Aristote : Génération des animaux

ARISTOTE

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

ΑΡΙΣΤΟΤΕΛΟΥΣ ΠΕΡΙ ΖΩΙΩΝ ΓΕΝΕΣΕΩΣ V

LIVRE IV. CHAPITRE II

livre IV chapitre I - livre IV chapitre III
 

 

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

LIVRE QUATRIÈME

 

 

 

 

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CHAPITRE II

De la génération de mâles ou de femelles selon l'âge des parents; influence de la chaleur, soit dans les individus, soit selon les saisons; influence des phases de la lune sur les menstrues, à la fin des mois; remarques des bergers sur l'influence des vents du nord et du midi, et sur la position des bétes au moment de l'accouplement; des rapports proportionnels entre les parents; influence des climats, de la nourriture et des eaux sur la production en général, et spécialement sur celle des sexes.

1 Διὰ τίνα μὲν οὖν αἰτίαν γίγνεται τὸ μὲν θῆλυ τὸ δ´ ἄρρεν εἴρηται. Τεκμήρια δὲ τὰ συμβαίνοντα τοῖς εἰρημένοις. Τά τε γὰρ νέα θηλυτόκα μᾶλλον τῶν ἀκμαζόντων, καὶ τὰ πρεσβύτερα μᾶλλον· τοῖς μὲν γὰρ οὔπω τέλειον τὸ θερμὸν τοῖς δ´ ἀπολείπει. Καὶ τὰ μὲν ὑγρότερα τῶν σωμάτων καὶ γυναικικώτερα θηλυγόνα μᾶλλον, καὶ τὰ σπέρματα τὰ ὑγρὰ τῶν συνεστηκότων. Πάντα γὰρ ταῦτα γίγνεται δι´ ἔνδειαν θερμότητος φυσικῆς, 2 καὶ τὸ βορείοις ἀρρενοτοκεῖν μᾶλλον ἢ νοτίοις· 〈ὑγρότερα γὰρ τὰ σώματα νοτίοις〉 ὥστε καὶ περιττωματικώτερα. Τὸ δὲ πλεῖον περίττωμα δυσπεπτότερον· διὸ τοῖς μὲν ἄρρεσιν ὑγρότερον τὸ  [767a] σπέρμα, ταῖς δὲ γυναιξὶν ἡ τῶν καταμηνίων ἔκκρισις. Καὶ τὸ γίγνεσθαι δὲ τὰ καταμήνια κατὰ φύσιν φθινόντων τῶν μηνῶν μᾶλλον διὰ τὴν αὐτὴν αἰτίαν συμβαίνει. Ψυχρότερος γὰρ ὁ χρόνος οὗτος τοῦ μηνὸς καὶ ὑγροτέρος διὰ τὴν φθίσιν καὶ τὴν ἀπόλειψιν τῆς σελήνης· ὁ μὲν γὰρ ἥλιος ἐν ὅλῳ τῷ ἐνιαυτῷ ποιεῖ χειμῶνα καὶ θέρος, ἡ δὲ σελήνη ἐν τῷ μηνί (τοῦτο δ´ οὐ διὰ τὰς τροπάς, ἀλλὰ τὸ μὲν αὐξανομένου συμβαίνει τοῦ φωτὸς τὸ δὲ φθίνοντος). 3 Φασὶ δὲ καὶ οἱ νομεῖς διαφέρειν πρὸς θηλυγονίαν καὶ ἀρρενογονίαν οὐ μόνον ἐὰν συμβαίνῃ τὴν ὀχείαν γίγνεσθαι βορείοις ἢ νοτίοις ἀλλὰ κἂν ὀχευόμενα βλέπῃ πρὸς νότον ἢ βορέαν· οὕτω μικρὰν ἐνίοτε ῥοπὴν αἰτίαν γίγνεσθαι τῆς ψυχρότητος καὶ θερμότητος, ταῦτα δὲ τῆς γενέσεως.

4 Διέστηκε μὲν οὖν ὅλως πρὸς ἄλληλα τό τε θῆλυ καὶ τὸ ἄρρεν πρὸς τὴν ἀρρενογονίαν καὶ θηλυγονίαν διὰ τὰς εἰρημένας αἰτίας, οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ  δεῖ συμμετρίας πρὸς ἄλληλα· πάντα γὰρ τὰ γιγνόμενα κατὰ τέχνην ἢ φύσιν λόγῳ τινί ἐστιν. Τὸ δὲ θερμὸν λίαν μὲν κρατοῦν ξηραίνει τὰ ὑγρά, πολὺ δὲ ἐλλεῖπον οὐ συνίστησιν, ἀλλὰ δεῖ πρὸς τὸ δημιουργούμενον ἔχειν τοῦτον τὸν τοῦ μέσου λόγον· 5 εἰ δὲ μή, καθάπερ ἐν τοῖς ἑψομένοις προσκάει μὲν τὸ πλεῖον πῦρ, οὐχ ἕψει δὲ τὸ ἔλαττον, ἀμφοτέρως δὲ συμβαίνει μὴ τελειοῦσθαι τὸ γιγνόμενον, οὕτω καὶ ἐν τῇ τοῦ ἄρρενος μίξει καὶ τοῦ θήλεος δεῖ τῆς συμμετρίας. Καὶ διὰ τοῦτο πολλοῖς καὶ πολλαῖς συμβαίνει μετ´ ἀλλήλων μὲν μὴ γεννᾶν, διαζευχθεῖσι δὲ γεννᾶν, καὶ ὁτὲ μὲν νέοις ὁτὲ δὲ πρεσβυτέροις οὖσι ταύτας γίγνεσθαι τὰς ὑπεναντιώσεις, ὁμοίως περί τε γένεσιν καὶ ἀγονίαν καὶ ἀρρενογονίαν καὶ θηλυγονίαν.

6 Διαφέρει δὲ καὶ χώρα χώρας εἰς ταῦτα καὶ ὕδωρ ὕδατος διὰ τὰς αὐτὰς αἰτίας· ποιὰ γάρ τις ἡ τροφὴ γίγνεται μάλιστα καὶ τοῦ σώματος ἡ διάθεσις διά τε τὴν κρᾶσιν τοῦ περιεστῶτος ἀέρος καὶ τῶν εἰσιόντων, μάλιστα δὲ διὰ τὴν τοῦ ὕδατος τροφήν· τοῦτο γὰρ πλεῖστον εἰσφέρονται, καὶ ἐν πᾶσίν ἐστι τροφὴ τοῦτο, καὶ ἐν τοῖς ξηροῖς. Διὸ καὶ τὰ ἀτέραμνα ὕδατα καὶ ψυχρὰ τὰ μὲν ἀτεκνίαν ποιεῖ τὰ δὲ θηλυτοκίαν.

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1 On vient d'expliquer par quelle cause l'un est femelle, et l'autre est mâle. Les faits sont la confirmation de cette théorie. Ainsi, les animaux, quand ils sont jeunes, font plus de femelles que dans leur pleine vigueur; de même dans un âge plus avancé, ils en font aussi davantage. C'est que, dans les premiers, la chaleur n'est pas encore complète; et que, dans les autres, elle n'est plus suffisante. Les corps qui sont plus humides et plus féminins produisent également plus de femelles; et les spermes liquides en font plus que les spermes compacts et épais. Toutes ces différences tiennent au défaut de chaleur naturelle. 2  Il y a plus de mâles quand le vent souffle du nord que quand il souffle du midi. Dans ce dernier cas, les organes élaborent plus d'excrétions; et plus l'excrétion est considérable, plus la coction en est difficile. Le sperme des mâles devient alors plus liquide; et chez les femmes, l'excrétion mensuelle subit cette altération. C'est encore par la même cause que les menstrues régulières sont plus abondantes à la fin des mois; car cette époque du mois est plus froide et plus humide, par suite de la décroissance et de la disparition de la lune. Durant l'année entière, c'est le soleil qui produit l'hiver et l'été ; c'est la lune qui les produit dans le cours d'un même mois. Ces changements ne tiennent pas à ses phases, mais à la lumière, qui tantôt augmente et tantôt diminue. 3 Les bergers assurent aussi que ce qui influe sur la production des femelles et celle des mâles, ce n'est pas seulement que l'accouplement ait lieu par un vent du nord ou un vent du midi, mais encore que les animaux accouplés regardent vers le midi ou vers le nord. Le moindre déplacement de ce genre modifie le degré de chaleur et de froid ; et ce sont le froid et la chaleur qui déterminent la génération et le sexe.

4 Le mâle et la femelle présentent donc de très grandes différences selon qu'ils produisent des mâles ou des femelles ; et nous avons expliqué d'où ces différences peuvent venir. Mais quelles qu'elles soient, il n'en faut pas moins aussi qu'il y ait entre l'un et l'autre parents un certain rapport proportionnel. Toutes les choses, qu'elles viennent de l'art ou de la Nature, ont un rapport de ce genre. La chaleur, si elle est en excès, dessèche les liquides ; si elle fait par trop défaut, elle ne solidifie pas; tandis que, pour le produit qui doit être formé, il serait besoin d'une proportion moyenne. 5 Parfois, cette proportion entre les parents n'existe pas; et alors, de même que pour la préparation des mets un feu trop fort les brûle, qu'un feu trop faible ne les cuit pas assez, et que des deux façons le résultat ainsi obtenu n'est pas complètement ce qu'il doit être, de même il faut entre les parents une proportion convenable pour la copulation du mâle et de la femelle. De là vient certainement que bien des hommes et bien des femmes qui ne peuvent engendrer l'un avec l'autre, engendrent néanmoins en s'unissant à d'autres personnes. Souvent aussi, la jeunesse et la vieillesse offrent de ces oppositions pour la fécondité ou l'infécondité, et pour la production des garçons ou des filles.

6 Pour ces variations, il n'y a pas moins de différence d'un pays à un autre pays; de même qu'une eau diffère aussi beaucoup d'une autre eau pour les mêmes causes. La qualité de la nourriture et la disposition du corps tiennent essentiellement, soit à la composition de l'air ambiant, soit aux aliments ingérés, et surtout à la nourriture que fournit l'eau qu'on boit. C'est l'eau que l'on absorbe en plus grande quantité que tout le reste; et c'est elle qui nourrit tout, et qu'on retrouve même dans les aliments les plus secs. De là vient que les eaux trop dures et trop froides font qu'il n'y a pas d'enfants, ou qu'il n'y a que des femelles.

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§ 1. On vient d'expliquer. Ces théories pouvaient suffire à l'Antiquité; aujourd'hui elles sembleraient tout à fait superficielles.

 — Les faits sont la confirmation. Aristote croit rester fidèle à la méthode d'observation, qu'il a recommandée sans cesse.

Quand ils sont jeunes. Je ne crois pas que la science moderne regarde ces faits comme avérés.

Dans un âge plus avancé. Même remarque.

Plus humides et plus féminins. Voir l'Histoire des Animaux, liv. VII, ch. x, §§ 1 et 3, et passim.

Au défaut de chaleur naturelle. Cette cause ne peut être vraie, puisque les températures ne diffèrent pas sensiblement.

§ 2. Quand le vent souffle du nord. C'était là une opinion vulgaire, dont rien ne prouve l'exactitude ; mais ces détails ne laissent pas que d'être curieux.

- Les organes élaborent plus d'excrétions. Le fait n'est pas tout à fait faux ; mais la conséquence qu'en tire Aristote n'est pas exacte.

Plus la coction en est difficile. Ceci est plus vrai. Il n'y a pas à douter d'ailleurs que le milieu ambiant n'exerce une grande influence sur l'organisation entière des animaux.

Plus abondantes à la fin des mois. Dans l'Histoire des Animaux, liv. VII, ch. ii, §§ 1 et suiv., Aristote semble ne pas partager la crédulité populaire.

Par suite de la décroissance... La lune a très peu d'influence sur la température de l'air, précisément parce qu'elle emprunte sa chaleur au soleil, et qu'elle n'en a pas par elle-même.

Durant l'année entière... dans le cours d'un même mois. Le rapprochement est ingénieux; mais il n'est pas exact.

Mais à la lumière. Qui vient du soleil, ainsi que la chaleur.

§ 3. Les bergers assurent. Ainsi, Aristote laisse aux bergers toute la responsabilité de ces observations. Il est toujours bon d'écouter les gens du métier, sauf à coutrôler leurs assertions.

Regardent vers le midi. Il semble bien que ceci doit être un conte populaire, et il est très possible qu'un calcul d'intérêt se mêlât à ces dires des bergers; ils trou-vaient sans doute moyen d'exploiter par là la crédulité de leurs dupes.

Le moindre déplacement. Ceci est exagéré, sans être faux ; car il est certain <jue la température varie selon qu'on est à l'ombre ou au soleil; le moindre déplacement suffit alors comme l'auteur le dit.

Qui déterminent la génération et le sexe. Rien n'est moins prouvé.

§ 4. De très grandes différences selon... Dans ces limites, le fait est vrai ; il y a des hommes qui n'ont que des filles, et d'autres qui n'ont que des garçons.

Nous avons expliqué. Beaucoup moins que l'auteur ne le croit, et pas plus ici que dans l'Histoire des Animaux. Il n'y a du reste rien qui doive nous étonner; le mystère est profond, et la science humaine, qui l'étudié depuis tant de siècles, ne le pénétrera sans doute jamais.

Un certain rapport proportionnel. Ne serait-ce que le rapport de l'espèce, sans parler de tant d'autres rapports.

De l'art ou de la Nature. C'est un rapprochement qu'Aristote se plaît à faire bien souvent.

Si elle est en excès... par trop défaut. Toutes ces remarques sont parfaitement justes.

D'une proportion moyenne. L'expression est bien vague.

§ 5. Parfois, cette proportion... Le texte n'est pas aussi formel ; mais le sens n'est pas douteux; j'ai cru pouvoir rendre ma traduction plus précise.

De même. Le fait qui sert de comparaison est très exact; mais il est bien difficile de comparer la vie à quoi que ce soit ; elle n'est comparable qu'à elle-même, parce qu'elle est essentiellement Sui generis.

Une proportion convenable pour la copulation. Le point difficile serait de déterminer cette proportion elle-même.

En s'unissant à d'autres. Ce fait est incontestable, et il a été vérifié bien des fois.

La jeunesse et la vieillesse. Ceci n'est pas moins exact. Selon l'âge des parents, le sexe des entants peut varier.

Des garçons ou des filles. Le texte dit d'une manière plus générale : «  des mâles ou des femelles ».

§ 6. D'un pays à un autre pays. L'observation est exacte.

Une autre eau... Il est également certain que le liquide absorbé a une grande influence ; et c'est ainsi que l'instinct des animaux les pousse à préférer une eau à telle autre, qu'il repousse invinciblement.

La qualité de la nourriture. Cette influence est encore plus manifeste.

Air ambiant... aliments ingérés... l'eau qu'on boit. Nous ne saurions aujourd'hui mieux dire qu'Aristote. Il est vrai qu'Hippocrate avait déjà exposé des théories analogues dans le fameux Traité des Airs, des eaux et des lieux; voir aussi l'Histoire des Animaux, liν. VIII, ch. xxviii, §§ 1 et suiv.

Et qu'on retrouve. Cet aperçu, jecrois, ne serait guère contredit par la science moderne. — Les eaux trop dures et trop froides. Ceci est sans doute fort exagéré ; mais la nature de l'eau qu'on boit influe beaucoup sur toute l'organisation.

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