Aristote : Métaphysique

ARISTOTE

MÉTAPHYSIQUE

LIVRE IX

LIVRE VIII - LIVRE X

Traduction : Alexis PIERRON et Charles ZEVORT.

Autres traductions :  Barthélemy SAINT-HILAIRE : livre IX (bilingue)

 

 

LA MÉTAPHYSIQUE D’ARISTOTE.

Livre IX

 

 

MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE.

LIVRE NEUVIÈME.

(Θ)

SOMMAIRE DU LIVRE NEUVIEME.

I, De la puissance et de la privation. — II Puissances irrationnelles ; puissances rationnelles.— III. Réfutation des philosophes de l'École de Mégare qui prétendaient qu'il n'y a puissance que quand il y a acte, et que là où il n'y a pas acte il n'y a pas puissance.— IV. Une chose possible est-elle susceptible de n'être jamais, ni dans le présent ni dans l'avenir ? — V. Conditions de l'action de la puissance. — VI. Nature et qualité de la puissance. — VII. Dans quel cas il y a et dans quel cas il n'y a pas puissance. — VIII. L'acte est antérieur à la puissance et à tout principe de changement. — IX. L'actualité du bien est suprême à la puissance du bien : c'est le contraire pour le mal. C'est par la réduction à l'acte qu'on met au jour les proprietés des êtres. — X. Du vrai et du faux.
I

[1045b] [27] Περὶ μὲν οὖν τοῦ πρώτως ὄντος καὶ πρὸς ὃ πᾶσαι αἱ ἄλλαι κατηγορίαι τοῦ ὄντος ἀναφέρονται εἴρηται, περὶ τῆς οὐσίας (κατὰ γὰρ τὸν τῆς οὐσίας λόγον λέγεται τἆλλα [30] ὄντα, τό τε ποσὸν καὶ τὸ ποιὸν καὶ τἆλλα τὰ οὕτω λεγόμενα· πάντα γὰρ ἕξει τὸν τῆς οὐσίας λόγον, ὥσπερ εἴπομεν ἐν τοῖς πρώτοις λόγοις)· ἐπεὶ δὲ λέγεται τὸ ὂν τὸ μὲν τὸ τὶ ἢ ποιὸν ἢ ποσόν, τὸ δὲ κατὰ δύναμιν καὶ ἐντελέχειαν καὶ κατὰ τὸ ἔργον, διορίσωμεν καὶ περὶ δυνάμεως [35] καὶ ἐντελεχείας, καὶ πρῶτον περὶ δυνάμεως ἣ λέγεται μὲν μάλιστα κυρίως, οὐ μὴν χρησιμωτάτη γέ ἐστι πρὸς ὃ βουλόμεθα νῦν· [1046a] [1] ἐπὶ πλέον γάρ ἐστιν ἡ δύναμις καὶ ἡ ἐνέργεια τῶν μόνον λεγομένων κατὰ κίνησιν. Ἀλλ' εἰπόντες περὶ ταύτης, ἐν τοῖς περὶ τῆς ἐνεργείας διορισμοῖς δηλώσομεν καὶ περὶ τῶν ἄλλων.

Ὅτι μὲν οὖν λέγεται [5] πολλαχῶς ἡ δύναμις καὶ τὸ δύνασθαι, διώρισται ἡμῖν ἐν ἄλλοις· τούτων δ' ὅσαι μὲν ὁμωνύμως λέγονται δυνάμεις ἀφείσθωσαν (ἔνιαι γὰρ ὁμοιότητί τινι λέγονται, καθάπερ ἐν γεωμετρίᾳ καὶ δυνατὰ καὶ ἀδύνατα λέγομεν τῷ εἶναι) πως ἢ μὴ εἶναἰ,

ὅσαι δὲ πρὸς τὸ αὐτὸ εἶδος, πᾶσαι ἀρχαί [10] τινές εἰσι, καὶ πρὸς πρώτην μίαν λέγονται, ἥ ἐστιν ἀρχὴ μεταβολῆς ἐν ἄλλῳ ἢ ᾗ ἄλλο. Ἡ μὲν γὰρ τοῦ παθεῖν ἐστὶ δύναμις, ἡ ἐν αὐτῷ τῷ πάσχοντι ἀρχὴ μεταβολῆς παθητικῆς ὑπ' ἄλλου ἢ ᾗ ἄλλο· ἡ δ' ἕξις ἀπαθείας τῆς ἐπὶ τὸ χεῖρον καὶ φθορᾶς τῆς ὑπ' ἄλλου ἢ ᾗ ἄλλο ὑπ' ἀρχῆς [15] μεταβλητικῆς. Ἐν γὰρ τούτοις ἔνεστι πᾶσι τοῖς ὅροις ὁ τῆς πρώτης δυνάμεως λόγος. Πάλιν δ' αὗται δυνάμεις λέγονται ἢ τοῦ μόνον ποιῆσαι ἢ τοῦ παθεῖν ἢ τοῦ καλῶς, ὥστε καὶ ἐν τοῖς τούτων λόγοις ἐνυπάρχουσί πως οἱ τῶν προτέρων δυνάμεων λόγοι.

Φανερὸν οὖν ὅτι ἔστι μὲν ὡς μία δύναμις [20] τοῦ ποιεῖν καὶ πάσχειν (δυνατὸν γάρ ἐστι καὶ τῷ ἔχειν αὐτὸ δύναμιν τοῦ παθεῖν καὶ τῷ ἄλλο ὑπ' αὐτοῦ), ἔστι δὲ ὡς ἄλλη. Ἡ μὲν γὰρ ἐν τῷ πάσχοντι (διὰ γὰρ τὸ ἔχειν τινὰ ἀρχήν, καὶ εἶναι καὶ τὴν ὕλην ἀρχήν τινα, πάσχει τὸ πάσχον, καὶ ἄλλο ὑπ' ἄλλου· τὸ λιπαρὸν μὲν [25] γὰρ καυστὸν τὸ δ' ὑπεῖκον ὡδὶ θλαστόν, ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων), ἡ δ' ἐν τῷ ποιοῦντι, οἷον τὸ θερμὸν καὶ ἡ οἰκοδομική, ἡ μὲν ἐν τῷ θερμαντικῷ ἡ δ' ἐν τῷ οἰκοδομικῷ· διὸ ᾗ συμπέφυκεν, οὐθὲν πάσχει αὐτὸ ὑφ' ἑαυτοῦ· ἓν γὰρ καὶ οὐκ ἄλλο. Καὶ ἡ ἀδυναμία καὶ τὸ ἀδύνατον [30] ἡ τῇ τοιαύτῃ δυνάμει ἐναντία στέρησίς ἐστιν, ὥστε τοῦ αὐτοῦ καὶ κατὰ τὸ αὐτὸ πᾶσα δύναμις ἀδυναμίᾳ. Ἡ δὲ στέρησις λέγεται πολλαχῶς· καὶ γὰρ τὸ μὴ ἔχον καὶ τὸ πεφυκὸς ἂν μὴ ἔχῃ, ἢ ὅλως ἢ ὅτε πέφυκεν, καὶ ἢ ὡδί, οἷον παντελῶς, ἢ κἂν ὁπωσοῦν. Ἐπ' ἐνίων δέ, ἂν πεφυκότα [35] ἔχειν μὴ ἔχῃ βίᾳ, ἐστερῆσθαι ταῦτα λέγομεν.

[1045b] Nous avons parlé de l'être premier, de celui auquel se rapportent toutes les autres catégories, en un mot de la substance. C'est par leur rapport à la substance que 86 les autres êtres sont des êtres : ainsi, la quantité, la qualité, et les attributs analogues. Tous ces êtres, comme nous l'avons dit dans les livres précédents (01), contiennent implicitement la notion de la substance. Non-seulement l'être se prend dans le sens de substance, de qualité, de quantité, mais il y a encore l'être en puissance et l'être en acte, l'être relativement à l'action. Parlons donc de la puissance et de l'acte. Et d'abord, quant à la puissance, remarquons que celle qui mérite surtout ce nom, n'est pas l'objet unique de notre étude présente ; [1046b] la puissance, de même que l'acte s'applique à d'autres êtres que ceux qui sont susceptibles de mouvement. Nous parlerons de la puissance motrice dans ce que nous allons dire de l'actualité; inais nous parlerons aussi des autres sortes de puissance.

La puissance et le pouvoir (02), nous l'avons déterminé ailleurs (03) se prennent sous plusieurs acceptions. Nous 87 n'avons pas à nous occuper des puissances qui ne sont puissances que de nom. Une ressemblance a fait donner à quelques objets, dans la géométrie par exemple, le nom de puissances ; d'autres choses sont dites puissantes ou impuissantes par une certaine façon d'être ou de n'être pas.

Les puissances peuvent être rapportées à un même genre  ; toutes elles sont des principes, et se rattachent à un pouvoir premier et unique, celui du changement résidant dans un autre être en tant qu'autre. La puissance d'être modifié, est, dans l'être passif, le principe du changement qu'il est susceptible de subir par l'action d'un autre être en tant qu'autre. L'autre puissance , c'est l'état de l'être qui n'est pas susceptible d'être modifié en mal, ni détruit par un autre être en tant qu'autre, par l'être qui est le principe du changement. La notion de la puissance première entre dans toutes ces définitions. Les puissances dont nous parlons se distinguent encore en puissance simplement active, ou simplement passive, et en puissance de bien faire ou de subir le bien. Les notions de ces dernières renferment donc, d'une certaine manière, les notions des puissances dont elles dérivent.

Un être peut, soit parce qu'il a la puissance d'être modifié lui-même., soit parce qu'il a celle de modifier un autre être. Or, il est évident que la puissance ac- 88  tive et la puissance passive sont, sous un point de vue, une seule puissance; sous un aufre point de vue ce sont deux puissances. Il y a d'abord la puissance dans l'être passif: c'est parce qu'il y a en lui un principe, c'est parce que la matière est un principe, que l'être passif est modifié, qu'un êtrp modifie un autre être. Ainsi, ce qui est gras est combustible, ce qui cède de telle manière est sujet à s'écraser (04) ; ef pour le reste de môme. Il y a ensuite la puissance dans l'agent : tels sont la chaleur et l'art de bâtir, l'une dans ce qui échauffe, l'autre dans l'architecte. Un agent naturel ne saurait donc se faire éprouver à lui-même aucune modification ; il y a unité en lui, et il n'est pas autre que lui-même. L'impuissance, et l'impossibilité, sont le contraire de la puissance, c'en est la privation ; de sorte qu'il y a en regard de chaque puissance , l'impuissance de la même chose sur le même être. Or, la privation s'entend de plusieurs manières. Il y a îa privation d'une chose qu'on n'a naturellement pas, et la privation de ce qu'on devrait naturellement avoir; un être est privé ou bien absolument, ou bien à l'époque de la possession ; la privation est encore ou complète ou partielle; enfin quand la violence empêche des êtres d'avoir ce qui est dans leur nature, nous disons que ces êtres sont privés (05).

II

Ἐπεὶ δ' αἱ μὲν ἐν τοῖς ἀψύχοις ἐνυπάρχουσιν ἀρχαὶ τοιαῦται, αἱ δ' ἐν τοῖς ἐμψύχοις καὶ ἐν ψυχῇ καὶ τῆς ψυχῆς ἐν τῷ λόγον ἔχοντι, [1046b] [1] δῆλον ὅτι καὶ τῶν δυνάμεων αἱ μὲν ἔσονται ἄλογοι αἱ δὲ μετὰ λόγου· διὸ πᾶσαι αἱ τέχναι καὶ αἱ ποιητικαὶ ἐπιστῆμαι δυνάμεις εἰσίν· ἀρχαὶ γὰρ μεταβλητικαί εἰσιν ἐν ἄλλῳ ἢ ᾗ ἄλλο. Καὶ αἱ μὲν [5] μετὰ λόγου πᾶσαι τῶν ἐναντίων αἱ αὐταί, αἱ δὲ ἄλογοι μία ἑνός, οἷον τὸ θερμὸν τοῦ θερμαίνειν μόνον ἡ δὲ ἰατρικὴ νόσου καὶ ὑγιείας. Αἴτιον δὲ ὅτι λόγος ἐστὶν ἡ ἐπιστήμη, ὁ δὲ λόγος ὁ αὐτὸς δηλοῖ τὸ πρᾶγμα καὶ τὴν στέρησιν, πλὴν οὐχ ὡσαύτως, καὶ ἔστιν ὡς ἀμφοῖν ἔστι δ' ὡς [10] τοῦ ὑπάρχοντος μᾶλλον,

ὥστ' ἀνάγκη καὶ τὰς τοιαύτας ἐπιστήμας εἶναι μὲν τῶν ἐναντίων, εἶναι δὲ τοῦ μὲν καθ' αὑτὰς τοῦ δὲ μὴ καθ' αὑτάς· καὶ γὰρ ὁ λόγος τοῦ μὲν καθ' αὑτὸ τοῦ δὲ τρόπον τινὰ κατὰ συμβεβηκός· ἀποφάσει γὰρ καὶ ἀποφορᾷ δηλοῖ τὸ ἐναντίον· ἡ γὰρ στέρησις [15] ἡ πρώτη τὸ ἐναντίον, αὕτη δὲ ἀποφορὰ θατέρου.

Ἐπεὶ δὲ τὰ ἐναντία οὐκ ἐγγίγνεται ἐν τῷ αὐτῷ, ἡ δ' ἐπιστήμη δύναμις τῷ λόγον ἔχειν, καὶ ἡ ψυχὴ κινήσεως ἔχει ἀρχήν, τὸ μὲν ὑγιεινὸν ὑγίειαν μόνον ποιεῖ καὶ τὸ θερμαντικὸν θερμότητα καὶ τὸ ψυκτικὸν ψυχρότητα, ὁ δ' ἐπιστήμων [20] ἄμφω. Λόγος γάρ ἐστιν ἀμφοῖν μέν, οὐχ ὁμοίως δέ, καὶ ἐν ψυχῇ ἣ ἔχει κινήσεως ἀρχήν· ὥστε ἄμφω ἀπὸ τῆς αὐτῆς ἀρχῆς κινήσει πρὸς ταὐτὸ συνάψασα· διὸ τὰ κατὰ λόγον δυνατὰ τοῖς ἄνευ λόγου δυνατοῖς ποιεῖ τἀναντία· μιᾷ γὰρ ἀρχῇ περιέχεται, τῷ λόγῳ. Φανερὸν δὲ καὶ ὅτι [25] τῇ μὲν τοῦ εὖ δυνάμει ἀκολουθεῖ ἡ τοῦ μόνον ποιῆσαι ἢ παθεῖν δύναμις, ταύτῃ δ' ἐκείνη οὐκ ἀεί· ἀνάγκη γὰρ τὸν εὖ ποιοῦντα καὶ ποιεῖν, τὸν δὲ μόνον ποιοῦντα οὐκ ἀνάγκη καὶ εὖ ποιεῖν.

Des principes dont nous parlons, les uns résident dans les êtres inanimés, les autres dans les êtres animés, dans l'âme, dans la partie de l'âme où se trouve la raison. [1046b] On voit qu'il doit y avoir des puissances irrationnelles et des puissances rationnelles ; et tous les actes, toutes les sciences pratiques, toutes les sciences enfin sont des puissances, car ce sont là des principes de changement dans un autre être en tant qu'autre. Chaque puissance rationnelle peut produire à elle seule les effets contraires ; mais les puissances irrationnelles ne produisent chacune qu'un seul et même effet. La chaleur n'est cause que de l'échauffement, tandis que la médecine peut l'être de la maladie et de la santé. Il en est ainsi parce que la science est une explication rationnelle (06). Or, l'explication rationnelle explique et l'objet et la privation de l'objet : seulement ce n'est pas de la même manière; sous un point de vue, la connaissance de l'un et de l'autre est le but de l'explication rationnelle ; mais, sous un autre point de vue, c'est surtout celle de l'objet lui-même.

Les sciences de cette sorte sont donc nécessairement sciences des contraires ; mais l'un des contraires est leur objet propre, tandis que l'autre ne l'est pas. 90 Elles expliquent l'un en lui-même ; ce n'est qu'accidentellement, si je puis dire, qu'elles traitent de l'autre. C'est par la négation qu'elles montrent le contraire, c'est en le faisant disparaître (07). La privation première d'un objet c'est, en effet, son contraire ; or, cette privation première, c'est la suppression de l'objet.

Les contraires ne se produisent pas dans le même être ; mais la science est une puissance en tant qu'elle contient la raison des choses, et il y a dans l'âme le principe du mouvement. Ainsi donc le sain ne produit que la santé, le chaud que la chaleur, le froid que la froidure, tandis que celui qui sait produit les deux contraires. La science connaît l'un et l'autre, mais d'une manière différente. Car la notion des deux contraires se trouve, mais non point de la même manière, dans l'âme qui a en elle le principe du mouvement ; et du même principe, l'âme, tout en ne s'appliquant qu'à un seul et même objet, fera sortir l'un et l'autre contraire. Les êtres rationnellement puissants sont donc dans un cas contraire à ceux qui n'ont qu'une puissance irrationnelle : il n'y a dans la notion de ces derniers qu'un principe unique.

Il est clair que la puissance du bien emporte toujours l'idée de la puissance simplement active ou passive; mais elle n'accompagne pas toujours celle-ci. Celui qui fait bien, nécessairement fait, tandis que celui qui fait seulement, ne fait pas nécessairement bien.

III

 Εἰσὶ δέ τινες οἵ φασιν, οἷον οἱ Μεγαρικοί, ὅταν ἐνεργῇ [30] μόνον δύνασθαι, ὅταν δὲ μὴ ἐνεργῇ οὐ δύνασθαι, οἷον τὸν μὴ οἰκοδομοῦντα οὐ δύνασθαι οἰκοδομεῖν, ἀλλὰ τὸν οἰκοδομοῦντα ὅταν οἰκοδομῇ· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων. Οἷς τὰ συμβαίνοντα ἄτοπα οὐ χαλεπὸν ἰδεῖν. Δῆλον γὰρ ὅτι οὔτ' οἰκοδόμος ἔσται ἐὰν μὴ οἰκοδομῇ (τὸ γὰρ οἰκοδόμῳ [35] εἶναι τὸ δυνατῷ εἶναί ἐστιν οἰκοδομεῖν), ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων τεχνῶν. Εἰ οὖν ἀδύνατον τὰς τοιαύτας ἔχειν τέχνας μὴ μαθόντα ποτὲ καὶ λαβόντα, [1047a] [1] καὶ μὴ ἔχειν μὴ ἀποβαλόντα ποτέ (ἢ γὰρ λήθῃ ἢ πάθει τινὶ ἢ χρόνῳ· οὐ γὰρ δὴ τοῦ γε πράγματος φθαρέντος, ἀεὶ γὰρ ἔστιν), ὅταν παύσηται, οὐχ ἕξει τὴν τέχνην, πάλιν δ' εὐθὺς οἰκοδομήσει πῶς λαβών; Καὶ τὰ ἄψυχα δὴ ὁμοίως· οὔτε γὰρ [5] ψυχρὸν οὔτε θερμὸν οὔτε γλυκὺ οὔτε ὅλως αἰσθητὸν οὐθὲν ἔσται μὴ αἰσθανομένων· ὥστε τὸν Πρωταγόρου λόγον συμβήσεται λέγειν αὐτοῖς.
§ 4. Ἀλλὰ μὴν οὐδ' αἴσθησιν ἕξει οὐδὲν ἂν μὴ αἰσθάνηται μηδ' ἐνεργῇ. Εἰ οὖν τυφλὸν τὸ μὴ ἔχον ὄψιν, πεφυκὸς δὲ καὶ ὅτε πέφυκε καὶ ἔτι ὄν, οἱ αὐτοὶ [10] τυφλοὶ ἔσονται πολλάκις τῆς ἡμέρας, καὶ κωφοί. Ἔτι εἰ ἀδύνατον τὸ ἐστερημένον δυνάμεως, τὸ μὴ γιγνόμενον ἀδύνατον ἔσται γενέσθαι· τὸ δ' ἀδύνατον γενέσθαι ὁ λέγων ἢ εἶναι ἢ ἔσεσθαι ψεύσεται (τὸ γὰρ ἀδύνατον τοῦτο ἐσήμαινεν),

ὥστε οὗτοι οἱ λόγοι ἐξαιροῦσι καὶ κίνησιν καὶ γένεσιν. [15] Ἀεὶ γὰρ τό τε ἑστηκὸς ἑστήξεται καὶ τὸ καθήμενον καθεδεῖται· οὐ γὰρ ἀναστήσεται ἂν καθέζηται· ἀδύνατον γὰρ ἔσται ἀναστῆναι ὅ γε μὴ δύναται ἀναστῆναι.Εἰ οὖν μὴ ἐνδέχεται ταῦτα λέγειν, φανερὸν ὅτι δύναμις καὶ ἐνέργεια ἕτερόν ἐστιν (ἐκεῖνοι δ' οἱ λόγοι δύναμιν καὶ ἐνέργειαν ταὐτὸ [20] ποιοῦσιν, διὸ καὶ οὐ μικρόν τι ζητοῦσιν ἀναιρεῖν), ὥστε ἐνδέχεται δυνατὸν μέν τι εἶναι μὴ εἶναι δέ, καὶ δυνατὸν μὴ εἶναι εἶναι δέ, ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων κατηγοριῶν δυνατὸν βαδίζειν ὂν μὴ βαδίζειν, καὶ μὴ βαδίζειν δυνατὸν ὂν βαδίζειν. Ἔστι δὲ δυνατὸν τοῦτο ᾧ ἐὰν ὑπάρξῃ [25] ἡ ἐνέργεια οὗ λέγεται ἔχειν τὴν δύναμιν, οὐθὲν ἔσται ἀδύνατον. Λέγω δὲ οἷον, εἰ δυνατὸν καθῆσθαι καὶ ἐνδέχεται καθῆσθαι, τούτῳ ἐὰν ὑπάρξῃ τὸ καθῆσθαι, οὐδὲν ἔσται ἀδύνατον· καὶ εἰ κινηθῆναι ἢ κινῆσαι ἢ στῆναι ἢ στῆσαι ἢ εἶναι ἢ γίγνεσθαι ἢ μὴ εἶναι ἢ μὴ γίγνεσθαι, ὁμοίως.

[30] Ἐλήλυθε δ' ἡ ἐνέργεια τοὔνομα, ἡ πρὸς τὴν ἐντελέχειαν συντιθεμένη, καὶ ἐπὶ τὰ ἄλλα ἐκ τῶν κινήσεων μάλιστα· δοκεῖ γὰρ ἡ ἐνέργεια μάλιστα ἡ κίνησις εἶναι, διὸ καὶ τοῖς μὴ οὖσιν οὐκ ἀποδιδόασι τὸ κινεῖσθαι, ἄλλας δέ τινας κατηγορίας, οἷον διανοητὰ καὶ ἐπιθυμητὰ εἶναι τὰ μὴ ὄντα, [35] κινούμενα δὲ οὔ, τοῦτο δὲ ὅτι οὐκ ὄντα ἐνεργείᾳ ἔσονται ἐνεργείᾳ. [1047b] [1] Τῶν γὰρ μὴ ὄντων ἔνια δυνάμει ἐστίν· οὐκ ἔστι δέ, ὅτι οὐκ ἐντελεχείᾳ ἐστίν.
 

91 Ιl en est qui prétendent, les philosophes de Mégare (08) par exemple, qu'il n'y a puissance que lorsqu'il y a acte, que lorsqu'il n'y a pas acte, il n'y a pas puissance : ainsi celui qui ne construit point, n'a pas le pouvoir de construire, mais celui qui construit a ce pouvoir quand il construit; et de même pour tout le reste. Il n'est pas difficile de voir les conséquences absurdes de ce principe. Évidemment alors on ne sera pas constructeur si l'on ne construit pas ; car l'essence du constructeur c'est d'avoir le pouvoir de construire. De même pour les autres arts. Il est impossible de posséder un art sans l'avoir appris, sans qu'on nous l'ait transmis, [1047a] de ne plus le posséder ensuite sans l'avoir perdu (on le perd ou en l'oubliant, ou par quelque circonstance, ou par l'effet du temps ; car je ne parle point du cas de la destruction du sujet sur lequel l'art opère : dans cette hypothèse même l'art subsiste toujours (09)). Or, si l'on cesse d'agir, on ne 92 possédera plus l'art. Et pourtant on se remettra immédiatement à bâtir ; comment aura-t-on recouvré l'art ? Il en sera de même pour les objets inanimés, le froid, le chaud, le doux ; et en un mot, tous les objets sensibles ne seront rien indépendamment de l'être sentant. On tombe alors dans le système de Protagoras (10). Ajoutons qu'aucun être n'aura même la faculté de sentir, s'il ne sent réellement, s'il n'a sensation en acte. Si donc nous appelons aveugle l'être qui ne voit point, quand il est dans sa nature de voir, et à l'époque où il est dans sa nature de voir, les mêmes êtres seront aveugles et sourds plusieurs fois par jour. Bien plus, comme ce dont il n'y a pas puissance est impossible, il sera impossible que ce qui n'est pas produit actuellement, soit jamais produit. Prétendre que ce qui est dans l'impossibilité d'être, existe ou existera, ce serait dire une fausseté, comme l'indique le mot même d'impossible (11).

Un pareil système supprime le mouvement et la production. L'être qui est debout sera toujours debout, l'être qui est assis sera éternellement assis. Il ne pourra pas se lever s'il est assis, car ce qui n'a pas le pouvoir de se lever est dans l'impossibilité de se lever. Si l'on ne peut pas admettre ces conséquences, il est évident que la puissance et l'acte sont deux choses différentes : or, ce système identifie la puissance et 93 l'acte. Ce qu'on essaie de supprimer ainsi, c'est une chose de la plus haute importance. Il est donc établi que quelque chose peut être en puissance, et n'être pas réellement, que quelque chose peut exister réellement, et n'être pas en puissance. De même pour toutes les autres catégories. Il se peut qu'un être qui a le pouvoir de marcher ne marche pas ; qu'un être marche, qui a le pouvoir de ne pas marcher. Je dis qu'une chose est possible lorsque son passage de la puissance à l'acte, n'entraîne aucune impossibilité. Par exemple, si un être a le pouvoir d'être assis, s'il est possible en un mot que cet être soit assis, être assis n'entraînera pour cet être aucune impossibilité. De même s'il a le pouvoir de recevoir ou d'imprimer le mouvement, de se tenir debout ou de tenir debout un aulre objet, d'être ou de devenir, de ne pas être ou de ne pas devenir.

C'est surtout par rapport au mouvement que le nom d'acte a été donné à la puissance active et aux autres choses ; le mouvement, en eft'et, semble être l'acte par excellence. C'est pourquoi on n'attribue point le mouvement à ce qui n'est pas ; on le rapporte à quelques-unes des autres catégories. Des choses qui ne sont pas, on dit bien qu'elles sont intelligibles, désirables, mais non pas qu'elles sont en mouvement. Et cela parce qu'elles ne sont pas maintenant en acte, mais seulement peuvent être en acte ; [1047b] car, parmi les choses qui ne sont pas, quelques-unes sont en puissance, mais ne sont pas réellement, parce qu'elles ne sont pas en acte.

IV

Εἰ δέ ἐστι τὸ εἰρημένον τὸ δυνατὸν ἢ ἀκολουθεῖ, φανερὸν ὅτι οὐκ ἐνδέχεται ἀληθὲς εἶναι τὸ εἰπεῖν ὅτι δυνατὸν μὲν [5] τοδί, οὐκ ἔσται δέ, ὥστε τὰ ἀδύνατα εἶναι ταύτῃ διαφεύγειν· λέγω δὲ οἷον εἴ τις φαίη δυνατὸν τὴν διάμετρον μετρηθῆναι οὐ μέντοι μετρηθήσεσθαι - ὁ μὴ λογιζόμενος τὸ ἀδύνατον εἶναι - ὅτι οὐθὲν κωλύει δυνατόν τι ὂν εἶναι ἢ γενέσθαι μὴ εἶναι μηδ' ἔσεσθαι. Ἀλλ' ἐκεῖνο ἀνάγκη ἐκ [10] τῶν κειμένων, εἰ καὶ ὑποθοίμεθα εἶναι ἢ γεγονέναι ὃ οὐκ ἔστι μὲν δυνατὸν δέ, ὅτι οὐθὲν ἔσται ἀδύνατον· συμβήσεται δέ γε, τὸ γὰρ μετρεῖσθαι ἀδύνατον. Οὐ γὰρ δή ἐστι ταὐτὸ τὸ ψεῦδος καὶ τὸ ἀδύνατον· τὸ γάρ σε ἑστάναι νῦν ψεῦδος μέν, οὐκ ἀδύνατον δέ.

 Ἅμα δὲ δῆλον καὶ ὅτι, εἰ [15] τοῦ Α ὄντος ἀνάγκη τὸ Β εἶναι, καὶ δυνατοῦ ὄντος εἶναι τοῦ Α καὶ τὸ Β ἀνάγκη εἶναι δυνατόν· εἰ γὰρ μὴ ἀνάγκη δυνατὸν εἶναι, οὐθὲν κωλύει μὴ εἶναι δυνατὸν εἶναι. Ἔστω δὴ τὸ Α δυνατόν. Οὐκοῦν ὅτε τὸ Α δυνατὸν εἴη εἶναι, εἰ τεθείη τὸ Α, οὐθὲν ἀδύνατον εἶναι συνέβαινεν· τὸ δέ γε Β [20] ἀνάγκη εἶναι.

Ἀλλ' ἦν ἀδύνατον. Ἔστω δὴ ἀδύνατον. Εἰ δὴ ἀδύνατον ἀνάγκη εἶναι τὸ Β, ἀνάγκη καὶ τὸ Α εἶναι. Ἀλλ' ἦν ἄρα τὸ πρῶτον ἀδύνατον· καὶ τὸ δεύτερον ἄρα. Ἂν ἄρα ᾖ τὸ Α δυνατόν, καὶ τὸ Β ἔσται δυνατόν, εἴπερ οὕτως εἶχον ὥστε τοῦ Α ὄντος ἀνάγκη εἶναι τὸ Β. Ἐὰν δὴ οὕτως ἐχόντων [25] τῶν Α Β μὴ ᾖ δυνατὸν τὸ Β οὕτως, οὐδὲ τὰ Α Β ἕξει ὡς ἐτέθη· καὶ εἰ τοῦ Α δυνατοῦ ὄντος ἀνάγκη τὸ Β δυνατὸν εἶναι, εἰ ἔστι τὸ Α ἀνάγκη εἶναι καὶ τὸ Β. Τὸ γὰρ δυνατὸν εἶναι ἐξ ἀνάγκης τὸ Β εἶναι, εἰ τὸ Α δυνατόν, τοῦτο σημαίνει, ἐὰν ᾖ τὸ Α καὶ ὅτε καὶ ὡς ἦν δυνατὸν [35] εἶναι, κἀκεῖνο τότε καὶ οὕτως εἶναι ἀναγκαῖον.

94 Si le possible est, comme nous l'avons dit, ce qui passe à l'acte, évidemment il n'est pas vrai de dire : Telle chose est possible, mais elle ne sera pas. Autrement le caractère de l'impossible nous échappe. Dire par exemple : Le rapport de la diagonale au côté du carré peut être mesuré, mais il ne sera pas mesuré, ce n'est pas tenir compte de l'impossibilité. Rien n'empêche, prétendra-t-on, qu'il n'y ait pour une chose qui n'est pas ou ne sera pas, possibilité d'être ou d'avoir été. Mais admettre cette proposition, supposer que ce qui n'est pas, mais est possible, est réellement ou a été, c'est admettre qu'il n'y a rien d'impossible. Or, il y a des choses impossibles : il est impossible de mesurer le rapport de la diagonale au côté du carré. Il n'y a pas identité entre le faux etl'impossible.il est faux que tu sois debout maintenant, mais cela n'est pas impossible.

Il est évident d'ailleurs que si A existant entraîne nécessairement l'existence de B, A pouvant exister, nécessairement B peut exister aussi. Car si l'existence de B n'est pas nécessairement possible, rien n'empêche que son existence ne soit pas possible. Soit donc A possible : dans le cas de la possibilité de l'existence de A, admettre que A existe n'entraîne aucune impossibilité. Or, dans ce cas B existe nécessairement.

95 Mais nous avons admis que B pourrait être impossible. Soit donc B impossible. Si B est impossible, nécessairement A l'est aussi. Mais tout à l'heure A était possible. Donc B est possible. Donc A étant possible, nécessairement B est possible, s'il y a entre A et B un rapport tel, que, A existant, B nécessairement existe. Donc si A et B sont dans ce cas, admettre qu'alors B n'est pas possible, c'est admettre que A et B ne sont pas eux-mêmes entre eux comme on l'avait admis. Et si, A étant possible, B est nécessairement possible, l'existence de A entraîne nécessairement celle de B. En effet, B est nécessairement possible lorsque A est possible, signifie : Lorsque A existe, dans quelque circonstance, de quelque façon qu'il puisse exister, alors B aussi existe, et il est nécessaire qu'il existe, et au même titre que A.

V

Ἀπασῶν δὲ τῶν δυνάμεων οὐσῶν τῶν μὲν συγγενῶν οἷον τῶν αἰσθήσεων, τῶν δὲ ἔθει οἷον τῆς τοῦ αὐλεῖν, τῶν δὲ μαθήσει οἷον τῆς τῶν τεχνῶν, τὰς μὲν ἀνάγκη προενεργήσαντας ἔχειν, ὅσαι ἔθει καὶ λόγῳ, τὰς δὲ μὴ τοιαύτας καὶ τὰς ἐπὶ τοῦ πάσχειν οὐκ ἀνάγκη. [1048a] [1] Ἐπεὶ δὲ τὸ δυνατὸν τὶ δυνατὸν καὶ ποτὲ καὶ πὼς καὶ ὅσα ἄλλα ἀνάγκη προσεῖναι ἐν τῷ διορισμῷ, καὶ τὰ μὲν κατὰ λόγον δύναται κινεῖν καὶ αἱ δυνάμεις αὐτῶν μετὰ λόγου, τὰ δὲ ἄλογα καὶ αἱ δυνάμεις ἄλογοι, κἀκείνας μὲν ἀνάγκη ἐν ἐμψύχῳ [5] εἶναι ταύτας δὲ ἐν ἀμφοῖν, τὰς μὲν τοιαύτας δυνάμεις ἀνάγκη, ὅταν ὡς δύνανται τὸ ποιητικὸν καὶ τὸ παθητικὸν πλησιάζωσι, τὸ μὲν ποιεῖν τὸ δὲ πάσχειν, ἐκείνας δ' οὐκ ἀνάγκη· αὗται μὲν γὰρ πᾶσαι μία ἑνὸς ποιητική, ἐκεῖναι δὲ τῶν ἐναντίων,

ὥστε ἅμα ποιήσει τὰ ἐναντία· τοῦτο δὲ [10] ἀδύνατον. Ἀνάγκη ἄρα ἕτερόν τι εἶναι τὸ κύριον· λέγω δὲ τοῦτο ὄρεξιν ἢ προαίρεσιν. Ὁποτέρου γὰρ ἂν ὀρέγηται κυρίως, τοῦτο ποιήσει ὅταν ὡς δύναται ὑπάρχῃ καὶ πλησιάζῃ τῷ παθητικῷ· ὥστε τὸ δυνατὸν κατὰ λόγον ἅπαν ἀνάγκη, ὅταν ὀρέγηται οὗ ἔχει τὴν δύναμιν καὶ ὡς ἔχει, [15] τοῦτο ποιεῖν· ἔχει δὲ παρόντος τοῦ παθητικοῦ καὶ ὡδὶ ἔχοντος ποιεῖν· εἰ δὲ μή, ποιεῖν οὐ δυνήσεται (τὸ γὰρ μηθενὸς τῶν ἔξω κωλύοντος προσδιορίζεσθαι οὐθὲν ἔτι δεῖ· τὴν γὰρ δύναμιν ἔχει ὡς ἔστι δύναμις τοῦ ποιεῖν, ἔστι δ' οὐ πάντως ἀλλ' ἐχόντων πῶς, ἐν οἷς ἀφορισθήσεται καὶ τὰ ἔξω κωλύοντα· [20] ἀφαιρεῖται γὰρ ταῦτα τῶν ἐν τῷ διορισμῷ προσόντων ἔνια)· διὸ οὐδ' ἐὰν ἅμα βούληται ἢ ἐπιθυμῇ ποιεῖν δύο ἢ τὰ ἐναντία, οὐ ποιήσει· οὐ γὰρ οὕτως ἔχει αὐτῶν τὴν δύναμιν οὐδ' ἔστι τοῦ ἅμα ποιεῖν ἡ δύναμις, ἐπεὶ ὧν ἐστὶν οὕτως ποιήσει.
 

Des puissances, les unes sont mises en nous par la nature, tels sont les sens; d'autres nous viennent d'une habitude contractée, ainsi l'habileté à jouer de la flûte ; d'autres enfin sont le fruit de l'étude, par exemple les arts. Il faut donc qu'il y ait eu un exercice antérieur, pour que nous possédions celles qui s'acquièrent par l'habitude, ou par le raisonnement; mais celles qui sont d'une autre sorte, ainsi que les puis- 96 sances passives, n'exigent pas cet exercice. [1048a] Puissant, c'est ce qui peut quelque chose, dans quelque circonstance, de quelque manière; et tous les autres caractères qui entrent nécessairement dans la définition. C'est rationnellement que certains êtres peuvent produire le mouvement, et leurs puissances sont rationnelles, tandis que les autres sont privés de raison et n'ont que des puissances irrationnelles ; et parmi les puissances, celles-là résident nécessairement dans un être animé, tandis que celles-ci résident et dans les êtres animés et dans les êtres inanimés. Pour les puissances de cette dernière espèce, dés que l'être passif et l'être actif sont proche l'un de l'autre, dans les conditions requises pour l'action de la puissance, alors il est nécessaire que l'un agisse, que l'autre subisse l'action ; mais cela n'est pas nécessaire pour les puissances de l'autre espèce. C'est que les premières ne produisent, toutes sans exception, qu'un seul effet chacune, tandis que chacune de celles-ci produit les contraires.

La puissance, dira-t-on , produit donc simultanément les contraires. Or, cela est impossible.il faut bien dès lors, qu'il y ait quelque autre chose qui détermine le mode, l'action ; ce sera le désir, par exemple, ou la résolution. La chose dont on désirera l'accomplissement, sera la chose qui devra s'accomplir, quand il y aura véritablement puissance, et que l'être actif sera en présence de l'être passif. Donc, aussitôt que le désir se fera sentir en lui, l'être doué d'une puissance rationnelle fera la chose qu'il a la puissance de faire, pourvu que la condition requise soit remplie. Or, la condition de son action c'est la présence de  97 l'objet passif, et telle manière d'être de cet objet. Dans le cas contraire il y aurait impossibilité d'agir. Nous n'avons pas besoin du reste d'ajouter qu'il faut qu'aucun obstacle extérieur n'empêche l'action de la puissance. Un être a la puissance en tant qu'il a un pouvoir d'agir, pouvoir non pas absolu, mais soumis à certaines conditions, ce qui comprend cette autre condition qu'il n'y aura pas d'obstacles extérieurs ; la suppression de ces obstacles est la conséquence même de quelques-uns des caractères qui entrent dans la définition de la puissance. C'est pourquoi la puissance ne saurait produire en même temps, le voulût-on, ou le désirât-on, deux effets, ou les effets contraires. Elle n'a pas le pouvoir de les produire simultanément ; elle n'est pas non plus le pouvoir de produire simultanément des effets divers. Ce qu'elle peut faire, voilà ce qu'elle fera.

VI

 [25] Ἐπεὶ δὲ περὶ τῆς κατὰ κίνησιν λεγομένης δυνάμεως εἴρηται, περὶ ἐνεργείας διορίσωμεν τί τέ ἐστιν ἡ ἐνέργεια καὶ ποῖόν τι. Καὶ γὰρ τὸ δυνατὸν ἅμα δῆλον ἔσται διαιροῦσιν, ὅτι οὐ μόνον τοῦτο λέγομεν δυνατὸν ὃ πέφυκε κινεῖν ἄλλο ἢ κινεῖσθαι ὑπ' ἄλλου ἢ ἁπλῶς ἢ τρόπον τινά, ἀλλὰ [30] καὶ ἑτέρως, διὸ ζητοῦντες καὶ περὶ τούτων διήλθομεν. Ἔστι δὴ ἐνέργεια τὸ ὑπάρχειν τὸ πρᾶγμα μὴ οὕτως ὥσπερ λέγομεν δυνάμει· λέγομεν δὲ δυνάμει οἷον ἐν τῷ ξύλῳ Ἑρμῆν καὶ ἐν τῇ ὅλῃ τὴν ἡμίσειαν, ὅτι ἀφαιρεθείη ἄν, καὶ ἐπιστήμονα καὶ τὸν μὴ θεωροῦντα, ἂν δυνατὸς ᾖ θεωρῆσαι· [35] τὸ δὲ ἐνεργείᾳ.. Δῆλον δ' ἐπὶ τῶν καθ' ἕκαστα τῇ ἐπαγωγῇ ὃ βουλόμεθα λέγειν, καὶ οὐ δεῖ παντὸς ὅρον ζητεῖν ἀλλὰ καὶ τὸ ἀνάλογον συνορᾶν, ὅτι ὡς τὸ οἰκοδομοῦν πρὸς τὸ οἰκοδομικόν, [1048b] [1] καὶ τὸ ἐγρηγορὸς πρὸς τὸ καθεῦδον, καὶ τὸ ὁρῶν πρὸς τὸ μῦον μὲν ὄψιν δὲ ἔχον, καὶ τὸ ἀποκεκριμένον ἐκ τῆς ὕλης πρὸς τὴν ὕλην, καὶ τὸ ἀπειργασμένον πρὸς τὸ ἀνέργαστον.

Ταύτης δὲ τῆς διαφορᾶς [5] θατέρῳ μορίῳ ἔστω ἡ ἐνέργεια ἀφωρισμένη θατέρῳ δὲ τὸ δυνατόν. Λέγεται δὲ ἐνεργείᾳ οὐ πάντα ὁμοίως ἀλλ' ἢ τῷ ἀνάλογον, ὡς τοῦτο ἐν τούτῳ ἢ πρὸς τοῦτο, τόδ' ἐν τῷδε ἢ πρὸς τόδε· τὰ μὲν γὰρ ὡς κίνησις πρὸς δύναμιν τὰ δ' ὡς οὐσία πρός τινα ὕλην. Ἄλλως δὲ καὶ τὸ ἄπειρον [10] καὶ τὸ κενόν, καὶ ὅσα τοιαῦτα, λέγεται δυνάμει καὶ ἐνεργείᾳ πολλοῖς τῶν ὄντων, οἷον τῷ ὁρῶντι καὶ βαδίζοντι καὶ ὁρωμένῳ. Ταῦτα μὲν γὰρ ἐνδέχεται καὶ ἁπλῶς ἀληθεύεσθαί ποτε (τὸ μὲν γὰρ ὁρώμενον ὅτι ὁρᾶται, τὸ δὲ ὅτι ὁρᾶσθαι δυνατόν)· τὸ δ' ἄπειρον οὐχ οὕτω δυνάμει ἔστιν ὡς [15] ἐνεργείᾳ ἐσόμενον χωριστόν, ἀλλὰ γνώσει. Τὸ γὰρ μὴ ὑπολείπειν τὴν διαίρεσιν ἀποδίδωσι τὸ εἶναι δυνάμει ταύτην τὴν ἐνέργειαν, τὸ δὲ χωρίζεσθαι οὔ.

Ἐπεὶ δὲ τῶν πράξεων ὧν ἔστι πέρας οὐδεμία τέλος ἀλλὰ τῶν περὶ τὸ τέλος, οἷον τὸ ἰσχναίνειν ἢ ἰσχνασία [20] αὐτό, αὐτὰ δὲ ὅταν ἰσχναίνῃ οὕτως ἐστὶν ἐν κινήσει, μὴ ὑπάρχοντα ὧν ἕνεκα ἡ κίνησις, οὐκ ἔστι ταῦτα πρᾶξις ἢ οὐ τελεία γε (οὐ γὰρ τέλος)· ἀλλ' ἐκείνη ἐνυπάρχει τὸ τέλος καὶ ἡ πρᾶξις. Οἷον ὁρᾷ ἅμα καὶ φρονεῖ καὶ νοεῖ καὶ νενόηκεν, ἀλλ' οὐ μανθάνει καὶ μεμάθηκεν [25] οὐδ' ὑγιάζεται καὶ ὑγίασται· εὖ ζῇ καὶ εὖ ἔζηκεν ἅμα, καὶ εὐδαιμονεῖ καὶ εὐδαιμόνηκεν. Εἰ δὲ μή, ἔδει ἄν ποτε παύεσθαι ὥσπερ ὅταν ἰσχναίνῃ, νῦν δ' οὔ, ἀλλὰ ζῇ καὶ ἔζηκεν. Τούτων δὴ τὰς μὲν κινήσεις λέγειν, τὰς δ' ἐνεργείας. Πᾶσα γὰρ κίνησις ἀτελής, ἰσχνασία μάθησις βάδισις οἰκοδόμησις· [30] αὗται δὴ κινήσεις, καὶ ἀτελεῖς γε. Οὐ γὰρ ἅμα βαδίζει καὶ βεβάδικεν, οὐδ' οἰκοδομεῖ καὶ ᾠκοδόμηκεν, οὐδὲ γίγνεται καὶ γέγονεν ἢ κινεῖται καὶ κεκίνηται, ἀλλ' ἕτερον, καὶ κινεῖ καὶ κεκίνηκεν· ἑώρακε δὲ καὶ ὁρᾷ ἅμα τὸ αὐτό, καὶ νοεῖ καὶ νενόηκεν. Τὴν μὲν οὖν τοιαύτην ἐνέργειαν [35] λέγω, ἐκείνην δὲ κίνησιν. Τὸ μὲν οὖν ἐνεργείᾳ τί τέ ἐστι καὶ ποῖον, ἐκ τούτων καὶ τῶν τοιούτων δῆλον ἡμῖν ἔστω.
 

Nous avons parlé de la puissance motrice ; occupons-nous de l'acte (12), et déterminons ce que c'est que  98 l'acte, et quels sont ses modes. Cette recherche nous mettra à même de montrer que puissant ne s'entend pas seulement de ce qui a la propriété de mouvoir une autre chose, ou de recevoir d'elle le mouvement, mouvement proprement dit, ou mouvement de telle ou telle nature, mais qu'il a encore d'autres significations : nous déterminerons ces significations dans le cours de cette recherche. L'acte est, pour un objet, l'état opposé à la puissance : nous disons, par exemple, que l'Hermès est en puissance dans le bois ; que la moitié de la ligne est en puissance dans la ligne entière, parce qu'elle pourrait en être tirée. On donne aussi le nom de savant en puissance même à celui qui n'étudie pas, s'il a la faculté d'étudier. On peut conclure facilement de ces différents exemples particuliers ce que nous entendons par acte; il ne faut point chercher à tout définir exactement, mais se contenter quelquefois d'analogies. L'acte, ce sera donc l'être qui bâtit, relativement à 99 celui qui a la faculté de bâtir ; [1048b] l'être qui est éveillé, relativement à celui qui dort ; l'être qui voit, par rapport à celui qui a les yeux fermés, tout en ayant la faculté de voir; l'objet tiré de la matière relativement à la matière: ce qui est fait, par rapport à ce qui n'est point fait. Donnons le nom d'acte aux premiers termes de ces diverses relations ; les autres termes sont la puissance.

Acte ne s'entend pas toujours de la même manière, si ce n'est par analogie; on dit : tel objet est dans tel autre ou relatif à tel autre ; on dit aussi : tel objet est en acte dans tel autre, ou relativement à tel autre. Car l'acte signifie tantôt le mouvement relativement à la puissance, tantôt l'essence relativement à une certaine matière. La puissance et l'acte, pour l'infini, le vide, et tous les êtres de ce genre, s'entendent d'une autre manière que pour la plupart des autres êtres, tels que ce qui voit, ce qui marche, ce qui est vu. Dans ces derniers cas, l'affirmation de l'existence peut être vraie soit absolument, soit dans telle circonstance donnée. Visible se dit ou de ce qui est vu réellement, ou de ce qui peut être vu. Mais la puissance, pour l'infini, n'est pas d'une nature telle que l'acte puisse jamais se réaliser, sinon par la pensée : en tant que la division se prolonge à l'infini, on dit que l'acte de la division existe en puissance ; mais il n'existe jamais séparé de la puissance (13).

100 Comme toutes les actions (14) qui ont un terme ne sont pas elles-mêmes un but, mais tendent à un but : ainsi le. but de l'amaigrissement est la maigreur; ces actions, telles que l'amaigrissement, sont, il est vrai, des mouvements, mais ne sont point le but du mouvement; on ne peut considérer ces faits comme des actes, du moins comme des actes complets, car ils ne sont pas un but, mais seulement tendent au but et à l'acte. On peut voir, on peut concevoir, penser, et avoir vu, conçu, pensé ; mais on ne peut pas apprendre et avoir appris la même chose, guérir et avoir été guéri ; on peut bien vivre et avoir bien vécu, être heureux et avoir été heureux tout à la fois : sans cela, il faudrait qu'il y eût des points d'arrêt dans la vie, comme il peut arriver pour l'amaigrissement ; mais c'est ce qui n'a jamais lieu : on vit et on a vécu. De ces différents modes appelons les uns mouvements, les autres actes (15); car tout mouvement est incomplet, ainsi l'amaigrissement, l'étude, la marche, la construction ; et les différents modes dont nous avons parlé sont des mouvements et des mouvements incomplets. On ne peut point faire un pas et l'avoir fait en même temps, bâtir et avoir bâti, devenir et être devenu, imprimer ou recevoir un mouvement, et l'avoir reçu. Le moteur diffère de l'être en mouvement ; mais le même être au contraire peut en même temps voir, et avoir vu, penser, et avoir pensé : ce sont ces derniers faits que j'appelle des actes, les autres ne sont que des mouve-   101 ments (16). Ces exemples, ou tout autre exemple du même genre, suffisent pour montrer clairement ce que c'est que l'acte, et quelle est sa nature.

VII

Πότε δὲ δυνάμει ἔστιν ἕκαστον καὶ πότε οὔ, διοριστέον· οὐ γὰρ ὁποτεοῦν. [1049a] [1] Οἷον ἡ γῆ ἆρ' ἐστὶ δυνάμει ἄνθρωπος; Ἢ οὔ, ἀλλὰ μᾶλλον ὅταν ἤδη γένηται σπέρμα, καὶ οὐδὲ τότε ἴσως; Ὥσπερ οὖν οὐδ' ὑπὸ ἰατρικῆς ἅπαν ἂν ὑγιασθείη οὐδ' ἀπὸ τύχης, ἀλλ' ἔστι τι ὃ δυνατόν ἐστι, καὶ τοῦτ' ἔστιν [5] ὑγιαῖνον δυνάμει. Ὅρος δὲ τοῦ μὲν ἀπὸ διανοίας ἐντελεχείᾳ γιγνομένου ἐκ τοῦ δυνάμει ὄντος, ὅταν βουληθέντος γίγνηται μηθενὸς κωλύοντος τῶν ἐκτός, ἐκεῖ δ' ἐν τῷ ὑγιαζομένῳ, ὅταν μηθὲν κωλύῃ τῶν ἐν αὐτῷ· ὁμοίως δὲ δυνάμει καὶ οἰκία· εἰ μηθὲν κωλύει τῶν ἐν τούτῳ καὶ τῇ [10] ὕλῃ τοῦ γίγνεσθαι οἰκίαν, οὐδ' ἔστιν ὃ δεῖ προσγενέσθαι ἢ ἀπογενέσθαι ἢ μεταβαλεῖν, τοῦτο δυνάμει οἰκία· καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων ὡσαύτως ὅσων ἔξωθεν ἡ ἀρχὴ τῆς γενέσεως. Καὶ ὅσων δὴ ἐν αὐτῷ τῷ ἔχοντι, ὅσα μηθενὸς τῶν ἔξωθεν ἐμποδίζοντος ἔσται δι' αὐτοῦ· οἷον τὸ σπέρμα οὔπω (δεῖ γὰρ [15] ἐν ἄλλῳ καὶ μεταβάλλειν), ὅταν δ' ἤδη διὰ τῆς αὑτοῦ ἀρχῆς ᾖ τοιοῦτον, ἤδη τοῦτο δυνάμει· ἐκεῖνο δὲ ἑτέρας ἀρχῆς δεῖται, ὥσπερ ἡ γῆ οὔπω ἀνδριὰς δυνάμει (μεταβαλοῦσα γὰρ ἔσται χαλκός).

 Ἔοικε δὲ ὃ λέγομεν εἶναι οὐ τόδε ἀλλ' ἐκείνινον - οἷον τὸ κιβώτιον οὐ ξύλον ἀλλὰ ξύλινον, [20] οὐδὲ τὸ ξύλον γῆ ἀλλὰ γήϊνον, πάλιν ἡ γῆ εἰ οὕτως μὴ ἄλλο ἀλλὰ ἐκείνινον - ἀεὶ ἐκεῖνο δυνάμει ἁπλῶς τὸ ὕστερόν ἐστιν. Οἷον τὸ κιβώτιον οὐ γήϊνον οὐδὲ γῆ ἀλλὰ ξύλινον· τοῦτο γὰρ δυνάμει κιβώτιον καὶ ὕλη κιβωτίου αὕτη, ἁπλῶς μὲν τοῦ ἁπλῶς τουδὶ δὲ τοδὶ τὸ ξύλον.Εἰ δέ τί ἐστι πρῶτον [25] ὃ μηκέτι κατ' ἄλλο λέγεται ἐκείνινον, τοῦτο πρώτη ὕλη· οἷον εἰ ἡ γῆ ἀερίνη, ὁ δ' ἀὴρ μὴ πῦρ ἀλλὰ πύρινος, τὸ πῦρ ὕλη πρώτη οὐ τόδε τι οὖσα.Τούτῳ γὰρ διαφέρει τὸ καθ' οὗ καὶ τὸ ὑποκείμενον, τῷ εἶναι τόδε τι ἢ μὴ εἶναι· οἷον τοῖς πάθεσι τὸ ὑποκείμενον ἄνθρωπος καὶ [30] σῶμα καὶ ψυχή, πάθος δὲ τὸ μουσικὸν καὶ λευκόν (λέγεται δὲ τῆς μουσικῆς ἐγγενομένης ἐκεῖνο οὐ μουσικὴ ἀλλὰ μουσικόν, καὶ οὐ λευκότης ὁ ἄνθρωπος ἀλλὰ λευκόν, οὐδὲ βάδισις ἢ κίνησις ἀλλὰ βαδίζον ἢ κινούμενον, ὡς τὸ ἐκείνινον)· ὅσα μὲν οὖν οὕτω, τὸ ἔσχατον οὐσία· ὅσα δὲ μὴ [35] οὕτως ἀλλ' εἶδός τι καὶ τόδε τι τὸ κατηγορούμενον, τὸ ἔσχατον ὕλη καὶ οὐσία ὑλική. Καὶ ὀρθῶς δὴ συμβαίνει τὸ ἐκείνινον λέγεσθαι κατὰ τὴν ὕλην καὶ τὰ πάθη· [1049b] [1] ἄμφω γὰρ ἀόριστα.

 Πότε μὲν οὖν λεκτέον δυνάμει καὶ πότε οὔ, εἴρηται.
 

Il nous faut déterminer quand un être est ou n'est pas, en puissance, un autre être, car il n'y a pas puissance dans tous les cas. [1049a] Ainsi, la terre est-elle, oui ou non, l'homme en puissance ? Elle aura plutôt ce caractère quand déja elle sera devenue sperme, et peut- être même alors ne sera-t-elle pas encore l'homme en puissance. De même tout ne peut pas être rendu à la santé par la médecine et le hasard ; mais il y a des êtres qui ont cette propriété, et ce sont ceux-là qu'on appelle sains en puissance. Le passage de la puissance à l'acte pour la pensée, peut se définir : La volonté se réalisant sins rencontrer aucun obstacle extérieur ; ici au contraire, pour l'être qui est guéri, il y aura puissance, s'il n'y a en lui-même aucun obstacle. De même la maison aussi sera en puissance, s'il n'y a rien en elle, s'il n'y a rien dans la matière qui s'oppose à ce qu'une maison soit produite. S'il n'y a rien 102 à ajouter, à retrancher, à changer, la matière sera la maison en puissance. Il en sera de même encore pour tous les êtres qui ont en dehors d'eux-mêmes le principe de leur production, et pour ceux qui, ayant en eux ce principe, existeront par eux-mêmes si rien d'extérieur ne s'y oppose. Le sperme n'est point encore l'homme en puissance : il faut qu'il soit dans un autre être et qu'il subisse un changement. Lorsque déjà, en vertu de l'action de son propre principe, il aura ce caractère, lorsqu'il aura enfin la propriété de produire si rien d'extérieur ne s'y oppose, alors il sera l'homme en puissance ; mais il faut pour cela l'action d'un autre principe. Ainsi la terre n'est pas encore la statue en puissance ; il faut qu'elle se change en airain, pour avoir ce caractère.

L'être qui contient un autre être en puissance est celui duquel on dit non point, qu'il est cela (17), mais qu'il est de cela (18) : un coffre n'est pas bois, mais de bois ; le bois n'est pas terre, mais de terre. S'il en est ainsi, si la matière qui contient un être en puissance est celle relativement à laquelle on dit : cet être est non pas cet autre, mais de cet autre, la terre ne contiendra l'être, en puissance, que d'une manière secondaire : ainsi on ne dit point que le coffre est de terre ou qu'il est terre, mais qu'il est de bois; car c'est le bois qui est le coffre en puissance : le bois en général est la matière du coffre en général ; tel bois est la matière de tel coffre. S'il y a quelque chose de premier, quel- 103 que chose qu'on ne puisse point rapporter à autre chose en disant qu'il est de cela, ce sera la matière première : si la terre est d'air, si l'air n'est pas feu mais de feu, le feu sera la matière première, le cela (19), la substance. C'est par là que different l'universel et le sujet ; l'un est un être réel, mais non pas l'autre : ainsi, l'homme, le corps, l'âme, sont les sujets des diverses modifications ; la modification c'est le musicien, le blanc. Lorsque la musique est une qualité de tel sujet, on ne dit pas qu'il est musique, mais musicien ; on ne dit pas que l'homme est blancheur, mais qu'il est blanc; qu'il est marche, ou mouvement, mai» qu'il est en marche ou en mouvement; comme on dit que l'être est de cela. Les êtres qui sont dans ce cas, les êtres premiers sont des substances; les autres ne sont que des formes, que le sujet déterminé; le sujet premier, c'est la matière et la substance matérielle. Et c'est avec raison qu'on ne dit point, en parlant de la matière, non plus qu'en parlant des modifications, qu'elles sont de cela ; [1049a] car la matière et les modifications sont également indéterminées.

Nous avons vu quand il faut dire qu'une chose en contient une autre en puissance, et quand elle ne la contient pas.

VIII

Ἐπεὶ δὲ τὸ πρότερον διώρισται ποσαχῶς λέγεται, [5] φανερὸν ὅτι πρότερον ἐνέργεια δυνάμεώς ἐστιν. Λέγω δὲ δυνάμεως οὐ μόνον τῆς ὡρισμένης ἣ λέγεται ἀρχὴ μεταβλητικὴ ἐν ἄλλῳ ἢ ᾗ ἄλλο, ἀλλ' ὅλως πάσης ἀρχῆς κινητικῆς ἢ στατικῆς.  Καὶ γὰρ ἡ φύσις ἐν ταὐτῷ γίγνεται· ἐν ταὐτῷ γὰρ γένει τῇ δυνάμει· ἀρχὴ γὰρ κινητική, ἀλλ' [10] οὐκ ἐν ἄλλῳ ἀλλ' ἐν αὐτῷ ᾗ αὐτό. Πάσης δὴ τῆς τοιαύτης προτέρα ἐστὶν ἡ ἐνέργεια καὶ λόγῳ καὶ τῇ οὐσίᾳ· χρόνῳ δ' ἔστι μὲν ὥς, ἔστι δὲ ὡς οὔ. Τῷ λόγῳ μὲν οὖν ὅτι προτέρα, δῆλον (τῷ γὰρ ἐνδέχεσθαι ἐνεργῆσαι δυνατόν ἐστι τὸ πρώτως δυνατόν, οἷον λέγω οἰκοδομικὸν τὸ δυνάμενον οἰκοδομεῖν, [15] καὶ ὁρατικὸν τὸ ὁρᾶν, καὶ ὁρατὸν τὸ δυνατὸν ὁρᾶσθαι· ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων,

ὥστ' ἀνάγκη τὸν λόγον προυπάρχειν καὶ τὴν γνῶσιν τῆς γνώσεως)·

τῷ δὲ χρόνῳ πρότερον ὧδε· τὸ τῷ εἴδει τὸ αὐτὸ ἐνεργοῦν πρότερον, ἀριθμῷ δ' οὔ. Λέγω δὲ τοῦτο ὅτι τοῦδε μὲν τοῦ ἀνθρώπου τοῦ [20] ἤδη ὄντος κατ' ἐνέργειαν καὶ τοῦ σίτου καὶ τοῦ ὁρῶντος πρότερον τῷ χρόνῳ ἡ ὕλη καὶ τὸ σπέρμα καὶ τὸ ὁρατικόν, ἃ δυνάμει μέν ἐστιν ἄνθρωπος καὶ σῖτος καὶ ὁρῶν, ἐνεργείᾳ δ' οὔπω· ἀλλὰ τούτων πρότερα τῷ χρόνῳ ἕτερα ὄντα ἐνεργείᾳ ἐξ ὧν ταῦτα ἐγένετο· ἀεὶ γὰρ ἐκ τοῦ δυνάμει ὄντος [25] γίγνεται τὸ ἐνεργείᾳ ὂν ὑπὸ ἐνεργείᾳ ὄντος, οἷον ἄνθρωπος ἐξ ἀνθρώπου, μουσικὸς ὑπὸ μουσικοῦ, ἀεὶ κινοῦντός τινος πρώτου· τὸ δὲ κινοῦν ἐνεργείᾳ ἤδη ἔστιν.

Εἴρηται δὲ ἐν τοῖς περὶ τῆς οὐσίας λόγοις ὅτι πᾶν τὸ γιγνόμενον γίγνεται ἔκ τινος τι καὶ ὑπό τινος, καὶ τοῦτο τῷ εἴδει τὸ αὐτό. Διὸ καὶ δοκεῖ [30] ἀδύνατον εἶναι οἰκοδόμον εἶναι μὴ οἰκοδομήσαντα μηθὲν ἢ κιθαριστὴν μηθὲν κιθαρίσαντα· ὁ γὰρ μανθάνων κιθαρίζειν κιθαρίζων μανθάνει κιθαρίζειν, ὁμοίως δὲ καὶ οἱ ἄλλοι. Ὅθεν ὁ σοφιστικὸς ἔλεγχος ἐγίγνετο ὅτι οὐκ ἔχων τις τὴν ἐπιστήμην ποιήσει οὗ ἡ ἐπιστήμη· ὁ γὰρ μανθάνων οὐκ ἔχει. [35] Ἀλλὰ διὰ τὸ τοῦ γιγνομένου γεγενῆσθαί τι καὶ τοῦ ὅλως κινουμένου κεκινῆσθαί τι (δῆλον δ' ἐν τοῖς περὶ κινήσεως τοῦτο) [1050a] [1] καὶ τὸν μανθάνοντα ἀνάγκη ἔχειν τι τῆς ἐπιστήμης ἴσως.  Ἀλλ' οὖν καὶ ταύτῃ γε δῆλον ὅτι ἡ ἐνέργεια καὶ οὕτω προτέρα τῆς δυνάμεως κατὰ γένεσιν καὶ χρόνον.

 Ἀλλὰ μὴν καὶ οὐσίᾳ γε, πρῶτον μὲν ὅτι τὰ τῇ γενέσει [5] ὕστερα τῷ εἴδει καὶ τῇ οὐσίᾳ πρότερα (οἷον ἀνὴρ παιδὸς καὶ ἄνθρωπος σπέρματος· τὸ μὲν γὰρ ἤδη ἔχει τὸ εἶδος τὸ δ' οὔ), καὶ ὅτι ἅπαν ἐπ' ἀρχὴν βαδίζει τὸ γιγνόμενον καὶ τέλος (ἀρχὴ γὰρ τὸ οὗ ἕνεκα, τοῦ τέλους δὲ ἕνεκα ἡ γένεσις), τέλος δ' ἡ ἐνέργεια, καὶ τούτου χάριν ἡ δύναμις [10] λαμβάνεται. Οὐ γὰρ ἵνα ὄψιν ἔχωσιν ὁρῶσι τὰ ζῷα ἀλλ' ὅπως ὁρῶσιν ὄψιν ἔχουσιν, ὁμοίως δὲ καὶ οἰκοδομικὴν ἵνα οἰκοδομῶσι καὶ τὴν θεωρητικὴν ἵνα θεωρῶσιν· ἀλλ' οὐ θεωροῦσιν ἵνα θεωρητικὴν ἔχωσιν, εἰ μὴ οἱ μελετῶντες· οὗτοι δὲ οὐχὶ θεωροῦσιν ἀλλ' ἢ ὡδί, ἢ ὅτι οὐδὲν δέονται θεωρεῖν. Ἔτι ἡ ὕλη ἔστι δυνάμει ὅτι ἔλθοι ἂν εἰς τὸ εἶδος· ὅταν δέ γε ἐνεργείᾳ ᾖ, τότε ἐν τῷ εἴδει ἐστίν. Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων, καὶ ὧν κίνησις τὸ τέλος, διὸ ὥσπερ οἱ διδάσκοντες ἐνεργοῦντα ἐπιδείξαντες οἴονται τὸ τέλος ἀποδεδωκέναι, καὶ ἡ φύσις ὁμοίως. Εἰ γὰρ μὴ οὕτω γίγνεται, ὁ [20] Παύσωνος ἔσται Ἑρμῆς· ἄδηλος γὰρ καὶ ἡ ἐπιστήμη εἰ ἔσω ἢ ἔξω, ὥσπερ κἀκεῖνος. Τὸ γὰρ ἔργον τέλος, ἡ δὲ ἐνέργεια τὸ ἔργον, διὸ καὶ τοὔνομα ἐνέργεια λέγεται κατὰ τὸ ἔργον καὶ συντείνει πρὸς τὴν ἐντελέχειαν.

Ἐπεὶ δ' ἐστὶ τῶν μὲν ἔσχατον ἡ χρῆσις (οἷον ὄψεως ἡ ὅρασις, καὶ οὐθὲν γίγνεται [25] παρὰ ταύτην ἕτερον ἀπὸ τῆς ὄψεως), ἀπ' ἐνίων δὲ γίγνεταί τι (οἷον ἀπὸ τῆς οἰκοδομικῆς οἰκία παρὰ τὴν οἰκοδόμησιν), ὅμως οὐθὲν ἧττον ἔνθα μὲν τέλος, ἔνθα δὲ μᾶλλον τέλος τῆς δυνάμεώς ἐστιν· ἡ γὰρ οἰκοδόμησις ἐν τῷ οἰκοδομουμένῳ, καὶ ἅμα γίγνεται καὶ ἔστι τῇ οἰκίᾳ. [30] Ὅσων μὲν οὖν ἕτερόν τί ἐστι παρὰ τὴν χρῆσιν τὸ γιγνόμενον, τούτων μὲν ἡ ἐνέργεια ἐν τῷ ποιουμένῳ ἐστίν (οἷον ἥ τε οἰκοδόμησις ἐν τῷ οἰκοδομουμένῳ καὶ ἡ ὕφανσις ἐν τῷ ὑφαινομένῳ, ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων, καὶ ὅλως ἡ κίνησις ἐν τῷ κινουμένῳ)· ὅσων δὲ μὴ ἔστιν ἄλλο τι ἔργον [35] παρὰ τὴν ἐνέργειαν, ἐν αὐτοῖς ὑπάρχει ἡ ἐνέργεια (οἷον ἡ ὅρασις ἐν τῷ ὁρῶντι καὶ ἡ θεωρία ἐν τῷ θεωροῦντι καὶ ἡ ζωὴ ἐν τῇ ψυχῇ, διὸ καὶ ἡ εὐδαιμονία·[1050b] ζωὴ γὰρ ποιά τίς ἐστιν).

 Ὥστε φανερὸν ὅτι ἡ οὐσία καὶ τὸ εἶδος ἐνέργειά ἐστιν. Κατά τε δὴ τοῦτον τὸν λόγον φανερὸν ὅτι πρότερον τῇ οὐσίᾳ ἐνέργεια δυνάμεως, καὶ ὥσπερ εἴπομεν, τοῦ χρόνου [5] ἀεὶ προλαμβάνει ἐνέργεια ἑτέρα πρὸ ἑτέρας ἕως τῆς τοῦ ἀεὶ κινοῦντος πρώτως.

 Ἀλλὰ μὴν καὶ κυριωτέρως· τὰ μὲν γὰρ ἀΐδια πρότερα τῇ οὐσίᾳ τῶν φθαρτῶν, ἔστι δ' οὐθὲν δυνάμει ἀΐδιον. Λόγος δὲ ὅδε· πᾶσα δύναμις ἅμα τῆς ἀντιφάσεώς ἐστιν· τὸ μὲν γὰρ μὴ δυνατὸν ὑπάρχειν οὐκ [10] ἂν ὑπάρξειεν οὐθενί, τὸ δυνατὸν δὲ πᾶν ἐνδέχεται μὴ ἐνεργεῖν. Τὸ ἄρα δυνατὸν εἶναι ἐνδέχεται καὶ εἶναι καὶ μὴ εἶναι· τὸ αὐτὸ ἄρα δυνατὸν καὶ εἶναι καὶ μὴ εἶναι. Τὸ δὲ δυνατὸν μὴ εἶναι ἐνδέχεται μὴ εἶναι· τὸ δὲ ἐνδεχόμενον μὴ εἶναι φθαρτόν, ἢ ἁπλῶς ἢ τοῦτο αὐτὸ ὃ λέγεται [15] ἐνδέχεσθαι μὴ εἶναι, ἢ κατὰ τόπον ἢ κατὰ τὸ ποσὸν ἢ ποιόν· ἁπλῶς δὲ τὸ κατ' οὐσίαν. Οὐθὲν ἄρα τῶν ἀφθάρτων ἁπλῶς δυνάμει ἔστιν ἁπλῶς (κατά τι δὲ οὐδὲν κωλύει, οἷον ποιὸν ἢ πού)· ἐνεργείᾳ ἄρα πάντα· οὐδὲ τῶν ἐξ ἀνάγκης ὄντων (καίτοι ταῦτα πρῶτα· εἰ γὰρ ταῦτα μὴ ἦν, οὐθὲν ἂν ἦν)· [20] οὐδὲ δὴ κίνησις, εἴ τίς ἐστιν ἀΐδιος· οὐδ' εἴ τι κινούμενον ἀΐδιον, οὐκ ἔστι κατὰ δύναμιν κινούμενον ἀλλ' ἢ ποθὲν ποί (τούτου δ' ὕλην οὐδὲν κωλύει ὑπάρχειν), διὸ ἀεὶ ἐνεργεῖ ἥλιος καὶ ἄστρα καὶ ὅλος ὁ οὐρανός, καὶ οὐ φοβερὸν μή ποτε στῇ, ὃ φοβοῦνται οἱ περὶ φύσεως. Οὐδὲ κάμνει τοῦτο δρῶντα· οὐ [25] γὰρ περὶ τὴν δύναμιν τῆς ἀντιφάσεως αὐτοῖς, οἷον τοῖς φθαρτοῖς, ἡ κίνησις, ὥστε ἐπίπονον εἶναι τὴν συνέχειαν τῆς κινήσεως· ἡ γὰρ οὐσία ὕλη καὶ δύναμις οὖσα, οὐκ ἐνέργεια, αἰτία τούτου. Μιμεῖται δὲ τὰ ἄφθαρτα καὶ τὰ ἐν μεταβολῇ ὄντα, οἷον γῆ καὶ πῦρ. Καὶ γὰρ ταῦτα ἀεὶ ἐνεργεῖ· [30] καθ' αὑτὰ γὰρ καὶ ἐν αὑτοῖς ἔχει τὴν κίνησιν.

Αἱ δὲ ἄλλαι δυνάμεις, ἐξ ὧν διώρισται, πᾶσαι τῆς ἀντιφάσεώς εἰσιν· τὸ γὰρ δυνάμενον ὡδὶ κινεῖν δύναται καὶ μὴ ὡδί, ὅσα γε κατὰ λόγον· αἱ δ' ἄλογοι τῷ παρεῖναι καὶ μὴ τῆς ἀντιφάσεως ἔσονται αἱ αὐταί. Εἰ ἄρα τινὲς εἰσὶ φύσεις [35] τοιαῦται ἢ οὐσίαι οἵας λέγουσιν οἱ ἐν τοῖς λόγοις τὰς ἰδέας, πολὺ μᾶλλον ἐπιστῆμον ἄν τι εἴη ἢ αὐτὸ ἐπιστήμη καὶ κινούμενον ἢ κίνησις· [1051a] 1] ταῦτα γὰρ ἐνέργειαι μᾶλλον, ἐκεῖναι δὲ δυνάμεις τούτων. Ὅτι μὲν οὖν πρότερον ἡ ἐνέργεια καὶ δυνάμεως καὶ πάσης ἀρχῆς μεταβλητικῆς, φανερόν.
 

104 Nous avons établi de combien de manières s'entend la priorité (20) ; et il est évident, d'après ce que nous avons dit, que l'acte est antérieur à la puissance. Et par puissance je n'entends pas seulement la puissance déterminée, celle qu'on définit, le principe du changement placé dans un autre être en tant qu'autre, mais en général tout principe de mouvement ou de repos. La nature (21) est dans ce cas; il y a entre elle et la puissance identité de genre, elle est un principe de mouvement, non point placé dans un autre être, mais dans le même être en tant que lui-même. Pour toutes les puissances de cette espèce, l'acte est antérieur à la puissance, et sous le rapport de la notion, et sous le rapport de l'essence; sous le rapport du temps, l'acte est quelquefois antérieur, quelquefois non. Que l'acte est antérieur sous le rapport de la notion, c'est ce qui est évident. La puissance première n'est puissante que parce qu'elle peut agir. C'est dans ce sens que j'appelle constructeur celui qui peut construire, doué de îa vue celui qui peut voir, visible ce qui peut être vu. Le même raisonnement s'applique à tout le reste.

105 Il faut donc de toute nécessité que la notion précède ; toute connaissance doit s'appuyer sur une connaissance (22).

Voici., sous le rapport du temps, comment il faut entendre l'antériorité : l'être qui agit est antérieur gé- nériquement, mais non point quant au nombre ; la matière, la semence, la faculté de voir, sont antérieures, sous le rapport du temps, à cet homme qui est actuellement en acte, au froment, au cheval, à la vision ; elles sont, en puissance, l'homme, le froment, la vision, mais elles ne les sont pas en acte. Ces puissances viennent elles-mêmes d'autres êtres, lesquels sous le rapport du temps sont en acte antérieurement à elles ; car il faut toujours que l'acte provienne de la puissance, par l'action d'un être qui existe en acte : ainsi, l'homme vient de l'homme, le musicien se forme sous le musicien; il y a toujours un premier moteur, et le premier moteur existe déjà en acte.

Nous avons dit, en parlant de la substance (23), que tout ce qui est produit vient de quelque chose, est produit par quelque chose; et que l'être produit est de même espèce que le moteur. Aussi est-il impossible, ce semble, d'être constructeur sans avoir jamais rien construit; joueur de flûte sans avoir joué, car c'est en jouant de la flûte qu'on apprend à en jouer. De même pour tous les autres cas. Et de là cet argument sophistique, Que celui qui ne connaît pas une science fera donc les choses qui sont l'objet de cette 106 science. Oui, sans doute, celui qui étudie ne possède pas encore la science. Mais de même que dans toute production il existe déjà quelque chose de produit, que dans tout mouvement il y a déjà un mouvement accompli (et nous l'avons démontré dans notre traité sur le mouvement (24)), [1050a] de même aussi il faut nécessairement que celui qui étudie, possède déjà quelques éléments de la science. Il résulte de ce qui précède que, dans ce sens, l'acte est antérieur à la puissance, et sous le rapport de la production, et sous le rapport du temps.

Il est aussi antérieur sous le rapport de la substance : d'abord parce que ce qui est postérieur quant à la production est antérieur quanta la forme et à la substance : ainsi , l'homme fait est antérieur à l'enfant, l'homme est antérieur au sperme, car l'un a déjà la forme, l'autre ne l'a point; ensuite parce que tout ce qui se produit tend à un principe et à un but, car la cause finale est un principe, et la production a pour but ce principe. L'acte aussi est un but; et la puissance est en vue de ce but. En effet, les animaux ne voient pas pour avoir la vue, mais ils ont la vue pour voir ; de même on possède l'art de bâtir pour bâtir, la science spéculative pour s'élever à la spéculation ; mais on ne s'élève pas à la spéculation pour posséder la science, sinon lorsqu'on apprend : encore dans ce dernier cas n'y a-t-il réellement pas spéculation ; il 107 n'y a qu'un exercice ; la spéculation pure n'a pas pour objet la satisfaction de nos besoins (25). De même aussi la matière proprement dite est une puissance, parce qu'elle est susceptible de recevoir une forme ; lorsqu'elle est en acte, alors elle possède la forme. De même enfin pour les autres cas ; de même pour les choses dont le but est un mouvement. Il en est de la nature comme des maîtres, lesquels pensent avoir atteint le but, lorsqu'ils ont montré leurs élèves à l'œuvre. Et en effet, s'il n'en était pas ainsi, on pourrait comparer leurs élèves à l'Hermès de Pason ; on ne reconnaîtrait point s'ils ont ou non la science, pas plus qu'on ne pouvait reconnaître si l'Hermès était en dedans ou en dehors de la pierre (26). L'œuvre, c'est le but, et l'action, c'est l'œuvre. Voilà pourquoi le mot action s'applique à l'œuvre, et pourquoi l'action est un acheminement à l'acte.

Ajoutons que la fin de certaines choses est simplement l'exercice : la fin de la vue, c'est la vision, el la vue ne produit absolument rien autre chose que la vision ; dans d'autres cas au contraire autre chose est 108 produit : ainsi de l'art de bâtir dérive non-seulement la construction mais la maison. Toutefois il n'y a réellement pas de fin dans le premier cas ; c'est surtout dans le second que la puissance a une fin. Car la construction existe dans ce qui est construit ; elle naît, elle existe en même temps que la maison. D'après cela, dans tous les cas où, indépendamment de l'exercice pur et simple, il y a quelque chose de produit, l'action est dans l'objet même qui est produit ; la construction, par exemple, dans ce qui est construit, le tissage dans ce qui est tissu. De même pour tout le reste ; et en général dans ce cas le mouvement est dans l'objet même qui est en mouvement. Mais toutes les fois qu'en dehors de l'acte il n'y a rien autre chose de produit, l'acte existe dans le sujet même : la vision, par exemple, est dans l'être qui voit; la théorie, dans celui qui fait la théorie;la vie, dans l'âme (27); et par suite, le bonheur même est un acte de l'âme, [1050b] car le bonheur aussi est une sorte de vie (28).

Il est donc évident que l'essence et la forme sont des actes ; d'où il suit évidemment aussi que l'acte, sous le rapport de la substance, est antérieur à la puissance. Par la même raison, l'acte est antérieur sous le rapport du temps ; et l'on remonte, comme nous l'avons dit, d'acte en acte, jusqu'à ce qu'on arrive à l'acte du moteur premier et éternel.

Du reste, on peut rendre plus manifeste encore la 109 vérité de notre proposition. Les êtres éternels sont antérieurs quant à la substance aux êtres périssables; et rien de ce qui est en puissance n'est éternel. On peut l'établir ainsi : Toute puissance suppose en même temps les contraires ; ce qui n'a pas la puissance d'exister n'existera nécessairement jamais; mais tout ce qui est en puissance peut fort bien ne point passer à l'acte : ce qui a la puissance d'être peut donc être ou n'être pas; la même chose a alors la puissance d'être et de ne pas être. Mais il peut se faire que ce qui a la puissance de ne pas être ne soit pas. Or, ce qui peut ne pas être est périssable, périssable absolument, ou bien périssable sous le point de vue où il peut ne pas être, quant au lieu, à la quantité, à la qualité; périssable absolument signifie périssable quant à l'essence. Rien donc de ce qui est périssable absolument n'est absolument en puissance; mais il peut être en puissance sous certains points de vue; ainsi, quant à la qualité, quant au lieu. Tout ce qui est impérissable est en acte ; il en est de même des principes nécessaires (29). Car ce sont des principes premiers; s'ils n'étaient pas, rien ne serait. De même pour le mouvement, s'il y a quelque mouvement éternel. Et s'il y a quelque objet qui soit dans un mouvement éternel, il 110 ne se meut pas en puissance, à moins qu'on n'entende par là la puissance de passer d'un lieu dans un autre. Rien n'empêche que cet objet, soumis à un mouvement éternel, ne soit éternel. C'est pour cela que le soleil, les astres, le ciel tout entier, sont toujours en acte ; et il n'y a pas à craindre qu'ils s'arrêtent jamais, comme le craignent les Physlciens (30) : ils ne se lassent point dans leur marche, car leur mouvement n'est point comme celui des êtres périssables, l'action d'une puissance qui admet les contraires. Ce qui fait que la continuité du mouvement est fatigante pour ces derniers, c'est que la substance des êtres périssables, c'est la matière, et que la matière existe seulement en puissance, et non en acte. Toutefois certains êtres soumis au changement sont eux-mêmes sous ce rapport une image des êtres impérissables; tels sont le feu, la terre. En effet, il sont toujours en acte, car ils ont le mouvement par eux-mêmes et en eux.

Les autres puissances que nous avons déterminées, admettent toutes les contraires : ce qui a la puissance de produire un mouvement de telle nature, peut aussi ne le pas produire (je parle ici des puissances rationnelles). Quant aux puissances irrationnelles, elles admettent aussi les contraires, en tant qu'elles peuvent être ou ne pas être. Si donc il y avait des natures, des substances du genre de celles dont parlent les partisans de la doctrine des idées, un être quelconque serait bien plus savant que la science en 111 soi, un objet en mouvement serait bien plus en mouvement que le mouvement en soi ; [1051a] car l'un serait l'acte, et l'autre est seulement la puissance. Il est donc évident que l'acte est antérieur à la puissance, et à tout principe de changement.

IX

Ὅτι δὲ καὶ βελτίων καὶ τιμιωτέρα τῆς σπουδαίας [5] δυνάμεως ἡ ἐνέργεια, ἐκ τῶνδε δῆλον. Ὅσα γὰρ κατὰ τὸ δύνασθαι λέγεται, ταὐτόν ἐστι δυνατὸν τἀναντία, οἷον τὸ δύνασθαι λεγόμενον ὑγιαίνειν ταὐτόν ἐστι καὶ τὸ νοσεῖν, καὶ ἅμα· ἡ αὐτὴ γὰρ δύναμις τοῦ ὑγιαίνειν καὶ κάμνειν, καὶ ἠρεμεῖν καὶ κινεῖσθαι, καὶ οἰκοδομεῖν καὶ καταβάλλειν, [10] καὶ οἰκοδομεῖσθαι καὶ καταπίπτειν. Τὸ μὲν οὖν δύνασθαι τἀναντία ἅμα ὑπάρχει· τὰ δ' ἐναντία ἅμα ἀδύνατον, καὶ τὰς ἐνεργείας δὲ ἅμα ἀδύνατον ὑπάρχειν (οἷον ὑγιαίνειν καὶ κάμνειν), ὥστ' ἀνάγκη τούτων θάτερον εἶναι τἀγαθόν, τὸ δὲ δύνασθαι ὁμοίως ἀμφότερον ἢ οὐδέτερον· [15] ἡ ἄρα ἐνέργεια βελτίων.

Ἀνάγκη δὲ καὶ ἐπὶ τῶν κακῶν τὸ τέλος καὶ τὴν ἐνέργειαν εἶναι χεῖρον τῆς δυνάμεως· τὸ γὰρ δυνάμενον ταὐτὸ ἄμφω τἀναντία. Δῆλον ἄρα ὅτι οὐκ ἔστι τὸ κακὸν παρὰ τὰ πράγματα· ὕστερον γὰρ τῇ φύσει τὸ κακὸν τῆς δυνάμεως. Οὐκ ἄρα οὐδ' ἐν τοῖς ἐξ ἀρχῆς [20] καὶ τοῖς ἀϊδίοις οὐθὲν ἔστιν οὔτε κακὸν οὔτε ἁμάρτημα οὔτε διεφθαρμένον (καὶ γὰρ ἡ διαφθορὰ τῶν κακῶν ἐστίν).

Εὑρίσκεται δὲ καὶ τὰ διαγράμματα ἐνεργείᾳ· διαιροῦντες γὰρ εὑρίσκουσιν. Εἰ δ' ἦν διῃρημένα, φανερὰ ἂν ἦν· νῦν δ' ἐνυπάρχει δυνάμει. Διὰ τί δύο ὀρθαὶ τὸ τρίγωνον; Ὅτι αἱ [25] περὶ μίαν στιγμὴν γωνίαι ἴσαι δύο ὀρθαῖς. Εἰ οὖν ἀνῆκτο ἡ παρὰ τὴν πλευράν, ἰδόντι ἂν ἦν εὐθὺς δῆλον διὰ τί. Ἐν ἡμικυκλίῳ ὀρθὴ καθόλου διὰ τί; Ἐὰν ἴσαι τρεῖς, ἥ τε βάσις δύο καὶ ἡ ἐκ μέσου ἐπισταθεῖσα ὀρθή, ἰδόντι δῆλον τῷ ἐκεῖνο εἰδότι. Ὥστε φανερὸν ὅτι τὰ δυνάμει ὄντα εἰς [30] ἐνέργειαν ἀγόμενα εὑρίσκεται· αἴτιον δὲ ὅτι ἡ νόησις ἐνέργεια· ὥστ' ἐξ ἐνεργείας ἡ δύναμις, καὶ διὰ τοῦτο ποιοῦντες γιγνώσκουσιν (ὕστερον γὰρ γενέσει ἡ ἐνέργεια ἡ κατ' ἀριθμόν).
 

Il est évident, d'après cela, que l'actualité du bien est préférable à la puissance du bien, et qu'elle est plus digne de nos respects. Chez tous les êtres dont on dit qu'ils peuvent, le même être peut les contraires. Celui dont on dit, par exemple: il peut être en bonne santé, celui-là même peut être malade, et cela, en même temps qu'il peut être en bonne santé. La même puissance produit la santé et la maladie; la même le repos et le mouvement; c'est la même puissance qui construit la maison et qui la détruit, et c'est en vertu de la même puissance que la maison est construite et qu'elle est détruite. C'est donc simultanément que le pouvoir des contraires réside dans les êtres ; mais il est impossible que les contraires existent simultanément, impossible qu'il y ait simultanéité dans les actes divers,,qu'il y ait à la fois, par exemple, santé et maladie (31). Donc le bien en acte est nécessairement l'un des deux contraires. Or, ou la puissance  112 est également l'un et l'autre des contraires, ou elle n'est ni l'un ni l'autre. Donc l'actualité du bien est meilleure que la puissance du bien.

Quant au mal, sa fin et son actualité sont nécessairement pires que sa puissance. Lorsqu'il n'y a que pouvoir, le même être est à la fois les deux contraires. Le mal, on le voit, n'a pas une existence indépendante des choses; car le mal est, de sa nature, inférieur même à la puissance. Il n'y a donc dans les principes, dans les êtres éternels, ni mal, ni péché, ni destruction ; car la destruction compte, elle aussi, au nombre des maux.

C'est en réduisant à l'acte lés figures géometriques que nous découvrons leurs propriétés; car c'est par une décomposition que nous trouvons les propriétés de ces figures. Si elles étaient, de leur nature, décomposées, leurs propriétés seraient évidentes; mais c'est en puissance que les propriétés existent avant la décomposition. Pourquoi la somme des trois angles d'un triangle est-elle égale à deux angles droits ? Parce que la somme des angles formés autour d'un même point, sur une même ligne, est égale à deux angles droits. Si l'on formait l'angle extérieur, en prolongeant l'un des côtés du triangle, la démonstration serait immédiatement évidente. Pourquoi l'angle inscrit dans le demi-cercle est-il invariablement un angle droit ? C'est parce qu'il y a égalité en ces trois lignes, Savoir : les deux moitiés de la base, et la droite menée du centre du cercle au sommet de l'angle  opposé à la base : cette égalité, si nous connaissons la démonstration, nous fait reconnaître la propriété de l'angle inscrit. 113 Il est donc clair que c'est par la réduction à l'acte qu'on découvre ce qu'il y a dans la puissance; et la cause en est que l'actualité c'est la conception même. Donc c'est de l'acte que se déduit la puissance; donc aussi c'est par l'acte qu'on connaît. Quant à l'actualité numérique, elle est postérieure à la puissance, dans l'ordre de production.

X

Ἐπεὶ δὲ τὸ ὂν λέγεται καὶ τὸ μὴ ὂν τὸ μὲν κατὰ [35] τὰ σχήματα τῶν κατηγοριῶν, τὸ δὲ κατὰ δύναμιν ἢ ἐνέργειαν τούτων ἢ τἀναντία, [1051b] [1] τὸ δὲ κυριώτατα ὂν ἀληθὲς ἢ ψεῦδος, τοῦτο δ' ἐπὶ τῶν πραγμάτων ἐστὶ τῷ συγκεῖσθαι ἢ διῃρῆσθαι, ὥστε ἀληθεύει μὲν ὁ τὸ διῃρημένον οἰόμενος διῃρῆσθαι καὶ τὸ συγκείμενον συγκεῖσθαι, ἔψευσται δὲ ὁ ἐναντίως [5] ἔχων ἢ τὰ πράγματα, πότ' ἔστιν ἢ οὐκ ἔστι τὸ ἀληθὲς λεγόμενον ἢ ψεῦδος; Τοῦτο γὰρ σκεπτέον τί λέγομεν. Οὐ γὰρ διὰ τὸ ἡμᾶς οἴεσθαι ἀληθῶς σε λευκὸν εἶναι εἶ σὺ λευκός, ἀλλὰ διὰ τὸ σὲ εἶναι λευκὸν ἡμεῖς οἱ φάντες τοῦτο ἀληθεύομεν.

Εἰ δὴ τὰ μὲν ἀεὶ σύγκειται καὶ ἀδύνατα διαιρεθῆναι, [10] τὰ δ' ἀεὶ διῄρηται καὶ ἀδύνατα συντεθῆναι, τὰ δ' ἐνδέχεται τἀναντία, τὸ μὲν εἶναί ἐστι τὸ συγκεῖσθαι καὶ ἓν εἶναι, τὸ δὲ μὴ εἶναι τὸ μὴ συγκεῖσθαι ἀλλὰ πλείω εἶναι· περὶ μὲν οὖν τὰ ἐνδεχόμενα ἡ αὐτὴ γίγνεται ψευδὴς καὶ ἀληθὴς δόξα καὶ ὁ λόγος ὁ αὐτός, καὶ ἐνδέχεται ὁτὲ μὲν ἀληθεύειν ὁτὲ δὲ ψεύδεσθαι· περὶ δὲ τὰ ἀδύνατα ἄλλως ἔχειν οὐ γίγνεται ὁτὲ [15] μὲν ἀληθὲς ὁτὲ δὲ ψεῦδος, ἀλλ' ἀεὶ ταὐτὰ ἀληθῆ καὶ ψευδῆ.

Περὶ δὲ δὴ τὰ ἀσύνθετα τί τὸ εἶναι ἢ μὴ εἶναι καὶ τὸ ἀληθὲς καὶ τὸ ψεῦδος; Οὐ γάρ ἐστι σύνθετον, ὥστε εἶναι μὲν ὅταν συγκέηται, μὴ εἶναι δὲ [20] ἐὰν διῃρημένον ᾖ, ὥσπερ τὸ λευκὸν τὸ ξύλον ἢ τὸ ἀσύμμετρον τὴν διάμετρον· οὐδὲ τὸ ἀληθὲς καὶ τὸ ψεῦδος ὁμοίως ἔτι ὑπάρξει καὶ ἐπ' ἐκείνων. Ἢ ὥσπερ οὐδὲ τὸ ἀληθὲς ἐπὶ τούτων τὸ αὐτό, οὕτως οὐδὲ τὸ εἶναι, ἀλλ' ἔστι τὸ μὲν ἀληθὲς ἢ ψεῦδος, τὸ μὲν θιγεῖν καὶ φάναι ἀληθές (οὐ γὰρ ταὐτὸ κατάφασις [25] καὶ φάσις), τὸ δ' ἀγνοεῖν μὴ θιγγάνειν (ἀπατηθῆναι γὰρ περὶ τὸ τί ἐστιν οὐκ ἔστιν ἀλλ' ἢ κατὰ συμβεβηκός· ὁμοίως δὲ καὶ περὶ τὰς μὴ συνθετὰς οὐσίας, οὐ γὰρ ἔστιν ἀπατηθῆναι· καὶ πᾶσαι εἰσὶν ἐνεργείᾳ, οὐ δυνάμει, ἐγίγνοντο γὰρ ἂν καὶ ἐφθείροντο, νῦν δὲ τὸ ὂν αὐτὸ οὐ γίγνεται οὐδὲ φθείρεται, [30] ἔκ τινος γὰρ ἂν ἐγίγνετο· Ὅσα δή ἐστιν ὅπερ εἶναί τι καὶ ἐνέργειαι, περὶ ταῦτα οὐκ ἔστιν ἀπατηθῆναι ἀλλ' ἢ νοεῖν ἢ μή· ἀλλὰ τὸ τί ἐστι ζητεῖται περὶ αὐτῶν, εἰ τοιαῦτά ἐστιν ἢ μή)·

τὸ δὲ εἶναι ὡς τὸ ἀληθές, καὶ τὸ μὴ εἶναι τὸ ὡς τὸ ψεῦδος, ἓν μέν ἐστιν, εἰ σύγκειται, ἀληθές, τὸ [35] δ' εἰ μὴ σύγκειται, ψεῦδος· τὸ δὲ ἕν, εἴπερ ὄν, οὕτως ἐστίν, εἰ δὲ μὴ οὕτως, οὐκ ἔστιν· [1052a] [1] τὸ δὲ ἀληθὲς τὸ νοεῖν ταῦτα· τὸ δὲ ψεῦδος οὐκ ἔστιν, οὐδὲ ἀπάτη, ἀλλὰ ἄγνοια, οὐχ οἵα ἡ τυφλότης· ἡ μὲν γὰρ τυφλότης ἐστὶν ὡς ἂν εἰ τὸ νοητικὸν ὅλως μὴ ἔχοι τις.

Φανερὸν δὲ καὶ ὅτι περὶ τῶν ἀκινήτων [5] οὐκ ἔστιν ἀπάτη κατὰ τὸ ποτέ, εἴ τις ὑπολαμβάνει ἀκίνητα. Οἷον τὸ τρίγωνον εἰ μὴ μεταβάλλειν οἴεται, οὐκ οἰήσεται ποτὲ μὲν δύο ὀρθὰς ἔχειν ποτὲ δὲ οὔ (μεταβάλλοι γὰρ ἄν), ἀλλὰ τὶ μὲν τὶ δ' οὔ, οἷον ἄρτιον ἀριθμὸν πρῶτον εἶναι μηθένα, ἢ τινὰς μὲν τινὰς δ' οὔ· ἀριθμῷ δὲ περὶ ἕνα οὐδὲ [10] τοῦτο· οὐ γὰρ ἔτι τινὰ μὲν τινὰ δὲ οὒ οἰήσεται, ἀλλ' ἀληθεύσει ἢ ψεύσεται ὡς ἀεὶ οὕτως ἔχοντος.
 

L'être et le non-être se prennent sous diverses acceptions. Il y a l'être selon les diverses formes des catégories ; puis l'être en puissance ou l'être en acte des catégories ; il y a les contraires de ces êtres. [1051b] Mais l'être proprement dit, c'est surtout le vrai, le non--être c'est le faux (32). La réunion ou la séparation, voilà ce qui constitue la vérité ou la fausseté des choses. Celui-là par conséquent est dans le vrai, qui pense que ce qui réellement est séparé, est séparé, que ce qui réellement est réuni, est réuni. Mais celui-là est dans le faux, qui pense le contraire de ce que dans telle circonstance sont ou ne sont pas les choses. Par conséquent tout ce qu'on dit est ou vrai, ou faux, car il faut qu'on réfléchisse à ce qu'on dit. Ce n'est pas parce que nous pensons que tu es blanc, que tu es blanc en effet ; 114 c'est parce que en effet tu es blanc, qu'en disant que tu l'es nous disons la vérité[34].

Il est des choses qui sont éternellement réunies, et leur séparation est impossible; d'autres sont éternellement séparées, et il est impossible de les réunir; d'autres enfin admettent les états contraires. Alors, être, c'est être réuni, c'est être un; n'être pas, c'est être séparé, être plusieurs. Quand il s'agit des choses qui admettent les états contraires, la même pensée, la même proposition, devient successivement fausse et vraie, et l'on peut être tantôt dans le vrai, tantôt dans le faux. Mais quand il s'agit des choses qui ne sauraient être autrement qu'elles ne sont, il n'y a plus tantôt vérité, tantôt fausseté : ces choses sont éternellement vraies ou fausses.

Mais qu'est-ce que l'être ou le non-être, qu'est-ce que le vrai ou le faux dans les choses qui ne sont pas composées ? Là, sans nul doute, l'être ce n'est pas la composition ; ce n'est pas lorsqu'elles sont composées, que les choses sont, lorsqu'elles ne sont pas composées qu'elles ne sont pas; comme le bois est blanc, comme le rapport de la diagonale au côté du carré est incommensurable. Le vrai et le faux sont-ils donc dans ces choses ce qu'ils sont dans les autres ? ou bien plutôt la vérité, et l'être ainsi que la vérité, ne sont-ils pas ici différents de ce qu'ils sont ailleurs ? Or, voici ce que c'est que le vrai, et voici ce que c'est que le faux 114 dans ces objets. Le vrai, c'est percevoir (33), et dire ce qu'on perçoit; et dire, ce n'est pas la même chose qu'affirmer. Ignorer c'est ne pas percevoir; car on ne peut être dans le faux qu'accidentellement quand il s'agit es essences. De même pour les substances simples, car il est impossible d'être dans le faux à leur égard. Toutes, elles existent en acte, non en puissance, sinon elles naîtraient et périraient; or, il n'y a pour l'être en soi ni production, ni destruction : sans cela il procéderait d'un autre être. Donc il ne peut y avoir d'erreur au sujet des êtres qui ont une existence déterminée, qui existent en acte ; seulement il y a ou il n'y a pas pensée de ces êtres. Toutefois, on examine quels sont leurs caractères, s'ils sont ou ne sont pas tels ou tels.

L'être considéré comme le vrai et le non-être comme le faux, s'entendent donc, sous un point de vue, le vrai quand il y a réunion, le faux quand il n'y a pas réunion. Sous un autre point de vue, l'être c'est l'existence déterminée , et l'existence indéterminée c'est le non-être. [1052a] Dans ce cas, la vérité , c'est la pensée qu'on a de ces êtres ; et il n'y a alors ni fausseté, ni erreur ; il n'y a que l'ignorance, ignorance qui ne ressemble pas à l'état de l'aveugle; car l'état de l'aveugle, ce serait n'avoir absolument pas la faculté de concevoir.

Il est évident en outre, si l'on admet des êtres immobiles, que les êtres immobiles ne peuvent dans aucun temps être des sujets d'erreur. Si le triangle n'est  116 pas sujet au changement, on ne saurait penser, tantôt que la somme de ses angles vaut, tantôt qu'elle ne vaut pas deux angles droits ; sinon, il serail sujet au changement. Mais on peut penser que tel être est immobile, que tel autre ne l'est pas. Ainsi on peut penser qu'il n'y a aucun nombre pair qui soit premier, ou bien que parmi les nombres pairs les uns sont premiers, les autres non. Mais s'agit-il des êtres qui sont uns numériquement, cela même n'est plus possible. On ne peut plus penser que dans certains cas il y a unité, tandis qu'il n'y aurait pas unité dans les autres cas : dés lors on sera dans le vrai ou dans le faux, parce qu'il y a toujours unité.

FIN DU LIVRE NEUVIEME.

NOTES.

LIVRE NEUVIÈME.

Page 91. Il en est qui prétendent, les philosophes de Mégare par exemple, qu'il n'y a puissance que lorsqu'il y a acte...

Dans quelques manuscrits d'Alexandre d'Aphrodisée, l'expression d'Aristote οἱ Μεγαρικοοί est paraphrasée οἱ περὶ Ζήνωνα. Voyez Schol., p. 778. Sepulveda traduit donc comme il a lu : Meyaricos appellat Zenonem ejusque sequaces, p. 233. Mais les manuscrits de Brandis donnent généralement τοὺς περὶ Εὐκλείδην, et en marge d'un ms. qui porte la fausse indication, on lit cette correction étrange, qui peut nous faire juger de l'état de la science historique au moyen-âge: Ἐλεατῶν ὁ Ζήνων῟, ᾦ φιλόσοφος, Ἐλεαταῖ δὲ οὐκ Μέγαροις, ἀλλ' ἐν τῇ Ῥώμῃ. Schol., p. 776. Du reste nous devons dire que la même erreur se retrouvait dans le manuscrit de Philopon, lequel, comme on sait, n'est le plus souvent que l'abréviateur d'Alexandre ; et Patrizzi l'a religieusement respectée, fol. 36, b : Megaricos forte dicit Zenonem. Iste enim in Megaris scholam habuit.

Page 99. La puissance et l'acte, pour l'infini, le vide, et tous les êtres de ce genre, s'entendent d'une autre manière que pour la plupart des autres êtres , tels que ce qui voit, ce qui marche, ce qui est vu.

344 BEKKER, p. 1048; BRANDIS, p. 182 : ἄλλως δὲ καὶ τὸ ἄπειρον καὶ τὸ κενὸν, καὶ ὅσα τοιαῦτα, λέγεται δυνάμει καὶ ἐνεργείᾳ πολλοῖς τῶν ὄντων, οἷον τῷ ὁρῶντι, καὶ βαδίζοντι καὶ ὁρωμένῳ.

Argyropule, ou Sepulveda, comme Du Val désigne ici le traducteur, reproduit ainsi ce passage : « Atqui alio modo et infinitum ipsum, et vacuum, et quae sunt istius modi, potentia atque actu dicuntur, et alio modo complura eorum quae sunt, ut videns, et ambulans, et quod videtur. » Bessanon donne à son tour : « Aliter autem infinitum, et vacuum, et quaecumque hujuscemodi, quam pleraque entium potentia et actu dicuntur, ut quam videns, ambulans et visum. » Du Val conclut de la comparaison de ces deux versions, que le passage est altéré : locus non est sanus, remarque-t-il à propos de cette phrase. Mais tous les manuscrits, tous les textes imprimés donnent la phrase telle que nous la reproduisons, et cette phrase est parfaitement claire ; et, bien mieux, la version d'Argyropule est identique au fond à celle que lui oppose Du Val : toute la différence, c'est que Bessarion suit le texte mot à mot, et qu'Argyropule fait sentir au lecteur que τοῖς πολλοῖς dépend de ἄλλως, en répétant son premier alio modo ; on ne voit donc pas ce qui a pu motiver la remarque de Du Val.

Page 100. Comme toutes les actions qui ont un. terme ne sont pas elles-mêmes un but, mais tendent à un but, etc.

Nous avons remarqué déjà que les anciens éditeurs semblaient suspecter l'authenticité de cette fin de chapitre. On ne la trouve point reproduite dans la vieille traduction du XIIIe siècle ; Argyropule ne la fait pas supposer davantage ; et dans la traduction d'Alexandre d'Aphrodisée par Sepulveda on ne voit pas trace de la paraphrase que le commentateur aurait dû en donner. Mais, comme le fait observer Du Val dans sa Synopsis analytica, partie II. p. 102, 103, cette fin de chapitre 345 est la suite et la conclusion naturelle de toute la discussion précédente. Après avoir parlé de l'acte en général, Aristote parle des actions, πράξεις, il établit une distinction dont il se servira par la suite, et qui est d'une grande importance, à savoir la distinction des actions ou actes imparfaits, et des actes parfaits ; en un mot il prépare, il fait pressentir la fameuse théorie du mouvement. .Du reste, le scrupule des anciens éditeurs et la lacune des anciens traducteurs peuvent s'expliquer aujourd'hui. Alexandre d'Aphrodisée a commenté le passage en question. Mais, des manuscrits de la Métaphysique qu'il avait sous les yeux, les uns le contenaient, les autres ne le contenaient pas. C'est lui- même qui nous apprend cette particularité : τοῦτο τὸ κεφαλαῖον ἐν πολλοῖς λείπει, Schol. in Arist., p. 781 ; Brandis, Metaph., p. 182, en note. Toutefois il ne cherche pas quelle est la raison d'une telle omission. Philopon, qui a aussi commenté le passage, fait la même observation qu'Alexandre : Hœc littera in multis deest, Patrizzi, fol. 37, b; mais sans plus de détail. De ces manuscrits, déjà différents dans l'antiquité, sont sortis deux familles de manuscrits, les uns qui ont été suivis par le vieux traducteur et par Argyropule, les autres, par Bessarion et par les éditeurs. Sepulveda, ne trouvant point dans Argyropule ni dans ses mss., le passage d'Aristote auquel correspondait la paraphrase, l'aura omise comme une superfluité.

Page 107. Et en effet, s'il n'en était pas ainsi, on pourrait comparer leurs élèves à l'Hermès de Pason ; on ne reconnaîtrait point s'ils ont ou non la science, pas plus qu'on ne pouvait reconnaître si l'Hermès était en dedans ou en dehors de la pierre.

Au lieu de Pason, quelques manuscrits et la plupart des éditeurs donnent Passon, nom tout aussi peu connu que le premier. Brandis dans son édition de la Métaphysique donne Pauson. Aristote cite au chapitre deuxième de la Poétique un certain Pauson ; mais Pauson, selon lui, était un peintre, et 346 il s'agit ici d'un statuaire. Il n'y a pas incompatibilité, sans doute, entre les deux qualités ; toutefois ce n'est que par une hypothèse gratuite qu'on les attribuerait ici au même individu. Brandis, dans les Scolies, p. 783, conserve le nom de Pason, qu'avait donné Sepulveda dans la traduction d'Alexandre. Voici l'histoire, fausse ou vraie, que raconte Alexandre à propos de l'Hermès de Pason : « Le statuaire Pason avait fait un Hermès de pierre de telle façon, qu'on voyait bien un Hermès, mais qu'on ne pouvait dire si cet Hermès était dans la pierre ou s'il était dehors. On ne pouvait dire qu'il fût dehors, puisqu'il eût fallu pour cela que la pierre fût sculptée, et qu'elle présentât des inégalités ; or, le bloc était parfaitement uni, uni comme un miroir. L'Hermès n'était donc pas en dehors. On eût pu dire qu'il était en dedans, si la pierre avait présenté des joints, des sutures : alors c'eût été un Hermès sculpté dans une pierre, puis recouvert, enfermé d'antres pierres fort minces ; l'Hermès fût resté visible par suite de la transparence des pierres minces qui l'auraient couvert, comme ces figures de cire qui restent visibles sous le verre ou tout autre corps transparent dont on les recouvre. On eût pu tirer ces conclusions, s'il en avait été ainsi. Mais la pierre n'était qu'un bloc unique et continu ; il n'y avait aucune pièce de rapport, etc. » Alex., Schol., p. 783 ; Sepulv., p. 240, 241.

Nous n'en savons pas davantage sur cette étrange particularité, ni sur Pason. Et il ne faut pas demander aux commentateurs du moyen-âge de nous éclairer sur ce point. Ils ont cru qu'il s'agissait d'une comparaison entre un certain Passienès ou Paxonas, et Mercure. « .... Sequeretur inconveniens, dit Albert le Grand, quod Passienes qui fuit homo iners, et nihil sciens laudabilium, esset adeo perfectus sicut Mercurius, qui tantœ speculationis fuit, quod Deus putabatur esse scientiœ.» Beat. Alb. magn. ord. prœd., t. III, p. 322. St. Thomas, qui lisait avec le vieux traducteur Paxonas Mercurius, fait une remarque analogue : « non videretur differentia inter aliquem sapientem, sicut fuit Mercurius, et aliquem insipientem, sicut fuit Paxonas. «In Metaph., fol.121,b. 347 On ne voit pas où les docteurs scolastiques ont puisé l'idée de cette comparaison bizarre.

Page 111. Mais il est impossible que les contraires existent simultanément , impossible qu'il y ait simultanéité dans les actes divers...

Ce dernier membre de pbrase τὰς ἐνεργίας δὲ ἅμα ἀδύνατον ὑπάρχειν, Brandis, p. 189, Bekker, p. 1051, n'a pas été traduit par les traducteurs latins; et les anciens éditeurs l'ont mis entre crochets, comme étant d'une authenticité douteuse. Brandis et Bekker ont banni avec raison ce scrupule exagéré. Ils ont admis sans restriction dans leur texte une portion de phrase qui ne manque que dans les deux mss., F et T, et qui, loin d'être une répétition oiseuse de ce qui précède, sert à préciser le sens de ces mots vagues : II est impossible que les contraires existent simultanément, τὰ δ' ἐναντία ἅμα ἀδύνατον.

Page 112. Pourquoi la somme des trois angles d'un triangle est-elle égale à deux angles droits ? Parce que la somme des angles formés autour d'un même point, sur une même ligne, est égale à deux angles droits. Si l'on formait l'angle extérieur, en prolongeant l'un des côtés du triangle, la démonstration serait immédiatement évidente. BEKKER, p. 1 051 ; BRANDIS, p. 1 89 : διὰ τί δύο ὀρθαὶ τὸ τρίγωνον; ὅτι αἱ περὶ μίαν στιγμὴν γωνίαι ἴσαι δύο ὀρθαῖς· εἰ οὖν ἀνῆκτο ἡ παρὰ τὴν πλευράν, ἰδόντι ἂν ἦν εὐθὺς δῆλον.

Nous n'avons pas besoin de justifier les additions que nous avons faites à la lettre d'Aristote. Traduire littéralement , c'eût été nous rendre inintelligibles. Un triangle de deux droits ne signifie rien en français, non plus qu'un angle allongé le long du côté ; et il n'est pas vrai que les angles formés 348  autour d'un point ne valent que deux angles droits. Il a donc fallu suppléer toutes les ellipses.

Argyropule, et Sepulveda, pag. 244, se sont trompés, à ce qu'il nous semble, sur le sens de ἡ παρὰ τὴν πλευράν : ils ont cru qu'il s'agissait d'une ligne, de la parallèle qu'on mène du sommet de l'angle extérieur pour faire la démonstration de l'égalité de la somme des trois angles avec deux angles droits ; ils traduisent ἡ παρὰ τὴν πλ. par les mots œquidistans a latere. Mais ἡ. π. τ. π.. indique évidemment un angle, l'angle extérieur ; et l'idée de ligne ne se trouve que dans le mot ἀνῆκτο, parce que pour former un angle, lorsqu'on n'a qu'une ligne sur un plan, il faut nécessairement tirer une autre ligne.

Page 112. C'est parce qu'il y a égalité entre ces trois lignes, savoir : les deux moitiés de la base, et /a droite menée du centre du cercle au sommet de l'angle opposé à la base.

Les trois lignes en question sont égales comme rayons d'un même cercle. On a alors deux triangles isocèles ; la somme totale des angles à la base de ces deux triangles vaut deux angles droits, et est précisément le double de l'angle au sommet du triangle total. Du reste, la phrase d'Aristote est ici encore plus elliptique, s'il est possible, que tout à l'heure ; c'est une véritable énigme, comme dit Alexandre ;, αἰνιγμτωδῶς τὸ παράδειγμα ἐπῆκει. Schol., pag. 785., Sepulv. p. 244.. Voici ses paroles : διότι ἐὰν ἴσαι τραῖς, ἥ τε βάσις δύο, καὶ ἡ ἐκ μέσου ἐπισταθεῖσα ὀρθὴ, ἰδόντι δῆλον τῷ ἐκεῖνο εἰδότι.

 

 

 

01  Ἐν τοῖς πρώτοις λόγοις

02 Ἡ δύναμις καὶ τὸ δὺνασθαι.

03. Liv, V, 12, t. 1, p. 177 sqq. L'expression ἐν ἄλλοις, dont se sert Aristote pour désigner le livre cinquième, n'a rien qui doive nous étonner. On sait, et notre avant-dernière note prouverait au besoin combien vagues sont habituellement ses renvois. 'Ἐν ἄλλοις ne signifie pas : Dans un autre ouvrage, Dans un ouvrage différent de celui-ci, mais simplement : Ailleurs, Dans un autre passage. Les commentateurs anciens, qui entendaient le grec aussi bien que nous, n'y ont pas vu autre chose. Plusieurs fois Aristote se sert de la même expression, au sujet du livre V, et toujours sans plus de conséquence. Or, c'est sur la signification présumée de ἐν ἄλλοις qu'on s'appuie uniquement, pour contester au περὶ τῶν ποσαχῶς la place qu'il occupe dans la Métaphysique. Il n'y a pas d'écrivain qui ne soit exposé à se servir de ces expressions : Comme je l'ai dit ailleurs, Comme je l'etablirai ailleurs , tout en parlant du même ouvrage, de l'ouvrage qu'il écrit présentement ; et toutes les subtilités de la critique ne feront jamais qu'on ne soit pas en droit de s'exprimer ainsi.

04.  Θλαστόν. Le vieux trad. impressibile ; Bessar. pressibile ; Argyrop. premi potest ; Sepulvcda, dans la traduction de la paraphrase : quod vero certo modo cedit, est fragile. Hengsteuberg, p. 167 : Zerdrückbar.

05Voyez liv. V, 22, t. I. p. 193-94.

06Λόγος.

07. Ἀποφορᾷ.

08. C'est l'École qu'on a appelee éristique, et dont Euclide, disciple de Parménide et de Socrate, fut le fondateur.

09. Le texte : οὐ γὰρ δὴ τοῦ γε πράγματος φθαρέντος· ἀεὶ γάρ ἐστιν. Cette phrase elliptique est expliquée ainsi par Alexandre, Sepulv., p. 233 : « Quod vero ait : Non enim re abolita hujusmodi est. Tunc contingit  ut ars non habeatur cum oblivione, tempore aut morbo amittitur ab eo qui habebat, non si res res et materia aboleatur. Si enim lapides omnes sublatos esse fingamus, non protinus fîet ut aedificator œdificandi artem amittat,sed retinebit etiam tunc lapidibus nullis existentibus : cui similis est caeterorum ratio. »

10. Voyez liv. IV, 5, t. 1, p. 128 sqq.

11. Voyez liv. V, 12, t. I, p. 180.

12. Περὶ ἐνεργίας. « Pour bien comprendre l'acte péripatéticien, il faut que notre esprit se dépouille de toutes ces notions habituelles sur la cause, l'effet et leur rapport. L'acte d'Aristote n'est pas plus l'acte moderne que la puissance n'est la cause telle que nous l'entendons. L'acte moderne est déterminé, comme l'acte péripatéticien ; voilà tout ce qu'ils ont de commun. Mais l'acte moderne est un simple effet, une modification, il n'est rien par lui-même. Pure abstraction quand il est pris indépendamment de sa cause, il n'a de réalité qu'autant qu'il lui est rattaché. Et même, à vrai dire, il n'y a pas plus d'acte indépendant de sa cause que de cause isolée de son acte. Il y a une cause en acte, et voilà tout. Au contraire, l'acte péripatéticien est absolu ; il est par lui-même ; il se rattache si peu par sa nature à la puissance, qu'il n'est pur et parfait qu'autant qu'il a brisé les liens qui l'unissent à elle. Seul il possède l'énergie, la force, la vie, l'existence positive. Enfin l'acte pour Aristote, c'est l'être dans toute sa plénitude. » E. Vacherot, Théorie des premiers principes, etc . p. 31, 32.

13. Aristote démontre dans la Physique, liv. II, 8, Bekk., p. 204 ; liv. IV, 8. Id., p. 214, 15, 16, que ni l'infini, ni le vide n'existent en acte dans les êtres.

14Πράξεις

15Κινήσεις, ἐνεργείας.

16Tout ce qui precède, depuis le commencement de l'alinéa est renfermé entre crochets dans les anciennes éditions. Voyez la note à la fin du volume.

17.  Τόδε.

18. Ἐκείνινον.

19Τόδε τι. Il ne faut pas dans ce passage expliquer rigoureusement cette expression ; il ne s'agit pas de l'essence, de la figure sensible, mais du sujet, de ce dont on dit cela, de ce qui ne se rapporte pas à autre chose. C'est en un mot, sauf une légère modification, le τόδε de tout à l'heure, dans son opposition avec ἐκείνινον. Si l'on entendait par τόδε τι l'être déterminé, on tomberait dans l'erreur, car Aristote dit à la fin de ce passage que la matière et les qualités sont complètement indéterminées, ἄμφω γὰρ ἀόριστα : designant par le mot matière ce qu'il vient de nommer τόδε τι.

20. Liv. V, 11, t. I, p. 174 sqq.

21Voyez liv. V, 4, t. I, p. 155 sqq., et Phys. auscult., II, 1, Bekker, p. 192, 193.

22Voyez liv. IV, 3, t.1, p. 113 sqq.

23. Liv. VII, 7 sqq.

24. Ἐν τοῖς περὶ κινήσεως. Aristote désigne par cette expression la Physique, et plus specialement le livre VI, 5, de ce traité, Bekker, p. 235, où il examine cette question, à propos de la théorie générale du mouvement.

25. Nous avons suivi, pour l'interprétation de cette phrase, fort obscure dans l'original, les indications de St. Thomas fol. 121, b : « Scilicet scientiam speculativam, ut speculentur. Non autem speculantur ut habeant theoreticam, nisi addiscentes (Arist. οἱ μελετῶντες), qui meditantur ea quœ sunt scientia? speculativae, ut acquirant eam. Et hi non perfecte speculantur, sed quodam modo, et imperfecte, ut supra dictum est (voyez liv. I, 2, t.1, p. 7 sqq.): quia speculari non est propter aliquam indigentiam, sed scientia jam habita, uti. Discentium autem speculatio est, quia indigent acquirere scientiam. »

26Voyez la note à la fin du volume.

27Voyez le De  Anima, passim, et particulièrement au liv. I, 1-4. Bekker, p. 402 ; liv. II, 1, Bekk., p. 412.

28Voyez. Ethic. Nicomach.. I, 1, Bekker, p. 1094-95.

29Aristote dans le De Interpretatione, chap. 13, Bekker, p. 23 : « Le necessaire et le non-nécessaire sont, d'après toute probabilité, la source de tout ce qui est et de tout ce qui n'est pas : on ne doit considérer les autres choses que comme des conséquences de ces principes. Il suit de là que ce qui est necessaire, est en acte; et enfin, ce qui est éternel ayant la priorité, que l'acte est antérieur à la puissance, etc. »

30. Empédocle, notamment, et ses sectateurs, suivant Alexandre et Philopon.

31. Liv. IV, 3 sqq., t. I, p. 114 sqq.

32Voyez liv. V, 29, t. I. p. 203 sqq.

33Θέγειν. Hengstenberg, es ergreift, mot à mot on saisit.

34. Aristote montre nettement dans le De Interpretatione, chap. 9, Bekk,, p. 18,19, que ce ne sont point les propositions énoncées par nous qui constituent la vérité ou la fausseté des choses.