PREMIERS ANALYTIQUES
CHAPITRE XVII. Conclusion fausse non justifiée .— Syllogismes où a lieu ce défaut. — Espèces diverses avec les termes supérieurs ou avec les termes inférieurs. — Conclusion résultant de l'hypothèse. — Conclusion fausse dans les Syllogismes négatifs. |
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1 Τὸ δὲ μὴ παρὰ τοῦτο συμβαίνειν τὸ ψεῦδος, ὃ πολλάκις ἐν τοῖς λόγοις εἰώθαμεν λέγειν, πρῶτον μέν ἐστιν ἐν τοῖς εἰς τὸ ἀδύνατον συλλογισμοῖς, ὅταν πρὸς ἀντίφασιν ᾖ [66] τούτου ὃ ἐδείκνυτο τῇ εἰς τὸ ἀδύνατον. Οὔτε γὰρ μὴ ἀντιφήσας ἐρεῖ τὸ οὐ παρὰ τοῦτο, ἀλλ´ ὅτι ψεῦδός τι ἐτέθη τῶν πρότερον, οὔτ´ ἐν τῇ δεικνυούσῃ· οὐ γὰρ τίθησι ὃ ἀντίφησιν. Ἔτι δ´ ὅταν ἀναιρεθῇ τι δεικτικῶς διὰ τῶν Α Β Γ, οὐκ ἔστιν εἰπεῖν ὡς οὐ παρὰ τὸ κείμενον γεγένηται ὁ συλλογισμός. Τὸ γὰρ μὴ παρὰ τοῦτο γίνεσθαι τότε λέγομεν, ὅταν ἀναιρεθέντος τούτου μηδὲν ἧττον περαίνηται ὁ συλλογισμός, ὅπερ οὐκ ἔστιν ἐν τοῖς δεικτικοῖς· ἀναιρεθείσης γὰρ τῆς θέσεως οὐδ´ ὁ πρὸς ταύτην ἔσται συλλογισμός. Φανερὸν οὖν ὅτι ἐν τοῖς εἰς τὸ ἀδύνατον λέγεται τὸ μὴ παρὰ τοῦτο, καὶ ὅταν οὕτως ἔχῃ πρὸς τὸ ἀδύνατον ἡ ἐξ ἀρχῆς ὑπόθεσις ὥστε καὶ οὔσης καὶ μὴ οὔσης ταύτης οὐδὲν ἧττον συμβαίνειν τὸ ἀδύνατον. 2 Ὁ μὲν οὖν φανερώτατος τρόπος ἐστὶ τοῦ μὴ παρὰ τὴν θέσιν εἶναι τὸ ψεῦδος, ὅταν ἀπὸ τῆς ὑποθέσεως ἀσύναπτος ᾖ ἀπὸ τῶν μέσων πρὸς τὸ ἀδύνατον ὁ συλλογισμός, ὅπερ εἴρηται καὶ ἐν τοῖς Τοπικοῖς. Τὸ γὰρ τὸ ἀναίτιον ὡς αἴτιον τιθέναι τοῦτό ἐστιν, οἷον εἰ βουλόμενος δεῖξαι ὅτι ἀσύμμετρος ἡ διάμετρος, ἐπιχειροίη τὸν Ζήνωνος λόγον, ὡς οὐκ ἔστι κινεῖσθαι, καὶ εἰς τοῦτο ἀπάγοι τὸ ἀδύνατον· οὐδαμῶς γὰρ οὐδαμῇ συνεχές ἐστι τὸ ψεῦδος τῇ φάσει τῇ ἐξ ἀρχῆς. 3 Ἄλλος δὲ τρόπος, εἰ συνεχὲς μὲν εἴη τὸ ἀδύνατον τῇ ὑποθέσει, μὴ μέντοι δι´ ἐκείνην συμβαίνοι. Τοῦτο γὰρ ἐγχωρεῖ γενέσθαι καὶ ἐπὶ τὸ ἄνω καὶ ἐπὶ τὸ κάτω λαμβάνοντι τὸ συνεχές, 4 οἷον εἰ τὸ Α τῷ Β κεῖται ὑπάρχον, τὸ δὲ Β τῷ Γ, τὸ δὲ Γ τῷ Δ, τοῦτο δ´ εἴη ψεῦδος, τὸ τὸ Β τῷ Δ ὑπάρχειν. Εἰ γὰρ ἀφαιρεθέντος τοῦ Α μηδὲν ἧττον ὑπάρχοι τὸ Β τῷ Γ καὶ τὸ Γ τῷ Δ, οὐκ ἂν εἴη τὸ ψεῦδος διὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς ὑπόθεσιν. 5 Ἢ πάλιν εἴ τις ἐπὶ τὸ ἄνω λαμβάνοι τὸ συνεχές, οἷον εἰ τὸ μὲν Α τῷ Β, τῷ δὲ Α τὸ Ε καὶ τῷ Ε τὸ Ζ, ψεῦδος δ´ εἴη τὸ ὑπάρχειν τῷ Α τὸ Ζ· καὶ γὰρ οὕτως οὐδὲν ἂν ἧττον εἴη τὸ ἀδύνατον ἀναιρεθείσης τῆς ἐξ ἀρχῆς ὑποθέσεως. 6 Ἀλλὰ δεῖ πρὸς τοὺς ἐξ ἀρχῆς ὅρους συνάπτειν τὸ ἀδύνατον· οὕτω γὰρ ἔσται διὰ τὴν ὑπόθεσιν, 7 οἷον ἐπὶ μὲν τὸ κάτω λαμβάνοντι τὸ συνεχὲς πρὸς τὸν κατηγορούμενον τῶν ὅρων (εἰ γὰρ ἀδύνατον τὸ Α τῷ Δ ὑπάρχειν, ἀφαιρεθέντος τοῦ Α οὐκέτι ἔσται τὸ ψεῦδος)· 8 ἐπὶ δὲ τὸ ἄνω, καθ´ οὗ κατηγορεῖται (εἰ γὰρ τῷ Β μὴ ἐγχωρεῖ τὸ Ζ ὑπάρχειν, ἀφαιρεθέντος τοῦ Β οὐκέτι ἔσται τὸ ἀδύνατον). 9 Ὁμοίως δὲ καὶ στερητικῶν τῶν συλλογισμῶν ὄντων. [66a] 10 Φανερὸν οὖν ὅτι τοῦ ἀδυνάτου μὴ πρὸς τοὺς ἐξ ἀρχῆς ὅρους ὄντος οὐ παρὰ τὴν θέσιν συμβαίνει τὸ ψεῦδος. 11 Ἢ οὐδ´ οὕτως ἀεὶ διὰ τὴν ὑπόθεσιν ἔσται τὸ ψεῦδος; καὶ γὰρ εἰ μὴ τῷ Β ἀλλὰ τῷ Κ ἐτέθη τὸ Α ὑπάρχειν, τὸ δὲ Κ τῷ Γ καὶ τοῦτο τῷ Δ, καὶ οὕτω μένει τὸ ἀδύνατον (ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τὸ ἄνω λαμβάνοντι τοὺς ὅρους), ὥστ´ ἐπεὶ καὶ ὄντος καὶ μὴ ὄντος τούτου συμβαίνει τὸ ἀδύνατον, οὐκ ἂν εἴη παρὰ τὴν θέσιν. 12 Ἢ τὸ μὴ ὄντος τούτου μηδὲν ἧττον γίνεσθαι τὸ ψεῦδος οὐχ οὕτω ληπτέον ὥστ´ ἄλλου τιθεμένου συμβαίνειν τὸ ἀδύνατον, ἀλλ´ ὅταν ἀφαιρεθέντος τούτου διὰ τῶν λοιπῶν προτάσεων ταὐτὸ περαίνηται ἀδύνατον, ἐπεὶ ταὐτό γε ψεῦδος συμβαίνειν διὰ πλειόνων ὑποθέσεων οὐδὲν ἴσως ἄτοπον, οἷον τὰς παραλλήλους συμπίπτειν καὶ εἰ μείζων ἐστὶν ἡ ἐντὸς τῆς ἐκτὸς καὶ εἰ τὸ τρίγωνον ἔχει πλείους ὀρθὰς δυεῖν; |
1 Nier la conclusion fausse comme non justifiée par ce qui précède, argument fort en usage dans les discussions, a lieu surtout dans les syllogismes conclus par l'absurde, lorsque l'on contredit la chose même qui était démontrée par réduction à l'absurde. En effet, quand on ne la contredit pas, on ne dit point que le faux conclu ne résulte pas de la donnée; mais l'on objecte que quelque erreur est contenue dans les prémisses. On ne pourra pas non plus le dire dans la démonstration ostensive ; car on n'y pose pas la contradiction. De plus, quand on a réfuté ostensivement quelque proposition par A B C, il n'est pas possible de dire que le syllogisme se forme en dehors des données mêmes qu'on a prises; car on ne peut dire qu'une chose est hors de la question que quand, cette chose étant retranchée, le syllogisme ne s'en forme pas moins ; or, c'est ce qui n'a pas lieu dans les syllogismes ostensifs; car, en retranchant la thèse elle-même, il n'y a plus de syllogisme qui s'y rapporte. Il est donc évident que c'est dans les syllogismes par l'absurde, que l'on peut dire que la conclusion fausse n'est pas justifiée, lorsque l'hypothèse primitive est dans ce rapport avec l'absurde, que, soit qu'elle existe, soit qu'elle n'existe pas, l'impossibilité n'en est pas moins conclue. 2 La façon la plus claire de montrer que la conclusion fausse ne résulte pas de l'hypothèse, c'est le cas où le syllogisme, formé de moyens qui concluent par l'absurde, est absolument sans rapport à l'hypothèse elle-même , ainsi qu'on l'a dit dans les Topiques. C'est alors prendre pour cause ce qui n'est pas réellement cause. Par exemple, c'est comme si, pour prouver que le diamètre est incommensurable, on cherchait à démontrer la proposition de Zénon : qu'il n'y a pas de mouvement; et qu'on appliquât la démonstration par l'absurde à cette proposition même. Ici, la conclusion fausse ne se rapporterait aucunement à la proposition primitive. 3 Une autre manière, c'est quand l'absurde tient bien à l'hypothèse , sans cependant avoir lieu par elle : et ce cas peut se présenter en faisant accorder les syllogismes, soit dans les termes supérieurs, soit dans les termes inférieurs. 4 Par exemple, si l'on suppose A à B,B à C, C à D, et que ce soit une erreur que B est à D. En effet, si, en retranchant A, Β n'en demeure pas moins à C, et C à D, la conclusion fausse ne vient pas de l'hypothèse primitive. 5 Ou bien, si l'on prend le terme supérieur. Par exemple, si A est à B, et Ε à A, et F à E, et qu'il soit faux que F est à A. En effet, l'absurde n'en subsistera pas moins, en retranchant l'hypothèse primitive. 6 C'est que toujours il faut joindre l'absurde aux termes primitifs; et alors l'absurde résultera de l'hypothèse. 7 Ainsi, en prenant le rapport des termes en descendant , il faut joindre l'absurde à celui des termes qui sert d'attribut; car, s'il est impossible que A soit à D, en retranchant A, il n'y a plus d'absurdité. 8 Et, en le prenant en montant, il faut joindre l'absurde au terme qui reçoit l'attribut; car, si F ne peut être à B, en retranchant B, il n'y a plus d'absurdité. 9 Et, de même, si les syllogismes étaient privatifs. 10 Il est donc évident que, si l'absurde n'est pas joint aux termes primitifs, il n'y a pas de conclusion fausse par la thèse posée. . 11 Mais ne peut-on pas dire que, même de cette façon, la conclusion fausse ne résultera pas toujours de l'hypothèse? car, si l'on suppose que A est non pas à Β, mais à K, et Κ à C, et celui-ci à D, même, sous cette forme, l'absurde subsiste encore. De même aussi, quand l'on prend les termes en remontant. Et, comme l'absurdité se produit, que l'hypothèse soit ou ne soit pas, il est clair que cette absurdité ne résulte pas réellement de l'hypothèse. 12 Mais, quand on dit que, l'hypothèse étant ôtée, la conclusion fausse ne s'en produit pas moins, il ne faut pas comprendre que l'absurdité ne peut se conclure qu'à l'aide d'un terme étranger. On doit entendre seulement que, cette hypothèse étant retranchée, la même absurdité se produit par les propositions qui demeurent. On ne voit, en effet, rien de faux à dire que la même absurdité puisse se produire par plusieurs hypothèses : par exemple, à soutenir que les parallèles se rencontrent, soit parce que l'angle interne serait plus grand que l'angle externe, soit parce que le triangle vaudrait plus de deux angles droits. |
§ 1. Je ne sais si j'ai bien rendu ici le sens vrai du texte : j'ai dû employer une sorte de périphrase pour exprimer la formule très-concise d'Aristote. Mot à mot, elle veut dire : Le faux se produira non à cause de cela ; et les scholastiques l'ont reproduite littéralement, mais d'une façon fort obscure, en traduisant : non propter hoc ou non penes hoc accidere falsum. Je me suis efforcé de rendre la pensée plutôt que les mots. — La chose même qui... , c'est-à-dire, la conclusion absurde à laquelle conduit le second syllogisme. — Quand on ne la contredit pas, c'est-à-dire, quand on accepte l'absurdité comme régulièrement conclue de l'hypothèse, on ne contredit point le syllogisme qui la donne ; mais l'on passe au premier syllogisme ; et c'est dans ses éléments que l'on cherche la cause de l'erreur démontrée par l'adversaire. — Dans la démonstration ostensive, le vice qu'Aristote étudie ici ne peut se trouver dans les démonstrations ostensives, parce qu'en effet on n'y pose jamais la contradiction de sa propre thèse. La conclusion fausse, si l'on en obtient une, résulte directement des données, et l'on ne peut pas dire qu'elle n'en vienne pas. Comme on n'a que trois termes, soit ABC, la conclusion ne peut sortir que d'eux seuls ; et si l'on en retranchait un, le syllogisme lui-même deviendrait impossible. Ainsi, un syllogisme, dans ce cas, ne peut se former en dehors des données qu'on a prises ; car ces données lui sont tout à fait indispensables. Pour que la conclusion fausse pût être ici attaquée comme mal justifiée d'après les prémisses, il faudrait pouvoir enlever indifféremment l'une de ces prémisses ; or, c'est ce qui est impossible, et le vice de la conclusion fausse mal justifiée, ne peut se trouver que dans les syllogismes concluant par réduction à l'absurde. Si donc, dans un syllogisme de ce genre, il est possible de retrancher la thèse primitive, et que la conclusion fausse ne s'en produise pas moins, on pourra dire que l'absurdité n'est pas justifiée par ce qui précède, puisque ce ne sont pas les prémisses admises qui la feront naître. Elle est indépendante de ces prémisses qu'on peut accepter ou retrancher, sans qu'elle en soit elle-même changée. § 2. Quand la conclusion absurde n'a aucun rapport à la question même qu'elle prétend réfuter, il est de toute évidence qu'elle n'est pas justifiée par ce qui précède. En effet, si, pour démontrer que le diamètre est incommensurable, on allait démontrer que, suivant l'opinion de Zénon, il n'y a pas de mouvement, cette conclusion fausse, absolument étrangère à la question, ne serait d'aucune valeur. C'est qu'alors on aurait pris pour cause ce qui n'est point cause; car, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas de mouvement dans le monde, fort peu importe pour connaître le rapport du diamètre à la circonférence, ou de la diagonale au côté. Ici donc le vice du syllogisme serait de toute évidence. — Ainsi qu'on l'a dit dans les Topiques, ce n'est pas précisément dans les Topiques qu'Aristote a traité ce sujet : c'est dans les Réfutations des Sophistes, ch. V, § 9. On peut conclure de ce passage qu'Aristote renfermait dans le titre général de Topiques, et l'ouvrage qui porte aujourd'hui ce nom, et celui qui le suit et le complète. Albert avait déjà fait une remarque analogue. C'est encore ainsi qu'Aristote comprend sous le titre commun d'Analytiques les Premiers et les Derniers, § 3. Une autre manière. Ici le vice du syllogisme est moins évident que dans le mode qui précède. — Tient bien à l'hypothèse, c'est-à-dire, quand la conclusion absurde conserve une des parties de l'hypothèse, soit son sujet, soit son attribut. Le syllogisme par l'absurde fait suite alors à la thèse primitive, soit qu'on prenne le terme supérieur de cette thèse, c'est-à-dire l'attribut, soit qu'on en prenne le terme inférieur, c'est-à-dire le sujet, pour en faire le sujet, ou l'attribut de la conclusion fausse. Les deux exemples des 88 4 et 5, qu'on peut voir plus loin, rendront ceci plus clair. § 4. Soit d'abord la thèse A est à B, A étant attribut et supérieur, comme plus étendu, et Β étant sujet et inférieur, comme renfermé dans l'attribut. Si l'on prend le sujet Β pour en faire l'attribut de C dans le syllogisme qui doit conclure l'absurde , et C pour en faire l'attribut de D, on aura pour conclusion en Barbara, Β est à D, conclusion supposée absurde. Mais on peut retrancher la thèse : A est à B, sans que la conclusion absurde disparaisse : donc cette conclusion ne tient pas à la thèse primitive. Ici l'on est parti du terme inférieur, qui était le sujet, et qui a servi de lien entre la thèse primitive elle syllogisme par l'absurde. On pourrait à l'inverse lier la thèse et le syllogisme par le terme supérieur, c'est-à-dire, par l'attribut, comme au § suivant. Soit la thèse primitive, A est à B, représentée par ces termes réels, empruntés aux commentateurs : Tout animal est vivant. Le syllogisme à conclusion absurde sera, dans le premier cas : Tout être blanc est animal : toute neige est blanche ; Donc toute neige est animal ; conclusion absurde, qui tient bien à la thèse primitive, mais qui n'en résulte pas, quoique son attribut soit le sujet même de cette thèse. C'est que, si on enlève cette thèse, l'absurdité n'en demeure pas moins par les prémisses mêmes du syllogisme qui la contient. § 5. Voici le second cas où l'absurdité tient à la thèse primitive par le terme supérieur ou l'attribut. Thèse primitive ; A est à B ; A devient sujet dans le syllogisme par l'absurde : F est à Ε : Ε est à A ; donc F est à A, conclusion supposée absurde, mais qui n'en subsiste pas moins, si l'on retranche la thèse primitive, bien qu'elle y tienne par un de ses éléments. Soit toujours la thèse primitive : Tout animal est vivant. Syllogisme à conclusion absurde : Toute plante est insensible : tout être vivant est plante; Donc tout être vivant est insensible ; conclusion absurde qui emprunte l'attribut de la thèse primitive pour en faire son sujet, mais qui cependant ne résulte pas de cette thèse : car cette thèse enlevée, l'absurdité n'en subsiste pas moins, attendu qu'elle résulte des prémisses mêmes qui la donnent. Donc la thèse est inutile à l'absurdité conclue. § 6. Joindre l'absurde aux termes primitifs, c'est-à-dire qu'il faut conserver les termes de la thèse primitive avec leurs fonctions propres, l'attribut de cette thèse passant au syllogisme par l'absurde en fonction d'attribut et non pas de sujet; le sujet y passant en fonction de sujet et non pas d'attribut. Les exemples suivent dans les §§ 7 et 8. L'absurdité liée ainsi à la thèse primitive, en parait évidemment le résultat et la conséquence. § 7. Le rapport des termes en descendant, c'est-à-dire, de manière que l'attribut de la thèse primitive reste attribut, et que tous les autres termes soient au-dessous de lui, et en descendent, en quelque sorte. Soit toujours la thèse primitive : Tout animal est vivant. Syllogisme à concinsion absurde : Tout être blanc est animal : toute neige est blanche ; Donc toute neige est vivante. C'est, comme on le voit, un sorite, où le sujet de la première proposition devient attribut de la suivante, mais où l'attribut de la dernière est encore l'attribut de la première, de telle façon que cet attribut enveloppe tous les autres termes. Ici, pour que l'absurdité : A est à D, soit conclue, il faut de toute nécessité conserver A ; car, si on le retranche, il n'y a plus de conclusion absurde. Ainsi la conclusion absurde tient à la thèse primitive, et ne serait pas obtenue sans elle. § 8. En montant, c'est-à-dire, de manière que le sujet de la thèse primitive soit encore le sujet de la conclusion absurde. Le sujet de la thèse est alors inférieur à l'attribut de la conclusion absurde, et il semble remonter vers lui. Soit toujours la thèse primitive : Tout animal est vivant. Syllogisme à conclusion absurde : Toute plante est insensible : toute plante est vivante; Donc tout animal est insensible, conclusion absurde dont le sujet est le sujet même de la thèse. Pour voir mieux la consécution de ce dernier sorite, il faut replacer la thèse entre la mineure et la conclusion absurde du syllogisme. — Si F ne peut être à B, conclusion absurde, où B est sujet, F attribut; sans l'attribut, plus d'absurdité. § 9. Les règles qu'on vient d'appliquer à des conclusions affirmatives, seraient tout aussi bien applicables à des conclusions négatives. § 10. Résumé des règles qui précèdent. — Joint aux termes primitifs, de manière que ces termes conservent leurs véritables fonctions. § 11. Objection contre la théorie qui précède : Il peut se faire, même en observant les règles indiquées, c'est-à-dire, en conservant le sujet de la première hypothèse, comme sujet dans la conclusion absurde, et l'attribut comme attribut, que la conclusion absurde soit indépendante de l'hypothèse. Dans ce cas, l'hypothèse peut être retranchée, et l'absurde ne s'en produit pas moins, parce qu'il ne tient pas à elle. — Si l'on suppose que A... premier cas où l'attribut de l'hypothèse reste attribut de la conclusion absurde. Soit l'exemple des commentateurs : A vivant, Κ plante, C blanc, D neige; on aura : Première hypothèse : Toute plante est vivante. Syllogisme à conclusion absurde : AC tout être blanc est plante : CD toute neige est blanche; AD Donc toute neige est animée, conclusion absurde qui n'en subsiste pas moins si l'on retranche l'hypothèse. — Les termes en remontant, c'est-à-dire, si l'on prend le sujet au lieu de l'attribut de l'hypothèse pour en faire le sujet de la conclusion absurde. Voir plus haut §§ 7 et 8. Soit l'hypothèse primitive : Tout animal est corporel. Syllogisme à conclusion absurde : Toute plante est insensible : tout être corporel est plante ; Donc tout animal est insensible Pour mieux suivre le sortie, il faudrait, comme plus haut, replacer l'hypothèse entre la mineure et la conclusion absurde du syllogisme. Ici le sujet de l'hypothèse est encore le sujet de la conclusion absurde ; mais cette conclusion ne tient pas à l'hypothèse; car. l'hypothèse ôtée, cette conclusion ne s'en produit pas moins. Le motif en est expliqué au § suivant. § 12.. C'est que, dans ces deux cas, l'absurdité résulte non pas seulement de l'hypothèse, mais aussi des autres propositions qui forment le syllogisme, et qui renferment implicitement l'hypothèse. Ainsi, dans le premier syllogisme du § 11, l'absurdité de la conclusion résulte, indépendamment de l'hypothèse, de l'absurdité même de la majeure : Tout être blanc est plante ; et dans le second syllogisme, de l'absurdité de la mineure : Tout être corporel est plante. Il n'y a rien, du reste, ici qui doive surprendre ; il peut fort bien se faire qu'une même absurdité soit là conséquence de deux hypothèses différentes. La géométrie en offre bien des exemples. Par exemple, on pourrait soutenir que les lignes parallèles se rencontrent, et chercher à prouver cette absurdité évidente, soit parce que les angles d'un même côté de la sécante, interne et externe, ne seraient pas égaux, soit parce que la somme des angles d'un triangle vaudrait plus de deux angles droits. Pour bien comprendre ces deux exemples, il faudrait tracer une figure géométrique où deux lignes parallèles seraient coupées à angles droits par une perpendiculaire. Si les deux angles, faits d'un même côté de cette ligne, interne et externe, n'étaient pas égaux, les lignes se rencontreraient, et ne seraient pas parallèles ; mais ils sont égaux ; Donc elles ne se rencontrent pas. On démontrerait de même que, si les lignes se rencontraient, il faudrait que les deux angles adjacents à l'hypoténuse du triangle rectangle fussent plus grands qu'un angle droit, et que, par conséquent, la somme des trois angles du triangle valût plus de deux angles droits : ce qui ne se peut; Donc les lignes ne se rencontrent pas ; Donc elles sont parallèles. Le triangle rectangle nécessaire à cette démonstration est formé dans l'intérieur des parallèles par la sécante perpendiculaire , une portion de la parallèle inférieure servant de base, et une hypoténuse quelconque menée de cette base à l'angle interne que la perpendiculaire forme avec la parallèle supérieure. Cette construction est, du reste, fort simple.
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