TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX
LIVRE TROISIEME
CHAPITRE VI De la génération particulière aux sélaciens ; comparaison de la génération chez les sélaciens et chez les poissons ordinaires; des œufs clairs des oiseaux et des phénomènes spéciaux qu'ils présentent; ils deviennent féconds par une seconde copulation; la femelle peut à elle seule donner au germe le principe nutritif, comme la plante l'a aussi; mais elle ne peut donner le principe de la sensibilité, qui constitue essentiellement l'animal; c'est le mâle seul qui le donne; explication de ces phénomènes. |
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1 Περὶ δὲ τῆς τῶν ἰχθύων γενέσεως ἀπορήσειεν ἄν τις διὰ τίνα ποτὲ αἰτίαν τῶν μὲν σελαχωδῶν οὔθ´ αἱ θήλειαι τὰ κυήματα οὔθ´ οἱ ἄρρενες ἀπορραίνοντες ὁρῶνται τὸν θορόν, τῶν δὲ μὴ ζῳοτόκων καὶ αἱ θήλειαι τὰ ᾠὰ καὶ οἱ ἄρρενες τὸν θορόν. αἴτιον δ´ ὅτι τὸ γένος οὐ πολύσπερμον ὅλως τὸ τῶν σελαχωδῶν· καὶ ἔτι αἵ γε θήλειαι πρὸς τῷ διαζώματι τὰς ὑστέρας ἔχουσιν. τὰ γὰρ ἄρρενα τῶν ἀρρένων καὶ τὰ θήλεα τῶν θηλειῶν ὁμοίως διαφέρουσιν· 2 ὀλιγοχούστεροι γὰρ πρὸς τὴν γονὴν οἱ σελαχώδεις εἰσίν. τὸ δ´ ἄρρεν γένος ἐν τοῖς ᾠοτόκοις, καθάπερ αἱ θήλειαι τὰ ᾠὰ διὰ πλῆθος ἀποτίκτουσιν, οὕτως ἐκεῖνοι ἀπορραίνουσιν· πλείω γὰρ ἔχουσι θορὸν ἢ ὅσον πρὸς τὴν ὀχείαν ἱκανόν· μᾶλλον γὰρ βούλεται ἡ φύσις δαπανᾶν τὸν θορὸν πρὸς τὸ συναύξειν τὰ ᾠά, ὅταν ἀποτέκῃ ἡ θήλεια, ἢ πρὸς τὴν ἐξ ἀρχῆς σύστασιν. 3 καθάπερ γὰρ ἔν τε τοῖς ἄνω καὶ τοῖς ὑπογύοις εἴρηται λόγοις, τὰ μὲν τῶν ὀρνέων ᾠὰ τελειοῦται ἐντός, τὰ δὲ τῶν ἰχθύων ἐκτός. τρόπον γάρ τινα ἔοικε τοῖς σκωληκοτοκοῦσιν· ἔτι γὰρ ἀτελέστερον προΐεται τὸ κύημα τὰ σκωληκοτόκα τῶν ζῴων. ἀμφοτέροις δὲ τὴν τελείωσιν καὶ τοῖς τῶν ὀρνίθων ᾠοῖς καὶ τοῖς τῶν ἰχθύων ποιεῖ τὸ ἄρρεν, ἀλλὰ τοῖς μὲν τῶν ὀρνίθων ἐντός (τελειοῦται γὰρ ἐντός), τοῖς δὲ τῶν ἰχθύων ἐκτὸς διὰ τὸ ἔξω προΐεσθαι ἀτελές, ἐπεὶ συμβαίνει γε ἐπ´ ἀμφοτέρων ταὐτόν. [758] 4 Τῶν μὲν οὖν ὀρνίθων τά τε ὑπηνέμια γίγνεται γόνιμα, καὶ τὰ προωχευμένα ὑφ´ ἑτέρου γένους τῶν ἀρρένων μεταβάλλει τὴν φύσιν εἰς τὸν ὕστερον ὀχεύοντα. καὶ τὰ οἰκεῖα δέ, †ἀναύξητα ὄντα ἂν διαλείπῃ τὴν ὀχείαν, ὅταν ὀχευθῇ† πάλιν ποιεῖ ταχείαν λαμβάνειν τὴν αὔξησιν — οὐ μέντοι κατὰ πάντα τὸν χρόνον, ἀλλ´ ἐάνπερ πρότερον γένηται ἡ ὀχεία πρὶν μεταβαλεῖν εἰς τὴν τοῦ λευκοῦ ἀπόκρισιν. 5 τοῖς δὲ τῶν ἰχθύων οὐθὲν ὥρισται τοιοῦτον ἀλλὰ πρὸς τὸ σώζεσθαι ταχέως ἐπιρραίνουσιν οἱ ἄρρενες. αἴτιον δ´ ὅτι οὐ δίχροα ταῦτα· διόπερ οὐχ ὥρισται τοιοῦτος καιρὸς τούτοις οἷος ἐπὶ τῶν ὀρνίθων. τοῦτο δὲ συμβέβηκεν εὐλόγως· ὅταν γὰρ τὸ λευκὸν ἀφωρισμένον ᾖ καὶ τὸ ὠχρὸν ἀπ´ ἀλλήλων, ἔχει ἤδη τὴν ἀπὸ τοῦ ἄρρενος ἀρχήν (ταύτην γὰρ συμβάλλεται τὸ ἄρρεν). τὰ μὲν οὖν ὑπηνέμια λαμβάνει τὴν γένωσιν μέχρι τοῦ ἐνδεχομένου αὐτοῖς· τελεωθῆναι μὲν γὰρ εἰς ζῷον ἀδύνατον (δεῖ γὰρ αἰσθήσεως), τὴν δὲ θρεπτικὴν δύναμιν τῆς ψυχῆς ἔχει καὶ τὰ θήλεα καὶ τὰ ἄρρενα καὶ πάντα τὰ ζῶντα, καθάπερ εἴρηται πολλάκις· διόπερ αὐτὸ τὸ ᾠὸν ὡς μὲν φυτοῦ κύημα τέλειόν ἐστιν, ὡς δὲ ζῴου ἀτελές. 6 εἰ μὲν οὖν μὴ ἐνῆν ἄρρεν ἐν τῷ γένει αὐτῶν, ἐγίγνετ´ ἂν ὥσπερ καὶ ἐπί τ〈ιν〉ων ἰχθύων—εἴπερ ἔστι τι τοιοῦτον γένος οἷον ἄνευ ἄρρενος γεννᾶν· εἴρηται δὲ περὶ αὐτῶν καὶ πρότερον ὅτι οὔ πω ὦπται ἱκανῶς—νῦν δ´ ἐστὶν ἐν πᾶσι τοῖς ὄρνισι τὸ μὲν θῆλυ τὸ δ´ ἄρρεν, ὥσθ´ ᾗ μὲν φυτὸν τετελέωκεν (διόπερ οὐ μεταβάλλει πάλιν μετὰ τὴν ὀχείαν) ᾗ δ´ οὐ φυτὸν οὐ τετελέωκεν, οὐδ´ ἀποβαίνει ἐξ αὐτοῦ ἕτερον οὐθέν· οὔτε γὰρ ὡς φυτὸν ἁπλῶς οὔθ´ ὡς ζῷον ἐκ συνδυασμοῦ γέγονεν. τὰ δ´ ἐξ ὀχείας μὲν γενόμενα ᾠὰ διακεκριμένα δ´ εἰς τὸ λευκὸν γίγνεται κατὰ τὸ πρῶτον ὀχεῦσαν· ἔχει γὰρ ἀμφοτέρας ἤδη τὰς ἀρχάς. |
1 Pour ce qui regarde la génération des poissons, on peut se demander comment il se fait que, dans les sélaciens, on ne voit jamais les femelles produire leurs embryons, ni les mâles répandre leur laite, tandis que, pour les poissons qui ne sont pas vivipares, on voit les femelles pondre leurs œufs et les mâles répandre leur semence dessus. A cette question, on peut répondre que cela tient à ce que l'espèce des sélaciens n'est pas du tout féconde en sperme, et a ce que les femelles ont leurs matrices près du diaphragme; car, les sélaciens mâles diffèrent des autres mâles tout aussi bien que les sélaciens femelles diffèrent des autres femelles. 2 Les sélaciens sont pourvus de très peu de semence spermatique ; au contraire, chez les poissons ovipares les maies répandent leur laite en abondance, de même que les femelles pondent une énorme quantité d'œufs, parce que les mules ont plus de laite qu'il n'en faut pour la fécondation. C'est que la Nature veut employer la laite à hâter la croissance des œufs pondus par la femelle, plutôt qu'à les constituer dès l'origine. 3 Nous pouvons répéter, comme nous l'avons déjà dit, et comme nous le disions encore tout à l'heure, que chez les oiseaux les œufs se complètent en dedans, et que, chez les poissons, ils s'achèvent au dehors. Chez eux aussi, c'est en quelque sorte le travail qui se fait dans la larve; et même les animaux larvipares produisent leur progéniture encore plus informe. Mais, dans les œufs des oiseaux et dans ceux des poissons, c'est également le mâle qui les parfait et les achève. Seulement, chez les oiseaux, c'est à l'intérieur que le fait se passe; car c'est bien intérieurement que l'œuf se complète, tandis que chez les poissons, c'est au dehors, parce que c'est extérieurement que les œufs sont rejetés dans un état imparfait; mais, dans ces conditions, c'est, au fond, de part et d'autre le même phénomène. 4 Ainsi, les œufs clairs des oiseaux deviennent féconds ; et ceux qui ont été cochés antérieurement par des mâles d'une autre espèce, changent de nature, pour prendre celle du maie qui a coché le dernier. Même les œufs ordinaires qui n'ont pas pu croître, parce que la première copulation a été insuffisante, s'ils sont cochés de nouveau, reprennent très rapidement toute leur croissance. Cette transformation ne se produit pas d'ailleurs à toute époque du développement des œufs, mais seulement quand la copulation a lieu avant que le blanc ne se soit séparé du jaune. 5 Rien de pareil à ceci ne se passe pour les œufs des poissons; mais les maies se hâtent de répandre leur laite pour les sauver en les fécondant. C'est que les œufs de poissons ne sont pas de deux couleurs. Il n'y a donc pas pour ces œufs un temps fixe, comme pour les œufs d'oiseaux. La raison comprend ceci sans peine. Quand le blanc est séparé du jaune et qu'ils sont isolés l'un de l'autre, l'œuf a déjà reçu le principe qui vient du mâle ; car c'est là ce qui est la part du mâle dans l'acte de la génération. Quant aux œufs clairs, ils reçoivent tout le développement de génération qu'ils peuvent prendre; mais il est bien impossible qu'ils arrivent à former un animal complet ; car il faudrait pour cela qu'ils eussent la sensibilité. Or les femelles, ainsi que tous les êtres vivants, comme on l'a déjà dit bien souvent, n'ont à donner que la faculté nutritive de Pâme; et alors, l'œuf que la femelle produit est complet en tant que germe végétatif, mais, en tant que germe d'animal, il est incomplet. 6 S'il n'y avait pas de mâle dans la classe des oiseaux, il leur arriverait ce qui arrive chez les poissons, si toutefois la génération peut se faire dans une de leurs espèces quelconque sans l'intervention du mâle. Mais nous avons déjà antérieurement rappelé que le fait n'avait pas été encore suffisamment observé. Dans l'état actuel des choses, il y a pour toutes les espèces d'oiseaux une femelle et un mâle, de telle sorte que la femelle achève l'œuf en tant que plante ; et sous ce rapport, il ne change pas après la copulation; mais en tant que l'œuf n'est pas plante, la femelle ne peut le parfaire ; et il ne sort jamais de la femelle un autre être vivant; car ce n'est pas d'une plante, absolument parlant, qu'il est venu, et ce n'est pas non plus tout à fait d'un animal par accouplement. Quant aux œufs qui résultent de copulation, et où le blanc s'est déjà sépare du jaune, ils se modèlent sur le mâle qui a coché le premier; car ces œufs-là possèdent dès lors les deux principes. |
§ 1. Dans les sélaciens. Voir plus haut, ch. v, § 2 et § 3. Il faut louer Aristote de donner tant d'attention aux sélaciens, dont l'organisation est en effet très spéciale, comme les naturalistes modernes l'ont également reconnu. — On ne voit jamais les femelles... Il est bien probable que c'était faute d'observations suffisantes. — Qui ne sont pas vivipares. C'est là la vraie raison ; et les poissons ovipares sont de beaucoup les plus nombreux. — N'est pas du tout féconde. Ainsi que toutes les espèces vivipares, qui généralement font peu de petits. — Les sélaciens mâles... les sélaciens femelles. Le texte n'est pas aussi précis. § 2. De très peu de semence spermatique. Répétition de ce qui vient d'être dit, au paragraphe précédent. — Chez les poissons ovipares. C'est-à-dire, la presque totalité des poissons. — Ont plus de laite qu'il n'en faut. De même que les femelles ont une énorme quantité d'œufs, qui n'arrivent pas tous à éclosion. — C'est que la Nature... L'explication n'est peut-être pas très satisfaisante; il est bien clair qu'ici comme partout la nature a un but; mais quel est précisément ce but? § 3. Comme nous l'avons déjà dit. Voir plus haut, ch. v, § 5, et passim. — Les œufs se complètent en dedans. En effet, quand l'œuf est sorti, il est complet, en ce sens que le poussin y est renfermé avec les aliments nécessaires, et qu'il ne faut plus que l'incubation. — Chez eux aussi... Ceci se rapporte-t-il aux oiseaux ou aux poissons? Le texte est indécis; je crois, pour ma part, qu'il s'agit plutôt des oiseaux; car l'œuf qu'ils font ressemble plus à une larve que celui des poissons, puisque cet œuf se suffit à lui-même, comme la larve. Quelques traducteurs ont cru au contraire qu'il s'agissait des poissons plutôt que des oiseaux. — C'est également le mâle. C'est vrai pour les deux genres ; mais il y a de grandes différences dans la manière dont le mâle intervient. — Seulement. Cette réserve nécessaire est considérable. — Mais dans ces conditions. Qui sont très diverses sous certains rapports. — Le même phénomène. En ce sens uniquement que, de part et d'autre, il faut la coopération des deux sexes. § 4 Ainsi les œufs clairs. On peut dire que tous les œufs sont clairs avant d'être cochés ; mais on entend ordinairement par œufs clairs ceux qui sont sortis de la mère sans avoir été cochés, tandis qu'une fois cochés dans son intérieur, ils deviennent féconds. Voir sur les œufs clairs l'Histoire des Animaux, liv. VI, ch. ii, §§ 6 et suiv. — Changent de nature. Je ne sais pas si la science moderne a vérifié tous ces faits; il semble qu'Aristote les a bien observés, à la manière dont il en parle. — Reprennent très rapidement toute leur croissance. Même remarque. Le fait est très vraisemblable; mais des observations nouvelles pourraient le certifier. — Avant que le blanc ne se soit séparé du jaune. Ma traduction est plus précise que le texte. § 5. Rien de pareil.., Ceci semble contredire en partie ce qui a été dit plus haut, ch. iii, S 8, sur les ressemblances des poissons et des oiseaux, en ce qui est relatif aux œufs. — Se hâtent de répandre leur laite. Voir plus haut, ch. v, § 1. — C'est que les œufs de poissons... L'argument ne paraît pas très bon ; ou du moins, il semble qu'il manque ici quelque idée intermédiaire. L'auteur veut dire sans doute que, les œufs de poissons ne contenant pas de jaune, ie jeune ne peut pas s'y nourrir, comme dans les oiseaux, pendant un temps fixe. — La raison comprend ceci... C'est le rôle de la raison d'essayer de comprendre les faits, que les sens nous révèlent par l'observation. — Le principe qui vient du mâle. Ce principe n'est autre que la vie, se manifestant par la sensibilité. — Quant aux œufs clairs. Conçus par la femelle sans l'intervention du mâle. — Comme on l'a déjà dit bien souvent. Voir plus haut, liv. I, ch. xv, 1 et suiv. ; et aussi § 10; liv. II, ch. ii. — Germe végétatif. Cette vue est profonde; et aujourd'hui on ne saurait mieux dire. — En tant que germe d'animal, il est incomplet. Car, il n'a pas la vie et il ne peut la transmettre. § 6. Il leur arriverait... C'est une simple hypothèse ; car/Aris-tote ne croit pas qu'il y ait une seule espèce de poissons où il n'y ait pas de mâle; voir plus haut, ch. v, § 6; mais il se trompe en ce qu'il y a quelques espèces de poissons hermaphrodites. — Si toutefois. Cette réserve prouve qu'Aristote en doute, sans d'ailleurs pouvoir affirmer le contraire. — Antérieurement. Plus haut. ch. v, § 4, Àristote, en réfutant les naturalistes qui prétendaient que tous les poissons sont femelles, a dit que leur erreur ne venait <jue d'une insuffisante observation des faits. — Achève l'œuf en tant que plante. C'est ce qui vient d être dit à la fin du paragraphe précédent. — N'est pas plante. J'ai conservé cette formule, bien qu'elle soit un peu étrange. Cela revient à dire que le principe essentiel de la vie ne se trouve pas dans la femelle, et qu'il vient uniquement du mâle. — Un autre être vivant. J'ai ajouté l'adjectif. Il ne sort pas davantage du mâle seul, qui a besoin de la femelle autant que la femelle a besoin de lui. — Ce n'est pas d'une plante. Ou, d'un végétal. — D un animal par accouplement. Il serait difficile d'expliquer ces faits avec plus de netteté et de concision. — Qui résultent de copulation. Ce sont les œufs ordinaires. — Les deux principes. La matière donnée par la femelle, et la vie transmise par le mâle. |