Aristote : Génération des animaux

ARISTOTE

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

ΑΡΙΣΤΟΤΕΛΟΥΣ ΠΕΡΙ ΖΩΙΩΝ ΓΕΝΕΣΕΩΣ Γ

LIVRE III. CHAPITRE IV.

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TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

LIVRE TROISIEME

 

 

 

 

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CHAPITRE IV

Des œufs des poisons, et des causes de leur petitesse et de leur quantité prodigieuse; le développement de l'œuf est une sorte de fermentation intérieure; les œufs des poissons, s'ils étaient plus gros, ne pourraient tenir dans la matrice; exemple de poissons crevant à cause de leurs œufs trop gros.

1 Περὶ μὲν οὖν τῶν ἐν αὑτοῖς μὲν ᾠοτοκούντων τέλειον ᾠὸν θύραζε δὲ ζῳοτοκούντων τούτου ἔχει τὸν τρόπον ἡ γένεσις, οἱ δὲ πλεῖστοι τῶν ἄλλων ἰχθύων ἐκτὸς ᾠοτοκοῦσιν, ἀτελὲς δ´ ᾠὸν πάντες πλὴν βατράχου· περὶ δὲ τούτου τὸ αἴτιον εἴρηται πρότερον. Εἴρηται δὲ καὶ περὶ τῶν ἀτελῆ τικτόντων τὸ αἴτιον. 2 Ἡ δὲ γένεσις καὶ τούτων ἡ μὲν ἐκ τοῦ ᾠοῦ τὸν αὐτὸν ἔχει τρόπον ὅνπερ καὶ τῶν σελαχῶν τῶν ἐντὸς ᾠοτοκούντων, πλὴν ἥ γ´ αὔξησις ταχεῖα καὶ ἐκ μικρῶν καὶ τὸ ἔσχατον τοῦ ᾠοῦ σκληρότερον. δὲ τοῦ ᾠοῦ αὔξησις ὁμοία τοῖς σκώληξίν ἐστιν· καὶ γὰρ τὰ σκωληκοτοκοῦντα τῶν ζῴων μικρὸν ἀποτίκτει τὸ πρῶτον, τοῦτο δ´ αὐξάνεται δι´ αὑτοῦ καὶ οὐ διὰ πρόσφυσιν οὐδεμίαν. 3 Τὸ δ´ αἴτιον παραπλήσιον ὅπερ ἐπὶ τῆς ζύμης· καὶ γὰρ ἡ ζύμη ἐκ μικρᾶς μεγάλη γίγνεται τοῦ μὲν στερεωτέρου ὑγραινομένου τοῦ δ´ ὑγροῦ πνευματουμένου. Δημιουργεῖ δὲ τοῦτο ἡ τοῦ ψυχικοῦ θερμοῦ φύσις ἐν τοῖς ζῴοις, ἐν δὲ ταῖς ζύμαις ἡ τοῦ χυμοῦ τοῦ συγκραθέντος θερμότης. Αὐξάνεται μὲν οὖν τὰ ᾠὰ ἐξ ἀνάγκης μὲν διὰ ταύτην τὴν αἰτίαν (ἔχει γὰρ περίττωμα ζυμῶδες), χάριν δὲ τοῦ βελτίονος· 4 ἐν ταῖς ὑστέραις γὰρ ἀδύνατον αὐτοῖς λαμβάνειν ὅλην τὴν αὔξησιν διὰ τὴν τῶν ζῴων πολυτοκίαν τούτων. Διὰ τοῦτο γὰρ καὶ μικρὰ πάμπαν ἀποκρίνεται καὶ ταχεῖαν λαμβάνει τὴν αὔξησιν, μικρὰ μὲν διὰ τὸ στενοχωρῆ τὴν ὑστέραν εἶναι πρὸς τὸ πλῆθος τῶν ᾠῶν, ταχὺ δ´ ὅπως μὴ χρονιζόντων ἐν τῇ γενέσει περὶ τὴν αὔξησιν φθείρηται τὸ γένος, ἐπεὶ καὶ νῦν τὰ πολλὰ φθείρεται τῶν ἐκτικτομένων κυημάτων. Διόπερ πολύγονόν ἐστι τὸ γένος τὸ τῶν ἰχθύων· ἀναμάχεται γὰρ ἡ φύσις τῷ πλήθει τὴν φθοράν. Εἰσὶ δέ τινες οἳ διαρρήγνυνται τῶν ἰχθύων, οἷον ἡ καλουμένη βελόνη, διὰ τὸ μέγεθος τῶν ᾠῶν· αὕτη γὰρ ἀντὶ τοῦ πολλὰ μεγάλα τὰ κυήματα ἴσχει· τοῦ γὰρ πλήθους ἡ φύσις ἀφελοῦσα προσέθηκε πρὸς τὸ μέγεθος.

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1 La génération a donc lieu comme on vient de le dire chez les poissons qui font d'abord en eux-mêmes un œuf complet, et qui ensuite produisent un petit vivant; mais presque tous les autres poissons font leur œuf au dehors ; et tous ils le font incomplet, a l'exception de la grenouille de mer. Nous venons d'expliquer la cause de cette exception, en même temps que nous avons expliqué aussi comment il se fait que les poissons pondent des œufs incomplets. 2 Leur génération, en tant que venant de l'œuf, a lieu encore pour eux de la même manière que pour les sélaciens, qui font des œufs à Y intérieur, si ce n'est que leur croissance est très rapide et qu'elle part d'une extrême petitesse; si ce n'est aussi que le bout de l'œuf est plus dur. Quant à la croissance de l'œuf, elle est tout à fait la même dans les larves. Ainsi, les animaux qui font des larves produisent un embryon d'abord très petit ; puis, cet embryon s'accroît par lui-même, et sans rien emprunter au dehors. 3 La cause de ce phénomène est à peu près pareille à celle qui produit l'ébullition. L'ébullition grossit beaucoup la masse du liquide qui est d'abord plus petite ; le plus solide de cette masse se liquéfie, et le liquide se vaporise. Dans les animaux, la chaleur de l'âme produit naturellement cet effet, tandis que, dans l'ébullition, cet effet est du à la chaleur particulière du suc qui a été mêlé au liquide. C'est donc par cette même cause que les œufs grossissent nécessairement, puisqu'ils ont une excrétion et un résidu qui fermente ; mais outre la nécessité, c'est encore en vue du mieux que le phénomène se produit. 4 Car, il est impossible que les œufs prennent leur développement total dans les matrices, par suite de l'excessive fécondité des poissons. C'est là ce qui fait que les œufs se détachent, bien qu'en étant d'abord tout petits, et qu'ils prennent ensuite une rapide croissance. Si d'abord, ils sont si petits, c'est que la matrice est très étroite pour l'énorme quantité des œufs ; et une fois dehors, ils se développent très vite, afin que, ne s'attardant pas à sortir et à croître, la race entière ne périsse pas, puisque, même dans les conditions actuelles, la plupart des embryons qui sont produits par les poissons viennent a se perdre. La race des poissons étant extrêmement féconde, la Nature combat les chances de perte par le nombre. Il y a même des poissons qui, comme celui qu'on appelle l'aiguille, crèvent par la grosseur de leurs œufs; celui-là, au lieu d'en avoir beaucoup, en a de très gros; et ici la Nature compense par la grosseur ce qu'elle enlève à la quantité.

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§ 1. Comme on vient de le dire. Dans le chapitre précédent, §î$ 3 et suiv.

Qui font d'abord... un œuf complet. Ce sont les sélaciens; voir plus haut, ch. iii, § 1. Les sélaciens sont cartilagineux ou chondroptérygiens ; ils se distinguent par la structure de leurs branchies et par leur mode de reproduction; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 815, trad. franc. L'organisation spéciale des sélaciens mérite l'attention qu'Aristote y a toujours donnée, soit dans ce traité, soit dans l'Histoire des Animaux, passim.

A l'exception de la grenouille de mer. Voir plus haut, ch. iii §2, où cette exception est déjà signalée.

Nous venons d'expliquer. Id, ibid.

Des œufs incomplets. C'est-à-dire que les œufs déposés au dehors par la femelle doivent être complétés et fécondés par la laite du mâle.

§ 2. De la même manière que pour les sélaciens. A première vue, ceci semble contredire ce qui précède; mais il ne s'agit ici que de l'évolution de l'œuf, qui se passe dans l'intérieur de l'animal.

Leur croissance est très rapide. Ceci s'applique aux jeunes poissons qui sortent de l'œuf; les œufs sont très petits tout d'abord, et l'être qui en sort prend très vite un développement considérable.

Le bout de l'œuf est plus dur. La zoologie moderne a constaté aussi que les œufs de certains sélaciens sont entourés d'une coque assez ferme, qui a la consistance du parchemin, et qui est quadrilatère; à chacun des angles, il se trouve un appendice corné qui sert à fixer les œufs sur les plantes marines; voir M. Claus, Zoologie descriptive, p. 815.

Dans les larves. On sait qu'Aristote fait une classe à part des animaux qu'il appelle larvipares, à côté des vivipares et des ovipares. Voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. iv, § 3. La larve se confond quelquefois avec le ver,

Sans emprunter au dehors. Ceci ne se comprend pas très bien, puisque les embryons des vivipares empruntent aussi leur nourriture au dedans ; mais c'est à leur mère qu'ils l'empruntent, tandis que les larvi-pares la trouvent en eux-mêmes.

§ 3. A celle qui produit l'ébullition. La comparaison n'est pas très juste, en ce que dans l'ébullition le feu est placé en dehors du liquide, tandis qu'ici le feu, ou plutôt la chaleur animale, est entièrement à l'intérieur, comme l'auteur lui-même le remarque.

La chaleur de l'âme. On pourrait traduire encore : " la chaleur vitale " ; mais j'ai cru devoir conserver la formule du texte. Il est certain d'ailleurs que, dans le Traité de l'Ame, Aristote étudie le principe vital, depuis la plante jusqu'à l'homme, beaucoup plus qu'il n'étudie l'âme proprement dite.

Du suc. On pourrait traduire aussi : " du levain ". Mais ce qui a été mêlé au liquide dans l'ébullition, c'est uniquement la chaleur du feu.

Nécessairement. Par opposition à l'idée du mieux, à laquelle revient Aristote,

Une excrétion et un résidu. Il n'y a qu'un seul mot dans le texte.

Qui fermente. Ou : « qui bout ".

En vue du mieux. C'est la doctrine de l'optimisme, qu'Aristote a professée un des premiers.

§ 4. Il est impossible... L'explication est excellente, et on peut même ajouter qu'elle est de toute évidence.

Des poissons. Le texte n'a qu'un pronom indéterminé; mais il ne peut y avoir de doute sur le sens.

Les œufs. Ou : " les poissons ".

La matrice est très étroite. Le fait est parfaitement observé.

La race entière ne périsse pas. Cette explication est également fort acceptable, comme les précédentes.

La plupart des embryons. Cette observation est exacte, et il est très facile de la constater.

La Nature combat... Il n'est pas possible de méconnaître en ceci l'intention de la Nature et de la Providence.

L'aiguille... Le même fait est rapporté dans l'Histoire des Animaux, liv. VI, ch. xvi, § 8, p. 334, de ma traduction. D'ailleurs, Aristote attribue cet accident à d'autres poissons encore que l'aiguille; voir MM. Aubert et Wimmer, édition et traduction, p. 31, n° 56, sur ces observations, qui sont fort intéressantes.

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