TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX
LIVRE QUATRIÈME
CHAPITRE IX Variétés dans les durées de la gestation; elles sont en rapport avec la durée même de la vie ; exemples de l'homme et de l'éléphant ; rapport étroit de la durée de la gestation à la grosseur définitive du fœtus ; influence du soleil et de la lune, comme foyers de chaleur; périodes solaires et lunaires, semblables dans une certaine mesure; influence de l'air ambiant sur tous les êtres; tendance générale de la Nature en ce qui regarde la durée des créatures. — Résumé partiel. |
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1 Οἱ δὲ χρόνοι τῆς κυήσεως ἑκάστῳ τῶν ζῴων ὡρισμένοι τυγχάνουσιν ὡς μὲν ἐπὶ τὸ πολὺ κατὰ τοὺς βίους· τῶν γὰρ χρονιωτέρων καὶ τὰς γενέσεις εὔλογον εἶναι χρονιωτέρας. Οὐ μὴν τοῦτό γ´ ἐστὶν αἴτιον ἀλλ´ ὡς ἐπὶ τὸ πολὺ τοῦτο συμβέβηκεν· [778] τὰ γὰρ μείζω καὶ τελειότερα τῶν ἐναίμων ζῴων καὶ ζῶσι πολὺν χρόνον — οὐ μέντοι τὰ μείζω πάντα μακροβιώτερα. 2 Πάντων γὰρ ἄνθρωπος πλεῖστον ζῇ χρόνον πλὴν ἐλέφαντος, ὅσων ἀξιόπιστον ἔχομεν τὴν πεῖραν· ἔλαττον δ´ ἐστὶ τὸ γένος τὸ τῶν ἀνθρώπων ἢ τὸ τῶν λοφούρων καὶ πολλῶν ἄλλων. Αἴτιον δὲ τοῦ μὲν εἶναι μακρόβιον ὁτιοῦν ζῷον τὸ κεκρᾶσθαι παραπλησίως πρὸς τὸν περιέχοντα ἀέρα, καὶ δι´ ἄλλα συμπτώματ´ ἄττα φυσικὰ περὶ ὧν ὕστερον ἐροῦμεν, — 3 τῶν δὲ χρόνων τῶν περὶ τὴν κύησιν τὸ μέγεθος τῶν γεννωμένων· οὐ γὰρ ῥᾴδιον ἐν ὀλίγῳ χρόνῳ λαμβάνειν τὴν τελείωσιν τὰς μεγάλας συστάσεις οὔτε ζῴων οὔτε τῶν ἄλλων ὡς εἰπεῖν οὐθενός. Διόπερ ἵπποι καὶ τὰ συγγενῆ ζῷα τούτοις ἐλάττω ζῶντα χρόνον κυεῖ γε πλείω χρόνον· τῶν μὲν γὰρ ἐνιαύσιος ὁ τόκος τῶν δὲ δεκάμηνος ὁ πλεῖστος. 4 Διὰ τὴν αὐτὴν δ´ αἰτίαν πολυχρόνιος καὶ ὁ τῶν ἐλεφάντων ἐστὶ τόκος· διετὴς γὰρ ἡ κύησις διὰ τὴν ὑπερβολὴν τοῦ μεγέθους. 5 Εὐλόγως δὲ πάντων οἱ χρόνοι καὶ τῶν κυήσεων καὶ γενέσεων καὶ τῶν βίων μετρεῖσθαι βούλονται κατὰ φύσιν περιόδοις. Λέγω δὲ περίοδον ἡμέραν καὶ νύκτα καὶ μῆνα καὶ ἐνιαυτὸν καὶ τοὺς χρόνους τοὺς μετρουμένους τούτοις, ἔτι δὲ τὰς τῆς σελήνης περιόδους. Εἰσὶ δὲ περίοδοι σελήνης πανσέληνός τε καὶ φθίσις καὶ τῶν μεταξὺ χρόνων αἱ διχοτομίαι· κατὰ γὰρ ταύτας συμβάλλει πρὸς τὸν ἥλιον· ὁ γὰρ μεὶς κοινὴ περίοδός ἐστιν ἀμφοτέρων. 6 Ἔστι δὲ ἡ σελήνη ἀρχὴ διὰ τὴν πρὸς τὸν ἥλιον κοινωνίαν καὶ τὴν μετάληψιν τὴν τοῦ φωτός· γίγνεται γὰρ ὥσπερ ἄλλος ἥλιος ἐλάττων· διὸ συμβάλλεται εἰς πάσας τὰς γενέσεις καὶ τελειώσεις. Αἱ γὰρ θερμότητες καὶ ψύξεις μέχρι συμμετρίας τινὸς ποιοῦσι τὰς γενέσεις, μετὰ δὲ ταῦτα τὰς φθοράς· τούτων δ´ ἔχουσι τὸ πέρας καὶ τῆς ἀρχῆς καὶ τῆς τελευτῆς αἱ τούτων κινήσεις τῶν ἄστρων. 7 Ὥσπερ γὰρ καὶ θάλατταν καὶ πᾶσαν ὁρῶμεν τὴν τῶν ὑγρῶν φύσιν ἱσταμένην καὶ μεταβάλλουσαν κατὰ τὴν τῶν πνευμάτων κίνησιν καὶ στάσιν, τὸν δ´ ἀέρα καὶ τὰ πνεύματα κατὰ τὴν τοῦ ἡλίου καὶ τῆς σελήνης περίοδον, οὕτω καὶ τὰ ἐκ τούτων φυόμενα καὶ τὰ ἐν τούτοις ἀκολουθεῖν ἀναγκαῖον· [778a] κατὰ λόγον γὰρ ἀκολουθεῖν καὶ τὰς τῶν ἀκυροτέρων περιόδους ταῖς τῶν κυριωτέρων. Βίος γάρ τις καὶ πνεύματός ἐστι καὶ γένεσις καὶ φθίσις. 8 Τῆς δὲ τῶν ἄστρων τούτων περιφορᾶς τάχ´ ἂν ἕτεραί τινες εἶεν ἀρχαί. Βούλεται μὲν οὖν ἡ φύσις τοῖς τούτων ἀριθμοῖς ἀριθμεῖν τὰς γενέσεις καὶ τὰς τελευτάς, οὐκ ἀκριβοῖ δὲ διά τε τὴν τῆς ὕλης ἀοριστίαν καὶ διὰ τὸ γίγνεσθαι πολλὰς ἀρχὰς αἳ τὰς γενέσεις τὰς κατὰ φύσιν καὶ τὰς φθορὰς ἐμποδίζουσαι πολλάκις αἴτιαι τῶν παρὰ φύσιν συμπιπτόντων εἰσίν. 9 Περὶ μὲν οὖν τῆς ἔσωθεν τροφῆς τῶν ζῴων καὶ τῆς θύραζε γενέσεως εἴρηται, καὶ χωρὶς περὶ ἑκάστου καὶ κοινῇ περὶ πάντων. |
1 Pour chaque espèce d'animal, la durée régulière de la gestation est le plus ordinairement en rapport avec la durée de la vie. Il est tout simple que, dans les animaux qui vivent plus de temps, les développements soient aussi plus longs à se faire. Mais ce n'est pas là précisément la cause de la durée de la gestation; c'est seulement le fait dans la plupart des cas. Les plus grands et les plus parfaits des animaux, qui ont du sang, vivent longtemps, sans que cependant ce soit une règle générale que la vie des plus grands soit la plus longue. 2 Si l'on en excepte l'éléphant, l'homme est de tous les êtres celui qui a la plus longue vie, du moins de tous ceux que nous avons pu observer sérieusement. Cependant, l'espèce humaine est plus petite que les animaux à queue, et plus petite que bien d'autres espèces encore. Ce qui fait qu'un animal quelconque peut avoir une longue existence, c'est que sa constitution réponde à l'air ambiant où il vit. Ce sont en outre certaines circonstances naturelles, dont nous nous réservons de parler plus tard. 3 Ce qui détermine les durées diverses de la gestation, c'est la grosseur des produits qui doivent naître. Il n'est pas possible que, dans un temps très court, les grandes organisations puissent prendre tout leur développement; c'est là une impossibilité pour les êtres animés aussi bien que pour toute autre chose. Voilà comment les chevaux et les espèces congénères, tout en vivant moins longtemps, ont cependant une gestation plus longue. Pour les uns, la gestation dure un an entier; pour les autres, elle est de dix mois au moins. 4 C'est par une cause toute semblable que, pour l'éléphant, la gestation ne dure pas moins de deux ans; ce qui est une bien longue durée ; mais c'est sa grosseur prodigieuse qui l'exige. 5 On a eu bien raison d'essayer de mesurer par des périodes naturelles les temps de toutes choses, et les temps de la gestation, des naissances, et des existences. J'entends par les périodes naturelles le jour et la nuit, le mois, l'année, et les intervalles de temps auxquels on applique ces mesures. Mais par là, j'entends également les périodes de la lune. Les périodes lunaires sont les pleines lunes, les lunes nouvelles, et les quartiers intermédiaires. Car ce sont là les périodes par lesquelles la lune est en relations avec le soleil, puisque le mois est une période commune à l'un et à l'autre. 6 La lune n'est un principe de grande influence qu'à cause de ce qu'elle a de commun avec le soleil, de qui elle emprunte sa lumière ; elle est en quelque sorte un soleil plus petit. C'est en ce sens qu'elle agit aussi sur la production et le développement de tous les êtres. Car ce sont les variations de la chaleur et du froid qui, jusqu'à un certain point d'équilibre, déterminent les naissances et ensuite les morts; et ce sont les mouvements de ces deux astres qui marquent les limites du commencement et de la fin. 7 De même qu'on voit la mer, et toute la masse des eaux qui sont dans la Nature, tranquilles ou agitées selon que les vents soufflent ou sont en repos, et de même que l'air et les vents sont soumis à la période où se trouvent le soleil et la lune, de même les produits qui en viennent doivent nécessairement aussi ressentir ce qui se passe dans ces astres. On comprend de reste que les périodes des choses inférieures soient la conséquence des périodes que les choses supérieures peuvent subir; et le vent a bien aussi une sorte de vie, puisqu'il naît et qu'il s'éteint. 8 Il est possible, d'ailleurs, qu'il y ait encore d'autres principes qui causent la révolution circulaire de ces astres. La Nature tend toujours à régler, par les nombres qui les régissent, les nombres des générations et des extinctions; mais elle ne le fait pas toujours aussi exactement quelle le voudrait, à cause de l'indétermination de la matière, et, en outre, à cause de la multiplicité des principes qui, en empêchant les générations et les destructions naturelles, sont trop souvent causes des accidents contre nature. 9 Voilà tout ce que nous avions à dire sur la nutrition intra-utérine des animaux, et sur leur naissance au dehors; et nous avons également traité séparément de ce qu'ils ont chacun de particulier et de ce qu'ils ont tous de commun entre eux. |
§ 1. Le plus ordinairement. C'est une réserve fort sage que le naturaliste doit toujours faire, parce qu'il n'y a pas de loi sans exception. — En rapport avec la durée de la vie. La question a été bien souvent agitée par la science moderne. — Les développements. Le grec dit précisément : Les générations. — La cause de la durée de la gestation. Le texte n'est pas aussi explicite; j'ai cru devoir être plus clair dans la traduction, et il me semble que le contexte indique le sens que j'ai adopté : voir plus bas, § 3. Peut-être ne s'agit-il que de la durée de la vie. — Vivent longtemps. C'est vrai d'une manière générale, sans que ce soit vrai dans tous les cas. § 2. Si l'on en excepte l'éléphant. Voir plus bas, § 4, ce qui est dit de la durée de la gestation de l'éléphant. — Sérieusement. Le texte dit exactement : " D'une manière digne de foi ». Ceci prouve une fois de plus avec quelle attention Aristote observait les faits. — Que les animaux à queue. Il me semble que c'est la meilleure traduction de l'expression grecque; certains traducteurs n'ont fait que la reproduire sans l'interpréter. — Bien d'autres espèces encore. Par exemple, parmi les animaux marins, qui sont les plus grands de tous. — L'air ambiant. C'est la traduction exacte; j'aurais pu dire aussi : " Le milieu ". — De parler plus tard. Je ne sais pas dans quel ouvrage Aristote a pu revenir sur ce sujet. Dans le liv. VIII de l'Histoire des Animaux, il a traité, ch. xx, de l'influence des saisons sur les animaux, et ch. xviii, de l'influence des lieux. § 3. C'est la grosseur des produits. L'explication est excellente ; et en effet, plus le produit est gros, plus il lui faut de temps pour se former. — Pour les êtres animés. Que sans doute Aristote compare, dans sa pensée, à la croissance des plantes, qui est aussi d'autant plus longue que la plante est plus grande. — Les chevaux. Qui font partie des animaux à queue, dont il est parlé au paragraphe précédent. — Les espèces congénères. La science moderne a fait une famille des équidés. — Une gestation plus longue. Voir l'Histoire des Animaux, liv. VI, ch. xxii, § 7, et liv. V, ch. xii, § 13. — Un an entier. Par exemple, la chamelle; mais Aristote se contredit sur elle, lui donnant une gestation tantôt de douze mois, tantôt de dix. Voir l'Histoire des Animaux, liv. V, ch. xii, § 22, et liv. VI, ch. xxv, §1. En fait, la chamelle porte un an. § 4. Pour l'éléphant. Il paraît certain que l'éléphant porte deux ans; voir l'Histoire des Animaux, liv. V, ch. xii, § 28. Dans le liv. VI, ch. xxv, § 2. Aristote semble moins sûr de la durée de la gestation de l'éléphant, puisqu'il parle de dix-huit mois ou de trois ans. Il y a des naturalistes modernes qui croient que l'éléphant porte vingt mois et demi. L'observation est très difficile dans nos climats ; elle ne devrait pas l'être dans l'Inde et en Afrique, et l'on devrait savoir très exactement ce qu'il en est. — C'est sa grosseur prodigieuse qui l'exige. L'explication est très plausible. § 5. De la gestation, des naissances, et des existences. Dans l'Antiquité, on ne pouvait tenir des statistiques bien exactes, qu'aujourd'hui même nous avons tant de peine à obtenir; mais c'était déjà beaucoup que d'en sentir le besoin. — Les périodes de la lune. Les périodes lunaires sont beaucoup plus frappantes que celles du soleil, et voilà comment, chez les Grecs et chez bien d'autres peuples, elles ont servi à mesurer le temps. — Le mois est une période commune. C'est-à-dire que le mois est employé de part et d'autre ; mais il n'a pas la même durée. Les relations des deux astres n'ont pas été bien connues par l'Antiquité. § 6. De qui elle emprunte sa lumière. On sait de reste que le fait est exact, et que la lumière de la lune n'est qu'un reflet de celle du soleil; mais cette notion devait être encore bien neuve au temps d'Aristote. On ne la trouve pas dans son Traité du Ciel; voir ma traduction, liv. II, ch. xi, xii et xiii. — Un soleil plus petit. La comparaison n'est pas absolument juste; car si la lune est en effet plus petite, elle n'a pas de lumière, ni de chaleur, par elle-même, comme le soleil. — Elle agit. L'action de la lune n'est pas nulle sans doute; mais elle n'a pas toute l'influence que l'auteur semble lui attribuer ici. — Déterminent les naissances et ensuite les morts. Ceci serait évidemment fort exagéré, si l'on prenait ces expressions du texte au pied de la lettre; mais il s'agit uniquement de la mesure du temps par les périodes de ces deux astres, ainsi qu'Aristote le dit lui-même, dans la fin de ce paragraphe. Mais dans le paragraphe suivant, il semble revenir aux superstitions vulgaires sur l'influence des astres. §7. De même qu'on voit la mer... Cette comparaison est dénuée de toute justesse, et l'on peut s'étonner qu'Aristote se la soit permise. — Que les vents soufflent ou sont en repos. Ce sont bien les vents en effet qui soulèvent les flots; mais il ne paraît pas aussi exact que les vents soient soumis à l'action du soleil et de la lune. Ils tiennent à d'autres causes qui ne sont pas encore très bien étudiées. — Qui en viennent. Ceci est obscur; mais c'est la traduction exacte du texte. — Ressentir ce qui se passe dans ces astres. C est le sens le plus probable ; mais l'expression du texte est équivoque. — Les périodes des choses inférieures. C'est-à-dire, tous les phénomènes qui se passent sur a terre, regardée comme inférieure à la lune et au soleil. — Une sorte de vie. Avec cette réserve, la métaphore n'est pas trop fausse. § 8. Il est possible... Non seulement le philosophe devait trouver la chose possible; mais il pouvait la trouver nécessaire. — La révolution circulaire. C'est le sens du mot grec, décomposé selon son étymologie. — La Nature tend toujours... Une paraît pas que la pensée soit très juste ; c'est l'homme qui mesure par les révolutions des astres la durée plus ou moins longue de tous les êtres ; mais la Nature n'intervient pas dans ces supputations, qui ne sont qu'à nous. — L'indétermination de la matière. Ceci n'est peut-être pas très aristotélique, et le philosophe n'a jamais compris ainsi l'indétermination de la matière ; elle n'est pour lui que l'aptitude à recevoir indifféremment toutes les formes. — De la multiplicité des principes. Même remarque. — D'accidents contre nature. Les monstres, par exemple, sans parler de bien d'autres phénomènes, oui sont contraires au cours habituel des choses. § 9. Voilà tout ce que nous avions à dire. C'est un résumé assez fidèle de tout ce traité qui semble finir ici. Voir la Dissertation préliminaire sur la composition et l'authenticité du Traité de la Génération des animaux. Le cinquième livre ne lient pas à celui-ci. |