Aristote : Premiers analytiques

ARISTOTE

PREMIERS ANALYTIQUES.

LIVRE SECOND.

SECTION TROISIÈME.

RÉDUCTION DE TOUTES LES FORMES DE RAISONNEMENT AU SYLLOGISME.

CHAPITRE XXII.

chapitre XXI - chapitre XXIII

 

 

 

PREMIERS ANALYTIQUES

 

 

 

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PREMIERS ANALYTIQUES.

LIVRE SECOND.

SECTION TROISIÈME.

RÉDUCTION DE TOUTES LES FORMES DE RAISONNEMENT AU SYLLOGISME.

CHAPITRE XXII.

Réciprocité des termes. — Conversion réciproque des propositions par la conversion de la conclusion. — Conversion de la conclusion par la conversion de la majeure. — Conversion de la conclusion par conversion de la mineure, dans divers modes. — Règles diverses. — Exemples à l'appui. 

1 Ὅταν δ´ ἀντιστρέφῃ τὰ ἄκρα, ἀνάγκη καὶ τὸ μέσον ἀντιστρέφειν πρὸς ἄμφω. Εἰ γὰρ τὸ Α κατὰ τοῦ Γ διὰ τοῦ Β ὑπάρχει, εἰ ἀντιστρέφει καὶ ὑπάρχει, ᾧ τὸ Α, παντὶ τὸ Γ, καὶ τὸ Β τῷ Α ἀντιστρέψει καὶ ὑπάρξει, ᾧ τὸ Α, παντὶ τὸ Β διὰ μέσου τοῦ Γ· καὶ τὸ Γ τῷ Β ἀντιστρέψει διὰ μέσου τοῦ Α. 2 Καὶ ἐπὶ τοῦ μὴ ὑπάρχειν ὡσαύτως, οἷον εἰ τὸ Β τῷ Γ ὑπάρχει, τῷ δὲ Β τὸ Α οὐχ ὑπάρχει, οὐδὲ τὸ Α τῷ Γ οὐχ ὑπάρξει. Εἰ δὴ τὸ Β τῷ Α ἀντιστρέφει, καὶ τὸ Γ τῷ Α ἀντιστρέψει. Ἔστω γὰρ τὸ Β μὴ ὑπάρχον τῷ Α· οὐδ´ ἄρα τὸ Γ· παντὶ γὰρ τῷ Γ τὸ Β ὑπῆρχεν. 3 Καὶ εἰ τῷ Β τὸ Γ ἀντιστρέφει, καὶ τὸ Α ἀντιστρέψει· καθ´ οὗ γὰρ ἅπαντος τὸ Β, καὶ τὸ Γ. 4 Καὶ εἰ τὸ Γ 〈καὶ〉 πρὸς τὸ Α ἀντιστρέφει, καὶ τὸ Β ἀντιστρέψει. ᾯ γὰρ τὸ Β,  [68a] τὸ Γ· ᾧ δὲ τὸ Α, τὸ Γ οὐχ ὑπάρχει. Καὶ μόνον τοῦτο ἀπὸ τοῦ συμπεράσματος ἄρχεται, τὰ δ´ ἄλλα οὐχ ὁμοίως καὶ ἐπὶ τοῦ κατηγορικοῦ συλλογισμοῦ.

5 Πάλιν εἰ τὸ Α καὶ τὸ Β ἀντιστρέφει, καὶ τὸ Γ καὶ τὸ Δ ὡσαύτως, ἅπαντι δ´ ἀνάγκη τὸ Α ἢ τὸ Γ ὑπάρχειν, καὶ τὸ Β καὶ Δ οὕτως ἕξει ὥστε παντὶ θάτερον ὑπάρχειν. Ἐπεὶ γὰρ ᾧ τὸ Α, τὸ Β, καὶ ᾧ τὸ Γ, τὸ Δ, παντὶ δὲ τὸ Α ἢ τὸ Γ καὶ οὐχ ἅμα, φανερὸν ὅτι καὶ τὸ Β ἢ τὸ Δ παντὶ καὶ οὐχ ἅμα [οἷον ... γεγονέναι]· δύο γὰρ συλλογισμοὶ σύγκεινται. 6 Πάλιν εἰ παντὶ μὲν τὸ Α ἢ τὸ Β καὶ τὸ Γ ἢ τὸ Δ, ἅμα δὲ μὴ ὑπάρχει, εἰ ἀντιστρέφει τὸ Α καὶ τὸ Γ, καὶ τὸ Β καὶ τὸ Δ ἀντιστρέφει. Εἰ γὰρ τινὶ μὴ ὑπάρχει τὸ Β, ᾧ τὸ Δ, δῆλον ὅτι τὸ Α ὑπάρχει. Εἰ δὲ τὸ Α, καὶ τὸ Γ· ἀντιστρέφει γάρ. Ὥστε ἅμα τὸ Γ καὶ τὸ Δ. Τοῦτο δ´ ἀδύνατον. 〈Οἷον εἰ τὸ ἀγένητον ἄφθαρτον καὶ τὸ ἄφθαρτον ἀγένητον, ἀνάγκη τὸ γενόμενον φθαρτὸν καὶ τὸ φθαρτὸν γεγονέναι〉.

7 Ὅταν δὲ τὸ Α ὅλῳ τῷ Β καὶ τῷ Γ ὑπάρχῃ καὶ μηδενὸς ἄλλου κατηγορῆται, ὑπάρχῃ δὲ καὶ τὸ Β παντὶ τῷ Γ, ἀνάγκη τὸ Α καὶ Β ἀντιστρέφειν· ἐπεὶ γὰρ κατὰ μόνων τῶν Β Γ λέγεται τὸ Α, κατηγορεῖται δὲ τὸ Β καὶ αὐτὸ αὑτοῦ καὶ τοῦ Γ, φανερὸν ὅτι καθ´ ὧν τὸ Α, καὶ τὸ Β λεχθήσεται πάντων πλὴν αὐτοῦ τοῦ Α. 3 Πάλιν ὅταν τὸ Α καὶ τὸ Β ὅλῳ τῷ Γ ὑπάρχῃ, ἀντιστρέφῃ δὲ τὸ Γ τῷ Β, ἀνάγκη τὸ Α παντὶ τῷ Β ὑπάρχειν· ἐπεὶ γὰρ παντὶ τῷ Γ τὸ Α, τὸ δὲ Γ τῷ Β διὰ τὸ ἀντιστρέφειν, καὶ τὸ Α παντὶ τῷ Β.

9 Ὅταν δὲ δυοῖν ὄντοιν τὸ Α τοῦ Β αἱρετώτερον ᾖ, ὄντων ἀντικειμένων, καὶ τὸ Δ τοῦ Γ ὡσαύτως, εἰ αἱρετώτερα τὰ Α Γ τῶν Β Δ, τὸ Α τοῦ Δ αἱρετώτερον. Ὁμοίως γὰρ διωκτὸν τὸ Α καὶ φευκτὸν τὸ Β (ἀντικείμενα γάρ), καὶ τὸ Γ τῷ Δ (καὶ γὰρ ταῦτα ἀντίκειται). Εἰ οὖν τὸ Α τῷ Δ ὁμοίως αἱρετόν, καὶ τὸ Β τῷ Γ φευκτόν· ἑκάτερον γὰρ ἑκατέρῳ ὁμοίως, φευκτὸν διωκτῷ. Ὥστε καὶ τὰ ἄμφω τὰ Α Γ τοῖς Β Δ. Ἐπεὶ δὲ μᾶλλον, οὐχ οἷόν τε ὁμοίως· καὶ γὰρ ἂν τὰ Β Δ ὁμοίως ἦσαν. Εἰ δὲ τὸ Δ τοῦ Α αἱρετώτερον, καὶ τὸ Β τοῦ Γ ἧττον φευκτόν· τὸ γὰρ ἔλαττον τῷ ἐλάττονι ἀντίκειται. Αἱρετώτερον δὲ τὸ μεῖζον ἀγαθὸν καὶ ἔλαττον κακὸν ἢ τὸ ἔλαττον ἀγαθὸν καὶ μεῖζον κακόν· καὶ τὸ ἅπαν ἄρα, τὸ Β Δ, αἱρετώτερον τοῦ Α Γ. Νῦν δ´ οὐκ ἔστιν. Τὸ Α ἄρα αἱρετώτερον τοῦ Δ, καὶ τὸ Γ ἄρα τοῦ Β ἧττον φευκτόν. Εἰ δὴ ἕλοιτο πᾶς ὁ ἐρῶν κατὰ τὸν ἔρωτα τὸ Α τὸ οὕτως ἔχειν ὥστε χαρίζεσθαι, καὶ τὸ μὴ χαρίζεσθαι τὸ ἐφ´ οὗ Γ, ἢ τὸ χαρίζεσθαι τὸ ἐφ´ οὗ Δ, καὶ  [69] τὸ μὴ τοιοῦτον εἶναι οἷον χαρίζεσθαι τὸ ἐφ´ οὗ Β, δῆλον ὅτι τὸ Α τὸ τοιοῦτον εἶναι αἱρετώτερόν ἐστιν ἢ τὸ χαρίζεσθαι. Τὸ ἄρα φιλεῖσθαι τῆς συνουσίας αἱρετώτερον κατὰ τὸν ἔρωτα. Μᾶλλον ἄρα ὁ ἔρως ἐστὶ τῆς φιλίας ἢ τοῦ συνεῖναι. Εἰ δὲ μάλιστα τούτου, καὶ τέλος τοῦτο. Τὸ ἄρα συνεῖναι ἢ οὐκ ἔστιν ὅλως ἢ τοῦ φιλεῖσθαι ἕνεκεν· καὶ γὰρ αἱ ἄλλαι ἐπιθυμίαι καὶ τέχναι οὕτως.  

10 Πῶς μὲν οὖν ἔχουσιν οἱ ὅροι κατὰ τὰς ἀντιστροφὰς καὶ τὸ αἱρετώτεροι ἢ φευκτότεροι εἶναι, φανερόν·
 

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1 Quand les extrêmes sont réciproques l'un à l'autre , il faut nécessairement que le moyen aussi le soit à tous deux. En effet, A étant à C par Β, si la conclusion est réciproque, C est aussi à tout ce à quoi est A. Mais Β  est aussi réciproque à A; et B est par C à tout ce à quoi est A ; enfin, C est également réciproque à B par A, pris pour moyen. 2 De même encore pour la négation ; par exemple, si B est à C, et que A ne soit pas à Β, A ne sera pas non plus à C. Si donc B est réciproque à A, C le sera aussi à A ; car, supposons que B ne soit pas à A, C n'y sera pas non plus; car B était supposé à tout C. 3 Si C est réciproque à Β, B l'est aussi à A ; car C est à tout ce à quoi est B. 4 Si C est réciproque à A, Β est aussi réciproque à A ; car C est à tout ce à quoi est B. Mais C n'est pas à ce à quoi est A ; et, dans ce cas seulement, la conversion réciproque commence par la conclusion, tout comme pour le syllogisme affirmatif; ce qui n'avait pas lieu dans les autres cas.

5 Quand A et B sont réciproques, et que C et D le sont également, s'il est nécessaire que, ou A, ou C soit à tout objet, il faut alors aussi que Β et D soient de telle sorte que l'un des deux soit à tout objet. En effet, puisque Β est à ce à quoi est A, et D à ce à quoi est C, et que A et C sont à tout objet, mais non tous deux à la fois, il est clair que Β et D sont à tout objet, mais sans y être non plus tous les deux à la fois ; car il y a ici deux syllogismes qui se tiennent.  6 De plus, quand A ou B, et C ou D sont à tout objet, mais n'y sont pas à la foie, si A et G sont réciproques, B et D le sont aussi; car, si B n'est pas à une certaine chose à laquelle est D, il est clair qu'alors A est à cette chose. Mais, si A y est, C y est aussi, puisqu'ils sont réciproques; donc C et D y sont à la fois. Mais cela est absurde. Par exemple, si l'l'incréé est impérissable, et l'impérissable, incréé, il faut nécessairement que le créé soit périssable, et que le périssable soit créé.

7 Mais, lorsque A est à B tout entier et à G tout entier, et qu'il n'est attribué à aucune autre chose, si B est aussi à tout C, il est nécessaire que A et B ment réciproques. En effet, puisque A est dit des mes termes Β, C, et que B est attribué à lui-même et à C, il est évident que B peut être dit de toutes les choses dont Ά est dit; et que, de plus, il sera dit de A lui-même.  8 En outre, quand A et B sont à C tout entier, et que C est réciproque à Β, il faut que A soit à tout B; car, A étant à tout C, et C à tout B, à cause de la réciprocité, il faut aussi que A soit à tout B.

 9 Lorsque, de deux choses opposées, A et B, A est préférable à Β, et que D Test également à C, si A C sont préférables à B D, A sera aussi préférable à D. En effet, A est tout autant à rechercher que B est à fuir, puisqu'ils sont opposés. Même rapport de C à D, puisqu'ils sont opposés également. Si donc A est aussi désirable que D, B doit être autant à fuir que C ; car l'un et l'autre sont pareillement opposés à l'un et à l'autre : ce qui doit être fui à ce qui doit être désiré. Ainsi le rapport sera tout à fait identique entre A C et B D. Mais, puisque les premiers sont plus désirables que les autres, il c'est pas possible qu'ils le soient également ; car alors B D seraient également désirables. Mais, si D est préférable à A, B est aussi moins à fuir que C; car le moindre est opposé au moindre. Mais le bien plus grand avec le mal moindre est préférable au bien plus petit avec le mal plus grand; donc B D, en somme, est préférable à A ; mais ce n'est pas ici le cas. A est donc préférable à D, et G, par suite, sera moins à fuir que B. Si donc tout amant, selon le véritable amour, préfère A, c'est-à-dire, être digne de bonheur, et n'avoir pas le bonheur, représenté par C, plutôt que d'avoir le bonheur, représenté par D, et n'être pas digne de bonheur, représenté par Β, il est clair que A, être digne de bonheur, est préférable au bonheur même. Ainsi donc, être aimé est préférable, en amour, au plaisir des sens; ainsi l'amour vise bien plus à l'affection qu'au plaisir; et, l'affection étant son objet principal, c'est là sa véritable fin. Ainsi le plaisir, ou n'est pour rien en amour, ou il n'y est que pour l'affection. On pourrait, du reste, appliquer cette théorie à toutes nos autres passions, à tous nos autres efforts.

10 On voit donc clairement les rapports des termes dans les conversions, et le résultat de la comparaison des choses à préférer ou à fuir. .

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Il est difficile de dire précisément quel est le lien des théories de ce chapitre aux théories qui précèdent, et à celles qui suivent. Rien dans le texte ne l'indique ; et les commentateurs, eu général, ont tout à fait négligé de le chercher. Philopon, Averroès, Pacius, ne s'en sont pas occupés. Albert a pensé, et c'est avec raison, que les règles, ici tracées par Aristote, sur la réciprocité des termes dans les diverses figures, étaient essentielles à l'intelligence des chapitres suivants. Les unes, en effet, s'appliquent à l'Induction ; les autres à l'Exemple, à l'Euthymème, etc. Voir plus bas § 7 et § 8. Rien, du reste, n'indique ici, non plus que pour les deux sections antérieures, que la division généralement adoptée soit d'Aristote lui-même. Dans le premier livre, au contraire, elle lui appartenait bien certainement. Voir liv. t, au début. J'ai cru devoir encore, comme plus haut, respecter une division, admise depuis le treizième siècle tout au moins, et qui s'appuie sur des distinctions réelles dans le sujet et la pensée.

§1. Quand les extrêmes sont réciproques, le texte dit littéralement : Quand les extrêmes se convertissent. Je n'ai pas conservé le mot même du texte, de peur de causer quelque confusion nouvelle. Les mots convertir et conversion ont été déjà employés dans des sens divers, pour signifier la conversion des propositions absolues, liv. 1, ch. 2, et celle des modales, liv. 1, ch. 3. De plus, ils ont servi, liv. 1, ch. 13, § 4, à désigner encore la conversion spéciale des propositions contingentes ; enfin ils ont été détournés de ces deux premiers sens, qui ont du moins quelque analogie, pour exprimer une propriété générale du syllogisme, applicable aux trois figures avec diverses modifications, liv. 2, ch. 8, 9,10. Les employer encore ici pour exprimer une idée nouvelle, est un tort de la part d'Aristote; et j'ai pensé que mon devoir de traducteur n'était pas si étroit que je ne pusse modifier une expression de ce genre. J'ai dit plus haut pourquoi j'avais gardé le mot de : conversion, quand il s'est agi de la conversion du syllogisme, et non plus de la proposition. Ici, comme il s'agit d'un changement dans les propositions mêmes, la confusion était à craindre davantage ; et j'ai dû l'éviter. En effet, il n'est pas question ici de propositions universelles affirmatives, qui se convertissent en particulières, ou de particulières affirmatives, qui se convertissent en leurs propres termes, comme au chapitre 2 du livre 1. Ce sont des propositions universelles affirmatives, qui se convertissent en universelles, c'est-à-dire, dont les termes ont la même extension, le sujet pouvant devenir attribut ; et réciproquement C'est le cas des universelles négatives généralisé, et transporté aux universelles affirmatives Je crois que le mot de réciprocité rend mieux cette idée nouvelle que le mot de conversion. Il a le double avantage d'être clair et spécial.

En effet, A étant à C par B, syllogisme en Barbara : AC conclusion, Β moyen : A est à tout B, Β est à tout C; Donc A est à tout C. Si l'on suppose A et C d'extension égale, on peut dire que réciproquement C est à tout A. Si l'on prend cette conclusion réciproque pour mineure, avec la mineure du premier syllogisme, prise pour majeure, on obtient la réciproque de la première majeure : B est à tout C, C est à tout A ; Donc B est à tout A. De même, si l'on prend cette même conclusion réciproque pour majeure d'un nouveau syllogisme, et qu'on prenne pour mineure la majeure du premier, on obtient pour conclusion nouvelle la réciproque de la première mineure : C est à tout A, A est à tout B; Donc C est à tout B. On voit que ces trois syllogismes sont de même mode, Barbara. On verra plus bas que ce mode doit changer quelquefois, pour que la conversion réciproque ait lieu.

§ 2.. De même encore pour la négation, il faut bien remarquer qu'ici, comme au § 1, Aristote emploie des propositions indéterminées, c'est-à-dire, sans caractère d'universalité ni de particularité. Autrement la règle serait inutile, ainsi que le fait observer Pacius; car, s'il s'agissait d'universelles négatives, on sait déjà qu'elles se convertissent en leurs propres termes, par la règle du ch. 9, liv. 1. La réciprocité pour elles est de toute évidence, et il n'y aurait aucun besoin de la rappeler. Le cas supposé ici est plus général que le premier, et il le comprend. Du reste, pour rendre la règle pins claire, on peut dire, sous la réserve qui précède, que, dans le mode Celarent, la majeure étant réciproque, la conclusion l'est aussi.

Si B est à C, mineure, et que A ne soit pas à B, majeure, A ne sera pas non plus à C, conclusion. Syllogisme en Celarent : A n'est à aucun Β, B est à tout C ; Donc A n'est à aucun C.

Si B est réciproque à A, c'est-à-dire, si les termes de la majeure sont de même extension, C le sera aussi à A, c'est-à-dire, les deux termes de la conclusion seront dans le même rapport.

Car, supposons que B ne soit pas à A, c'est-à-dire, prenons la réciproque de la majeure pour mineure, nous en aurons en Camestres : B est à tout C, B n'est à aucun A ; Donc C n'est à aucun A. On a donc pour conclusion du second syllogisme, la conclusion réciproque et convertie du premier.

§ 3. Si C est réciproque à B, c'est-à-dire, si c'est la mineure du premier syllogisme en Celarent, et non plus la majeure, qui est réciproque, la majeure le sera aussi. Aristote ne prouve pas ceci, et il faut, pour le démontrer, réduire à l'absurde. Supposons que la majeure de Celarent, E, ne soit pas réciproque, il faudra, par hypothèse, admettre sa contradictoire I; cette affirmative particulière , jointe à la mineure réciproque A, devenue majeure, donnera un syllogisme en Darii, à conclusion particulière affirmative, et cette conclusion sera contradictoire à la première conclusion admise E, de Celarent. Premier syllogisme en Celarent: A n'est à aucun Β, B est à tout C; Donc A n'est à aucun C. Si la mineure est réciproque, et que C soit à tout B, il faut que la majeure soit réciproque aussi, et que B ne soit à aucun A. Car supposons qu'il soit à quelque A, on aura ce syllogisme : C est à tout B, Best à quelque A ; Donc C est à quelque A ; mais on avait au contraire admis que C n'était à aucun A , que réciproquement A n'était à aucun C ; donc cette conclusion : C est a quelque A, est fausse; donc la majeure, B est à quelque A, est fausse; donc sa contradictoire : B n'est à aucun A, est vraie ; donc enfin la majeure est réciproque ; ce qui était à prouver.

§ 4. Si C est réciproque à A, c'est-à-dire, si la conclusion de Celarent est réciproque, outre la mineure qui est réciproque aussi comme plus haut, la majeure sera encore réciproque; et le nouveau syllogisme aura lieu en Camestres. Premier syllogisme en Celarent : A n'est à aucun B, B est à tout C ; Donc A n'est à aucun C. C étant réciproque à A, on obtient pour nouveau syllogisme en Camestres : C est à tout B, C n'est à aucun A; Donc B n'est à aucun A.

La conversion réciproque commence par la conclusion , c'est-à-dire, que c'est de la réciprocité dans la conclusion que dépend la réciprocité dans les prémisses.

Tout comme pour le syllogisme affirmatif, Voir plus haut, § 1, le syllogisme en Barbara.

Dans les autres cas, c'est-à-dire, dans les syllogismes des §§ 2 et 3, où l'on commençait la conversion réciproque, soit par la majeure, soit par la mineure.

§ 5. Après avoir tracé les règles de la réciprocité entre les trois termes du syllogisme, Aristote les trace pour quatre termes. Lorsque quatre termes sont dans un tel rapport que les deux premiers soient réciproques entre eux, et les deux derniers aussi ; si le premier et le troisième sont de toute nécessité, l'un vrai et l'autre faux, il faudra que le second et le quatrième soient aussi dans ce même rapport.

Que A ou C soit à tout objet, c'est-à-dire que tout objet soit l'un des deux, soit A, soit C, sans pouvoir être les deux à la fois.

Car il y a ici deux syllogismes qui se tiennent, ces deux syllogismes qu'Aristote ne donne pas en forme, peuvent être dégagés du contexte. Voici le premier : Rien de ce qui est A ou C, n'est à la fois Β et D; or, tout est A ou C; Donc rien n'est à la fois Β et D.

— Second syllogisme : Tout ce qui est A ou C, est B ou D, et ne peut pas n'être ni l'un ni l'autre : or tout est A ou C ; Donc tout est Β ou D, et ne peut n'être ni l'un ni l'autre. Par le premier syllogisme , on prouve que rien ne peut être à la fois Β et D ; et par le second, que rien ne peut être ni l'un ni l'autre, c'est-à-dire, que tout doit être soit B, soit D; comme tout est A ou Β ; comme tout est C ou D. On pourrait prendre ici l'exemple que le texte donne plus bas, et les quatre termes qu'il contient: A incréé, B impérissable, C créé, et D périssable.

— Premier syllogisme : Rien de ce qui est incréé ou créé n'est à la fois périssable et impérissable; or, tout est incréé ou créé ; Donc rien n'est à la fois périssable et impérissable.

— Second syllogisme : Tout ce qui est incréé ou créé est impérissable ou périssable, et ne peut pas n'être ni l'un ni l'autre; or, tout est incréé ou créé; Donc tout est impérissable ou périssable, et rien ne peut n'être ni l'un ni l'autre.

§ 6. Si c'est le premier et le second qui sont de telle sorte que l'un des deux soit toujours vrai et l'autre faux, ou, comme dit le texte, que l'un des deux soit à tout objet, sans que les deux puissent y être a la fois; et que le troisième et le quatrième soient dans le même rapport, si le premier et le troisième sont réciproques entre eux, le second et le quatrième le seront également. Aristote démontre ceci par réduction à l'absurde : car, si l'on suppose que le second et le quatrième ne sont pas réciproques, il s'ensuivra que le troisième et le quatrième seront à la fois à tout objet, ce qui est contradictoire à la thèse admise, et faux par conséquent. Soit A l'incréé, B le créé, C l'impérissable, et D le périssable : Tout est ou incréé ou créé, impérissable ou périssable : or, tout ce qui est incréé est impérissable, et tout ce qui est impérissable est incréé ; Donc, tout ce qui est créé est périssable, et tout( ce qui est périssable est  créé. Car, supposons qu'il ne le soit pas, on aura alors : quelque chose de périssable est incréé ; et avec la mineure : tout ce qui est incréé est impérissable, prise ici pour majeure , on aura cette conclusion : quelque chose de périssable est impérissable : ce qui est absurde ; donc, il est vrai que tout ce qui est périssable est créé.

§ 7. Lorsque trois termes sont dans ce rapport, que le premier est attribué à la fois à tout le second et à tout le troisième et qu'il n'est attribué qu'à ces deux seuls termes, si le second est attribué aussi à tout le troisième, il faut que le premier et le second soient réciproques, c'est-à-dire de même extension. Soit A attribué à tout B et à tout C, on a ce syllogisme universel dans la seconde figure : A est à tout B : A est à tout C : Donc B est à tout C. Or, ceci ne peut avoir lieu que si la majeure est réciproque, et si l'on peut construire ce syllogisme en Barbara par la première figure : B est à tout A: A est à tout C :donc B est à tout C. Cela est possible : car A n'est attribué qu'à B et à C tout seuls : or, B est attribué à tout ce à quoi A est attribué, puisque d'abord B est attribué à lui-même évidemment, et que de plus il l'est à C : donc B et A sont réciproques, puisqu'ils sont attribués exclusivement aux mêmes objets, c'est-à-dire qu'ils ont la même extension. A est attribué à B et à C, B l'est également à ces deux mêmes termes, et il ne l'es ta aucun autre.

B est attribué à lui-même, c'est une attribution évidente ; mais ce n'est pas, à vrai dire , une attribution. Pour prendre l'exemple des commentateurs, soit A capable de rire, B doué de raison, et C homme : si A est à tout B et à tout C, mais à B et à G tout seuls, et si B est à tout C, il faut que A et B soient réciproques. En effet, tout être capable de rire est doué de raison, attendu que tout être doué de raison est homme.

— La règle de ce § s'applique à l'Enthymème. Voir plus loin, ch. 27.

§ 8. Règle inverse de la précédente : lorsque trois ternes sont dans ce rapport, que le premier et le second soient attribués à tout le troisième, et que le second et le troisième soient réciproques, il faut que le premier puisse être attribué à tout le second. C'est le fondement de l'induction. Voir ch. suivant, § 4. Le syllogisme universel se forme alors dans la troisième figure, parce que la mineure est réciproque : A est à tout C : B est à tout C; Donc A est à tout B; car B et C étant réciproques, on peut convertir la mineure, et l'on obtient dans la première figure : A est à tout C : C est à tout B; Donc A est à tout B.

§ 9. Lorsque quatre termes sont dans ce rapport qu'opposés deux à deux, le premier soit préférable au second, et le quatrième le soit au troisième, si le premier joint au troisième est préférable au second joint au quatrième, il faut que le premier soit préférable aussi au quatrième. Le premier est d'ailleurs supposé autant à rechercher que le second à fuir, le troisième autant à fuir que le quatrième à rechercher ; car le premier est opposé au second, comme le quatrième l'est au troisième.

Si donc A est aussi désirable que D, Si l'on suppose d'abord que A n'étant pas préférable à D, il est aussi désirable que lui, ni plus ni moins, on arrive à cette conséquence que AC est aussi désirable que BD : mais par l'hypothèse AG est préférable à BD ; donc la conséquence est absurde; donc A ne peut être aussi désirable que D ; car alors BD seraient aussi désirables que AC.

Mais si D est préférable à A, Secondement , si au lieu de supposer A égal à D, on le suppose inférieur, c'est-à-dire, si l'on fait D préférable à A, au lieu de faire A préférable à D, on arrive à une autre absurdité. En effet, si D est préférable à A, B qui est opposé à A est moins à fuir que C qui est opposé à D ; car le moindre est opposé au moindre, et B opposé à A qui est moindre, est moindre aussi Lque C opposé à D plus grand que A ; donc BD en somme est préférable à AC, contradictoire inadmissible de l'hypothèse primitive; donc A est préférable à D. Ainsi A ne pouvant être égal à D, ne pouvant davantage lui être inférieur, il s'ensuit qu'il lui est supérieur, et en d'autres termes qu'il lui est préférable; l'hypothèse a été prouvée vraie par deux réductions à l'absurde. Il est en effet de toute évidence que le bien plus grand joint au mal moindre est préférable au bien plus petit joint au mal plus grand.

Mais ce n'est pas ici le cas, c'est-à-dire, l'hypothèse est contraire. En résumé, A est donc préférable à D; ce qui était à prouver.

— L'exemple que cite le texte à l'appui est fort clair et n'a pas besoin d'explication; il est d'ailleurs plein de délicatesse et de grâce. Cette théorie sur l'amour appartient à Platon, qui l'a développée dans le Banquet Voir la traduction de M. V. Cousin, tom. 6, pag. 969 et suiv. C'est la théorie de l'amour platonique.

 

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