Aristote : Premiers analytiques

ARISTOTE

 

PREMIERS ANALYTIQUES.

LIVRE SECOND.

SECTION SECONDE.

VICES DU SYLLOGISME.

CHAPITRE XX.

chapitre XIX - chapitre XXI

 

 

 

PREMIERS ANALYTIQUES

 

 

 

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CHAPITRE XX.

De la Réfutation. — Définition de la Réfutation : cas divers où elle peut avoir lieu.

1 Ἐπεὶ δ´ ἔχομεν πότε καὶ πῶς ἐχόντων τῶν ὅρων γίνεται συλλογισμός, φανερὸν καὶ πότ´ ἔσται καὶ πότ´ οὐκ ἔσται ἔλεγχος. 2 Πάντων μὲν γὰρ συγχωρουμένων, ἢ ἐναλλὰξ τιθεμένων τῶν ἀποκρίσεων, οἷον τῆς μὲν ἀποφατικῆς τῆς δὲ καταφατικῆς, ἐγχωρεῖ γίνεσθαι ἔλεγχον. Ἦν γὰρ συλλογισμὸς καὶ οὕτω καὶ ἐκείνως ἐχόντων τῶν ὅρων, ὥστ´ εἰ τὸ κείμενον ἐναντίον τῷ συμπεράσματι, ἀνάγκη γίνεσθαι ἔλεγχον· ὁ γὰρ ἔλεγχος ἀντιφάσεως συλλογισμός. 3 Εἰ δὲ μηδὲν συγχωροῖτο, ἀδύνατον γενέσθαι ἔλεγχον· οὐ γὰρ ἦν συλλογισμὸς πάντων τῶν ὅρων στερητικῶν ὄντων, ὥστ´ οὐδ´ ἔλεγχος· εἰ μὲν γὰρ ἔλεγχος, ἀνάγκη συλλογισμὸν εἶναι, συλλογισμοῦ δ´ ὄντος οὐκ ἀνάγκη ἔλεγχον. 4 Ὡσαύτως δὲ καὶ εἰ μηδὲν τεθείη κατὰ τὴν ἀπόκρισιν ἐν ὅλῳ· ὁ γὰρ αὐτὸς ἔσται διορισμὸς ἐλέγχου καὶ συλλογισμοῦ.  

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1 Comme nous savons dans quels cas et avec quels ternies se forme le syllogisme, nous voyons aussi, sans peine, quand a lieu et quand n'a pas lieu la Réfutation. 2 Elle peut avoir lieu, soit quand toutes les réponses sont accordées, soit quand elles sont de forme dissemblable : l'une étant, par exemple, affirmative, et l'autre négative; car il y avait syllogisme avec des termes de l'une et de l'autre façon. Si donc la thèse est contraire à la conclusion, il faut nécessairement qu'il y ait Réfutation ; car la Réfutation est le syllogisme de la contradiction. 3 Mais si l'on n'accorde aucune proposition, il est impossible qu'il y ait Réfutation; car on a vu qu'il n'y a pas de syllogisme quand tous les termes sont négatifs ; donc, il n'y a pas non plus de Réfutation ; car, s'il y avait Réfutation, il faudrait qu'il y eût syllogisme; mais il peut y avoir syllogisme sans que, nécessairement, il y ait Réfutation. 4 Même observation, si la réponse ne fournit aucune proposition universelle ; car ici encore la Réfutation et le syllogisme sont tout à fait sur la même ligne.

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§ 1. Voici le cinquième vice du syllogisme, d'après les commentateurs latins. Je ferais à peu près les mêmes observations que plus haut; ici cependant je serais moins éloigné de partager l'avis des commentateurs. Les conseils que donne Aristote s'appliquent bien toujours à la discussion, ce sont bien toujours des conseils de dialectique ; mais ils sont moins généraux que les précédents, et le défaut qu'ils ont pour objet de signaler est plus spécialement relatif au syllogisme.

— Entre le Catasyllogisme et la Réfutation, il y a cette différence que le premier est la réfutation que l'adversaire adresse à son adversaire, tandis que la réfutation proprement dite est celle que l'on se fait à soi-même quand on affirme ce qu'on avait d'abord nié, ou que l'on nie ce qu'on avait d'abord affirmé, ainsi que le remarque saint Thomas. J'aurais voulu trouver ici un autre mot que celui de Réfutation qui est trop général; mais la langue française ne m'en a pas offert ; et j'ai craint d'employer le mot latin Elenchus, à cause même de son obscurité.

Quand a lieu, et n'a pas lieu la Réfutation, C'est que la Réfutation n'est qu'une espèce de syllogisme, et qu'en tant que syllogisme elle est soumise aux mêmes règles, exposées du reste dans tout ce qui précède.

§ 2. Quand toutes les réponses sont accordées, c'est-à-dire, quand toutes les réponses données par l'interlocuteur aux questions de l'autre sont affirmatives.

Sont de forme dissemblable, Aristote explique lui-même ce qu'il entend par là ; les réponses au lieu d'être toutes affirmatives, peuvent être, les unes négatives, les autres affirmatives.

Il y avait syllogisme, On a vu en effet dans la théorie des trois figures, liv. 1, ch. 4, 5, 6, que la conclusion pouvait être tirée soit de deux affirmatives, soit d'une affirmative et d'une négative.

Si donc la thèse est contraire à la conclusion, peut-être aurait-il mieux valu renverser ici les termes, et dire : si donc la conclusion est contraire à la thèse; c'est ce que semble exiger la série directe de la pensée. Contraire est pris ici dans un sens général pour contraire et contradictoire tout à la fois, comme le prouve ce qui suit.

Le syllogisme de la contradiction, c'est la définition donnée plusieurs fois dans l'Organon, et particulièrement, Réfutations des Sophistes, ch. 1, § 4.

§ 3. Si l'on n'accorde aucune proposition , c'est-à-dire, si au lieu de répondre affirmativement, comme au § 1, on répond négativement à toutes les interrogations de l'adversaire, il ne se peut pas qu'on se réfute soi-même; car alors le syllogisme n'est pas possible, puisqu'avec deux prémisses négatives, il n'y a jamais lieu à conclusion. Dans ce cas non plus, il n'y a pas de conclusion contradictoire à la thèse qu'on a soi-même posée.

Car on a vu, Voir liv. l, ch. 4,5,6, ch. 7,  § 1, et ch.24, § 1.

 — Car s'il y avait Réfutation, c'est qu'en effet l'espèce ne peut exister sans le genre, mais le genre peut fort bien exister sans l'espèce

§ 4. Même observation, c'est-à-dire que la Réfutation n'est pas possible, si en répondant on n'accorde aucune proposition universelle ; car alors non plus le syllogisme ne peut se former, puisque dans tout syllogisme , il faut que l'une des prémisses soit universelle. Voir liv. 1, ch. 24, § 1. Or, il n'y a pas de Réfutation sans syllogisme : donc si l'on empêche le syllogisme, on empêche aussi la Réfutation qui ne peut exister sans lui.

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