LIVRE Χ
Autres traductions : Barthélemy SAINT-HILAIRE : livre Χ (bilingue)
LA MÉTAPHYSIQUE D’ARISTOTE.
Livre Χ
MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE. LIVRE DIXIÈME. (I) SOMMAIRE DU LIVRE DIXIÈME. I. De l'unité, et de son essence. — II. L'unité' est dans chaque genre une nature particulière; l'unité ne constitue par elle-même la nature d'aucun être. — III. Des divers modes d'opposition entre l'unité et la multitude. Hétérogénéité; différence. — IV. De la contrariété. V. Opposition de l'égal avec le grand et le petit. — VI. Difficulté relative à l'opposition de l'unité et de la multitude. — VII. Il faut que les intermédiaires entre les contraires soient de même nature que les contraires. — VIII. Les êtres différents d'espèce appartiennent au même genre. — IX. En quoi consiste la différence d'espèce; raison pour laquelle il y a des êtres qui diffèrent, et d'autres qui ne diffèrent pas d'espèce. — X. Différence du périssable et de l'impérissable. |
|
[1052a][15] Τὸ ἓν ὅτι μὲν λέγεται πολλαχῶς, ἐν τοῖς περὶ τοῦ ποσαχῶς διῃρημένοις εἴρηται πρότερον· πλεοναχῶς δὲ λεγομένου οἱ συγκεφαλαιούμενοι τρόποι εἰσὶ τέτταρες τῶν πρώτων καὶ καθ' αὑτὰ λεγομένων ἓν ἀλλὰ μὴ κατὰ συμβεβηκός. Τό τε γὰρ συνεχὲς ἢ ἁπλῶς ἢ μάλιστά γε [20] τὸ φύσει καὶ μὴ ἁφῇ μηδὲ δεσμῷ καὶ τούτων μᾶλλον ἓν καὶ πρότερον οὗ ἀδιαιρετωτέρα ἡ κίνησις καὶ μᾶλλον ἁπλῆ̓· ἔτι τοιοῦτον καὶ μᾶλλον τὸ ὅλον καὶ ἔχον τινὰ μορφὴν καὶ εἶδος, μάλιστα δ' εἴ τι φύσει τοιοῦτον καὶ μὴ βίᾳ, ὥσπερ ὅσα κόλλῃ ἢ γόμφῳ ἢ συνδέσμῳ, ἀλλὰ ἔχει ἐν αὑτῷ τὸ [25] αἴτιον αὐτῷ τοῦ συνεχὲς εἶναι. Τοιοῦτον δὲ τῷ μίαν τὴν κίνησιν εἶναι καὶ ἀδιαίρετον τόπῳ καὶ χρόνῳ, ὥστε φανερόν, εἴ τι φύσει κινήσεως ἀρχὴν ἔχει τῆς πρώτης τὴν πρώτην, οἷον λέγω φορᾶς κυκλοφορίαν, ὅτι τοῦτο πρῶτον μέγεθος ἕν. Τὰ μὲν δὴ οὕτως ἓν ᾗ συνεχὲς ἢ ὅλον, τὰ δὲ ὧν ἂν ὁ λόγος [30] εἷς ᾖ, τοιαῦτα δὲ ὧν ἡ νόησις μία, τοιαῦτα δὲ ὧν ἀδιαίρετος, ἀδιαίρετος δὲ τοῦ ἀδιαιρέτου εἴδει ἢ ἀριθμῷ· ἀριθμῷ μὲν οὖν τὸ καθ' ἕκαστον ἀδιαίρετον, εἴδει δὲ τὸ τῷ γνωστῷ καὶ τῇ ἐπιστήμῃ, ὥσθ' ἓν ἂν εἴη πρῶτον τὸ ταῖς οὐσίαις αἴτιον τοῦ ἑνός. Λέγεται μὲν οὖν τὸ ἓν τοσαυταχῶς, τό τε [35] συνεχὲς φύσει καὶ τὸ ὅλον, καὶ τὸ καθ' ἕκαστον καὶ τὸ καθόλου, πάντα δὲ ταῦτα ἓν τῷ ἀδιαίρετον εἶναι τῶν μὲν τὴν κίνησιν τῶν δὲ τὴν νόησιν ἢ τὸν λόγον. [1052b][1] Δεῖ δὲ κατανοεῖν ὅτι οὐχ ὡσαύτως ληπτέον λέγεσθαι ποῖά τε ἓν λέγεται, καὶ τί ἐστι τὸ ἑνὶ εἶναι καὶ τίς αὐτοῦ λόγος. Λέγεται μὲν γὰρ τὸ ἓν τοσαυταχῶς, καὶ ἕκαστον ἔσται ἓν τούτων, ᾧ [5] ἂν ὑπάρχῃ τις τούτων τῶν τρόπων· τὸ δὲ ἑνὶ εἶναι ὁτὲ μὲν τούτων τινὶ ἔσται, ὁτὲ δὲ ἄλλῳ ὃ καὶ μᾶλλον ἐγγὺς τῷ ὀνόματί ἐστι, τῇ δυνάμει δ' ἐκεῖνα,
ὥσπερ καὶ περὶ στοιχείου καὶ αἰτίου εἰ
δέοι λέγειν ἐπί τε τοῖς πράγμασι διορίζοντα καὶ τοῦ ὀνόματος ὅρον
ἀποδιδόντα. Ἔστι μὲν γὰρ ὡς [10] στοιχεῖον τὸ πῦρ ̔ἔστι δ' ἴσως καθ'
αὑτὸ καὶ τὸ ἄπειρον ἤ τι ἄλλο τοιοῦτον̓, ἔστι δ' ὡς οὔ· οὐ γὰρ τὸ
αὐτὸ πυρὶ καὶ στοιχείῳ εἶναι, ἀλλ' ὡς μὲν πρᾶγμά τι καὶ φύσις τὸ πῦρ
στοιχεῖον, τὸ δὲ ὄνομα σημαίνει τὸ τοδὶ συμβεβηκέναι αὐτῷ, ὅτι ἐστί
τι ἐκ τούτου ὡς πρώτου ἐνυπάρχοντος. Οὕτω [15] καὶ ἐπὶ αἰτίου καὶ
ἑνὸς καὶ τῶν τοιούτων ἁπάντων, διὸ καὶ τὸ ἑνὶ εἶναι τὸ ἀδιαιρέτῳ
ἐστὶν εἶναι, ὅπερ τόδε ὄντι καὶ ἰδίᾳ χωριστῷ ἢ τόπῳ ἢ εἴδει ἢ
διανοίᾳ, ἢ καὶ τὸ ὅλῳ καὶ ἀδιαιρέτῳ, μάλιστα δὲ τὸ μέτρῳ εἶναι πρώτῳ
ἑκάστου γένους καὶ κυριώτατα τοῦ ποσοῦ· ἐντεῦθεν γὰρ ἐπὶ τὰ ἄλλα
ἐλήλυθεν. [20] Μέτρον γάρ ἐστιν ᾧ τὸ ποσὸν γιγνώσκεται· γιγνώσκεται
δὲ ἢ ἑνὶ ἢ ἀριθμῷ τὸ ποσὸν ᾗ ποσόν, ὁ δὲ ἀριθμὸς ἅπας ἑνί, ὥστε πᾶν
τὸ ποσὸν γιγνώσκεται ᾗ ποσὸν τῷ ἑνί, καὶ ᾧ πρώτῳ ποσὰ γιγνώσκεται,
τοῦτο αὐτὸ ἕν· διὸ τὸ ἓν ἀριθμοῦ ἀρχὴ ᾗ ἀριθμός. Οὕτω δὴ πάντων μέτρον τὸ ἕν, ὅτι γνωρίζομεν ἐξ ὧν ἐστὶν ἡ οὐσία διαιροῦντες [20] ἢ κατὰ τὸ ποσὸν ἢ κατὰ τὸ εἶδος. Καὶ διὰ τοῦτο τὸ ἓν ἀδιαίρετον, ὅτι τὸ πρῶτον ἑκάστων ἀδιαίρετον. Οὐχ ὁμοίως δὲ πᾶν ἀδιαίρετον, οἷον ποὺς καὶ μονάς, ἀλλὰ τὸ μὲν πάντῃ, τὸ δ' εἰς ἀδιαίρετα πρὸς τὴν αἴσθησιν θετέον, ὥσπερ εἴρηται ἤδη· ἴσως γὰρ πᾶν συνεχὲς διαιρετόν.5. Ἀεὶ δὲ συγγενὲς [25] τὸ μέτρον· μεγεθῶν μὲν γὰρ μέγεθος, καὶ καθ' ἕκαστον μήκους μῆκος, πλάτους πλάτος, φωνῆς φωνή, βάρους βάρος, μονάδων μονάς. Οὕτω γὰρ δεῖ λαμβάνειν, ἀλλ' οὐχ ὅτι ἀριθμῶν ἀριθμός· καίτοι ἔδει, εἰ ὁμοίως. ἀλλ' οὐχ ὁμοίως ἀξιοῖ ἀλλ' ὥσπερ εἰ μονάδων μονάδας ἀξιώσειε [30] μέτρον ἀλλὰ μὴ μονάδα· ὁ δ' ἀριθμὸς πλῆθος μονάδων. Καὶ τὴν ἐπιστήμην δὲ μέτρον τῶν πραγμάτων λέγομεν καὶ τὴν αἴσθησιν διὰ τὸ αὐτό, ὅτι γνωρίζομέν τι αὐταῖς, ἐπεὶ μετροῦνται μᾶλλον ἢ μετροῦσιν. Ἀλλὰ συμβαίνει ἡμῖν ὥσπερ ἂν εἰ ἄλλου ἡμᾶς μετροῦντος ἐγνωρίσαμεν πηλίκοι ἐσμὲν [35] τῷ τὸν πῆχυν ἐπὶ τοσοῦτον ἡμῶν ἐπιβάλλειν. Πρωταγόρας δ' ἄνθρωπόν φησι πάντων εἶναι μέτρον, ὥσπερ ἂν εἰ τὸν ἐπιστήμονα εἰπὼν ἢ τὸν αἰσθανόμενον. [1053b][1] Τούτους δ' ὅτι ἔχουσιν ὁ μὲν αἴσθησιν ὁ δὲ ἐπιστήμην, ἅ φαμεν εἶναι μέτρα τῶν ὑποκειμένων. Οὐθὲν δὴ λέγοντες περιττὸν φαίνονταί τι λέγειν. Ὅτι μὲν οὖν τὸ ἑνὶ εἶναι μάλιστά ἐστι κατὰ τὸ ὄνομα ἀφορίζοντι [5] μέτρον τι, καὶ κυριώτατα τοῦ ποσοῦ, εἶτα τοῦ ποιοῦ, φανερόν· ἔσται δὲ τοιοῦτον τὸ μὲν ἂν ᾖ ἀδιαίρετον κατὰ τὸ ποσόν, τὸ δὲ ἂν κατὰ τὸ ποιόν· διόπερ ἀδιαίρετον τὸ ἓν ἢ ἁπλῶς ἢ ᾗ ἕν. |
[1052a] Nous avons dit précédemment, dans le livre des différentes acceptions (01), que l'unité s'entend de plu- 118 sieurs manières. Mais ces modes nombreux peuvent se réduire en somme à quatre modes principaux qui embrassent tout ce qui est un primitivement et en soi, et non accidentellement. Il y a d'abord la continuité, continuité pure et simple, ou bien et surtout continuité naturelle, et qui n'est pas seulement le résultat d'un contact ou d'un lien. Et parmi les êtres continus, ceux-là ont plus d'unité, et une unité antérieure, dont le mouvement est plus indivisible et plus simple. Il y a aussi unité, et plus encore, dans l'ensemble, dans ce qui a une figure et une forme ; surtout si l'ensemble est un produit naturel, et non pas, comme dans les choses qui sont unies par la colle, par un clou, par un lien, le résultat de la violence : un tel ensemble porte en lui la cause de sa continuité ; et cette cause c'est que son mouvement est un, indivisible dans l'espace et dans le temps. Il est donc évident que s'il y a quelque cbose qui ait, par sa nature, le premier principe du mouvement premier, et par mouvement premier j'entends le mouvement circulaire (02), cette cbose est l'unité primitive de grandeur. L'unité dont nous parlons est donc ou bien la continuité, ou 119 bien l'ensemble. Mais l'unité se dit encore de ce dont la notion est une, ce qui a lieu quand il y a l'unité de pensée, qui est la pensée indivisible. Or, la pensée indivisible, c'est la pensée de ce qui est indivisible soit sous le rapport de la forme, soit sous le rapport du nombre. L'êtré particulier est indivisible numériquement; l'indivisible sous le rapport de la forme, c'est ce qui est indivisible sous le rapport de la connaissance et de la science. L'unité primitive est, par conséquent, celle qui est la cause de l'unité des substances.Voici donc les quatre modes de l'unité : continuité naturelle (03), ensemble (04), individu (05), universel (06). Et ce qui constitue l'unité dans tous les cas, c'est l'indivisibilité du mouvement pour certains êtres, et pour les autres, l'indivisibilité de la pensée ou de la notion. [1052b] Remarquons qu'il ne faut pas confondre tout ce qui a la dénomination d'unité, avec l'essence même et la notion de l'unité. L'unité a toutes les acceptions que nous venons de dire, et tout être est un, qui porte en lui un de ces caractères de l'unité. Mais l'unité essentielle peut exister tantôt dans quelques-unes des choses que nous venons d'indiquer, tantôt dans d'autres choses qui se rapportent plus encore à l'unité proprement ditej les premières ne sont des unités qu'en puissance. 120 Quand il s'agit de l'élément et de la cause, il faut établir des distinctions dans les objets, et donner la définition du nom. En effet, le feu,l'infini peut-être, si l'infini existe en soi, et toutes les choses analogues sont des éléments sous un point de vue, et sous un autre n'en sont pas. Feu et élément ne sont pas identiques l'un à l'autre dans l'essence, mais le feu est un élément parce qu'il est un certain objet, une certaine nature. Pour le mot élément, il désigne le cas où une chose est la matière primitive qui constitue autre chose. Cette distinction s'applique aussi à la cause, à l'unité, à tous les principes analogues. Ainsi l'essence de l'unité, c'est, d'une part, l'indivisibilité, c'est-à-dire l'existence déterminée, inséparable soit dans l'espace, soit sous le rapport de la forme, soit par la pensée, soit dans l'ensemble et dans la définition, tandis que d'une autre part l'unité est surtout la mesure première de chaque genre d'objets, et par excellence la mesure première de la quantité. C'est de cette mesure que procèdent les autres mesures; car la mesure de la quantité, c'est ce qui fait connaître la quantité, et la quantité en tant que quantité se connaît ou par l'unité ou par le nombre. Or, tout nombre est connu au moyen de l'unité. Ce qui fait connaître toute quantité en tant que quantité, c'est par conséquent l'unité, et ia mesure primitive par laquelle on connaît, est l'unité même; d'où il suit que l'unité est le principe du nombre en tant que nombre. C'est par analogie avec cette mesure que dans le reste on appelle mesure une chose première au moyen 121 de laquelle on connaît, et que la mesure des divers genres d'être est une unité, unité de longueur, de largeur, de profondeur, de pesanteur, de vitesse. C'est que la pesanteur, la vitesse, se trouvent à la fois dans les contraires, car l'une et l'autre sont doubles : il y a, par exemple, la pesanteur de ce qui a un poids quelconque, et la pesanteur de ce qui a un poids considérable; il y a la vitesse de ce qui a un mouvement quelconque, et la vitesse de ce qui a un mouvement précipité. En un mot, ce qui est lent a sa vitesse, ce qui est léger a sa pesanteur. Dans tous les cas dont il s'agit maintenant, la mesure, le principe, est quelque chose d'un et d'indivisible. Pour la mesure des lignes, on va jusqu'à considérer le pied comme une ligne indivisible, à cause de cette nécessité de trouver dans tous les cas une mesure une et indivisible. Or cette mesure, c'est ce qui est simple, soit sous le rapport de la qualité, soit sous celui de la quantité. Une chose à laquelle on ne peut rien retrancher, ni rien ajouter, voilà la mesure exacte. Celle du nombre est donc la plus exacte des mesures : on définit en effet la monade, indivisible dans tous les sens. Les autres mesures ne sont que des imitations de la monade. Si l'on ajoutait, si l'on retranchait quelque chose au stade, au talent, et en général à une grande mesure, cette addition ou ce retranchement se ferait moins sentir que si l'on opérait sur une quantité plus petite. Une chose première à laquelle on ne peut rien retrancher qui soit appréciable aux sens, tel est le caractère général de la mesure, et pour les liquides et pour les solides, el pour la pesanteur et pour la grandeur ; et 122 l'on pense connaître la quantité, quand on connaît par cette mesure. La mesure du mouvement, c'est le mouvement simple, le mouvement le plus rapide, car ce mouvement a une courte durée. Dans l'Astronomie, il y a une unité de ce genre, qui sert de principe et de mesure : on admet que le mouvement du ciel, auquel on rapporte tous les autres, est un mouvement uniforme, et le plus rapide des mouvements. L'unité dans la musique est le demi-ton, parce que c'est le plus court des sons perceptibles ; dans la syllabe c'est la lettre. Et l'unité dans ces cas divers, n'est pas simplement l'unité générique, c'est l'unité au sens où nous venons de l'entendre. Cependant la mesure n'est pas toujours un objet numériquement un ; il y a quelquefois pluralité. Ainsi, le demi-ton est deux choses : il y a le demi-ton qui n'est pas perçu par l'ouïe, mais qui est la notion même du demi-ton ; il y a plusieurs lettres pour mesurer les syllabes ; enfin la diagonale a deux mesures (07), et, comme elle, le côté et toutes les grandeurs. L'unité est donc la mesure de toutes choses, parce que c'est en divisant la substance sous le rapport de la quantité ou sous le rapport de la forme, que nous connaissons ce qui constitue la substance. Et l'unité est indivisible, par la raison que l'élément premier de chaque être est indivisible. Cependant les unités ne 123 sont pas toutes indivisibles de la même manière : voyez le pied et la monade. Il y a des unités absolument indivisibles; d'autres admettent, comme nous l'avons dit déjà, une division en parties indivisibles pour le sens, car probablement tout continu peut se diviser. Du reste, là mesure d'un objet est toujours du genre de cet objet. En général, c'est la grandeur qui mesure la grandeur ; et en particulier on mesure la longueur par la longueur, la largeur par la largeur, le son par le son, la pesanteur par la pesanteur, les monades par la monade. C'est ainsi qu'il faut exprimer ce dernier terme, et non pas dire que le nombre est la mesure des nombres ; ce qu'on devrait dire en apparence, puisque la mesure est du même genre que l'objet. Mais parler ainsi, ce ne serait pas dire ce que nous avons dit ; ce serait dire : La mesure des monades ce sont les monades, et non pas c'est la monade ; le nombre est une multitude de monades. Nous donnons aussi à la science et à la sensation le nom de mesure des choses, par la même raison qu'à l'unité : elles nous donnent la connaissance des objets. En réalité, elles ont plutôt une mesure (08), qu'elles ne servent de mesure elles-mêmes; mais nous sommes, relativement à la science, comme dans le cas où quelqu'un nous mesure : nous connaissons quelle est notre taille, parce qu'il a appliqué tant de fois la coudée sur nous (09). 124 Protagoras prétend que l'homme est la mesure de toutes choses (10). Par là, sans doute, il entend l'homme qui sait, ou l'homme qui sent ; c'est-à-dire l'homme qui a la science, et l'homme qui a la connaissance sensible. [1053b] Or, nous admettons que ce sont là des mesures des objets. Il n'y a donc rien de si merveilleux (11) dans l'opinion de Protagoras ; mais toutefois sa proposition n'est pas dénuée de sens. Nous avons montré que l'unité (en donnant à ce mot sa signification propre), est la mesure par excellence, qu'elle est avant tout la mesure de la quantité, qu'elle est ensuite celle de la qualité. L'indivisible sous le rapport de la quantité, l'indivisible sous le rapport de la qualité, voilà dans l'un et l'autre cas ce qui constitue l'unité. L'unité est, par conséquent, indivisible, ou absolument indivisible, ou en tant qu'unité. |
Κατὰ δὲ τὴν οὐσίαν καὶ τὴν φύσιν ζητητέον ποτέρως [10] ἔχει, καθάπερ ἐν τοῖς διαπορήμασιν ἐπήλθομεν τί τὸ ἕν ἐστι καὶ πῶς δεῖ περὶ αὐτοῦ λαβεῖν, πότερον ὡς οὐσίας τινὸς οὔσης αὐτοῦ τοῦ ἑνός, καθάπερ οἵ τε Πυθαγόρειοί φασι πρότερον καὶ Πλάτων ὕστερον, ἢ μᾶλλον ὑπόκειταί τις φύσις καὶ [πῶς] δεῖ γνωριμωτέρως λεχθῆναι καὶ μᾶλλον ὥσπερ οἱ [15] περὶ φύσεως· ἐκείνων γὰρ ὁ μέν τις φιλίαν εἶναί φησι τὸ ἓν ὁ δ' ἀέρα ὁ δὲ τὸ ἄπειρον. Εἰ δὴ μηδὲν τῶν καθόλου δυνατὸν οὐσίαν εἶναι, καθάπερ ἐν τοῖς περὶ οὐσίας καὶ περὶ τοῦ ὄντος εἴρηται λόγοις, οὐδ' αὐτὸ τοῦτο οὐσίαν ὡς ἕν τι παρὰ τὰ πολλὰ δυνατὸν εἶναι κοινὸν γάῤ ἀλλ' ἢ κατηγόρημα [20] μόνον, δῆλον ὡς οὐδὲ τὸ ἕν· τὸ γὰρ ὂν καὶ τὸ ἓν καθόλου κατηγορεῖται μάλιστα πάντων. Ὥστε οὔτε τὰ γένη φύσεις τινὲς καὶ οὐσίαι χωρισταὶ τῶν ἄλλων εἰσίν, οὔτε τὸ ἓν γένος ἐνδέχεται εἶναι διὰ τὰς αὐτὰς αἰτίας δι' ἅσπερ οὐδὲ τὸ ὂν οὐδὲ τὴν οὐσίαν. Ἔτι δ' ὁμοίως ἐπὶ πάντων ἀναγκαῖον ἔχειν· [25] λέγεται δ' ἰσαχῶς τὸ ὂν καὶ τὸ ἕν· ὥστ' ἐπείπερ ἐν τοῖς ποιοῖς ἐστί τι τὸ ἓν καί τις φύσις, ὁμοίως δὲ καὶ ἐν τοῖς ποσοῖς, δῆλον ὅτι καὶ ὅλως ζητητέον τί τὸ ἕν, ὥσπερ καὶ τί τὸ ὄν, ὡς οὐχ ἱκανὸν ὅτι τοῦτο αὐτὸ ἡ φύσις αὐτοῦ. Ἀλλὰ μὴν ἔν γε χρώμασίν ἐστι τὸ ἓν χρῶμα, οἷον τὸ λευκόν, εἶτα [30] τὰ ἄλλα ἐκ τούτου καὶ τοῦ μέλανος φαίνεται γιγνόμενα, τὸ δὲ μέλαν στέρησις λευκοῦ ὥσπερ καὶ φωτὸς σκότος [τοῦτο δ' ἐστὶ στέρησις φωτός]· ὥστε εἰ τὰ ὄντα ἦν χρώματα, ἦν ἂν ἀριθμός τις τὰ ὄντα, ἀλλὰ τίνων; Δῆλον δὴ ὅτι χρωμάτων, καὶ τὸ ἓν ἦν ἄν τι ἕν, οἷον τὸ λευκόν. Ὁμοίως δὲ καὶ [35] εἰ μέλη τὰ ὄντα ἦν, ἀριθμὸς ἂν ἦν, διέσεων μέντοι, ἀλλ' οὐκ ἀριθμὸς ἡ οὐσία αὐτῶν· καὶ τὸ ἓν ἦν ἄν τι οὗ ἡ οὐσία οὐ τὸ ἓν ἀλλὰ δίεσις. [1054a][1] Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν φθόγγων στοιχείων ἂν ἦν τὰ ὄντα ἀριθμός, καὶ τὸ ἓν στοιχεῖον φωνῆεν. Καὶ εἰ σχήματα εὐθύγραμμα, σχημάτων ἂν ἦν ἀριθμός, καὶ τὸ ἓν τὸ τρίγωνον. Ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων [5] γενῶν, ὥστ' εἴπερ καὶ ἐν τοῖς πάθεσι καὶ ἐν τοῖς ποιοῖς καὶ ἐν τοῖς ποσοῖς καὶ ἐν κινήσει ἀριθμῶν ὄντων καὶ ἑνός τινος ἐν ἅπασιν ὅ τε ἀριθμὸς τινῶν καὶ τὸ ἓν τὶ ἕν, ἀλλ' οὐχὶ τοῦτο αὐτὸ ἡ οὐσία, καὶ ἐπὶ τῶν οὐσιῶν ἀνάγκη ὡσαύτως ἔχειν· ὁμοίως γὰρ ἔχει ἐπὶ πάντων. Ὅτι μὲν οὖν τὸ ἓν ἐν [10] ἅπαντι γένει ἐστί τις φύσις, καὶ οὐδενὸς τοῦτό γ' αὐτὸ ἡ φύσις τὸ ἕν, φανερόν, ἀλλ' ὥσπερ ἐν χρώμασι χρῶμα ἓν ζητητέον αὐτὸ τὸ ἕν, οὕτω καὶ ἐν οὐσίᾳ οὐσίαν μίαν αὐτὸ τὸ ἕν· ὅτι δὲ ταὐτὸ σημαίνει πως τὸ ἓν καὶ τὸ ὄν, δῆλον τῷ τε παρακολουθεῖν ἰσαχῶς ταῖς κατηγορίαις καὶ μὴ εἶναι ἐν [15] μηδεμιᾷ οἷον οὔτ' ἐν τῇ τί ἐστιν οὔτ' ἐν τῇ ποῖον, ἀλλ' ὁμοίως ἔχει ὥσπερ τὸ ὄν καὶ τῷ μὴ προσκατηγορεῖσθαι ἕτερόν τι τὸ εἷς ἄνθρωπος τοῦ ἄνθρωπος ὥσπερ οὐδὲ τὸ εἶναι παρὰ τὸ τί ἢ ποῖον ἢ πόσον καὶ <τῷ εἶναι> τὸ ἑνὶ εἶναι τὸ ἑκάστῳ εἶναι. |
Il faut se demander quelle est l'essence, quelle est 125 la nature des êtres, avons-nous dit en traitant des difficultés à résoudre (12). Qu'est-ce donc que l'unité, et quelle idée doit-on s'en faire ? Considérerons-nous l'unité comme une substance, opinion que professèrent les Pythagoriciens jadis, et depuis eux Platon ? Ou bien n'y a-t-il pas plutôt quelque nature qui est la substance de l'unité ? Faut-il ramener l'unité à un terme plus connu, et adopter de préférence la méthode des Physiciens, lesquels prétendent, l'un que l'unité c'est l'Amitié, celui-ci que c'est l'air, celui-là l'infini ? S'il n'est pas possible que rien de qui est universel soit substance, comme nous l'avons dit en traitant de la substance et de l'être (13) ; si l'universel n'a même pas une existence substantielle, une et déterminée, en dehors de la multiplicité des choses, car l'universel est commun à tous les êtres ; si enfin il n'est qu'un attribut, évidemment l'unité, elle non plus, n'est pas une substance, car l'être et l'unité sont, par excellence, l'attribut universel. Ainsi donc, d'un côté les universaux ne sont pas des natures et des substances indépendantes des êtres particuliers; et de l'autre, l'unité, pas plus que l'être, et par les mêmes raisons, ne peut être ni un genre, ni la substance universelle des choses. D'ailleurs, l'unité doit se dire également de tous les êtres. L'être et l'unité se prennent sous autant d'acceptions l'un que l'autre. Si donc il y a pour les qualités, 126 ainsi que pour les quantités, une unité, une nature particulière, il faut bien, évidemment, qu'on se pose cette question en général : Qu'est-ce que l'unité ? comme on se demande : Qu'est-ce que l'être ? Il ne suffit pas de dire que l'unité, c'est la nature de l'unité. Dans les couleurs, l'unité est une couleur ; c'est le blanc, par exemple. Toutes les couleurs semblent venir du blanc et du noir; mais le noir n'est que la privation du blanc, comme les ténèbres sont la privation de la lumière, car les ténèbres ne sont réellement qu'une privation de lumière. Admettons que les êtres soient des couleurs; alors les êtres seraient un nombre, mais quelle espèce de nombre ? Évidemment un nombre de couleurs ; et l'unité proprement dite serait une unité particulière, par exemple, le blanc. Si les êtres étaient des accords, les êtres seraient un nombre, un nombre de demi-tons ; mais la substance des accords ne serait pas un nombre seulement ; et l'unité aurait pour substance, non pas l'unité pure et simple, mais le demi-ton. [1054a] De même encore si les êtres étaient les éléments des syllabes, ils seraient un nombre, et l'unité serait l'élément voyelle ; enfin ils seraient un nombre de figures, et l'unité serait le triangle, si les êtres étaient des figures rectilignes. Le même raisonnement s'applique à tous les autres genres. Ainsi, dans les modifications, dans les qualités, dans les quantités, dans le mouvement, il y a toujours des nombres et une unité : le nombre est un nombre de choses particulières, et l'unité est un objet particulier, mais n'est pas elle-même la substance de cet ob- 127 jet. Les essences sont nécessairement dans le même cas ; car cette observation s'applique également à tous les êtres. On voit alors que l'unité est dans chaque genre une nature particulière, et que l'unité n'est elle-même la nature de quoi que ce soit; et de même que dans les couleurs l'unité qu'il faut chercher est une couleur, de même l'unité qu'il faut chercher dans les essences, c'est une essence. Ce qui prouve d'ailleurs que l'unité signifie, sous un point de vue, la même chose que l'être, c'est qu'elle accompagne comme l'être, toutes les catégories, et, comme lui, ne réside en particulier dans aucune d'elles, ni dans l'essence, ni dans la qualité, pour citer des exemples ; c'est qu'ensuite il n'y a rien de plus dans l'expression quand on dit : un homme, que quand on dit : homme ; de la même manière que l'être ne signifie pas autre chose que substance, ou qualité, bu quantité : c'est qu'enfin l'unité, dans son essence, c'est l'individualité même (14). |
Ἀντίκειται δὲ τὸ ἓν καὶ τὰ πολλὰ κατὰ πλείους τρόπους, ὧν ἕνα τὸ ἓν καὶ τὸ πλῆθος ὡς ἀδιαίρετον καὶ διαιρετόν· τὸ μὲν γὰρ ἢ διῃρημένον ἢ διαιρετὸν πλῆθός τι λέγεται, τὸ δὲ ἀδιαίρετον ἢ μὴ διῃρημένον ἕν. Ἐπεὶ οὖν αἱ ἀντιθέσεις τετραχῶς, καὶ τούτων κατὰ στέρησιν λέγεται θάτερον, [25] ἐναντία ἂν εἴη καὶ οὔτε ὡς ἀντίφασις οὔτε ὡς τὰ πρός τι λεγόμενα. Λέγεται δὲ ἐκ τοῦ ἐναντίου καὶ δηλοῦται τὸ ἕν, ἐκ τοῦ διαιρετοῦ τὸ ἀδιαίρετον, διὰ τὸ μᾶλλον αἰσθητὸν τὸ πλῆθος εἶναι καὶ τὸ διαιρετὸν ἢ τὸ ἀδιαίρετον, ὥστε τῷ λόγῳ πρότερον τὸ πλῆθος τοῦ ἀδιαιρέτου διὰ τὴν αἴσθησιν. Ἔστι δὲ τοῦ [30] μὲν ἑνός, ὥσπερ καὶ ἐν τῇ διαιρέσει τῶν ἐναντίων διεγράψαμεν, τὸ ταὐτὸ καὶ ὅμοιον καὶ ἴσον, τοῦ δὲ πλήθους τὸ ἕτερον καὶ ἀνόμοιον καὶ ἄνισον. Λεγομένου δὲ τοῦ ταὐτοῦ πολλαχῶς, ἕνα μὲν τρόπον κατ' ἀριθμὸν λέγομεν ἐνίοτε αὐτό, τὸ δ' ἐὰν καὶ λόγῳ καὶ ἀριθμῷ ἓν ᾖ, οἷον [35] σὺ σαυτῷ καὶ τῷ εἴδει καὶ τῇ ὕλῃ ἕν· ἔτι δ' ἐὰν ὁ λόγος ὁ τῆς πρώτης οὐσίας εἷς ᾖ, [1054b][1] οἷον αἱ ἴσαι γραμμαὶ εὐθεῖαι αἱ αὐταί, καὶ τὰ ἴσα καὶ ἰσογώνια τετράγωνα, καίτοι πλείω· ἀλλ' ἐν τούτοις ἡ ἰσότης ἑνότης. Ὅμοια δὲ ἐὰν μὴ ταὐτὰ ἁπλῶς ὄντα, μηδὲ κατὰ τὴν οὐσίαν ἀδιάφορα τὴν [5] συγκειμένην, κατὰ τὸ εἶδος ταὐτὰ ᾖ, ὥσπερ τὸ μεῖζον τετράγωνον τῷ μικρῷ ὅμοιον, καὶ αἱ ἄνισοι εὐθεῖαι· αὗται γὰρ ὅμοιαι μέν, αἱ αὐταὶ δὲ ἁπλῶς οὔ. Τὰ δὲ ἐὰν τὸ αὐτὸ εἶδος ἔχοντα, ἐν οἷς τὸ μᾶλλον καὶ ἧττον ἐγγίγνεται, μήτε μᾶλλον ᾖ μήτε ἧττον. Τὰ δὲ ἐὰν ᾖ τὸ αὐτὸ πάθος καὶ ἓν [10] τῷ εἴδει, οἷον τὸ λευκόν, σφόδρα καὶ ἧττον, ὅμοιά φασιν εἶναι ὅτι ἓν τὸ εἶδος αὐτῶν. Τὰ δὲ ἐὰν πλείω ἔχῃ ταὐτὰ ἢ ἕτερα, ἢ ἁπλῶς ἢ τὰ πρόχειρα, οἷον καττίτερος ἀργύρῳ ᾗ λευκόν, χρυσὸς δὲ πυρὶ ᾗ ξανθὸν καὶ πυρρόν. Ὥστε δῆλον ὅτι καὶ τὸ ἕτερον καὶ τὸ ἀνόμοιον πολλαχῶς λέγεται. Καὶ [15] τὸ μὲν ἄλλο ἀντικειμένως καὶ τὸ ταὐτό, διὸ ἅπαν πρὸς ἅπαν ἢ ταὐτὸ ἢ ἄλλο· τὸ δ' ἐὰν μὴ καὶ ἡ ὕλη καὶ ὁ λόγος εἷς, διὸ σὺ καὶ ὁ πλησίον ἕτερος· τὸ δὲ τρίτον ὡς τὰ ἐν τοῖς μαθηματικοῖς. Τὸ μὲν οὖν ἕτερον ἢ ταὐτὸ διὰ τοῦτο πᾶν πρὸς πᾶν λέγεται, ὅσα λέγεται ἓν καὶ ὄν· οὐ γὰρ [20] ἀντίφασίς ἐστι τοῦ ταὐτοῦ, διὸ οὐ λέγεται ἐπὶ τῶν μὴ ὄντων τὸ δὲ μὴ ταὐτὸ λέγεταἰ, ἐπὶ δὲ τῶν ὄντων πάντων· ἢ γὰρ ἓν ἢ οὐχ ἓν πέφυχ' ὅσα ὂν καὶ ἕν. Τὸ μὲν οὖν ἕτερον καὶ ταὐτὸν οὕτως ἀντίκειται,
διαφορὰ δὲ καὶ ἑτερότης ἄλλο. Τὸ μὲν
γὰρ ἕτερον καὶ οὗ ἕτερον οὐκ ἀνάγκη εἶναι τινὶ ἕτερον· [25] πᾶν γὰρ
ἢ ἕτερον ἢ ταὐτὸ ὅ τι ἂν ᾖ ὄν· τὸ δὲ διάφορον τινὸς τινὶ διάφορον,
ὥστε ἀνάγκη ταὐτό τι εἶναι ᾧ διαφέρουσιν. Τοῦτο δὲ τὸ ταὐτὸ γένος ἢ
εἶδος· πᾶν γὰρ τὸ διαφέρον διαφέρει ἢ γένει ἢ εἴδει, γένει μὲν ὧν μὴ
ἔστι κοινὴ ἡ ὕλη μηδὲ γένεσις εἰς ἄλληλα, οἷον ὅσων ἄλλο σχῆμα τῆς
κατηγορίας, [30] εἴδει δὲ ὧν τὸ αὐτὸ γένος λέγεται δὲ γένος ὃ ἄμφω
τὸ αὐτὸ λέγονται κατὰ τὴν οὐσίαν τὰ διάφορα. Τὰ δ' ἐναντία διάφορα,
καὶ ἡ ἐναντίωσις διαφορά τις. Ὅτι δὲ καλῶς τοῦτο ὑποτιθέμεθα, δῆλον
ἐκ τῆς ἐπαγωγῆς· πάντα γὰρ διαφέροντα φαίνεται καὶ ταῦτα, οὐ μόνον
ἕτερα [35] ὄντα ἀλλὰ τὰ μὲν τὸ γένος ἕτερα τὰ δ' ἐν τῇ αὐτῇ
συστοιχίᾳ τῆς κατηγορίας, [1055a][1] ὥστ' ἐν ταὐτῷ γένει καὶ
ταὐτὰ τῷ γένει. Διώρισται δ' ἐν ἄλλοις ποῖα τῷ γένει ταὐτὰ ἢ ἕτερα. |
L'unité et la pluralité sont opposées de plusieurs manières : dans un sens l'unité est opposée à la pluralité comme l'indivisible l'est au divisible. Car ce qui 128 est divisé ou divisible s'appelle pluralité; ce qui n'est ni divisible ni divisé est appelé unité. Opposé se prenant dans quatre sens différents (15), dont l'un est l'opposition par privation, il y aura entre l'unité et la pluralité, opposition par contrariété et non point par contradiction ou par relation. L'unité s'exprime, se définit au moyeu de son contraire, l'indivisible au moyen du divisible, parce que la pluralité tombe plutôt sous les sens que l'unité, le divisible plutôt que l'indivisible ; de sorte que sous le rapport de la notion sensible la pluralité est antérieure à l'indivisible. Les modes de l'unité, comme nous l'avons dit à propos des diverses espèces d'opposition, sont l'identité, la similitude, l'égalité; ceux de la pluralité soni l'hétérogénéité, la dissimilitude, l'inégalité (16). L'identité a différents sens. Il y a d'abord l'identité numérique qu'on exprime quelquefois par ces mots : C'est un seul et même être; et cela a lieu quand il y a unité sous le rapport de la notion et du nombre : par exemple, tu es identique à toi-même sous le rapport de la forme et de la matière. Identique se dit aussi quand il y a unité de notion pour la substance première : [1054b] ainsi, des lignes droites égales sont identiques. On appelle encore identiques des quadrilatères égaux et qui ont leurs angles égaux, quoiqu'il y ait pluralité d'objets : dans ce cas, l'unité consiste dans l'égalité. Les êtres sont semblables (17), lorsque n'étant point 129 absolument identiques, mais différant sous le rapport de la substance et du sujet, ils sont identiques quant à la forme : un quadrilatère plus grand est semblable à un quadrilatère plus petit ; des lignes droites inégales sont semblables ; elles sont semblables, mais non pas absolument identiques. On nomme encore semblables, les choses qui, ayant la même essence, mais étant susceptibles de plus et de moins, n'ont cependant ni plus ni moins ; ou bien encore celles dont les qualités sont, spécifiquement, unes et identiques: c'est dans ce sens qu'on dit que ce qui est très blanc ressemble à ce qui l'est moins, parce qu'il y a alors unité d'espèce. On appelle enfin semblables, les objets qui présentent plus d'analogie que de différences, soit absolument, soit simplement en apparence : ainsi, l'étain ressemble plutôt à l'argent qu'à l'or ; l'or ressemble au feu par sa couleur fauve et rougeâtre. Il est évident, d'après cela, que différent et dissemblable ont aussi plusieurs sens. La différence est opposée à l'identité; de sorte que tout relativement à tout est ou identique ou différent. Il y a encore différence, s'il n'y a pas unité de matière et de forme : tu diffères de ton voisin. Il y a une troisième espèce de différence, la différence dans les êtres mathématiques. Ainsi, tout relativement à tout est différent ou identique, pourvu cependant qu'il y ait unité ou être. Il n'y a point de négation absolue de l'identité ; ou emploie, il est vrai, l'expression non-identique; mais ce n'est jamais en parlant de ce qui n'existe pas ; c'est toujours lorsqu'il s'agit d'êtres réels. Car on dit égale- 130 ment un et non-un de ce qui peut être par sa nature être et un. Telle est l'opposition de l'hétérogénéité et de l'identité. L'hétérogénéité et la différence ne sont point la même chose : pour deux êtres qui sont hétérogènes entre eux, l'hétérogénéité ne porte pas sur quelque caractère commun ; car tout ce qui est, est ou hétérogène ou identique. Mais ce qui diffère de quelque chose, en diffère par quelque point; de sorte, qu'il faut nécessairement que ce dans quoi ils différent soit identique. Ce quelque chose identique, c'est le genre, ou l'espèce ; car tout ce qui diffère, diffère de genre ou d'espèce : de genre, s'il n'y a pas matière commune et production réciproque ; comme sont les objets qui appartiennent à des catégories différentes. Les choses qui diffèrent d'espèce sont celles qui sont du même genre. Le genre, c'est ce par quoi sont identiques deux choses qui différent quant à l'essence. Les contraires sont différents entre eux, et la contrariété est une sorte de différence. L'induction prouve l'exactitude de ce principe que nous avions avancé. Dans tous les contraires, il y a, en effet, ce me semble, différence, et non pas seulement hétérogénéité. Il en est qui différent de genre ; mais d'autres sont compris dans la même série de l'attribution (18) ; [1055a] de sorte qu'ils sont 131 identiques sous le rapport du genre et de l'espèce. Nous avons déterminé ailleurs quelles choses sont identiques, et quelles choses ne le sont pas (19). |
Ἐπεὶ δὲ διαφέρειν ἐνδέχεται ἀλλήλων τὰ διαφέροντα πλεῖον καὶ ἔλαττον, ἔστι τις καὶ μεγίστη διαφορά, καὶ ταύτην [5] λέγω ἐναντίωσιν. Ὅτι δ' ἡ μεγίστη ἐστὶ διαφορά, δῆλον ἐκ τῆς ἐπαγωγῆς. Τὰ μὲν γὰρ γένει διαφέροντα οὐκ ἔχει ὁδὸν εἰς ἄλληλα, ἀλλ' ἀπέχει πλέον καὶ ἀσύμβλητα· τοῖς δ' εἴδει διαφέρουσιν αἱ γενέσεις ἐκ τῶν ἐναντίων εἰσὶν ὡς ἐσχάτων, τὸ δὲ τῶν ἐσχάτων διάστημα μέγιστον, ὥστε [10] καὶ τὸ τῶν ἐναντίων. Ἀλλὰ μὴν τό γε μέγιστον ἐν ἑκάστῳ γένει τέλειον. Μέγιστόν τε γὰρ οὗ μὴ ἔστιν ὑπερβολή, καὶ τέλειον οὗ μὴ ἔστιν ἔξω λαβεῖν τι δυνατόν· τέλος γὰρ ἔχει ἡ τελεία διαφορά ὥσπερ καὶ τἆλλα τῷ τέλος ἔχειν λέγεται τέλεια, τοῦ δὲ τέλους οὐθὲν ἔξω· ἔσχατον γὰρ ἐν παντὶ [15] καὶ περιέχει, διὸ οὐδὲν ἔξω τοῦ τέλους, οὐδὲ προσδεῖται οὐδενὸς τὸ τέλειον. Ὅτι μὲν οὖν ἡ ἐναντιότης ἐστὶ διαφορὰ τέλειος, ἐκ τούτων δῆλον· πολλαχῶς δὲ λεγομένων τῶν ἐναντίων, ἀκολουθήσει τὸ τελείως οὕτως ὡς ἂν καὶ τὸ ἐναντίοις εἶναι ὑπάρχῃ αὐτοῖς. Τούτων δὲ ὄντων φανερὸν ὅτι οὐκ ἐνδέχεται [20] ἑνὶ πλείω ἐναντία εἶναι ̔οὔτε γὰρ τοῦ ἐσχάτου ἐσχατώτερον εἴη ἄν τι, οὔτε τοῦ ἑνὸς διαστήματος πλείω δυοῖν ἔσχατα, ὅλως τε εἰ ἔστιν ἡ ἐναντιότης διαφορά, ἡ δὲ διαφορὰ δυοῖν, ὥστε καὶ ἡ τέλειος. Ἀνάγκη δὲ καὶ τοὺς ἄλλους ὅρους ἀληθεῖς εἶναι τῶν ἐναντίων. Καὶ γὰρ πλεῖστον διαφέρει ἡ τέλειος [25] διαφορά τῶν τε γὰρ γένει διαφερόντων οὐκ ἔστιν ἐξωτέρω λαβεῖν καὶ τῶν εἴδει· δέδεικται γὰρ ὅτι πρὸς τὰ ἔξω τοῦ γένους οὐκ ἔστι διαφορά, τούτων δ' αὕτη μεγίστἠ, καὶ τὰ ἐν ταὐτῷ γένει πλεῖστον διαφέροντα ἐναντία μεγίστη γὰρ διαφορὰ τούτων ἡ τέλειος, καὶ τὰ ἐν τῷ αὐτῷ δεκτικῷ πλεῖστον [30] διαφέροντα ἐναντία ἡ γὰρ ὕλη ἡ αὐτὴ τοῖς ἐναντίοις καὶ τὰ ὑπὸ τὴν αὐτὴν δύναμιν πλεῖστον διαφέροντα καὶ γὰρ ἡ ἐπιστήμη περὶ ἓν γένος ἡ μία· ἐν οἷς ἡ τελεία διαφορὰ μεγίστη. Πρώτη δὲ ἐναντίωσις ἕξις καὶ στέρησίς ἐστιν· οὐ πᾶσα δὲ στέρησις πολλαχῶς γὰρ λέγεται ἡ στέρησις [35] ἀλλ' ἥτις ἂν τελεία ᾖ. τὰ δ' ἄλλα ἐναντία κατὰ ταῦτα λεχθήσεται, τὰ μὲν τῷ ἔχειν τὰ δὲ τῷ ποιεῖν ἢ ποιητικὰ εἶναι τὰ δὲ τῷ λήψεις εἶναι καὶ ἀποβολαὶ τούτων ἢ ἄλλων ἐναντίων.
Εἰ δὴ ἀντίκειται μὲν ἀντίφασις καὶ
στέρησις καὶ ἐναντιότης καὶ τὰ πρός τι, [1055b][1] τούτων δὲ
πρῶτον ἀντίφασις, ἀντιφάσεως δὲ μηδέν ἐστι μεταξύ, τῶν δὲ ἐναντίων
ἐνδέχεται, ὅτι μὲν οὐ ταὐτὸν ἀντίφασις καὶ τἀναντία δῆλον· ἡ δὲ
στέρησις ἀντίφασίς τίς ἐστιν· ἢ γὰρ τὸ ἀδύνατον ὅλως ἔχειν, [5] ἢ ὃ
ἂν πεφυκὸς ἔχειν μὴ ἔχῃ, ἐστέρηται ἢ ὅλως ἢ πὼς ἀφορισθέν Εἰ δὴ αἱ γενέσεις τῇ ὕλῃ ἐκ τῶν ἐναντίων, γίγνονται δὲ ἢ ἐκ τοῦ εἴδους καὶ τῆς τοῦ εἴδους ἕξεως ἢ ἐκ στερήσεώς τινος τοῦ εἴδους καὶ τῆς μορφῆς, δῆλον ὅτι ἡ μὲν ἐναντίωσις στέρησις ἂν εἴη πᾶσα, ἡ δὲ στέρησις [15] ἴσως οὐ πᾶσα ἐναντιότης. αἴτιον δ' ὅτι πολλαχῶς ἐνδέχεται ἐστερῆσθαι τὸ ἐστερημένον· ἐξ ὧν γὰρ αἱ μεταβολαὶ ἐσχάτων, ἐναντία ταῦτα. Φανερὸν δὲ καὶ διὰ τῆς ἐπαγωγῆς. Πᾶσα γὰρ ἐναντίωσις ἔχει στέρησιν θάτερον τῶν ἐναντίων, ἀλλ' οὐχ ὁμοίως πάντα· ἀνισότης μὲν γὰρ ἰσότητος ἀνομοιότης [20] δὲ ὁμοιότητος κακία δὲ ἀρετῆς, διαφέρει δὲ ὥσπερ εἴρηται· τὸ μὲν γὰρ ἐὰν μόνον ᾖ ἐστερημένον, τὸ δ' ἐὰν ἢ ποτὲ ἢ ἔν τινι, οἷον ἂν ἐν ἡλικίᾳ τινὶ ἢ τῷ κυρίῳ, ἢ πάντῃ· διὸ τῶν μὲν ἔστι μεταξύ, καὶ ἔστιν οὔτε ἀγαθὸς ἄνθρωπος οὔτε κακός, τῶν δὲ οὐκ ἔστιν, ἀλλ' ἀνάγκη εἶναι ἢ περιττὸν ἢ [25] ἄρτιον. Ἔτι τὰ μὲν ἔχει τὸ ὑποκείμενον ὡρισμένον, τὰ δ' οὔ.
Ὥστε φανερὸν ὅτι ἀεὶ θάτερον τῶν
ἐναντίων λέγεται κατὰ στέρησιν· ἀπόχρη δὲ κἂν τὰ πρῶτα καὶ τὰ γένη
τῶν ἐναντίων, οἷον τὸ ἓν καὶ τὰ πολλά· τὰ γὰρ ἄλλα εἰς ταῦτα
ἀνάγεται. |
II est possible que les choses qui diffèrent entre elles diffèrent plus ou moins; il y a donc une différence extrême, et c'est là ce que j'appelle contrariété. On peut établir par l'induction que la contrariété est la différence extrême : en effet, pour les choses qui diffèrent de genre, il n y a point passage de l'une à l'autre, il y a entre elles la plus grande distance possible, et il n'y a pas entre elles de combinaison possible (20) ; tandis que pour les choses qui différent d'espèce, il y a production des contraires par les contraires considérés comme extrêmes. Or, la distance extrême, c'est la distance la plus grande; de sorte que la distance des contraires est la plus grande distance possible. D'ailleurs ce qu'il y a de plus grand dans chaque genre est ce qu'il y a de plus parfait ; car le plus grand c'est ce qui n'est pas susceptible d'aug- mentation, et le parfait, ce au-delà on ne saurait 132 rien concevoir (21). La différence parfaite est une fin, au même titre que tout est dit parfait, qui a pour caractère d'être la fin de quelque chose (22). Au-delà de la fin il n'y a rien ; car, dans toute chose, elle est le dernier terme, la limite. C'est pour cela qu'il n'y a rien en dehors de la fin ; et ce qui est parfait ne manque absolument de rien. Il est évident dés lors, que la contrariété est une différence parfaite ; et la contrariété ayant un grand nombre d'acceptions, ce caractère de différence parfaite l'accompagnera dans ces différents modes. Cela étant, une chose unique ne saurait avoir plusieurs contraires. Car, au delà de ce qui estextrême il ne peut pas y avoir quelque chose qui soit plus extrême encore, et une seule distance ne peut pas avoir plus de deux extrémités. En un mot, si la contrariété est une différence, la différence n'admettant que deux termes, il n'y en aura que deux non plus dans la différence parfaite. La définition que nous venons de donner des contraires devra s'appliquer à tous les modes de la contrariété ; car, dans tous les cas, la différence parfaite est la différence la plus grande : en effet, en dehors de la différence de genre et de la différence d'espèce nous ne 133 pouvons pas établir d'autres différences ; et il a été démontré qu'il n'y a pas de contrariété entre les êtres qui n'appartiennent pas au même genre. Or, la différence de genre est la plus grande de toutes les différences. Les choses qui diffèrent le plus dans le même genre sont contraires, car leur différence parfaite est la différence la plus grande. De même aussi les choses qui dans un même sujet diffèrent le plus sont contraires ; car, dans ce cas, la matière des contraires est la même. Les choses qui, soumises à un même pouvoir, diffèrent le plus, sont aussi contraires ; en effet, une seule et même science embrasse tout un genre, et dans le genre il y a des objets que sépare la différence parfaite, la différence la plus grande. La contrariété première est celle de la possession et de la privation (23) ; non pas toute privation, car la privation s'entend de plusieurs manières (24), mais la privation parfaite. Tous les autres contraires seront dits contraires d'après ceux-là, ou parce qn'ils les possèdent, ou parce qu'ils les produisent, qu'ils sont produits par eux, enfin, parce qu'ils admettent ou repoussent ces contraires ou d'autres contraires. L'opposition comprend la contradiction, la privation, la contrariété, la relation ; [1055b] or, l'opposition première est la contradiction, et il ne peut y avoir d'intermédiaire entre l'affirmation et la négation (25), tandis que les contraires admettent des intermédiaires ; il est 134 donc évident qu'il n'y a pas identité entre la contradiction et la contrariété. Quant à la privation, elle forme, avec la possession, une sorte de contradiction. On dit qu'il y a privation pour un être, lorsqu'il est dans l'impossibilité absolue de posséder, ou lorsqu'il ne possède pas ce qu'il est dans sa nature de posséder. La privation est ou absolue, ou privation de tel genre déterminé. Car privation se prend dans divers sens, comme nous l'avons établi ailleurs (26). La privation est donc une sorte de négation ; c'est ou en général une impuissance déterminée, ou bien cette impuissance dans un sujet. C'est là ce qui fait qu'entre la négation et l'affirmation il n'y a pas d'intermédiaire, tandis que, dans certains cas, il y a intermédiaire entre la privation et la possession. Tout est égal ou non-égal, mais tout n'est pas égal ou inégal, sinon dans les cbo- ses susceptibles d'égalité. Si les productions, dans un sujet matériel, sont le passage du contraire au contraire (et, en effet, elles viennent de la forme, de la réalisation de la forme, ou bien de quelque privation de la forme et de la figure (27)), il est évident alors que toute contrariété sera une privation; mais toute privation n'est probablement pas une contrariété. La cause en est que ce qui est privé peut être privé de plusieurs manières, tandis qu'on ne donne le nom de contraires qu'aux termes extrêmes d où provient le changement. On peut, du reste, l'établir par l'induction. Dans toute contra- 135 riété il y a la privation de l'un des contraires ; mais cette privation n'est point de même nature dans tous les cas : l'inégalité est la privation de l'égalité, la dissimilitude de la similitude, le vice de la vertu. Mais il y a, comme nous l'avons dit, diverses sortes de privations. Tantôt la privation est un simple manque, tantôt elle est relative au temps, à une partie spéciale : par exemple, il peut y avoir privation à une certaine époque, privation dans une partie essentielle, ou privation absolue. C'est pour cela qu'il y a des intermédiaires dans certains cas (il y a, par exemple, l'homme qui n'est ni bon ni méchant), et dans d'autres non : il faut nécessairement que tout nombre soit pair ou impair. Enfin, il est des privations qui ont un sujet déterminé, d'autres qui n'en ont pas. Il est donc évident que toujours l'un des contraires est la privation de l'autre. Il suffira, du reste, que cela soit vrai pour les premiers contraires, ceux qui sont comme les genres des autres, ainsi l'unité et la pluralité ; car tous les autres se ramènent à ceux-là. |
Ἐπεὶ δὲ ἓν ἑνὶ ἐναντίον, ἀπορήσειεν ἄν τις πῶς ἀντίκειται τὸ ἓν καὶ τὰ πολλά, καὶ τὸ ἴσον τῷ μεγάλῳ καὶ τῷ μικρῷ. Εἰ γὰρ τὸ πότερον ἀεὶ ἐν ἀντιθέσει λέγομεν, οἷον πότερον λευκὸν ἢ μέλαν, καὶ πότερον λευκὸν ἢ οὐ λευκόν πότερον δὲ ἄνθρωπος ἢ λευκὸν οὐ λέγομεν, ἐὰν μὴ ἐξ [35] ὑποθέσεως καὶ ζητοῦντες οἷον πότερον ἦλθε Κλέων ἢ Σωκράτης. Ἀλλ' οὐκ ἀνάγκη ἐν οὐδενὶ γένει τοῦτο· ἀλλὰ καὶ τοῦτο ἐκεῖθεν ἐλήλυθεν· τὰ γὰρ ἀντικείμενα μόνα οὐκ ἐνδέχεται ἅμα ὑπάρχειν, ᾧ καὶ ἐνταῦθα χρῆται ἐν τῷ πότερος ἦλθεν· [1056a][1] εἰ γὰρ ἅμα ἐνεδέχετο, γελοῖον τὸ ἐρώτημα· εἰ δέ, καὶ οὕτως ὁμοίως ἐμπίπτει εἰς ἀντίθεσιν, εἰς τὸ ἓν ἢ πολλά, οἷον πότερον ἀμφότεροι ἦλθον ἢ ἅτερος· εἰ δὴ ἐν τοῖς ἀντικειμένοις ἀεὶ τοῦ ποτέρου ἡ ζήτησις, λέγεται δὲ πότερον μεῖζον [5] ἢ ἔλαττον ἢ ἴσον, τίς ἐστιν ἡ ἀντίθεσις πρὸς ταῦτα τοῦ ἴσου; Οὔτε γὰρ θατέρῳ μόνῳ ἐναντίον οὔτ' ἀμφοῖν· τί γὰρ μᾶλλον τῷ μείζονι ἢ τῷ ἐλάττονι; Ἔτι τῷ ἀνίσῳ ἐναντίον τὸ ἴσον, ὥστε πλείοσιν ἔσται ἢ ἑνί. Εἰ δὲ τὸ ἄνισον σημαίνει τὸ αὐτὸ ἅμα ἀμφοῖν, εἴη μὲν ἂν ἀντικείμενον ἀμφοῖν [10] καὶ ἡ ἀπορία βοηθεῖ τοῖς φάσκουσι τὸ ἄνισον δυάδα εἶναἰ, ἀλλὰ συμβαίνει ἓν δυοῖν ἐναντίον· ὅπερ ἀδύνατον.
Ἔτι τὸ μὲν ἴσον μεταξὺ φαίνεται
μεγάλου καὶ μικροῦ, ἐναντίωσις δὲ μεταξὺ οὐδεμία οὔτε φαίνεται οὔτε
ἐκ τοῦ ὁρισμοῦ δυνατόν· οὐ γὰρ ἂν εἴη τελεία μεταξύ τινος οὖσα, ἀλλὰ
μᾶλλον [15] ἔχει ἀεὶ ἑαυτῆς τι μεταξύ.
Ἔστι δὴ τὸ ἴσον τὸ μήτε μέγα μήτε
μικρόν, πεφυκὸς δὲ ἢ μέγα ἢ μικρὸν εἶναι· καὶ ἀντίκειται ἀμφοῖν ὡς
ἀπόφασις στερητική, διὸ καὶ μεταξύ ἐστιν. καὶ τὸ μήτε [25] ἀγαθὸν
μήτε κακὸν ἀντίκειται ἀμφοῖν, ἀλλ' ἀνώνυμον· πολλαχῶς γὰρ λέγεται
ἑκάτερον καὶ οὐκ ἔστιν ἓν τὸ δεκτικόν, ἀλλὰ μᾶλλον τὸ μήτε λευκὸν
μήτε μέλαν. Ἕν δὲ οὐδὲ τοῦτο λέγεται, ἀλλ' ὡρισμένα πως ἐφ' ὧν
λέγεται στερητικῶς ἡ ἀπόφασις αὕτη· ἀνάγκη γὰρ ἢ φαιὸν ἢ [30] ὠχρὸν
εἶναι ἢ τοιοῦτόν τι ἄλλο. Ὥστε οὐκ ὀρθῶς ἐπιτιμῶσιν οἱ νομίζοντες
ὁμοίως λέγεσθαι πάντα, ὥστε ἔσεσθαι ὑποδήματος καὶ χειρὸς μεταξὺ τὸ
μήτε ὑπόδημα μήτε χεῖρα, ἔπειπερ καὶ τὸ μήτε ἀγαθὸν μήτε κακὸν τοῦ
ἀγαθοῦ καὶ τοῦ κακοῦ, ὡς πάντων ἐσομένου τινὸς μεταξύ. Οὐκ ἀνάγκη
[35] δὲ τοῦτο συμβαίνειν. Ἡ μὲν γὰρ ἀντικειμένων συναπόφασίς ἐστιν
ὧν ἔστι μεταξύ τι καὶ διάστημά τι πέφυκεν εἶναι· [1056b][1]
τῶν δ' οὐκ ἔστι διαφορά· ἐν ἄλλῳ γὰρ γένει ὧν αἱ συναποφάσεις, ὥστ'
οὐχ ἓν τὸ ὑποκείμενον. |
L'unité étant opposée à une unité, on pourrait se poser cette difficulté : Comment l'unité est-elle opposée à la pluralité (car tous les contraires se ramènent 136 à ceux-là (28) )? Comment l'égal est-il opposé au grand et au petit ? Dans toute interrogation à deux termes (29), nous opposons toujours deux choses ; ainsi : Est-ce blanc ou noir ? Est-ce blanc ou non-blanc ? Mais nous ne disons pas : Est-il homme ou blanc, sinon dans une hypothèse particulière, quand nous demandons, par exemple: Lequel des deux est venu? Cléon ou Socrate? Lorsqu'il s'agit de genres différents, l'interrogation n'est pas de même nature ; ce n'est point nécessairement l'un ou l'autre ; ici même si l'on a pu s'exprimer de la sorte, c'est qu'il y avait contrariété dans l'hypothèse; car les contraires seuls ne peuvent pas exister en même temps, et c'est là la supposition que l'on fait ici quand on demande : Lequel des deux est venu ? [1056a] S'il était possible qu'ils fussent venus en même temps, la. question serail ridicule. Et cependant, même dans ce dernier cas, il y aurait encore opposition, opposition de l'unité et de la pluralité ; par exemple: Sont-ils venus tous deux, ou bien un seul des deux est-il venu ? Si l'interrogation à deux termes est toujours relative aux contraires, comme on fait l'interrogation relativement au plus grand, au plus petit, et à l'égal, comment alors l'égal serait-il opposé au plus grand et au plus petit? Il ne peut pas être seulement le contraire de l'un des deux; il ne peut pas l'être non plus de tous 137 les deux ; car, pourquoi le serait-il plutôt du plus grand que du plus petit ? D'ailleurs, l'égal est encore opposé comme contraire à l'inégal. De sorte, qu'une chose serait le contraire de plusieurs. D'un autre côté, si l'inégal signifie la même chose que les deux autres termes, grand et petit, l'égal sera opposé à tous les deux, et alors cette difticulté vient à l'appui de ceux qui disent que l'inégalité, c'est la dyade. Mais il résulte de là, qu'une chose est le contraire de deux; ce qui est impossible. De plus, l'égal serait intermédiaire entre le grand et le petit ; mais aucun contraire n'est, ce semble, un intermédiaire; cela n'est pas possible, d'après la définition. La contrariété ne serait pas une différence parfaite, si elle était un intermédiaire; il est bien plus vrai de dire qu'il y a toujours des intermédiaires entre les contraires. Reste donc à dire que l'égal, est opposé au grand et au petit, comme négation ou comme privation. D'abord, il ne peut pas être opposé ainsi à l'un des deux seulement ; car, pourquoi plutôt au grand qu'au petit ? Il sera donc la négation privative (30) de tous les deux. C'est pourquoi, quand on pose la question, il faut toujours qu'il y ait comparaison de l'égal avec les deux autres termes, et non pas seulement avec l'un des deux. On ne dira pas : Est-il plus grand ou égal, plus petit ou égal ? mais les trois termes devront se trouver toujours réunis ; et encore n'y aura-t-il pas nécessairement privation ; car ce qui n'est ni plus grand ni plus petit n'est pas toujours égal : cela ne 138 peut avoir lieu que pour les choses qui sont naturellement grandes ou petites. Ainsi l'égal, c'est ce qui n'est ni grand ni petit, tout en ayant naturellement la propriété d'être grand ou petit. Il est opposé à tous les deux comme négation privative, et c'est pour cela qu'il est un intermédiaire. De même, ce qui n'est ni mauvais ni bon est opposé au bon et au mauvais, mais n'a pas reçu de nom ; et cela vient de ce que le bien comme le mal se prend dans plusieurs sens ; de ce que le sujet n'est pas un : il y aurait plutôt un sujet unique pour ce qui n'est ni blanc ni noir; et pourtant ici même il n'y a pas réellement unité, seulement ce n'est qu'à certaines couleurs déterminées que s'applique cette même négation privative du noir et du blanc. En effet, il faut nécessairement que la couleur soit ou brune ou jaune, ou quelque autre chose de déterminé. Ils ont donc tort, d'après cela, ceux qui prétendent qu'il en est de même dans tous les cas j il y aurait donc entre la chaussure et la main un intermédiaire qui ne serait ni la chaussure ni la main, parce qu'il y a entre le bien et le mal ce qui n'est ni bien ni mal. Il y aurait donc des intermédiaires entre toutes choses. Mais cette conséquence n'est pas nécessaire. Il peut y avoir négation des deux opposés à la fois (31), dans les choses qui admettent quelque intermédiaire, entre lesquelles il y a naturellement un certain intervalle; mais dans l'exemple que l'on cite, [1056b] il n'y a pas différence. Les deux termes compris dans la 139 commune négation ne sont plus de même genre ; il n'y a donc pas unité de sujet. |
Ὁμοίως δὲ καὶ περὶ τοῦ ἑνὸς καὶ τῶν πολλῶν ἀπορήσειεν ἄν τις. Εἰ γὰρ τὰ πολλὰ τῷ ἑνὶ ἁπλῶς ἀντίκειται, [5] συμβαίνει ἔνια ἀδύνατα. Τὸ γὰρ ἓν ὀλίγον ἢ ὀλίγα ἔσται· τὰ γὰρ πολλὰ καὶ τοῖς ὀλίγοις ἀντίκειται. Ἐτι τὰ δύο πολλά, εἴπερ τὸ διπλάσιον πολλαπλάσιον λέγεται δὲ κατὰ τὰ δύο·. ὥστε τὸ ἓν ὀλίγον. Πρὸς τί γὰρ πολλὰ τὰ δύο εἰ μὴ πρὸς ἕν τε καὶ τὸ ὀλίγον; Οὐθὲν γάρ ἐστιν ἔλαττον. [10] Ἔτι εἰ ὡς ἐν μήκει τὸ μακρὸν καὶ βραχύ, οὕτως ἐν πλήθει τὸ πολὺ καὶ ὀλίγον, καὶ ὃ ἂν ᾖ πολὺ καὶ πολλά, καὶ τὰ πολλὰ πολύ (εἰ μή τι ἄρα διαφέρει ἐν συνεχεῖ εὐορίστῷ), τὸ ὀλίγον πλῆθός τι ἔσται. Ὥστε τὸ ἓν πλῆθός τι, εἴπερ καὶ ὀλίγον· τοῦτο δ' ἀνάγκη, εἰ τὰ δύο πολλά. Ἀλλ' [15] ἴσως τὰ πολλὰ λέγεται μέν πως καὶ [τὸ] πολύ, ἀλλ' ὡς διαφέρον, οἷον ὕδωρ πολύ, πολλὰ δ' οὔ. Ἀλλ' ὅσα διαιρετά, ἐν τούτοις λέγεται, ἕνα μὲν τρόπον ἐὰν ᾖ πλῆθος ἔχον ὑπεροχὴν ἢ ἁπλῶς ἢ πρός τι ̔καὶ τὸ ὀλίγον ὡσαύτως πλῆθος ἔχον ἔλλειψιν, τὸ δὲ ὡς ἀριθμός, ὃ καὶ ἀντίκειται τῷ ἑνὶ [20] μόνον. Οὕτως γὰρ λέγομεν ἓν ἢ πολλά, ὥσπερ εἴ τις εἴποι ἓν καὶ ἕνα ἢ λευκὸν καὶ λευκά, καὶ τὰ μεμετρημένα πρὸς τὸ μέτρον [καὶ τὸ μετρητόν]· οὕτως καὶ τὰ πολλαπλάσια λέγεται· πολλὰ γὰρ ἕκαστος ὁ ἀριθμὸς ὅτι ἕνα καὶ ὅτι μετρητὸς ἑνὶ ἕκαστος, καὶ ὡς τὸ ἀντικείμενον τῷ ἑνί, οὐ τῷ [25] ὀλίγῳ. Οὕτω μὲν οὖν ἐστὶ πολλὰ καὶ τὰ δύο, ὡς δὲ πλῆθος ἔχον ὑπεροχὴν ἢ πρός τι ἢ ἁπλῶς οὐκ ἔστιν, ἀλλὰ πρῶτον. Ὀλίγα δ' ἁπλῶς τὰ δύο· πλῆθος γάρ ἐστιν ἔλλειψιν ἔχον πρῶτον. διὸ καὶ οὐκ ὀρθῶς ἀπέστη Ἀναξαγόρας εἰπὼν ὅτι ὁμοῦ πάντα χρήματα ἦν ἄπειρα καὶ πλήθει καὶ μικρότητι, [30] ἔδει δ' εἰπεῖν ἀντὶ τοῦ "καὶ μικρότητι" "καὶ ὀλιγότητι"· οὐ γὰρ ἄπειρἀ, ἐπεὶ τὸ ὀλίγον οὐ διὰ τὸ ἕν, ὥσπερ τινές φασιν, ἀλλὰ διὰ τὰ δύο. Ἀντίκειται δὴ τὸ ἓν καὶ τὰ πολλὰ τὰ ἐν ἀριθμοῖς ὡς μέτρον μετρητῷ· ταῦτα δὲ ὡς τὰ πρός τι, ὅσα μὴ καθ' αὑτὰ τῶν πρός τι. Διῄρηται δ' [35] ἡμῖν ἐν ἄλλοις ὅτι διχῶς λέγεται τὰ πρός τι, τὰ μὲν ὡς ἐναντία, τὰ δ' ὡς ἐπιστήμη πρὸς ἐπιστητόν, τῷ λέγεσθαί τι ἄλλο πρὸς αὐτό. [1057a][1] Τὸ δὲ ἓν ἔλαττον εἶναι τινός, οἷον τοῖν δυοῖν, οὐδὲν κωλύει· οὐ γάρ, εἰ ἔλαττον, καὶ ὀλίγον. Τὸ δὲ πλῆθος οἷον γένος ἐστὶ τοῦ ἀριθμοῦ· ἔστι γὰρ ἀριθμὸς πλῆθος ἑνὶ μετρητόν, καὶ ἀντίκειταί πως τὸ ἓν καὶ ἀριθμός, οὐχ ὡς [5] ἐναντίον ἀλλ' ὥσπερ εἴρηται τῶν πρός τι ἔνια· ᾗ γὰρ μέτρον τὸ δὲ μετρητόν, ταύτῃ ἀντίκειται, διὸ οὐ πᾶν ὃ ἂν ᾖ ἓν ἀριθμός ἐστιν, οἷον εἴ τι ἀδιαίρετόν ἐστιν. Ὁμοίως δὲ λεγομένη ἡ ἐπιστήμη πρὸς τὸ ἐπιστητὸν οὐχ ὁμοίως ἀποδίδωσιν. Δόξειε μὲν γὰρ ἂν μέτρον ἡ ἐπιστήμη εἶναι τὸ δὲ ἐπιστητὸν [10] τὸ μετρούμενον, συμβαίνει δὲ ἐπιστήμην μὲν πᾶσαν ἐπιστητὸν εἶναι τὸ δὲ ἐπιστητὸν μὴ πᾶν ἐπιστήμην, ὅτι τρόπον τινὰ ἡ ἐπιστήμη μετρεῖται τῷ ἐπιστητῷ.
Τὸ δὲ πλῆθος οὔτε τῷ ὀλίγῳ ἐναντίον -
ἀλλὰ τούτῳ μὲν τὸ πολὺ ὡς ὑπερέχον πλῆθος ὑπερεχομένῳ πλήθει - οὔτε
τῷ ἑνὶ πάντως· ἀλλὰ τὸ μὲν [15] ὥσπερ εἴρηται, ὅτι διαιρετὸν τὸ δ'
ἀδιαίρετον, τὸ δ' ὡς πρός τι ὥσπερ ἡ ἐπιστήμη ἐπιστητῷ, ἐὰν ᾖ
ἀριθμὸς τὸ δ' ἓν μέτρον. |
On peut se poser la même difficulté relativement à l'unité et à la pluralité. En effet, si la pluralité est opposée absolument à l'unité, il en résulte des difficultés insurmontables : l'unité sera alors le peu ou le petit nombre (32), puisque la pluralité est opposée aussi au petit nombre. De plus, deux est une pluralité, puisque le double est multiple ; c'est dans ce sens que deux est double. L'unité est donc le peu ; car, relativement à quoi deux serait-il donc une pluralité, si ce n'est relativement à l'unité et au peu ? Il n'y a rien qui soit moindre que l'unité. Ensuite, il en est du beaucoup (33) et du peu dans la multitude (34), comme du long et du court dans les longueurs ; ce qui est beaucoup est une pluralité ; toute pluralité est beaucoup. A moins donc qu'il ne s'agisse d'un continu indéterminé (35), le peu sera une pluralité ; et alors l'unité sera, 140 elle aussi, une pluralité, parce qu'elle est un peu. Cette conséquence est nécessaire, si deux est une pluralité. Mais on peut dire que la pluralité est la même chose que le beaucoup dans certaines circonstances, et dans d'autres non : ainsi, l'eau (36) est beaucoup, elle n'est pas une multitude. Dans toutes les choses qui sont divisibles, beaucoup se dit de tout ce qui est une multitude excessive (37), soit absolument, soit relativement à autre chose ; le peu est une multitude en défaut (38). Multitude se dit encore du nombre, lequel est opposé seulement à l'unité. On dit unité et multitude dans le même sens qu'on dirait une unité et des unités, blanc et blancs, mesuré et mesure ou mesurable; et dans ce sens toute pluralité est une multitude. Tout nombre en efietestune multitude, parce qu'il est corn posé d'unités, parce qu'il est mesurable par l'unité ; il est multitude en tant qu'opposé à l'unité et non pas au peu. De cette manière, deux même est une multitude ; mais ce n'est pas en tant que pluralité excessive, soit relativement, soit absolument: deux est la première multitude. Deux est le petit nombre absolument parlant, car c'est le premier degré de la pluralité en défaut. Anaxagore a donc eu tort de dire que tout était également infini en multitude et en petitesse (39). Au lieu 141 de : et en petitesse, il fallait dire : et en petit nombre ; et alors il aurait vu qu'il n'y avait pas infinité, car le peu, ce n'est pas, comme quelques-uns le prétendent, l'unité, mais la dyade. Voici en quoi consiste l'opposition (40). L'unité et la multitude sont opposées dans les nombres ; l'unité est opposée à la multitude, comme la mesure à ce qui est mesurable. D'autres choses sont opposées par relation ; ee sont celles qui ne sont pas relatives essentiellement. Nous avons vu ailleurs (41) qu'il pouvait y avoir relation de deux manières : relation des contraires entre eux, et relation de la science à son objet : une chose dans ce cas, est dite relative, en tant qu'on lui rapporte autre chose. [1057a] Rien n'empêche, toutefois, que l'unité ne soit plus petite que quelque chose, par exemple que deux. Une chose n'est pas peu, pour être plus petite. Quant à la multitude, elle est comme le genre du nombre : le nombre est une multitude mesurable par l'unité (42). L'unité et le nombre sont opposés, non point à titre, de contraires, mais comme nous avons dit que l'étaient certaines choses qui sont en relation : ils sont opposés comme étant, l'un la mesure, l'autre ce qui peut être 142 mesuré. C'est pourquoi tout ce qui a en soi l'unité, n'est pas nombre ; par exemple, si c'est une chose indivisible. La science est dite relative à son objet ; mais la relation n'est pas la même que pour le nombre ; sans cela la science aurait l'air d'être la mesure, et l'objet de la science, ce qui est mesuré (43). Il est bien vrai de dire que toute science est un objet de connaissance ; mais tout objet de connaissance n'est pas une science : la science est, sous un point de vue, mesurée par son objet. Quant à la pluralité, elle n'est pas le contraire du peu ; c'est le beaucoup qui est opposé au peu, comme pluralité plus grande opposée à une pluralité plus petite. Elle n'est pas non plus dans tous les cas le contraire de l'unité ; mais, ainsi que nous l'avons vu, l'unité peut être considérée comme divisible ou indivisible; on peut la considérer encore comme relative, de la même manière que la science est relative à l'objet de la science : soit la science un nombre, l'objet de la science sera l'unité, la mesure. |
Ἐπεὶ δὲ τῶν ἐναντίων ἐνδέχεται εἶναί τι μεταξὺ καὶ ἐνίων ἔστιν, ἀνάγκη ἐκ τῶν ἐναντίων εἶναι τὰ μεταξύ. Πάντα [20] γὰρ τὰ μεταξὺ ἐν τῷ αὐτῷ γένει ἐστὶ καὶ ὧν ἐστὶ μεταξύ. Μεταξὺ μὲν γὰρ ταῦτα λέγομεν εἰς ὅσα μεταβάλλειν ἀνάγκη πρότερον τὸ μεταβάλλον οἷον ἀπὸ τῆς ὑπάτης ἐπὶ τὴν νήτην εἰ μεταβαίνοι τῷ ὀλιγίστῳ, ἥξει πρότερον εἰς τοὺς μεταξὺ φθόγγους, καὶ ἐν χρώμασιν εἰ [ἥξει] ἐκ τοῦ λευκοῦ [25] εἰς τὸ μέλαν, πρότερον ἥξει εἰς τὸ φοινικοῦν καὶ φαιὸν ἢ εἰς τὸ μέλαν· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων· μεταβάλλειν δ' ἐξ ἄλλου γένους εἰς ἄλλο γένος οὐκ ἔστιν ἀλλ' ἢ κατὰ συμβεβηκός, οἷον ἐκ χρώματος εἰς σχῆμα. Ἀνάγκη ἄρα τὰ μεταξὺ καὶ αὑτοῖς καὶ ὧν μεταξύ εἰσιν ἐν τῷ αὐτῷ γένει [30] εἶναι. Ἀλλὰ μὴν πάντα γε τὰ μεταξύ ἐστιν ἀντικειμένων τινῶν· ἐκ τούτων γὰρ μόνων καθ' αὑτὰ ἔστι μεταβάλλειν διὸ ἀδύνατον εἶναι μεταξὺ μὴ ἀντικειμένων· εἴη γὰρ ἂν μεταβολὴ καὶ μὴ ἐξ ἀντικειμένων· τῶν δ' ἀντικειμένων ἀντιφάσεως μὲν οὐκ ἔστι μεταξύ τοῦτο γάρ ἐστιν ἀντίφασις, [35] ἀντίθεσις ἧς ὁτῳοῦν θάτερον μόριον πάρεστιν, οὐκ ἐχούσης οὐθὲν μεταξύ, τῶν δὲ λοιπῶν τὰ μὲν πρός τι τὰ δὲ στέρησις τὰ δὲ ἐναντία ἐστίν. Τῶν δὲ πρός τι ὅσα μὴ ἐναντία, οὐκ ἔχει μεταξύ· αἴτιον δ' ὅτι οὐκ ἐν τῷ αὐτῷ γένει ἐστίν. [1057b][1] Τί γὰρ ἐπιστήμης καὶ ἐπιστητοῦ μεταξύ; ἀλλὰ μεγάλου καὶ μικροῦ. Εἰ δ' ἐστὶν ἐν ταὐτῷ γένει τὰ μεταξύ, ὥσπερ δέδεικται, καὶ μεταξὺ ἐναντίων, ἀνάγκη αὐτὰ συγκεῖσθαι ἐκ τούτων τῶν ἐναντίων. Ἢ γὰρ ἔσται τι γένος αὐτῶν ἢ οὐθέν. Καὶ εἰ μὲν [5] γένος ἔσται οὕτως ὥστ' εἶναι πρότερόν τι τῶν ἐναντίων, αἱ διαφοραὶ πρότεραι ἐναντίαι ἔσονται αἱ ποιήσουσαι τὰ ἐναντία εἴδη ὡς γένους· ἐκ γὰρ τοῦ γένους καὶ τῶν διαφορῶν τὰ εἴδη οἷον εἰ τὸ λευκὸν καὶ μέλαν ἐναντία, ἔστι δὲ τὸ μὲν διακριτικὸν χρῶμα τὸ δὲ συγκριτικὸν χρῶμα, αὗται αἱ διαφοραί, [10] τὸ διακριτικὸν καὶ συγκριτικόν, πρότεραι· ὥστε ταῦτα ἐναντία ἀλλήλοις πρότερα· ἀλλὰ μὴν τά γε ἐναντίως διαφέροντα μᾶλλον ἐναντία· καὶ τὰ λοιπὰ καὶ τὰ μεταξὺ ἐκ τοῦ γένους ἔσται καὶ τῶν διαφορῶν οἷον ὅσα χρώματα τοῦ λευκοῦ καὶ μέλανός ἐστι μεταξύ, ταῦτα δεῖ ἔκ τε τοῦ γένους λέγεσθαι [15] - ἔστι δὲ γένος τὸ χρῶμα - καὶ ἐκ διαφορῶν τινῶν· αὗται δὲ οὐκ ἔσονται τὰ πρῶτα ἐναντία· εἰ δὲ μή, ἔσται ἕκαστον ἢ λευκὸν ἢ μέλαν· ἕτεραι ἄρα· μεταξὺ ἄρα τῶν πρώτων ἐναντίων αὗται ἔσονται, αἱ πρῶται δὲ διαφοραὶ τὸ διακριτικὸν καὶ συγκριτικόν· ὥστε ταῦτα πρῶτα ζητητέον [20] ὅσα ἐναντία μὴ ἐν γένει, ἐκ τίνος τὰ μεταξὺ αὐτῶν
(ἀνάγκη γὰρ τὰ ἐν τῷ αὐτῷ γένει ἐκ τῶν
ἀσυνθέτων τῷ γένει συγκεῖσθαι ἢ ἀσύνθετα εἶναι)· τὰ μὲν οὖν ἐναντία
ἀσύνθετα ἐξ ἀλλήλων, ὥστε ἀρχαί· τὰ δὲ μεταξὺ ἢ πάντα ἢ οὐθέν. Ἐκ δὲ
τῶν ἐναντίων γίγνεταί τι, ὥστ' ἔσται μεταβολὴ εἰς τοῦτο [25] πρὶν ἢ
εἰς αὐτά· ἑκατέρου γὰρ καὶ ἧττον ἔσται καὶ μᾶλλον. Μεταξὺ ἄρα ἔσται
καὶ τοῦτο τῶν ἐναντίων. Καὶ τἆλλα ἄρα πάντα σύνθετα τὰ μεταξύ· τὸ
γὰρ τοῦ μὲν μᾶλλον τοῦ δ' ἧττον σύνθετόν πως ἐξ ἐκείνων ὧν λέγεται
εἶναι τοῦ μὲν μᾶλλον τοῦ δ' ἧττον. Ἐπεὶ δ' οὐκ ἔστιν ἕτερα πρότερα
ὁμογενῆ [30] τῶν ἐναντίων, ἅπαντ' ἂν ἐκ τῶν ἐναντίων εἴη τὰ μεταξύ,
ὥστε καὶ τὰ κάτω πάντα, καὶ τἀναντία καὶ τὰ μεταξύ, ἐκ τῶν πρώτων
ἐναντίων ἔσονται. Ὅτι μὲν οὖν τὰ μεταξὺ ἔν τε ταὐτῷ γένει πάντα καὶ
μεταξὺ ἐναντίων καὶ σύγκειται ἐκ τῶν ἐναντίων πάντα, δῆλον. |
Puisqu'il est possible qu'entre les contraires il y ait des intermédiaires, et qu'il y en a réellement dans 143 quelques cas, il faut nécessairement que les intermédiaires proviennent des contraires ; car tous les intermédiaires sont dans le même genre que les objets dont ils sont les intermédiaires. Nous appelons intermédiaire, ce en quoi doit nécessairement d'abord se changer ce qui change ; par exemple, si l'on veut passer graduellement de la dernière corde à la première, on passera d'abord par les sons intermédiaires. De même pour les couleurs : si l'on veut passer du blanc au noir, on passera par le rouge et le brun avant d'arriver au noir; de même pour tout le reste. Mais il n'est pas possible qu'il y ait changement d'un genre à un autre, si ce n'est sous le rapport de l'accident ; ainsi qu'il y ait changement de la couleur en figure. Il faut donc que tous les intermédiaires soient dans le même genre les uns que les autres, et dans le même genre que les objets dont ils sont intermédiaires, D'un autre côté, tous les intermédiaires sont intermédiaires entre des opposés ; car, c'est entre les opposés seuls que le changement peut s'opérer. Il est donc impossible qu'il y ait des intermédiaires sans opposés ; sinon, il y aurait un changement qui ne serait pas du contraire au contraire. Les opposés par contradiction n'ont point d'intermédiaires. La contradiction est, en effet, l'opposition de deux propositions entre lesquelles il n'y a pas de milieu : l'un des deux termes est donc nécessairement dans l'objet. Les autres oppositions sont la relation, la privation, la contrariété. Toutes les choses opposées par relation, et qui ne sont pas contraires, n'ont pas d'intermé- 144 diaires : la cause, c'est qu'elles n'appartiennent pas au même genre; [1057b] quel intermédiaire y a-t-il, en effet, entre la science et l'objet de la science ? Mais il y en a un entre le grand et le petit. Si donc les intermédiaires nppartiennent au même genre, comme nous l'avons montré, s'ils sont intermédiaires entre les contraires, il faut nécessairement qu'ils soient composés de ces contraires. Car, ou les contraires ont un genre, ou ils n'en ont pas. Si le genre est quelque chose d'antérieur aux contraires, les premières différences contraires seront celles qui auront produit les contraires à titre d'espèces dans le genre. Les espèces se composent, en effet, du genre et des différences: par exemple, si le blanc et le noir sont contraires, et l'un est une couleur qui fait distinguer les objets (44), l'autre une couleur qui les confond (45), ces propriétés de faire distinguer, ou de confondre les objets, seront les différences premières ; ce seront donc les premiers contraires. Ajoutons que les différences contraires sont plus contraires entre elles, que les autres contraires (46). Lesautres contraires, etles intermédiaires, seront composés du genre et des differences : par exemple, toutes les couleurs intermédiaires entre le blanc et le noir seront définies par le genre (le genre est la couleur), et par certaines différences ; mais ce ne seront point là les premiers contraires. Comme toute couleur n'est 145 pas ou blanche ou noire, il y aura d'autres différences ; ce seront des intermédiaires entre les premiers contraires, mais les premières différences seront ce qui fait distinguer ou confondre les objets. Par conséquent, il faut chercher d'abord ces premiers contraires qui ne sont pas opposés génériquement, et voir desquels ωiennent les intermédiaires. Il faut nécessairement que tout ce qui est compris sous un même genre, ou soit composé de parties non composées quant au genre, ou ne soit pas composé. Les contraires ne sont pas composés les uns des autres: dés lors il sont des principes; quant aux intermédiaires, ou bien ils sont tous composés, ou bien aucun ne l'est. Des contraires provient quelque chose ; de sorte qu'avant d'y avoir transformation dans les contraires, il y aura transformation dans ce quelque chose. Ce quelque chose sera plus et moins que l'un et l'autre des contraires; il sera donc intermédiaire entre eux j et tous les autres intermédiaires seront composés de même. Car être plus que l'un, moins que l'autre, c'est être composé des objets relativement auxquels on est dit être plus que l'un moins que l'autre. D'ailleurs, comme il n'y a point d'autres principes antérieurs aux contraires, qui soient de même genre qu'eux, tous les intermédiaires seront composés des contraires ; et alors tous les contraires et tous les intermédiaires inférieurs dériveront des premiers contraires. Il est donc évident que tous les intermédiaires appartiennent au même genre, qu'ils sont intermédiaires entre des contraires, et que tous, sans exception, ils sont composés des contraires. |
[35] Τὸ δ' ἕτερον τῷ εἴδει τινὸς τὶ ἕτερόν ἐστι, καὶ δεῖ τοῦτο ἀμφοῖν ὑπάρχειν· οἷον εἰ ζῷον ἕτερον τῷ εἴδει, ἄμφω ζῷα. Ἀνάγκη ἄρα ἐν γένει τῷ αὐτῷ εἶναι τὰ ἕτερα τῷ εἴδει· τὸ γὰρ τοιοῦτο γένος καλῶ ὃ ἄμφω ἓν ταὐτὸ λέγεται, μὴ κατὰ συμβεβηκὸς ἔχον διαφοράν, [1058a] [1] εἴτε ὡς ὕλη ὂν εἴτε ἄλλως. Οὐ μόνον γὰρ δεῖ τὸ κοινὸν ὑπάρχειν, οἷον ἄμφω ζῷα, ἀλλὰ καὶ ἕτερον ἑκατέρῳ τοῦτο αὐτὸ τὸ ζῷον, οἷον τὸ μὲν ἵππον τὸ δὲ ἄνθρωπον, διὸ τοῦτο τὸ κοινὸν ἕτερον ἀλλήλων [5] ἐστὶ τῷ εἴδει. Ἔσται δὴ καθ' αὑτὰ τὸ μὲν τοιονδὶ ζῷον τὸ δὲ τοιονδί, οἷον τὸ μὲν ἵππος τὸ δ' ἄνθρωπος. Ἀνάγκη ἄρα τὴν διαφορὰν ταύτην ἑτερότητα τοῦ γένους εἶναι. Λέγω γὰρ γένους [8] διαφορὰν ἑτερότητα ἣ ἕτερον ποιεῖ τοῦτο αὐτό.
Ἐναντίωσις τοίνυν ἔσται αὕτη (δῆλον δὲ
καὶ ἐκ τῆς ἐπαγωγῆς)· πάντα [10] γὰρ διαιρεῖται τοῖς ἀντικειμένοις,
καὶ ὅτι τὰ ἐναντία ἐν ταὐτῷ γένει, δέδεικται· ἡ γὰρ ἐναντιότης ἦν
διαφορὰ τελεία, ἡ δὲ διαφορὰ ἡ εἴδει πᾶσα τινὸς τί, ὥστε τοῦτο τὸ
αὐτό τε καὶ γένος ἐπ' ἀμφοῖν διὸ καὶ ἐν τῇ αὐτῇ συστοιχίᾳ πάντα τὰ
ἐναντία τῆς κατηγορίας ὅσα εἴδει διάφορα καὶ μὴ γένει, [15] ἕτερά τε
ἀλλήλων μάλιστα - τελεία γὰρ ἡ διαφορά - καὶ ἅμα ἀλλήλοις οὐ
γίγνεταἰ. ἡ ἄρα διαφορὰ ἐναντίωσίς ἐστιν. Τοῦτο ἄρα ἐστὶ τὸ ἑτέροις
εἶναι τῷ εἴδει, τὸ ἐν ταὐτῷ γένει ὄντα ἐναντίωσιν ἔχειν ἄτομα ὄντα
ταὐτὰ δὲ τῷ εἴδει ὅσα μὴ ἔχει ἐναντίωσιν ἄτομα ὄντα· ἐν γὰρ τῇ
διαιρέσει καὶ [20] ἐν τοῖς μεταξὺ γίγνονται ἐναντιώσεις πρὶν εἰς τὰ
ἄτομα ἐλθεῖν· ὥστε φανερὸν ὅτι πρὸς τὸ καλούμενον γένος οὔτε ταὐτὸν
οὔτε ἕτερον τῷ εἴδει οὐθέν ἐστι τῶν ὡς γένους εἰδῶν προσηκόντως· ἡ
γὰρ ὕλη ἀποφάσει δηλοῦται, τὸ δὲ γένος ὕλη οὗ λέγεται γένος - μὴ ὡς
τὸ τῶν Ἡρακλειδῶν ἀλλ' ὡς τὸ [25] ἐν τῇ φύσει - οὐδὲ πρὸς τὰ μὴ ἐν
ταὐτῷ γένει, ἀλλὰ διοίσει τῷ γένει ἐκείνων, εἴδει δὲ τῶν ἐν ταὐτῷ
γένει. Ἐναντίωσιν γὰρ ἀνάγκη εἶναι τὴν διαφορὰν οὗ διαφέρει εἴδει·
αὕτη δὲ ὑπάρχει τοῖς ἐν ταὐτῷ γένει οὖσι μόνοις. |
146 La différence d'espèce est la différence d'une chose avec une autre chose, dans quelque chose qui doit être commun à toutes les deux. Ainsi, si un animal diffère d'espèce avec un autre être, les deux êtres sont des animaux. Il faut donc que les êtres dont l'espèce diffère soient de même genre; car j'appelle genre, ce qui constitue l'unité et l'identité de deux êtres, sauf les différences essentielles ; [1058a] soit qu'il existe à titre de matière ou autrement. Non-seulement, en effet, il faut qu'il y ait entre les deux êtres communauté générique ; non-seulement ils doivent être deux animaux, mais il faut que l'animal soit différent dans chacun de ces deux êtres; l'un, par exemple, sera un cheval, l'autre un homme. Par conséquent, c'est le genre commun aux êtres différents qui se diversifie en espèces; il doit être à la fois et essentiellement tel animal et tel autre animal: il y a en lui le chevalet l'homme, par exemple. La différence dont il s'agit est donc nécessairement une variété du genre ; car j'appelle variété la différence du genre qui produit la différence des espèces du genre. La différence d'espèce serait alors une contrariété, mais l'induction peut justifier cette conséquence : c'est en les opposant qu'on sépare les êtres; et d'ailleurs 147 nous avons montré que le même genre embrassait les contraires ; car, la différence parfaite, c'est la contrariété (47). Or, toute différence d'espèce est la différence d'une chose avec une autre chose. De sorte que ce qui fait l'identité des deux êtres, le genre qui les embrasse l'un et l'autre, est en lui-même marqué du caractère de la différence. Il s'ensuit que tous les contraires sont renfermés entre les deux termes de chaque catégorie; je veux dire les contraires qui diffèrent d'espèce et non de genre, les êtres qui ont entre eux la plus grande différence possible, car c'est alors, qu'il y a différence parfaite, et qu'il n'y a jamais production simultanée. La différence est donc une opposition de deux individus appartenant au même genre. L'identité d'espèce est au contraire le rapport des individus qui ne sont pas opposés entre eux. En effet, avant les oppositions individuelles, il n'y a d'opposition que dans la division du genre, que dans les intermédiaires entre le genre et l''individu.il est évident alors, qu'aucune des espèces qui sont comprises sous le genre, n'est avec le genre proprement dit, ni dans un rapport d'identité, ni dans un rapport de différence d'espèce. C'est par la négation qu'on démontre la matière. Or, le genre est la matière de ce qu'on nomme genre ; non pas genre au sens de race (48), ainsi qu'on dit les Héraclides (49), mais comme ce qui entre dans la nature des êtres. Les espèces ne diffèrent pas 148 d'espèce avec les espèces contenues dans un autre genre; alors il y a différence de genre : la différence d'espèce n'a lieu que pour les êtres qui appartiennent au même genre. Il faut, en effet, que la différence de ce qui diffère d'espèce soit une contrariété. Or, ce n'est qu'entre les êtres du même genre qu'il peut y avoir contrariété. |
Ἀπορήσειε δ' ἄν τις διὰ τί γυνὴ ἀνδρὸς οὐκ εἴδει διαφέρει, [30] ἐναντίου τοῦ θήλεος καὶ τοῦ ἄρρενος ὄντος τῆς δὲ διαφορᾶς ἐναντιώσεως, οὐδὲ ζῷον θῆλυ καὶ ἄρρεν ἕτερον τῷ εἴδει· καίτοι καθ' αὑτὸ τοῦ ζῴου αὕτη ἡ διαφορὰ καὶ οὐχ ὡς λευκότης ἢ μελανία ἀλλ' ᾗ ζῷον καὶ τὸ θῆλυ καὶ τὸ ἄρρεν ὑπάρχει. Ἔστι δ' ἡ ἀπορία αὕτη σχεδὸν ἡ αὐτὴ καὶ διὰ [35] τί ἡ μὲν ποιεῖ τῷ εἴδει ἕτερα ἐναντίωσις ἡ δ' οὔ, οἷον τὸ πεζὸν καὶ τὸ πτερωτόν, λευκότης δὲ καὶ μελανία οὔ. Ἢ ὅτι τὰ μὲν οἰκεῖα πάθη τοῦ γένους τὰ δ' ἧττον; Καὶ ἐπειδή ἐστι τὸ μὲν λόγος τὸ δ' ὕλη, [1058b][1] ὅσαι μὲν ἐν τῷ λόγῳ εἰσὶν ἐναντιότητες εἴδει ποιοῦσι διαφοράν, ὅσαι δ' ἐν τῷ συνειλημμένῳ τῇ ὕλῃ οὐ ποιοῦσιν. Διὸ ἀνθρώπου λευκότης οὐ ποιεῖ οὐδὲ μελανία, οὐδὲ τοῦ λευκοῦ ἀνθρώπου ἔστι διαφορὰ κατ' εἶδος πρὸς [5] μέλανα ἄνθρωπον, οὐδ' ἂν ὄνομα ἓν τεθῇ. Ὡς ὕλη γὰρ ὁ ἄνθρωπος, οὐ ποιεῖ δὲ διαφορὰν ἡ ὕλη· οὐδ' ἀνθρώπου γὰρ εἴδη εἰσὶν οἱ ἄνθρωποι διὰ τοῦτο, καίτοι ἕτεραι αἱ σάρκες καὶ τὰ ὀστᾶ ἐξ ὧν ὅδε καὶ ὅδε· ἀλλὰ τὸ σύνολον ἕτερον μέν, εἴδει δ' οὐχ ἕτερον, ὅτι ἐν τῷ λόγῳ οὐκ ἔστιν ἐναντίωσις. Τοῦτο δ' [10] ἐστὶ τὸ ἔσχατον ἄτομον· ὁ δὲ Καλλίας ἐστὶν ὁ λόγος μετὰ τῆς ὕλης· καὶ ὁ λευκὸς δὴ ἄνθρωπος, ὅτι Καλλίας λευκός· κατὰ συμβεβηκὸς οὖν ὁ ἄνθρωπος. Οὐδὲ χαλκοῦς δὴ κύκλος καὶ ξύλινος· οὐδὲ τρίγωνον χαλκοῦν καὶ κύκλος ξύλινος, οὐ διὰ τὴν ὕλην εἴδει διαφέρουσιν ἀλλ' ὅτι ἐν τῷ λόγῳ [15] ἔνεστιν ἐναντίωσις. Πότερον δ' ἡ ὕλη οὐ ποιεῖ ἕτερα τῷ εἴδει, οὖσά πως ἑτέρα, ἢ ἔστιν ὡς ποιεῖ; Διὰ τί γὰρ ὁδὶ ὁ ἵππος τουδὶ <τοῦ> ἀνθρώπου ἕτερος τῷ εἴδει; καίτοι σὺν τῇ ὕλῃ οἱ λόγοι αὐτῶν. Ἢ ὅτι ἔνεστιν ἐν τῷ λόγῳ ἐναντίωσις; καὶ γὰρ τοῦ λευκοῦ ἀνθρώπου καὶ μέλανος ἵππου, καὶ ἔστι γε [20] εἴδει, ἀλλ' οὐχ ᾗ ὁ μὲν λευκὸς ὁ δὲ μέλας, ἐπεὶ καὶ εἰ ἄμφω λευκὰ ἦν, ὅμως ἂν ἦν εἴδει ἕτερα. Τὸ δὲ ἄρρεν καὶ θῆλυ τοῦ ζῴου οἰκεῖα μὲν πάθη, ἀλλ' οὐ κατὰ τὴν οὐσίαν ἀλλ' ἐν τῇ ὕλῃ καὶ τῷ σώματι, διὸ τὸ αὐτὸ σπέρμα θῆλυ ἢ ἄρρεν γίγνεται παθόν τι πάθος.
Τί μὲν οὖν ἐστὶ τὸ τῷ εἴδει ἕτερον
[25] εἶναι, καὶ διὰ τί τὰ μὲν διαφέρει εἴδει τὰ δ' οὔ, εἴρηται. |
On se demandera sans doute pourquoi l'homme ne diffère pas d'espèce avec la femme, y ayant opposition entre le féminin et le masculin, et la différence d'espèce étant une contrariété ; et pourquoi le mâle et la femelle ne sont pas des animaux d'espèce différente, puisque la différence qu'il y a entre eux est une différence essentielle de l'animal, et que ce n'est pas là un accident comme la couleur blanche ou noire, mais que c'est en tant qu'animal, que l'animal est masculin ou féminin. Cette difficulté revient à peu près à celle-ci : Pourquoi telle contrariété produit-elle, et telle autre ne produit-elle pas la différence d'espèce ? Il y a différence d'espèce, par exemple, entre l'animal qui marche sur la terre (50) et celui qui a des ailes (51) tandis que 149 l'opposition de la blancheur et de la couleur noire ne produit pas cette différence. Pourquoi cela ? dira-t-on. C'est que parmi les caractères des êtres, les uns sont des modifications propres du genre, les autres n'atteignenτ pas le genre lui-même. Et puis, il y a d'un côté la notion pure des êtres, et de l'autre leur matière. [1058b] Toutes les oppositions qui résident dans la notion pure constituent des différences d'espèce ; toutes celles qui n'existent que dans l'ensemble de l'essence et de la matière (52) n'en produisent pas : d'où il suit que ni la blancheur de l'homme, ni sa couleur noire ne constituent des différences dans le genre, et qu'il n'y a pas de différence d'espèce entre l'homme blanc et l'homme noir, quand même on leur donnerait à chacun un nom. En effet, l'homme est, pour ainsi dire, la matière des hommes. Or, la matière ne produit pas de différence. En effet, les hommes ne sont pas des espèces de l'homme (53). Ainsi donc, bien qu'il y ait différence entre les chairs et les os dont se compose tel ou tel homme, l'ensemble, différent il est vrai, ne diffère point spécifiquement, parce qu'il n'y a pas contrariété dans la notion essentielle : l'ensemble est le dernier individu de l'espèce. Callias, c'est l'essence unie à la matière. Donc c'est parce que Cal lias est blanc que l'homme est blanc lui-même ; donc c'est accidentellement que l'homme est blanc ; donc 150 aussi ce n'est point la matière qui peut constituer une différence d'espèce entre le triangle d airain et le triangle de bois; il faut qu'il y ait contrariété dans la notion essentielle des figures. Mais est-il vrai que la matière, bien qu'en quelque sorte différente, ne produise jamais de différence d'espèce ? N'en produit-elle point dans certains cas ? Pourquoi tel cheval diffère-t-il de tel homme ? La matière est pourtant comprise dans la notion de ces animaux. Pourquoi? demande-t-on. C'est qu'il y a entre eux contrariété dans l'essence. C'est bien l'opposition de l'homme blanc et du cheval noir ; mais leur opposition spécifique, et non pas en tant que l'un est blanc et l'autre noir. Fussent-ils blancs l'un et l'autre, ils différeraient encore d'espèce entre eux. Quant aux sexes mâle et femelle, ce sont des modifications propres de l'animal, il est vrai, mais non des modifications dans l'essence : ils n'existent que dans la matière, dans le corps. Aussi bien la même semence, soumise à telle ou telle modification, devient- elle ou femelle, ou mâle. Nous venons de dire ce que c'est que la différence d'espèce, et pourquoi certains êtres diffèrent et d'autres ne diffèrent pas spécifiquement. |
Ἐπειδὴ δὲ τὰ ἐναντία ἕτερα τῷ εἴδει, τὸ δὲ φθαρτὸν καὶ τὸ ἄφθαρτον ἐναντία (στέρησις γὰρ ἀδυναμία διωρισμένη), ἀνάγκη ἕτερον εἶναι τῷ γένει τὸ φθαρτὸν καὶ τὸ ἄφθαρτον. Νῦν μὲν οὖν ἐπ' αὐτῶν εἰρήκαμεν τῶν καθόλου [30] ὀνομάτων, ὥστε δόξειεν ἂν οὐκ ἀναγκαῖον εἶναι ὁτιοῦν ἄφθαρτον καὶ φθαρτὸν ἕτερα εἶναι τῷ εἴδει, ὥσπερ οὐδὲ λευκὸν καὶ μέλαν τὸ γὰρ αὐτὸ ἐνδέχεται εἶναι, καὶ ἅμα, ἐὰν ᾖ τῶν καθόλου, ὥσπερ ὁ ἄνθρωπος εἴη ἂν καὶ λευκὸς καὶ μέλας, καὶ τῶν καθ' ἕκαστον· εἴη γὰρ ἄν, μὴ ἅμα, ὁ αὐτὸς [35] λευκὸς καὶ μέλας· καίτοι ἐναντίον τὸ λευκὸν τῷ μέλανι· ἀλλὰ τῶν ἐναντίων τὰ μὲν κατὰ συμβεβηκὸς ὑπάρχει ἐνίοις, οἷον καὶ τὰ νῦν εἰρημένα καὶ ἄλλα πολλά, τὰ δὲ ἀδύνατον, ὧν ἐστὶ καὶ τὸ φθαρτὸν καὶ τὸ ἄφθαρτον· [1059a][1] οὐδὲν γάρ ἐστι φθαρτὸν κατὰ συμβεβηκός· τὸ μὲν γὰρ συμβεβηκὸς ἐνδέχεται μὴ ὑπάρχειν, τὸ δὲ φθαρτὸν τῶν ἐξ ἀνάγκης ὑπαρχόντων ἐστὶν οἷς ὑπάρχει· ἢ ἔσται τὸ αὐτὸ καὶ ἓν φθαρτὸν [5] καὶ ἄφθαρτον, εἰ ἐνδέχεται μὴ ὑπάρχειν αὐτῷ τὸ φθαρτόν. Ἢ τὴν οὐσίαν ἄρα ἢ ἐν τῇ οὐσίᾳ ἀνάγκη ὑπάρχειν τὸ φθαρτὸν ἑκάστῳ τῶν φθαρτῶν. Ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ περὶ τοῦ ἀφθάρτου· τῶν γὰρ ἐξ ἀνάγκης ὑπαρχόντων ἄμφω. ᾟ ἄρα καὶ καθ' ὃ πρῶτον τὸ μὲν φθαρτὸν τὸ δ' ἄφθαρτον, [10] ἔχει ἀντίθεσιν, ὥστε ἀνάγκη γένει ἕτερα εἶναι.
Φανερὸν τοίνυν ὅτι οὐκ ἐνδέχεται εἶναι
εἴδη τοιαῦτα οἷα λέγουσί τινες· ἔσται γὰρ καὶ ἄνθρωπος ὁ μὲν φθαρτὸς
ὁ δ' ἄφθαρτος. Καίτοι τῷ εἴδει ταὐτὰ λέγεται εἶναι τὰ εἴδη τοῖς τισὶ
καὶ οὐχ ὁμώνυμα· τὰ δὲ γένει ἕτερα πλεῖον διέστηκεν ἢ τὰ εἴδει. |
Il y a différence d'espèce entre les contraires ; or, le 151 périssable et l'impérissable sont contraires l'un à l'autre, car la privation est une impuissance déterminée (54). Mais, de toute nécessité, le périssable et l'impérissable différent génériquement : nous parlons ici du périssable et de l'impérissable considérés comme universaux. Il semblerait donc qu'entre un être impérissable quelconque et un être périssable, il n'y a pas nécessairement de différence spécifique, comme il n'y en a pas entre l'être blanc et l'être noir. En effet, le même être peut être blanc et noir, simultanément s'il appartient aux universaux ; ainsi l'homme est blanc et noir, successivement si c'est un individu ; ainsi le même homme peut être succesivement blanc et noir, et pourtant le blanc et le noir sont opposés l'un à l'autre. Mais, parmi les contraires, les uns coexistent accidentellement dans certains êtres : tels sont ceux dont nous venons de parler, et une foule d'autres encore; .tandis que d'autres ne peuvent exister dans le même être : tels sont le périssable et l'impérissable. [1059a] Il n'y a rien qui soit périssable accidentellement, car ce qui est accidentel peut ne pas exister dans les êtres. Or, le périssable existe de toute nécessité dans l'être où il existe ; sans cela, le même être, un être unique, serait à la fois périssable et impérissable, puisqu'il serait possible qu'il n'eûl pas en lui le principe de sa destruction. Le périssable, par conséquent, ou bien est l'essence même de chacun des êtres périssables, ou bien réside dans l'essence de ces êlres. Même raisonnement pour l'impérissable ; car l'impérissable et le 152 périssable existent l'un comme l'autre de toute nécessité dans les êtres. Donc il y a une opposition entre les principes mêmes qui font, par leur relation avec les êtres, que tel est périssable, tel autre impérissable. Donc c'est génériquement que le périssable et l'impérissable diffèrent entre eux. Il est évident d'après cela, qu'il ne peut pas y avoir d'idées, au sens où les admettent certains philosophes, car alors il y aurait l'homme périssable d'un côté, et de l'autre l'homme impérissable. On prétend que les idées sont de la même espèce que les êtres particuliers, et non pas seulement identiques par le nom. Or, il y a plus de distance entre les êtres qui diffèrent géné- nériquement, qu'entre ceux qui diffèrent spécifiquement (55). FIN DU LIVRE DIXIÈME. |
NOTES. LIVRE DIXIÈME. Page 122. Ainsi, le demi-ton est deux choses : il y a le demi-ton qui n'est pas perçu par l'ouïe, mais qui est la notion même du demi-ton ; il y a plusieurs lettres pour mesurer les syllabes ; enfin la diagonale a deux mesures, et, comme elle, le côté et toutes les grandeurs. BEKKER, p. 1053 : οἷον αἱ διέσεις δύο, αἱ μὴ κατὰ τὴν ἀκοὴν ἀλλ' ἐν τοῖς λόγοις, καὶ αἱ φωναὶ πλείους αἷς μετροῦμεν, καὶ ἡ διάμετρος δυσὶ μετρεῖται καὶ ἡ πλευρά, καὶ τὰ μεγέθη πάντα. Brandis p. 194, 195, donne μεγέθη τινὰ ὄντα au lieu de κ. τ. μ. π. ; cette leçon n'est appuyée que par un seul manuscrit, suivant Bekker ; elle est d'ailleurs la suppression d'un terme qui semble nécessaire pour compléter l'idée : ce n'est point assez d'avoir dit, la diagonale et le côté ; toutes les grandeurs, lignes, plans, solides, sont dans le même cas; toutes ont et une mesure sensible et une mesure intelligible. Il y a même deux sciences des grandeurs ; il y a ce qu'Aristote appelle ta Géodésie, qui mesure avec le pied ou la toise, et la Géométrie, qui mesure avec une unité tout intelligible. Saint Thomas s'est trompé sur le sens de tout ce passage. Il pense que par ces deux demi-tons, Aristote entend les deux demi-tons inégaux, dans lesquels le ton entier se divise, mais dont nous ne percevons pas la différence, l'inégalité, 350 sinon rationnellement. Et pour la double mesure des quantités, il fait observer seulement qu'on ne peut connaître une quantité inconnue qu'au moyen de deux quantités connues. Vοy. fol. 126, b. Mais Alexandre d'Aphrodisée, Schol. p. 787, et Philopon, fol. 40, b, s'expriment autrement : αἱ μὴ κατὰ τὴν ἀκοήν ne signifie pas, selon eux, que ni l'un ni l'autre de ces demi-tons ne soit point perceptible pour l'ouïe, mais seulement qu'ils ne sont pas également perceptibles. Alexandre transcrit même ἀλλ' οὐχὶ κ. τ. α. « Il y a deux sortes de mesure, dit-il ensuite, la notion de la mesure et la mesure elle-même, par exemple la notion de la coudée, notion qui réside dans notre âme, et la coudée de bois. De même le demi-ton est double -, il y a la notion et l'essence du demi- ton, et le demi-ton qui est perçu par les oreilles, etc.» Page 139. A moins donc qu'il ne s'agisse d'un continu indéterminé, le peu sera une pluralité... Nous avons suivi la leçon vulgaire ἐν συνεχεῖ ἀορίστῳ, rejetée par Brandis, p. 204; et Bekker, pag. 1056. Les nouveaux éditeurs lisent εὐορίστῳ au lieu de ἀορίστῳ. La correction est appuyée de l'autorité des traducteurs latins, qui semblent tous avoir eu le mot εὐορίστῳ sous les yeux. Alexandre d'Aphrodisée, Schol. p. 791, Sepulv. p. 260, donne et explique les mots ἐν συνεχεῖ ἀορίστῳ; Philopon de même : nisi quid differat in continue indeterminato. fol. 43, a. Aristote nous apprend, dans le de Generatione II, 2, Bekker, p. 229-30, ce qu'il entend par un continu indéterminé. C'est l'eau, c'est l'air, c'est toute sorte de liquide ou de fluide, tout ce qui n'a pas par soi-même de figure, tout ce qui n'a d'autre forme que celle du contenant. Ἀορίστῳ, du reste, entraîne l'idée d'εὐορίστῳ, comme le font entendre Alexandre et Philopon : Interminabilia enim proprio termina, bene vero terminabilia, aliena, dit ce dernier, transcrivant les propres paroles d'Alexandre. Par la même raison, εὐορίστῳ supposerait l'idée d'ἀορίστῳ. Il n'y 361 a de susceptible de détermination que ce qui est indéterminé. Page 143. La contradiction est, en effet, l'opposition de deux propositions entre lesquelles il n'y a pas de milieu : l'un des deux termes est donc nécessairement dans l'objet. BEKKER, p. 1057; BRANDIS, p. 206 : τοῦτο γάρ ἐστιν ἀντίφασις, ἀντίθεσις ἧς ὁτῳοῦν θάτερον μόριον πάρεστιν, οὐκ ἐχούσης οὐθὲν μεταξύ. Les anciens éditeurs intercalent entre πάρεστιν et οὐκ ἐχ. ces mots : ἐχούσης οὐδὲν μεταξὺ ἧς ὁνῳοῦν θάτερον μόριον ὃν τὸ ναὶ ἢ τὸ οὐ πάρεστιν. Bekker n'a pas trouvé ce membre de phrase dans ses mss. ; et avant Brandis et Bekker tous les traducteurs l'avaient omis, comme ils ont fait eux-mêmes. Il ne faut voir, dans cette prétendue leçon, qu'une glose de la phrase principale. En effet, il n'y a point d'intermédiaire entre oui et non ; et c'est là ce qui fait que l'opposition par contradiction n'admet pas de milieu. |
|
01 Voyez liv. V, 6, t. 1, p. 160 sqq. Nous avons ici une preuve positive, irréfragable, que le cinquième livre faisait réellement partie de la Metaphysique. Aristote désigne nominativement ce îivre : Ἐν τοῖς περὶ τοῦ ποσαχῶς, et ne se contente pas de la simple expression, nous avons dit, εἴρηταιi, comme il fait d'ordinaire ; expression qui pourrait à la rigueur s'appliquer à un traité different de la Métaphysique. Il est plus explicite, il précise davantage : nous avons dit précédemment, εἴρηται πρότερον. Comment Aristote aurait-il pu se servir du mot précédemment, si le cinquième livre était, ainsi qu'on l'a prétendu, un traité séparé de la Métaphysique ? 02 Φορᾶς κυκλοφορίαν. 03. Τὸ συνεχὲς φύσει 04. Τὸ ὅλον. 05. Τὸ καθ' ἕκαστον. 06. Τὸ καθ' ὅλου 07. La mesure sensible, le doigt, la coudée, le pied, ou toute autre unité de ce genre, et la mesure intelligible. Voyez la note à la fin du volume. 08 Aristote veut parler des limites imposees à la science et à la connaissante sensible par la nature même des choses. Voyez plus bas, à la fin du chap. VI. 09. « Si j'étais mesuré par quelqu'un, et que je connusse que j'ai deux coudées parce qu'on aurait appliqué deux fois la coudée sur ma personne, je pourrais dire que je me suis mesuré, parce que je sais « quelle est ma taille : mais en réalité j'aurais été mesuré. C'est ainsi que nous disons que la science sert de mesure, parce qu'elle nous fait a connaître les choses ; mais, en réalité, elle est mesurée par les choses. » Alexandre, Schol., p. 787; Sepulv., p. 251. 10. Voyez liv. IV, 5,t.1, p. 126 sqq. 11. Οὐθὲν περιττόν. 12. Ἐν τοῖς διαπορήμασι. C'est notre livre IV qu'Aristote désigne par cette expression. 13. Liv. VII, 13, t. II, p. 14. Τὸ ἑκάστῳ εἶναι. 15. Voyez liv. V, 10, t.1, p. 172 sq. et Catégories, 9, Bekk., p. 11. 16. Liv. V, 9, t. I, p. 170 sqq. 17. Liv. V, 9. id. 18. Ἐν τῇ αὐτῇ συστοιχίᾳ τῆς κατηγορίας. Les catégories se divisent en deux séries, συστοιχίαι, la série positive et la négative. Les contraires peuvent appartenir l'un et l'autre, dans les catégories où ils se trouvent, soit à la série positive, soit à la série négative. Un hommme d'une haute taille et un nain sont le contraire l'un de l'autre : mais ils sont dans la même série de l'attribution ; ils sont identiques sous le rapport du genre et de l'espèce. 19. Voyez liv. V, 9, t.1, p. 170 sqq. 20. Aristote a dëmontré au long ce principe dans le De generatione et corruptione, liv. II, 4, 5, Bekk., p. 331 sqq. 21. Voyez liv. V, 16, t. I. p. 187 sqq. 22. Τῷ τέλος ἔχειν... τέλεια. Nous avons dejà fait observer ailleurs, t.1, p. 188, que cette analogie des termes, qui marque si bien dans le grec la liaison des idées, nous fait souvent défaut dans la langue française, là où elle nous serait si opportune : le lecteur est donc prié de faire de temps en temps la part des necessités de notre idiome, lorsque la traduction lui offre quelque trait choquant par son étrangeté. 23.Ἕξις καὶ στέρησις. 24. Voyez V, 22, t. I, p. 193, 194. 25. Voyez le De Interpretatione. chap. 12. Bekk., p. 21, 22. 26. Ἐν ἄλλοις. Liv. V, 22, etc. 27. Voyez le De generatione et corruptione, I, 3. Bekk., p. 317 sqq. 28. Cette parenthèse est négligée par les traducteurs latins, le traducteur allemand, et les nouveaux éditeurs, comme une répétition inutile tics derniers mots du chapitre précédent. 29. Τὸ πότερον. 30. Ἀπόφασις στερητική. 31. Ἀντικειμένων συναπόφασις. 32. Ὀλίγον, ὀλίγα. 33. Τὸ πολύ. 34. Πλῆθος. 35. Un liquide, un fluide quelconque, l'eau, l'air, etc. Voyez le De generatione et corruptione, II, 2. Bekker, p. 229, 230, et la phrase qui va suivre tout à l'heure : L'eau est beaucoup, elle n'est pas une multitude. 36. Argyrojmle traduit : ut vinum dicitur...; rendant, comme dit Du Val, la pensée d'Aristote, mais non pas l'expression dont il s'était servi. 37. Πλῆθος ἔχον ὑπεροχήν 38. Πλῆθος ἔχον ἔλλειψιν 39. Ἄπειρα καὶ πλήθει καὶ μικρότητι. Sur la doctrine d'Anaxagore, liv. I, 7, t. 1, p. 39 ; liv. IV, 4, p. 116 sqq. ; et passim. 40. Cette phrase, bien qu'utile au sens, à ce qu'il semble, manque chez les traducteurs latins, et chez les nouveaux éditeurs, et le traducteur allemand : nous avons cru devoir la conserver. 41. C'est encore le Ve livre qu'Aristote désigne ainsi. Voyez liv. V, 15, t. I, 134 sqq. 42. Aristote dit plus bas, au livre XIV, 1, que le nombre est une multitude mesurée et une multitude de mesures, πλῆθος μεμετρημένον καὶ πλῆθος μέτρων. 43. Voyez plus haut, dans le présent livre, à la fin du chapitre premier. 44. Διακριτικὸν χρῶμα. 45. Συγκριτικὸν χρῶμα. 46. Elles sont plus contraires que ne le sont les espèces contraires, parce qu'elles sont antérieures aux espèces, et sont causes de leur contrariété. 47. Plus haut, ch. 4, p. 131 sqq. 48. Voyez liv. V, 28, t.1, p. 201 sqq. 49. Argyrop. Les Pélopides. 50. Τὸ πεζόν. 51. Τὸ πτερωτόν 52. .Ἐν τῷ συνειλημμένῳ τῇ ὕλῃ. C'est ce qu'Aristote désigne ailleurs par τὸ σύνολον, c'est le complexe matériel, la puissance réalisée, tout ce qui a matière et forme. 53. Voyez liv. III, 3, t. 1. , p. 83, 84. 54. Voyez liv. V, 22, t. I, p. 193,194. 55. « Remarquons ici, dit St. Thomas dans son commentaire, que s'il est vrai, comme le démontre Aristote, que certains contraires ne produisent pas la différence specifique, tandis que d'autres font différer les êtres même génériquemenI; toutefois, il n'est pas de contraire qui ne produise la différence spécifique, sous un point de vue, et quelques-uns aussi la difference générique. Tous les contraires font différer les êtres specifiquement, si l'on particularise, si l'on fait la comparaison des contraires dans quelque genre déterminé. Le blanc et le noir ne font pas différer d'espèce dans le genre animal ; mais dans le genre de la couleur, ils font différer specifiquement. Le masculin et le féminin font différer specifiquement, sous le point de vue du sexe, etc. » D. Thom. Aq., t. IV, fol. 137, a.
|