Aristote : Génération des animaux

ARISTOTE

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

ΑΡΙΣΤΟΤΕΛΟΥΣ ΠΕΡΙ ΖΩΙΩΝ ΓΕΝΕΣΕΩΣ Γ

LIVRE III. CHAPITRE VII.

livre III chapitre VI - livre III chapitre VIII  

 

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

LIVRE TROISIEME

 

 

 

 

précédent

CHAPITRE VII

De la génération des mollusques et particulièrement de la seiche; elle a lieu par copulation ; erreur de ceux qui croient que tous les poissons sont femelles; observations mal faites; des œufs des crabides, placés sous la femelle; singulière position de la petite seiche au moment de sa naissance ; citation de l'Histoire des Animaux.

1 Τὸν αὐτὸν δὲ τρόπον καὶ τὰ μαλάκια ποιεῖται τὸν τόκον οἷον σηπίαι καὶ τὰ τοιαῦτα, καὶ τὰ μαλακόστρακα οἷον κάραβοι καὶ τὰ συγγενῆ τούτοις· τίκτει γὰρ ἐξ ὀχείας καὶ ταῦτα καὶ συνδυαζόμενον τὸ ἄρρεν τῷ θήλει πολλάκις ὦπται. διόπερ οὐδ´ ἱστορικῶς οὐδὲ ταύτῃ φαίνονται λέγοντες οἱ φάσκοντες τοὺς ἰχθῦς πάντας εἶναι θήλεις καὶ τίκτειν οὐκ ἐξ ὀχείας· τὸ γὰρ ταῦτα μὲν ἐξ ὀχείας οἴεσθαι ἐκεῖνα δὲ μὴ θαυμαστόν, 2 εἴ τε τοῦτ´ ἐλελήθει σημεῖον ἀπειρίας. γίγνεται δὲ ὁ συνδυασμὸς τούτων χρονιώτερος πάντων, ὥσπερ τῶν ἐντόμων, εὐλόγως· ἄναιμα γάρ ἐστι, διόπερ ψυχρὰ τὴν φύσιν. Ταῖς μὲν οὖν σηπίαις καὶ ταῖς τευθίσι δύο τὰ ᾠὰ φαίνεται διὰ τὸ διηρθρῶσθαι τὴν ὑστέραν καὶ φαίνεσθαι δικρόαν· τὸ δὲ τῶν πολυπόδων ἓν ᾠόν. αἴτιον δ´ ἡ μορφὴ στρογγύλη τὴν ἰδέαν οὖσα καὶ σφαιροειδής· ἡ γὰρ σχίσις ἄδηλος πληρωθείσης ἐστίν. δικρόα δὲ καὶ ἡ τῶν καράβων ἐστὶν ὑστέρα. 3 ἀποτίκτουσι δὲ τὸ κύημα ἀτελὲς καὶ ταῦτα πάντα διὰ τὴν αὐτὴν αἰτίαν. τὰ μὲν οὖν καραβώδη τὰ θήλεα πρὸς αὑτὰ ποιεῖται τὸν τόκον (διόπερ μείζους ἔχει τὰς πλάκας τὰ θήλεα αὐτῶν ἢ τὰ ἄρρενα, φυλακῆς χάριν τῶν ᾠῶν), τὰ δὲ μαλάκια ἔξω. καὶ τοῖς μὲν θήλεσι τῶν μαλακίων ἐπιρραίνει ὁ ἄρρην καθάπερ οἱ ἄρρενες ἰχθύες τοῖς ᾠοῖς, καὶ γίγνεται συνεχὲς καὶ κολλῶδες· 4 τοῖς δὲ καραβώδεσιν οὔτ´ ὦπται τοιοῦτον οὔτ´ εὔλογον· ὑπό τε γὰρ τῇ θηλείᾳ τὸ κύημα καὶ σκληρόδερμόν ἐστι, καὶ λαμβάνει αὔξησιν καὶ ταῦτα καὶ τὰ τῶν μαλακίων ἔξω, καθάπερ καὶ τὰ τῶν ἰχθύων. Προσπέφυκε δ´ ἡ γιγνομένη σηπία τοῖς ᾠοῖς κατὰ τὸ πρόσθιον· ταύτῃ γὰρ ἐνδέχεται μόνον· ἔχει γὰρ μόνον ἐπὶ ταὐτὸ τὸ ὀπίσθιον μέρος καὶ τὸ πρόσθιον. τὸ δὲ σχῆμα τῆς θέσεως ὃν ἔχει γιγνόμενα τρόπον δεῖ θεωρεῖν ἐκ τῶν ἱστοριῶν.

 

suite

 

1 Les mollusques du genre de la seiche et de genres analogues produisent leurs petits de la même manière, ainsi que les crustacés, tels que les crabes et leurs congénères. Ces animaux également engendrent par copulation, et l'on a vu plus d'une fois le maie accouplé à la femelle. Aussi, ne serait-ce que pour ce seul exemple, on peut dire qu'on ne parle pas scientifiquement, quand on avance que tous les poissons sont femelles, et qu'ils ne se reproduisent pas par copulation. Il est bien étonnant d'admettre que les mollusques viennent d'accouplement, et que les autres poissons n'en viennent pas. 2 Si on ne l'a pas vu, c'est signe qu'on observe bien mal. L'accouplement de ces animaux, comme celui des insectes, dure plus longtemps que tout autre; et cela se comprend de reste, puisqu'ils ne sont pas pourvus de sang, étant de leur nature froids, comme ils le sont. Les seiches et les teuthis ont deux œufs apparents, parce que leur matrice est divisée et a deux cornes, tandis que les polypes n'ont qu'un seul œuf. Cela tient à ce que la forme du corps des polypes est arrondie et sphérique, et que, quand la femelle est pleine, on ne voit plus la division de la matrice. Quant à la matrice des crabes, elle est divisée aussi en deux parties. 3 Tous ces animaux ne produisent que des fœtus incomplets, et par la même cause. Les femelles de tous les crabides gardent en elles-mêmes leur fœtus; et c'est pour cela qu'elles ont l'éventail de la queue beaucoup plus grand que les mâles, afin de pouvoir protéger les œufs quelles portent. Les mollusques déposent les leurs au dehors. Dans les mollusques, le mâle répand sa laite sur les femelles, de même que les autres poissons mâles la répandent sur les œufs ; ce qui les coagule et en fait une masse visqueuse. 4 Dans les crabides, on n'a rien observé de pareil ; et ce ne serait pas sage en effet qu'il en fût ainsi, puisque l'embryon est sous la femelle, et qu'il a une peau très dure. Du reste, les œufs des crabides et ceux des mollusques se développent à l'extérieur comme ceux des poissons. Quand la petite seiche vient de naître, elle est attachée aux œufs par sa partie antérieure ; et, en effet, ce n'est que parla qu'elle peut s'attacher, puisque cet animal est le seul qui ait d'un même côté le derrière et le devant du corps. C'est d'ailleurs dans l'Histoire des Animaux qu'on peut voir quelle est la position que les petites seiches présentent au moment où elles naissent.

 

suite

§ 1. Du genre de la seiche. La seiche fait partie de la première classe des mollusques ou céphalopodes; il est bien vrai que dans les seiches (sepia), les sexes sont séparés; mais on ne sait pas s'il y a copulation. Cuvier, Règne animal, t. III, p. 11, édition de 1829, dit qu'il y a lieu de croire que la fécondation se fait par arrosement. comme dans le plus grand nombre des poissons. Mais ce qu'Aristote dit de la seiche et des céphalopodes n'est pas applicable sans exception a l'embranchement des mollusques. Ainsi, le philosophe conclut du particulier au général, erreur qu'il a pris soin de signaler bien souvent, et qu'il commet lui-même ici.

On a vu plus d'une fois. C'est donc encore sur l'observation qu'Aristote prétend s'appuyer.

Que pour ce seul exemple. Un exemple unique ne suffit pas sans doute dans la plupart des cas; mais pour le fait dont il est question dans ce passage, l'argument est décisif.

Scientifiquement. Le texte dit : Historiquement. Les deux mots reviennent au même ; mais au point de vue étymologique, l'expression grecque est encore plus exacte.

Tous les poissons sont femelles. Voir plus haut, ch. v, § 9, où cette théorie singulière a été déjà réfutée.

Les mollusques viennent d'accouplement. En ce sens qu'il y a mâle et femelle, sans qu'il y ait d'ailleurs de copulation proprement dite, non plus que dans les poissons, chez qui le maie répand sa laite sur les œufs pondus par la femelle; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 670 ; et pour la seiche, l'Histoire des Animaux, liv. VI, ch. xii, § 5.

§ 2. C'est signe qu'on observe bien mal. On ne peut pas affirmer plus énergiquement la nécessité de l'observation.

Dure plus longtemps que tout autre. C'est vrai pour les insectes; ce ne l'est pas autant pour les mollusques. On les divise, depuis Cuvier, en six classes, qui offrent toutes les variétés de génération : hermaphrodite, accouplement réciproque, sexes séparés; Cuvier, Règne animal, t. III, p. 5.

Etant de leur nature froids. Les mollusques ont une circulation double, leur circulation pulmonaire faisant toujours un circuit à part et complet. Chez les animaux à sang froid, la chaleur est toujours un peu plus élevée que celle des milieux ambiants.

Deux œufs apparents. Dans l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. i, § 21, il est parlé non pas des deux œufs de la seiche, mais de deux poches qui contiennent les œufs.

Les teuthis. La teuthis est le petit calmar, loligo, qui est eu effet un céphalopode, comme la seiche. Ses œufs sont attachés les uns aux autres, en guirlande étroite, et sur deux rangs. C'est ce qu'Aristote appelle leurs deux œufs; voir Cuvier, Règne animal, tome IV, p. 14.

Les polypes n'ont qu'un seul œuf .C'est ce qui est déjà dit dans l'Histoire des Animaux, liv. IV, ch. ι, § 21; et pour la seiche, liv. V, ch. xvi, § 3.

Des polypes. Il serait difficile de dire de quelle espèce de polypes il s'agit dans ce passage; voir l'Histoire des Animaux, liv. VI, ch. i, § 21.

Des crabes. Voir l'Histoire des Animaux, liv. V, ch. vi, § 2. On ne voit pas très clairement comment les crabes sont cités ici.

§ 3. Que des fœtus incomplets. La suite explique le sens de ces mots. La femelle du crabe, en gardant longtemps les œufs sous sa queue, les soumet ainsi à une sorte d'incubation préliminaire, avant que le mâle ne les asperge de sa laite.

Les crabides. Le mot grec correspond exactement à celui de Crabides, que la science moderne a adopte. Les crabes sont des crustacés décapodes ; voir le Règne animal de Cuvier, tome IV, p. 30, édition de 1830.

C'est pour cela. L'explication est très plausible.

Les mollusques. Sur la génération des mollusques, voir l'Histoire des Animaux, liv. V, ch. xvi, § 1, et liv. VI, ch. xii, § 5.

Sur les femelles. Peut-être serait-il plus exact de dire : Dans les femelles; mais il faudrait distinguer les espèces; car la fécondation varie beaucoup.

Ce qui tes coagule. Le fait n'est pas aussi général qu'Aristote semble le croire, d'après ses observations ; voir l'Histoire des Animaux, liv. V, ch. xvi, § 3.

§ 4. On n'a rien observé de pareil. Preuve nouvelle de l'attention avec laquelle Aristote observait les faits.

Sous la femelle. Dans certaines espèces de crabes, la femelle a sept segments a la queue, tandis que le maie n'en a que cinq.

Une peau très dure. Je ne vois pas que a science moderne ait relevé cette particularité.

A l'extérieur comme ceux des poissons. La similitude ne va peut-être pas aussi loin; et ici encore, il faudrait distinguer entre les espèces.

Quand la petite seiche... dans l'Histoire des Animaux. Il y a en effet de longs détails sur la génération des seiches, dans l'Histoire des Animaux, liv. V, ch. xvi, §§ 3 et suiv., p. 199, de ma traduction : et aussi sur la manière dont la petite seiche se nourrit, comme le poussin se nourrit du jaune de l'œuf.

D'un même côté le derrière et le devant du corps. Ceci ne se comprend pas bien, et aurait demandé une explication plus complète. Je ne trouve rien dans la zoologie moderne qui se rapporte à cela.

 

suite