Aristote : Génération des animaux

ARISTOTE

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

ΑΡΙΣΤΟΤΕΛΟΥΣ ΠΕΡΙ ΖΩΙΩΝ ΓΕΝΕΣΕΩΣ Α

LIVRE I CHAPITRE X.

livre I chapitre IX - livre I chapitre XI
 

 

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

LIVRE PREMIER

 

 

 

 

précédent

CHAPITRE X

Du sperme et du lait, l'un et l'autre étant des parties similaires : tous les animaux qui ont du sang ont du sperme ; incertitudes pour les insectes et les mollusques ; part de la femelle dans l'acte de l'accouplement ; questions diverses à se poser sur le concours des deux sexes dans l'acte générateur ; question de savoir si le sperme vient de toutes les parties du corps ; quatre arguments en faveur de l'affirmative.

1 Τὰ μὲν οὖν περὶ τὴν γένεσιν ὄργανα τοῖς ζῴοις περὶ ὧν οὐκ ἐλέχθη πρότερον, τοῦτον ἔχει τὸν τρόπον· τῶν δ´ ὁμοιομερῶν ἀπελείφθη περὶ γονῆς καὶ γάλακτος, περὶ ὧν καιρός ἐστιν εἰπεῖν, περὶ μὲν γονῆς ἤδη περὶ δὲ γάλακτος ἐν τοῖς ἐχομένοις.

2 Τὰ μὲν γὰρ προΐεται φανερῶς σπέρμα τῶν ζῴων οἷον ὅσα αὐτῶν ἔναιμα τὴν φύσιν ἐστί, τὰ δ´ ἔντομα καὶ τὰ μαλάκια ποτέρως ἄδηλον. Ὥστε τοῦτο θεωρητέον πότερον πάντα προΐεται σπέρμα τὰ ἄρρενα ἢ οὐ πάντα, καὶ εἰ μὴ πάντα, διὰ τίν´ αἰτίαν τὰ μὲν τὰ δ´ οὔ· 3 καὶ τὰ θήλεα δὲ πότερον συμβάλλεται σπέρμα τι ἢ οὔ, καὶ εἰ μὴ σπέρμα, πότερον οὐδ´ ἄλλο οὐθέν, ἢ συμβάλλεται [722a] μέν τι, οὐ σπέρμα δέ. 4 Ἔτι δὲ καὶ τὰ προϊέμενα σπέρμα τί συμβάλλεται διὰ τοῦ σπέρματος πρὸς τὴν γένεσιν σκεπτέον καὶ ὅλως τίς ἐστιν ἡ τοῦ σπέρματος φύσις καὶ ἡ τῶν καλουμένων καταμηνίων, ὅσα ταύτην τὴν ὑγρότητα προΐεται τῶν ζῴων. 5 Δοκεῖ δὲ πάντα γίγνεσθαι ἐκ σπέρματος, τὸ δὲ σπέρμα ἐκ τῶν γεννώντων. Διὸ τοῦ αὐτοῦ λόγου ἐστὶ πότερον καὶ τὸ θῆλυ καὶ τὸ ἄρρεν προΐενται ἄμφω ἢ θάτερον μόνον, καὶ πότερον ἀπὸ παντὸς ἀπέρχεται τοῦ σώματος ἢ οὐκ ἀπὸ παντός· εὔλογον γὰρ εἰ μὴ ἀπὸ παντός, μηδ´ ἀπ´ ἀμφοτέρων τῶν γεννώντων.

6 Διόπερ ἐπισκεπτέον, ἐπειδή φασί τινες ἀπὸ παντὸς ἀπιέναι τοῦ σώματος, περὶ τούτου πῶς ἔχει πρῶτον. Ἔστι δὲ σχεδὸν οἷς ἄν τις χρήσαιτο τεκμηρίοις, [ὡς ἀφ´ ἑκάστου τῶν μορίων ἀπιόντος τοῦ σπέρματος] τέτταρα, πρῶτον μὲν ἡ σφοδρότης τῆς ἡδονῆς· μᾶλλον γὰρ ἡδὺ πλέον ταὐτὸ γιγνόμενον πάθος, πλέον δὲ τὸ πᾶσι τοῖς μορίοις ἢ τὸ ἑνὶ ἢ ὀλίγοις συμβαῖνον αὐτῶν. Ἔτι τὸ ἐκ κολοβῶν κολοβὰ γίγνεσθαι· διὰ μὲν γὰρ τὸ τοῦ μορίου ἐνδεὲς εἶναι οὐ βαδίζειν σπέρμα ἐντεῦθέν φασιν, ὅθεν δ´ ἂν μὴ ἔλθῃ τοῦτο συμβαίνειν μὴ γίγνεσθαι. Πρὸς δὲ τούτοις αἱ ὁμοιότητες πρὸς τοὺς γεννήσαντας· γίγνονται γὰρ ἐοικότες ὥσπερ καὶ ὅλον τὸ σῶμα καὶ μόρια μορίοις· εἴπερ οὖν καὶ τῷ ὅλῳ αἴτιον τῆς ὁμοιότητος τὸ ἀφ´ ὅλου ἐλθεῖν τὸ σπέρμα, καὶ τοῖς μορίοις αἴτιον ἂν εἴη τὸ ἀφ´ ἑκάστου τι τῶν μορίων ἐλθεῖν. Ἔτι δὲ καὶ εὔλογον ἂν εἶναι δόξειεν, ὥσπερ καὶ τοῦ ὅλου ἐστί τι ἐξ οὗ γίγνεται πρῶτον οὕτω καὶ τῶν μορίων ἑκάστου, ὥστ´ εἰ ἐκείνου σπέρμα καὶ τῶν μορίων ἑκάστου εἴη ἄν τι σπέρμα ἴδιον.

7 Πιθανὰ δὲ καὶ τὰ τοιαῦτα μαρτύρια ταύταις ταῖς δόξαις· οὐ γὰρ μόνον τὰ σύμφυτα προσεοικότες γίγνονται τοῖς γονεῦσιν οἱ παῖδες ἀλλὰ καὶ τὰ ἐπίκτητα· οὐλάς τε γὰρ ἐχόντων τῶν γεννησάντων ἤδη τινὲς ἔσχον ἐν τοῖς αὐτοῖς τόποις τῶν ἐκγόνων τὸν τύπον τῆς οὐλῆς, καὶ στίγμα ἔχοντος ἐν τῷ βραχίονι τοῦ πατρὸς ἐπεσήμηνεν ἐν Χαλκηδόνι τῷ τέκνῳ συγκεχυμένον μέντοι καὶ οὐ διηρθρωμένον τὸ γράμμα.

suivant

 

 

1 On vient de voir quels sont les organes de la génération chez les animaux dont il n'avait pas été question antérieurement; mais nous avions aussi laissé de coté, parmi les éléments similaires, la liqueur séminale et le lait. Le moment est venu de nous en occuper; nous traiterons dès maintenant de la semence, nous réservant d'en venir plus tard à étudier le lait.

2 Il est bien certain que tous les animaux auxquels la nature a donné du sang, émettent du sperme ; mais on ne sait pas précisément ce qu'il en est pour les insectes et pour les mollusques. Par conséquent, il faut rechercher si tous les mâles émettent ou n'émettent pas de liqueur séminale. Si tous sans distinction n'en émettent pas, il faut se demander pourquoi les uns en émettent, et pourquoi les autres n'en émettent point. 3 Il y aura en outre à rechercher si les femelles émettent ou n'émettent pas de liqueur séminale; et si elles n'émettent pas de sperme ni rien qui y ressemble, en quoi elles concourent à la génération, en y apportant quelque chose [722a] qui n'est pas cependant spermatique. 4 Une autre question qu'il faudra étudier également, c'est de savoir quel concours les animaux qui émettent de la liqueur séminale apportent, par celte liqueur, dans la génération ; et crime manière générale, il faudra se rendre compte de la nature du sperme et de la nature particulière de ce qu'on appelle les menstrues, dans toutes les espèces d'animaux qui émettent ces liquides. 5 Comme il paraît bien que tous les animaux viennent de sperme, et comme les spermes viennent toujours des parents, c'est une même question de savoir si la femelle et le mâle émettent l'un et l'autre de la semence, ou s'il n'y a que l'un des deux qui en émette, et si le sperme vient de toutes les parties du corps, ou s'il ne vient pas de toutes ces parties. S'il ne vient pas du corps tout entier, la raison nous porte à croire qu'il ne vient pas non plus des deux parents à la fois.

6 Quelques naturalistes ayant prétendu que le sperme vient de toutes les parties du corps indistinctement, il faut examiner ce premier point avant les autres. Ici, il n'y a guère que quatre arguments à invoquer en faveur de cette théorie. En premier lieu, on allègue la violence du plaisir. La même sensation de plaisir est d'autant plus vive qu'elle est plus étendue ; et elle est d'autant plus étendue qu'elle se produit, non dans une seule partie ou dans quelques parties isolément, mais dans toutes sans exception. Un second argument, c'est que, de parents contrefaits, naissent des jeunes contrefaits. On suppose que le sperme ne peut pas venir de la partie qui est défectueuse, et qu'alors la partie d'où il n'en vient pas ne peut pas se reproduire. In autre argument se lire de la ressemblance des jeunes à leurs parents; car tantôt c'est par leurs corps entiers qu'ils ressemblent à leurs auteurs, ou bien ce sont simplement des parties qui ressemblent à des parties. Si c'est parce que le sperme vient du corps entier que le corps tout entier est ressemblant, il faut en conclure que c'est parce, qu'il vient aussi quoique chose de chacune des parties que les parties se ressemblent. Enfin, il paraît également rationnel de croire que, s'il y a quelque chose d'où vient primitivement le tout, il doit venir aussi quelque chose de chacune des parties, de telle sorte  que, s'il y a du sperme pour le corps entier, il doit y avoir également un sperme particulier pour chacune des parties qui le composent.

7 On apporte encore d'autres preuves à l'appui de cette doctrine ; et ces preuves sont assez fortes. Ainsi, les enfants ressemblent à leurs parents, non seulement pour des choses congéniales, mais pour des choses tout à fait accidentelles. Les parents ayant des cicatrices, par exemple, on a vu de leurs enfants avoir la marque de la cicatrice dans les mêmes endroits du corps. A Chalcédoine, on a vu un père qui s'était fait tracer une lettre sur le bras, avoir un enfant chez qui la lettre s'était reproduite, quoique un peu confuse et un peu irrégulière.

suivant

§ 1. Dont il n'avait pas été question antérieurement. Il semble que ceci se rapporte aux crustacés, aux mollusques et aux insectes, dont il n'a été parlé qu'après les autres animaux; mais peut-être faut-il rapporter cette phrase aux organes, et non point aux animaux mêmes.

Les éléments similaires. Voir l'Histoire des Animaux, liv. I, ch. i, §§ 1 et suiv.

Plus tard. Voir plus loin, liv. IV, ch. viii. L'étude consacrée au lait ne tiendra pas à beaucoup près autant de place que celle du sperme.

§ 2. Pour les insectes et pour les mollusques. On ne peut pas douter que ces deux ordres d'animaux liaient de la liqueur séminale, puisqu'ils ont tous les organes propres à la sécréter et à remployer ; mais l'observation sur les petits animaux est très difficile; et voilà comment Aristote doit avouer son ignorance sur cet obscur sujet.

Si tous les mâles. A cet égard. il semble que l'affirmation est évidente. La fonction propre fin mâle est l'émission de la liqueur fécondante.

§ 3. Il y aura, en outre, à rechercher. On peut voir avec quelle attention Aristote divise les questions qu'il se propose de traiter.

Les femelles... C'est encore une question pour la science moderne, comme c'en était une pour l'Antiquité.

Elles concourent à la génération. Bien que tous les phénomènes soient aujourd'hui mieux connus que jamais, il nous reste encore bien des choses à apprendre, sur les rapports des deux sexes dans la génération, et sur la part qu'y ont chacun d'eux.

§ 4. Une autre question. Cette question nouvelle a beaucoup de ressemblance avec celles qui précèdent ; mais elle concerne les maies plus spécialement.

Apportent 'par cette liqueur. Cette question n'est pas encore absolument résolue.

Du sperme... les menstrues. Pour Aristote, les deux sécrétions ont beaucoup d'analogie, et il insistera souvent sur ce point de vue, qui est très soutenable.

§ 5. Tous les animaux viennent de sperme. Ceci paraît un peu contredire le § 2 ci-dessus.

Viennent toujours des parents. Qui les ont élaborés et qui les émettent à certaine époque de leur vie.

Une même question. L'identité des deux questions n'est peut-être pas aussi forte qu'Aristote semble le croire.

La raison nous porte à croire. L'auteur en appelle à la raison, parce que les phénomènes ne sont pas assez connus, et parce qu'il est très difficile de les bien observer.

§ 6. Quelques naturalistes. Parmi lesquels il faut comprendre Empédocle, comme la suite le prouve.

Vient de toutes les parties du corps. La science moderne ne se pose pas cette question ; et pour elle, le sperme s élabore surtout dans les testicules; mais l'émission de la liqueur séminale a une telle influence, sur l'organisme entier, que l'on comprend très bien comment on s'est posé la question que discute le naturaliste grec.

La violence du plaisir. Ce premier argument n'est peut-être pas très fort; mais l'émotion s'y fait sentir dans le corps entier, par la prostration qui suit toujours l'acte vénérien.

Laissent des jeunes contrefaits. Ce l'ait n'est pas aussi général que le croyaient sans doute les naturalistes qu'Aristote combat : de parents contrefaits, il naît souvent des enfants qui sont très bien faits; et à l'inverse.

 — Un autre argument. C'est le troisième.

Enfin. Quatrième et dernier argument. C'est dans le chapitre suivant que l'auteur réfutera ces théories.

§ 7. D'autres preuves. Aristote n'en cite qu'une seule, qui d'ailleurs est assez forte.

Congéniales... accidentelles. Le fait est, certain: et il a été observé bien des fois, quoique certains zoologistes le contestent. Les mêmes remarques sont déjà consignées dans 1 Histoire des Animaux, liv. VII, ch. vi, § 6.

A Chalcédoine. En face de Byzance, sur le Bosphore, en Bithynie.

La lettre. Ou peut-être, d'une manière plus générale, Un signe quelconque. C'était une sorte de tatouage, usité dès cette époque.

suivant