Aristote : Génération des animaux

ARISTOTE

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

ΑΡΙΣΤΟΤΕΛΟΥΣ ΠΕΡΙ ΖΩΙΩΝ ΓΕΝΕΣΕΩΣ V

LIVRE IV. CHAPITRE VII

livre IV chapitre VI - livre IV chapitre VIII
 

 

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

LIVRE QUATRIÈME

 

 

 

 

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CHAPITRE VII

De la môle ; les femmes parfois y sont sujettes ; cas particulier d'une môle qui dure quatre ans; la môle vieillit avec la malade; son extrême dureté; cause de la môle et de sa nature spéciale; c'est le défaut de coclion de menstrues abondantes; les animaux autres que l'homme ne sont pas sujets à la môle; les femmes seules sont exposées à cet accident.

1 Περὶ δὲ τῆς καλουμένης μύλης ῥητέον ἣ γίγνεται μὲν ὀλιγάκις ταῖς γυναιξί, γίγνεται δέ τισι τοῦτο τὸ πάθος κυούσαις. Τίκτουσι γὰρ ὃ καλοῦσι μύλην. δη γὰρ συνέβη τινὶ γυναικὶ συγγενομένῃ τῷ ἀνδρὶ καὶ δοξάσῃ συλλαβεῖν, τὸ μὲν πρῶτον ὅ τε ὄγκος ηὐξάνετο τῆς γαστρὸς καὶ τἆλλα ἐγίγνετο κατὰ λόγον, ἐπεὶ δὲ ὁ χρόνος ἦν τοῦ τόκου οὔτ´ ἔτικτεν οὔτε ὁ ὄγκος ἐλάττων ἐγίγνετο, ἀλλ´ ἔτη τρία ἢ τέτταρα οὕτω διετέλει ἕως δυσεντερίας γενομένης καὶ κινδυνεύσασα ὑπ´ αὐτῆς ἔτεκε σάρκα ἣν καλοῦσι μύλην. 2 νίαις δὲ καὶ συγκαταγηράσκει τοῦτο τὸ πάθος καὶ συναποθνήσκει. Τὰ δὲ θύραζε ἐξιόντα τῶν τοιούτων γίγνεται σκληρὰ οὕτως ὥστε μόλις διακόπτεσθαι καὶ σιδήρῳ. Περὶ μὲν οὖν τῆς τοῦ πάθους αἰτίας εἴρηται ἐν τοῖς Προβλήμασιν· πάσχει γὰρ ταὐτὸν τὸ κύημα ἐν τῇ μήτρᾳ ὅπερ ἐν τοῖς ἑψομένοις τὰ μωλυνόμενα, καὶ οὐ διὰ θερμότητα, ὥσπερ τινές φασιν, ἀλλὰ μᾶλλον δι´ ἀσθένειαν θερμότητος (ἔοικε γὰρ ἡ φύσις ἀσθενεῖν καὶ οὐ δύνασθαι τελειῶσαι οὐδ´ ἐπιθεῖναι τῇ γενέσει πέρας· διὸ καὶ συγκαταγηράσκει ἢ πολὺν ἐμμένει χρόνον· οὔτε γὰρ ὡς τετελεσμένον οὔθ´ ὡς πάμπαν ἀλλότριον ἔχει τὴν φύσιν)· τῆς γὰρ σκληρότητος ἡ ἀπεψία αἰτία· ἀπεψία γάρ τις καὶ ἡ μώλυνσίς ἐστιν. 3 Ἀπορίαν δ´ ἔχει διὰ τί ποτ´ ἐν τοῖς ἄλλοις οὐχὶ γίγνεται ζῴοις, εἰ μή τι πάμπαν λέληθεν. Αἴτιον δὲ δεῖ νομίζειν ὅτι μόνον ὑστερικόν ἐστιν ἡ γυνὴ τῶν ἄλλων ζῴων καὶ περὶ τὰς καθάρσεις πλεονάζει καὶ οὐ δύναται πέττειν αὐτάς· ὅταν οὖν ἐκ δυσπέπτου ἰκμάδος συστῇ τὸ κύημα τότε γίγνεται ἡ καλουμένη μύλη ἐν ταῖς γυναιξὶν εὐλόγως ἢ μάλιστα ἢ μόναις.

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1 Maintenant disons quelques mots de ce qu'on appelle une môle, et qui se produit quelquefois chez les femmes ; il arrive même que cet accident a lieu chez des femmes qui sont enceintes, et qui accouchent de ce qu'on appelle une môle. On a observé le cas d'une femme qui, ayant eu commerce avec un homme et se croyant grosse, vit d'abord enfler le volume de son ventre, et qui eut tous les symptômes d'une gestation régulière; mais, à l'époque de l'accouchement, elle n'enfanta pas et le volume du corps ne diminua pas. Elle resta trois ou quatre ans en cet état; et à la suite d'une douleur d'entrailles, qui mit sa vie en danger, elle rendit, d'elle seule, un morceau de chair, qu'on désigne sous le nom de môle. 2 On a même observé que cette affection vieillit avec la personne qui en est atteinte, et qu'elle ne meurt qu'avec elle. Les matières qui sont expulsées et rendues de cette façon deviennent tellement dures qu'on a peine à les couper avec le fer. Nous avons expliqué la cause de cette maladie dans les Problèmes. C'est que l'embryon éprouve dans la matrice la même transformation que nos mets et nos aliments quand ils sont à moitié crus. Ce n'est pas un effet de la chaleur, comme on le dit parfois; c'est bien plutôt une insuffisance de chaleur. II semble que, dans ce cas, la Nature, réduite à l'impuissance, n'a pu achever son œuvre, ni compléter et parfaire la génération. De là vient que la môle vieillit avec la malade et qu'elle dure si longtemps; car, par sa nature, elle n'est pas entièrement achevée, et elle n'est pas non plus un corps absolument étranger. C'est le défaut de coction qui produit sa dureté, parce que la coction incomplète est une sorte de crudité. 3 Mais on peut se demander pourquoi la môle ne se montre jamais dans les animaux autres que l'homme, si toutefois le fait ne nous a pas échappé, faute d'observations. La cause qu'on peut supposer, c'est que la femme est plus sujette aux maladies de matrice que les autres femelles, et que l'abondance de ses évacuations purifiantes est telle qu'elle ne peut leur donner la coction nécessaire. C'est donc quand le germe s'alimente d'un liquide imparfaitement cuit, que se forme ce singulier produit qu'on appelle la môle; dès lors il est tout simple qu'il se forme surtout dans les femmes, ou même chez elles uniquement.

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§ 1. Une môle. Dans le Traité hippocratique des Maladies des femmes, il est deux fois, et dans les mêmes termes, question de la môle, tome VIII, pp. 148 et 446, édition Έ. Littré. L'auteur attribue cette affection à l'accumulation des menstrues, et il regarde ce cas comme excessivement dangereux. Il ne paraît pas d'ailleurs qui ait poussé l'étude de ce singulier phénomène aussi loin qu'Aristote le fait dans ce chapitre.

Se produit quelquefois. Le cas est effectivement assez rare; mais il vient toujours d'un rapprochement des sexes.

De ce qu'on nomme une môle. Cette formule, répétée deux fois dans ce paragraphe, semble indiquer que l'observation était alors peu connue. L'étymologie du mot dans les trois langues se rapproche beaucoup, et est presque identique; il serait assez difficile de la justifier, puisqu'elle fait allusion à la forme d'une meule de moulin.

On a observé. Aristote ne dit pas que cette observation lui soit personnelle.

Trois ou quatre ans. Hippocrate, loc. cit.y ne parle que de deux ou trois ans.

Un morceau de chair. Il y a une sorte d'organisation dans les môles et comme une végétation; mais elles restent toujours informes, et les fœtus n'y ont jamais de membres distincts.

§ 2. On a même observé... Il n'y a rien d'impossible dans le fait qui est rapporté ici; et du moment que le temps de la gestation a été dépassé, il n'y a pas de raison pour qu'il cesse. Les auteurs citent des exemples de môles portées pendant trente et quarante ans; voir la note de MM. Aubert et Wimmer, édition et traduction du Traité de la Génération, p. 342; voir aussi leur Introduction, p. 20.

On a peine à les couper avec le fer. D'après des observations récentes, celte assertion n'aurait rien d'exagéré.

Dans les Problèmes. On ne trouve pas dans les Problèmes de passage qui confirme cette référence; mais tout ce qui est dit ici de la môle est répété, presque mot pour mot, dans le Xe livre (apocryphe) de l'Histoire des Animaux, chapitre dernier, p. 216 et p. 410 de l'édition Firmin-Didot, troisième volume d*Aristote.

Que nos mets et nos aliments. La comparaison, sans être absolument fausse, est au moins singulière.

Une insuffisance de chaleur. La comparaison une fois admise, cette restriction peut sembler assez motivée.

Réduite à l'impuissance. C'est évident, et en effet l'œuvre est inachevée.

De là vient. La conséquence n'est pas nécessaire.

Vieillit avec la malade. La durée des môles n'a rien de régulier.

Entièrement achevée... absolument étranger. Cette description est ingénieuse, et elle fait assez bien comprendre la nature de la môle.

Une sorte de crudité. La crudité ne peut pas se confondre avec la dureté.

§ 3. On peut se demander. La question est en effet assez naturelle ; mais, comme le dit Aristote, elle est insoluble, non par elle-même, mais faute d'observations. Je ne sais pas si la science moderne a suppléé à cette lacune, que le philosophe signalait déjà, il y a plus de deux mille ans.

Faute d'observations. Il faut remarquer ce passage, appuyant une fois de plus les recommandations constantes d'Aristote.

La cause qu'on peut supposer. A défaut des observations qui manquent, Aristote essaie d'y suppléer par une hypothèse, dont il ne s'exagère pas la valeur. Cette hypothèse est très spécieuse, et elle incline à la négative, comme on le voit dans la fin de ce paragraphe. Dans l'Histoire des Animaux, liv. VII, ch. ii, §§ 6 et 7, Aristote avance que, proportion gardée, la femme a des menstrues plus abondantes qu'aucune autre femelle.

Ce singulier produit. Le texte est moins précis.

Qu'on appelle la môle. Voir plus haut § 1 et la note.

Uniquement. Le fait n'est pas certain. La môle, d'ailleurs, se distingue chez la femme des grossesses extra-utérines. Ces grossesses sont généralement fatales ; mais il arrive aussi quelquefois, quoique très rarement, qu'on peut extraire l'enfant vivant du sein delà mère, par une opération chirurgicale.

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