Aristote : Métaphysique

ARISTOTE

MÉTAPHYSIQUE

LIVRE ΧI

LIVRE X - LIVRE XII

Traduction : Alexis PIERRON et Charles ZEVORT.

Autres traductions :  Barthélemy SAINT-HILAIRE : livre ΧI (bilingue)

 

 

LA MÉTAPHYSIQUE D’ARISTOTE.

Livre ΧΙ

 

 

 MÉTAPHYSIQUE D'ARISTOTE,

LIVRE ONZIÈME.

(K)

SOMMAIRE DU LIVRE ONZIEME.

I. Difficultés relatives à la philosophie. — II. Quelques autres difficultés. — III. Qu'une science unique peut embrasser un grand nombre d'objets, et d'espèces différentes. — IV. La recherche des principes des êtres mathématiques est du ressort de la philosophie première. — V. Il est impossible que dans le même temps la même chose soit et ne soit pas. — VI. De l'opinion de Protagoras, que l'homme est la mesure de toutes choses. Des contraires et des opposés. — VII. La Physique est une science théorétique, et comme elle, la Science mathématique et la Théologie. — VIII. De l'être accidentel. — IX. Le mouvement est l'actualité du possible en tant que possible. — X. Un corps ne peut pas être infini. — XI. Du changement. — XII. Du mouvement.

Ι.

[1059a] [18] Ὅτι μὲν ἡ σοφία περὶ ἀρχὰς ἐπιστήμη τίς ἐστι, δῆλον ἐκ τῶν πρώτων ἐν οἷς διηπόρηται πρὸς τὰ ὑπὸ τῶν ἄλλων [20] εἰρημένα περὶ τῶν ἀρχῶν· ἀπορήσειε δ' ἄν τις πότερον μίαν ὑπολαβεῖν εἶναι δεῖ τὴν σοφίαν ἐπιστήμην ἢ πολλάς· εἰ μὲν γὰρ μίαν, μία γ' ἐστὶν ἀεὶ τῶν ἐναντίων, αἱ δ' ἀρχαὶ οὐκ ἐναντίαι· εἰ δὲ μὴ μία, ποίας δεῖ θεῖναι ταύτας;  Ἔτι τὰς ἀποδεικτικὰς ἀρχὰς θεωρῆσαι μιᾶς ἢ πλειόνων; Εἰ μὲν γὰρ [25] μιᾶς, τί μᾶλλον ταύτης ἢ ὁποιασοῦν; Εἰ δὲ πλειόνων, ποίας δεῖ ταύτας τιθέναι; Ἔτι πότερον πασῶν τῶν οὐσιῶν ἢ οὔ; Εἰ μὲν γὰρ μὴ πασῶν, ποίων χαλεπὸν ἀποδοῦναι· εἰ δὲ πασῶν μία, ἄδηλον πῶς ἐνδέχεται πλειόνων τὴν αὐτὴν ἐπιστήμην εἶναι. Ἔτι πότερον περὶ τὰς οὐσίας μόνον ἢ καὶ τὰ [30] συμβεβηκότα ἀπόδειξίς ἐστιν; Εἰ γὰρ περί γε τὰ συμβεβηκότα ἀπόδειξίς ἐστιν, περὶ τὰς οὐσίας οὐκ ἔστιν· εἰ δ' ἑτέρα, τίς ἑκατέρα καὶ ποτέρα σοφία; ᾟ μὲν γὰρ ἀποδεικτική, σοφία ἡ περὶ τὰ συμβεβηκότα· ᾗ δὲ περὶ τὰ πρῶτα, ἡ τῶν οὐσιῶν. Ἀλλ' οὐδὲ περὶ τὰς ἐν τοῖς φυσικοῖς εἰρημένας αἰτίας [35] τὴν ἐπιζητουμένην ἐπιστήμην θετέον· οὔτε γὰρ περὶ τὸ οὗ ἕνεκεν τοιοῦτον γὰρ τὸ ἀγαθόν, τοῦτο δ' ἐν τοῖς πρακτοῖς ὑπάρχει καὶ ταῖς οὖσιν ἐν κινήσει· καὶ τοῦτο πρῶτον κινεῖ - τοιοῦτον γὰρ τὸ τέλος - τὸ δὲ πρῶτον κινῆσαν οὐκ ἔστιν ἐν τοῖς ἀκινήτοις· ὅλως δ' ἀπορίαν ἔχει πότερόν ποτε περὶ τὰς αἰσθητὰς οὐσίας ἐστὶν ἡ ζητουμένη νῦν ἐπιστήμη ἢ οὔ, περὶ δέ τινας ἑτέρας. [1059b] [1] Εἰ γὰρ περὶ ἄλλας, ἢ περὶ τὰ εἴδη εἴη ἂν ἢ περὶ τὰ μαθηματικά. Τὰ μὲν οὖν εἴδη ὅτι οὐκ ἔστι, δῆλον (ὅμως δὲ ἀπορίαν ἔχει, κἂν εἶναί τις αὐτὰ θῇ, διὰ τί ποτ' οὐχ ὥσπερ ἐπὶ τῶν μαθηματικῶν, [5] οὕτως ἔχει καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων ὧν ἔστιν εἴδη· λέγω δ' ὅτι τὰ μαθηματικὰ μὲν μεταξύ τε τῶν εἰδῶν τιθέασι καὶ τῶν αἰσθητῶν οἷον τρίτα τινὰ παρὰ τὰ εἴδη τε καὶ τὰ δεῦρο, τρίτος δ' ἄνθρωπος οὐκ ἔστιν οὐδ' ἵππος παρ' αὐτόν τε καὶ τοὺς καθ' ἕκαστον· εἰ δ' αὖ μὴ ἔστιν ὡς λέγουσι, [10] περὶ ποῖα θετέον πραγματεύεσθαι τὸν μαθηματικόν; Οὐ γὰρ δὴ περὶ τὰ δεῦρο· τούτων γὰρ οὐθέν ἐστιν οἷον αἱ μαθηματικαὶ ζητοῦσι τῶν ἐπιστημῶν)· οὐδὲ μὴν περὶ τὰ μαθηματικὰ ἡ ζητουμένη νῦν ἐστὶν ἐπιστήμη (χωριστὸν γὰρ αὐτῶν οὐθέν)· ἀλλ' οὐδὲ τῶν αἰσθητῶν οὐσιῶν· φθαρταὶ γάρ.

 Ὅλως δ' ἀπορήσειέ [15] τις ἂν ποίας ἐστὶν ἐπιστήμης τὸ διαπορῆσαι περὶ τῆς τῶν μαθηματικῶν ὕλης. Οὔτε γὰρ τῆς φυσικῆς, διὰ τὸ περὶ τὰ ἔχοντα ἐν αὑτοῖς ἀρχὴν κινήσεως καὶ στάσεως τὴν τοῦ φυσικοῦ πᾶσαν εἶναι πραγματείαν, οὐδὲ μὴν τῆς σκοπούσης περὶ ἀποδείξεώς τε καὶ ἐπιστήμης· περὶ γὰρ αὐτὸ τοῦτο τὸ [20] γένος τὴν ζήτησιν ποιεῖται. Λείπεται τοίνυν τὴν προκειμένην φιλοσοφίαν περὶ αὐτῶν τὴν σκέψιν ποιεῖσθαι. Διαπορήσειε δ' ἄν τις εἰ δεῖ θεῖναι τὴν ζητουμένην ἐπιστήμην περὶ τὰς ἀρχάς, τὰ καλούμενα ὑπό τινων στοιχεῖα· ταῦτα δὲ πάντες ἐνυπάρχοντα τοῖς συνθέτοις τιθέασιν.

Μᾶλλον δ' ἂν δόξειε [25] τῶν καθόλου δεῖν εἶναι τὴν ζητουμένην ἐπιστήμην· πᾶς γὰρ λόγος καὶ πᾶσα ἐπιστήμη τῶν καθόλου καὶ οὐ τῶν ἐσχάτων, ὥστ' εἴη ἂν οὕτω τῶν πρώτων γενῶν. Ταῦτα δὲ γίγνοιτ' ἂν τό τε ὂν καὶ τὸ ἕν· ταῦτα γὰρ μάλιστ' ἂν ὑποληφθείη περιέχειν τὰ ὄντα πάντα καὶ μάλιστα ἀρχαῖς ἐοικέναι διὰ τὸ [30] εἶναι πρῶτα τῇ φύσει· φθαρέντων γὰρ αὐτῶν συναναιρεῖται καὶ τὰ λοιπά· πᾶν γὰρ ὂν καὶ ἕν.  ᾟ δὲ τὰς διαφορὰς αὐτῶν ἀνάγκη μετέχειν εἰ θήσει τις αὐτὰ γένη, διαφορὰ δ' οὐδεμία τοῦ γένους μετέχει, ταύτῃ δ' οὐκ ἂν δόξειε δεῖν αὐτὰ τιθέναι γένη οὐδ' ἀρχάς.

Ἔτι δ' εἰ μᾶλλον [35] ἀρχὴ τὸ ἁπλούστερον τοῦ ἧττον τοιούτου, τὰ δ' ἔσχατα τῶν ἐκ τοῦ γένους ἁπλούστερα τῶν γενῶν (ἄτομα γάρ, τὰ γένη δ' εἰς εἴδη πλείω καὶ διαφέροντα διαιρεῖταi), μᾶλλον ἂν ἀρχὴ δόξειεν εἶναι τὰ εἴδη τῶν γενῶν. ᾟ δὲ συναναιρεῖται τοῖς γένεσι τὰ εἴδη, τὰ γένη ταῖς ἀρχαῖς ἔοικε μᾶλλον· ἀρχὴ γὰρ τὸ συναναιροῦν. [1060a] [1] Τὰ μὲν οὖν τὴν ἀπορίαν ἔχοντα ταῦτα καὶ τοιαῦτ' ἐστὶν ἕτερα.

[1059a] La philosophie est une science des principes ; cela résulte évidemment de la discussion que nous avons établie en commençant, relativement aux opinions 154  des autres philosophes sur les principes (01). Mais on pourrait se poser cette difficulté : Faut-il regarder la philosophie comme une seule science ou comme plusieurs? Si l'on dit que c'est une seule science, une seule science n'embrasse jamais que les contraires, et les principes ne sont pas contraires (02). Si ce n'est pas une seule science, quelles sont les diverses sciences qu'il faut admettre comme des philosophies? Ensuite, appartient-il à une seule science ou à plusieurs d'étudier les principes de la démonstration ? Si c'est là le privilège d'une science unique, pourquoi plutôt à celle-là qu'à toute autre ? Si de plusieurs, quelles sont donc ces sciences ? De plus, s'occupe-t-elle, oui ou non, de toutes les essences ? Si elle ne s'occupe pas de toutes, il est difficile de déterminer celles dont elle doit s'occuper. Mais si une seule science les embrasse toutes, on ne voit pas comment une science unique peut avoir pour objet plusieurs essences. Ne porte-telle que sur les essences, ou porte-t-elle aussi sur les accidents ? Si elle est la science démonstrative des accidents, elle n'est pas celle des esssences. Si ce sont là les objets de deux sciences différentes, quelles sont- elles l'une et l'autre, et laquelle est la philosophie (03) ? La science démonstrative est celle des accidents ; la science des principes est la science des essences  (04). Ce ne sera pas non plus sur les causes dont nous 155 avons parlé dans la Physique (05), que devra porter la science que nous cherchons ; car elle ne s'occupe pas du but : le but, c'est le bien, et le bien ne se trouve que dans l'action, dans les êtres qui sont en mouvement ; il est le principe même du mouvement. Tel est le caractère du but. Or, le moteur premier ne se trouve pas dans les êtres immobiles (06). En un mot, on peut se demander si la science qui nous occupe présentement est ou non la science des substances sensibles, ou bien si elle porte sur d'autres essences. [1059b] Si elle porte sur d'autres, ce sera ou sur les idées, ou sur les êtres mathématiques. Quant aux idées, il est évident qu'elles n'existent pas (07) ; et admît-on même l'existence des idées, resterait encore cette difficulté : Pourquoi n'en est-il pas pour tous les êtres dont il y a des idées, comme pour les êtres mathématiques ? Voici ce que j'entends par là. On fait des êtres mathématiques des intermédiaires entre les idées et les objets sensibles, une troisième espèce d'êtres, en dehors des idées et des êtres qui tombent sous nos sens. Mais 156 il n'y a pas un troisième homme, un cheval en dehors du cheval en soi et des chevaux particuliers. Si, au contraire, il n'en est pas ainsi, de quels êtres faut-il dire que s'occupent les mathématiciens ? Évidemment ce n'est pas des êtres que nous connaissons par les sens, car aucun d'eux n'a les caractères de ceux qu'étudient les sciences mathématiques. Et, d'ailleurs, la science que nous cherchons ne s'occupe pas des êtres mathématiques, car aucun d'eux ne se conçoit sans une matière (08). Elle ne porte pas non plus sur les substances sensibles : elles sont périssables.

On pourrait se demander encore à quelle science il appartient d'étudier la matière des êtres mathématiques ? Ce n'est pas à la physique ; car toutes les spéculations du physicien ont pour objets des êtres qui ont en eux-mêmes le principe du mouvement et du repos. Ce n'est pas davantage à la science qui démontre les propriétés des êtres mathématiques ; car c'est sur la matière même de ces êtres, qu'elle prend pour accordée, qu'elle établit ses recherches (09). Reste à dire que c'est notre science, que c'est la philosophie, qui s'occupe de cette étude.

157 Une autre question, c'est de savoir si la science que nous cherchons doit être regardée comme relative aux principes, que quelques philosophes appellent éléments. Mais tout le monde admet que les éléments sont contenus dans les composés. Or, la science que nous cherchons paraîtrait plutôt être la science du général ; car toute notion, toute science porte sur le général, et non sur les derniers individus. Elle sera donc la science des premiers genres ; ces genres, ce seront l'unité et l'être, car ce sont là ceux qu'on peut surtout regarder comme embrassant tous les êtres, comme ayant par excellence le caractère de principes, parce qu'il sont premiers par leur nature : supprimez l'être et l'unité, tout le reste disparaît à l'instant, car tout est unité et être. D'un autre côté, les admet-on comme des genres, les differences participeront nécessairement alors de l'unité et de l'être ; or, aucune difference ne participe du genre : d'après cela, ils ne doivent pas, ce semble, être regardés comme genres ni comme principes (10).

Ensuite, ce qui est plus simple est plutôt principe que ce qui l'est moins ; or, les dernières espèces comprises dans le genre sont plus simples que les genres, car elles sont indivisibles, tandis que le genre peut se diviser en une multitude d'espèces differentes : par conséquent, les espèces seront, à ce qu'il me semble, plutôt principes que les genres. D'un autre côté, en 158 tant que la suppression du genre entraîne celle des espèces, les genres ont plutôt le caractère de principes ; car cela est principe, qui emporte tout avec soi. [1060a] Telles sont les difficultés qu'on peut se poser, et bien d'autres de même nature.

II

Ἔτι πότερον δεῖ τιθέναι τι παρὰ τὰ καθ' ἕκαστα ἢ οὔ, ἀλλὰ τούτων ἡ ζητουμένη ἐπιστήμη; Ἀλλὰ ταῦτα ἄπειρα· [5] τά γε μὴν παρὰ τὰ καθ' ἕκαστα γένη ἢ εἴδη ἐστίν, ἀλλ' οὐδετέρου τούτων ἡ ζητουμένη νῦν ἐπιστήμη. Διότι γὰρ ἀδύνατον τοῦτο, εἴρηται. Καὶ γὰρ ὅλως ἀπορίαν ἔχει πότερον δεῖ τινὰ ὑπολαβεῖν οὐσίαν εἶναι χωριστὴν παρὰ τὰς αἰσθητὰς οὐσίας καὶ τὰς δεῦρο, ἢ οὔ, ἀλλὰ ταῦτ' εἶναι τὰ ὄντα καὶ περὶ [10] ταῦτα τὴν σοφίαν ὑπάρχειν. Ζητεῖν μὲν γὰρ ἐοίκαμεν ἄλλην τινά, καὶ τὸ προκείμενον τοῦτ' ἔστιν ἡμῖν, λέγω δὲ τὸ ἰδεῖν εἴ τι χωριστὸν καθ' αὑτὸ καὶ μηδενὶ τῶν αἰσθητῶν ὑπάρχον. Ἔτι δ' εἰ παρὰ τὰς αἰσθητὰς οὐσίας ἔστι τις ἑτέρα οὐσία, παρὰ ποίας τῶν αἰσθητῶν δεῖ τιθέναι ταύτην εἶναι; [15] Τί γὰρ μᾶλλον παρὰ τοὺς ἀνθρώπους ἢ τοὺς ἵππους ἢ τῶν ἄλλων ζῴων θήσει τις αὐτὴν ἢ καὶ τῶν ἀψύχων ὅλως; Τό γε μὴν ἴσας ταῖς αἰσθηταῖς καὶ φθαρταῖς οὐσίαις ἀϊδίους ἑτέρας κατασκευάζειν ἐκτὸς τῶν εὐλόγων δόξειεν ἂν πίπτειν.

Εἰ δὲ μὴ χωριστὴ τῶν σωμάτων ἡ ζητουμένη νῦν ἀρχή, [20] τίνα ἄν τις ἄλλην θείη μᾶλλον τῆς ὕλης; Αὕτη γε μὴν ἐνεργείᾳ μὲν οὐκ ἔστι, δυνάμει δ' ἔστιν. Μᾶλλόν τ' ἂν ἀρχὴ κυριωτέρα ταύτης δόξειεν εἶναι τὸ εἶδος καὶ ἡ μορφή· τοῦτο δὲ φθαρτόν, ὥσθ' ὅλως οὐκ ἔστιν ἀίδιος οὐσία χωριστὴ καὶ καθ' αὑτήν.
§ 4. Ἀλλ' ἄτοπον· ἔοικε γὰρ καὶ ζητεῖται σχεδὸν [25] ὑπὸ τῶν χαριεστάτων ὡς οὖσά τις ἀρχὴ καὶ οὐσία τοιαύτη· πῶς γὰρ ἔσται τάξις μή τινος ὄντος ἀϊδίου καὶ χωριστοῦ καὶ μένοντος;

Ἔτι δ' εἴπερ ἔστι τις οὐσία καὶ ἀρχὴ τοιαύτη τὴν φύσιν οἵαν νῦν ζητοῦμεν, καὶ αὕτη μία πάντων καὶ ἡ αὐτὴ τῶν ἀϊδίων τε καὶ φθαρτῶν, ἀπορίαν ἔχει διὰ τί ποτε τῆς [30] αὐτῆς ἀρχῆς οὔσης τὰ μέν ἐστιν ἀίδια τῶν ὑπὸ τὴν ἀρχὴν τὰ δ' οὐκ ἀίδια (τοῦτο γὰρ ἄτοπον)· εἰ δ' ἄλλη μέν ἐστιν ἀρχὴ τῶν φθαρτῶν ἄλλη δὲ τῶν ἀϊδίων, εἰ μὲν ἀίδιος καὶ ἡ τῶν φθαρτῶν, ὁμοίως ἀπορήσομεν (διὰ τί γὰρ οὐκ ἀϊδίου τῆς ἀρχῆς οὔσης καὶ τὰ ὑπὸ τὴν ἀρχὴν ἀίδια)· φθαρτῆς δ' [35] οὔσης ἄλλη τις ἀρχὴ γίγνεται ταύτης κἀκείνης ἑτέρα, καὶ τοῦτ' εἰς ἄπειρον πρόεισιν.

Εἰ δ' αὖ τις τὰς δοκούσας μάλιστ' ἀρχὰς ἀκινήτους εἶναι, τό τε ὂν καὶ τὸ ἕν, θήσει, πρῶτον μὲν εἰ μὴ τόδε τι καὶ οὐσίαν ἑκάτερον αὐτῶν σημαίνει, [1060b] [1] πῶς ἔσονται χωρισταὶ καὶ καθ' αὑτάς; Τοιαύτας δὲ ζητοῦμεν τὰς ἀϊδίους τε καὶ πρώτας ἀρχάς. Εἴ γε μὴν τόδε τι καὶ οὐσίαν ἑκάτερον αὐτῶν δηλοῖ, πάντ' ἐστὶν οὐσίαι τὰ ὄντα· κατὰ [5] πάντων γὰρ τὸ ὂν κατηγορεῖται (κατ' ἐνίων δὲ καὶ τὸ ἕν)· οὐσίαν δ' εἶναι πάντα τὰ ὄντα ψεῦδος.

 Ἔτι δὲ τοῖς τὴν πρώτην ἀρχὴν τὸ ἓν λέγουσι καὶ τοῦτ' οὐσίαν, ἐκ δὲ τοῦ ἑνὸς καὶ τῆς ὕλης τὸν ἀριθμὸν γεννῶσι πρῶτον καὶ τοῦτον οὐσίαν φάσκουσιν εἶναι, πῶς ἐνδέχεται τὸ λεγόμενον ἀληθὲς εἶναι; [10] Τὴν γὰρ δυάδα καὶ τῶν λοιπῶν ἕκαστον ἀριθμῶν τῶν συνθέτων πῶς ἓν δεῖ νοῆσαι; Περὶ τούτου γὰρ οὔτε λέγουσιν οὐδὲν οὔτε ῥᾴδιον εἰπεῖν.

 Εἴ γε μὴν γραμμὰς ἢ τὰ τούτων ἐχόμενα (λέγω δὲ ἐπιφανείας τὰς πρώτας) θήσει τις ἀρχάς, ταῦτά γ' οὐκ εἰσὶν οὐσίαι χωρισταί, τομαὶ δὲ καὶ διαιρέσεις αἱ μὲν ἐπιφανειῶν [15] αἱ δὲ σωμάτων (αἱ δὲ στιγμαὶ γραμμῶν), ἔτι δὲ πέρατα τῶν αὐτῶν τούτων· πάντα δὲ ταῦτα ἐν ἄλλοις ὑπάρχει καὶ χωριστὸν οὐδέν ἐστιν.
§ 9. Ἔτι πῶς οὐσίαν ὑπολαβεῖν εἶναι δεῖ τοῦ ἑνὸς καὶ στιγμῆς; Οὐσίας μὲν γὰρ πάσης γένεσις ἔστι, στιγμῆς δ' οὐκ ἔστιν· διαίρεσις γὰρ ἡ στιγμή.

Παρέχει [20] δ' ἀπορίαν καὶ τὸ πᾶσαν μὲν ἐπιστήμην εἶναι τῶν καθόλου καὶ τοῦ τοιουδί, τὴν δ' οὐσίαν μὴ τῶν καθόλου εἶναι, μᾶλλον δὲ τόδε τι καὶ χωριστόν, ὥστ' εἰ περὶ τὰς ἀρχάς ἐστιν ἐπιστήμη, πῶς δεῖ τὴν ἀρχὴν ὑπολαβεῖν οὐσίαν εἶναι;

Ἔτι πότερον ἔστι τι παρὰ τὸ σύνολον ἢ οὔ (λέγω δὲ τὴν ὕλην καὶ [25] τὸ μετὰ ταύτης); Εἰ μὲν γὰρ μή, τά γε ἐν ὕλῃ φθαρτὰ πάντα· εἰ δ' ἔστι τι, τὸ εἶδος ἂν εἴη καὶ ἡ μορφή· τοῦτ' οὖν ἐπὶ τίνων ἔστι καὶ ἐπὶ τίνων οὔ, χαλεπὸν ἀφορίσαι· ἐπ' ἐνίων γὰρ δῆλον οὐκ ὂν χωριστὸν τὸ εἶδος, οἷον οἰκίας.

 Ἔτι πότερον αἱ ἀρχαὶ εἴδει ἢ ἀριθμῷ αἱ αὐταί; Εἰ γὰρ ἀριθμῷ [30] ἕν, πάντ' ἔσται ταὐτά.

En outre, faut-il admettre ou non d'autres êtres en dehors des individus ? Est-ce sur les individus que porte la science que nous cherchons ? Mais il y a une infinité d'individus. Ce qui est en dehors des individus, ce sont les genres ou les espèces ; or, ni les uns ni les autres ne sont l'objet de notre science: nous avons dit pourquoi cela était impossible.En un mot, faut-il admettre, oui ou non, qu'il existe une essence séparée, et en dehors des substances sensibles, ou bien que ces dernières sont les seuls êtres, et qu'elles sont l'objet de la philosophie ? Évidemment nous cherchons quelque essence autre que les êtres sensibles, et notre but, c'est de voir s'il y a quelque chose qui existe séparé en soi, et qui ne se trouve dans aucun des êtres sensibles. Ensuite, s'il y a quelque autre essence indépendamment des substances sensibles, en dehors de quelles substances sensibles faut-il admettre qu'elle existe ? Car pourquoi dirait-on que cette essence indépendante existe plutôt en dehors des hommes ou des chevaux que des autres 159 animaux, ou, en général, des objets inanimés? Et d'ailleurs, il va contre la raison, à ce qu'il me semble, d'imaginer des substances éternelles semblables aux substances sensibles et périssables.

Si donc le principe que nous cherchons maintenant n'est pas séparé des corps, quel principe pourrait-on admettre de préférence à la matière ? Mais la matière n'est pas en acte, elle n'est qu'en puissance. D'après cela, la forme et l'essence paraîtraient avoir plus de droits au titre de principe, que la matière. Mais la forme matérielle est périssable; de sorte qu'il n'y a absolument aucune substance éternelle, séparée et en soi : or, cela est absurde. Car il y en a évidemment quelqu'une : presque tous les esprits les plus distingués se sont occupés de cette recherche, convaincus de l'existence d'un principe, d'une substance de ce genre. Comment, en effet, l'ordre existerait-il, s'il n'y avait pas quelque chose d'éternel, de séparé, d'immuable ?

Ajoutons que s'il existe un principe, une substance de la nature de celle que nous cherchons ; si elle est la substance unique de toutes choses, substance des êtres éternels et des êtres périssables tout à la fois, il s'élève une autre difficulté : Comment, le principe étant le même, les êtres sont-ils les uns éternels, les autres non-éternels (11) ? C'est là une chose absurde. S'il y a deux substances qui soient principes, l'une des êtres périssables, l'autre des êtres éternels, et si en même temps la substance des êtres périssables est 160 éternelle, la difficulfé n'est pas moindre. Car, pourquoi, si le principe est éternel, ce qui provient du principe n'est-il pas éternel? S'il est périssable, il a lui-même pour principe un autre principe, celui-ci un autre ; et l'on ira de la sorte jusqu'à l'infini.

Que si l'on admet pour principes l'unité et l'être, qui semblent être par excellence les principes immobiles, et si en même temps ni l'un ni l'autre de ces deux principes n'est un être déterminé, une essence, [1060b] comment seront-ils séparés et en soi ? Or, tels sont les caractères que nous cherchons dans les principes éternels et premiers. Si, d'un autre côté, l'unité et l'être sont l'être déterminé et l'essence, dès-lors tous les êtres seront des essences ; car l'être se dit également de tous les êtres, et l'unité, d'un certain nombre. Or, prétendre que tous les êtres sont des essences, c'est être dans le faux.

De plus, comment peuvent être dans le vrai ceux qui disent que le premier principe, c'est l'unité, et qu'à ce titre l'unité est essence; qui engendrent le premier nombre au moyen de l'unité et de la matière, et qui disent que ce nombre est la substance des êtres sensibles? Comment, en effet, comprendre qu'il y ait unité dans la dyade et dans chacun des autres nombres composés? Ils ne disent rien à ce sujet, et il ne leur serait pas facile de donner une explication satisfaisante.

Si l'on regarde comme principes les lignes, ou ce qui dépend des lignes, et j'entends par là les plans premiers, ce ne seront pas là des substances séparées ; ce ne seront que des sections, des divisions, les unes 161  des plans, les autres des corps, les points des lignes. Elles ne seront guère que les limites de ces corps ; or, de pareils êtres existent toujours dans d'autres êtres, aucun d'eux n'est séparé. Ensuite, comment concevoir une substance à l'unité et au point ? Toute substance est sujette à production (12), et le point ne naît pas ; le point n'est qu'une division.

Une autre difficulté, c'est que toute science porte sur l'universel, sur ce qui embrasse la multiplicité des choses, tandis que la substance n'est point quelque chose de général, mais plutôt l'être déterminé et séparé. Si donc la science traite des principes, comment concevoir que le principe soit une substance (13) ?

De plus, y a-t-il, oui ou non, quelque chose, indépendamment de l'ensemble (par ensemble, j'entends la matière unie à la forme) ? S'il n'y a rien, tout est matériel, tout est périssable ; s'il y a quelque chose qui soit indépendant, ce sera la forme et la figure. Mais dans quel cas la forme est indépendante, dans quel cas elle ne l'est point ? c'est ce qu il est difficile de déterminer. Toutefois, dans certains cas, la forme  162 n'est évidemment point séparée : pour une maison, par exemple.

Enfin, les principes sont-ils identiques quant à l'espèce ou quant au nombre? S'il sont identiques en nombre, tout sera identique.

III

 Ἐπεὶ δ' ἐστὶν ἡ τοῦ φιλοσόφου ἐπιστήμη τοῦ ὄντος ᾗ ὂν καθόλου καὶ οὐ κατὰ μέρος, τὸ δ' ὂν πολλαχῶς καὶ οὐ καθ' ἕνα λέγεται τρόπον· εἰ μὲν οὖν ὁμωνύμως κατὰ δὲ κοινὸν μηδέν, οὐκ ἔστιν ὑπὸ μίαν ἐπιστήμην (οὐ γὰρ ἓν γένος [35] τῶν τοιούτων), εἰ δὲ κατά τι κοινόν, εἴη ἂν ὑπὸ μίαν ἐπιστήμην. Ἔοικε δὴ τὸν εἰρημένον λέγεσθαι τρόπον καθάπερ τό τε ἰατρικὸν καὶ ὑγιεινόν· καὶ γὰρ τούτων ἑκάτερον πολλαχῶς λέγομεν. [1061a] [1] Λέγεται δὲ τοῦτον τὸν τρόπον ἕκαστον τῷ τὸ μὲν πρὸς τὴν ἰατρικὴν ἐπιστήμην ἀνάγεσθαί πως τὸ δὲ πρὸς ὑγίειαν τὸ δ' ἄλλως, πρὸς ταὐτὸ δ' ἕκαστον. Ἰατρικὸς γὰρ λόγος καὶ μαχαίριον λέγεται τῷ τὸ μὲν ἀπὸ τῆς ἰατρικῆς ἐπιστήμης [5] εἶναι τὸ δὲ ταύτῃ χρήσιμον. Ὁμοίως δὲ καὶ ὑγιεινόν· τὸ μὲν γὰρ ὅτι σημαντικὸν ὑγιείας τὸ δ' ὅτι ποιητικόν.  Ὁ δ' αὐτὸς τρόπος καὶ ἐπὶ τῶν λοιπῶν. Τὸν αὐτὸν δὴ τρόπον καὶ τὸ ὂν ἅπαν λέγεται· τῷ γὰρ τοῦ ὄντος ᾗ ὂν πάθος ἢ ἕξις ἢ διάθεσις ἢ κίνησις ἢ τῶν ἄλλων τι τῶν τοιούτων [10] εἶναι λέγεται ἕκαστον αὐτῶν ὄν.

Ἐπεὶ δὲ παντὸς τοῦ ὄντος πρὸς ἕν τι καὶ κοινὸν ἡ ἀναγωγὴ γίγνεται, καὶ τῶν ἐναντιώσεων ἑκάστη πρὸς τὰς πρώτας διαφορὰς καὶ ἐναντιώσεις ἀναχθήσεται τοῦ ὄντος, εἴτε πλῆθος καὶ ἓν εἴθ' ὁμοιότης καὶ ἀνομοιότης αἱ πρῶται τοῦ ὄντος εἰσὶ διαφοραί, εἴτ' [15] ἄλλαι τινές· ἔστωσαν γὰρ αὗται τεθεωρημέναι. Διαφέρει δ' οὐδὲν τὴν τοῦ ὄντος ἀναγωγὴν πρὸς τὸ ὂν ἢ πρὸς τὸ ἓν γίγνεσθαι. Καὶ γὰρ εἰ μὴ ταὐτὸν ἄλλο δ' ἐστίν, ἀντιστρέφει γε· τό τε γὰρ ἓν καὶ ὄν πως, τό τε ὂν ἕν.

 Ἐπεὶ δ' ἐστὶ τὰ ἐναντία πάντα τῆς αὐτῆς καὶ μιᾶς ἐπιστήμης θεωρῆσαι, λέγεται [20] δ' ἕκαστον αὐτῶν κατὰ στέρησιν - καίτοι γ' ἔνια ἀπορήσειέ τις ἂν πῶς λέγεται κατὰ στέρησιν, ὧν ἔστιν ἀνὰ μέσον τι, καθάπερ ἀδίκου καὶ δικαίου - περὶ πάντα δὴ τὰ τοιαῦτα τὴν στέρησιν δεῖ τιθέναι μὴ τοῦ ὅλου λόγου, τοῦ τελευταίου δὲ εἴδους· οἷον εἰ ἔστιν ὁ δίκαιος καθ' ἕξιν τινὰ [25] πειθαρχικὸς τοῖς νόμοις, οὐ πάντως ὁ ἄδικος ἔσται τοῦ ὅλου στερούμενος λόγου, περὶ δὲ τὸ πείθεσθαι τοῖς νόμοις ἐκλείπων πῃ, καὶ ταύτῃ ἡ στέρησις ὑπάρξει αὐτῷ· τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων. Καθάπερ δ' ὁ μαθηματικὸς περὶ τὰ ἐξ ἀφαιρέσεως τὴν θεωρίαν ποιεῖται (περιελὼν γὰρ πάντα [30] τὰ αἰσθητὰ θεωρεῖ, οἷον βάρος καὶ κουφότητα καὶ σκληρότητα καὶ τοὐναντίον, ἔτι δὲ καὶ θερμότητα καὶ ψυχρότητα καὶ τὰς ἄλλας αἰσθητὰς ἐναντιώσεις, μόνον δὲ καταλείπει τὸ ποσὸν καὶ συνεχές, τῶν μὲν ἐφ' ἓν τῶν δ' ἐπὶ δύο τῶν δ' ἐπὶ τρία, καὶ τὰ πάθη τὰ τούτων ᾗ ποσά ἐστι [35] καὶ συνεχῆ, καὶ οὐ καθ' ἕτερόν τι θεωρεῖ, καὶ τῶν μὲν τὰς πρὸς ἄλληλα θέσεις σκοπεῖ καὶ τὰ ταύταις ὑπάρχοντα, [1061b] [1] τῶν δὲ τὰς συμμετρίας καὶ ἀσυμμετρίας, τῶν δὲ τοὺς λόγους, ἀλλ' ὅμως μίαν πάντων καὶ τὴν αὐτὴν τίθεμεν ἐπιστήμην τὴν γεωμετρικήν), τὸν αὐτὸν δὴ τρόπον ἔχει καὶ περὶ τὸ ὄν. Τὰ γὰρ τούτῳ συμβεβηκότα καθ' ὅσον ἐστὶν ὄν, καὶ τὰς [5] ἐναντιώσεις αὐτοῦ ᾗ ὄν, οὐκ ἄλλης ἐπιστήμης ἢ φιλοσοφίας θεωρῆσαι. Τῇ φυσικῇ μὲν γὰρ οὐχ ᾗ ὄντα, μᾶλλον δ' ᾗ κινήσεως μετέχει, τὴν θεωρίαν τις ἀπονείμειεν ἄν· ἥ γε μὴν διαλεκτικὴ καὶ ἡ σοφιστικὴ τῶν συμβεβηκότων μέν εἰσι τοῖς οὖσιν, οὐχ ᾗ δ' ὄντα οὐδὲ περὶ τὸ ὂν αὐτὸ καθ' ὅσον [10] ὄν ἐστιν·

ὥστε λείπεται τὸν φιλοσόφον, καθ' ὅσον ὄντ' ἐστίν, εἶναι περὶ τὰ λεχθέντα θεωρητικόν. Ἐπεὶ δὲ τό τε ὂν ἅπαν καθ' ἕν τι καὶ κοινὸν λέγεται πολλαχῶς λεγόμενον, καὶ τἀναντία τὸν αὐτὸν τρόπον νεἰς τὰς πρώτας γὰρ ἐναντιώσεις καὶ διαφορὰς τοῦ ὄντος ἀνάγεταἰ, τὰ δὲ τοιαῦτα δυνατὸν [15] ὑπὸ μίαν ἐπιστήμην εἶναι, διαλύοιτ' ἂν ἡ κατ' ἀρχὰς ἀπορία λεχθεῖσα, λέγω δ' ἐν ᾗ διηπορεῖτο πῶς ἔσται πολλῶν καὶ διαφόρων ὄντων τῷ γένει μία τις ἐπιστήμη.

La science du philosophe est la science de l'être en tant qu'être, dans toutes ces acceptions (14), et non pas sous un point de vue particulier. L'être n'a pas une signification unique, mais s'entend de plusieurs manières ; or, s'il n'y a analogie que de nom, et s'il n'y a pas au fond un genre commun, l'être n'est pas du domaine d'une seule science, n'y ayant pas, entre les diverses sortes d'être, .unité de genre. Mais s'il y a aussi rapport fondamental, alors l'étude de l'être appartiendra à une seule science.  [1061a] Ce que nous avons dit qui avait lieu pour le médical et pour le sain, a lieu aussi, ce serai>le, pour l'être. Médical et sain se prennent l'un et l'autre sous plusieurs acceptions : on donne ces noms à tout ce qui peut se ramener de telle façon, ou de telle autre, soit à la science médicale, soit à la santé ; mais toutes les significations de chacun de 163 ces mots se rapportent à une même chose. On donne le nom de médical et à la notion de la maladie et au scalpel, parce que l'une vient de la science médicale, et que l'autre est utile dans cette science. De même pour le sain : tel objet reçoit le nom de sain parce qu'il est l'indice dela santé, tel autre parce qu'il la produit ; et de même pour les choses analogues. De même enfin pour tous les autres modes de l'être. Chacun de ces modes est appelé être, ou parce qu'il est une qualité, un état de l'être en tant qu'être, ou parce qu'il est une disposition, un mouvement, ou quelqu'un des autres attributs de ce genre.

Toutes les acceptions de l'être peuvent se ramener aune seule acception commune; toutes .les contrariétés se peuvent ramener aux premières différences, aux contrariétés de l'être, soit qu'on regarde comme premières différences de l'être la pluralité et l'unité, la similitude et la dissimilitude, ou bien quelques autres différences : question que nous n'avons plus besoin d'examiner. Peu importe que l'on ramène les divers modes de l'être, à l'être ou à l'unité. Supposé même que l'unité et l'être ne soient pas identiques, mais différents, ils peuvent cependant se remplacer l'un l'autre : l'unité est, sous un point de vue, l'être, et l'être, l'unité (15).

Puisqu'une seule et même science embrasse tous les contraires, et que dans tous les contraires il y a privation, on pourrait se poser cette difficulté : Comment, dans certains cas, y a-t-il privation, y ayant un 164 intermédiaire entre les contraires, entre le juste et l'injuste, par exemple ? Dans tous les cas, il faut dire qu'il n'y a pas, pour l'intermédiaire, privation complète de chacun des extrêmes ; cela n'a lieu que pour les extrêmes entre eux. Si, par exemple, l'homme juste est celui qui se conforme aux lois en vertu d'une certaine disposition de sa nature (16), il n'y aura pas, pour l'homme non-juste (17) privation complète de tout ce qui est compris dans la définition du juste. S'il manque par quelque point à l'obéissance due aux lois, il y aura pour lui privation sous ce rapport. Il en sera de même pour tout le reste. De même donc que le mathématicien opère sur de pures abstractions; car il examine les objets dépouillés de tous leurs carac- res sensibles, tels que le poids, la légèreté, la dureté et son contraire, ainsi que la chaleur, le froid, et tous les autres caractères sensibles opposés deux à deux ; il ne leur laisse que la quantité et la continuité dans une seule, dans deux, dans trois directions, et les modes de la quantité et du continu en tant que quantité et continu, et ne les étudie point sous d'autres rapports ; il examine tantôt leurs positions relatives et ce qui suit de leurs positions, [1061b] tantôt leur commensurabilité et leur incommensurabilité, tantôt leur pro- 165 portions ; et cependant nous ne faisons qu'une seule et même science de la géométrie, laquelle étudie les objets sous tous ces rapports : de même pour l'être ; c'est la philosophie seule et non pas une autre science qui étudie les accidents de l'être en tant qu'être, et les contrariétés de l'être en tant qu'être. Car c'est en tant que susceptible de mouvement, plutôt qu'en tant qu'être, qu'on pourrait rapporter à la physique l'étude de l'être. La dialectique et la sophistique s'occupent des accidents des êtres, et non pas des êtres en tant qu'êtres, ni de l'être en soi et en tant qu'être.

Reste donc à dire que c'est le philosophe qui traite des principes dont nous avons parlé, en tant qu'ils sont des êtres. Et puisque les diverses significations de l'être se rapportent toutes à une signification commune et unique, et comme elles, les diverses contrariétés, car toutes se ramènent aux premières contrariétés et aux premières différences de l'être, une seule science peut dès-lors embrasser toutes ces choses, et ainsi se trouve résolue la difficulté que nous nous étions posée*en commençant, je veux parler de la question de savoir comment une seule et même science peut embrasser à la fois plusieurs êtres de genres différents.

IV (18).

 Ἐπεὶ δὲ καὶ ὁ μαθηματικὸς χρῆται τοῖς κοινοῖς ἰδίως, καὶ τὰς τούτων ἀρχὰς ἂν εἴη θεωρῆσαι τῆς πρώτης φιλοσοφίας. Ὅτι γὰρ [20] ἀπὸ τῶν ἴσων ἴσων ἀφαιρεθέντων ἴσα τὰ λειπόμενα, κοινὸν μέν ἐστιν ἐπὶ πάντων τῶν ποσῶν, ἡ μαθηματικὴ δ' ἀπολαβοῦσα περί τι μέρος τῆς οἰκείας ὕλης ποιεῖται τὴν θεωρίαν, οἷον περὶ γραμμὰς ἢ γωνίας ἢ ἀριθμοὺς ἢ τῶν λοιπῶν τι ποσῶν, οὐχ ᾗ δ' ὄντα ἀλλ' ᾗ συνεχὲς αὐτῶν ἕκαστον ἐφ' [25] ἓν ἢ δύο ἢ τρία·. ἡ δὲ φιλοσοφία περὶ τῶν ἐν μέρει μέν, ᾗ τούτων ἑκάστῳ τι συμβέβηκεν, οὐ σκοπεῖ, περὶ τὸ ὂν δέ, ᾗ ὂν τῶν τοιούτων ἕκαστον, θεωρεῖ.

Τὸν αὐτὸν δ' ἔχει τρόπον καὶ περὶ τὴν φυσικὴν ἐπιστήμην τῇ μαθηματικῇ· τὰ συμβεβηκότα γὰρ ἡ φυσικὴ καὶ τὰς ἀρχὰς θεωρεῖ τὰς τῶν ὄντων [30] ᾗ κινούμενα καὶ οὐχ ᾗ ὄντα ατὴν δὲ πρώτην εἰρήκαμεν ἐπιστήμην τούτων εἶναι καθ' ὅσον ὄντα τὰ ὑποκείμενά ἐστιν, ἀλλ' οὐχ ᾗ ἕτερόν τἰ· διὸ καὶ ταύτην καὶ τὴν μαθηματικὴν ἐπιστήμην μέρη τῆς σοφίας εἶναι θετέον.

166 Le mathématicien se servant des axiomes généraux, mais seulement dans son point de vue particulier, la philosophie première devra aussi étudier les principes des axiomes (19). Cet axiome, que, si de choses égales on retranche des quantités égales, les restes sont égaux, s'applique à toutes les quantités. La science mathématique accepte, il est vrai, ce principe, mais elle n'opère que sur quelques points particuliers de la matière qui en dépend, par exemple, sur les lignes, les angles, les nombres, ou tel autre mode de la quantité; mais elle n'étudie pas ces êtres en tant qu'ils sont des êtres, mais seulement en tant que continus dans une seule direction, dans deux, dans trois. Au contraire, la philosophie ne s'occupe point des objets particuliers ou de leurs accidents; elle étudie chacufa de ces objets sous le rapport de l'être en tant qu'être.

Il en est pour la physique comme pour les mathématiques ; la physique étudie les accidents et les principes des êtres en tant qu'ils sont en mouvement, et  167 non pas en tant qu'êtres. Mais nous avons dit que la science première est celle qui étudie les objets sous le rapport de l'être en tant qu'être, et non point sous quelque autre rapport. C'est pourquoi et la physique et les mathématiques ne doivent être regardées que comme des parties de la philosophie.

V

Ἔστι δέ τις ἐν τοῖς οὖσιν ἀρχὴ περὶ ἣν οὐκ ἔστι διεψεῦσθαι, [35] τοὐναντίον δὲ ἀναγκαῖον ἀεὶ ποιεῖν, λέγω δὲ ἀληθεύειν, οἷον ὅτι οὐκ ἐνδέχεται τὸ αὐτὸ καθ' ἕνα καὶ τὸν αὐτὸν χρόνον εἶναι καὶ μὴ εἶναι, [1062a] [1] καὶ τἆλλα τὰ τοῦτον αὑτοῖς ἀντικείμενα τὸν τρόπον. Καὶ περὶ τῶν τοιούτων ἁπλῶς μὲν οὐκ ἔστιν ἀπόδειξις, πρὸς τόνδε δὲ ἔστιν· οὐ γὰρ ἔστιν ἐκ πιστοτέρας ἀρχῆς αὐτοῦ τούτου ποιήσασθαι συλλογισμόν, δεῖ δέ γ' [5] εἴπερ ἔσται τὸ ἁπλῶς ἀποδεδεῖχθαι. Πρὸς δὲ τὸν λέγοντα τὰς ἀντικειμένας φάσεις τῷ δεικνύντι διότι ψεῦδος ληπτέον τι τοιοῦτον ὃ ταὐτὸ μὲν ἔσται τῷ μὴ ἐνδέχεσθαι ταὐτὸ εἶναι καὶ μὴ εἶναι καθ' ἕνα καὶ τὸν αὐτὸν χρόνον, μὴ δόξει δ' εἶναι ταὐτόν· οὕτω γὰρ μόνως ἂν ἀποδειχθείη πρὸς τὸν [10] φάσκοντα ἐνδέχεσθαι τὰς ἀντικειμένας φάσεις ἀληθεύεσθαι κατὰ τοῦ αὐτοῦ. Τοὺς δὴ μέλλοντας ἀλλήλοις λόγου κοινωνήσειν δεῖ τι συνιέναι αὑτῶν· μὴ γιγνομένου γὰρ τούτου πῶς ἔσται κοινωνία τούτοις πρὸς ἀλλήλους λόγου; Δεῖ τοίνυν τῶν ὀνομάτων ἕκαστον εἶναι γνώριμον καὶ δηλοῦν τι, καὶ μὴ [15] πολλά, μόνον δὲ ἕν· ἂν δὲ πλείονα σημαίνῃ, φανερὸν ποιεῖν ἐφ' ὃ φέρει τοὔνομα τούτων. Ὁ δὴ λέγων εἶναι τοῦτο καὶ μὴ εἶναι, τοῦτο ὅ φησιν οὔ φησιν, ὥσθ' ὃ σημαίνει τοὔνομα τοῦτ' οὔ φησι σημαίνειν· τοῦτο δ' ἀδύνατον.  Ὥστ' εἴπερ σημαίνει τι τὸ εἶναι τόδε, τὴν ἀντίφασιν ἀδύνατον ἀληθεύειν.  Ἔτι δ' εἴ [20] τι σημαίνει τοὔνομα καὶ τοῦτ' ἀληθεύεται, δεῖ τοῦτ' ἐξ ἀνάγκης εἶναι· τὸ δ' ἐξ ἀνάγκης ὂν οὐκ ἐνδέχεταί ποτε μὴ εἶναι· τὰς ἀντικειμένας ἄρα οὐκ ἐνδέχεται φάσεις καὶ ἀποφάσεις ἀληθεύειν κατὰ τοῦ αὐτοῦ.

Ἔτι δ' εἰ μηθὲν μᾶλλον ἡ φάσις ἢ ἡ ἀπόφασις ἀληθεύεται, ὁ λέγων ἄνθρωπον ἢ [25] οὐκ ἄνθρωπον οὐθὲν μᾶλλον ἀληθεύσει· δόξειε δὲ κἂν οὐχ ἵππον εἶναι φάσκων τὸν ἄνθρωπον ἢ μᾶλλον ἢ οὐχ ἧττον ἀληθεύειν ἢ οὐκ ἄνθρωπον, ὥστε καὶ ἵππον φάσκων εἶναι τὸν αὐτὸν ἀληθεύσει (τὰς γὰρ ἀντικειμένας ὁμοίως ἦν ἀληθεύειν)· συμβαίνει τοίνυν τὸν αὐτὸν ἄνθρωπον εἶναι καὶ ἵππον [30] ἢ τῶν ἄλλων τι ζῴων.

 Ἀπόδειξις μὲν οὖν οὐδεμία τούτων ἐστὶν ἁπλῶς, πρὸς μέντοι τὸν ταῦτα τιθέμενον ἀπόδειξις. Ταχέως δ' ἄν τις καὶ αὐτὸν τὸν Ἡράκλειτον τοῦτον ἐρωτῶν τὸν τρόπον ἠνάγκασεν ὁμολογεῖν μηδέποτε τὰς ἀντικειμένας φάσεις δυνατὸν εἶναι κατὰ τῶν αὐτῶν ἀληθεύεσθαι· νῦν δ' [35] οὐ συνιεὶς ἑαυτοῦ τί ποτε λέγει, ταύτην ἔλαβε τὴν δόξαν. Ὅλως δ' εἰ τὸ λεγόμενον ὑπ' αὐτοῦ ἐστὶν ἀληθές, οὐδ' ἂν αὐτὸ τοῦτο εἴη ἀληθές, [1062b] [1] λέγω δὲ τὸ ἐνδέχεσθαι τὸ αὐτὸ καθ' ἕνα καὶ τὸν αὐτὸν χρόνον εἶναί τε καὶ μὴ εἶναι· καθάπερ γὰρ καὶ διῃρημένων αὐτῶν οὐδὲν μᾶλλον ἡ κατάφασις ἢ ἡ ἀπόφασις ἀληθεύεται, τὸν αὐτὸν τρόπον καὶ τοῦ συναμφοτέρου [5] καὶ τοῦ συμπεπλεγμένου καθάπερ μιᾶς τινὸς καταφάσεως οὔσης οὐθὲν μᾶλλον ἢ ἡ ἀπόφασις ἢ τὸ ὅλον ὡς ἐν καταφάσει τιθέμενον ἀληθεύσεται. Ἔτι δ' εἰ μηθὲν ἔστιν ἀληθῶς καταφῆσαι, κἂν αὐτὸ τοῦτο ψεῦδος εἴη τὸ φάναι μηδεμίαν ἀληθῆ κατάφασιν ὑπάρχειν. Εἰ δ' ἔστι τι, λύοιτ' ἂν τὸ [10] λεγόμενον ὑπὸ τῶν τὰ τοιαῦτα ἐνισταμένων καὶ παντελῶς ἀναιρούντων τὸ διαλέγεσθαι.
 

Il y a un principe dans les êtres, relativement auquel on ne peut pas être dans le faux ; c'est nécessairement le contraire, je veux dire qu on est toujours dans le vrai (20). Voici ce principe : II n'est pas possible que la même chose soit et ne soit pas en même temps ; [1062a] et de même pour toutes les autres oppositions absolues. Il n'y a pas de démonstration réelle de ce principe ; cependant on peut réfuter celui qui le nie. En effet, il n'y a pas de principe plus certain que celui-là, duquel on puisse le déduire par le raisonnement, et il faudrait qu'il en fût ainsi pour qu'il y eût réellement démonstration. Mais si l'on veut démontrer à celui qui prétend que les propositions opposées sont également vraies, qu'il est dans le faux, il faudra prendre un objet qui soit identique à lui-même, comme ne pouvant pas être et n'être pas le même 168 dans un seul et même moment, et qui cependant, d'après le système, ne soit pas identique. C'est la seule manière de réfuter celui qui prétend qu'il est possible que l'affirmation et la négation d'une même chose soient vraies en même temps. Et d'ailleurs ceux qui veulent converser entre eux doivent se comprendre, car comment, sans cette condition, y aurait-il entre eux communication de pensées ? Il faut donc que chacun des mots soit connu, qu'il exprime une chose, non pas plusieurs mais une seule; ou bien, s'il a plusieurs sens, il faut qu'on indique clairement quel objet on désigne présentement par le mot. Quant à celui qui dit que telle chose est et n'est pas, il nie ce qu'il affirme, et par conséquent, il affirme que le mot ne signifie pas ce qu'il signifie. Mais cela est impossible ; il est impossible, si l'expression : telle chose est, a un sens, que la négation de la même chose soit vraie. Si le mot désigne l'existence d'un objet, et que cette existence soit une réalité, c'en est une nécessairement; or, ce qui est nécessairement ne peut pas .en même temps ne pas être. Il est donc impossible que les affirmations opposées soient vraies en même temps du même être.

Ensuite, si l'affirmation n'est pas plus vraie que la négation, appeler tel êire homme ou non-homme, ce ne sera pas plus dire la vérité dans un cas que dans l'autre; mais alors dire que l'homme n'est pas un cheval ce sera être plus dans le vrai, ou n'y être pas moins que celui qui prétend que ce n'est pas un homme. On sera donc encore dans le vrai en disant que l'homme est un cheval, car les contraires sont également vrais : 169 il en résulte que l'homme est identique au cheval ou à tout autre animal.

Il n'y a, disons-nous, aucune démonstration réelle de ces principes ; on peut cependant démontrer leur vérité à celui qui les attaque par de tels arguments. En interrogeant Héraclite lui-même dans ce sens, on l'eût bientôt réduit à accorder qu'il est complètement impossible que les affirmations opposées soient vraies en même temps, relativement aux mêmes êtres. C'est, on le voit, pour ne pas s'être entendu avec lui-même, qu'Héraclite embrassa cette opinion. Admettons, j'y consens, que son système soit vrai ; dès-lors son principe même ne sera pas vrai ; [1062b] il ne sera pas vrai de dire que la même chose peut être et n'être pas en même temps. Car, de même qu'on est dans le vrai, en affirmant et en niant séparément chacune de ces deux choses, l'être et le non-être, de même on est dans le vrai en affirmant comme une seule proposition l'affirmation et la négation réunies, et en niant cette proposition totale considérée comme une seule affirmation. Enfin, si l'on ne peut rien affirmer avec vérité, on sera dans le faux en disant qu'aucune affirmation n'est vraie. Si l'on peut affirmer quelque chose, alors tombe de lui même le système de ceux qui repoussent les principes, et qui, par là, suppriment absolument toute discussion.

VI

Παραπλήσιον δὲ τοῖς εἰρημένοις ἐστὶ καὶ τὸ λεχθὲν ὑπὸ τοῦ Πρωταγόρου· καὶ γὰρ ἐκεῖνος ἔφη πάντων εἶναι χρημάτων μέτρον ἄνθρωπον, οὐδὲν ἕτερον λέγων ἢ τὸ δοκοῦν ἑκάστῳ [15] τοῦτο καὶ εἶναι παγίως· τούτου δὲ γιγνομένου τὸ αὐτὸ συμβαίνει καὶ εἶναι καὶ μὴ εἶναι, καὶ κακὸν καὶ ἀγαθὸν εἶναι, καὶ τἆλλα τὰ κατὰ τὰς ἀντικειμένας λεγόμενα φάσεις, διὰ τὸ πολλάκις τοισδὶ μὲν φαίνεσθαι τόδε εἶναι καλὸν τοισδὶ δὲ τοὐναντίον, μέτρον δ' εἶναι τὸ φαινόμενον ἑκάστῳ.

Λύοιτο δ' ἂν αὕτη ἡ ἀπορία θεωρήσασι πόθεν ἐλήλυθεν ἡ ἀρχὴ [20] τῆς ὑπολήψεως ταύτης· ἔοικε γὰρ ἐνίοις μὲν ἐκ τῆς τῶν φυσιολόγων δόξης γεγενῆσθαι, τοῖς δ' ἐκ τοῦ μὴ ταὐτὰ περὶ τῶν αὐτῶν ἅπαντας γιγνώσκειν ἀλλὰ τοῖσδε μὲν ἡδὺ τόδε φαίνεσθαι τοῖσδε δὲ τοὐναντίον. Τὸ γὰρ μηδὲν ἐκ μὴ ὄντος [25] γίγνεσθαι, πᾶν δ' ἐξ ὄντος, σχεδὸν ἁπάντων ἐστὶ κοινὸν δόγμα τῶν περὶ φύσεως· ἐπεὶ οὖν οὐ λευκὸν γίγνεται λευκοῦ τελέως ὄντος καὶ οὐδαμῇ μὴ λευκοῦ νῦν δὲ γεγενημένον μὴ λευκόν, γίγνοιτ' ἂν ἐκ μὴ ὄντος λευκοῦ τὸ γιγνόμενον μὴ λευκόν· ὥστε ἐκ μὴ ὄντος γίγνοιτ' ἂν κατ' ἐκείνους, εἰ μὴ [30] ὑπῆρχε λευκὸν τὸ αὐτὸ καὶ μὴ λευκόν.. Οὐ χαλεπὸν δὲ διαλύειν τὴν ἀπορίαν ταύτην· εἴρηται γὰρ ἐν τοῖς φυσικοῖς πῶς ἐκ τοῦ μὴ ὄντος γίγνεται τὰ γιγνόμενα καὶ πῶς ἐξ ὄντος. Τό γε μὴν ὁμοίως προσέχειν ταῖς δόξαις καὶ ταῖς φαντασίαις τῶν πρὸς αὑτοὺς διαμφισβητούντων εὔηθες· δῆλον [35] γὰρ ὅτι τοὺς ἑτέρους αὐτῶν ἀνάγκη διεψεῦσθαι. Φανερὸν δὲ τοῦτ' ἐκ τῶν γιγνομένων κατὰ τὴν αἴσθησιν· οὐδέποτε γὰρ τὸ αὐτὸ φαίνεται τοῖς μὲν γλυκὺ τοῖς δὲ τοὐναντίον, [1063a] [1] μὴ διεφθαρμένων καὶ λελωβημένων τῶν ἑτέρων τὸ αἰσθητήριον καὶ κριτήριον τῶν λεχθέντων χυμῶν. Τούτου δ' ὄντος τοιούτου τοὺς ἑτέρους μὲν ὑποληπτέον μέτρον εἶναι τοὺς δ' ἄλλους οὐχ [5] ὑποληπτέον. Ὁμοίως δὲ τοῦτο λέγω καὶ ἐπὶ ἀγαθοῦ καὶ κακοῦ, καὶ καλοῦ καὶ αἰσχροῦ, καὶ τῶν ἄλλων τῶν τοιούτων. Οὐδὲν γὰρ διαφέρει τοῦτ' ἀξιοῦν ἢ τὰ φαινόμενα τοῖς ὑπὸ τὴν ὄψιν ὑποβάλλουσι τὸν δάκτυλον καὶ ποιοῦσιν ἐκ τοῦ ἑνὸς φαίνεσθαι δύο, δύο δεῖν εἶναι διὰ τὸ φαίνεσθαι τοσαῦτα, καὶ πάλιν ἕν· [10] τοῖς γὰρ μὴ κινοῦσι τὴν ὄψιν ἓν φαίνεται τὸ ἕν. Ὅλως δὲ ἄτοπον ἐκ τοῦ φαίνεσθαι τὰ δεῦρο μεταβάλλοντα καὶ μηδέποτε διαμένοντα ἐν τοῖς αὐτοῖς, ἐκ τούτου περὶ τῆς ἀληθείας τὴν κρίσιν ποιεῖσθαι· δεῖ γὰρ ἐκ τῶν ἀεὶ κατὰ ταὐτὰ ἐχόντων καὶ μηδεμίαν μεταβολὴν ποιουμένων τἀληθὲς θηρεύειν, [15] τοιαῦτα δ' ἐστὶ τὰ κατὰ τὸν κόσμον· ταῦτα γὰρ οὐχ ὁτὲ μὲν τοιαδὶ πάλιν δ' ἀλλοῖα φαίνεται, ταὐτὰ δ' ἀεὶ καὶ μεταβολῆς οὐδεμιᾶς κοινωνοῦντα.

Ἔτι δ' εἰ κίνησις ἔστι, καὶ κινούμενόν τι, κινεῖται δὲ πᾶν ἔκ τινος καὶ εἴς τι· δεῖ ἄρα τὸ κινούμενον εἶναι ἐν ἐκείνῳ ἐξ οὗ κινήσεται καὶ οὐκ [20] εἶναι ἐν αὐτῷ, καὶ εἰς τοδὶ κινεῖσθαι καὶ γίγνεσθαι ἐν τούτῳ,  τὸ δὲ κατὰ τὴν ἀντίφασιν μὴ συναληθεύεσθαι κατ' αὐτούς. Καὶ εἰ κατὰ τὸ ποσὸν συνεχῶς τὰ δεῦρο ῥεῖ καὶ κινεῖται, καί τις τοῦτο θείη καίπερ οὐκ ἀληθὲς ὄν, διὰ τί κατὰ τὸ ποιὸν οὐ μενεῖ; Φαίνονται γὰρ οὐχ ἥκιστα τὰ κατὰ τὰς ἀντιφάσεις [25] ταὐτοῦ κατηγορεῖν ἐκ τοῦ τὸ ποσὸν ὑπειληφέναι μὴ μένειν ἐπὶ τῶν σωμάτων, διὸ καὶ εἶναι τετράπηχυ τὸ αὐτὸ καὶ οὐκ εἶναι. Ἡ δ' οὐσία κατὰ τὸ ποιόν, τοῦτο δὲ τῆς ὡρισμένης φύσεως, τὸ δὲ ποσὸν τῆς ἀορίστου.

Ἔτι διὰ τί προστάττοντος τοῦ ἰατροῦ τοδὶ τὸ σιτίον προσενέγκασθαι προσφέρονται; [30] Τί γὰρ μᾶλλον τοῦτο ἄρτος ἐστὶν ἢ οὐκ ἔστιν; Ὥστ' οὐθὲν ἂν διέχοι φαγεῖν ἢ μὴ φαγεῖν· νῦν δ' ὡς ἀληθεύοντες περὶ αὐτὸ καὶ ὄντος τοῦ προσταχθέντος σιτίου τούτου προσφέρονται τοῦτο· καίτοι γ' οὐκ ἔδει μὴ διαμενούσης παγίως μηδεμιᾶς φύσεως ἐν τοῖς αἰσθητοῖς ἀλλ' ἀεὶ πασῶν κινουμένων [35] καὶ ῥεουσῶν.

 Ἔτι δ' εἰ μὲν ἀλλοιούμεθα ἀεὶ καὶ μηδέποτε διαμένομεν οἱ αὐτοί, τί καὶ θαυμαστὸν εἰ μηδέποθ' ἡμῖν ταὐτὰ φαίνεται καθάπερ τοῖς κάμνουσιν [1063b] [1] (καὶ γὰρ τούτοις διὰ τὸ μὴ ὁμοίως διακεῖσθαι τὴν ἕξιν καὶ ὅθ' ὑγίαινον, οὐχ ὅμοια φαίνεται τὰ κατὰ τὰς αἰσθήσεις, αὐτὰ μὲν οὐδεμιᾶς διά γε τοῦτο μεταβολῆς κοινωνοῦντα τὰ αἰσθητά, αἰσθήματα δ' ἕτερα ποιοῦντα τοῖς κάμνουσι καὶ μὴ τὰ αὐτά· [5] τὸν αὐτὸν δὴ τρόπον ἔχειν καὶ τῆς εἰρημένης μεταβολῆς γιγνομένης ἴσως ἀναγκαῖόν ἐστιν); Εἰ δὲ μὴ μεταβάλλομεν ἀλλ' οἱ αὐτοὶ διατελοῦμεν ὄντες, εἴη ἄν τι μένον.

Πρὸς μὲν οὖν τοὺς ἐκ λόγου τὰς εἰρημένας ἀπορίας ἔχοντας οὐ ῥᾴδιον διαλῦσαι μὴ τιθέντων τι καὶ τούτου μηκέτι λόγον ἀπαιτούντων· [10] οὕτω γὰρ πᾶς λόγος καὶ πᾶσα ἀπόδειξις γίγνεται· μηθὲν γὰρ τιθέντες ἀναιροῦσι τὸ διαλέγεσθαι καὶ ὅλως λόγον, ὥστε πρὸς μὲν τοὺς τοιούτους οὐκ ἔστι λόγος, πρὸς δὲ τοὺς διαποροῦντας ἐκ τῶν παραδεδομένων ἀποριῶν ῥᾴδιον ἀπαντᾶν καὶ διαλύειν τὰ ποιοῦντα τὴν ἀπορίαν ἐν αὐτοῖς·

 δῆλον δ' ἐκ τῶν [15] εἰρημένων. Ὥστε φανερὸν ἐκ τούτων. Ὅτι οὐκ ἐνδέχεται τὰς ἀντικειμένας φάσεις περὶ τοῦ αὐτοῦ καθ' ἕνα χρόνον ἀληθεύειν, οὐδὲ τὰ ἐναντία, διὰ τὸ λέγεσθαι κατὰ στέρησιν πᾶσαν ἐναντιότητα· δῆλον δὲ τοῦτ' ἐπ' ἀρχὴν τοὺς λόγους ἀναλύουσι τοὺς τῶν ἐναντίων. Ὁμοίως δ' οὐδὲ τῶν ἀνὰ μέσον οὐδὲν οἷόν τε [20] κατηγορεῖσθαι καθ' ἑνὸς καὶ τοῦ αὐτοῦ· λευκοῦ γὰρ ὄντος τοῦ ὑποκειμένου λέγοντες αὐτὸ εἶναι οὔτε μέλαν οὔτε λευκὸν ψευσόμεθα· συμβαίνει γὰρ εἶναι λευκὸν αὐτὸ καὶ μὴ εἶναι· θάτερον γὰρ τῶν συμπεπλεγμένων ἀληθεύσεται κατ' αὐτοῦ, τοῦτο δ' ἐστὶν ἀντίφασις τοῦ λευκοῦ. Οὔτε δὴ καθ' Ἡράκλειτον [25] ἐνδέχεται λέγοντας ἀληθεύειν, οὔτε κατ' Ἀναξαγόραν· εἰ δὲ μή, συμβήσεται τἀναντία τοῦ αὐτοῦ κατηγορεῖν· ὅταν γὰρ ἐν παντὶ φῇ παντὸς εἶναι μοῖραν, οὐδὲν μᾶλλον εἶναί φησι γλυκὺ ἢ πικρὸν ἢ τῶν λοιπῶν ὁποιανοῦν ἐναντιώσεων, εἴπερ ἐν ἅπαντι πᾶν ὑπάρχει μὴ δυνάμει μόνον ἀλλ' ἐνεργεία [30] καὶ ἀποκεκριμένον. Ὁμοίως δὲ οὐδὲ πάσας ψευδεῖς οὐδ' ἀληθεῖς τὰς φάσεις δυνατὸν εἶναι, δι' ἄλλα τε πολλὰ τῶν συναχθέντων ἂν δυσχερῶν διὰ ταύτην τὴν θέσιν, καὶ διότι ψευδῶν μὲν οὐσῶν πασῶν οὐδ' αὐτὸ τοῦτό τις φάσκων ἀληθεύσει, ἀληθῶν δὲ ψευδεῖς εἶναι πάσας λέγων οὐ ψεύσεται.

170 Ce que dit Protagoras ne diffère guère de ce qui précède (21) : en effet, Protagoras prétendait que l'homme est la mesure de toutes choses, ce qui veut dire simplement que toute chose est en réalité telle qu'elle paraît à chacun. S'il en est ainsi, il en résulte que la même chose est et n'est pas, est à la fois bonne et mauvaise, et que toutes les autres affirmations opposées sont également vraies, puisque souvent la même chose paraît bonne à ceux-ci, à ceux-là mauvaise, et que ce qui paraît à chacun est la mesure des choses.

Pour résoudre cette difficulté, il suffit d'examiner quel a pu être le principe d'une pareille doctrine. Quelques-uns semblent y être arrivés pour avoir adopté le système des physiciens ; pour les autres elle est née de ce que tous les hommes ne portent pas le même jugement sur les mêmes choses, et que telle saveur qui paraît douce aux uns, paraît aux autres avoir la qualité opposée. Un point de doctrine commun à presque tous les physiciens, c'est que rien ne vient du non-être, et que tout vient de l'être. Le non-blanc, il est vrai, vient de ce qui est complètement blanc, de ce qui n'est nulle part non-blanc. Mais lors- 171 qu'il y a production du non-blanc, le non-blanc, selon eux, proviendrait de ce qui est non-blanc ; d'où il suit, dans l'hypothèse, que quelque chose viendrait du non-être; à moins que le même objet ne soit à la fois blanc et non-blanc. Cette difficulté est aisée à résoudre. Nous avons dit dans la Physique (22), comment ce qui est produit vient du non-être, et comment de l'être. D'un autre côté, ajouter également foi aux opinions, aux imaginations de ceux qui sont en désaccord sur les mêmes objets, c'est pure sottise. Évidemment, il faut de toute nécessité que les uns ou les autres soient dans l'erreur : cette vérité se montrera dans tout son jour, si l'on considère ce qui a lieu dans la connaissance sensible. Jamais, en effet, la même chose ne paraît douce aux uns, amère aux autres, [1063a]  à moins que pour les uns, le sens, l'organe qui juge des saveurs en question, ne soit vicié et altéré. Mais s'il en est ainsi, il faut admettre que les uns sont, et que les autres ne sont pas la mesure des choses. Ce que je dis, je le dis également pour le bien et le mal, le beau et le laid, et les autres objets de ce genre. Professer l'opinion dont il s'agit, c'est croire que les choses sont telles qu'elles paraissent à ceux qui compriment la paupière inférieure avec le doigt et font ainsi qu'un objet unique leur paraît double ; c'est croire qu'il y a deux objets parce qu'on en voit deux, et qu'ensuite il n'y en a plus qu'un, car ceux qui ne touchent pas leur œil, n'en voient qu'un seul. Et d'ailleurs il est absurde de porter un jugement sur la vérité, d'après les 172 objets sensibles que nous voyons changer sans cesse, et ne jamais persister dans le même état. C'est dans les êtres qui restent toujours les mêmes, et ne sont susceptibles d'aucun changement, qu'il faut chercher à saisir la vérité. Tels sont, par exemple, les corps célestes. Ils ne paraissent pas tantôt avec tels caractères, tantôt autrement ; ils sont toujours les mêmes, ils ne subissent aucun changement.

De plus, si le mouvement existe, si quelque chose se meut, tout mouvement étant le passage d'une chose à une autre, il faut, dans le système, que ce qui se meut soit encore dans ce dont il vient, et n'y soit plus ; qu'il soit en mouvement vers tel but, et que déjà il y soit parvenu. S'il n'en est pas ainsi, la négation et l'affirmation d'une chose ne peuvent pas être vraies en même temps. Ensuite, si les objets sensibles sont dans un flux, dans un mouvement perpétuel sous le rapport de la quantité, si on l'admet du moins, quoique cela ne soit pas vrai, pour quelle raison la qualité ne persisterait-elle pas ? Car une des raisons qui ont fait admettre que des propositions contradictoires sont vraies en même temps, c'est qu'on suppose que la quantité ne reste pas la même dans les corps, parce que le même corps a maintenant quatre coudées, et plus tard n'a pas quatre coudées. La qualité, c'est ce qui distingue la forme substantielle, la nature déterminée; la quantité tient à l'indéterminée.

Ce n'est pas tout. Pourquoi, quand leur médecin leur ordonne de prendre telle nourriture, prennent-ils cette nourriture ? Car quelle raison y a-t-il pour croire plutôt que c'est là du pain, que de croire le 173 contraire ? et alors il sera indifférent de manger ou de ne pas manger. Et cependant ils prennent la nourriture, dans la conviction que le médecin a affirmé quelque chose de vrai, et que c'est bien là le met qu'il a ordonné. Ils ne devraient pas le croire pourtant, s'il n'est pas de nature qui reste invariable dans les êtres sensibles, si toutes, au contraire, sont dans un mouvement, dans un flux perpétuel.

Et d'ailleurs, si nous-mêmes nous changeons continuellement, si nous ne restons pas un seul instant les mêmes, qu'y a-t-il d'étonnant à ce que nous ne portions pas le même jugement sur les objets sensibles ; à ce qu'ils nous paraissent différents quand nous sommes malades ? [1063b] Les objets sensibles, bien qu'il ne paraissent pas aux sens les mêmes qu'auparavant, n'ont pas, pour cela, subi un changement ; ils ne donnent pas les mêmes sensations, mais des sensations différentes aux malades, parce que ceux-ci ne sont pas dans le même état, dans la même disposition qu'au temps de la santé. La même chose arrive nécessairement dans le changement dont nous parlions tout à l'heure. Si nous ne changions pas, si nous restions toujours les mêmes, les objets persisteraient pour nous.

Quant à ceux qui en sont venus par le raisonnement à se poser les difficultés précédentes, il n'.est pas facile de les convaincre, s'il n'admettent pas quelque principe dont ils ne demandront pas de raison. Car toute preuve, toute démonstration part d'un principe de ce genre. Ne rien admettre de tel, c'est supprimer toute discussion, et par conséquent toute preuve. A l'égard de ceux-là il n'y a doue pas de preuves, à don- 174 ner. Mais ceux qui sont seulement dans le doute, à raison des difficultés dont nous venons de parler, il est facile de dissiper leurs incertitudes, et d'écarter ce qui fait naître le doute dans leurs esprits. Cela est évident d'après ce que nous avons dit tout à l'heure.

Il résulte clairement de là que les affirmations opposées ne peuvent être vraies en même temps du même objet ; que les contraires ne peuvent pas s'y rencontrer non plus simultanément, puisque toute contrariété contient une privation, ce dont on peut s'assurer, en ramenant à leur principe les notions des contraires. De même aussi aucun terme moyen ne peut s'affirmer qu'un seul et même être (23) : supposons que le sujet soit blanc ; si nous disons qu'il n'est ni blanc ni non-blanc; nous serons dans le faux, car il résulterait de là que le même objet serait blanc et ne le serait pas. L'un des deux termes compris à la fois dans l'expression, pourra seul s'affirmer de l'objet; ce sera pour le non-blanc, la négation du blanc. On ne peut donc être dans le vrai, en admettant le principe d'Héraclite ou celui d'Anaxagore ; sans cela on pourrait affirmer les contraires du même être. Car quand Anaxagore dit que tout est dans tout, il dit que le doux, l'amer, que tous les autres contraires comme ceux-là s'y rencontrent également, puisque tout est dans tout, non pas seulement en puissance, mais en acte et distinctement. Il n'est pas possible non plus que tout soit vrai et que tout soit faux : d'abord à cause des nombreuses absurdités où en- 175 traîne cette hypothèse, comme nous l'avons dit ; et ensuite parce que si tout est faux, on ne sera pas dans le vrai en affirmant que tout est faux ; enfin, parce que si tout est vrai, celui qui dira que tout est feux ne sera pas dans le faux.

VII

[35] Πᾶσα δ' ἐπιστήμη ζητεῖ τινὰς ἀρχὰς καὶ αἰτίας περὶ ἕκαστον τῶν ὑφ' αὑτὴν ἐπιστητῶν, [1064a] [1] οἷον ἰατρικὴ καὶ γυμναστικὴ καὶ τῶν λοιπῶν ἑκάστη τῶν ποιητικῶν καὶ μαθηματικῶν. Ἑκάστη γὰρ τούτων περιγραψαμένη τι γένος αὑτῇ περὶ τοῦτο πραγματεύεται ὡς ὑπάρχον καὶ ὄν, οὐχ ᾗ δὲ ὄν, ἀλλ' ἑτέρα τις αὕτη παρὰ ταύτας τὰς ἐπιστήμας ἐστὶν ἐπιστήμη.

Τῶν δὲ [5] λεχθεισῶν ἐπιστημῶν ἑκάστη λαβοῦσά πως τὸ τί ἐστιν ἐν ἑκάστῳ γένει πειρᾶται δεικνύναι τὰ λοιπὰ μαλακώτερον ἢ ἀκριβέστερον. Λαμβάνουσι δὲ τὸ τί ἐστιν αἱ μὲν δι' αἰσθήσεως αἱ δ' ὑποτιθέμεναι· διὸ καὶ δῆλον ἐκ τῆς τοιαύτης ἐπαγωγῆς ὅτι τῆς οὐσίας καὶ τοῦ τί ἐστιν οὐκ ἔστιν ἀπόδειξις.

[10] Ἐπεὶ δ' ἔστι τις ἡ περὶ φύσεως ἐπιστήμη, δῆλον ὅτι καὶ πρακτικῆς ἑτέρα καὶ ποιητικῆς ἔσται. Ποιητικῆς μὲν γὰρ ἐν τῷ ποιοῦντι καὶ οὐ τῷ ποιουμένῳ τῆς κινήσεως ἡ ἀρχή, καὶ τοῦτ' ἔστιν εἴτε τέχνη τις εἴτ' ἄλλη τις δύναμις· ὁμοίως δὲ καὶ τῆς πρακτικῆς οὐκ ἐν τῷ πρακτῷ μᾶλλον δ' ἐν τοῖς [15] πράττουσιν ἡ κίνησις. Ἡ δὲ τοῦ φυσικοῦ περὶ τὰ ἔχοντ' ἐν ἑαυτοῖς κινήσεως ἀρχήν ἐστιν. Ὅτι μὲν τοίνυν οὔτε πρακτικὴν οὔτε ποιητικὴν ἀλλὰ θεωρητικὴν ἀναγκαῖον εἶναι τὴν φυσικὴν ἐπιστήμην, δῆλον ἐκ τούτων (εἰς ἓν γάρ τι τούτων τῶν γενῶν ἀνάγκη πίπτειν)·

ἐπεὶ δὲ τὸ τί ἐστιν ἀναγκαῖον [20] ἑκάστῃ πως τῶν ἐπιστημῶν εἰδέναι καὶ τούτῳ χρῆσθαι ἀρχῇ, δεῖ μὴ λανθάνειν πῶς ὁριστέον τῷ φυσικῷ καὶ πῶς ὁ τῆς οὐσίας λόγος ληπτέος, πότερον ὡς τὸ σιμὸν ἢ μᾶλλον ὡς τὸ κοῖλον. Τούτων γὰρ ὁ μὲν τοῦ σιμοῦ λόγος μετὰ τῆς ὕλης λέγεται τῆς τοῦ πράγματος, ὁ δὲ τοῦ κοίλου χωρὶς τῆς ὕλης· [25] ἡ γὰρ σιμότης ἐν ῥινὶ γίγνεται, διὸ καὶ ὁ λόγος αὐτῆς μετὰ ταύτης θεωρεῖται· τὸ σιμὸν γάρ ἐστι ῥὶς κοίλη. Φανερὸν οὖν ὅτι καὶ σαρκὸς καὶ ὀφθαλμοῦ καὶ τῶν λοιπῶν μορίων μετὰ τῆς ὕλης ἀεὶ τὸν λόγον ἀποδοτέον.

 Ἐπεὶ δ' ἔστι τις ἐπιστήμη τοῦ ὄντος ᾗ ὂν καὶ χωριστόν, σκεπτέον πότερόν ποτε τῇ φυσικῆ [30] ῆ τὴν αὐτὴν θετέον εἶναι ταύτην ἢ μᾶλλον ἑτέραν. Ἡ μὲν οὖν φυσικὴ περὶ τὰ κινήσεως ἔχοντ' ἀρχὴν ἐν αὑτοῖς ἐστίν, ἡ δὲ μαθηματικὴ θεωρητικὴ μὲν καὶ περὶ μένοντά τις αὕτη, ἀλλ' οὐ χωριστά. Περὶ τὸ χωριστὸν ἄρα ὂν καὶ ἀκίνητον ἑτέρα τούτων ἀμφοτέρων τῶν ἐπιστημῶν ἔστι τις, εἴπερ [35] ὑπάρχει τις οὐσία τοιαύτη, λέγω δὲ χωριστὴ καὶ ἀκίνητος, ὅπερ πειρασόμεθα δεικνύναι. Καὶ εἴπερ ἔστι τις τοιαύτη φύσις ἐν τοῖς οὖσιν, ἐνταῦθ' ἂν εἴη που καὶ τὸ θεῖον, καὶ αὕτη ἂν εἴη πρώτη καὶ κυριωτάτη ἀρχή.

[1064b] [1] Δῆλον τοίνυν ὅτι τρία γένη τῶν θεωρητικῶν ἐπιστημῶν ἔστι, φυσική, μαθηματική, θεολογική. Βέλτιστον μὲν οὖν τὸ τῶν θεωρητικῶν γένος, τούτων δ' αὐτῶν ἡ τελευταία λεχθεῖσα· περὶ τὸ τιμιώτατον [5] γάρ ἐστι τῶν ὄντων, βελτίων δὲ καὶ χείρων ἑκάστη λέγεται κατὰ τὸ οἰκεῖον ἐπιστητόν.

Ἀπορήσειε δ' ἄν τις πότερόν ποτε τὴν τοῦ ὄντος ᾗ ὂν ἐπιστήμην καθόλου δεῖ θεῖναι ἢ οὔ. Τῶν μὲν γὰρ μαθηματικῶν ἑκάστη περὶ ἕν τι γένος ἀφωρισμένον ἐστίν, ἡ δὲ καθόλου κοινὴ περὶ πάντων. Εἰ μὲν οὖν αἱ [10] φυσικαὶ οὐσίαι πρῶται τῶν ὄντων εἰσί, κἂν ἡ φυσικὴ πρώτη τῶν ἐπιστημῶν εἴη· εἰ δ' ἔστιν ἑτέρα φύσις καὶ οὐσία χωριστὴ καὶ ἀκίνητος, ἑτέραν ἀνάγκη καὶ τὴν ἐπιστήμην αὐτῆς εἶναι καὶ προτέραν τῆς φυσικῆς καὶ καθόλου τῷ προτέραν.

Toute science s'occupe de la recherche de certains principes et de certaines causes, à l'occasion de chacun des objets dont elle embrasse la connaissance (24). [1064a] Ainsi font la médecine, la gymnastique, et les diverses autres sciences créatrices; ainsi font les sciences mathématiques. Chacune d'elles Se circonscrit en effet dans un genre déterminé, et traite uniquement de ce genre ; elle le considère comme une réalité et un être, sans toutefois l'examiner en tant qu'éfre. La science qui traite de l'être en tant qu'être est différente de toutes ces sciences, et en dehors d'elles.

Les sciences que nous venons de mentionner prennent chacune pour sujet dans chaque genre, l'essence, et tâchent de donner sur tout le reste des démonstrations, plus ou moins sujettes à exceptions, plus ou moins rigoureuses. Les unes admettent l'essence perçue par les sens ; les autres posent tout d'abord l'es- 176 sence comme fait fondamental. Il est clair alors, qu'il n'y a lieu, avec celte façon de procéder, à aucune démonstration ni de la substance, ni de l'essence.

La physique est une science; mais elle n'est évidemment point une science pratique, ni une science créatrice. Pour les sciences créatrices, en efiet, c'est dans l'agent, et non dans l'objet qui subit l'action, que réside le principe de mouvement ; et ce principe, c'est ou bien un art, ou bien quelque autre puissance. De même pour les sciences pratiques : ce n'est pas non plus dans la chose qui est l'objet de l'action que réside le mouvement, mais bien plutôt dans l'être qui agit. La science du physicien traite des êtres qui ont en eux-mêmes le principe du mouvement. On voit assez dès-lors que la science physique n'est ni une science pratique, ni une science créatrice, mais qu'elle est de toute nécessité une science ihéorétique; car il faut bien qu'elle rentre dans l'un de ces trois genres.

Puisqu'il est nécessaire que chaque science connaisse sous quelque point de vue l'essence, et s'en serve comme d'un principe, le physicien ne peut donc pas ignorer la manière de définir; il faut qu'il sache ce qu'est véritablement la notion substantielle dans les objets dont il traite, si elle est dans le même cas que le camus, ou bien plutôt comme le retroussé. La notion du camus implique la matière de l'objet ; celle du retroussé est indépendante de toute matière. En effet, c'est dans un nez que se produit le camus; et c'est pour cela que la notion du camus implique celle du nez : le camus, c'est le nez retroussé. Il est donc évident que la matière doit entrer dans la définition 177 de la chair, de l'œil et des autres parties du corps.

Il y a une science de l'être considéré en tant qu'être et indépendamment de tout sujet matériel : voyons donc s'il faut admettre l'identité de cette science et de la physique,, ou bien plutôt leur différence. La physique traite des êtres qui ont en eux-mêmes le principe du mouvement. La science mathématique est une science théorétique, il est vrai, et qui traite d'objets immobiles ; mais ces objets ne sont pas séparés de de toute matière. La science de l'être indépendant et immobile est donc différente de l'une et de l'autre de ces deux sciences ; supposé qu'il y ait une substance qui soit réellement ainsi, je veux dire indépendante et immobile, ce que nous nous efforcerons de prouver. Et s'il y a une nalure de cette sorte parmi les êtres, ce sera la là nalure divine, ce sera le premier principe, le principe par excellence.

[1064a] Il y a, à ce compte, trois sciences théorétiques : la Physique, la Science mathématique, la Théologie. Or, les sciences théorétiques l'emportent sur les autres sciences. Mais celle que nous venons de nommer la dernière l'emporte sur toutes les sciences théorétiques. Elle a pour objet l'être qui l'emporte sur tous les êtres; et c'est la valeur de l'objet propre de la connaissance, qui détermine ou la supériorité d'une science, ou son infériorité.

C'est une question de savoir si la science de l'être en tant qu'être est, oui ou non, une science universelle. Les sciences mathématiques traitent chacune d'un genre d'êtres déterminé; la science universelle embrasse tous les êtres. Si donc les substances physiques 178 étaient les premières entre toutes les essences, alors la première de toutes les sciences, ce serait la physique. Mais s'il existe une autre nature, une substance indépendante et immobile, il faut bien que la science de cette nature soit une autre science, une science antérieure à la physique, une science universelle par son antériorité même.

VIII

[15] Ἐπεὶ δὲ τὸ ἁπλῶς ὂν κατὰ πλείους λέγεται τρόπους, ὧν εἷς ἐστὶν ὁ κατὰ συμβεβηκὸς εἶναι λεγόμενος, σκεπτέον πρῶτον περὶ τοῦ οὕτως ὄντος. Ὅτι μὲν οὖν οὐδεμία τῶν παραδεδομένων ἐπιστημῶν πραγματεύεται περὶ τὸ συμβεβηκός, δῆλον νοὔτε γὰρ οἰκοδομικὴ σκοπεῖ τὸ συμβησόμενον τοῖς τῇ [20] οἰκίᾳ χρησομένοις, οἷον εἰ λυπηρῶς ἢ τοὐναντίον οἰκήσουσιν, οὔθ' ὑφαντικὴ οὔτε σκυτοτομικὴ οὔτε ὀψοποική, τὸ δὲ καθ' αὑτὴν ἴδιον ἑκάστη τούτων σκοπεῖ τῶν ἐπιστημῶν μόνον, τοῦτο δ' ἐστὶ τὸ οἰκεῖον τέλος· οὐδὲ μουσικὸν καὶ γραμματικόν, οὐδὲ τὸν ὄντα μουσικὸν

ὅτι γενόμενος γραμματικὸς ἅμα ἔσται τὰ [25] ἀμφότερα, πρότερον οὐκ ὤν, ὃ δὲ μὴ ἀεὶ ὂν ἔστιν, ἐγένετο τοῦτο, ὥσθ' ἅμα μουσικὸς ἐγένετο καὶ γραμματικός,

τοῦτο δὲ οὐδεμία ζητεῖ τῶν ὁμολογουμένως οὐσῶν ἐπιστημῶν πλὴν ἡ σοφιστική· περὶ τὸ συμβεβηκὸς γὰρ αὕτη μόνη πραγματεύεται, διὸ Πλάτων οὐ κακῶς εἴρηκε φήσας τὸν σοφιστὴν [30] περὶ τὸ μὴ ὂν διατρίβειν·

ὅτι δ' οὐδ' ἐνδεχόμενόν ἐστιν εἶναι τοῦ συμβεβηκότος ἐπιστήμην, φανερὸν ἔσται πειραθεῖσιν ἰδεῖν τί ποτ' ἐστὶ τὸ συμβεβηκός. Πᾶν δή φαμεν εἶναι τὸ μὲν ἀεὶ καὶ ἐξ ἀνάγκης (ἀνάγκης δ' οὐ τῆς κατὰ τὸ βίαιον λεγομένης ἀλλ' ᾗ χρώμεθα ἐν τοῖς κατὰ τὰς ἀποδείξεις), [35] τὸ δ' ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, τὸ δ' οὔθ' ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ οὔτ' ἀεὶ καὶ ἐξ ἀνάγκης ἀλλ' ὅπως ἔτυχεν· οἷον ἐπὶ κυνὶ γένοιτ' ἂν ψῦχος, ἀλλὰ τοῦτ' οὔτ' ὡς ἀεὶ καὶ ἐξ ἀνάγκης οὔθ' ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ γίγνεται, συμβαίη δέ ποτ' ἄν. [1065a] [1] Ἔστι δὴ τὸ συμβεβηκὸς ὃ γίγνεται μέν, οὐκ ἀεὶ δ' οὐδ' ἐξ ἀνάγκης οὐδ' ὡς ἐπὶ τὸ πολύ. Τί μὲν οὖν ἐστὶ τὸ συμβεβηκός, εἴρηται, διότι δ' οὐκ ἔστιν ἐπιστήμη τοῦ τοιούτου, δῆλον· ἐπιστήμη μὲν γὰρ πᾶσα τοῦ [5] ἀεὶ ὄντος ἢ ὡς ἐπὶ τὸ πολύ, τὸ δὲ συμβεβηκὸς ἐν οὐδετέρῳ τούτων ἐστίν.

Ὅτι δὲ τοῦ κατὰ συμβεβηκὸς ὄντος οὐκ εἰσὶν αἰτίαι καὶ ἀρχαὶ τοιαῦται οἷαίπερ τοῦ καθ' αὑτὸ ὄντος, δῆλον· ἔσται γὰρ ἅπαντ' ἐξ ἀνάγκης. Εἰ γὰρ τόδε μὲν ἔστι τοῦδε ὄντος τόδε δὲ τοῦδε, τοῦτο δὲ μὴ ὅπως ἔτυχεν ἀλλ' ἐξ [10] ἀνάγκης, ἐξ ἀνάγκης ἔσται καὶ οὗ τοῦτ' ἦν αἴτιον ἕως τοῦ τελευταίου λεγομένου αἰτιατοῦ (τοῦτο δ' ἦν κατὰ συμβεβηκός), ὥστ' ἐξ ἀνάγκης ἅπαντ' ἔσται, καὶ τὸ ὁποτέρως ἔτυχε καὶ τὸ ἐνδέχεσθαι καὶ γενέσθαι καὶ μὴ παντελῶς ἐκ τῶν γιγνομένων ἀναιρεῖται. Κἂν μὴ ὂν δὲ ἀλλὰ γιγνόμενον τὸ [15] αἴτιον ὑποτεθῇ, ταὐτὰ συμβήσεται· πᾶν γὰρ ἐξ ἀνάγκης γενήσεται. Ἡ γὰρ αὔριον ἔκλειψις γενήσεται ἂν τόδε γένηται, τοῦτο δ' ἐὰν ἕτερόν τι, καὶ τοῦτ' ἂν ἄλλο· καὶ τοῦτον δὴ τὸν τρόπον ἀπὸ πεπερασμένου χρόνου τοῦ ἀπὸ τοῦ νῦν μέχρι αὔριον ἀφαιρουμένου χρόνου ἥξει ποτὲ εἰς τὸ ὑπάρχον, ὥστ' ἐπεὶ [20] τοῦτ' ἔστιν, ἅπαντ' ἐξ ἀνάγκης τὰ μετὰ τοῦτο γενήσεται, ὥστε πάντα ἐξ ἀνάγκης γίγνεσθαι.

Τὸ δ' ὡς ἀληθὲς ὂν καὶ κατὰ συμβεβηκὸς τὸ μέν ἐστιν ἐν συμπλοκῇ διανοίας καὶ πάθος ἐν ταύτῃ (διὸ περὶ μὲν τὸ οὕτως ὂν οὐ ζητοῦνται αἱ ἀρχαί, περὶ δὲ τὸ ἔξω ὂν καὶ χωριστόν)· τὸ δ' οὐκ [25] ἀναγκαῖον ἀλλ' ἀόριστον, λέγω δὲ τὸ κατὰ συμβεβηκός· τοῦ τοιούτου δ' ἄτακτα καὶ ἄπειρα τὰ αἴτια. Τὸ δὲ ἕνεκά του ἐν τοῖς φύσει γιγνομένοις ἢ ἀπὸ διανοίας ἐστίν, τύχη δέ ἐστιν ὅταν τι τούτων γένηται κατὰ συμβεβηκός· ὥσπερ γὰρ καὶ ὄν ἐστι τὸ μὲν καθ' αὑτὸ τὸ δὲ κατὰ συμβεβηκός, οὕτω [30] καὶ αἴτιον.

Ἡ τύχη δ' αἰτία κατὰ συμβεβηκὸς ἐν τοῖς κατὰ προαίρεσιν τῶν ἕνεκά του γιγνομένοις, διὸ περὶ ταὐτὰ τύχη καὶ διάνοια· προαίρεσις γὰρ οὐ χωρὶς διανοίας. Τὰ δ' αἴτια ἀόριστα ἀφ' ὧν ἂν γένοιτο τὰ ἀπὸ τύχης, διὸ ἄδηλος ἀνθρωπίνῳ λογισμῷ καὶ αἴτιον κατὰ συμβεβηκός, ἁπλῶς [35] δ' οὐδενός. Ἀγαθὴ δὲ τύχη καὶ κακὴ ὅταν ἀγαθὸν ἢ φαῦλον ἀποβῇ· εὐτυχία δὲ καὶ δυστυχία περὶ μέγεθος τούτων.

[1065b] [1] Ἐπεὶ δ' οὐθὲν κατὰ συμβεβηκὸς πρότερον τῶν καθ' αὑτό, οὐδ' ἄρ' αἴτια· εἰ ἄρα τύχη ἢ τὸ αὐτόματον αἴτιον τοῦ οὐρανοῦ, πρότερον νοῦς αἴτιος καὶ φύσις.

L'être en général s'entend de plusieurs manières, et d'abord comme être accidentel : parlons donc de l'être accidentel (25). Il est de toute évidence qu'aucune des sciences que nous avons énumérées ne traite de l'accident. L'art de bâtir ne s'occupe nullement de ce qui peut arriver à ceux qui se serviront de la maison, de savoir, par exemple, si l'habitation de la maison leur sera désagréable ou leur fera plaisir. De même pour l'art du tisserand, pour celui du cordonnier, de même pour l'art culinaire. Chacune de ces sciences s'occupe uniquement de l'objet qui lui est propre, c'est-à-dire de son but propre ; aucune ne considère un être en tarit que musicien, en tant que grammairien. Des raisonnements comme celui-ci :

Un homme est musicien, il devient grammairien ; 179 donc il doit être à la fois l'un et l'autre. Mais il n'était pas l'un et l'autre auparavant. Or, ce qui n'existe pas de tous temps est devenu ; donc cet homme est devenu musicien et grammairien simultanément.

De pareils raisonnements, dis-je, ne sont jamais ce que cherche une science reconnue par tous comme telle ; il n'y a que la Sophistique qui en fasse son objet. Elle seule, la Sophistique, traite de l'accident. Aussi le mot de Platon n'est-il pas sans justesse : La Sophistique, a-t-il dit, roule sur le non-être.

On verra clairement que toute science de l'accident est impossible, si l'on examine avec attention la nature même de l'accident. Parmi les êtres, il en est qui existent toujours et nécessairement, non pas de cette nécessité qui n'est que l'effet de la violence, mais de celle-là qui est le fondement des démonstrations ; d'autres choses ne sont qu'ordinairement; d'autres enfin n'existent ni ordinairement, ni toujours et de toute nécessité, mais seulement suivant les circonstances. Qu'il fasse froid pendant la canicule, par exemple, c'est ce qui n'arrive ni toujours, ni nécessairement, ni dans le plus grand nombre des cas, c'est ce qui peut quelquefois arriver. L'accident est donc ce qui n'arrive ni toujours, ni de toute nécessité, ni dans le plus grand nombre des cas. [1065a] Voilà, selon nous, ce que c'est que l'accident. Quant à l'impossibilité d'une science de l'accident, elle est par là même évidente. En effet, toute science s'occupe ou de ce qui est éternellement, ou de ce qui est ordinairement. Or, l'accident n'est ni éternellement ni ordinairement.

Il est évident d'ailleurs que les causes et les principes 180 de l'être accidentel ne sont pas du même genre que les causes et les principes de l'être en soi. Sans cela tout serait nécessaire. En effet, si, telle chose existant, telle autre chose existe, et que celle-là existe aussi telle autre existant, et qu'il en soit ainsi non pas selon les circonstances mais nécessairement, l'effet produit nécessairement doit être lui-même nécessaire; et l'on arrive ainsi jusqu'au dernier effet. Or, ce dernier effet, c'est l'accident. Tout serait donc alors nécessaire ; et c'est là la suppression absolue de l'action des circonstances sur les êtres qui deviennent, et de leur possibilité de devenir et de ne devenir pas : conséquence à laquelle on arrive encore, même en supposant que la cause n'est pas, mais devient. Car alors tout deviendra nécessairement. Il y aura demain une éclipse, si telle chose a lieu, et telle chose aura lieu à condition qu'une autre aura lieu elle-même, laquelle deviendra à une autre condition encore. Et si, d'un temps limité, si de ce temps qui sépare demain de l'instant actuel, on retranche sans cesse du temps, comme nous venons de faire, on finira par arriver à ce qui est présentement. Par conséquent, l'existence de ce qui est présentement entraînera nécessairement la production de tout ce qui devra suivre ; par conséquent, tout devient nécessairement.

Pour l'être qui signifie le vrai et non plus l'accident, il consiste uniquement dans ce que la pensée affirme ou nie du sujet ; il est une modification de la pensée même ; aussi ne cherche-t-on pas les principes de cet être, mais ceux de l'être extérieur et indépendant. Quant à l'autre être, je veux dire l'être accidentel, c'est ce qui n'est pas nécessaire, c'est l'indéterminé. 181 Or, il n'y a aucun ordre dans les causes de l'être accidentel, et d'ailleurs elles sont en nombre infini : tandis que la cause finale est le fondement de tout ce ce qui se produit dans la nature, ou provient de la pensée.

Le hasard (26), c'est toute production accidentelle soit de la nature, soit de la pensée. Le même rapport qu'il y a entre l'être en soi et l'être accidentel, existe aussi entre les causes de ces êtres. Le hasard est la cause accidentelle de ce qui se fait par intention et dans un certain but.  Le hasard et !a pensée se rapportent donc au même objet, n'y ayant pas de choix sans pensée. Mais les causes qui produisent les effets attribués au hasard sont indéterminées; d'où il suit que le hasard est impénétrable à la raison humaine, qu'il n'est qu'une cause accidentelle, ou pour mieux dire, qu'il n'est cause de rien. Un heureux, un fâcheux hasard (27), c'est l'arrivée d'un bien ou d'un mal; de grands biens ou de grands maux, voilà la prospérité et l'adversité.

[1065b] De même que nul être accidentel n'est antérieur à un être en soi, de même il y a postériorité pour les causes de l'être accidentel. Admît-on que le ciel a pour cause le hasard ou un concours fortuit, il y aurait encore une cause antérieure, c'est l'intelligence et la nature.

IX

[5] Ἔστι δὲ τὸ μὲν ἐνεργείᾳ μόνον τὸ δὲ δυνάμει τὸ δὲ δυνάμει καὶ ἐνεργείᾳ, τὸ μὲν ὂν τὸ δὲ ποσὸν τὸ δὲ τῶν λοιπῶν.
§ 2. Οὐκ ἔστι δέ τις κίνησις παρὰ τὰ πράγματα· μεταβάλλει γὰρ ἀεὶ κατὰ τὰς τοῦ ὄντος κατηγορίας, κοινὸν δ' ἐπὶ τούτων οὐδέν ἐστιν ὃ οὐδ' ἐν μιᾷ κατηγορίᾳ. Ἕκαστον δὲ διχῶς [10] ὑπάρχει πᾶσιν (οἷον τὸ τόδε - τὸ μὲν γὰρ μορφὴ αὐτοῦ τὸ δὲ στέρησις - καὶ κατὰ τὸ ποιὸν τὸ μὲν λευκὸν τὸ δὲ μέλαν, καὶ κατὰ τὸ ποσὸν τὸ μὲν τέλειον τὸ δὲ ἀτελές, καὶ κατὰ φορὰν τὸ μὲν ἄνω τὸ δὲ κάτω, ἢ κοῦφον καὶ βαρύ᾿)· ὥστε κινήσεως καὶ μεταβολῆς τοσαῦτ' εἴδη ὅσα τοῦ ὄντος.

 Διῃρημένου [15] δὲ καθ' ἕκαστον γένος τοῦ μὲν δυνάμει τοῦ δ' ἐντελεχείᾳ, τὴν τοῦ δυνάμει ᾗ τοιοῦτόν ἐστιν ἐνέργειαν λέγω κίνησιν. Ὅτι δ' ἀληθῆ λέγομεν, ἐνθένδε δῆλον· ὅταν γὰρ τὸ οἰκοδομητόν, ᾗ τοιοῦτον αὐτὸ λέγομεν εἶναι, ἐνεργείᾳ ᾖ, οἰκοδομεῖται, καὶ ἔστι τοῦτο οἰκοδόμησις· ὁμοίως μάθησις, ἰάτρευσις, βάδισις, [20] ἅλσις, γήρανσις, ἅδρυνσις.
§ 4. Συμβαίνει δὲ κινεῖσθαι ὅταν ἡ ἐντελέχεια ᾖ αὐτή, καὶ οὔτε πρότερον οὔθ' ὕστερον. Ἡ δὴ τοῦ δυνάμει ὄντος, ὅταν ἐντελεχείᾳ ὂν ἐνεργῇ, οὐχ ᾗ αὐτὸ ἀλλ' ᾗ κινητόν, κίνησίς ἐστιν. Λέγω δὲ τὸ ᾗ ὧδε. Ἔστι γὰρ ὁ χαλκὸς δυνάμει ἀνδριάς· ἀλλ' ὅμως οὐχ ἡ τοῦ [25] χαλκοῦ ἐντελέχεια, ᾗ χαλκός, κίνησίς ἐστιν. Οὐ γὰρ ταὐτὸν χαλκῷ εἶναι καὶ δυνάμει τινί, ἐπεὶ εἰ ταὐτὸν ἦν ἁπλῶς κατὰ τὸν λόγον, ἦν ἂν ἡ τοῦ χαλκοῦ ἐντελέχεια κίνησίς τις. Οὐκ ἔστι δὲ ταὐτό (δῆλον δ' ἐπὶ τῶν ἐναντίων· τὸ μὲν γὰρ δύνασθαι ὑγιαίνειν καὶ δύνασθαι κάμνειν οὐ ταὐτόν - καὶ γὰρ [30] ἂν τὸ ὑγιαίνειν καὶ τὸ κάμνειν ταὐτὸν ἦν - τὸ δ' ὑποκείμενον καὶ ὑγιαῖνον καὶ νοσοῦν, εἴθ' ὑγρότης εἴθ' αἷμα, ταὐτὸ καὶ ἕν). Ἐπεὶ δὲ οὐ τὸ αὐτό, ὥσπερ οὐδὲ χρῶμα ταὐτὸν καὶ ὁρατόν, ἡ τοῦ δυνατοῦ καὶ ᾗ δυνατὸν ἐντελέχεια κίνησίς ἐστιν.

[34] Ὅτι μὲν οὖν ἐστιν αὕτη, καὶ ὅτι συμβαίνει τότε κινεῖσθαι ὅταν ἡ ἐντελέχεια ᾖ αὐτή, καὶ οὔτε πρότερον οὔθ' ὕστερον, δῆλον (ἐνδέχεται γὰρ ἕκαστον ὁτὲ μὲν ἐνεργεῖν ὁτὲ δὲ μή, [1066a] [1] οἷον τὸ οἰκοδομητὸν ᾗ οἰκοδομητόν, καὶ ἡ τοῦ οἰκοδομητοῦ ἐνέργεια ᾗ οἰκοδομητὸν οἰκοδόμησίς ἐστιν· ἢ γὰρ τοῦτό ἐστιν, ἡ οἰκοδόμησις, ἡ ἐνέργεια, ἢ οἰκία· ἀλλ' ὅταν οἰκία ᾖ, οὐκέτι οἰκοδομητόν, [5] οἰκοδομεῖται δὲ τὸ οἰκοδομητόν· ἀνάγκη ἄρα οἰκοδόμησιν τὴν ἐνέργειαν εἶναι, ἡ δ' οἰκοδόμησις κίνησίς τις,

ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων κινήσεων)· ὅτι δὲ καλῶς εἴρηται, δῆλον ἐξ ὧν οἱ ἄλλοι λέγουσι περὶ αὐτῆς, καὶ ἐκ τοῦ μὴ ῥᾴδιον εἶναι διορίσαι ἄλλως αὐτήν. Οὔτε γὰρ ἐν ἄλλῳ [10] τις γένει δύναιτ' ἂν θεῖναι αὐτήν· δῆλον δ' ἐξ ὧν λέγουσιν· οἱ μὲν γὰρ ἑτερότητα καὶ ἀνισότητα καὶ τὸ μὴ ὄν, ὧν οὐδὲν ἀνάγκη κινεῖσθαι, ἀλλ' οὐδ' ἡ μεταβολὴ οὔτ' εἰς ταῦτα οὔτ' ἐκ τούτων μᾶλλον ἢ τῶν ἀντικειμένων. Αἴτιον δὲ τοῦ εἰς ταῦτα τιθέναι ὅτι ἀόριστόν τι δοκεῖ εἶναι ἡ κίνησις, τῆς δ' [15] ἑτέρας συστοιχίας αἱ ἀρχαὶ διὰ τὸ στερητικαὶ εἶναι ἀόριστοι· οὔτε γὰρ τόδε οὔτε τοιόνδε οὐδεμία αὐτῶν οὔτε τῶν λοιπῶν κατηγοριῶν.

Τοῦ δὲ δοκεῖν ἀόριστον εἶναι τὴν κίνησιν αἴτιον ὅτι οὔτ' εἰς δύναμιν τῶν ὄντων οὔτ' εἰς ἐνέργειαν ἔστι θεῖναι αὐτήν· οὔτε γὰρ τὸ δυνατὸν ποσὸν εἶναι κινεῖται ἐξ [20] ἀνάγκης, οὔτε τὸ ἐνεργείᾳ ποσόν, ἥ τε κίνησις ἐνέργεια μὲν εἶναι δοκεῖ τις, ἀτελὴς δέ· αἴτιον δ' ὅτι ἀτελὲς τὸ δυνατὸν οὗ ἐστὶν ἐνέργεια. Καὶ διὰ τοῦτο χαλεπὸν αὐτὴν λαβεῖν τί ἐστιν·
§ 10. ἢ γὰρ εἰς στέρησιν ἀνάγκη θεῖναι ἢ εἰς δύναμιν ἢ εἰς ἐνέργειαν ἁπλῆν, τούτων δ' οὐδὲν φαίνεται ἐνδεχόμενον, ὥστε [25] λείπεται τὸ λεχθὲν εἶναι, καὶ ἐνέργειαν καὶ μὴ ἐνέργειαν τὴν εἰρημένην, ἰδεῖν μὲν χαλεπὴν ἐνδεχομένην δ' εἶναι.

Καὶ ὅτι ἐστὶν ἡ κίνησις ἐν τῷ κινητῷ, δῆλον· ἐντελέχεια γάρ ἐστι τούτου ὑπὸ τοῦ κινητικοῦ. Καὶ ἡ τοῦ κινητικοῦ ἐνέργεια οὐκ ἄλλη ἐστίν. Δεῖ μὲν γὰρ εἶναι ἐντελέχειαν ἀμφοῖν· κινητικὸν [30] μὲν γάρ ἐστι τῷ δύνασθαι, κινοῦν δὲ τῷ ἐνεργεῖν, ἀλλ' ἔστιν ἐνεργητικὸν τοῦ κινητοῦ, ὥσθ' ὁμοίως μία ἡ ἀμφοῖν ἐνέργεια ὥσπερ τὸ αὐτὸ διάστημα ἓν πρὸς δύο καὶ δύο πρὸς ἕν, καὶ τὸ ἄναντες καὶ τὸ κάταντες, ἀλλὰ τὸ εἶναι οὐχ ἕν· ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τοῦ κινοῦντος καὶ κινουμένου.
 

182 Parmi les êtres, les uns sont en acte seulement, les autres seulement en puissance, d'autres en puissance et en acte tout à la fois ; il y a enfin l'être proprement dit, l'être sous le rapport de la quantité, et sous le rapport des autres catégories. Quant au mouvement, il n'existe pas en dehors des choses : c'est toujours relativement à quelqu'un des points de vue de l'être que s'opère le changement. Et le changement diffère non-seulement selon les différentes catégories, mais encore dans la même catégorie (28). Chaque catégorie est double dans les êtres : pour l'essence, par exemple, il y a la forme de l'objet et la privation de la forme ; pour la qualité, le blanc et le noir ; pour la quantité, le complet et l'incomplet; enfin l'objet monte ou descend, il est léger ou lourd, s'il s'agit de la vitesse. Il y a donc autant d'espèces de mouvement et de changement, que l'être a lui-même d'espèces (29).

Dans chaque genre d'êtres il y a l'être en puissance et l'être en acte. J'appelle mouvement l'actualité du possible en tant que possible ; et voici la preuve de l'exactitude de cette définition. C'est quand il y a 183 possibilité de construction, passant à l'acte en cette qualité même, que nous disons qu'il y a acte en tant qu'il y a construction, et c'est là ce qui constitue la construction. De même pour l'enseignement, la guérison d'une maladie, la rotation, la marche, le saut, la dégénérescence, la croissance. Il s'ensuit qu'il y a mouvement pendant la durée de cette sorte d'actualité, non auparavant, ni après ; et le mouvement est l'actualité de ce qui est en puissance, quand l'actualité se manifeste, non pas en tant que l'être est lui- même, mais en tant que mobile; et voici ce que j'entends par en tant que mobile. L'airain est statue en puissance ; toutefois l'actualité de l'airain en tant qu'airain n'est pas le mouvement qui produit la statue. La notion de l'airain n'implique pas la notion d'une puissance déterminée. S'il y avait entre ces notions identité absolue, essentielle, alors l'actualité de l'airain serait un certain mouvement. Mais il n'y a pas identité ; c'est ce que prouve l'examen des contraires. La puissance de se bien porter et celle d'être malade ne sont pas la même chose, sans quoi la santé et la maladie seraient identiques. Et pourtant le sujet de la santé et celui de la maladie ne sont qu'une seule et même chose, que ce soient les humeurs ou le sang. Puisqu'il n'y a pas identité dans le cas en question, et pas davantage entre la couleur et l'objet visible, il s'ensuit que l'actualité du possible en tant que possible constitue le mouvement.

Voilà ce. que c'est que le mouvement ; et c'est pendant la durée de cette sorte d'actualité que l'objet se meut, et non point auparavant, ni plus tard : cela est 184 de toute évidence. Tout objet peut tantôt être, tantôt n'être pas en acte. [1066a] Ainsi, d'un côté ce qui peut être construit en tant que pouvant être construit; de l'autre, l'actualité de ce qui peut être construit en tant que pouvant être construit : c'est-là la construction. La construction est ou bien l'actualité même, ou bien la maison. Mais quand c'est une maison, la possibilité de construire n'existe plus : ce qui pouvait être construit est construit déjà. Il faut donc que l'acte véritable soit dans ce cas une construction ; or, la construction est un mouvement. Même raisonnement pour les autres mouvements.

Ce qui prouve que nous ne nous sommes point trompés, ce sont les systèmes des autres philosophes sur le mouvement, et la difficulté qu'ils éprouvent à le définir autrement que nous n'avons fait. Il serait impossible de le placer dans un autre genre que celui que nous lui avons assigné; on le voit assez à leurs paroles. Il en est qui appellent le mouvement une diversité (30), une inégalité (31), le non-être (32) : toutes choses qui n'impliquent pas de nécessité le, mouvement. Le changement ne se ramène pas plus à ces principes qu'à leurs opposés, et il n'en sort pas davantage. Ce qui fait que c'est aux principes négatifs qu'on le ramène, c'est que le mouvement semble quelque chose d'indéfini. Or, les principes qui composent la série négative sont indéfinis, parce qu'ils indiquent la pri- 185 vation, tandis que ni l'essence, ni la qualité, ne sont des principes indéfinis, ni aucune des autres catégories. La cause pour laquelle le mouvement semble indéfini, c'est qu'on ne peut le ramener ni à la puissance,, ni à l'acte des êtres; car ni la quantité en puissance ne se meut nécessairement, ni la quantité en acte.

Le mouvement est donc, ce semble, une actualité, mais une actualité imparfaite, et la cause en est que la puissance passant à l'acte est une puissance imparfaite; voilà pourquoi il n'est pas facile de concevoir la nature du mouvement. On ne pouvait, en effet, le ramener qu'à la privation, ou à la puissance pure et simple, ou à l'acte pur et simple ; or, aucun de ces principes ne peut évidemment le constituer. Reste donc ce que nous avons dit, savoir, que le mouvement est une actualité, et n'est pas une actualité : chose difficile à comprendre, mais possible du moins.

Il est clair d'ailleurs que le mouvement existe dans l'objet mobile, car le mouvement est l'actualité de l'objet mobile produite par le moteur. De plus, l'actualité du moteur ne diffère pas de l'actualité du mobile. Il faut, pour qu'il y ait mouvement, qu'il y ait actualité de l'un ou de l'autre. Or, la puissance du moteur, c'est le principe du mouvement ; son actualité, c'est ce principe produisant le mouvement : mais ce mouvement, c'est l'actualité même de l'objet mobile. Il n'y a donc qu'une actualité unique pour l'un et pour l'autre. Il y a du reste la même distance de un à deux que de deux à un, du bas en haut que du haut en bas, sans qu'il y ait pourtant unité d'être entre ces 186 choses : tel est le rapport du moteur avec l'objet en mouvement.

X.

[35] Τὸ δ' ἄπειρον ἢ τὸ ἀδύνατον διελθεῖν τῷ μὴ πεφυκέναι διιέναι, καθάπερ ἡ φωνὴ ἀόρατος, ἢ τὸ διέξοδον ἔχον ἀτελεύτητον, ἢ ὃ μόλις, ἢ ὃ πεφυκὸς ἔχειν μὴ ἔχει διέξοδον ἢ πέρας· ἔτι προσθέσει ἢ ἀφαιρέσει ἢ ἄμφω.

[1066b] [1] Χωριστὸν μὲν δὴ αὐτό τι ὂν οὐχ οἷόν τ' εἶναι· εἰ γὰρ μήτε μέγεθος μήτε πλῆθος, οὐσία δ' αὐτὸ τὸ ἄπειρον καὶ μὴ συμβεβηκός, ἀδιαίρετον ἔσται (τὸ γὰρ διαιρετὸν ἢ μέγεθος ἢ πλῆθος), εἰ [5] δὲ ἀδιαίρετον, οὐκ ἄπειρον, εἰ μὴ καθάπερ ἡ φωνὴ ἀόρατος· ἀλλ' οὐχ οὕτω λέγουσιν οὐδ' ἡμεῖς ζητοῦμεν, ἀλλ' ὡς ἀδιέξοδον. Ἔτι πῶς ἐνδέχεται καθ' αὑτὸ εἶναι ἄπειρον, εἰ μὴ καὶ ἀριθμὸς καὶ μέγεθος, ὧν πάθος τὸ ἄπειρον; Ἔτι εἰ κατὰ συμβεβηκός, οὐκ ἂν εἴη στοιχεῖον τῶν ὄντων [10] ᾗ ἄπειρον, ὥσπερ οὐδὲ τὸ ἀόρατον τῆς διαλέκτου, καίτοι ἡ φωνὴ ἀόρατος. Καὶ ὅτι οὐκ ἔστιν ἐνεργείᾳ εἶναι τὸ ἄπειρον, δῆλον. Ἔσται γὰρ ὁτιοῦν αὐτοῦ ἄπειρον μέρος τὸ λαμβανόμενον (τὸ γὰρ ἀπείρῳ εἶναι καὶ ἄπειρον τὸ αὐτό, εἴπερ οὐσία τὸ ἄπειρον καὶ μὴ καθ' ὑποκειμένου), ὥστε ἢ ἀδιαίρετον, ἢ εἰς [15] ἄπειρα διαιρετόν, εἰ μεριστόν· πολλὰ δ' εἶναι τὸ αὐτὸ ἀδύνατον ἄπειρα (ὥσπερ γὰρ ἀέρος ἀὴρ μέρος, οὕτως ἄπειρον ἀπείρου, εἰ ἔστιν οὐσία καὶ ἀρχή)· ἀμέριστον ἄρα καὶ ἀδιαίρετον. Ἀλλὰ ἀδύνατον τὸ ἐντελεχείᾳ ὂν ἄπειρον (ποσὸν γὰρ εἶναι ἀνάγκη)· κατὰ συμβεβηκὸς ἄρα ὑπάρχει. Ἀλλ' εἰ οὕτως, εἴρηται ὅτι οὐκ ἐνδέχεται εἶναι ἀρχήν, ἀλλ' ἐκεῖνο ᾧ συμβέβηκε, τὸν ἀέρα ἢ τὸ ἄρτιον.

Αὕτη μὲν οὖν ἡ ζήτησις καθόλου, ὅτι δ' ἐν τοῖς αἰσθητοῖς οὐκ ἔστιν, ἐνθένδε δῆλον·

εἰ γὰρ σώματος λόγος τὸ ἐπιπέδοις ὡρισμένον, οὐκ εἴη ἂν ἄπειρον σῶμα οὔτ' αἰσθητὸν οὔτε νοητόν, οὐδ' ἀριθμὸς ὡς [25] κεχωρισμένος καὶ ἄπειρος· ἀριθμητὸν γὰρ ὁ ἀριθμὸς ἢ τὸ ἔχον ἀριθμόν. Φυσικῶς δὲ ἐκ τῶνδε δῆλον· οὔτε γὰρ σύνθετον οἷόν τ' εἶναι οὔθ' ἁπλοῦν. Σύνθετον μὲν γὰρ οὐκ ἔσται σῶμα, εἰ πεπέρανται τῷ πλήθει τὰ στοιχεῖα (δεῖ γὰρ ἰσάζειν τὰ ἐναντία καὶ μὴ εἶναι ἓν αὐτῶν ἄπειρον· εἰ γὰρ ὁτῳοῦν [30] λείπεται ἡ θατέρου σώματος δύναμις, φθαρήσεται ὑπὸ τοῦ ἀπείρου τὸ πεπερασμένον· ἕκαστον δ' ἄπειρον εἶναι ἀδύνατον, σῶμα γάρ ἐστι τὸ πάντῃ ἔχον διάστασιν, ἄπειρον δὲ τὸ ἀπεράντως διεστηκός, ὥστ' εἰ τὸ ἄπειρον σῶμα, πάντῃ ἔσται ἄπειρον)·

οὐδὲ ἓν δὲ καὶ ἁπλοῦν ἐνδέχεται τὸ ἄπειρον εἶναι [35] σῶμα, οὔθ' ὡς λέγουσί τινες, παρὰ τὰ στοιχεῖα ἐξ οὗ γεννῶσι ταῦτα (οὐκ ἔστι γὰρ τοιοῦτο σῶμα παρὰ τὰ στοιχεῖα· ἅπαν γάρ, ἐξ οὗ ἐστί, καὶ διαλύεται εἰς τοῦτο, οὐ φαίνεται δὲ τοῦτο παρὰ τὰ ἁπλᾶ σώματα), [1067a] [1] οὐδὲ πῦρ οὐδ' ἄλλο τῶν στοιχείων οὐθέν· χωρὶς γὰρ τοῦ ἄπειρον εἶναί τι αὐτῶν, ἀδύνατον τὸ ἅπαν, κἂν ᾖ πεπερασμένον, ἢ εἶναι ἢ γίγνεσθαι ἕν τι αὐτῶν, ὥσπερ Ἡράκλειτός φησιν ἅπαντα γίγνεσθαί ποτε [5] πῦρ.

 Ὁ δ' αὐτὸς λόγος καὶ ἐπὶ τοῦ ἑνὸς ὃ ποιοῦσι παρὰ τὰ στοιχεῖα οἱ φυσικοί· πᾶν γὰρ μεταβάλλει ἐξ ἐναντίου, οἷον ἐκ θερμοῦ εἰς ψυχρόν. Ἔτι τὸ αἰσθητὸν σῶμα πού, καὶ ὁ αὐτὸς τόπος ὅλου καὶ μορίου, οἷον τῆς γῆς, ὥστ' εἰ μὲν ὁμοειδές, ἀκίνητον ἔσται ἢ ἀεὶ οἰσθήσεται, τοῦτο δὲ [10] ἀδύνατον ντί γὰρ μᾶλλον κάτω ἢ ἄνω ἢ ὁπουοῦν; Οἷον εἰ βῶλος εἴη, ποῦ αὕτη κινήσεται ἢ μενεῖ; Ὁ γὰρ τόπος τοῦ συγγενοῦς αὐτῇ σώματος ἄπειρος· καθέξει οὖν τὸν ὅλον τόπον; Καὶ πῶς; Τίς οὖν ἡ μονὴ καὶ ἡ κίνησις; Ἢ πανταχοῦ μενεῖ - οὐ κινηθήσεται ἄρα, ἢ πανταχοῦ κινηθήσεται [15] - οὐκ ἄρα στήσεταἰ· εἰ δ' ἀνόμοιον τὸ πᾶν, ἀνόμοιοι καὶ οἱ τόποι, καὶ πρῶτον μὲν οὐχ ἓν τὸ σῶμα τοῦ παντὸς ἀλλ' ἢ τῷ ἅπτεσθαι, εἶτα ἢ πεπερασμένα ταῦτ' ἔσται ἢ ἄπειρα εἴδει. Πεπερασμένα μὲν οὖν οὐχ οἷόν τε (ἔσται γὰρ τὰ μὲν ἄπειρα τὰ δ' οὔ, εἰ τὸ πᾶν ἄπειρον, οἷον πῦρ ἢ ὕδωρ· [20] φθορὰ δὲ τὸ τοιοῦτον τοῖς ἐναντίοις)· εἰ δ' ἄπειρα καὶ ἁπλᾶ, καὶ οἱ τόποι ἄπειροι καὶ ἔσται ἄπειρα στοιχεῖα· εἰ δὲ τοῦτ' ἀδύνατον καὶ οἱ τόποι πεπερασμένοι, καὶ τὸ πᾶν ἀνάγκη πεπεράνθαι.

 Ὅλως δ' ἀδύνατον ἄπειρον εἶναι σῶμα καὶ τόπον τοῖς σώμασιν, εἰ πᾶν σῶμα αἰσθητὸν ἢ βάρος ἔχει [25] ἢ κουφότητα· ἢ γὰρ ἐπὶ τὸ μέσον ἢ ἄνω οἰσθήσεται, ἀδύνατον δὲ τὸ ἄπειρον ἢ πᾶν ἢ τὸ ἥμισυ ὁποτερονοῦν πεπονθέναι· πῶς γὰρ διελεῖς; Ἢ πῶς τοῦ ἀπείρου ἔσται τὸ μὲν κάτω τὸ δ' ἄνω, ἢ ἔσχατον καὶ μέσον; Ἔτι πᾶν σῶμα αἰσθητὸν ἐν τόπῳ, τόπου δὲ εἴδη ἕξ, ἀδύνατον δ' ἐν τῷ [30] ἀπείρῳ σώματι ταῦτ' εἶναι. Ὅλως δ' εἰ ἀδύνατον τόπον ἄπειρον εἶναι, καὶ σῶμα ἀδύνατον· τὸ γὰρ ἐν τόπῳ πού, τοῦτο δὲ σημαίνει ἢ ἄνω ἢ κάτω ἢ τῶν λοιπῶν τι, τούτων δ' ἕκαστον πέρας τι.

Τὸ δ' ἄπειρον οὐ ταὐτὸν ἐν μεγέθει καὶ κινήσει καὶ χρόνῳ ὡς μία τις φύσις, ἀλλὰ τὸ ὕστερον [35] λέγεται κατὰ τὸ πρότερον, οἷον κίνησις κατὰ τὸ μέγεθος ἐφ' οὗ κινεῖται ἢ ἀλλοιοῦται ἢ αὔξεται, χρόνος δὲ διὰ τὴν κίνησιν.
 

L'infini (33) est ou ce qu'on ne peut parcourir, parce qu'il est dans sa nature de n'être point parcouru, au même titre que le son est invisible; ou ce qu'on ne peut achever de parcourir ; ou bien ce qu'on ne parcourt que. difficilement ; ou enfin ce qui n'a ni terme ni limite, quoique de sa nature susceptible d'en avoir. Il y a encore l'infini par addition ou par soustraction, ou par addition et soustraction tout à la fois (34).

187 [1066b] L'infini ne saurait avoir une existence indépendante, être quelque chose par lui-même, et en même temps être un objet sensible. En effet, s'il n'est ni une grandeur, ni une chose multiple, s'il est l'infini substantiellement et non pas accidentellement, il doit être indivisible, tout divisible étant ou une grandeur, ou une multitude. Mais s'il est indivisible, il n'est pas infini, si ce n'est au même titre que le son est invisible. Or, ce n'est jamais de cet infini qu'on parle, ce n'est pas de celui-là que nous nous occupons ; c'est de l'infini sans limite. Comment d'ailleurs est-il possible que l'infini existe en soi, quand le nombre et la grandeur, dont l'infini n'est qu'un mode, n'existent pas en eux-mêmes ? Du reste, si l'infini est accidentel, il ne saurait être, en tant qu'infini, l'élément des êtres ; pas plus que l'invisible n'est l'élément du langage, nonobstant l'invisibilité du son. Enfin, l'infini ne peut évidemment exister en acte, car alors toute partie quelconque prise dans l'infini serait elle-même infinie, y ayant identité entre l'essence de l'infini et l'infini, si l'infini a une existence substantielle, et n'est point l'attribut d'un sujet. L'infini sera donc ou bien indivisible, ou bien divisible, susceptible d'être partagé en infinis. Or, un grand nombre d'infinis ne peuvent être le même infini, car l'infini serait une partie de l'infini, comme l'air est une partie de l'air, si l'infini était une essence et un principe (35). L'infini ne peut 188 donc être partagé, il est indivisible. Ce qui existe en acte ne saurait être infini, car il y a nécessairement quantité dans ce qui existe en acte. L'infini est donc accidentel. Mais nous avons dit qu'alors il ne pouvait être un principe, que le principe, c'est ce dont l'infini est un accident, l'air, le nombre pair.

Telles sont les considérations générales relatives à l'infini; nous allons montrer que l'infini ne fait point partie des objets sensibles.

Un être limité par des plans, voilà la notion du corps; il n'y a donc pas de corps infini, soit sensible, soit intelligible (36). Le nombre lui-même, quoiqu'indépendant, n'est pas infini (37) car le nombre, car tout ce qui a un nombre peut se compter. Si nous passons aux objets physiques, voici la preuve qu'il n'y a pas de corps infini. Ce ne pourrait être ni un corps composé ni un corps simple. Ce n'est pas un corps composé, dès lors que les corps composants sont en nombre limité. Il faut, en effet, qu'il y ait dans le composé équilibre entre les éléments contraires; aucun d'eux ne doit être infini. Si de deux corps constituants l'un était d'une façon quelconque inférieur en puissance, le fini serait absorbé par l'infini. Il est d'ailleurs impossible que chacun des éléments soit infini. Le corps est ce qui a dimension dans tous les sens, et l'infini ce dont la dimension est sans borne : s'il y avait un corps infini, il serait donc infini dans tous les sens.

L'infini ne saurait pas être davantage un corps un 186 et simple, ni, comme quelques-uns le prétendent, quelque chose en dehors des éléments, et d'où proviennent les éléments. Il n'existe pas de pareil corps en dehors des éléments, car tous les corps se résolvent, et voilà tout, dans les eléments d'où ils proviennent. [1067a] Evidemment il n'y a pas, en dehors des corps simples, un élément tel que celui-là, le feu, par exemple, ou tout autre élément ; car il faudrait qu'il fût infini, pour que le tout, même fini, pût être ou devenir cet élément, comme dans le cas dont parle Héraclite. Le tout, dit-il, devient feu dans certaines circonstances (38).

Même raisonnement pour cette unité que les physiciens placent en dehors des éléments. Tout changement se fait du contraire au contraire, du froid au chaud, par exemple. Puis, le corps sensible occupe un lieu déterminé, et c'est le même lieu qui contient le tout et ses parties : le tout et les parties de la terre sont dans le même lieu. Si donc le tout est homogène, ou il sera immobile, ou bien il aura un perpétuel mouvement. Mais la dernière supposition est impossible. Pourquoi irait-il en haut plutôt qu'en bas, ou dans une direction quelconque ? Si le tout était une masse de terre, par exemple, dans quel endroit pourrait-elle se mouvoir ou rester immobile ? Le lieu que cette niasse occupe, le lieu de ce corps infini est infini ; elle le remplirait donc tout entier. Et comment  190 en peut-il être ainsi ? Quelle peut être, dans ce cas, l'immobilité, quel peut être le mouvement ? Y aurait-il immobilité dans toutes les parties du lieu ? Il n'y aurait donc jamais de mouvement. Y a-t-il, au contraire, mouvement dans toutes les parties du lieu  ? Il n'y aurait donc jamais de repos. Mais s'il y a hétérogénéité dans le tout, les lieux sont entre eux dans le même rapport que les parties qu'ils contiennent. Et d'abord, il n'y a pas unité dans le corps qui constitue le tout, sinon unité par contact. Ensuite, ou le nombre des espèces de corps qui le composent est fini, ou bien il est infini. Or, il n'est pas possible que ce nombre soit fini ; sans cela il y aurait des corps infinis, d'autres qui ne le seraient pas, le tout étant infini : le feu, par exemple, le serait, ou bien l'eau. Or, une telle supposition, c'est la destruction des corps finis. Mais si le nombre des espèces de corps est infini, et s'ils sont simples, il y aura une infinité d'espèces de lieux, une infinité d'espèces d'éléments. Or, cela est impossible : le nombre des espèces de lieux est fini (39) donc le nombre des espèces de corps qui composent le tout est nécessairement fini.

En général, un corps ne saurait être infini, et pas plus que les corps, le lieu qui contient les corps ; puisque tout corps sensible est ou pesant, ou léger (40,. Le 191 corps infini aurait un mouvement soit horizontal, soit de bas en haut. Mais ni l'infini tout entier ne saurait être susceptible d'un tel mouvement, ni la moitié de l'infini, ni une partie quelconque de l'infini. Comment établir la distinction, et par quel moyen déterminer que ceci est le bas de l'infini, ceci le haut, la fin, le milieu ? D'ailleurs, tout corps sensible est dans un lieu. Or, il y a six espèces de lieu (41). Où les trouver dans le cas de l'existence d'un corps infini ? En un mot, s'il est impossible que le lieu soit infini, il est impossible que le corps le soit lui-même. Ce qui est dans un lieu est quelque part ; c'est-à-dire qu'il est en haut, ou en bas, ou dans un des autres lieux. Or, chacun de ces lieux est lui-même une limite.

Il n'y a pas identité entre l'infini dans la grandeur, l'infini dans le mouvement, et l'infini dans le temps ; ce n'est pas là une seule et même nature. De ces trois infinis, celui qui suit est dit infini par son rapport avec celui qui précède. C'est par son rapport avec la grandeur qui subit un mouvement, une altération, une augmentation, que le mouvement est dit 192 infini. Le temps est infini par son rapport avec le mouvement (42).

XI

[1067b] [1] Μεταβάλλει δὲ τὸ μεταβάλλον τὸ μὲν κατὰ συμβεβηκός, ὡς τὸ μουσικὸν βαδίζει, τὸ δὲ τῷ τούτου τι μεταβάλλειν ἁπλῶς λέγεται μεταβάλλειν, οἷον ὅσα κατὰ μέρη (ὑγιάζεται γὰρ τὸ σῶμα, ὅτι ὁ ὀφθαλμός), ἔστι [5] δέ τι ὃ καθ' αὑτὸ πρῶτον κινεῖται, καὶ τοῦτ' ἔστι τὸ καθ' αὑτὸ κινητόν. Ἔστι δέ τι καὶ ἐπὶ τοῦ κινοῦντος ὡσαύτως· κινεῖ γὰρ κατὰ συμβεβηκὸς τὸ δὲ κατὰ μέρος τὸ δὲ καθ' αὑτό· ἔστι δέ τι τὸ κινοῦν πρῶτον· ἔστι δέ τι τὸ κινούμενον, ἔτι ἐν ᾧ χρόνῳ καὶ ἐξ οὗ καὶ εἰς ὅ. Τὰ δ' εἴδη καὶ τὰ πάθη καὶ [10] ὁ τόπος, εἰς ἃ κινοῦνται τὰ κινούμενα, ἀκίνητά ἐστιν, οἷον ἐπιστήμη καὶ θερμότης· ἔστι δ' οὐχ ἡ θερμότης κίνησις ἀλλ' ἡ θέρμανσις.

 Ἡ δὲ μὴ κατὰ συμβεβηκὸς μεταβολὴ οὐκ ἐν ἅπασιν ὑπάρχει ἀλλ' ἐν τοῖς ἐναντίοις καὶ μεταξὺ καὶ ἐν ἀντιφάσει· τούτου δὲ πίστις ἐκ τῆς ἐπαγωγῆς.

Μεταβάλλει [15] δὲ τὸ μεταβάλλον ἢ ἐξ ὑποκειμένου εἰς ὑποκείμενον, ἢ οὐκ ἐξ ὑποκειμένου εἰς οὐχ ὑποκείμενον, ἢ ἐξ ὑποκειμένου εἰς οὐχ ὑποκείμενον, ἢ οὐκ ἐξ ὑποκειμένου εἰς ὑποκείμενον (λέγω δὲ ὑποκείμενον τὸ καταφάσει δηλούμενον),
§ 4. ὥστ' ἀνάγκη τρεῖς εἶναι μεταβολάς· ἡ γὰρ ἐξ οὐχ ὑποκειμένου [20] εἰς μὴ ὑποκείμενον οὐκ ἔστι μεταβολή· οὔτε γὰρ ἐναντία οὔτε ἀντίφασίς ἐστιν, ὅτι οὐκ ἀντίθεσις. Ἡ μὲν οὖν οὐκ ἐξ ὑποκειμένου εἰς ὑποκείμενον κατ' ἀντίφασιν γένεσίς ἐστιν, ἡ μὲν ἁπλῶς ἁπλῆ, ἡ δὲ τινὸς [25] τίς· ἡ δ' ἐξ ὑποκειμένου εἰς μὴ ὑποκείμενον φθορά, ἡ μὲν ἁπλῶς ἁπλῆ, ἡ δὲ τινὸς τίς.

Εἰ δὴ τὸ μὴ ὂν λέγεται πλεοναχῶς, καὶ μήτε τὸ κατὰ σύνθεσιν ἢ διαίρεσιν ἐνδέχεται κινεῖσθαι μήτε τὸ κατὰ δύναμιν τὸ τῷ ἁπλῶς ὄντι ἀντικείμενον (τὸ γὰρ μὴ λευκὸν ἢ μὴ ἀγαθὸν ὅμως ἐνδέχεται κινεῖσθαι κατὰ συμβεβηκός, εἴη γὰρ ἂν ἄνθρωπος τὸ μὴ λευκόν· τὸ δ' ἁπλῶς [30] μὴ τόδε οὐδαμῶς), ἀδύνατον τὸ μὴ ὂν κινεῖσθαι (εἰ δὲ τοῦτο, καὶ τὴν γένεσιν κίνησιν εἶναι· γίγνεται γὰρ τὸ μὴ ὄν· εἰ γὰρ καὶ ὅτι μάλιστα κατὰ συμβεβηκὸς γίγνεται, ἀλλ' ὅμως ἀληθὲς εἰπεῖν ὅτι ὑπάρχει τὸ μὴ ὂν κατὰ τοῦ γιγνομένου ἁπλῶς)· ὁμοίως δὲ καὶ τὸ ἠρεμεῖν. Ταῦτά [35] τε δὴ συμβαίνει δυσχερῆ, καὶ εἰ πᾶν τὸ κινούμενον ἐν τόπῳ, τὸ δὲ μὴ ὂν οὐκ ἔστιν ἐν τόπῳ· εἴη γὰρ ἂν πού. Οὐδὲ δὴ ἡ φθορὰ κίνησις· ἐναντίον γὰρ κινήσει κίνησις ἢ ἠρεμία, φθορὰ δὲ γενέσει.

[1068a] [1] Ἐπεὶ δὲ πᾶσα κίνησις μεταβολή τις, μεταβολαὶ δὲ τρεῖς αἱ εἰρημέναι, τούτων δ' αἱ κατὰ γένεσιν καὶ φθορὰν οὐ κινήσεις, αὗται δ' εἰσὶν αἱ κατ' ἀντίφασιν, ἀνάγκη τὴν ἐξ ὑποκειμένου εἰς ὑποκείμενον κίνησιν εἶναι [5] μόνην. Τὰ δ' ὑποκείμενα ἢ ἐναντία ἢ μεταξύ (καὶ γὰρ ἡ στέρησις κείσθω ἐναντίον), καὶ δηλοῦται καταφάσει, οἷον τὸ γυμνὸν καὶ νωδὸν καὶ μέλαν.
 

[1067b] L'être qui change, ou bien subit un changement accidentel : c'est ainsi que le musicien se promène; ou bien a quelque chose en lui qui change, et c'est là le changement proprement dit  (43). Tout changement partiel est dans ce dernier cas : on guérit le corps parce qu'on guérit l'œil. Enfin, il y a ce dont le mouvement est essentiel et premier ; je veux parler de ce qui est mobile en soi (44). Même distinction au sujet du moteur. Il meut ou accidentellement, ou partiellement, ou absolument. Tout mouvement suppose un premier moteur, une chose mue, mue dans un certain temps, à partir d'un certain point, vers un certain but. Les formes, les modifications, les lieux, qui sont la fin du 193 mouvement des êtres qui se meuvent, sont immobiles : ainsi la science, la chaleur. Ce n'est pas la chaleur qui est un mouvement, c'est l'échauffement.

Le changement non-accidentel ne se rencontre pas dans tous les êtres, mais seulement dans les contraires et dans les intermédiaires, et dans les êtres pour lesquels il y a affirmation et négation. L'induction va confirmer ce que j'avance.

Le changement est, dans les êtres qui changent, le passage, ou bien d'un sujet à un sujet, ou bien de ce qui n'est pas sujet à ce qui n'est pas sujet, ou bien d'un sujet à ce qui n'est pas sujet, ou bien de ce qui n'est pas sujet à un sujet; et j'appelle sujet ce qui se pose par l'affirmation.il y a donc de toute nécessité trois sortes de changements; car le changement de ce qui n'est pas sujet à ce qui n'est pas sujet n'est pas un changement véritable. Il n'y a pas là de contraires ; il n'y a pas non plus affirmation et négation, n'y ayant pas d'opposition. Le passage de ce qui n'est pas sujet à l'état de sujet, et dans ce cas il y a contradiction ; ce changement, c'est la production : production, absolument parlant, au point de vue absolu; production déterminée, s'il s'agit d'un être déterminé. Le changement d'un sujet en ce qui n'est pas sujet, c'est la destruction : destruction, absolument parlant, au point de vue absolu; destruction déterminée, s'il s'agit d'un être déterminé.

Si le non-être se prend dans plusieurs acceptions, et si l'être qui consiste dans la convenance ou la disconvenance de l'attribut avec le sujet (45) ne peut se  194 mouvoir, il en est de même de l'être en puissance, de l'être opposé à l'être proprement dit. Toutefois, il peut y avoir mouvement accidentel de ce qui n'est pas blanc, ou de ce qui n'est pas bon : le non-blanc peut être un homme. Mais ce qui n'a absolument pas d'existence déterminée ne saurait jamais se mouvoir ; il est impossible, en effet, que le non-être soit en mouvement. Or, s'il en est ainsi,il est impossible quela production soit un mouvement, car ce qui devient, c'est le non-être. Ce n'est qu'accidentellement, sans nul doute, que le non-être devient (46) ; il est vrai de dire cependant que le non-être est le fond de ce qui devient, dans le sens propre de cette expression (47). De même pour le repos. Voilà donc des difficultés insurmontables. Ajoutez à cela que tout objet en mouvement est dans un lieu. Or, le non-être n'est pas dans un lieu, sans cela il serait quelque part; donc la destruction elle- même n'est pas un mouvement. En effet, le contraire au mouvement c'est un mouvement ou le repos ; or, le contraire de la destruction, c'est la production.

[1068b] Puisque tout mouvement est un changement; puis- 195 que, des trois changements que nous avons énumérés, le changement par la production et le changement par la destruction ne sont pas des mouvements, bien qu'elles soient le passage du contraire au contraire, il n'y a, de toute nécessité, qu'un seul changement véritable, c'est celui du sujet en un sujet. Les sujets sont, ou contraires, ou intermédiaires. La privation est le contraire du sujet (48) ; et quelquefois c'est une expression affirmative qui désigne la privation, comme dans ces exemples : nu, édenté, noir.

XII

Εἰ οὖν αἱ κατηγορίαι διῄρηνται οὐσίᾳ, ποιότητι, τόπῳ, τῷ ποιεῖν ἢ πάσχειν, τῷ πρός τι, τῷ ποσῷ, ἀνάγκη τρεῖς [10] εἶναι κινήσεις, ποιοῦ ποσοῦ τόπου· κατ' οὐσίαν δ' οὔ, διὰ τὸ μηθὲν εἶναι οὐσίᾳ ἐναντίον, οὐδὲ τοῦ πρός τι (ἔστι γὰρ θατέρου μεταβάλλοντος μὴ ἀληθεύεσθαι θάτερον μηδὲν μεταβάλλον, ὥστε κατὰ συμβεβηκὸς ἡ κίνησις αὐτῶν), οὐδὲ ποιοῦντος καὶ πάσχοντος, ἢ κινοῦντος καὶ κινουμένου, ὅτι οὐκ ἔστι [15] κινήσεως κίνησις οὐδὲ γενέσεως γένεσις, οὐδ' ὅλως μεταβολῆς μεταβολή.

Διχῶς γὰρ ἐνδέχεται κινήσεως εἶναι κίνησιν, ἢ ὡς ὑποκειμένου (οἷον ὁ ἄνθρωπος κινεῖται ὅτι ἐκ λευκοῦ εἰς μέλαν μεταβάλλει, ὥστε οὕτω καὶ ἡ κίνησις ἢ θερμαίνεται ἢ ψύχεται ἢ τόπον ἀλλάττει ἢ αὔξεται· τοῦτο [20] δὲ ἀδύνατον· οὐ γὰρ τῶν ὑποκειμένων τι ἡ μεταβολή), ἢ τῷ ἕτερόν τι ὑποκείμενον ἐκ μεταβολῆς μεταβάλλειν εἰς ἄλλο εἶδος, οἷον ἄνθρωπον ἐκ νόσου εἰς ὑγίειαν. Ἀλλ' οὐδὲ τοῦτο δυνατὸν πλὴν κατὰ συμβεβηκός. Πᾶσα γὰρ κίνησις ἐξ ἄλλου εἰς ἄλλο ἐστὶ μεταβολή, καὶ γένεσις καὶ φθορὰ [25] ὡσαύτως· πλὴν αἱ μὲν εἰς ἀντικείμενα ὡδί, ἡ δ' ὡδί, ἡ κίνησις. Ἅμα οὖν μεταβάλλει ἐξ ὑγιείας εἰς νόσον, καὶ ἐξ αὐτῆς ταύτης τῆς μεταβολῆς εἰς ἄλλην. Δῆλον δὴ ὅτι ἂν νοσήσῃ, μεταβεβληκὸς ἔσται εἰς ὁποιανοῦν (ἐνδέχεται γὰρ ἠρεμεῖν) καὶ ἔτι εἰς μὴ τὴν τυχοῦσαν ἀεί· κἀκείνη ἔκ τινος εἴς [30] τι ἄλλο ἔσται· ὥσθ' ἡ ἀντικειμένη ἔσται, ὑγίανσις, ἀλλὰ τῷ συμβεβηκέναι, οἷον ἐξ ἀναμνήσεως εἰς λήθην μεταβάλλει ὅτι ᾧ ὑπάρχει ἐκεῖνο μεταβάλλει, ὁτὲ μὲν εἰς ἐπιστήμην ὁτὲ δὲ εἰς ἄγνοιαν. Ἔτι εἰς ἄπειρον βαδιεῖται, εἰ ἔσται μεταβολῆς μεταβολὴ καὶ γενέσεως γένεσις. Ἀνάγκη δὴ καὶ τὴν προτέραν, εἰ ἡ ὑστέρα· οἷον εἰ ἡ ἁπλῆ γένεσις ἐγίγνετό ποτε, καὶ τὸ γιγνόμενον ἐγίγνετο· [1068b] [1] ὥστε οὔπω ἦν τὸ γιγνόμενον ἁπλῶς, ἀλλά τι γιγνόμενον ἢ γιγνόμενον ἤδη. Καὶ τοῦτ' ἐγίγνετό ποτε, ὥστ' οὐκ ἦν πω τότε γιγνόμενον.

Ἐπεὶ δὲ τῶν ἀπείρων οὐκ ἔστι τι πρῶτον, οὐκ [5] ἔσται τὸ πρῶτον, ὥστ' οὐδὲ τὸ ἐχόμενον. Οὔτε γίγνεσθαι οὖν οὔτε κινεῖσθαι οἷόν τε οὔτε μεταβάλλειν οὐδέν. Ἔτι τοῦ αὐτοῦ κίνησις ἡ ἐναντία καὶ ἠρέμησις, καὶ γένεσις καὶ φθορά, ὥστε τὸ γιγνόμενον, ὅταν γένηται γιγνόμενον, τότε φθείρεται· οὔτε γὰρ εὐθὺς γιγνόμενον οὔθ' ὕστερον· εἶναι γὰρ δεῖ [10] τὸ φθειρόμενον.Ἔτι δεῖ ὕλην ὑπεῖναι τῷ γιγνομένῳ καὶ μεταβάλλοντι. Τίς οὖν ἔσται ὥσπερ τὸ ἀλλοιωτὸν σῶμα ἢ ψυχή - οὕτω τί τὸ γιγνόμενον κίνησις ἢ γένεσις; Καὶ ἔτι τί εἰς ὃ κινοῦνται; Δεῖ γὰρ εἶναι τὴν τοῦδε ἐκ τοῦδε εἰς τόδε κίνησιν ἢ γένεσιν.

Πῶς οὖν; Οὐ γὰρ ἔσται μάθησις τῆς [15] μαθήσεως, ὥστ' οὐδὲ γένεσις γενέσεως. Ἐπεὶ δ' οὔτ' οὐσίας οὔτε τοῦ πρός τι οὔτε τοῦ ποιεῖν καὶ πάσχειν, λείπεται κατὰ τὸ ποιὸν καὶ ποσὸν καὶ τόπον κίνησιν εἶναι (τούτων γὰρ ἑκάστῳ ἐναντίωσις ἔστιν),

λέγω δὲ τὸ ποιὸν οὐ τὸ ἐν τῇ οὐσίᾳ (καὶ γὰρ ἡ διαφορὰ ποιόν) ἀλλὰ τὸ παθητικόν, καθ' [20] ὃ λέγεται πάσχειν ἢ ἀπαθὲς εἶναι.

Τὸ δὲ ἀκίνητον τό τε ὅλως ἀδύνατον κινηθῆναι καὶ τὸ μόλις ἐν χρόνῳ πολλῷ ἢ βραδέως ἀρχόμενον, καὶ τὸ πεφυκὸς μὲν κινεῖσθαι καὶ δυνάμενον μὴ κινούμενον δὲ ὅτε πέφυκε καὶ οὗ καὶ ὥς· ὃ καλῶ ἠρεμεῖν τῶν ἀκινήτων μόνον· ἐναντίον γὰρ ἠρεμία [25] κινήσει, ὥστε στέρησις ἂν εἴη τοῦ δεκτικοῦ.

 Ἅμα κατὰ τόπον ὅσα ἐν ἑνὶ τόπῳ πρώτῳ, καὶ χωρὶς ὅσα ἐν ἄλλῳ·

ἅπτεσθαι δὲ ὧν τὰ ἄκρα ἅμα·

μεταξὺ δ' εἰς ὃ πέφυκε πρότερον ἀφικνεῖσθαι τὸ μεταβάλλον ἢ εἰς ὃ ἔσχατον μεταβάλλει κατὰ φύσιν τὸ συνεχῶς μεταβάλλον.

[30] Ἐναντίον κατὰ τόπον τὸ κατ' εὐθεῖαν ἀπέχον πλεῖστον·

ἑξῆς δὲ οὗ μετὰ τὴν ἀρχὴν ὄντος, θέσει ἢ εἴδει ἢ ἄλλως πως ἀφορισθέντος, μηθὲν μεταξύ ἐστι τῶν ἐν ταὐτῷ γένει καὶ οὗ ἐφεξῆς ἐστίν, οἷον γραμμαὶ γραμμῆς ἢ μονάδες μονάδος ἢ οἰκίας οἰκία (ἄλλο δ' οὐθὲν κωλύει μεταξυ) [35] εἶναἰ. Τὸ γὰρ ἑξῆς τινὸς ἐφεξῆς καὶ ὕστερόν τι· οὐ γὰρ τὸ ἓν ἑξῆς τῶν δύο οὐδ' ἡ νουμηνία τῆς δευτέρας.

[1069a] [1] Ἐχόμενον δὲ ὃ ἂν ἑξῆς ὂν ἅπτηται.

Ἐπεὶ δὲ πᾶσα μεταβολὴ ἐν τοῖς ἀντικειμένοις, ταῦτα δὲ τὰ ἐναντία καὶ ἀντίφασις, ἀντιφάσεως δ' οὐδὲν ἀνὰ μέσον, δῆλον ὡς ἐν τοῖς ἐναντίοις τὸ [5] μεταξύ.

Τὸ δὲ συνεχὲς ὅπερ ἐχόμενόν τι. Λέγω δὲ συνεχὲς ὅταν ταὐτὸ γένηται καὶ ἓν τὸ ἑκατέρου πέρας οἷς ἅπτονται καὶ συνέχονται, ὥστε δῆλον ὅτι τὸ συνεχὲς ἐν τούτοις ἐξ ὧν ἕν τι πέφυκε γίγνεσθαι κατὰ τὴν σύναψιν. Καὶ ὅτι πρῶτον τὸ ἐφεξῆς, δῆλον (τὸ γὰρ ἐφεξῆς οὐχ ἅπτεται, [10] τοῦτο δ' ἐφεξῆς· καὶ εἰ συνεχές, ἅπτεται, εἰ δ' ἅπτεται, οὔπω συνεχές· ἐν οἷς δὲ μὴ ἔστιν ἁφή, οὐκ ἔστι σύμφυσις ἐν τούτοις)· ὥστ' οὐκ ἔστι στιγμὴ μονάδι ταὐτόν· ταῖς μὲν γὰρ ὑπάρχει τὸ ἅπτεσθαι, ταῖς δ' οὔ, ἀλλὰ τὸ ἐφεξῆς· καὶ τῶν μὲν μεταξύ τι τῶν δ' οὔ.
 

Les catégories de l'être sont l'essence, la qualité, le lieu, l'action et la passion, la relation, la quantité, etc.; le mouvement présente donc nécessairement trois cas : mouvement dans la qualité, mouvement dans la quantité, mouvement dans le lieu. Il n'y a pas de mouvement relativement à l'essence, parce qu'il n'y a rien qui soit le contraire de l'essence ; il n'y en a pas davantage dans la relation. S'il n'y a pas changement dans quelque chose qui n'est pas la relation elle-même, il n'y a pas changement dans la relation : d'où il suit que le mouvement dans 196 les relations n'est qu'un mouvement accidentel (49). Il en est de même pour l'agent et l'être qui subit l'action, pour le moteur et l'être en mouvement, parce qu'il n'y a jamais mouvement de mouvement, ni production de production, ni, en un mot, changement de changement.

Il y aurait deux manières d'admettre un mouvement de mouvement. Ou bien se serait comme mouvement dans un sujet, au même titre que l'homme est en mouvement, parce que, de blanc qu'il était, il se change en noir. Ainsi le mouvement subirait lui- même réchauffement, le refroidissement, le changement de lieu, l'augmentation. Or, cela est impossible ; le changement ne peut pas être un sujet. Ou bien encore le mouvement de mouvement serait le changement qui opère le passage d'un sujet à un sujet d'espèce différente, comme le passage, pour l'homme, de la maladie à la santé. Mais cela même est impossible, sinon accidentellement. En effet, tout mouvement est le passage d'un état à un autre état; la production et la destruction mêmes sont dans ce cas. Toutefois les changements qui sont le passage de tel état à tel état opposé ne sont pas toujours des mouvements. Supposons donc qu'il y a changement de la santé à la maladie, et en même temps passage de ce changement même à un autre changement.il est évident, sans doute, 197 que si l'être en question est malade, il peut subir en même temps un changement de quelque autre nature ; car rien n'empêche qu'il ne soit alors en repos. Mais le changement est toujours d'une espèce déterminée ; c'est toujours le passage d'un état à l'état opposé. L'état opposé à l'état de maladie, ce sera donc le retour à la santé. Mais ce n'est là qu'un changement accidentel, comme celui de l'être qui passe du souvenir à l'oubli ; parce que l'être en qui s'opère cette sorte de changement passe tantôt de l'ignorance à la science, tantôt de la maladie à la santé. Enfin, s'il y a changement de changement, production de production, il faudra allerjusqu'à l'infini. Si le changement postérieur a lieu, de toute nécessité celui qui est antérieur a lieu lui-même dans cette supposition. Admettons, par exemple, que le devenir, absolument parlant, devenait dans une certaine circonstance ; alors aussi cela devenait, qui devenait absolument parlant. [1068b] Par conséquent, ce qui devenait absolument parlant, n'existait point encore ; ce qui existe, c'est ce qui devient quelque chose, ou ce qui déjà est devenu quelque chose. Or, cela même qui devenait, absolument parlant, devenait aussi dans une certaine circonstance, devenait quelque chose ; pourquoi donc n'existait-il point encore ?

Dans une série infinie il n'y a pas de premier terme, il n'y aura donc pas de premier changement, et pas davantage de changement qui se rattache au premier; par conséquent il n'est pas possible que rien devienne, ou se meuve, ou subisse un changement. Et puis le même être subirait à la fois et les deux mouvements con- 198 traires et le repos, et la production et la destruction; de sorte que ce qui devient périt, dans le cas où ce qui devient deviendrait encore, car il n'existe plus, ni à l'instant même de ce devenir, ni après ce devenir ; et ce qui périt doit être. Il faut en outre que ce qui devient, ainsi que ce qui change, ait une matière. Quel mouvement, quelle production aurait-elle donc, comme le corps σujet à des altérations, ou comme l'âme, une existence déterminée, et serait ce qui devient? Et quel serait le but du mouvement? Le mouvement est le passage d'un sujet de tel état à tel autre état : le but du mouvement ne doit donc pas être un mouvement. Comment donc sera-t-il un mouvement ? L'enseignement ne saurait avoir pour but l'enseignement : il n'y a donc pas de production de production.

Ainsi le mouvement ne s'opère ni dans l'essence, ni dans la relation, ni dans l'action et la passion. Reste alors qu'il s'opère dans la qualité, dans la quantité, dans le lieu, car dans chacune de ces catégories il y a contrariété.

J'appelle ici Qualité (50), non pas la qualité dans σubstance (car la différence serait, elle aussi, une qualité), mais la faculté d'être modifié, ce qui fait qu'un être est ou n'est pas susceptible d'être modifié.

L'Immobilé (51), c'est ce qui ne peut absolument pas se mouvoir ; ce qui ne σe met en mouvement qu'avec 199 peine, après beaucoup de temps, ou lentement ; ce qui, de sa nature, susceptible de mouvement, ne peut se mouvoir quand, où, et comme il est dans sa nature de se mouvoir. Ce que j'appelle repos, ne se dit que des êtres immobiles; car le repos est le contraire du mouvement, et par conséquent doit être une privation dans le sujet.

Réunion relativement au lieu (52), se dit des êtres qui sont primitivement dans un seul et même lieu ; Séparation  (53), des êtres qui sont dans les lieux différents.

Il y a Contact  (54) quand il y a réunion des extrémités des objets dans le même lieu.

L'Intermédiaire (55) est ce par où passe l'être qui change, avant d'aboutir au dernier terme qu'atteint, dans le changement que comporte sa nature, tout être dont le changement est continu.

Le Contraire, relativement au lieu  (56), est ce qui est le plus éloigné en droite ligne.

Conséquent (57) se dit, lorsqu'entre un être et le principe après lequel il vient, soit par sa position, soit par sa forme, soit de toute autre manière déterminée, il 200 n'y a pas d'intermédiaire faisant partie du même genre; c'est encore ce qui suit le conséquent (58). Ainsi, les lignes viennent après la ligne, les monades après la monade, la maison après une maison. Mais rien n'empêche qu'il y ait un intermédiaire d'un autre genre; car le conséquent est toujours à la suite de quelque chose, et a quelque chose qui lui est postérieur : l'unité n'est pas le conséquent de deux, le premier jour de la lune n'est pas le conséquent du second.

[1069a] L'Adhérence (59) est le contact de ce qui se suit.

Tout changement a lieu dans les opposés, c'est-à-dire dans les contraires et dans la contradiction. Or, il n'y a pas de milieu entre les choses contradictoires ; c'est donc évidemment entre les contraires que se trouve l'intermédiaire.

La Continuité (60) est une sorte d'adhérence ou de contact. On dit qu'il y a continuité, quand les limites par lesquelles deux êtres se touchent et se continuent l'un l'autre se confondent entre elles. On voit alors que la continuité se rencontre dans les êtres susceptibles, de leur nature, de devenir un être unique, par contact, et que la succession est le principe de la continuité. Le conséquent n'est point en contact; mais ce qui est en contact est conséquent. S'il y a continuité, il y a contact; mais s'il n'y a que contact, il n'y a point encore continuité. Pour les êtres qui ne sont pas sus- 201 ceptibles de contact il n'y a pas de connexion 1. Il suit de là que le point n'est pas la même chose que la monade ; car les points sont susceptibles de se toucher, tandis que les monades ne le sont pas : il n'y a pour elles que la succession ; il y a enfin un intermédiaire entre les points, il n'y en a pas entre les monades.

FIN DU LIVRE ONZIÈME.

 



NOTES.

LIVRE ONZIÈME.

 

Page 178. Mais s'il existe une autre nature, une substance indépendante et immobile, il faut bien que la science de cette nature soit une autre science, une science antérieure à la physique, une science universelle par son antériorité même. BEKKER, pag. 1064 ; BRANDIS, p. 226,27 : εἰ δ' ἔστιν ἑτέρα φύσις καὶ οὐσία χωριστὴ καὶ ἀκίνητος, ἑτέραν ἀνάγκη καὶ τὴν ἐπιστήμην αὐτῆς εἶναι καὶ προτέραν τῆς φυσικῆς καὶ καθόλου τῷ προτέραν.

Les anciens éditeurs et un des manuscrits de Bekker retranchent, devant προτέραν, l'article τῷ, ce qui change beaucoup le sens. C'est supprimer la raison même pour laquelle, selon Aristote, la Théologie est une science universelle, et faire entendre, comme le remarquent Alexandre d'Aphrodisée, Schol., pag. 797, Sepulv. p. 277, et Philopon, fol. 48, a, qu'elle peut être universelle à titre de genre commun. C'est pour empêcher qu'on ne tombe dans cette erreur, c'est pour éclaircir son idée, dit Alexandre, qu'Aristote a ajouté τῷ προτέραν : σαφηνίζων ἐπήγαγε. « τῷ προτέραν. » La Théologie est une science universelle, parce que son objet, c'est le premier être : supprimez l'être premier, il n'y a plus rien dans le monde. Argyropule, et avant lui le vieux traducteur, l'ont entendu comme nous avons fait nous-mêmes. Vieux trad. : et univer- 353 salem eo quod priorem ; Argyr. : atque universalem, hoc ipso quod antecedit.

Page 180. Et si, d'un temps limité, de ce temps qui sépare demain de l'instant actuel, on retranche sans cesse du temps, comme nous venons de faire, on finira par arriver à ce qui est présentement. BEKKER, p. 1065 : καὶ τοῦτον δὴ τὸν τρόπον ἀπὸ πεπερασμένου χρόνου τοῦ ἀπὸ τοῦ νῦν μέχρι αὔριον ἀφαιρουμένου χρόνου ἥξει ποτὲ εἰς τὸ ὑπάρχον.

La leçon de Bekker est celle des anciens éditeurs, et il ne note dans ses mss. aucune variante à cet endroit. Toutefois Brandis a fait subir une mutilation à la phrase. Il supprime ἀπὸ τοῦ νῦν μέχρι αὔριον, soit que l'exemple ne lui ait pas paru assez général, soit pour tout autre motif. Nous sommes loin de trouver plausible la correction de Brandis. Outre l'autorité des manuscrits, et celle des traducteurs latins, lesquels ont tous reproduit les expressions dont il s'agit, n'est-il pas évident que  τοῦτον τὸν τρόπον appelle ἀπὸ τ. ν. μ. α. ?  De quelle manière, en effet, a-t-on procédé, et sur quel exemple ? Le voici : « II y aura demain une éclipse, si telle chose a lieu, et cette chose aura lieu à condition qu'une autre aura lieu elle-même, laquelle deviendra à une autre condition encore.» Tous les autres exemples reviennent en définitive à celui-là, comme on peut le voir au livre VI, t. I, p. 218 ; et la généralité du principe ne souffre nullement de l'intercalation des mots condamnés par Brandis.

Page 191 . Mais ni l'infini tout entier n'est susceptible d'un tel mouvement, ni la moitié de l'infini, ni une partie quelconque de l'infini. BEKKER, p. 1067; BRANDIS, p. 234 : ἀδύνατον δὲ τὸ ἄπειρον ἢ πᾶν ἢ τὸ ἥμισυ ὁποτερονοῦν πεπονθέναι.

Argyropule traduit : at fieri nequit, ut aut totum infinitum 354 grave sit, aut leve, aut dimidium grave. Cette phrase suppose un texte assez différent de celui que nous avons sous les yeux. Mais tous les manuscrits et toutes les éditions donnent unanimement le même texte, à une conjonction près. Bessarion de son côté traduit : Verum impossibile infinitum, aut totum, aut medium, aut quodcumque passum esse ; ce qui nous semble parfaitement inintelligible, vu le vague où Bessanon laisse le mot πεπονθέναι, qui est le point capital de la phrase. Le vieux traducteur, qui lisait ἢ τὸ ἥμισυ, ὁπ. πεπ., fait dépendre ὁποτ. d« πεπονθέναι : quodcumque istorum passum esse ; et par istorum, il faut entendre les mouvements dont il a été question dans la phrase précédente. Pour nous, nous pensons qu'il est inutile de conserver ἢ devant ἀποπτερονοῦν ; et ce qui explique πεπ., c'est, dans notre version comme dans celle du vieux traducteur, la phrase qui précède.

Page 193. Le changement est, dans les êtres qui changent, le passage, ou bien d'un sujet à un sujet, ou bien de ce qui n'est pas sujet à ce qui n'est pas sujet, ou bien d'un sujet à ce qui n'est pas sujet, ou bien de ce qui n'est pas sujet à un sujet. BEKKER, p. 1067; BRANDIS, p. 235 : μεταβάλλει δὲ τὸ μεταβάλλον ἢ ἐξ ὑποκειμένου εἰς ὑποκείμενον, ἢ οὐκ ἐξ ὑποκειμένου εἰς οὐχ ὑποκείμενον, ἢ ἐξ ὑποκειμένου εἰς οὐχ ὑποκείμενον, ἢ οὐκ ἐξ ὑποκειμένου εἰς ὑποκείμενον

Les anciens éditeurs ne donnent pas le deuxième cas, celui de la double négation du sujet. Ils lisent du reste : Μετ. τ. μετ. ἢ ἐξ ὑπ. εἴς ὑπ., ἢ ἐκ μὴ ὑπ. εἰς ὑπ., ἢ ἐξ ὑπ. εἰς μὴ ὑπ. Argyropule supprime aussi une des trois suppositions, mais c'est la troisième, le passage du sujet à ce qui n'est pas un sujet. D'une manière ou de l'autre, c'est mutiler la phrase, comme le montre assez le développement qui suit, et qui suppose les quatre cas en question. Le vieux traducteur et Bessarion, qui avaient sans doute de meilleurs mss. qu'Argyropule, 355 donnent la version de la phrase complète, telle que nous la retrouvons dans Brandis et Bekker.

Page 195. Quelquefois c'est une expression affirmative qui désigne la privation, comme dans ces exemples : nu, édenté, noir. BEKKER, p. 1068 ; BRANDIS, p. 236 : καὶ δηλοῦται καταφάσει, οἷον τὸ γυμνὸν καὶ νωδὸν καὶ τὸ μέλαν.

Un manuscrit de Bekker, le ms. A, donne λευκόν au lieu de νωδόν, et c'est la leçon qu'a suivie Argyropule dans sa traduction : atque nudum et album ac nigrum affirmatione significantur. On ne peut expliquer la présence de ce mot que par la relation des termes blanc et noir ; celui-ci aura pu à la rigueur attirer celui-là, bien qu'il ne réponde pas au dessein d'Aristote. Nous avons préféré toutefois la leçon de tous les éditeurs et du vieux traducteur, qui a lu évidemment νωδόν, la leçon suivie par Bessarion, lequel traduit comme s'il y avait τυφλόν : velut nudum et cœcum et nigrum ; le mol τυφλόν est dans le même cas que νωδόν, c'est la privation exprimée sans négation.

Page 197. Or, cela même qui devenait, absolument parlant, devenait aussi dans une certaine circonstance, devenait quelque chose; pourquoi donc n'existail-il point encore?

C'est la leçon des anciens éditeurs que nous avons suivie dans ce passage, ou plutôt le texte indiqué par Bessarion. Les premiers ont lu : εἰ δὴ καὶ τοῦτο ἐγίγνετό ποτε, διὰ τί οὐκ ἦν πω τότε γιγνόμενον ; Aristote vient de dire précédemment que, pour qu'un être soit réellement, il faut ou qu'il devienne ou que déjà il soit devenu quelque chose, qu'il prenne ou qu'il ait pris une forme déterminée. Il suit de là que la supposition faite précédemment, à savoir d'une γένεσις γενέσεως, d'un de- 356 venir de deveuir, contient une contradiction : à raison de la première γένεσις, l'être n'existe pas, puisque ce qui devient c'est non pas quelque chose de déterminé, mais une γένεσις ; et à raison de la deuxième γένεσις ; il existe, puisqu'il devient quelque chose. Pourquoi donc, ajoute naturellement Aristote, s'il existait déjà n'existait-il point encore ? Quant à la leçon de Brandis et de Bekker, nous n'avons pas pu parvenir à en saisir nettement le sens : ils lisent : εἰ δὴ καὶ τοῦτ', ἐγίγνετό ποτε, ὥστε οὐκ ἦν πω τότε γιγνόμενον. Argyropule a suivi encore une autre leçon, ou plutôt il aura traduit fort librement ce passage obscur : Quare nullum erat fiens simpliciter, sed aliquid fiens, atque jam fiens, et hoc aliquando fiebat, quare nuridum erat tunc fiens.

Page 198. L'enseignement ne saurait avoir pour but l'enseignement : il n'y a donc pas de production de production.

Οὐ γὰρ ἔσται μάθησις ἡ τῆς μαθήσεως γένεσις : mot à mot, la production de l'enseignement n'est pas un enseignement. L'enseignement, en effet, a pour but la connaissance de la chose enseignée et non point l'enseignement. Les anciens éditeurs donnent simplement οὐ γὰρ ἔσται μάθησις μαθήσεως, ce qui s'entend également bien, et dans le même sens. C'est la leçon suivie par le vieux traducteur et par Bessarion ; Argyropule a suivi l'autre leçon : Non enim generatio perceptionis erit perceptio; quare neque generationis erit generatio.

01  Voyez liv. I; 3 sqq., t. I, p. 13 sqq.

02 Liv. III, 2, t.1, p. 71 sqq.

03. Σοφία.

04Voyez Analyt. poster., II, 3 ; Bekker, p. 90, 91

05Les quatre principes premiers dont il est question dans notre premier livre, ch. 3, t. I, p. 12 sqq., et qu'Aristote avait énumérés dans la Physique, II, 5, 7 ; Bekker, p. 134 sqq.

06..Aristote a déjà répondu en partie à l'objection qu'il présente ici relativement à l'objet de la philosophie première. Le XIIe livre lèvera toutes les difficultes relatives à la nature du premier moteur. La vérité, comme le remarque St. Thomas à propos de ce passage, c'est que la philosophie traite des quatre causes en question, et singulièrement de la cause formelle et de la cause finale, et que la Un suprême des choses, laquelle est le moteur premier de toutes choses, est absolument, eternellement immobile. D. Thom., t. IV, fol. 136, a.

07. Voyez liv. I, 7, t.1, p. 43 sqq., liv. XIII, 4, 5.

08. Le texte : χωριστὸν... οὐθέν. On se rappelle qu'il y a, selon Aristote, deux sortes d'essences, deux sortes de défînitions : le σύνολον, qui n'est pas χωριστόν, et l'essence proprement dite, qui existe de soi, et se conçoit sans matière. Les êtres mathématiques rentrent dans la première classe ; seulement, leur matière n'est pas une matière sensible mais une matière intelligible. C'est de cette matière intelligible qu'on ne peut pas les séparer.

09. Nous avons paraphrasé le texte, extrêmement elliptique à cet endroit, et qui sent un peu trop sa manière antique, comme dit Alexandre : λίαν ἀρχαιοπρεπῶς εἴρηται. La traduction littérale eut été complètement inintelligible.

10. Liv. III, 3, t. I, p. 82 sqq.

11. Voyez liv. III, 4, t.1, p. 88 sqq.

12. Il faut entendre par là toute substance naturelle, la reunion dans un individu de la forme et de la matière, tel homme, tel ou tel animal.

13. St. Thomas, dans son commentaire, fol. 139, b : « Et veritas est, quodlicet universalia non per se existant,. tamen naturas eorum est a considerare universaliter. Et sccundum hoc, accipiuntur genera et species in praedicamento substantiae, quœ dicuntur secundo substantiœ, de quibus est scientia. Quaedam etiam per se existentes sunt principia, quae quia immateriales, pertinent ad intelligibilem cognitionem, licet excedant intellectus nostri comprehensioneni. »

14Voyez liv. IV, 1, 2, t. l, p. 102 sqq. ; et passim.

15Voyez liv. V, 6,7, t. I, p. 160 sqq., et liv, X, passim.

16Arisitote, disent les anciens commentateurs, a ajouté cette condition, parce qu'il est possible qu'on soit forcé violemment à faire ce qui est juste, auquel cas l'action est sans mérite.

17.  Ὁ ἄδικος. — Alexandre, Schol., p. 794 ; Sepulv., p. 268 : λέγων ἄδικον τὸν μήτε δίκαιον μήτε ἄδικον, ἀλλὰ τὸν μέσον ὄντα δικαίου καὶ ἀδίκου. L'expression non-juste est la négation du juste, mais non l'affirmation de l'injustice ; c'est le moyen terme dont parle Alexandre.

18. Voyez liv. IV, 3, t. I, p. 112 sqq.

19Quelques éditeurs rattachent ce chapitre au précédent, et des deux n'en font qu'un seul : nous ayons suivi la division la plus génélalement adoptée.

20. Voyez liv. IV, 3, t.1, p. 114 sq.

21Voyez liv. IV, 5, t.1, p. 128 sqq.

22Voyez Phys, auscult., I, 7 ; Bekk., p. 189 sqq.

23. Voy, liv. IV, 7, t. 1, p. 140 sqq.

24. Voyez liv. VI, 1, t.1, p. 208 sqq.

25. Voyez liv. VI, 2, 3, t.1, p. 214 sqq.

26Τύχη. Voyez Phys. auscult., II, 4, 5, 6; Bekker, p. 195 sqq.

27Εὐτυχία, δυστυχία.

28Et propter hoc, motus non est aliquod genus commune omnium motuum. St. Thomas, fol. 146, b.

29Voyez Physic. auscult., I. III, 1, 2, 3 ; Bekker, p. 200 sqq.

30. Ἑτερότητα.

31. Ἀνισότητα.

32ὸ μὴ ὄν.

33Sur l'infini, voyez la Physique, livre IV, 4 sqq. ; Bekker, p. 210 sqq.

34C'est l'infini, ou plutôt l'indéfini numérique. Toute quantité quelconque est susceptible d'augmentation ou de diminution. Il y a pourtant lieu à maintenir la distinction que semble établir Aristote entre les quantités indéfinies. L'infini par addition, πποδθέσει, c'est plus spécialement le nombre proprement dit, auquel on peut sans cesse et sans fin ajouter une unité de même nature que celles qui entrent dans sa composition. L'infini par soustraction, ou par division, ἀφαιρέσει, c'est la grandeur proprement dite, l'étendue, laquelle est divisible à l'infini. Enfin le temps est infini, et par soustraction parce qu'il est un continu, et par addition parce qu'il est susceptible d'être compté. Le mouvement, selon Aristote, est dans le même cas que le temps ; car le temps, dans son système, est ou le mouvement même, ou un mode du mouvement.

35Ajoutez, pour compléter le raisonnement : II y aurait donc egalité entre le tout et la partie ; or, cela est impossible : la partie est plus grande que le tout.

36 Les objets dont  taite la Géométrie.

37II s'agit ici du nombre déterminé.

38.  II faut, en effet, pour arriver à ce résultat, que l'élément qui absorbe en lui tous les autres soit d'une autre nature qu'eux, et comme dit St. Thomas, qu'il l'emporte infiniment en force et en puissance. L'être fini ne disparaît complètement qu'au sein d'un être infini.

39.   « Nam species locorum sunt sub aliquo numero delerminato, quœ sunt sursum deorsum et hujustnodi. » St. Thomas, fol. 149, b. — Voyez plus bas.

40. St. Thomas, Id. ibid. « Quod quidem verum erat secundum opinionem antiquorum naturalium ponentium corpus infinitum actu. Sed ipse opinatur, quod sit aliquod corpus sensibile, non habens gravitatem neque levitatem, scilicet corpus cœleste, ut probavit in libro de Cœlo et Mundo. Et ideo hoc induxit sub conditione quasi ab adversariis concessum, sed non simpliciter verum. Si ergo omne corpus sensibile est grave, vel leve, et est aliquod corpus sensibile infinitum, oportet, quod sit grave vel leve, et per consequens, quod feratur sursum, vel ad medium. Diffinitur enim leve quod fertur sursum, et grave quod fertur ad medium, etc. »

41. C'est-à-dire qu'un espace déterminé se présente à nous sous six aspects différents : il y a le haut et le bas, la droite et la gauche, le devant et le derrière.

42. Nous avons rappelé un peu plus hant que le temps, dans le système Aristote, ou était identique au mouvement, ou n'etait qu'un mode du mouvement.

43Voyez Phys. auscult., liv. V, 1, 2;  Bekk., p. 224 sqq.

44. Il s'agit du mouvement toial en opposition avec le mouvement partiel dont il vient d'être question. « Tertio modo dicitur aliquid moveri primo et per se, sicut si aliquod totum moveatur secunduin totum, ut si lapis deorsum feratur. » St. Thomas, fol. 150, n.

45. L'être considère comme le vrai n'a pas une existence substantielle ; il n'existe qu'en vertu de la pensée. Voyez liv. VI,  3, t.1, p. 219-20.

46. St. Thomas, fol. 150, b : « Sed huic processui posset aliquis obviare dicens, quod non ens non generatur, nisi per accidens, per se enim generatur, id quod est [subjectum generationis], id est ens in potentia. Non ens autem significat privationem in materia. Unde non genarntur, nisi per accidens. »

47. « Licet non ens generatur, nisi secundum accidens, tamen de eo, quod generatur simpliciter, verum est dicere quod est non ens, et de quocumque est hoc verum dicere, impossibile est id moveri. » St. Thomas, Id. Ibid.,

48 Aristote a montre au livre dixième que la première contrariété était celle de la possession et de la privation.

49Il n'y a pas de changement de l'égal à l'inégal, comme le remarque avec raison St. Thomas, sans un changement dans la quantité ; du dissemblable au semblable, sans un changement dans la qualité; du droit au gauche sans un changement de lieu, etc.

50Ποιόν

51Ἀκίνητον.

52. .Ἅμα κατὰ τόπον. Cette fin de chapitre se retrouve presque mot à mot dans la Physique. Voyez Phys. auscult., V, 3; Bekkcr, p. 226-27. Les anciens editeurs font de ce morceau un chapitre séparé, le dernier du livre.

53Χωρίς.

54. Ἅπτεσθαι.

55.  Μεταξύ.

56. Ἐναντίον κατὰ τόπον.

57.Ἑξῆς.

58. Ἐφεξῆς.

59. Ἐχόμενον.

60. Συνεχές.