Aristote : Génération des animaux

ARISTOTE

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

ΑΡΙΣΤΟΤΕΛΟΥΣ ΠΕΡΙ ΖΩΙΩΝ ΓΕΝΕΣΕΩΣ Α

LIVRE I CHAPITRE VI.

livre I chapitre V - livre I chapitre VII
 

 

 

TRAITE DE LA GÉNÉRATION DES ANIMAUX

LIVRE PREMIER

 

 

 

 

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CHAPITRE VI

De l'organisation des poissons et des serpents, en ce qui se rapporte aux testicules ; rapidité de l'accouplement chez les poissons, à cause de la direction toute droite des canaux spermatiques, qui n'ont pas à repasser par des testicules : de l'accouplement particulier des serpents; leur entrelacement est utoe conséquence nécessaire de leur organisation et de leur longueur.

1 Ὅσα δὲ μὴ ἔχει, καθάπερ εἴρηται, διά τε τὸ μὴ εὖ ἀλλὰ τὸ ἀναγκαῖον μόνον οὐκ ἔχει τοῦτο τὸ μόριον, καὶ διὰ τὸ ἀναγκαῖον εἶναι ταχεῖαν γίγνεσθαι τὴν ὀχείαν· τοιαύτη δ´ ἐστὶν ἡ τῶν ἰχθύων φύσις καὶ ἡ τῶν ὄφεων. 2 Οἱ [718b] μὲν γὰρ ἰχθύες ὀχεύονται παραπίπτοντες καὶ ἀπολύονται ταχέως. Ὥσπερ γὰρ ἐπὶ τῶν ἀνθρώπων καὶ πάντων τῶν τοιούτων ἀνάγκη κατασχόντας τὸ πνεῦμα προΐεσθαι τὴν γονήν, τοῦτο δ´ ἐκείνοις συμβαίνει μὴ δεχομένοις τὴν θάλατταν, εἰσὶ δὲ εὔφθαρτοι τοῦτο μὴ ποιοῦντες· οὔκουν δεῖ ἐν τῷ συνδυασμῷ τὸ σπέρμα πέττειν αὐτοὺς ὥσπερ τὰ πεζὰ καὶ ζῳοτόκα, ἀλλ´ ὑπὸ τῆς ὥρας τὸ σπέρμα πεττόμενον ἀθρόον ἔχουσιν ὥστε μὴ ἐν τῷ θιγγάνειν ἀλλήλων πέττειν ἀλλὰ προΐεσθαι πεπεμμένον. 3 Διὸ ὄρχεις οὐκ ἔχουσιν ἀλλ´ εὐθεῖς καὶ ἁπλοῦς τοὺς πόρους, οἷον μικρὸν μόριον τοῖς τετράποσιν ὑπάρχει περὶ τοὺς ὄρχεις· τῆς γὰρ ἐπαναδιπλώσεως τοῦ πόρου τὸ μὲν ἔναιμον μέρος ἐστὶ τὸ δ´ ἄναιμον, ὃ δέχεται 〈τὸ ὑγρὸν〉 καὶ δι´ οὗ ἤδη σπέρμα ὂν πορεύεται, ὥσθ´ ὅταν ἐνταῦθα ἔλθῃ ἡ γονὴ ταχεῖα καὶ τούτοις γίγνεται ἡ ἀπόλυσις. Τοῖς δ´ ἰχθύσι τοιοῦτος ὁ πόρος πᾶς ἐστιν οἷος ἐπὶ τῶν ἀνθρώπων καὶ τῶν τοιούτων ζῴων κατὰ τὸ ἕτερον μέρος τῆς ἐπαναδιπλώσεως.

4 Οἱ δὲ ὄφεις ὀχεύονται περιελιττόμενοι ἀλλήλοις, οὐκ ἔχουσι δ´ ὄρχεις οὐδ´ αἰδοῖον ὥσπερ εἴρηται πρότερον, —αἰδοῖον μὲν ὅτι οὐδὲ σκέλη, ὄρχεις δὲ διὰ τὸ μῆκος—ἀλλὰ πόρους ὥσπερ οἱ ἰχθύες· διὰ γὰρ τὸ εἶναι αὐτῶν προμήκη τὴν φύσιν, εἰ ἔτι ἐπίστασις ἐγίγνετο περὶ τοὺς ὄρχεις ἐψύχετ´ ἂν ἡ γονὴ διὰ τὴν βραδυτῆτα. 5 Ὅπερ συμβαίνει καὶ ἐπὶ τῶν μέγα τὸ αἰδοῖον ἐχόντων· ἀγονώτεροι γάρ εἰσι τῶν μετριαζόντων διὰ τὸ μὴ γόνιμον εἶναι τὸ σπέρμα τὸ ψυχρόν, ψύχεσθαι δὲ τὸ φερόμενον λίαν μακράν. Δι´ ἣν μὲν οὖν αἰτίαν τὰ μὲν ὄρχεις ἔχει τὰ δ´ οὐκ ἔχει τῶν ζῴων εἴρηται. 6 Περιπλέκονται δ´ ἀλλήλοις οἱ ὄφεις διὰ τὴν ἀφυΐαν τῆς παραπτώσεως. Μικρῷ γὰρ προσαρμόττοντες μορίῳ λίαν μακροὶ ὄντες οὐκ εὐσυνάρμοστοί εἰσιν· ἐπεὶ οὖν οὐκ ἔχουσι μόρια οἷς περιλήψονται, ἀντὶ τούτου τῇ ὑγρότητι χρῶνται τοῦ σώματος περιελιττόμενοι ἀλλήλοις. Διὸ καὶ δοκοῦσι βραδύτερον ἀπολύεσθαι τῶν ἰχθύων, οὐ μόνον διὰ τὸ μῆκος τῶν πόρων ἀλλὰ καὶ διὰ τὴν περὶ ταῦτα σκευωρίαν.

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1 Ceux des animaux qui, comme on vient de le dire, n'ont pas de testicules, en sont dépourvus non pas parce que c'est bien qu'ils en soient privés, mais seulement parce qu'il y a nécessité qu'ils n'en aient pas, et parce que leur accouplement doit nécessairement être très rapide. Telle est l'organisation que la Nature a donnée aux poissons et aux serpents. 2 Les [718b] poissons accomplissent la copulation en se frôlant les uns les autres; et ils se séparent presque à l'instant. De même que l'homme et tous les animaux de ce genre, les poissons sont forcés, au moment où ils lancent la liqueur séminale, de retenir leur souffle; mais les poissons ne peu vont retenir leur souffle qu'en cessant de recevoir le liquide; et dès qu'ils ne le reçoivent plus, ils risquent fort de périr. Ils ne peuvent donc pas compléter et cuire le sperme pendant l'accouplement, ainsi que le font les animaux qui marchent et qui sont vivipares; mais comme dans la saison régulière, le sperme est en eux accumulé et tout cuit, ils n'ont pas besoin de le cuire en se touchant mutuellement, et ils le lancent tout cuit. 3 C'est là ce qui fait que les poissons n'ont pas de testicules, et qu'ils n'ont que des canaux tout droits et tout simples; ce qui ne représente qu'une petite partie des testicules chez les quadrupèdes. C'est qu'en effet dans le canal redoublé des quadrupèdes, il y a une partie qui a du sang, et une autre partie qui n'en a pas, laquelle reçoit le sperme, et par où il passe quand il est déjà tout fait, de telle sorte qu'une fois le sperme arrivé a ce point, la séparation est rapide aussi chez ces animaux. Mais, dans les poissons, le canal tout entier, tel que nous venons de le dire, est semblable à ce qu'il est dans la seconde partie du redoublement des conduits chez l'homme et chez les animaux qui sont organisés de la même manière que lui.

4 Les serpents s'accouplent en se roulant l'un autour de l'autre; ils n'ont ni testicules ni verge, ainsi qu'on l'a déjà dit antérieurement. Ils n'ont pas de verge, parce qu'ils n'ont pas de jambes; ils n'ont pas de testicules, à cause de leur longueur; ils n'ont simplement que des canaux dans le genre de ceux des poissons. Comme ils sont de leur nature extrêmement longs, s'il y avait en outre un arrêt dans les testicules, la semence se refroidirait à cause de la lenteur du trajet. 5 C'est là du reste ce qui arrive aussi chez les animaux qui ont une longue verge. Ils sont moins féconds que ceux dont la verge est plus courte, parce que le sperme refroidi ne féconde plus, et qu'il se refroidit en se portant trop loin. On voit donc bien maintenant pourquoi tels animaux ont des testicules, tandis que d'autres n'en ont pas. 6 C'est à cause de l'impossibilité de monter l'un sur l'autre que les serpents s'entrelacent mâle et femelle. Ne pouvant s'unir que par une très petite partie de leur corps, ils sont trop longs pour que leurs mouvements puissent aisément concorder; et comme ils n'ont pas de parties pour se saisir mutuellement, ils y suppléent par la froideur humide de leur corps, en s'entrelaçant l'un l'autre. Il semble d'ailleurs qu'ils se séparent plus lentement que les poissons, non seulement à cause de la longueur de leurs canaux, mais encore par la disposition générale de leur accouplement même.

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§ 1. Comme on vient de le dire. Plus haut, ch. v, § 1, et ch. iv, § 1.

C'est bien... nécessité. Cette opposition est ordinaire dans les théories aristotéliques. La nécessité est de pure hypothèse; c'est-à-dire que la conformation de certains animaux étant donnée, ils ne peuvent pas avoir de testicules, du moins apparents.

Nécessité... nécessairement. Cette répétition est dans le texte.

Très rapide. Ceci s'applique particulièrement aux poissons, comme il sera expliqué tout au long dans les paragraphes suivants,

§ 2. En se frôlant. Le mot du texte exprime un acte plus rapide encore; et il implique en quelque sorte une chute du mâle sur la femelle.

Forces... de retenir leur souffle. La raison peut être ingénieuse; mais le fait est loin d'être certain, et je ne crois pas qu'aucune observation l'ait constaté.

Ils risquent fort de périr. Ceci est de toute évidence; mais la théorie n'en est pas plus juste.

Ils ne peuvent donc pas. La suite du paragraphe prouve qu'il faut ici une négation ; le mot dont se sert le texte pourrait être pris également en un sens affirmatif.

-- Régulière. J'ai ajouté ce mot.

-- En se touchant mutuellement. L'expression dont se sert ici le texte est plus exacte que celle dont il vient de se servir au début de ce §.

Tout cuit. J'ai du conserver les formules du texte, parce quelles tiennent au fond même des théorie^ d'Aristote. La coction signifie seulement ici que la liqueur séminale a subi toutes les élaborations qui doivent la rendre féconde.

§ 3. Des canaux tout droits et tout simples. Ce sont sans doute les canaux qui, dans les poissons, répondent aux canaux déférents dans l'homme.

Une petite partie des testicules. Les testicules des quadrupèdes ont des circonvolutions très nombreuses.

Dans le canal redoublé... Tout ce passage, jusqu'à la fin du §, est très difficile à comprendre, parce qu'il faudrait avoir sous les yeux les préparations anatomiques d'où Aristote a tiré cette description. Mais ce qu'on ne saurait méconnaître, c'est l'effort que fait l'auteur pour rapprocher l'organisation des poissons de celle des quadrupèdes. C'est de l'anatomie comparée déjà fort attentive, si ce n'est très bien informée.

Des quadrupèdes. J'ai ajouté ces mots, qui me semblent indispensables.

Une partie qui a du sang... Il est impossible de savoir nettement quelles sont ces deux parties qu'Aristote veut distinguer ; rien dans l'organisation des testicules ne présente la différence qu'il signale. Leur substance présente beaucoup de vaisseaux remplis de liqueur séminale et entrelacés de vaisseaux sanguins. Ces vaisseaux partent en général de l'épididyme. Des circonvolutions de l'épididyine, part le canal déférent, qui remonte jusqu'à la vésicule séminale; puis, il descend au-dessous et forme le canal éjaculateur. La liqueur séminale entre à ce point dans le canal de l'urètre, venu de la vessie, et elle sort par le gland et le méat urinaire. Cette conformation se répète pour chacun des testicules, dans les animaux où, comme chez l'homme , ces organes sont indépendants et extérieurs. II n'est pas douteux qu'Aristote a du voir les parties principales de cette organisation ; et le redoublement dont il parle ne peut s'appliquer qu'au canal déférent, d'une part, et au canal de l'urètre d'autre part. Il me semble que c'est là la conjecture la plus probable.

La seconde partie du redoublement. C'est sans doute du canal de l'urètre qu'il s'agit; il est lotit droit en effet, sauf quelques inflexions, à partir de la vessie jusqu'à l'extrémité de la verge.

§ 4. Ni testicules, ni verge. C'est une erreur: les reptiles ont des testicules, qui sont cachés dans la cavité abdominale, contre la face inférieure des reins. Quant à la verge, les chéloniens n'en ont qu'une; les sauriens et les ophidiens en ont deux, pour la plupart ; les batraciens en manquent complètement : voir Cuvier. Anatomie comparée, lre édition, tome V, pp. 25 et 113.

Antérieurement. Plus haut, § 1. et ch. iii, § 1.

Parce qu'ils n'ont pas de jambes... à cause de leur longueur. Il n'est pas besoin de faire remarquer l'insuffisance de ces explications.

Que des canaux. Ou pourrait ajouter : « Séminifères ».

La semence se refroidirait. Cette explication ne vaut pas mieux que les précédentes.

§ 5. Qui ont une longue verge. Voir Cuvier, loc. cit., pp. 84 et suiv. La verge de l'éléphant est pliée dans son fourreau, en forme de double S. Celle des ruminants a aussi des replis tout particuliers. Dans le chameau, dans le dromadaire et dans le chat, l'extrémité de la verge est repliée en arrière, et de là vient que ces animaux urinent par derrière; mais dans l'érection, elle se redresse et se porte en avant.

On voit donc bien. La conclusion ne semble pas justifiée par ce qui précède.

§ 6. Impossibilité de monter. Celte raison est excellente.

De parties pour se saisir mutuellement. Ces parties seraient des membres dans le genre de ceux des quadrupèdes, ou ceux de l'homme.

Ils se séparent plus lentement. L'explication est également très exacte. Sur l'accouplement des serpents, voir l'Histoire des Animaux, liv. V, §, 2, de ma traduction. Le mode d'accouplement des reptiles est fort curieux; Aristote a bien fait de s'y arrêter. La science moderne y a donné généralement moins d'attention.

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