communique au corps qu'on fait bouillir. --- Non par la chaleur de l'humide, le vrai mot serait du liquide au lieu de l'humide; mais j'ai conservé l'expression plus générale et plus commune qui est employée dans toute cette théorie. — Quand l'opération est achevée, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. — Cette combustion se forme, même remarque. — Qu'il ne faut, j'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée.

§ 22. Plus sec que le dedans, le fait est exact. -- De rôtir que de bouillir, c'est un fait d'observation très facile à vérifier. — D'échauffer également, ce serait plutôt cuire qu'échauffer qu'il aurait fallu dire.

§ 23. L'humide qui est au-dedans, et qui est propre au corps que l'on veut rôtir. -- Ne peut être excrété, comme l'est celui qui est à la surface du corps, de la viande, par exemple.

§ 24. Ainsi que nous venons de le dire, voir plus haut, § 18. -- Même dans la nature, il y a quelques commentateurs qui joignent ces mots à la phrase suivante. -- De part et d'autre, j'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée.-- Reçu de nom spécial, Voir plus haut, ch. 2, § 2. — A la cuisson bouillie, Voir plus haut, § 10. -- Dans l'humide, c'est-à-dire dans l'estomac, qui renferme toujours plus ou moins de liquide. — Dans le chaud par la chaleur, cette répétition est dans le texte.— A la cuisson imparfaite, Voir plus haut, § 19. Il faut toujours se rappeler qu'il s'agit de la cuisson des choses qui peuvent être bouillies.

§ 25. Comme quelques auteurs le prétendent, les commentateurs ne nous apprennent pas quels sont les auteurs auxquels il est fait allusion dans ce passage. -- De la sécrétion qui se putréfie, en d'autres termes, les excréments. -- Dans la cavité inférieure, c'est-à-dire le ventre, qui, dans les théories des anciens, s'étendait du nombril aux parties génitales. — L'animal remonte, le texte n'est pas aussi précis ; j'ai, d'ailleurs, suivi l'explication d'Alexandre d'Aphrodisée. -- Dans la cavité supérieure, ou l'estomac. — Ne se putréfie, le fait n'est pas exact ; il n'y a pas de putréfaction à proprement dire. --- Dans d'autres ouvrages, Alexandre d'Aphrodisée pense qu'il s'agit des Problèmes ; voir les Problèmes, XX, ch. 12, p. 924, a, 13, édit. de Berlin, et aussi Histoire des Animaux, livre V, ch. 19, p. 531, a, 7, ibid.

§ 26. La dureté par l'incuisson, il n'y a qu'un seul mot dans le texte ; peut-être aurait-on pu traduire : « la crudité. » -- A la cuisson bouillie, Voir plus haut, § 10. — Quelque chose d'également opposé, c'est-à-dire que, dans ce cas aussi, l'opposé à ce qui est cuit, c'est ce qui ne l'est qu'imparfaitement; c'est ce qui est crû — A encore moins de nom, dans notre langue, nous avons le mot de crû, qui n'est qu'un mot commun, puisqu'il s'applique à des faits très différents. Nous n'avons pal; non plus de mot spécial. — Mitonnage, ce mot n'est pas ici très convenable; mais je n'en ai pas trouvé de meilleur en notre langue. --- Il y a trop de chaleur, Voir plus haut, § 20, une pensée et une phrase tout à fait analogues en ce qui concerne l'ébullition. Les choses peuvent rester à moitié cuites, soit qu'on les fasse rôtir, soit qu'on les fasse bouillir.

§ 27. La digestion et l'indigestion, Voir plus haut, ch. 2, § 3. — La maturation et la crudité, Voir plus haut, ch. 3, § 1. — La cuisson bouillie et le rôtissage, ibid. § § i0 et 21.

 

 

 

CHAPITRE IV.

Des éléments passifs des corps, le sec et l'humide; leurs rap  ports; vers d'Empédocle; la terre représente le sec, et l'eau représente l'humide. Il n'y a d'animaux que dans la terre et dans l'eau. Dureté et mollesse absolues et relatives des corps; manière dont nous la percevons et la jugeons.

 

§ 1. Maintenant, il faut étudier les transformations des éléments passifs, de l'humide et du sec. Les principes passifs des corps sont l'humide et le sec ; et les autres états ne sont qu'un mélange de ceux-là. Là où l'un des deux domine le plus, le corps est davantage de sa nature. Ainsi; tels corps tiennent plus du sec; tels autres tiennent davantage de l'humide.

§ 2. D'ailleurs, tous peuvent être ou actuellement et en réalité, ou être dans l'état opposé, c'est-à-dire en puissance. C'est là le rapport de la dessiccation à l'objet desséchable.

§ 3. Mais comme l'humide est facile à délimiter, et le sec difficile, le sec et l'humide éprouvent relativement l'un à l'autre quelque chose d'analogue aux rapports des mets et des assaisonnements. L'humide est pour le sec une cause de détermination ; et ils sont l'un pour l'autre comme la farine et l'eau, quand on fait de la colle. C'est l'explication que donne Empédocle dans ses vers sur la nature

" Ayant collé la farine avec l'eau. "

Et voilà, comment le nouveau corps se forme de la réunion des deux.

§ 4. Parmi les éléments, le sec s'applique le plus spécialement à la terre, et l'humide à l'eau ; et voilà pourquoi tous les corps qui ici-bas sont déterminés, ne peuvent l'être sans terre ni eau. Et selon que l'un des cieux l'emporte, chaque corps se montre suivant la prédominance de celui-là.

§ 5. C'est seulement de terre et d'eau que se composent les animaux ; il n'y en a point qui consistent d'air ni de feu, parce que ces deux premiers éléments sont la matière des corps.

§ 6. Parmi les modifications que les corps peuvent présenter, celles qui, nécessairement, appartiennent les premières à un corps déterminé, sont la dureté ou la mollesse ; car, nécessairement, ce qui est composé de sec et d'humide doit être dur ou mou.

§ 7. On appelle dur ce qui ne cède pas en rentrant en soi à sa surface, et mou ce qui cède sans se disperser tout à l'entour. Ainsi, on ne peut pas dire de l'eau qu'elle est molle ; car la surface ne cède pas en profondeur, quand on la presse ; mais elle se disperse tout autour.

§ 8. On peut donc dire absolument d'une chose qu'elle est dure ou molle, quand elle est dans cet état d'une manière absolue ; mais on peut l'appeler dure ou molle relativement à une autre, quand elle est dure ou molle par rapport à cette autre chose. Le dur et le mou sont toujours indéterminés, l'un relativement à l'autre, parce qu'ils présentent toujours du plus ou du moins.

§ 9. Mais jugeons toujours les choses sensibles par l'impression qu'elles causent à nos sens. Il est évident que nous déterminons d'une manière absolue la dureté et la mollesse par rapport au toucher ; le toucher devient pour nous une sorte de mesure moyenne ; et alors ce qui l'emporte sur lui est dur ; ce qui reste au-dessous de lui est considéré comme mou.

 

Ch. IV, § 1. Des éléments passifs, Voir plus haut, ch. 1, § 1. -- Et les autres états, le texte n'est pas tout à. fait aussi formel. Voir le Traité des Parties des Animaux, livre ch. 3, p. 649, a, 30, édit. de Berlin.

§ 2. Ou actuellement et en réalité, le texte dit simplement et d'un seul mot : En entéléchie. — C'est-à-dire en puissance, j'ai ajouté cette glose, qui est d'ailleurs évidente, et que confirme l'explication d'Alexandre d'Aphrodisée. -- Desséchable, j'ai voulu par ce mot, peu français, indiquer la simple puissance, tandis que le mot de Dessiccation exprime un fait accompli et actuel.

§ 3. Facile à délimiter, ou à Déterminer, comme le dit le texte. L'humide s'écoulerait et se disperserait, si le sec ne lui donnait une forme plus arrêtée; et il reçoit très facilement la forme que lui donnent les corps environnants. Le sec, s'il n'était détrempé par l'humide, conserverait la forme rude qu'il a naturellement et ne changerait jamais. J'emprunte cette explication à Alexandre d'Aphrodisée. -- Des mets et des assaisonnements, les mets sont complétés par les assaisonnements, qui leur donnent leur véritable goût. — Une cause de détermination, par rapport aux propriétés qu'il lui con¬fère. Le sec prend, grâce à l'humide, une nature propre qui permet de le définir nettement. -- Comme la farine et l'eau, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. -- Dans ses vers sur la nature, ou plutôt : Dans sa Physique. Voir la Physique, livre II, ch. 4, § 6, p. 32 de ma traduction. Dans les Problèmes, livre XII, ch. 16, p. 929, a, 11, édit. de Berlin, il est parlé d'un ouvrage d'Empédocle, dont le titre ressemble beaucoup à. celui-ci, mais qui doit en être distingué : dans les Persiques, au lieu de : dans la Physique. Il est clair qu'il s'agit ici de l'ouvrage d'Empédocle en trois livres, intitulé : La physique, qu'il ne faut pas confondre avec son poème : De la nature. Voir les Fragments d'Empédocle, dans l'édit. de Firmin Didot, p. 8, vers 275 et p. 58. -- Ayant collé, on ne sait pas au juste à quoi s'appliquait ce vers assez singulier.

§ 4. Ici-bas, le texte dit simplement : Ici, en d'autres termes, sur cette terre. --- Sont déterminés, c'est-à-dire ont une forme distincte et arrêtée, qui en indique nettement la nature et l'espèce. -- Sans terre ni eau, il faut se rappeler dans quel sens très large, les anciens comprenaient ces deux mots. -- La prédominance, le texte, dit : la puissance, en détournant cette expression du sens qu'elle a d'ordinaire. dans le style Aristotélique.

§ 5. De terre et d'eau que se composent, le texte (lit par une locution assez étrange, qu'il n'y a d'animaux que dans la terre et dans l'eau. Le sens que je donne est évidemment le véritable, bien que quelques commentateurs ne l'aient pas adopté. Le commentaire d'Alexandre d'Aphrodisée l'indique, sans le préciser. -- Ces deux premiers éléments, le texte n'est pas aussi formel. — Sont la matière des corps, puisque le sec et l'humide (la terre et l'eau), sont passifs.

§ 6. Modifications, ou propriétés, ou même encore : Qualités. — Les premières, c'est peut-être de là qu'on a tiré plus tard la théorie des qualités primaires et secondaires des corps. En tout cas, l'idée est la même. -- La dureté ou la mollesse, ce sont là en effet les premières qualités que notre sensibilité nous révèle dans les corps.

§ 7. On appelle dur, ces définitions sont encore tout à fait acceptables. -- Ne cède pas en profondeur; le fait est exact, bien que d'ailleurs, au temps d'Aristote, on ne sût pas que les liquides sont incompressibles.

§ 8. Absolument... d'une manière absolue, mais toujours par rapport à nos sens, qui constatent la dureté ou la mollesse des corps. Voir le § suivant. -- Toujours du plus ou du moins, quelques manuscrits présentent une variante pour toute cette phrase, qu'il faudrait alors traduire ainsi : « Le plus et le moins sont donc indéterminés l'un relativement à l'autre. »

§ 9. L'impression qu'elles causent à nos sens, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. -- Par rapport au toucher, l'état absolu de dureté ou de mollesse n'est pas précisément dans la nature; mais il dépend toujours de notre sensibilité. En soi, les corps sont durs ou mous, selon l'impression qu'ils font sur nos sens; mais les uns par rapport aux autres, ils peuvent être plus ou moins durs et plus ou moins mous. -- Le toucher, qui peut seul nous faire percevoir cette qualité spéciale des corps. — Ce qui l'emporte sur lui, c'est-à-dire ce qui est plus dur que notre propre chair, d'après la sensation qu'elle éprouve. — Ce qui reste au-dessous de lui, c'est-à-dire ce qui est plus mou que notre organe.

 

 

CHAPITRE V.

De la cohésion des corps, cause de la dureté et de la mollesse. Principe actif et principe passif des corps. Action de la chaleur et du froid, pouvant l'une et l'autre dessécher les corps. De la dessiccation.

 

§ 1. Il est de toute nécessité que le corps déterminé dans sa propre limite, soit dur ou mou, parce qu'il doit ou céder ou ne pas céder. Il faut encore qu'il soit cohérent ; car c'est là la vraie détermination des corps. Ainsi, tout corps déterminé ou composé étant mou ou sec, et ces deux qualités ne pouvant exister que par la cohésion, on peut dire que les corps composés et déterminés ne pourraient jamais être sans la cohésion. C'est donc de la cohésion qu'il faut traiter.

§ 2. Il y a dans la matière deux causes : ce qui agit et ce qui souffre. Le principe qui agit, c'est ce dont vient le mouvement ; celui qui souffre, c'est la forme. Par suite, ce sont là les causes de la cohésion et de la diffluence ; les causes qui font que les corps sont secs ou qu'ils sont liquides.

§ 3. Le principe actif agit par deux forces ; le principe passif souffre par deux modifications, ainsi qu'on l'a dit. L'action se produit par le chaud et [382b] le froid ; la souffrance a lieu par la présence ou l'absence du chaud ou du froid.

§ 4. Comme la cohésion est une sorte de dessèchement, parlons d'elle en premier lieu. Ainsi donc, ce qui souffre est ou humide ou sec, ou est un composé des deux. Nous posons en fait que le corps de l'humide c'est l'eau, et que le corps du sec c'est la terre ; car ce sont là les éléments passifs dans les corps humides et secs. Aussi, le froid appartient-il davantage aux éléments passifs, puisqu'il est en eux, et qu'en effet la terre et l'eau sont froides.

§ 5. Mais le froid est actif aussi, en tant qu'il détruit les choses ou qu'il agit de toute autre manière accidentelle, ainsi qu'on l'a dit antérieurement. Quelquefois en effet on dit aussi que le froid brûle ou qu'il échauffe, non pas précisément comme la chaleur elle-même, mais parce qu'il rassemble la chaleur ou la répercute tout à l'entour.

§ 6. Tout corps qui est de l'eau, ou une espèce d'eau, peut se dessécher ; ou bien, s'il contient de l'eau, soit d'une manière adventice, soit naturellement. J'entends par eau adventice, celle, par exemple, qui est dans de la laine, et par eau naturelle celle qui est dans le lait.

§ 7. Les espèces de l'eau, ce sont par exemple le vin, l'urine, le petit lait, et en général toutes les substances qui ne laissent aucun dépôt ou qui ne laissent qu'un résidu passager, sans que ce soit à cause de leur viscosité ; car il y a des substances qui ne laissent jamais le moindre résidu, à cause de leur nature visqueuse, telles que l'huile et la poix.

§ 8. Toutes les substances se sèchent, soit par la chaleur soit par le froid ; mais c'est toujours par la chaleur; et le phénomène a lieu tout à la fois, soit par la chaleur du dedans, soit par celle du dehors. Les choses que sèche le refroidissement, comme un manteau, par exemple, qui est séché lorsque l'humide effectif qu'il contient est isolé, se sèchent par la chaleur intérieure qui fait évaporer l'humide ; et si l'humide y est en petite quantité, elles se sèchent, parce que la .chaleur sort à cause du froid environnant.

§ 9. Ainsi donc, je le répète, tous les corps se sèchent, soit par la chaleur, soit par le froid ; tous se sèchent par la chaleur, soit du dedans soit du dehors, qui fait évaporer l'humide. J'entends par la chaleur extérieure celle qui s'applique, par exemple, aux choses que l'on fait bouillir ; et celle du dedans agit, quand l'humide disparaît et est détruit par la chaleur propre du corps qui transpire. Voilà ce qu'est la dessiccation.

 

Ch. V, § 1. Le corps déterminé dans sa propre limite, en d'autres termes, le corps étant dans son état naturel, et sans avoir subi aucune modification extérieure. — Céder ou ne pas céder, « toucher » sous-entendu, d'après la théorie qui termine le chapitre précédent. -- Cohérent, le texte dit : coagulé; et il se sert du mot qui exprime d'ordinaire en grec l'état de congélation. -- La vraie détermination, j'ai cru pouvoir ajouter l'épithète qui n'est pas dans l'original. -- Tout corps déterminé ou composé, j'ai conservé dans ma traduction l'indécision et la généralité du texte. On pourrait traduire aussi avec plus de clarté et autant d'exactitude : « Tout corps déterminé ou consistant. » -- C'est donc de la cohésion qu'il faut traiter, l'auteur ne traite pas très directement de la cohésion dans ce qui va suivre.

§ 2. Ce qui agit, j'ai conservé l'expression indéterminée du texte.  — C'est ce dont vient le mouvement, même remarque. — Et de la diffluence, c'est la traduction exacte du mot grec. On pourrait peut-être dire aussi : « la dissolution. » — Ou qu'ils sont liquides, ou peut-être encore: " Qu'ils se liquéfient. »

§ 3. Ainsi qu'on l'a dit, voir plus haut, ch. 1, §§ 1 et suiv. -- Par la présence ou l'absence, plus haut il a été dit (id. ibid.) que les éléments passifs étaient le sec et l'humide.

§ 4. Parlons d'elle en premier lieu, répétition de ce qui a été dit à la fin du § 1er -- En fait, j'ai ajouté ces mots. — Le corps de l'humide, j'ai traduit exactement le mot grec. Le Corps veut dire ici l'Essence. — Le froid appartient-il davantage, plus haut, ch. 1, g 1, le froid a été classé parmi les éléments actifs. Ce nouveau passage n'est pas tout à fait contradictoire au premier, comme on le voit au § suivant.

§ 5. Antérieurement, Voir plus haut, ch. 1, § 1. -- Que le froid  brûle, cette expression paraît assez étrange au premier abord; mais la suite l'explique, et nous pourrions trouver certains faits auxquels elle s'appliquerait exactement. Ou dit assez souvent que le froid roussit et brûle les plantes. C'est de là que vient le renom de la lune rousse dans nos climats. - Ou la répercute tout à l'entour, il y a là sans doute quelques-uns des effets du rayonnement calorique, que l'auteur ne connaissait pas d'une manière exacte.

§ 6. Ou une espèce d'eau, plus ou moins pure, ou plus ou moins chargée de substances étrangères. — Adventice, c'est la traduction exacte du mot grec, qui est d'ailleurs expliqué dans la suite de la phrase. -- Qui est dans de la laine, la laine ne contient pas d'eau par elle-même; mais elle peut en contenir, si, par exemple, on la trempe dans quelque liquide. Dans le lait, au contraire, la présence de l'eau est tout à fait naturelle, puisque le lait lui-même est liquide.

§ 7. Les espèces de l'eau, on voit, par cet exemple, l'idée singulièrement étendue que les anciens se faisaient de l'eau. Par un abus de langage et par un défaut d'observation, ce terme comprenait, pour eux, tous les liquides, de même que le mot de Terre comprenait tous les solides, quelles que fussent d'ailleurs leurs différences. — Qui ne laissent aucun dépôt, sans doute en s'évaporant. — Sans que ce soit à cause de leur viscosité, ceci ne se comprend pas très bien; et la suite n'explique pas ce passage obscur. Le commentaire d'Alexandre d'Aphrodisée ne donne aucune lumière. — L'huile, il est probable que l'huile devait être considérée comme une espèce de l'eau, d'après les théories des anciens. -- La poix, la remarque serait plus applicable à la glu qu'à la poix.

§ 8. Mais c'est toujours par la chaleur, ceci contredit la phrase précédente; mais il semble par ce qui suit que l'auteur veut expliquer le phénomène de la dessiccation par la chaleur uniquement. Quand les choses semblent sécher par l'action du froid, ce n'est qu'une apparence; car au fond c'est .la chaleur qui, chassée par le froid environnant, fait sécher l'objet en en sortant. C'est là le sens qu'adopte Alexandre d'Aphrodisée. -- Soit par celle du dehors, comme lorsqu'on fait sécher quelque chose au feu. -- L'humide effectif, le texte dit précisément : « l'humide même en lui-même; c'est-à-dire sous forme d'eau réelle. » -- Parce que la chaleur sort, et sous cette forme, c'est encore la chaleur qui agit et produit le phénomène.

§ 9. Je le répète, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. Ce § est eu partie la répétition de ce qui précède. — Ce qu'est la dessiccation, Voir plus haut, ch. 4, § 2.

 

 

CHAPITRE VI.

Liquéfaction des corps solides; ses causes diverses. Solidification des corps liquéfiés ; action alternative du chaud et du froid ; exemples du miel, de l'argile, du lait, du fer converti en acier, de la pierre pyrimaque, des pierres ponces, du nitre et des sels.

 

§ 1. Devenir humide, peut signifier deux choses : tantôt cela veut dire qu'il se forme effectivement de l'eau ; tantôt cela signifie que le corps qui était coagulé se fond et se dissout. Ainsi, l'air en se refroidissant peut prendre la consistance de l'eau, et ce que nous allons dire expliquera clairement tout à la fois, et la dissolution et la coagulation.

§ 2. Toutes les choses qui se coagulent se coagulent, ou par ce qu'elles sont de l'eau, ou parce qu'elles sont de terre et d'eau ; et elles se coagulent, ou par la chaleur sèche, ou par le froid. Aussi, se dissolvent-elles par les contraires, dans tous les cas [383a] où elles ont été coagulées ou par la chaleur ou par le froid. Ainsi, toutes les choses qui ont été coagulées par la chaleur sèche se dissolvent par l'eau, qui est l'humidité froide ; celles qui ont été coagulées par le froid sont dissoutes par le feu, qui est le chaud. Il y a des choses aussi qui semblent se coaguler par l'action de l'eau, comme le miel qu'on a fait bouillir ; mais en réalité il ne se coagule pas par l'eau ; il se coagule par le froid qui est dans l'eau.

§ 3. Toutes les choses qui sont de l'eau ne se coagulent pas par le feu ; car elles sont dissoutes par le feu, et le même objet ne peut pas être, pour un même objet et dans les mêmes conditions, cause d'un effet contraire. De plus, la coagulation n'a lieu que par l'absence du chaud ; et par suite évidemment, la dissolution vient de ce que la chaleur entre dans la chose, de telle sorte que c'est bien le froid qui fait que le corps se coagule.

§ 4. Aussi, les corps de ce genre en se coagulant ne s'épaississent pas ; car l'épaississement des corps n'a lieu que quand l'humide s'en va et que le sec se condense. Parmi les corps humides, l'eau est le seul qui ne s'épaississe pas.

§ 5. Tous les corps qui participent à la fois de la terre et de l'eau, se coagulent, soit par le feu, soit par le froid. Ils s'épaississent par tous les deux, en partie de la même manière, en partie d'une manière différente : par la chaleur, qui chasse l'humide; car, l'humide s'évaporant, le sec se coagule et se condense ; par le froid, qui chasse le chaud, avec lequel s'en va aussi l'humide qui s'évapore.

§ 6. Les corps mous qui ne sont pas humides ne s'épaississent pas ; mais ils se coagulent, quand l'humide en sort, comme l'argile que l'on fait cuire. Tous les mixtes qui sont humides s'épaississent aussi, comme le lait.

§ 7. Il y a beaucoup de ces corps qui même s'humidifient d'abord ; et ce sont ceux qui auparavant étaient ou épais ou durs par l'effet du froid. C'est ainsi que l'argile que l'on cuit se vaporise tout d'abord ; puis elle devient plus molle ; et voilà aussi ce qui fait qu'elle peut se déjeter dans les fours.

§ 8. Parmi les choses qui participent à la fois de la terre et de l'eau, mais qui ayant plus de terre se coagulent par le froid, les unes, qui se sont coagulées parce que la chaleur en est sortie, se dissolvent aussi par la chaleur quand la chaleur y rentre, comme la boue quand elle s'est coagulée et gelée. Celles au contraire qui se coagulent par le refroidissement, et parce que toute la chaleur s'est évaporée, celles-là sont indissolubles par la chaleur, tant que cette chaleur n'est pas excessive ; mais elles s'amollissent, comme le fer et la corne.

§ 9. Le fer, quand on le travaille, se dissout même jusqu'au point de devenir liquide et de se coaguler de nouveau. Et c'est comme cela que l'on fait les aciers ; le métal dépose, et la scorie [383b] s'épure en bas. Quand le métal a été traité plusieurs fois ainsi et qu'il est devenu pur, c'est alors qu'il devient de l'acier.

§ 10. On ne renouvelle pas du reste cette opération souvent, parce qu'il y a une grande perte, et que le poids devient beaucoup moindre quand on purifie de cette façon le métal. Le fer d'ailleurs est préférable, quand il a une moins grande pureté.

§ 11. La pierre appelée pyrimaque se dissout aussi de façon à tomber en gouttes et à couler; mais le liquide, quand il s'est coagulé de nouveau, reprend sa dureté. Les pierres ponces se dissolvent aussi jusqu'au point de couler ; et la partie qui coule, quand elle s'est figée, prend une couleur noire, et le corps devient à peu près pareil à de la chaux. La boue se dissout également, et se liquéfie ainsi que la terre.

§ 12. Quant aux choses qui se coagulent par la chaleur sèche, les unes sont indissolubles, et les autres sont solubles par l'humide. L'argile et quelques espèces de pierres qui se forment par le feu dans la combustion de la terre, comme les ponces, ne se dissolvent plus dans l'eau ; mais le nitre et les. sels sont dissous par l'humide, non par tout humide quelconque, mais par l'humidité froide.

§ 13. C'est de même que toutes les espèces d'eau se dissolvent aussi dans l'eau, tandis qu'elles ne se dissolvent pas dans l'huile ; car l'humide froid est le contraire de la chaleur sèche. Si donc c'est l'un des deux qui a coagulé le corps, c'est l'autre qui le dissoudra; car c'est ainsi que les contraires seront causes d'effets contraires.

 

Ch. VI, § 1. Devenir humide ou Liquide; j'ai conservé le mot d'Humide comme plus conforme à la théorie générale du froid, du chaud, du sec et de l'humide. -- Effectivement de l'eau, le texte n'est pas tout à. fait aussi précis. --- Qui était coagulé, c'est-à-dire qui était à l'état solide. -- L'air en se refroidissant, c'est le phénomène de la vapeur contenue dans l'atmosphère, qui se convertit en eau par l'abaissement de la température.

§ 2. Qui se coagulent, ou se solidifient. -- Ou parce qu'elles sont de l'eau, et alors elles se congèlent. -- Elles sont de terre et d'eau, il faut entendre ici l'expression de Terre dans le sens très large que lui donnaient les anciens. — Par la chaleur sèche, j'ai adopté cette leçon, que donnent plusieurs manuscrits, et qui me paraît la seule acceptable. D'autres manuscrits disent : " Par la chaleur ou par le froid, ou par le sec. » Il semble qu'Alexandre d'Aphrodisée avait cette dernière leçon. -- Elles ont été coagulées, ou « solidifiées ". — Qu'on a fait bouillir, et qu'on jette ensuite dans l'eau froide. — Il ne se coagule pas, ou si l'on veut : « il ne se solidifie pas. » — Par le froid qui est dans l'eau, ceci n'est qu'une simple différence verbale.

§ 3. Toutes les choses qui sont de l'eau, j'ai conservé la formule même du texte, qui n'est pas très claire. L'auteur veut indiquer sans doute les choses qui sont de purs liquides, sans aucun mélange de matière solide. -- Elles sont dissoutes par le feu, quand elles ont été solidifiées par une cause quelconque. — La coagulation, ou « la solidification. »  -- Le corps se coagule, ou « se solidifie. »

§ 4. Les corps de ce genre, c'est-à-dire de purs liquides, comme on l'a expliqué dans le § précédent. — En se coagulant, c'est-à-dire ici : « en se gelant. » — Les corps humides, ou liquides; mais j'ai conservé le mot d'humide, par la raison que j'ai dite plus haut, § 1.

§ 5. Qui participent de la terre et de l'eau, c'est-à-dire qui ont à la fois une partie liquide et une partie solide. -- Se coagulent, ou « se solidifient. — En partie de la même manière, cette expression assez obscure est expliquée par ce qui suit. - S'en va aussi l'humide, et alors c'est à peu près l'effet de la chaleur. -- Les corps mous qui ne sont pas humides, ou plutôt : liquides, comme le prouve l'exemple de l'argile, qui n'est pas liquide, niais qui a beaucoup d'humidité. — Ils se coagulent, et deviennent plus solides. -- Tous les mixtes qui sont humides, sans doute l'auteur entend par les mixtes les corps mélangés de terre et d'eau, quoique l'exemple du lait ne soit pas dans ce cas très bien choisi.

§ 7. Qui même s'humidifient d'abord, il faudrait ajouter sans doute : « sous l'action de la chaleur. » — Par l'effet du froid, soit que le froid fût assez fort pour geler ces corps, soit qu'il ne fit que les durcir. — Se vaporise, le mot propre serait peut-être : « sue. » L'argile ne se vaporise pas précisément ; mais elle rejette en partie, par la cuisson, l'humidité qu'elle contient. — Elle devient plus molle, peut-être faudrait-il dire : « plus flexible. » --- Se  déjeter dans les fours, c'est bien plutôt par l'action d'une chaleur inégale.

§ 8. Qui participent à la fois de la terre et de l'eau, voir plus haut, § 5. — Se coagulent par le froid, en d'autres termes : " se gèlent. » -- Coagulée et gelée, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Qui se coagulent par le refroidissement, il ne semble pas qu'il y ait ici grande différence avec ce qui précède; mais l'exemple du fer, allégué un peu plus bas, explique ce que l'auteur veut dire. -- Indissolubles par la chaleur, c'est-à-dire que la chaleur ne les fait pas fondre et ne les liquéfie pas. — Comme le fer, le fer devient en effet plus mou, par l'effet d'une chaleur modérée, et c'est ce qui fait qu'on le forge et qu'il est malléable. — Et la corne, pour la corne, le phénomène n'est pas aussi évident.

§ 9. Jusqu'au point de devenir liquide, c'est la fonte, que l'on coule et à laquelle on donne toutes les formes que l'on veut. — De se coaguler de nouveau, c'est-à-dire de se solidifier et de reprendre sa dureté primitive de fer. -- Et la scorie s'épure en bas, la scorie proprement dite surnage plutôt; mais il s'agit sans doute ici du laitier, qui s'écoule en effet par en bas et au-dessous du métal même. -- Qu'il devient de l'acier, il faut encore une opération de plus pour faire de l'acier proprement dit, et les anciens savaient tremper le fer en le plongeant dans l'eau. Il semble qu'ici l'auteur ne veut, parler que du fer épuré par plusieurs fontes successives.

§ 10. Souvent, c'est-à-dire : « à plusieurs reprises. » -- Le fer d'ailleurs est préférable, pour plusieurs usages où l'acier en effet serait trop cassant.— Une moindre pureté, c'est-à-dire quand il est à l'état de simple fonte.

§ 11. La pierre pyrimaque, il n'est pas facile de savoir au juste ce que c'est que la pierre pyrimaque des anciens ; c'est, ou une sorte de pierre ponce, ou peut-être des pyrites métalliques. La minéralogie a conservé ce nom pour une espèce de silex. -- A tomber en gouttes et à couler, ceci conviendrait aux pyrites de fer ou de cuivre. -- Mais le liquide quand il s'est coagulé de nouveau, j'ai suivi la leçon adoptée par M. Ideler et que donne un manuscrit. C'est la seule qui me semble s'accorder avec le contexte. — Les pierres ponces, il n'y a point ici de doute ; et c'est bien des pierres ponces qu'il s'agit ; mais je ne sais si le fait est exact, et si la pierre ponce se liquéfie sous l'action d'un feu violent. -- Prend une couleur noire, ou plutôt : " noirâtre. » -- Pareil à de la chaux, c'est peut-être de la pouzzolane qu'il est question ; et elle sert, en effet, à composer d'excellent ciment. Il faudrait entendre alors le texte en ce sens, que cette espèce de pierre ponce peut servir aux mêmes usages que la chaux, sans lui être d'ailleurs pareille à l'apparence. — La boue, cette phrase ne semble pas se lier assez ni à ce qui précède, ni à ce qui suit. Déjà la même idée a. été exprimée un peu plus haut, § 8.

§ 12. Se coagulent, ou se solidifient. -- Par l'humide, ou par l'eau; mais j'ai conservé l'expression d'humide, par les motifs que j'ai déjà donnés .--Dans la combustion de la terre, c'est-à-dire dans les cratères des vo¬cans. — Dans l'eau, j'ai ajouté ces mots qui m'ont paru nécessaires pour compléter la pensée. -- L'humidité froide, ou si l'on veut : Par l'eau froide. La restriction est peut-être exacte pour certains corps; mais elle ne l'est pu, par exemple, pour le sel marin, qui se dissout aussi bien dans l'eau chaude que dans l'eau froide.

§ 13. Toutes les espèces d'eau, c'est-à-dire tous les liquides, qui ne sont pas de l'eau pure. — L'un des deux, ou l'humide froid, ou la chaleur sèche.

 

 

CHAPITRE VII.

De la coagulation et de la fusion des corps; difficulté d'expliquer la nature de l'huile; corps mixtes composés de terre et d'eau. Épaississement, liquéfaction; le petit-lait et la crème; le sang et la fibrine à l'état de santé et d'inflammation; le nitre, l'argile, les sels, la pierre. Solubilité et insolubilité des corps; fusion du fer; les bois ; l'ébène noir.
 

§ 1. Toutes les choses qui ont plus d'eau que de terre ne font que s'épaissir par le feu ; mais celles qui ont plus de terre se coagulent. C'est ainsi que le nitre et les sels ont plus de terre, de même que l'argile et la pierre.

§ 2. La nature de l'huile est très difficile à classer ; car si elle avait plus d'eau, il faudrait qu'elle se coagulât par le froid, comme les glaces ; et si elle avait plus de terre, ce serait par le feu, comme l'argile. Mais au contraire elle ne se coagule ni par l'un ni par l'autre, et elle s'épaissit par l'action des deux.

§ 3. La cause en est qu'elle est pleine d'air ; aussi surnage-t-elle sur l'eau, parce que l'air est porté en haut. Le froid, en convertissant en eau l'air qui y est contenu, l'épaissit ; car toujours, quand on mêle de l'eau et de l'huile, le mélange est plus épais que l'une ou l'autre.

§ 4. Par l'effet du feu, et avec le temps, l'huile s'épaissit et blanchit; elle blanchit parce que l'eau, s'il y en avait, vient à s'évaporer ; elle s'épaissit parce que l'air forme de l'eau, quand la chaleur vient à diminuer et à disparaître.

§ 5. Des deux façons, c'est donc la même modification qui a lieu, et par la même cause, mais non pas de la même manière. L'huile s'épaissit par les deux : l'action du temps et celle du chaud. Mais elle ne se dessèche ni par l'un ni par l'autre; car ni le soleil ni le froid ne la dessèche, non seulement parce qu'elle est visqueuse, [384a] mais encore parce qu'elle contient de l'air. L'eau que l'huile contient ne se dessèche pas, et ne bout pas par l'action du feu, parce qu'elle ne se vaporise pas à cause de la viscosité de l'huile.

§ 6. Tous les corps mixtes composés d'eau et de terre doivent être classifiés d'après la quantité qu'ils renferment de l'un et de l'autre ; et par exemple, il y a un vin qui tout à la fois se coagule et peut bouillir : c'est le vin doux.

§ 7. L'eau est expulsée de tous les corps, quand ils se dessèchent. La preuve que c'est bien de l'eau, c'est que la vapeur se condense sous forme aqueuse, si l'on se donne la peine de la recueillir. Et toutes les fois qu'il reste quelque résidu d'un corps, c'est qu'il est de la terre.

§ 8. Quelques-uns, parmi ces corps, s'épaississent et se dessèchent aussi par le froid, ainsi qu'on l'a dit. C'est qu'en effet le froid, non seulement coagule et dessèche ; mais de plus, il épaissit. Il coagule et dessèche l'eau ; et il épaissit l'air, en en faisant de l'eau. La coagulation a été appelée une sorte de dessiccation.

§ 9. Ainsi donc, toutes les substances qui n'épaississent pas par le froid, mais qui se coagulent, ont plus d'eau que de terre, comme le vin, l'urine, le vinaigre, la lessive et le petit-lait. Toutes les substances qui s'épaississent par le feu sans s'évaporer, sont, les unes de terre, et les autres, mélangées d'eau et d'air ; ainsi le miel est de terre ; l'huile est d'air et d'eau.

§ 10. Le lait et le sang participent à la fois des deux, de l'eau et de la terre ; mais la plupart du temps, ils tiennent davantage de la terre, comme tous les corps humides d'où viennent le nitre et les sels.

§ 11. Il y a même des pierres qui se forment de quelques-unes de ces substances. Aussi, quand ou n'isole pas le petit-lait, il est brûlé par le feu qui le fait bouillir; mais la partie terreuse se forme aussi par la présure, pour peu qu'on fasse bouillir le lait comme les médecins, quand ils font tourner le lait pour quelque médicament.

§ 12. C'est ainsi que le petit-lait et la crème se séparent, et le petit-lait une fois séparé ne s'épaissit plus; mais il est consumé comme de l'eau. Quand le lait n'a plus du tout de crème, ou s'il en a peu, il a plus d'eau, et il nourrit moins.

§ 13. Il en est de même du sang ; il se coagule, parce qu'il se dessèche en se refroidissant. Tous les sangs qui ne se coagulent pas, comme celui du cerf, ont plus d'eau que de terre et sont les plus froids. Aussi, n'ont-ils pas de fibres ; car les fibres sont de la terre et sont solides ; de telle sorte que si elles manquent, le sang ne peut plus se coaguler.

§ 14. Et cela vient alors de ce qu'il ne se dessèche pas ; car dans ce cas, c'est de l'eau qui reste, comme pour le lait quand la crème a été enlevée. La preuve, c'est que les sangs qui sont malades ne veulent pas se coaguler ; car ils sont pleins d'humeur et de pus ; or l'humeur est du flegme et de l'eau, parce qu'alors le sang n'est pas cuit et qu'il résiste à la coction naturelle.

§ 15. De plus, il y a des corps qui sont solubles comme le nitre ; d'autres qui sont insolubles comme l'argile et la pierre ; et parmi ces substances, les unes peuvent s'amollir par le feu comme la corne; les autres ne peuvent pas s'amollir, par exemple l'argile et la pierre.

§ 16. La raison en est que les contraires causent lès contraires; et par conséquent, si les corps se coagulent par deux causes, le froid et le sec, il faut nécessairement qu'ils se dissolvent aussi par le chaud et l'humide.

§ 17. Voilà pourquoi ils se dissolvent par le feu et par l'eau, qui sont des contraires : par l'eau, toutes les fois que c'est par le feu seul qu'ils se coagulent ; par le feu, toutes les fois que c'est par le froid seul qu'ils ont été coagulés. De sorte que les corps qui peuvent se coaguler par les deux, sont les plus insolubles de tous.

§ 18. Ce sont les corps qui, après avoir été échauffés, se coagulent par le froid . En effet, quand la chaleur sort et suinte, il arrive que la plus grande partie de l'humide est chassée de nouveau en dedans par le froid, de sorte qu'il ne laisse plus de passage pour l'humide.

§ 19. C'est là aussi ce qui fait que la chaleur ne dissout pas ces corps, tandis qu'elle dissout ceux qui ne sont exclusivement coagulés que par le froid ; et ces corps ne sont pas dissous non plus par l'eau ; car les corps qui sont coagulés par le froid. ne sont pas dissous par l'eau ; mais elle ne dissout que ceux qui sont coagulés uniquement par la chaleur sèche.

§ 20. Le fer fondu par la chaleur se coagule de nouveau par le froid, de sorte qu'il a besoin des deux pour arriver à la coagulation ; aussi est-il insoluble à l'eau. Quant aux bois, comme ils sont de terre et d'air, ils sont combustibles ; mais ils ne sont ni fusibles ni susceptibles d'être amollis ; ils surnagent sur l'eau, si l'on en excepte l'ébène.

§ 21. Mais l'ébène ne surnage pas. C'est que tous les autres bois contiennent plus d'air que celui-là ; l'air a transpiré hors de l'ébène noir ; et il reste en lui plus de terre.

§ 22. L'argile n'est que de la terre, parce qu'elle se coagule peu à peu en se séchant ; car l'eau n'a plus les entrées par lesquelles l'air seul est sorti ; le feu n'en a pas non plus, puisque c'est lui qui a coagulé l'argile.

§ 23. Nous avons donc expliqué ce que c'est que la coagulation et la fusion, par quelles causes et dans quels corps elles se produisent.

 

Ch. VII, § 1. Ne font que s'épaissir, c'est le sens que donne Alexandre d'Aphrodisée. — Se coagulent ou se solidifient, comme plus haut.. -- Et la pierre, Alexandre d'Aphrodisée comprend qu'il s'agit de la pierre ponce, dont il a été question plus haut, ch. 6, § 11. L'expression est tout au moins incomplète.

§ 2. Comme les glaces, il y a plusieurs manuscrits qui ne donnent pas ces mots. Il n'est pu d'ailleurs exact que l'huile ne puisse pas geler; elle gèle au contraire très aisément; mais il est vrai qu'elle ne produit jamais une glace aussi compacte que l'eau pure. — Elle s'épaissit par l'action des deux, ceci paraît inexact; et l'huile bouillante est au contraire plus liquide que l'huile froide. Il n'est pas plus exact de dire que le froid ne solidifie pas l'huile. Un froid, même léger, lui donne beaucoup plus de consistance qu'elle n'en a naturellement.

§ 3. La cause en est qu'elle est pleine d'air, cette explication est certainement fort remarquable pour le temps où elle a été donnée. Le mélange est plus épais, ceci n'est peut-être pas très exact; on ne peut pas dire que le mélange soit plus épais que l'huile; mais l'huile est certainement dénaturée ; et le mélange est effectivement beaucoup plus épais que l'eau. Aristote s'est occupé plusieurs fois de cette nature spéciale de l'huile, et notamment dans le Traité de la Génération des animaux, livre II, ch. 2, p. 735, a, 22, édit. de Berlin.

§ 4. Par l'effet du feu, Voir plus haut la note du § 2. -- Et blanchit, en effet, l'huile en vieillissant perd de sa couleur et devient blanche.-  S'il y en avait, par la cause qui vient d'être dite au § 3. --- Parce que l'air forme de l'eau, id. ibid.

§ 5. Des deux façons, soit par l'action du feu, soit par l'action prolongée du temps, ainsi que l'explique Alexandre d'Aphrodisée.-- La même modification, c'est-à-dire que l'huile s'épaissit ou blanchit. — Par la même cause, c'est-à-dire par l'absence de l'eau, ou de l'air qui forme de l'eau — L'action du temps et du chaud, j'ai ajouté cette glose pour expliquer l'expression un peu vague du texte. C'est le sens donné par Alexandre d'Aphrodisée. -- Ni par l'un ni par l'autre, ni avec le temps, ni par l'action du feu. -- Elle contient de l'air, le texte dit : elle est d'air, ou : « Elle fait partie de l'air. » - L'eau que l'huile contient, le texte dit simplement : l'eau. M. Ideler lit avec quelques manuscrits : L'huile au lieu de l'eau; mais cette leçon n'est pas acceptable, et le sens que je donne est celui qu'explique tout au long le commentaire d'Alexandre d'Aphrodisée.

§ 6. Doivent être classifiés, le texte dit précisément : Dénommés. — D'après la quantité qu'ils renferment, on les classe dans l'eau s'ils contiennent plus d'eau que de terre; et dans la terre, s'ils contiennent plus de terre que d'eau. — Tout à la fois, j'ai ajouté ces mots pour rendre la pensée plus claire. — Se coagule, comme s'ils contenaient plus de terre que d'eau. — Et peut bouillir, comme s'il contenait plus d'eau que de terre. — C'est le vin doux, on peut-être mieux : Le sirop.

§ 7. De tous ces corps, mélangés de terre et d'eau. — La vapeur se condense, l'observation est vraie, et elle était sans doute assez nouvelle au temps d'Aristote. -- Sous forme aqueuse, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. -- Si l'on se donne la peine de la recueillir, Alexandre d'Aphrodisée cite les couvercles des marmites d'airain où la vapeur se condense en gouttes d'eau. — C'est qu'il est de la terre, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.

§ 8. Parmi ces corps, qui sont composés de terre et d'eau. — Ainsi qu'on l'a dit, voir plus haut, livre 1V, ch. 6, § 5. -- Coagule, ou bien encore : solidifie. — Il coagule et dessèche l'eau, j'ai suivi la leçon adoptée par M. Ideler, et qu'autorisent plusieurs manuscrits avec le commentaire d'Alexandre d'Aphrodisée. --- Et il épaissit l'air, j'ai conservé l'expression même du texte ; mais elle n'est pas exacte; et nous dirions que dans, ce cas le froid condense l'air, en le convertissant en eau. — La coagulation, ou solidification, ou encore congélation. Le mot du texte a un sens très vague.

§ 9. Que de terre, j'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée. — Le miel est de terre, pour comprendre ceci, il faut se rappeler dans quelle large acception les anciens prenaient ce mot de Terre. « Le miel est de terre » signifie seulement que le miel est plutôt solide que liquide; ce qui est vrai.— Est d'air et d'eau, quelques manuscrits disent seulement : Est d'air; mais d'autres ont aussi l'addition que je donne et qui semble indispensable, ainsi que le remarque Alexandre d'Aphrodisée.

§ 10. Le lait et le sang, il sera surtout question du lait, dans ce §, et du sang, dans le § suivant. — Tous les corps humides ou liquides. -- Et les sels, ou le sel.

§ 11. Il y a même des pierres, c'est sans doute du sel gemme qu'il s'agit ici; mais toute cette phrase pourrait bien n'être qu'une glose et une interpolation. -- Il est brûlé, c'est-à-dire qu'il se vaporise. — Par la présure, c'est-à-dire que la présure, en faisant prendre le lait, dégage la partie solide de la partie liquide. M. Ideler, pour bien prouver l'antiquité de cet usage, cite l'Iliade d'Homère, chant V, v. 902. -- Quand ils font tourner du lait pour quelque médicament, le texte n'est pas aussi formel; mais c'est là le sens qui résulte des explications d'Alexandre d'Aphrodisée.

§ 12. Le petit-lait et la crème, le texte dit précisément : le fromage au lieu de la crème. — Consumé comme de l'eau, c'est-à-dire qu'il se vaporise sous l'action du feu. — Et il nourrit moins, Aristote s'est occupé très attentivement de la nature du lait, Histoire des Animaux, livre III, ch. 20, p. 521, b, 27, édit. de Berlin, et p. 522, a, 25. — Le lait n'a plus du tout de crème, il y a quelques manuscrits qui donnent une leçon précisément contraire : « Quand la crème n'a plus de lait. »

§ 13. Il en est de mêem du sang, c'est-à-dire, selon l'explication d'Alexandre d'Aphrodisée, que le sang a plus de terre que d'eau.-- Comme celui du cerf, je ne sais si le fait est exact. — Que de terre, c'est-à-dire qu'ils sont plus liquides que les autres sangs et qu'ils contiennent de la fibrine en moindre quanti. Aristote insiste sur ce fait et l'explique dans le traité des Parties des animaux, livre II, ch. 4, p. 650, b, 14, édit. de Berlin. -- Les fibres sont de la terre, c'est toujours le sens exceptionnel et très large du mot de Terre. --- Si elles manquent, le texte dit précisément : " Quand elles sont enlevées. »

§ 14. Et cela vient de ce qu'il ne se dessèche pas, Alexandre d'Aphroisée n'a pas commenté cette phrase. --- Comme pour le lait, quand il ne reste plus que le petit lait, et que toute la partie butireuse en a été séparée. -- Les sangs qui sont malades, Aristote a approfondi ce sujet, Histoire des Animaux, livre III, ch. 19, p. 524, a, 28, et des Parties des animaux, livre III, eh. 5, p. 668, a, 5 et suiv., édit. de Berlin. -- Ne veulent pas, c'est l'expression même du texte, que j'ai cru devoir conserver. — Pleins d'humeur et de pus, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. -- Parce qu'alors le sang, le texte n'est pas aussi explicite. --- Il résiste à la coction naturelle, même remarque.

§ 15. De plus, malgré cette liaison apparente, les idées qui suivent ne se rattachent pas très directement à celles qui précèdent. — Qui sont solubles, évidemment par l'eau. Voir plus haut, ch. 6, § 12. — Comme le nitre, ceci est une répétition de ce qui a été déjà dit plus haut, ch. 6, § 12. — L'argile et la pierre, pour la pierre c'est de toute évidence ; mais pour l'argile, l'eau la dissout en partie, quand elle est en petite quantité, bien que, dans le sein de la terre, l'argile retienne les eaux. — S'amollir par le feu, le texte dit simplement : s'amollir ; j'ai ajouté : par le feu, en me reportant à ce qui a été dit plus haut, ch. 6, § 8. -- Par exemple l'argile, ceci semble contredire ce qui a été dit plus haut, ch. 6, § 7.

§ 16. Les contraires causent les contraires, voir plus haut, ch. 6, § 2 et surtout § 13.

§ 17. Qu'ils se coagulent... qu'ils ont été coagulés, le texte n'est pas aussi formel. — Les plus insolubles de tous, soit par l'eau, soit par le feu. L'auteur aurait bien fait de dési¬ner précisément quelques-uns de ces corps. Les indications qui suivent sont trop vagues.

§ 18. Se coagulent par le froid, on se solidifient en se refroidissant, ou se gèlent par l'action du froid. J'ai préféré conserver l'expression même du texte. — Sort et suinte, cette expression peut paraître assez singulière appliquée à la chaleur ; mais le texte va jusqu'à dire que la chaleur dégoutte, c'est-à-dire qu'elle sort sous forme de gouttelettes. -- Par le froid, qui est produit relativement au corps par l'air extérieur.

§ 19. Ne dissout pas ces corps, c'est-à-dire les corps qui, après avoir été amollis par la chaleur, se sont solidifiés sous l'action du froid. Le texte d'ailleurs n'est pas aussi formel. Non plus par l'eau, l'eau n'agit pas plus que la chaleur sur ces corps. Il eût été plus clair de désigner quelques-uns des corps dont on veut parler.

§ 20. Se coagule, ou se solidifie. — Il a besoin des deux, c'est-à-dire du chaud et du froid. — A l'eau, j'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée. — Ils sont de terre et d'air, il faut toujours se rappeler le sens exceptionnel de ces expressions. -- Si l'on en excepte l'ébène, il y a plusieurs bois encore qui sont plus lourds que l'eau ; mais les anciens, au temps d'Aristote, ne connaissaient que l'ébène; ou bien, ils confondaient plusieurs espèces de bois sous ce nom commun.

§ 21. Plus d'air que celui-là, ou bien : plus d'air que de terre, comme le veut Alexandre d'Aphro¬disée. Le texte est tout à fait indéterminé.— Plus de terre, que d'air, sous-entendu.

§ 22. L'argile, il faut entendre, ici comme plus haut, l'argile convertie par le feu à l'état de poterie. --N'est plus que la terre, et ne peut plus être liquéfiée, comme l'explique Alexandre d'Aphrodisée. — Elle se coagule, ou se solidifie. — N'a plus les entrées, c'est l'expression même du texte; c'est-à-dire que les pores, par où l'air est sorti, lors de la cuisson qui a solidifié l'argile, sont trop petits pour que l'eau puisse y passer à son tour.

§ 23. La coagulation et la fusion, c'est-à-dire les deux états solide et liquide, par lesquels certains corps peuvent passer. Alexandre d'Aphrodisée remarque que l'auteur n'a pu donné de définitions précises de la coagulation ni de la fusion, et il essaye de suppléer lui-même ces définitions.

 

CHAPITRE VIII.

Analyse de quelques unes des propriétés que l'action de la chaleur et du froid produit dans les corps; énumération des propriétés principales, positives et négatives. --- Nouveaux détails sur la coagulation et la non-coagulation des corps ; exemples de différents corps fusibles et infusibles.

 

§ 1. Il est évident, d'après les détails qui précèdent, que les corps se forment par le chaud et par le froid, et que c'est en épaississant, et en coagulant les corps que les éléments accomplissent leur fonction propre. Mais comme ce sont eux qui produisent tous les corps et les façonnent, il y a de la chaleur dans tous les corps ; et il n'y a aussi du froid que dans les corps, en petit nombre, où la chaleur fait défaut. D'autre part, comme ces éléments sont actifs, tandis que l'humide et le sec sont simplement passifs, les corps qui sont en partie formés des uns et des autres participent d'eux tous.

§ 2. C'est donc d'eau et de terre que sont composés les corps à parties similaires, soit dans les plantes soit dans les animaux ; et aussi les corps métalliques, comme l'or, l'argent et tous les corps analogues. ils sont formés de ces deux éléments et aussi de l'exhalaison qui est renfermée dans tous les deux, ainsi qu'on l'a dit ailleurs.

§ 3. Ces corps [385a] diffèrent entre eux, d'abord. par les modifications spéciales qu'ils causent sur nos sens, et parce qu'ils peuvent tous produire un certain effet sur nous. Ainsi, le blanc, l'odorant, le sonore, le doux, le chaud, le froid, ne sont ce qu'ils sont que parce qu'ils peuvent agir d'une certaine façon sur notre sensibilité. Mais les corps diffèrent entre eux par d'autres modifications plus spéciales qui viennent de ce qu'ils peuvent éprouver aussi quelque effet, et, par là, j'entends la fusion, la coagulation, la flexibilité et tant d'autres propriétés du même genre ; car ce sont là des propriétés toutes passives, tout aussi bien que l'humide et le sec.

§ 4. C'est là ce qui fait la différence entre l'os et la chair, le nerf et le bois, la feuille et la pierre, et chacun des autres corps naturels formés de parties similaires.

§ 5. D'abord, indiquons le nombre des propriétés des corps qui sont dénommés selon qu'ils peuvent ou ne peuvent pas telle ou telle chose.

§ 6. Voici ces modifications coagulable, incoagulable ; fusible, infusible ; ductile, non ductile ; malléable, non malléable ; flexible, non flexible ; amollissable, non amollissable ; friable, non friable ; cassant, non cassant ; modelable, non modelable ; compressible, incompressible ; étirable, inétirable ; extensible, inextensible ; fendable, infendable ; sécable, insécable ; visqueux, sec ; aplatissable, non aplatissable ; combustible, incombustible ; vaporisable, invaporisable.

§ 7. C'est par ces modifications que diffèrent entre eux la plupart des corps. Maintenant, expliquons quelle propriété ont chacune de ces modifications. Nous avons déjà, parlé antérieurement, d'une manière générale, de la coagulation et de la non-coagulation, de la fusion et de la non-fusion ; revenons-y cependant encore.

§ 8. Tous les corps qui se coagulent et qui se durcissent éprouvent ce changement, ceux-ci par le chaud, ceux-là par le froid : par la chaleur, qui dessèche l'humide, et par le froid, qui chasse la chaleur.

§ 9. Ainsi, les uns éprouvent cet effet par l'absence de l'humide; les autres, par l'absence du chaud. Pour ceux qui sont d'eau, c'est l'absence du chaud ; pour ceux qui sont de terre, c'est l'absence de l'humide. Les corps qui se coagulent par l'absence de l'humide sont . dissous par l'humide, pourvu que leur cohésion ne soit pas telle que les pores qui leur restent ne soient pas plus petits que les globules de l'eau, comme par exemple l'argile. Les corps qui ne sont pas dans cette disposition sont dissous par l'humide, comme le nitre, les sels, et la terre qui vient de la boue.

§ 10. Ceux qui se coagulent par privation de chaleur sont dissous par la chaleur, comme la glace, le plomb, l'airain.

§ 11. Voilà donc quels sont les corps coagulables et fusibles, et [385b] ceux qui ne sont pas fusibles. Sont incoagulables tous ceux qui n'ont pas d'humidité aqueuse, et qui ne sont pas d'eau, mais qui ont plus de chaleur et de terre, comme le miel et le vin doux ; car ils sont en quelque sorte bouillants. Sont aussi non coagulables tous les corps qui ont bien de l'eau, mais qui toutefois ont plus d'air, comme l'huile, le vif-argent et les substances visqueuses, telles que la glu et la poix.

Ch. Vlll, § 1. Se forment, peut-être faudrait-il ajouter : et prennent e et leur consistance naturelle. -- Qu produisent.... les façonnent, il n'y a qu'un seul mot dans le texte —  En petit nombre, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. -- Ces éléments sont actifs, Voir plus haut, ch.1, § 1 . -- Qui sont en partie formés des uns et des autres, le texte dit simplement : " Les corps communs. »

§ 2. D'eau et de terre, il faut toujours se rappeler le sens très large de ces expressions, qui, pour nous sont beaucoup plus spéciales que pour les anciens. — Les corps à parties similaires, d'après l'explication d'Alexandre d'Aphrodisée, ce sont les os, par exemple, les tendons, les muscles, les veines, etc., dans les animaux ; ce sont le bois, les feuilles, etc., dans les plantes. C'est d'ailleurs une expression dont Aristote fait un très fréquent usage dans ses études d'histoire naturelle. Voir plus loin, ch. 10, § 2, la définition de ce mot. --- Les corps métalliques, c'est singulier tout au moins de n'avoir pas fait une classe à part pour des corps aussi distincts que les métaux. — De ces deux éléments, c'est-à-dire de terre et d'eau. -- L'exhalaison renfermée dans tous les deux, c'est-à-dire dans la terre et dans l'eau : la première, sèche; et la seconde, humide. — Ainsi qu'on l'a dit ailleurs, à la fin du troisième livre, comme le remarque Alexandre d'Aphrodisée ; voir plus haut, livre III, ch. 7, § 4. Ailleurs, indique peut-être aussi le livre spécial des Métaux, qu'on attribue parfois à Aristote.

§ 3. Qu'ils causent sur nos sens, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. -- Un certain effet sur nous, même remarque. -- Sur notre sensibilité idem. — La fusion, la coagulation, c'est-à-dire que les corps peuvent se présenter à l'état liquide ou à l'état solide, etc. — Toutes passives, Voir plus haut, ch. 1, § 1. L'humide et le sec sont passifs, tandis que le froid et le chaud sont actifs.

§ 4. L'os et la chair, dont l'un est dur et dont l'autre est mou. — Le nerf et le bois, même opposition. -- De parties similaires, Voir plus haut, § 2. Ceci veut dire que tous les es, par exemple, sont composés de la même manière ou à peu près; que toutes les chairs sont composées de la même manière ou à peu près, etc., etc. Voir plus loin, ch. 10, § 2.

§ 5. Selon qu'ils peuvent ou ne peuvent pas, j'ai conservé autant que l'ai pu l'expression du texte.

§ 6. Incoagulable, je ne réponds pas que ces mots. soient parfaitement français; mais j'ai du les adopter pour mieux marquer l'opposition qui se forme ici par une simple négation. J'en dis autant de plusieurs autres mots parmi ceux qui suivent, et pour lesquels je dois présenter la même excuse. — Non flexible, parce que le mot d'inflexible a un autre sens. -- Visqueux, sec, l'opposition n'est pas mieux marquée dans le texte lui-même. --- Invaporisable, le mot n'est pas français certainement; mais j'ai dû le forger.

§ 7. Antérieurement, dans le chapitre précédent tout entier. Voir aussi ce même chapitre, § 23.

§ 8. Qui se coagulent et se durcissent, c'est-à-dire qui passent de l'état liquide à l'état solide, quelles que soient d'ailleurs la consistance et la dureté qu'ils acquièrent par cette modification.

§ 9. Pour ceux qui sont d'eau, il faut toujours se rappeler le sens très général que les anciens donnaient à cette expression, comprenant tous les corps liquides sous le terme général d'Eau. -- Qui sont de terre, même remarque, les anciens comprenant sous le nom de Terre tous les corps solides sans exception. — L'argile, il faut entendre ici l'argile cuite par l'action du feu, et convertie en un corps dur et insoluble à l'eau. -- Et la terre qui vient de la boue, et qui a été durcie, soit par la chaleur, soit par le froid, à la différence de la terre qui viendrait de l'argile, comme le remarque Alexandre d'Aphrodisée.

§ 10. Ceux qui se coagulent, ou se solidifient. -- Par privation de chaleur, soit que l'état qu'ils prennent soit permanent, soit qu'ils ne prennent qu'un état passager. -- La glace, le plomb, il est assez singulier d'associer deux corps aussi différents.

§ 11. Qui n'ont pas d'humidité aqueuse, ceci ne s'applique pas bien aux deux exemples cités un peu plus bas, du miel et du vin doux. -- Plus de chaleur et de terre, ceci peut se dire jusqu'à un certain point du vin doux qui fermente ; mais ce n'est plus applicable au miel. -  Bouillants, j'ai conservé le mot du texte ; mais évidemment il s'agit de fermentation. — Ont plus d'air que d'eau. — L'huile, Voir plus haut, ch. 7, § 2. — Le vif-argent, le texte dit précisément : « l'argent fondu,» qu'Alexandre d'Aphrodisée explique par Hydrargyre, ou argent liquide.


 

 

CHAPITRE IX.

Des corps fusibles; leurs variétés. Des corps humectables et susceptibles de s'imbiber; des corps flexibles et rigides ; des corps fragiles et friables; des corps susceptibles do recevoir et de garder des empreintes; des corps compressibles et incompressibles. Rôle des pores. Des corps extensibles et ductiles ; des corps fendables et susceptibles d'être coupés; des corps combustibles et incombustibles; des corps vaporisables. Citation d'Empédocle. Des corps inflammables et ininflammables. Des diverses vaporisations des corps, selon leur nature.

 

§ 1. Parmi les substances coagulées, on appelle amollissables celles qui ne sont pas d'eau comme est la glace, car toute glace vient d'eau, mais qui sont plutôt de terre, et d'où l'humide tout entier n'est pas sorti, comme sont le nitre et les sels, et enfin qui ne sont pas de composition irrégulière, comme l'argile, mais qui sont étirables sans être détrempées, qui sont ductiles sans être de l'eau, et qui sont amollies par le feu, comme le fer, la corne et les bois.

§ 2. Parmi les choses qui fondent et ne fondent pas, les unes sont humectables ; les autres ne le sont point, comme l'airain, qui est inhumectable, bien qu'on puisse le fondre, tandis que la laine et la terre sont humectables, parce qu'elles s'imbibent. Quant à l'airain, il peut se fondre bien ; mais ce n'est pas par l'eau qu'il se fond.

§ 3. Parmi les corps qui se fondent dans l'eau, il y en a aussi quelques-uns qui sont inhumectables, comme le nitre et les sels ; car il n'y a point de corps fondable qui ne devienne aussi plus mou en s'imbibant d'eau. Il y a quelques corps qui, étant humectables, ne sont pas néanmoins fondants, comme ta laine et les fruits.

§ 4.. On appelle humectables tous les corps qui, étant de la terre, ont les pores plus grands que les particules aqueuses, mais qui sont plus dures que l'eau. Sont liquéfiés par l'eau tous les corps qui sont entièrement percés par elle.

§ 5. Mais  comment se fait-il que la terre soit tout à la fois liquéfiable et humectable par l'humide ? Et pourquoi le nitre est-il seulement fondu et n'est-il pas humecté ? C'est que dans le nitre les pores traversent de part en part, de sorte que ses parties sont sur-le-champ divisées par l'eau, tandis que dans la terre les pores sont tout disjoints et ne se correspondent pas, de telle sorte que, de quelque façon qu'elle reçoive l'eau, la modification qu'elle subit est différente.

§ 6. Il y a aussi des corps qui sont flexibles, et qui sont tout droits, comme le roseau et l'osier ; et il y a des corps qui ne plient pas, comme l'argile et la pierre.

§ 7. Les corps qui sont tout à la fois flexibles et droits, sont  ceux dont la longueur peut changer de la ligne circulaire à la ligne droite, et revenir de la ligne droite à la ligne circulaire. Se fléchir et redevenir droit, c'est changer ou être mu, selon la ligne droite ou la ligne circulaire ; car ce qui se courbe soit en haut soit en bas, [386a] n'en est pas moins courbe.

§ 8. Ainsi, le mouvement, soit en sens convexe, soit en sens concave, est ce qu'on appelle la flexion, l'étendue de l'objet restant toujours la même ; car si la flexion s'appliquait aussi à la ligne droite, le corps serait à la fois courbé et droit ; ce qui est impossible ; je veux dire que le droit ne peut pas être courbe.

§ 9. Si tout objet courbe doit être courbé soit en dedans soit en dehors, et si ces deux courbures ne sont que des déviations, l'une au concave l'autre au convexe, il n'y a pas de courbure possible en ligne droite ; mais la courbure et la ligne droite sont des choses toutes différentes l'une de l'autre. C'est donc là ce qu'on appelle les corps flexibles ou rigides, non flexibles et non rigides.

§ 10. Il y a des corps qui sont frangibles et friables, soit l'un ou l'autre, soit tous deux à la fois. Ainsi, le bois, qui est frangible, n'est pas friable ; la glace et la pierre sont friables, mais ne sont pas frangibles; l'argile est à la fois frangible et friable.

§ 11. Il y a cette différence cependant que la frangibilité est la séparation et la division de l'objet en grands morceaux, tandis que la friabilité est la séparation en un nombre de morceaux quelconque, pourvu que ce soit plus de deux.

§ 12. Tous les corps donc qui se sont coagulés de telle façon qu'ils aient beaucoup de pores qui ne se répondent pas entre eux, sont friables ; car les pores sont assez éloignés pour que cet effet se produise; mais ceux où les pores sont très pénétrants sont frangibles ; et ceux qui présentent les deux espèces de composition ont aussi les deux propriétés.

§ 13. Certains corps sont capables de garder des empreintes, comme l'airain et la cire; d'autres n'en sont pas susceptibles, comme l'argile et l'eau. L'empreinte est le déplacement partiel de la surface qui se renfonce, soit par une pression, soit par un coup, et d'une manière générale, par un contact quelconque. Il y a aussi des corps de ce genre qui sont mous, comme la cire, qui change en partie, bien que le reste de la surface demeure ce qu'elle est. Il y en a d'autres qui sont durs, comme l'airain. D'autres ne peuvent pas recevoir d' empreinte, et sont durs, comme l'argile ; car leur surface ne cède pas en profondeur. Il y en a d'autres encore qui sont liquides, comme l'eau, et qui cèdent, mais non par parties, et qui se déplacent tout entiers.

§ 14. Parmi les corps susceptibles d'empreinte, ceux qui demeurent empreints et sont impressibles à la simple action de la main, sont ceux qu'on peut modeler. Il y en a d'autres qui ne sont pas faciles à empreindre, par exemple la pierre et le bois. Il y en a aussi qu'on empreint aisément, mais où l'impression ne subsiste pas, comme la laine et l'éponge. Mais à vrai dire ceux-ci ne sont pas modelables ; ils sont seulement compressibles.

§ 15. On appelle compressibles tous les corps qui serrés peuvent rentrer sur eux-mêmes, la surface s'enfonçant en profondeur, sans se diviser, et sans qu'une molécule se mette à la place d'une autre, comme il arrive pour l'eau qui se déplace tout entière.

§ 16. La pression est le mouvement qui, venu du corps moteur, [386b] se produit par le contact ; c'est un coup, quand ce mouvement est accompagné de translation.

§ 17. On peut comprimer tous les corps qui ont des pores vides de matières homogènes ; et l'on appelle compressibles tous les corps qui peuvent rentrer dans leurs propres vides, ou dans leurs propres pores ; car quelquefois les pores où le corps se contracte ne sont pas vides, par exemple l'éponge mouillée, dont les pores en effet sont pleins. Mais ce sont les substances sont les pores sont pleins de parties plus molles que le corps même qui naturellement entre en eux. C'est ainsi que l'éponge, la cire, la chair sont compressibles.

§ 18. On appelle incompressibles les corps qui naturellement ne peuvent pas revenir par pression dans leurs propres pores, ou parce qu'ils n'en ont pas, ou parce que ces pores sont pleins de matières plus dures. C'est de cette façon que le fer est incompressible, ainsi que la pierre, et l'eau, et tout ce qui est liquide.

§ 19. On appelle extensibles tous les corps dont la surface peut se déplacer obliquement ; car étendre un corps, c'est faire que la surface, sans cesser d'être continue, puisse s'allonger vers le corps qui cause le mouvement. C'est ainsi que sont extensibles les cheveux, le cuir, le nerf, la pâte, la glu, tandis que l'eau et la pierre sont inextensibles.

§ 20. Il y a des corps qui sont tout à la fois extensibles et compressibles, et telle est la laine par exemple. Il y en a qui ne sont pas les deux à la fois, comme le flegme, qui n'est pas compressible, mais qui est extensible ; tandis que l'éponge est au contraire compressible ; mais elle ne s'allonge pas.

§ 21. Il y a des corps qui sont ductiles, comme l'airain ; d'autres qui ne le sont pas, comme la pierre et le bois. Les corps sont ductiles, quand la surface peut tout à la fois et du même coup, se déplacer partiellement en largeur et en profondeur. Ils ne sont pas ductiles quand ils ne peuvent pas subir cet effet.

§ 22. Tous les corps ductiles, sont susceptibles d'empreinte; mais tous les corps susceptibles d'empreintes ne sont pas toujours ductiles, par exemple le bois. Toutefois, on peut dire d'une manière générale que ces deux qualités sont réciproques. Parmi les corps compressibles, les uns sont ductiles, les autres ne le sont pas. La cire et la boue, par exemple, sont ductiles, tandis que la laine et l'eau ne le sont point.

§ 23. Il y a des corps qui se fendent, comme le bois ; d'autres, qui ne se fendent pas, comme l'argile.

§ 24. On dit d'une chose qu'elle peut se fendre, quand elle peut se diviser au-delà du point où l'instrument divisant la divise; car elle ne se fend que quand elle est divisée au-delà de l'espace où l'instrument divisant la divise, et quand la division gagne de l'avant, effet qui n'a pas lieu dans la coupure. On dit des corps qu'ils ne se fendent pas, quand ils n'éprouvent pas cet effet.

§ 25. Rien de ce qui est mou n'est fendable ; j' entends parler des choses qui sont absolument molles par elles-mêmes, et non de celles qui ne sont molles que relativement à d'autres; car en ce dernier sens, le fer lui-même pourrait être considéré comme mou. Mais, du reste, tous les corps durs ne. sont pas non plus fendables, [387a] et il n'y a que ceux qui ne sont ni liquides, ni impressibles, ni friables. Ce sont tous les corps qui ont 'des pores allongés, par lesquels les parties peuvent adhérer naturellement les unes aux autres, et qui n'ont pas de pores en large.

§ 26. Parmi les corps durs ou mous, ceux-là sont susceptibles d'être coupés, où la division n'anticipe pas nécessairement, et qui ne sont pas friables, quand on les divise Ceux qui sont liquides, ou à peu près liquides, ne peuvent pas être coupés.

§ 27. Il y a des corps qui sont tout à la fois susceptibles d'être coupés et fendables, comme le bois. Mais le plus souvent, tout ce qui est fendable, l'est dans .sa longueur ; et ce qui est susceptible d'être coupé, l'est dans sa largeur. En effet, comme chaque corps peut avoir une foule de divisions, là où plusieurs longueurs se réunissent en une seule, le corps est fendable en ce sens ; mais là où plusieurs largeurs se réunissent en une seule, il est susceptible d'être coupé en ce sens.

§ 28. On dit d'un corps qu'il est visqueux, lorsque étant humide ou mou il est extensible. Un corps peut devenir visqueux, par le déplacement de ses parties, quand il est composé d'anneaux, comme les chaînes ; car les corps peuvent beaucoup s'étendre et se resserrer beaucoup. Les corps qui ne sont pas visqueux sont secs.

§ 29. On appelle aplatissables tous les corps qui, étant compressibles, gardent leur compression d'une manière durable ; non aplatissables, ceux qui sont tout à fait incompressibles, ou qui ne gardent pas leur compression d'une manière permanente.

§ 30. Il y a des corps qui sont combustibles ; d'autres, qui sont incombustibles. Ainsi, le bois est combustible; la laine et l'os, le sont aussi. Mais la pierre et le glace sont incombustibles. Sont combustibles tous les corps qui ont des pores capables de recevoir le feu, et qui ont dans leurs pores, disposés en ligne droite, une humidité plus faibleque le feu. Ceux au contraire qui n'ont pas d'humidité ou qui l'ont plus forte que le feu, comme la glace et les végétaux très verts, sont incombustibles.

§ 31. Sont vaporisables les corps qui contiennent de l'humidité, mais qui l'ont de telle sorte qu'elle ne peut pas s'exhaler, à elle toute seule, sans le secours des combustibles ; car la vapeur n'est que la transformation en air ou en vent, sous l'action de la chaleur brûlante, de la sécrétion venant de l'humide et étant humide elle-même.

§ 32. Les substances vaporisables se sécrètent à la longue et se changent en air. Quelques-unes disparaissent tout à fait en se desséchant ; les autres deviennent de la terre. Mais cette sécrétion a cela de particulier qu'elle n'humecte pas, et qu'elle ne devient pas non plus du vent.

§ 33. Le vent est un écoulement continu de l'air en longueur. La vaporisation est la sécrétion commune du sec et de l'humide, mêlés ensemble par l'action de la chaleur brûlante. Aussi ne mouille-t-elle pas ; mais elle colore plutôt les choses qu'elle touche.

§ 34. La vaporisation d'un corps ligneux [387b] est la fumée. Je comprends aussi dans ce genre les os, les poils et tout ce qui s'en rapproche ; je les confonds, car s'il n'y a pas de nom général pour la fumée .de toutes ces choses, cependant elles sont comprises dans ce même genre, chacune selon leur analogie, comme le dit aussi Empédocle :

« Les feuilles, les cheveux, les ailes des oiseaux,
« Les écailles couvrant des membres colossaux,
« Tout cela se ressemble "
 

La vapeur d'un corps gras s'appelle lignys, et celle d'un corps huileux s'appelle cnisse.

§ 35. Ce qui fait que l'huile ne bort pas et n'épaissit pas, c'est qu'elle est fumeuse, et qu'elle ne se vaporise pas. L'eau au contraire n'est pas fumeuse ; mais elle se vaporise. Le vin aussi, quand il est doux, est fumeux ; car il est gras, et il se comporte comme l'huile, puisqu'il ne gèle pas par le froid et qu'il ne se brûle pas. On lui donne le nom de vin ; mais de fait ce n'est pas du vin ; son suc n'est pas vineux, et voilà comment il ne grise pas. Le vin ordinaire n'a qu'une faible évaporation ; et c'est ce qui fait qu'il peut produire de la flamme.

§ 36. Il semble que tous les corps qui se résolvent en cendre sont combustibles. C'est ce qu'éprouvent tous les corps qui se coagulent, soit par la chaleur, soit tout ensemble par le chaud et le froid; car ces corps sont, comme on peut le voir, dominés par le feu ; mais, parmi les pierres, la pierre à cachets, qu'on appelle spécialement charbon ou escarboucle, est celle que le feu modifie le moins.

§ 37. Parmi les combustibles, les uns s'enflamment ; les autres ne s'enflamment pas. Il y a quelques-uns de ces derniers qui sont susceptibles de faire du charbon. Tous ceux qui peuvent donner de la flamme sont dits inflammables; ceux qui ne peuvent pas en donner sont ininflammables.

§ 38. On appelle inflammables tous les corps qui, n'étant pas liquides, peuvent cependant se vaporiser. La poix, l'huile, la cire sont plus inflammables, quand on les mêle avec d'autres corps, que quand elles sont seules. Les corps qui le sont le plus sont ceux qui font de la fumée. Parmi ces derniers corps, on appelle charbonneux ceux qui ont plus de terre que de fumée.

§ 39. Il y a des corps qui, étant fusibles, ne sont pas inflammables, par exemple l'airain ; et il y en a qui, étant inflammables, ne sont pas fusibles, comme le bois. Il y en a qui sont l'un et l'autre, comme l'encens.

§ 40. La cause en est que le bois a l'humide en quantité considérable et continu dans toutes ses parties, de manière qu'il est absolument consumé, tandis que l'airain, qui en a bien dans chacune de ses parties, ne l'y a pas continu; et l'humide y est en trop petite quantité pour produire de la flamme. L'encens, au contraire, est composé en partie d'une façon, et en partie de l'autre.

§ 41. Parmi les corps qui se vaporisent, ceux-là sont inflammables qui ne sont pas fusibles, parce qu'ils contiennent trop de terre ; car ces corps ont le sec qui est commun aussi [388a] au feu. Si donc le sec s'échauffe, il devient du feu. Aussi, la flamme est-elle de l'air, ou de la fumée qui brûle.

§ 42. L'évaporation des bois est la fumée; pour la cire, l'encens, et les corps analogues, pour la poix et tous les corps qui contiennent ou de la poix ou des substances pareilles, l'évaporation est de la lignys. Quant à l'huile et à tous les corps huileux, l'évaporation est de la cnisse ainsi que pour tous les corps qui ne peuvent pas du tout brûler, quand ils sont seuls, parce qu'ils ont peu d'humide, et que c'est par l'humide que la transformation se fait, mais qui brûlent très vite quand ils sont mêlés à d'autres substances ; car le gras sec est ce qu'on appelle onctueux.

§ 43. Les corps humides qui se vaporisent se rapportent davantage à l'humide (comme l'huile et la poix). Les corps humides qui brûlent tiennent plus du sec.

 

Ch. IX, § 1. Parmi les substances coagulées, ou solidifiées. — Amollissables, je n'ai pas pu trouver de mot plus convenable dans notre langue. — Qui ne sont pas d'eau, c'est-à-dire celles qui n'ont pas été d'abord liquides et ne se sont pas ensuite congelées. -- Car toute glace vient d'eau, cette parenthèse n'était pas très nécessaire, et peut-être n'est-elle qu'une interpolation. -- Le nitre et les sels, Voir plus haut, ch. 7, § 10. — De composition irrégulière comme l'argile, la pensée est obscure quoique les mots ne le soient pas ; c'est qu'elle n'est pas assez développée. Alexandre donne de ce passage deux explications aussi peu satisfaisantes l'une que l'autre : « ou l'argile a une humidité irrégulière; » ou bien : " l'argile a les pores irréguliers, parce qu'ils ne sont pas en ligne droite. » Ma traduction est indécise comme le texte, qui évidemment n'était pas plus clair pour les commentateurs grecs que pour nous.  — Sans être de l'eau, il y a des manuscrits qui ne donnent pas ces mots; ils ne semblent pas en effet s'accorder très bien avec la suite des pensées. Plusieurs commentateurs ont proposé de les retrancher ; mais je les garde, parce qu'Alexandre d'Aphrodisée les a, et qu'ils ne paraissent pu faire la moindre difficulté pour lui. -- Et les bois, il s'agit sans doute ici des bois que l'on courbe à l'aide du feu.

§ 2. Qui fondent et ne fondent pas, c'est la seconde classe des propriétés diverses des corps dont il a été parlé plus haut, ch. 8, § 6. — Inhumectable, j'ai forgé le mot pour rendre l'opposition plus sensible. -- La laine et la terre, la laine ne reçoit pu l'eau comme la terre, et l'exemple n'est pas bien choisi.

§ 3. Comme le nitre et les sels, il semble encore que l'exemple n'est pas ici très bien choisi. Le sel se dissout en effet dans l'eau ; mais la terre s'y dissout aussi, quoique moins complètement, et il ne paraît pas qu'elle soit plus humectable que lui. — La laine et les fruits, on ne comprend pas bien non plus que la laine et les fruits puissent être réunis à ce point de vue. Les fruits sont en général humides et juteux ; ils ne sont pas fondants pour cela ; mais on ne peut pas dire qu'ils ne sont pas humectables. Peut-être aussi n'ai-je pas bien saisi la nuance du texte, quoique les mots ne prêtent ici à aucune obscurité.

§ 4. On appelle humectables, cette définition de ce que l'auteur entend par humectable, ne rend pas sa pensée beaucoup plus claire. Peut-être le serait-elle davantage en substituant le mot de spongieux à celui d'humectable. -- Qui étant de terre, le mot de Terre est pris ici dans l'acception générale et vague que j'ai déjà signalée. -- Qui sont plus durs que l'eau, l'eau alors pénètre dans le corps qu'elle imbibe ; mais elle ne le dissout pas. — Qui sont entièrement percés par elle, ou : " Qui ont des pores dans toute leur étendue. »

§ 5. Soit tout à la fois liquéfiable et humectable, Alexandre répond que cette différence d'état tient à la différence même des espèces de terre, selon que les pores sont plus ou moins réguliers ou irréguliers. Les pores traversent de part en part, et qu'alors l'eau peut pénétrer dans toutes les parties du corps, pour le dissoudre et lé liquéfier. — Tout disjoints et ne se correspondent pas, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Est différente, de celle que subit le nitre.

§ 6. Qui sont flexibles, le texte ne suit pas tout à fait ici l'ordre indiqué plus haut, ch. 8, § 6.

§ 7. Flexibles et droits, il serait plus exact de dire : «Qui tout à la fois peuvent se fléchir et se redresser. » - -Dont le longueur, c'est la tournure même dont se sert le texte. -- Soit en haut soit en bas, cette différence ne résulte que de la position différente des mains de celui qui tient le corps.

§ 8. Si la flexion s'appliquait à la ligne droite, il y a contradiction dans les mots eux-mêmes. -- Le droit ne peut pas être courbe, il semble que ceci est par trop évident et qu'il n'y avait guère besoin de le dire.

§ 9. Il n'y a pas de courbure possible en ligne droite, même remarque. Ceci d'ailleurs ne fait guère que répéter ce qui vient d'être dit au § précédent. -- Flexibles ou rigides, ou peut-être : droits au lieu de rigides.

§ 10. Frangibles et friables, Voir plus haut, ch. 8, § 6. -- Ainsi le bois, cet exemple est bien choisi. — Ne sont pas frangibles, ce serait plutôt : fragiles ; mais soit frangibles, soit fragiles, il ne semble pas que cet exemple soit exact. Il faudrait donc peut-être lire : " La glace et la pierre sont à la fois friables et frangibles ; » mais cette leçon n'est autorisée par aucun manuscrit. -- L'argile, une fois qu'elle a été cuite et convertie, par exemple, en poterie.

§ 11. En grands morceaux, ceci est assez exact. -- En un nombre de morceaux quelconque, ceci ne l'est pas autant ; et il aurait mieux valu dire : " En morceaux très ténus. » -- Pourvu que ce soit plus de deux, ceci est encore moins exact ; mais c'est peut-être une simple glose.

§ 12. Se sont coagulés, ou solidifiés. — Pour que cet effet se produise, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. -- Les deux espères de composition, même remarque. -- Les deux propriétés, d'être frangible et d'être friable.

§ 13. Comme l'airain et la cire, le fait est exact dans sa généralité ; mais cependant il y a grande différence entre les deux corps; et pour faire une empreinte sur l'un ou sur l'autre, les moyens qu'on doit employer ne se ressemblent pas. -- L'argile et l'eau, ici encore les exemples semblent assez mal choisis. L'argile, à moins qu'elle ne soit presque liquide, garde fort bien les empreintes ; et l'eau ne les garde jamais. En se cuisant, l'argile ne conserve pas moins bien les empreintes qu'on y peut faire. Alexandre d'Aphrodisée ne fait aucune remarque sur ce point, qui ne paraît pas lui causer le moindre embarras. Ou bien peut-être l'auteur veut-il dire que l'argile cuite ne se raie pas facilement ; mais il en est aussi de même de l'airain ; et l'on ne voit pas davantage comment on peut à cet égard les opposer l'un à l'autre. Il est vrai que l'argile se casse, si elle est trop violemment frappée.— L'empreinte, ce serait plutôt ici : La dépression. --- Par un contact quelconque, plus ou moins pressant; c'est toujours une contusion. Le texte, d'ailleurs, n'est pas aussi précis que ma traduction. De ce genre, c'est-à-dire qui peuvent recevoir des empreintes, et s'affaisser sous le coup qu'ils reçoivent. — Qui sont durs comme l'airain, et qui n'en fléchissent pas moins sous les contusions. Comme l'argile, c'est trop dire, et l'argile cuite peut bien recevoir aussi des contusions qui la marquent sans la briser. — Ne cède pas en profondeur, ceci n'est pas très exact; et sans fléchir beaucoup, cependant l'argile cède aussi avant de se camer. -- Non par parties, cela tient à l'incompressibilité des liquides, que les anciens ne connaissaient pas sous ce nom précisément, mais qu'ils n'ignoraient pas non plus tout à fait, comme le prouve l'observation consignée dans le texte. Voir aussi plus bas, § 15 et § 18.

§ 14 Qu'on peut modeler, comme l'argile avant d'être cuite. — Faciles à empreindre, j'ai voulu conserver l'analogie verbale qui est dans le texte. -- Comme la laine et l'éponge, exemples bien choisis. — Modelables, Voir plus haut, ch. 8, § 6.

§ 15. Qui serrés peuvent rentrer sur eux-mêmes, cette définition est très exacte. — Une molécule, le texte dit précisément : Une partie. --L'eau qui se déplace tout entière Voir plus haut, § 13.

§ 16. La pression est le mouvement, cette définition est aussi fort exacte. — Se produit par le contact, ce qui distingue la pression du coup, c'est qu'il n'y a point de déplacement pour la pression. — De translation, c'est-à-dire d'un certain dé. placement dans l'espace.

§ 17. Vides de matières homogènes, le texte dit précisément : « Vides d'un corps homogène. » Homogène s'entend d'une matière homogène à celle du reste du corps. — Ou dans leurs propres pores, c'est-à-dire re¬venir à l'état qu'ils avaient avant d'être comprimés. — Le corps même, par exemple, les pores de l'éponge sont pleins d'air; et l'air est plus mou que l'eau, qui le remplace dans les pores où elle entre. — L'éponge, la cire, la chair, ces trois corps sont de nature trop différente pour qu'on puisse ainsi les réunir entre eux; et les modifications qu'ils offrent sous la pression d'un agent quelconque ne se ressemblent pas.

§ 18. Incompressibles.., par pression, le texte grec ne présente pas cette analogie ; et les deux mots, dont il se sert, sont différents par l'étymologie ; notre langue ne m'a pas offert la même ressource. ---Et l'eau, Voir plus haut, § § 13 et 15.

§ 19. Peut se déplacer obliquement, ce dernier mot veut dire ici simplement : « soit en longueur, soit en largeur, » en excluant la profondeur. Voir la même expression plus haut, livre 1, ch. 4, § 12. -- Vers le corps qui cause le mouvement, par exemple la main qui tire le corps élastique et l'allonge vers elle. — La pâte « de farine, » sous-entendu. — Au lieu d'extensibles, on pourrait employer aussi le terme d'élastiques.

§ 20. Le phlegme, il est difficile de savoir ce que l'auteur veut précisément désigner par ce mot ; mais c'est évidemment quelqu'une des sécrétions du corps humain. — Qui n'est pas compressible, en tant que liquide. — Mais elle ne s'allonge pas, ceci n'est peut-être pas fort exact.

§ 21. Comme l'airain, l'auteur cite sans doute ce métal composé, comme étant celui que les anciens employaient le plus et connaissaient le mieux. -- Les corps sont ductiles, cette définition est acceptable. -- Partiellement, c'est-à-dire la partie où porte l'instrument avec lequel on frappe. -- Ils ne peuvent pas subir cet effet, le texte n'est pas tout à fait aussi formel.

§ 22. Sont susceptibles d'empreinte, Voir plus haut, §§ 13 et 14. — Par exemple le bois, Voir plus haut, § i4, où il a été dit que le bois n'était pas très facile à empreindre. -- Sont réciproques, c'est-à-dire que l'un est généralement accompagné de l'autre. -- La laine et l'eau ne le sont point, ce passage a l'air d'impliquer que l'eau pourrait être compressible; ce qui a été nié formellement plus haut, § 18. Peut-être faut-il supprimer ces mots : « et l'eau. »

§ 23. Comme le bois, en effet, le bois est le corps où cette propriété est la plus visible et la plus ordinaire, bien que tous les bois ne se fendent pas. — Comme l'argile, qui ne se fend précisément sous aucune forme, ni sous sa forme naturelle, ni sous la forme que lui donne l'industrie de l'homme.

§ 24. Qu'elle peut se fendre, la définition est exacte. -- Au-delà du point, c'est la condition essentielle pour qu'on puisse dire d'une chose qu'elle peut se fendre. -- Car elle ne se fend, répétition peu utile. -- Dans la coupure, c'est en effet la différence qui existe entre les deux. phénomènes de couper et de fendre; mais les deux propriétés peuvent se rencontrer à la fois dans un même corps. Le bois, par exemple, peut être en général tout à la fois coupé et fendu. Voir plus bas, § 27.

§ 25. Rien de ce qui est mou, c'est une assertion trop absolue; et l'auteur la modifie lui-même dans ce qui suit. -- Absolument molles par elles-mêmes, il est bien difficile de spécifier les choses qui sont molles de cette façon ; mais peut-être l'auteur ne veut-il désigner par là que les liquides. — Le fer lui-même, relativement à d'autres corps plus durs, par exemple le diamant; ou peut-être le fer pourrait-il être considéré comme mou, parce qu'il fond sous l'action du feu. -- Tous les corps durs, le fait est exact. — lmpressibles, Voir plus haut, §§ 13 et 14. -- Des pores allongés, il serait mieux de dire des fibres plutôt que des pores; mais l'explication n'en est pas moins ingénieuse.

§ 26. Susceptibles d'être coupés, ou sécables, Voir plus haut, ch. 8, § 6. — N'anticipe pas nécessairement, Voir plus haut, § 24. — Ou à peu près liquides, le texte n'est pas tout à fait aussi précis.

§ 27. Tout à la fois susceptibles d'être coupés, Voir la note du § 24. -- Dans sa longueur dans sa largeur, il aurait mieux valu dire que les choses ne peuvent pas être fendues dans tous les sens. La longueur et la largeur ne dépendent que de la forme du corps et non de sa nature.— Là ou plusieurs longueurs se réunissent en une seule, c'est-à-dire là où les fibres diverses se touchent dans le sens de leur longueur. -- Plusieurs largeurs se réunissent en une seule, la largeur étant considérée comme une simple ligne, on conçoit qu'il en faut plusieurs pour que le corps puisse être divisé; mais l'expression n'en a pas moins quelque chose d'étrange.

§ 28. Qu'il est visqueux, les détails qui suivent prouvent qu'il s'agit des corps élastiques, plutôt encore que des corps visqueux; mais je n'ai pu changer l'expression du texte; et il est possible que la langue grecque n'eût pas un mot spécial pour rendre cette idée d'élasticité. — Humide ou mou, ceci se rapporte bien à l'idée de viscosité; mais tous les corps visqueux ne sont pas élastiques. — Par le déplacement de ses parties, le texte n'est pas aussi formel.— Quand il est composé d'anneaux, même remarque. — Comme les chaînes, le terme dont se sert ici le texte n'est pas très clair, et Alexandre d'Aphrodisée ne l'explique pas. — Sont secs, je n'ai pas trouvé de meilleur équivalent eu notre langue; peut-être eût-il fallu dire : non glus, ou non tenaces.

§ 29. Aplatissables, Voir plus haut, ch. 8, § 6. — Non-aplatissables, j'ai dû composer ce mot pour bien conserver l'opposition des termes grecs. — Incompressibles, Voir plus haut, § 15.

§ 30. Combustibles, Voir plus haut, ch. 8, § 6.— La pierre et la glace, les deux exemples ne devraient peut-être pas être réunis. L'auteur veut dire sans doute que la pierre ne flambe pas, et en ce sens elle est comme la glace; mais il y a de la pierre, comme la houille, qui brûle et jette de la flamme. De plus, la pierre en général peut se cuire; et la glace ne fait que fondre sous l'action du feu. — Capables de recevoir le feu, ou en d'autres termes : «la chaleur. » — Disposés en ligne droite, cette condition ne paraît pas indispensable. -- Une humidité plus faible que le feu, c'est-à-dire incapable de résister à la chaleur, et que la chaleur peut absorber tout entière. — Plus forte que le feu, c'est-à-dire en trop grande quantité pour que le feu l'absorbe entièrement. -- Et les végétaux très verts, le texte n'est pas aussi précis.

§ 31. Sont vaporisables, voir plus haut, ch. 8, § 6. -- Vaporisables... la vapeur, le texte se sert ici de mots différents; je n'ai pas pu rendre cette opposition dans notre langue. — En air ou en vent, le texte a ces deux mots ; le second signifie souffle aussi bien que vent. -- De la chaleur brûlante, c'est-à-dire causée par un combustible en ignition. — Et étant humide elle-même le texte n'est pas tout à fait aussi précis; peut-être aussi faudrait-il traduire : « et pouvant elle-même humecter. »

§ 32. Se sécrètent.... et se changent, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Quelques-unes disparaissent, il eût été bon de désigner spécialement ces substances. — Deviennent de la terre, c'est-à-dire qu'elles laissent en se vaporisant un certain résidu solide. — Cette sécrétion, qui se produit par la vaporisation de certaines substances. — Qu'elle n'humecte pas, comme la vapeur venue de l'eau bouillante, par exemple. — Du vent, c'est-à-dire qu'elle n'agite pas l'air de manière qu'elle soit sensible.

§ 33. En longueur, sans parler de l'épaisseur. Il semble en effet que le vent est une simple ligne, bien que l'air soit agité par lui dans une assez vaste étendue et dans une couche assez épaisse. — La sécrétion commune du sec et de l'humide, de manière que la substance entière du corps finisse par disparaître. — Elle colore plutôt, il y a en effet une foule de vapeurs qui altèrent la couleur des objets.

§ 34. Je comprends aussi dans ce genre les os, c'est-à-dire que les os, les poils, etc., font de la fumée, comme en fait le bois quand il brûle. — Pour la fumée de toutes ces choses, le texte n'est pas tout à fait aussi explicite. -- Comme le dit aussi Empédocle, Voir les Fragments d'Empédocle, p. 6, vers 216, édit. de Firmin Didot. M. Ideler a voulu voir une contradiction entre la pensée prêtée ici à Empédocle et la citation qui se trouve dans le Traité de l'âme, livre II, ch. 4, § 7, p.191 de ma traduction. Il me semble que ces deux passages peuvent très bien s'accorder, au lieu de se contredire.- Lignys disse, j'ai conservé les deux mots grecs, parce que notre langue ne m'offrait pour les remplacer que le mot de suie. Nous n'avons pas distingué par des noms spéciaux ces divers genres de fumée. Voir plus loin, § 42.

§ 35. Et n'épaissit pas, l'auteur a dit le contraire plus haut, ch. 7, § 2. — Elle est fumeuse, la distinction est difficile à saisir; et notre langue ne m'a pas offert d'expression plus exacte. — Elle ne se vaporise pas, comme l'eau qui est absorbée usez vite tout entière par l'évaporation. — Quand il est doux, c'est-à-dire, qu'il n'a pas encore fermenté. — Est fumeux, il est difficile de savoir à quel phénomène réel ceci se rapporte. Il est gras, ou plutôt : " onctueux. » — Ne se brûle pas, on ne voit pas non plus ici à quel phénomène ceci peut s'appliquer bien exactement. — Il ne grise pas, il semble que c'est le contraire. Mais l'auteur veut dire seulement sans doute que le vin doux n'enivre pas autant que le vin fermenté. — Le vin ordinaire, c'est-à-dire le vin qui a fermenté.— Une faible évaporation, ou «Exhalaison.» — Il peut produire de la flamme, quand on le jette sur un feu déjà tout allumé. Pour les anciens, ce phénomène se présentait très souvent dans les libations des sacrifices. ll n'est pas probable que l'auteur veuille ici parler de l'alcool.

§ 36. Sont combustibles, un peu plus haut, § 30, l'auteur a déjà traité des corps combustibles ; il y revient ici ; et les détails intéressants qu'il donne eussent été plus régulièrement placés avec les précédents. -- Qui se coagulent, ou « se solidifient. » — Ces corps, on pourrait entendre aussi qu'il s'agit du froid et du chaud, dominés par le feu. -- Dominés par le feu, on ne conçoit pas bien que le feu domine la chaleur que lui-même produit. Mais l'auteur veut parler sans doute de cette chaleur antérieure qui a fait passer les corps à l'état solide, et qui les y maintient bien qu'elle soit à l'état latent. — La pierre à cachets, c'est la traduction du mot grec. -- Charbon, peut-être aurais-je dû garder le mot même d'Anthrax, qui est dans le texte.  Pour plus de clarté, j'ai ajouté : « ou escarboucle. »

§ 37. Les uns s'enflamment,la distinction est très exacte. — De faire du charbon, ou " de devenir des charbons. » Ce sont surtout les bois. — Flamme.... inflammables, la tautologie est dans le texte.

§ 38. Peuvent cependant se vaporiser, c'est-à-dire se consumer sans laisser de cendre. -- Quand on les mêle, le texte n'est pas tout à fait aussi formel. — Charbonneux, ou « capables de produire du charbon, » de se convertir en charbon. -- Plus de terre, il faut toujours se rappeler l'acception générale et vague du mot de Terre dans les théories des anciens. Voir plus haut, ch. 8, § 9.

§ 39. Qui étant fusibles, Voir plus haut, § 2. — L'airain, dont les anciens faisaient, à ce qu'il semble, plus d'usage que de tous les autres métaux. — Comme l'encens, qu'on avait connu davantage après les expéditions d'Alexandre, ainsi que le remarque M. Ideler.

§ 40. La cause en est, cette explication est évidemment bizarre et inexacte ; mais dans les théories des anciens, on supposait toujours que c'était l'humidité qui alimentait le feu. --- Et continu dans toutes ses parties, parce qu'on suppose aussi que les pores du bois sont disposés en ligne droite, et qu'ils se correspondent. Voir plus haut, § § 27 et 30. -- Qui en a bien dans chacune de ses parties, il est assez étrange que l'airain contienne de l'humidité entre ses pores ; mais c'est une exigence logique de la théorie de la combustion, telle que l'auteur semble la concevoir. — Pour produire de la flamme, mais en assez grande quantité, cependant, pour que le métal se fonde. — En partie d'une façon, ceci n'est pas très clair; mais je n'ai pas voulu préciser davantage, de peur de trop m'écarter de la pensée de l'auteur.

§ 41. Parmi les corps qui se vaporisent, ce passage eût été plus clair, si l'auteur avait cité spécialement quelques-uns de ces corps. — Trop de terre, Voir plus haut la note du § 38 et passim. — Est de l'air, le texte dit positivement : « un souffle. »

§ 42. L'évaporation des bois, Voir plus haut, § 34. — De la lignys.... de la cnisse,voir plus haut la note du § 34, où j'ai dit pourquoi je croyais devoir conserver les deux mots grecs. — Et c'est par l'humide que la transformation se fait, cette phrase pourrait bien n'être qu'une interpolation ; et il y a des éditeurs qui l'ont omise. — Onctueux, je n'ai pas trouvé d'équivalent meilleur.

§ 43. Qui se vaporisent, il semble qu'il s'agisse ici de liquides combustibles. — (Comme l'huile et la poix), ces mots, que j'ai mis entre parenthèses, ne semblent pas avoir été dans le texte au temps d'Alexandre d'Aphrodisée. Plusieurs éditeurs les ont supprimés, comme étant une interpolation peu intelligente. En tout cas, il faudrait comprendre qu'il s'agit de la poix rendue liquide par l'action du feu. diffèrent, la tautologie est dans le texte. — Les corps homogènes, cette expression est expliquée au § suivant. -- Ainsi que nous l'avons dit, Voir plus haut, ch. 8, §§ 2, 3 et 4. — Par l'odeur et le goût, Voir le Traite de la sensation et des choses sensibles, ch. 4, § 2, p. 48 de ma traduction.

 

 

CHAPITRE X.

Des corps homogènes ; leur composition ; ils sont formés de terre et d'eau ; variétés des combinaisons de ces deux éléments. Action du froid et de la chaleur sur les différents composés; exemples nombreux de corps diversement formés.

 

§ 1. C'est par ces propriétés et par ces différences que les corps homogènes diffèrent les uns des autres, ainsi que nous l'avons dit, soit au toucher, soit aussi par l'odeur, le goût et la couleur.

§ 2. J'entends par corps homogènes les corps métalloïdes, comme l'or, l'airain, l'argent, le plomb, le fer, la pierre, et les autres corps de ce genre, et même tous les corps qui ont la sécrétion de ceux-là. J'entends aussi par corps homogènes les éléments qui sont dans les plantes et les animaux, la chair, les os, le nerf, la peau, le viscère, les poils, les muscles, les veines. C'est de ces éléments que se composent les parties non homogènes, comme le visage, la main, le pied et plusieurs autres organes du même genre; et dans les plantes, le bois, la feuille, la racine et toutes les parties analogues à celles-là.

§ 3. Comme ces corps homogènes sont formés par l'action d'une autre cause, mais comme la substance d'où ils viennent est, en tant que matière, le sec et l'humide, c'est-à-dire l'eau et la terre, les deux éléments dont les corps portent le plus évidemment la puissante empreinte ; et comme les éléments actifs qui font ces corps homogènes sont le chaud et le froid, puisque c'est avec le sec et l'humide que le froid et le chaud constituent et coagulent les corps, il nous faut étudier, parmi les corps homogènes et les parties similaires, quelles sont les espèces qui sont de terre, quelles sont celles qui sont d'eau, et quelles sont celles qui participent de toutes deux.

§ 4. Parmi les corps qui ont été formés par la nature, les uns sont humides; les antres sont mous ; les autres sont durs On a dit antérieurement quels sont, parmi ces corps, ceux qui sont mous ou durs par la coagulation.

§ 5. Parmi les corps humides, ceux qui se vaporisent sont d'eau; ceux qui ne se vaporisent pas sont de terre, ou à la fois de terre et d'eau, comme le lait; ou de terre et d'air, comme le bois; ou enfin d'eau et d'air, comme l'huile.

§ 6. Tous les corps qui sont épaissis par la chaleur sont à la fois de terre et d'eau. On peut avoir quelques doutes pour le vin, parmi les corps humides ; [388b] car il peut tout à la fois se vaporiser, et pourtant il s'épaissit, témoin le vin nouveau.

§ 7. Cela tient à ce que le vin n'a pas une espèce unique, et qu'il varie beaucoup selon les espèces diverses ; car le vin nouveau a plus de terre que le vin vieux. Aussi, s'épaissit-il bien davantage par la chaleur, et gèle-t-il moins par le froid, parce qu'il contient beaucoup de chaleur et de terre. C'est ainsi qu'en Arcadie, il se dessèche tellement par la fumée, dans les outres où il est renfermé, qu'il faut le racler pour le boire. Mais si toute espèce de vin a de la lie, il est à la fois des deux éléments, de la terre et de l'eau, selon qu'il contient de la lie en plus ou moins grande quantité.

§ 8. Tous les corps qui s'épaississent par le froid sont de la terre ; tous ceux qui s'épaississent par le froid et la chaleur sont composés aussi de plusieurs éléments, comme l'huile, le miel et le vin doux.

§ 9. Parmi les corps solides, ceux qui se coagulent par le froid sont de l'eau, comme la glace, la neige, la grêle, le givre. Ceux qui se coagulent par la chaleur sont de la terre, comme l'argile, la crème, le nitre, les sels. Les corps qui se coagulent par les deux sont les deux ensemble. Ce sont tous les corps coagulés par le refroidissement ; et ces corps sont aussi ceux qui se coagulent par la privation des deux, c'est-à-dire la privation du chaud et celle de l'humide, sortant à la fois par l'action de la chaleur. Les sels en effet se coagulent par la seule privation de l'humide, ainsi que toutes les espèces de terre épurées. Mais la glace ne se coagule que par la seule privation de la chaleur. Aussi, les corps sont coagulés par les deux, et ils contiennent ces deux éléments.

§ 10. Les corps d'où l'humidité tout entière est sortie, sont de terre, comme l'argile ou l'ambre. Ainsi, l'ambre et les corps qui se distillent en larmes viennent de refroidissement, par exemple, la myrrhe, l'encens, la gomme.

§ 11. L'ambre paraît aussi de cette famille ; car il se coagule ; et de là vient qu'on y voit souvent des animaux qui s'y sont trouvés enveloppés. La chaleur, sortant par l'action de l'eau du fleuve, comme elle sort du miel bouillant, quand on le jette dans de l'eau, fait vaporiser l'humide de l'ambre. Tous les corps qu'on vient de nommer sont de la terre.

§ 12. Parmi ces corps, il y en a qui ne peuvent ni se fondre ni s'amollir, comme l'ambre ou certaines pierres, par exemple, les stalactites que l'on trouve dans les cavernes ; car ces stalactites se forment comme les pierres, non pas parce que la chaleur en sort sous l'action du feu, mais sous l'action du froid ; alors l'humide en sort en même temps, par la chaleur même qui en sort, tandis que dans les autres corps cet effet ne se produit que par le feu extérieur. Les corps qui ne sont pas desséchés tout entiers sont plutôt de la terre que de l'eau ; mais ils sont fusibles, comme le fer et la corne. Quant à l'encens et aux corps analogues, il se vaporise à peu près comme les bois.

§ 13. Comme il faut mettre au rang des corps liquéfiables, tous ceux qui se liquéfient et se fondent par le feu, il faut considérer ces corps plutôt comme aqueux. Il y en a quelques-uns aussi [389a] qui participent des deux, de l'eau et de la terre, comme la cire. Ceux qui sont dissous par l'eau sont de la terre ; ceux qui ne le sont ni par le feu, ni par l'eau, sont de la terre ou un mélange des deux.

§ 14. Si donc tous les corps sans exception sont humides ou solides, et s'il faut y comprendre les corps qui présentent les propriétés que nous avons dites, sans parler des propriétés intermédiaires, tous les caractères indiqués par nous feront reconnaître si les corps sont de terre ou d'eau ou composés de plusieurs éléments, et si c'est par le feu qu'ils se sont solidifiés, ou par le froid, ou par tous les deux ensemble.

§ 15. L'or, l'argent, le cuivre, le plomb, l'étain, le verre, et beaucoup de pierres qui n'ont pas de nom contiennent de l'eau ; car toutes ces substances fondent par la chaleur. Quelques vins aussi, puis l'urine, le vinaigre, la lessive, le petit-lait, et le pus, sont de l'eau, puisque tous ces corps se congèlent par le froid.

§ 16. Le fer, la corne, l'ongle, l'os, le nerf, le bois, les cheveux, les feuilles, l'écorce, sont plutôt de la terre.

§ 17. L'ambre, la myrrhe, l'encens et tous ces corps qu'on appelle des larmes, la pierre de tuf, et les fruits tels que les légumes et le blé, tous ces corps sont aussi de la terre, quoique les uns le soient plus, et les autres moins. Les uns peuvent mollir, d'autres se vaporiser, et être produits par le refroidissement.

§ 18. Le nitre, les sels, et certaines espèces de pierres qui ne viennent pas de refroidissement, et qui ne sont pas fusibles, sont également de la terre. Le sang et le sperme sont à la fois, de terre, d'eau et d'air. Le sang qui a plus de fibres a plus de terre ; aussi se gèle-t-il par le froid, et se fond-il par l'humide. Les sangs qui n'ont pas de fibres sont d'eau ; aussi ne se coagulent-ils pas. Le sperme se gèle par le froid, parce que l'humide en sort avec la chaleur.
 

 

Ch. X, § 1. Par ces différences... n'est pas non plus un liquide, et par conséquent la correction ne serait pas suffisante. J'ai préféré laisser le texte tel que l'avait Alexandre d'Aphrodisée, qui se borne à remarquer ici qu'il s'agit de bois verts. Il est évident d'ailleurs que le bois ne peut être classé parmi les liquides; mais il est question dans ce passage des corps humides, et non pas seulement des corps liquides.

§ 2. J'entends par corps homogènes, Voir plus haut, ch. 8, § § 2, 3 et 4. — La pierre, peut-être est-ce la pierre d'aimant que l'auteur veut désigner. — J'entends aussi par corps homogènes, le texte n'est pas aussi formel. — Les parties non homogènes, c'est-à-dire composées de plusieurs éléments différents. — Le visage, dans lequel se trouvent munies toutes les parties constitutives qu'on vient d'énumérer et qui diffèrent entre elles.

§ 3. Comme ces corps homogènes, j'ai conservé à toute cette phrase, qui est très longue, le mouvement qu'elle a dans le texte, plutôt que de la couper en plusieurs autres phrases. -- Par l'action d'une autre cause, qui leur a donné la forme qu'elles ont ; cette cause est la génération par exemple, ou la nature, etc. — En tant que matière, et matière passive. Voir plus haut, ch. 1, § 1. -- L'eau et la terre, comprises dans le sens si large et si indéterminé que les anciens donnaient à ces deux expressions. — La puissante empreinte, j'ai dû, dans ce passage, paraphraser le texte.-- Cet éléments actifs, j'ai ajouté ce dernier mot, qui est implicitement compris dans le contexte. -- C'est avec le sec et l'humide, le texte n'est pas aussi formel -- Et coagulent ou « solidifient. " — Homogènes et les parties similaires, il n'y a qu'un seul mot dans le texte

§ 4. Qui ont été formés par la nature, j'ai ajouté ces derniers mots pour bien préciser la pensée. — Sont humides, ou « liquides. » Antérieur, Voir plus haut, ch. 8, §§ 7 et 8.

§ 5. Parmi les corps humides, ou " liquides. » — Ceux qui se vaporisent, sans doute sans laisser aucun résidu solide. — Comme le lait, l'exemple ne paraît pas très bien choisi; mais dans les théories de l'auteur, toute partie solide est de terre, et le lait a une partie solide qui demeure après que la partie aqueuse a disparu. — Comme le bois, Vicomercatus et quelques éditeurs ont pensé qu'il fallait substituer le miel au bois; M. Ideler adopte cette correction, qui paraît d'abord assez plausible; mais le miel

 

§ 6. Tous les corps qui sont épaissis, il eût été bon de désigner spécialement quelques-uns de ces corps. — Parmi les corps humides, ou « liquides. -- Se vaporiser, comme l'eau, sans laisser aucun résidu. D'ailleurs, le doute dont parle ici l'auteur consiste à savoir s'il faut ranger le vin parmi les liquides purs, ou parmi les mixtes, composés de terre et d'eau. — Il s'épaissit, de manière à former une sorte de sirop.

§ 7. A plus de terre, au sens ou le mot de Terre est pris dans les théories chimiques des anciens. — De chaleur et de terre, même re¬marque. -- Le racler pour le boire, on ne peut plus dire alors que ce soit du vin; c'est le résidu d'un vin desséché.

§ 8. Sont de la terre, en comprenant sous ce nom de Terre toutes les substances solides, quelles qu'en soient d'ailleurs les différences. — Sont composés aussi de plusieurs éléments, Voir plus haut, § 6. Par « Plusieurs éléments, » il faut entendre ici la terre, l'eau et l'air.

§ 9. Parmi les corps solides, l'expression dont se sert le texte est un peu moins précise. — Sont de l'eau, comme plus haut. -- Sont de la terre, idem. -- Coagulés, ou « solidifiés. » -- Par le refroidissement, ceci ne semble qu'une répétition assez peu utile de ce qui vient d'être dit. — La seule privation de l'humide, ce qui est bien aussi un effet de la chaleur. — Toutes les espèces de terre épurées, le texte est ici assez obscur, et Alexandre d'Aphrodisée ne donne aucun éclaircissement. — Ne se coagule, ou « ne se solidifie.» — Par les deux, le chaud et le froid. — Ces deux éléments, la terre et l'eau.

§ 10. D'où l'humidité tout entière, c'est le sens donné par Alexandre d'Aphrodisée à l'expression du texte, qui est assez obscure.— Comme l'argile, il semble qu'il est ici question de l'argile solidifiée par la cuisson; et alors il est assez singulier de la rapprocher de l'ambre.
 

§ 11. L'ambre paraît aussi de cette famille, les anciens n'ont jamais su l'origine véritable de l'ambre; et aujourd'hui même on n'est pas très sûr de la bien connaître On racontait, pour l'expliquer, une foule de fables plus ou moins probables ou intéressantes. — Des animaux, le fait est exact; et l'on peut en tirer cette conséquence certaine qu'avant de passer à l'état solide, la matière qui forme l'ambre a été liquide. — Par l'action de l'eau du fleuve, le texte dit simplement : " Par le fleuve. » Ceci fait sans doute allusion à une de ces fables qui étaient répandues sur l'origine de l'ambre. Il tombait goutte à goutte de quelques arbres placés sur le bord d'un fleuve, l'Éridan, disait-on ; les gouttes liquides était refroidies sur-le-champ par le contact de l'eau. On ajoutait que ces gouttes étaient les larmes des soeurs de Phaéton, changées après son malheur en peupliers qui pleuraient sans cesse. L'allusion du texte n'est pas d'ailleurs suffisamment indiquée. — Du miel bouillant, il y a beaucoup de substances qui, liquéfiées par la chaleur, se coagulent et se condensent tout à coup quand on les jette dans l'eau. — Qu'on vient de nommer, j'ai ajouté ces mots pour éclaircir la pensée.

§ 12. Parmi ces corps, le texte n'est pas aussi formel. — Comme l'ambre les stalactites, ces deux substances sont rapprochées ici, parce que dans les théories de l'auteur, elles se produisent toutes deux sous forme de gouttes qui tombent peu à peu. — Ces stalactites se forment comme les pierres, le texte n'est pas tout à fait aussi précis. — L'humide en sort, tout ce passage a été commenté insuffisamment par Alexandre d'Aphrodisée, et il reste fort obscur.—Dans les autres corps, il aurait fallu désigner spécialement ces corps. — Qui ne sont pas desséchés tout entiers, c'est le sens indiqué par Alexandre d'Aphrodisée; mais l'expression du texte est très vague et tout à fait indéterminée. — Que de l'eau, j'ai ajouté ces mots pour éclaircir la pensée et la compléter. — Comme le fer et la corne, on ne comprend pas bien comment ces deux corps sont réunis et cités ici. -- Quant à l'encens, Alexandre d'Aphrodisée n'a pas commenté cette phrase; elle n'est peut-être qu'une interpolation.

§ 13. Comme il faut mettre, ici encore Alexandre d'Aphrodisée se tait presque entièrement; et son commentaire se réduit à quelques mots. — Se liquéfient et se fondent, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. -- Il faut considérer ces corps, le texte n'est pas aussi explicite. — De l'eau et de la terre, j'ai ajouté cette glose pour plus de clarté, et d'après le commentaire d'Alexandre d'Aphrodisée. — Comme la cire, qui fond sous une chaleur très modérée,. — Ceux qui sont dissous, ces idées se suivent peu, et elles ne sont guère que des répétitions de ce qui a été déjà dit  plusieurs fois. — Un mélange des deux, c'est-à-dire de la terre et de l'eau. Le texte d'ailleurs est lui-même assez obscur et assez embarrassé.

§ 14. Si donc tous les corps, Alexandre d'Aphrodisée entend qu'il s'agit ici des corps homogènes et à parties similaires, dont il a été parlé plus haut, § 1. — Les propriétés que nous avons dites, Voir plus haut, ch. 8, § 6. -- Tous les caractères indiqués par nous, le texte n'est pas aussi formel.

§ 15. L'or, l'argent.... Voir plus haut, § 2, une énumération analogue, où tous ces métaux sont compris aussi parmi les corps homogènes. — Le verre, il paraît assez étonnant de comprendre le verre parmi les métaux, ou du moins de l'indiquer à la suite de tous les métaux qui précèdent. Alexandre d'Aphrodisée n'a pas commenté spécialement ce passage. — Et beaucoup de pierres qui n'ont pas de nom, et qui n'en présentent pas moins de grandes différences. — Fondent par la chaleur, ceci peut s' appliquer au verre. — Sont de l'eau, dans le sens général où ce terme d'eau est toujours pris par les anciens.

§ 16. Le fer, la corne, l'ongle, etc., tous ces corps sont bien différents les uns des autres pour qu'on les confonde ainsi. — De la terre, dans le sens général et indéterminé de cette expression.

§ 17. Qu'on appelle des larmes, Voir plus haut, § 10. -- La pierre de tuf, je ne suis pas sûr que ce soit bien le sens du mot grec. — Sont de la terre, comme au § précédent. -- Le soient plus, cette réserve même aurait dû indiquer combien la théorie était insuffisante.

§ 18. Sont également de la terre, j'ai ajouté ces mots pour compléter la pensée que le texte n'achève pas. -- Sont à la fois de terre, d'eau et d'air, même remarque qu'aux deux § § précédents sur ces termes si généraux et si vagues. -- Le sang qui a plus de fibres, nous dirions aujourd'hui plus de fibrine. -- Sont d'eau, c'est-à-dire sont plus aqueux que les autres. — Ne se coagulent-ils pas, le mot du texte pourrait signifier aussi : " Ne gèlent-ils pas. " -- Le sperme se gèle par le froid, M. Ideler remarque qu'Aristote dit précisément le contraire dans le Traité de la génération des Animaux, livre II, ch. 2, p. 735, a, 35, édit. de Berlin.

 

CHAPITRE Xl.

De la température des corps, selon qu'ils sont formés de terre ou d'eau ; action de la chaleur étrangère ; froideur naturelle de la matière; capacité différente des corps pour la chaleur.

 

§ 1. D'après ce qu'on vient de dire, il faut poursuivre l'examen des corps, et indiquer quels sont ceux qui, parmi les solides ou les liquides, sont chauds ou froids.

§ 2. Ceux donc qui sont d'eau, sont froids en général, s'ils n'ont pas une chaleur étrangère, comme la lessive, l'urine, le vin. Ceux qui sont de terre, en général sont chauds, par suite de l'action de la chaleur qui les a formés, comme la chaux et la cendre.

§ 3. Il faut supposer que la matière est une sorte de froid ; car, comme le sec et l'humide sont de la matière, puisque ce sont des éléments passifs, comme aussi les corps de ces éléments sont principalement de la terre et de l'eau, et, comme la terre et l'eau sont caractérisées par la froideur, il en résulte évidemment que tous les corps qui sont absolument d'un seul de [389b] ces deux éléments, sont plutôt froids, s'ils ne reçoivent pas une chaleur étrangère, comme en reçoit l'eau qui bout, ou celle qui est échauffée en filtrant dans les cendres, cette eau tirant alors sa chaleur des cendres qu'elle a traversées, attendu que, dans tous. les corps qui ont été soumis au feu, il reste toujours de la chaleur en plus ou moins grande quantité.

§ 4. C'est pour cela aussi qu'il se forme des animaux dans les substances qui pourrissent ; car il se produit alors dans ces substances une chaleur qui détruit la chaleur particulière de chacune d'elles.

§ 5. Les corps qui sont tout à la fois de terre et d'eau, ont de la chaleur ; car ils se sont presque tous formés par la chaleur qui les a cuits. Il y a de ces corps qui ne sont que de la pourriture, comme les corps qui se décomposent en se liquéfiant. Ainsi, tant qu'ils gardent leur nature propre, ils sont chauds, comme le sang, le sperme, la mœlle, l'humeur, et tous les corps analogues. Mais quand ils sont corrompus, et qu'ils sortent de leur nature, ils ne sont plus chauds ; car il ne leur reste plus que la matière, qui est terre ou eau.

§ 6. Voilà pourquoi on a pu bien souvent les prendre pour l'une ou pour l'autre. Les uns ont prétendu que ces corps sont chauds ; d'autres ont soutenu qu'ils sont froids, en les voyant chauds tant qu'ils restent dans leur nature, et coagulés quand ils en sortent.

§ 7. Il en est donc comme on vient de le dire ; mais cependant, ainsi qu'on l'a expliqué, les corps dans lesquels la matière est surtout de l'eau, sont froids ; car c'est l'eau qui est la plus opposée au feu ; mais ceux où dominent la terre ou l'air, sont plus chauds.

§ 8. Il est possible, du reste, quelquefois, que les mêmes corps soient très froids et qu'ils deviennent très chauds par l'action d'une chaleur étrangère ; car ceux qui se resserrent le plus, et qui sont les plus solides, sont en même temps les plus froids, s'ils sont privés de chaleur ; et sont. les plus brûlants, si on les met au feu, comme l'eau qui brûle plus que la fumée, et la pierre plus que l'eau. 

Ch. XI, § I. Il faut poursuivre l'examen du corps, c'est l'expression même du texte, bien qu'il soit un peu moins explicite.

§ 2. Ceux donc qui sont d'eau, même remarque que dans plusieurs passages du chapitre précédent sur le mot : d'eau. -- La lessive, qui est censée avoir conservé quelque chose de la chaleur nécessaire pour la former. -- Comme la chaux et la cendre, même remarque.

§ 3. Que la matière, prise dans le sens le plus indéterminé et le plus général. --- Puisque ce sont des éléments passifs, Voir plus haut, ch. 1,§ 1.— Les corps de ces éléments, c'est-à-dire les substances où se montrent spécialement ces deux qualités naturelles des corps. --- Caractérisés par la froideur, ceci semble contredire ce qui vient d'être dit un peu plus haut pour la terre, qui a été représentée comme chaude par elle-même. — D'un seul de ces ceux éléments, même remarque. –- Comme en reçoit, le texte n'est pas tout à fait aussi explicite. — Qu'elle a traversées, j'ai ajouté ces mots qui ressortent du contexte.

§ 4. C'est pour cela, ce § semble interrompre un peu l'ordre de la pensée ; et ce n'est peut-être qu'une interpolation. D'ailleurs, Alexandre d'Aphrodisée commente ce passage comme tout le reste. -- Il se produit alors dans ces substances, le texte n'est pas aussi explicite. — La chaleur particulière, qui les maintenait dans l'état spécial qui les constitue.

§ 5. Tout à la fois de terre et d'eau, c'est le sens que donne Alexandre d'Aphrodisée ; le texte dit simplement : « Qui sont communes. » — Qui les a cuits, j'ai conservé l'expression même du texte, quoiqu'elle soit obscure. -- Se décomposent en se liquéfiant, il n'y a qu'un seul mot dans le texte. — Que de la pourriture, le texte met le pluriel  au lieu du singulier. -- Terre ou eau, et il a été dit plus haut, § 3, que la terre et l'eau sont naturellement froides.

§ 6. Pour l'une ou pour l'autre, les une les rapportant à l'eau ; les autres les rapportant à la terre. — Les uns, il eût été bon de désigner les philosophes auxquels il est fait ici allusion. -- Et coagulés, il semble que coagulés n'est pas assez directement opposé à chauds ; mais par la coagulation, on peut entendre ici la congélation, et par conséquent le froid.

§ 7. Ainsi qu'on l'a expliqué .Voir plus haut, § 2. De l'eau.... la terre ou l'air, il faut se rappeler les remarques que j'ai déjà faites bien souvent sur le sens très général de ces expressions.

§ 8. Et qu'ils deviennent très chauds, le texte n'est pas aussi explicite. — Par l'action d'une chaleur étrangère, comme l'eau qu'on fait bouillir. -- Qui se resserrent le plus, ou peut-être : « Qui se congèlent le plus. ". -- Les plus solides, les exemples cités plus bas expliquent cette expression. -- S'ils sont privés de chaleur, comme l'eau, qui se congèle sous l'action du froid. -- Les plus brûlants, comme l'eau bouillante. -- Qui brûle plus que la fumée, le fait est évident. — Et la pierre plus que l'eau, cette observation est aussi exacte que l'autre. 

 

CHAPITRE XII.

De la composition des substances homogènes; elles viennent des éléments et de leurs combinaisons proportionnelles. Rapports de l'organisme aux fonctions. — De la composition des corps non homogènes; cette composition répond toujours à une certaine fin, soit dans la nature, soit dans l'art. — Fin de la Météorologie; Indication de traités de zoologie et de botanique. 

 

§ 1. Après ces développements généraux, il faut en venir aux détails, et expliquer en particulier ce que sont la chair, l'os, et tous les autres corps à parties homogènes ; car nous connaissons maintenant de quels éléments se compose la nature de ces corps homogènes, quelles sont leurs espèces, et à quelle espèce se rapporte chacun d'eux, selon son origine.

§ 2. Les corps à parties homogènes viennent donc des éléments, et c'est d'eux, comme matière, que sortent toutes les oeuvres de la nature. Ainsi, tous les êtres naturels viennent des éléments qu'on a indiqués, comme de leur matière ; mais, quant à leur essence, elle découle de leur définition.

§ 3. C'est ce qu'on voit de plus en plus évidemment à mesure qu'on s'élève dans l'ordre des choses, et, en général, quand on observe celles qui sont des instruments, et qui sont employées en vue de quelque fin. Si, en effet, il est évident, par exemple, que le cadavre ne peut être appelé un homme que par simple homonymie, il ne l'est plus autant tout à fait que la main de ce mort n'est une main que par une homonymie pareille, de même que des flûtes de pierre ne seraient flûtes que de nom. En effet, il y a des choses dans la nature qui, comme celles-là, ne sont que des instruments.

§ 4. Mais ceci devient un peu moins évident pour la chair et pour l'os, et moins encore pour le feu, pour l'eau, pour la terre. Le but poursuivi est de moins en moins sensible dans ces cas, en proportion que la matière domine davantage. De même, en effet, que si l'on prend les choses dernières, la matière n'y est plus rien absolument qu'elle-même, et que l'essence y est tout à fait réduite à la définition, de même les intermédiaires ne sont ce qu'ils sont que dans la proportion où chacun d'eux se rapproche ; car chacun d'eux n'existe qu'en vue d'une fin ; et il n'est pas simplement de l'eau ou du feu, de même qu'il n'est pas non plus simplement, soit chair, soit intestin. Mais on peut le dire bien plus évidemment encore de la main ou du visage.

§ 5. Tous les corps sont ainsi déterminés par leur fonction ; car ceux qui peuvent accomplir comme il faut leur fonction propre, sont véritablement chacun ce qu'ils doivent être. Ainsi, l' oeil quand il voit, est vraiment oeil ; mais celui qui ne peut pas voir n'est oeil que par homonymie, comme le serait un oeil mort, ou un oeil de pierre. De même encore, une scie de pierre n'est pas une scie, si ce n'est comme l'est une simple image de scie.

§ 6. C'est bien encore ainsi qu'est la chair ; mais sa destination est moins évidente que celle de la langue, par exemple. II en est de même aussi du feu. Mais physiquement, sa fonction est moins évidente encore que celle de la chair.

§ 7. On en peut dire autant pour les parties des plantes, et aussi pour les objets inanimés, comme l'airain et l'argent ;. car toutes ces choses ont une puissance quelconque, soit pour agir, soit pour souffrir, comme la chair et le nerf ; mais leurs raisons d'être ne sont pas parfaitement distinctes.

§ 8. Aussi, n'est-il pas facile de discerner quand la fonction existe et quand elle n'existe pas, à moins qu'elle ne soit tout à fait détruite, et qu'il ne reste que les formes seules, comme ces cadavres déjà anciens qui deviennent tout à coup de la cendre, quand on veut les toucher dans leurs tombeaux. C'est ainsi que les fruits, quand ils sont très vieux, ne sont fruits [390b] que par la mine, et ne le sont plus quand on les goûte, de même que ces vaines représentations qui sont faits avec du lait coagulé.

§ 9. Il se peut donc que les parties homogènes se forment par la chaleur, par le froid, et par les mouvements de tous deux, et qu'elles soient solidifiées, soit par le chaud, soit par le froid ; je veux parler des corps à parties homogènes, telles que la chair, l'os, les poils, les nerfs et tous les corps de cette espèce.

§ 10. Tous diffèrent en effet entre eux par les différences qu'on a dites antérieurement : l'extension, la traction, la friabilité, la dureté, la mollesse, et toutes les autres qualités analogues ; et ils se forment par le mélange du froid et du chaud, et par les mouvements qui en résultent.

§ 11. Mais les corps à parties non homogènes, quoique composés de ces éléments, ne paraissent pas présenter entre eux de ces différences, comme la tête, la main, le pied. Mais de même que la cause qui fait naître le cuivre et l'argent, c'est le froid et la chaleur, et le mouvement qu'ils produisent, et que ce n'est plus ce simple mouvement qui produit des choses telles que la scie, la burette, le coffre ; de même, d'un côté c'est l'art qui agit ; et de l'autre, c'est la nature, ou telle autre cause.

§ 12. Maintenant que nous savons d'une manière générale ce que sont tous les corps à parties homogènes, il faut rechercher ce que sont chacun d'eux particulièrement, comme le sang, la chair, le sperme, et tous les autres corps analogues ; car c'est ainsi que nous saurons, pour chacun d'eux, quelle est sa destination et quelle est sa nature, soit que nous en connaissions la matière, ou seulement la définition ; et surtout, si nous savons tout à la fois les causes de la génération et de la destruction pour les corps, et le principe d'où leur vient le mouvement.

§ 13. Ceci étant éclairci, il faudra étudier également les corps à parties non homogènes ; et enfin les êtres qui en sont composés, tels que l'homme, la plante, et tous les êtres de même ordre.
 

 

Ch. XII, § 1. Il faut en venir aux détails et expliquer, le texte n'est pas tout à fait aussi formel, et j'ai dû le paraphraser. -- De quels éléments, la terre, l'eau et l'air, sous l'action du froid et du chaud, du sec et de l'humide. — Leurs espèces.... quelle espèce, cette répétition est dans le texte.

§ 2. Toutes les oeuvres de la nature, les plantes et les animaux, par exemple. -- Des éléments qu'on a indiqués, la terre, l'eau et l'air. --De leur définition, le terme dont se sert ici le texte est très vague. La définition dépend d'ailleurs elle-même de l'espèce à laquelle l'être appartient. Peut-être faudrait-il traduire : « Quant à leur essence, elle n'est comprise que par la raison. »

§ 3. Qu'on s'élève dans l'ordre des choses, le texte dit simplement : " Par les choses postérieures, » c'est-à-dire par les parties des êtres qui ne sont plus homogènes, et qui viennent après les parties homogènes. -- Qui sont des instruments, on pourrait traduire, en retenant le mot grec lui-même : " Qui sont des organes. " --- De même que des flûtes de pierre, ce membre de phrase a l'air d'une interpolation ; et cet exemple assez peu utile aura bien pu n'être ajouté qu'après coup. -- Que des instruments, ou : " que des organes. »

§ 4. Ceci devient moins évident, c'est-à-dire, la distinction des choses qui pourraient être confondues sous un même nom, et par simple homonymie. La pensée d'ailleurs n'est pas très claire, et elle pouvait être exprimée d'une manière plus nette. -- Que la matière domine davantage, le texte dit précisément : " Qu'il y a le plus de la matière. » -- Dans les choses dernières, c'est-à-dire dans les derniers éléments des choses, qui ne peuvent plus se réduire qu'à eux-mêmes. -- Se rapproche, je n'ai pas voulu être plus précis que le texte ; mais. on pourrait compléter la pensée en disant : u se rapproche du but spécial que la nature poursuit dans chaque cas. » — De l'eau ou du feu, éléments qui entrent dans l'organisation des êtres animés, pour y constituer certains liquides et une certaine chaleur. Mais l'eau et le feu ont été transformés dans l'emploi nouveau qu'en fait la nature. — Il n'est pas simplement soit chair, soit intestin, mais il concourt en outre à quelque fonction générale de la vie dans l'être animé. — De la main ou du visage, la fonction de la main et celle du visage, concourant à un certain but que la nature s'est proposé, sont plus évidentes encore que les fonctions de la chair. A mesure que les fonctions s'élèvent, elles deviennent de plus en plus faciles à comprendre.

§ 5. Tous les corps sont ainsi déterminés, grande et profonde pensée vraiment digne d'Aristote et souvent répétée par lui. C'est le système des causes finales. Il faut rapprocher de ce passage celui de la Physique, livre II, ch. 8, p. 52 de ma traduction, où Aristote combat énergiquement la théorie du hasard dans la nature.

§ 6. C'est bien encore ainsi qu'est la chair, c'est-à-dire, la fonction propre de la chair n'est pas moins déterminée que toute autre ; mais elle est moins frappante. -- Sa destination, le texte dit précisément : " son oeuvre. »

§ 7. Leurs raisons d'être, le texte dit simplement : « leurs raisons; s et peut-être aussi : " leurs définitions.» Alexandre d'Aphrodisée explique que ce sont les puissances et les propriétés des choses, d'après lesquelles on définit l'essence de ces choses,

§ 8. Quand la fonction existe, le texte est beaucoup plus indéterminé : « quand cela est et quand cela n'est pas. » -- Tout à fait détruite, le texte dit mot à mot : " Tout à fait exténuée, » réduite à rien.— Quand on veut les toucher, le texte n'est pas aussi formel. Ces vaines re¬présentations, même remarque. — Avec du lait coagulé, il est clair qu'il s'agit d'objets qu'on imitait avec de la crème, comme on le fait encore pour certains plats qu'on sert sur nos tables.µ

§ 9. Les parties homogènes, le texte n'est pas aussi déterminé; mais il ne peut pas y avoir de doute sur le sens, que précise la fin de ce §, comme le montre Alexandre d'Aphrodisée. -- Solidifiées, le texte dit : « Coagulées. » — La chair, l'os, Voir plus haut, § 1.

§ 10. Diffèrent par des différences, la tautologie est dans le texte. --- Antérieurement, Voir plus haut, ch. 8, § 6. — L'extension, la traction, etc., ce ne sont pas tout à fait les mêmes qualités qui ont été énumérées plus haut.

§ 11. Ne paraissent pas présenter entre eux de ces différences, c'est le sens indiqué par Alexandre d'Aphrodisée ; mais le texte est tout à fait indéterminé. -- Des choses telles, le texte n'est pas aussi formel. .. La scie, la burette, le coffre, toutes choses faites avec des métaux qu'a produits le simple mouvement de la chaleur et du froid. --- De même... de même, la phrase du texte n'est pas aussi symétrique. -  C'est l'art ...c'est la nature, et par conséquent, ce n'est plus le mouvement aveugle des éléments. Il y a une intention et un but.

§ 12. D'une manière générale, le texte dit précisément : " De quel genre. » .- Il faut rechercher, ceci annonce des études nouvelles qui ne font plus partie de la Météorologie. Ce sont sans doute les divers traités d'histoire naturelle, et entre autres les Traités des parties des animaux et de la Génération des animaux.— Le sang, la chair, le sperme, Voir le Traité de la génération des animaux, livre I, ch. 17, p. 721, a, 30, édit. de Berlin, et le Traité des parties des animaux, livre II, ch. 3, p. 649, b, 30 et suiv., édit. de Berlin.

§ 13. Les corps à parties non homogènes, Voir les deux traités qui viennent d'être cités. -- L'homme, Aristote a étudié spécialement l'homme dans l'Histoire des animaux, livre VII, ch. 1, p. 581 et suiv., édit. de Berlin. -- La plante, il ne reste rien de la Botanique d'Aristote. Le petit Traité des plantes, compris parfois dans ses oeuvres, est apocryphe. Mais Aristote s'était certainement occupé de cette partie de l'histoire de la nature, que Théophraste, son disciple, devait déjà porter si loin. Le catalogue de Diogène de Laërte (p. 116, ligne 49, édit. de Firmin Didot), mentionne deux ouvrages d'Aristote sur les plantes. -- Voir plus haut, livre I, ch. 1, § 3, où Aristote annonce comme ici ses travaux sur les animaux et les plantes.

 

FIN DU LIVRE IV ET DU TRAITÉ DE LA Météorologie.