Aristote : Premiers analytiques

ARISTOTE

 

PREMIERS ANALYTIQUES

LIVRE SECOND

SECTION PREMIERE.

PROPRIÉTÉS DU SYLLOGISME.

CHAPITRE XI

chapitre X - chapitre XII

 

 

 

PREMIERS ANALYTIQUES

 

 

 

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CHAPITRE XI

Réduction à l'absurde» — Première figure. — Définition de la démonstration par réduction à l'absurde. — Toutes les espèces de conclusions sont ainsi démontrées dans toutes les figures, excepté la conclusion universelle affirmative qui ne l'est pas dans la première. — De la conclusion particulière affirmative. — De la conclusion universelle négative. — De la conclusion particulière négative. — Remarques applicables à tous les modes de la première figure.

1 δὲ διὰ τοῦ ἀδυνάτου συλλογισμὸς δείκνυται μὲν ὅταν ἡ ἀντίφασις τεθῇ τοῦ συμπεράσματος καὶ προσληφθῇ ἄλλη πρότασις, γίνεται δ´ ἐν ἅπασι τοῖς σχήμασιν· ὅμοιον γάρ ἐστι τῇ ἀντιστροφῇ, πλὴν διαφέρει τοσοῦτον ὅτι ἀντιστρέφεται μὲν γεγενημένου συλλογισμοῦ καὶ εἰλημμένων ἀμφοῖν τῶν προτάσεων, ἀπάγεται δ´ εἰς ἀδύνατον οὐ προομολογηθέντος τοῦ ἀντικειμένου πρότερον, ἀλλὰ φανεροῦ ὄντος ὅτι ἀληθές. Οἱ δ´ ὅροι ὁμοίως ἔχουσιν ἐν ἀμφοῖν, καὶ ἡ αὐτὴ λῆψις ἀμφοτέρων. Οἷον εἰ τὸ Α τῷ Β παντὶ ὑπάρχει, μέσον δὲ τὸ Γ, ἐὰν ὑποτεθῇ τὸ Α ἢ μὴ παντὶ ἢ μηδενὶ τῷ Β ὑπάρχειν, τῷ δὲ Γ παντί, ὅπερ ἦν ἀληθές, ἀνάγκη τὸ Γ τῷ Β ἢ μηδενὶ ἢ μὴ παντὶ ὑπάρχειν. Τοῦτο δ´ ἀδύνατον, ὥστε ψεῦδος τὸ ὑποτεθέν· ἀληθὲς ἄρα τὸ ἀντικείμενον. μοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν ἄλλων σχημάτων· ὅσα γὰρ ἀντιστροφὴν δέχεται, καὶ τὸν διὰ τοῦ ἀδυνάτου συλλογισμόν.

2 Τὰ μὲν οὖν ἄλλα προβλήματα πάντα δείκνυται διὰ τοῦ ἀδυνάτου ἐν ἅπασι τοῖς σχήμασι, τὸ δὲ καθόλου κατηγορικὸν ἐν μὲν τῷ μέσῳ καὶ τῷ τρίτῳ δείκνυται, ἐν δὲ τῷ πρώτῳ οὐ δείκνυται.  3 ποκείσθω γὰρ τὸ Α τῷ Β μὴ παντὶ ἢ μηδενὶ ὑπάρχειν, καὶ προσειλήφθω ἄλλη πρότασις ὁποτερωθενοῦν, εἴτε τῷ Α παντὶ ὑπάρχειν τὸ Γ εἴτε τὸ Β παντὶ τῷ Δ· οὕτω γὰρ ἂν εἴη τὸ πρῶτον σχῆμα. Εἰ μὲν οὖν ὑπόκειται μὴ παντὶ ὑπάρχειν τὸ Α τῷ Β, οὐ γίνεται συλλογισμὸς  [62] ὁποτερωθενοῦν τῆς προτάσεως λαμβανομένης, εἰ δὲ μηδενί, ὅταν μὲν ἡ Β Δ προσληφθῇ, συλλογισμὸς μὲν ἔσται τοῦ ψεύδους, οὐ δείκνυται δὲ τὸ προκείμενον. 4 Εἰ γὰρ τὸ Α μηδενὶ τῷ Β, τὸ δὲ Β παντὶ τῷ Δ, τὸ Α οὐδενὶ τῷ Δ. Τοῦτο δ´ ἔστω ἀδύνατον· ψεῦδος ἄρα τὸ μηδενὶ τῷ Β τὸ Α ὑπάρχειν. λλ´ οὐκ εἰ τὸ μηδενὶ ψεῦδος, τὸ παντὶ ἀληθές.  5 ὰν δ´ ἡ Γ Α προσληφθῇ, οὐ γίνεται συλλογισμός, οὐδ´ ὅταν ὑποτεθῇ μὴ παντὶ τῷ Β τὸ Α ὑπάρχειν. 6 στε φανερὸν ὅτι τὸ παντὶ ὑπάρχειν οὐ δείκνυται ἐν τῷ πρώτῳ σχήματι διὰ τοῦ ἀδυνάτου.

7 Τὸ δέ γε τινὶ καὶ τὸ μηδενὶ καὶ μὴ παντὶ δείκνυται.

8 ποκείσθω γὰρ τὸ Α μηδενὶ τῷ Β ὑπάρχειν, τὸ δὲ Β εἰλήφθω παντὶ ἢ τινὶ τῷ Γ. Οὐκοῦν ἀνάγκη τὸ Α μηδενὶ ἢ μὴ παντὶ τῷ Γ ὑπάρχειν. Τοῦτο δ´ ἀδύνατον—ἔστω γὰρ ἀληθὲς καὶ φανερὸν ὅτι παντὶ ὑπάρχει τῷ Γ τὸ Α— ὥστ´ εἰ τοῦτο ψεῦδος, ἀνάγκη τὸ Α τινὶ τῷ Β ὑπάρχειν. 9 ὰν δὲ πρὸς τῷ Α ληφθῇ ἡ ἑτέρα πρότασις, οὐκ ἔσται συλλογισμός. 10 Οὐδ´ ὅταν τὸ ἐναντίον τῷ συμπεράσματι ὑποτεθῇ, οἷον τὸ τινὶ μὴ ὑπάρχειν. Φανερὸν οὖν ὅτι τὸ ἀντικείμενον ὑποθετέον. 11 Πάλιν ὑποκείσθω τὸ Α τινὶ τῷ Β ὑπάρχειν, εἰλήφθω δὲ τὸ Γ παντὶ τῷ Α. νάγκη οὖν τὸ Γ τινὶ τῷ Β ὑπάρχειν. Τοῦτο δ´ ἔστω ἀδύνατον, ὥστε ψεῦδος τὸ ὑποτεθέν. Εἰ δ´ οὕτως, ἀληθὲς τὸ μηδενὶ ὑπάρχειν. 12 μοίως δὲ καὶ εἰ στερητικὸν ἐλήφθη τὸ Γ Α. 13 Εἰ δ´ ἡ πρὸς τῷ Β εἴληπται πρότασις, οὐκ ἔσται συλλογισμός. 14 ὰν δὲ τὸ ἐναντίον ὑποτεθῇ, συλλογισμὸς μὲν ἔσται καὶ τὸ ἀδύνατον, οὐ δείκνυται δὲ τὸ προτεθέν. 15 ποκείσθω γὰρ παντὶ τῷ Β τὸ Α ὑπάρχειν, καὶ τὸ Γ τῷ Α εἰλήφθω παντί. Οὐκοῦν ἀνάγκη τὸ Γ παντὶ τῷ Β ὑπάρχειν. Τοῦτο δ´ ἀδύνατον, ὥστε ψεῦδος τὸ παντὶ τῷ Β τὸ Α ὑπάρχειν. λλ´ οὔπω γε ἀναγκαῖον, εἰ μὴ παντί, μηδενὶ ὑπάρχειν. 16 μοίως δὲ καὶ εἰ πρὸς τῷ Β ληφθείη ἡ ἑτέρα πρότασις· συλλογισμὸς μὲν γὰρ ἔσται καὶ τὸ ἀδύνατον, οὐκ ἀναιρεῖται δ´ ἡ ὑπόθεσις· ὥστε τὸ ἀντικείμενον ὑποθετέον.

17 Πρὸς δὲ τὸ μὴ παντὶ δεῖξαι ὑπάρχον τῷ Β τὸ Α, ὑποθετέον παντὶ ὑπάρχειν· εἰ γὰρ τὸ Α παντὶ τῷ Β καὶ τὸ Γ παντὶ τῷ Α, τὸ Γ παντὶ τῷ Β, ὥστ´ εἰ τοῦτο ἀδύνατον, ψεῦδος τὸ ὑποτεθέν. 18 μοίως δὲ καὶ εἰ πρὸς τῷ Β ἐλήφθη ἡ ἑτέρα πρότασις. 19 Καὶ εἰ στερητικὸν ἦν τὸ Γ Α, ὡσαύτως· καὶ γὰρ οὕτω γίνεται συλλογισμός. 20 ὰν δὲ πρὸς τῷ Β ᾖ τὸ στερητικόν, οὐδὲν δείκνυται. 21 ὰν δὲ μὴ παντὶ ἀλλὰ τινὶ ὑπάρχειν ὑποτεθῇ, οὐ δείκνυται ὅτι οὐ παντὶ ἀλλ´ ὅτι οὐδενί. Εἰ γὰρ τὸ Α τινὶ τῷ Β, τὸ δὲ Γ παντὶ τῷ Α, τινὶ  [62a] τῷ Β τὸ Γ ὑπάρξει. Εἰ οὖν τοῦτ´ ἀδύνατον, ψεῦδος τὸ τινὶ ὑπάρχειν τῷ Β τὸ Α, ὥστ´ ἀληθὲς τὸ μηδενί. Τούτου δὲ δειχθέντος προσαναιρεῖται τὸ ἀληθές· τὸ γὰρ Α τῷ Β τινὶ μὲν ὑπῆρχε, τινὶ δ´ οὐχ ὑπῆρχεν. τι οὐδὲν παρὰ τὴν ὑπόθεσιν συμβαίνει [τὸ] ἀδύνατον· ψεῦδος γὰρ ἂν εἴη, εἴπερ ἐξ ἀληθῶν μὴ ἔστι ψεῦδος συλλογίσασθαι· νῦν δ´ ἐστὶν ἀληθές· ὑπάρχει γὰρ τὸ Α τινὶ τῷ Β. στ´ οὐχ ὑποθετέον τινὶ ὑπάρχειν, ἀλλὰ παντί.  22 μοίως δὲ καὶ εἰ τινὶ μὴ ὑπάρχον τῷ Β τὸ Α δεικνύοιμεν· εἰ γὰρ ταὐτὸ τὸ τινὶ μὴ ὑπάρχειν καὶ μὴ παντὶ ὑπάρχειν, ἡ αὐτὴ ἀμφοῖν ἀπόδειξις.

23 Φανερὸν οὖν ὅτι οὐ τὸ ἐναντίον ἀλλὰ τὸ ἀντικείμενον ὑποθετέον ἐν ἅπασι τοῖς συλλογισμοῖς. Οὕτω γὰρ τό τε ἀναγκαῖον ἔσται καὶ τὸ ἀξίωμα ἔνδοξον. Εἰ γὰρ κατὰ παντὸς ἡ φάσις ἢ ἡ ἀπόφασις, δειχθέντος ὅτι οὐχ ἡ ἀπόφασις, ἀνάγκη τὴν κατάφασιν ἀληθεύεσθαι. Πάλιν εἰ μὴ τίθησιν ἀληθεύεσθαι τὴν κατάφασιν, ἔνδοξον τὸ ἀξιῶσαι τὴν ἀπόφασιν. Τὸ δ´ ἐναντίον οὐδετέρως ἁρμόττει ἀξιοῦν· οὔτε γὰρ ἀναγκαῖον, εἰ τὸ μηδενὶ ψεῦδος, τὸ παντὶ ἀληθές, οὔτ´ ἔνδοξον ὡς εἰ θάτερον ψεῦδος, ὅτι θάτερον ἀληθές.

24 Φανερὸν οὖν ὅτι ἐν τῷ πρώτῳ σχήματι τὰ μὲν ἄλλα προβλήματα πάντα δείκνυται διὰ τοῦ ἀδυνάτου, τὸ δὲ καθόλου καταφατικὸν οὐ δείκνυται.  

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1 Le syllogisme par réduction à l'absurde a lieu lorsqu'on prend la contradictoire de la conclusion, et que l'on y ajoute une autre proposition. Il se forme dans toutes les figures, et rassemble à la conversion. La seule différence, c'est que l'on convertit, quand le syllogisme est déjà fait et que l'on a admis les deux propositions, tandis qu'on réduit à l'absurde, quand la contradictoire, bien qu'on ne l'ait pas d'abord accordée, est vraie de toute évidence. Du reste, les termes sont les mêmes dans les deux cas, et on les prend de part et d'autre sous la même forme. Par exemple, soit A à tout B, et que C soit moyen, si l'on suppose que A n'est pas à tout B, ou n'est à aucun B, et qu'il est à tout C, proposition prise pour vraie, il faut nécessairement que C ne soit à aucun Β, ou ne soit pas à tout B. Mais ceci est impossible : par conséquent la supposition qu'on fait est fausse : donc la contradictoire est vraie. Et de même pour les autres figures; car tous les cas où l'on peut employer la conversion se prêtent aussi au syllogisme par l'absurde.

2 Toutes les autres conclusions sont donc démontrées par l'absurde dans toutes les figures; mais l'universelle affirmative, qui est prouvée dans la moyenne et la troisième, ne l'est pas dans la première.  3 Supposons, en effet, que A ne soit pas à tout Β, ou ne soit à aucun B; et ajoutons une autre proposition quelconque, c'est-à-dire , que C est à tout A, ou Β à tout D ; car cm obtient ainsi la première figure. Si donc l'on suppose que A n'est pas à tout B, il n'y a pas de syllogisme, de quoique façon que l'on prenne la proposition. 4 Si A n'est supposé à aucun B, et que l'on ajoute Β D, il y aura bien syllogisme du faux; mais l'objet en question n'est pas démontré ; car, si A n'est à aucun Β, et que B soit à tout D, A ne sera à aucun D. Mais supposons que cela soit impossible : donc il est faux que A ne soit à aucun B. Mais, s'il est faux qu'il ne soit à aucun, il ne s'ensuit pas qu'il soit vrai qu'il soit à tout.  5 Si l'on ajoute la proposition C, il n'y a pas de syllogisme, non plus que quand on supposait que A n'était pas à tout B.  6  Il est donc clair que L'affirmative universelle n'est pas démontrée par l'absurde dans la première figure.

7 Mais la particulière affirmative, l'universelle négative, et la particulière négative, peuvent l'être.

8 Supposons, en effet, que A ne soit à aucun B, et que Β soit supposé à tout C, ou à quelque C. Alors il est nécessaire que A ne soit à aucun C, ou ne soit pas à tout C; mais cela est impossible. En supposant vrai et de toute évidence que A soit à tout C, si la dernière conclusion est fausse, il est nécessaire que A soit à quelque B.  9 Si l'autre proposition est jointe à A, il n'y aura pas de syllogisme. 10 Il n'y en aura pas non plus, lorsque la supposition est la contraire de la conclusion : par exemple, la particulière négative. C'est donc évidemment la contradictoire qu'il faut supposer. 11 Soit supposé encore que A est à quelque Β, et supposé aussi que C est à tout A : il est alors nécessaire que C soit à quelque B. Mais supposons cela impossible : donc la supposition qu'on a faite était fausse ; et, puisqu'il en est ainsi, il est vrai que C n'est à aucun B. 12 De même, si C A est supposé privatif. 13 Mais, si la proposition est jointe à B, il n'y aura pas de syllogisme. 14 Si l'on suppose la contraire, le syllogisme aura bien lieu, et l'on arrivera à l'absurde; mais alors on ne démontre pas l'objet en question. 15 En effet, soit supposé que A est à tout B, et que C soit à tout A, il y aura nécessité que C soit à tout B. Mais cela est impossible : de sorte qu'il est faux que A soit à tout B. Mais, de ce qu'il n'est pas à tout, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il n'est à aucun. 16 De même encore, si l'on joint l'autre proposition à B; car il y aura syllogisme, et l'on prouve l'impossibilité. Mais l'hypothèse n'est pas détruite; et c'est, par conséquent, la contradictoire qu'il faut supposer.

17 Pour démontrer que A n'est pas à tout B, il faut supposer qu'il est à tout; car, si A est à tout B, et C à tout A, C sera à tout B; donc, si cela est impossible, la supposition qu'on a faite est fausse. 18 Même résultat, si l'on joint l'autre proposition à B.  19 Si A C était négatif, il en serait encore de même ; car le syllogisme a lieu également. 20 Si l'on joint à B le privatif, il n'y aura rien de démontré. 21 Mais, si l'on suppose, non qu'il est à tout, mais qu'il est à quelque, il est alors démontré, non qu'il n'est pas à tout, mais bien qu'il n'est à aucun. Car, soit A à quelque Β, et C à tout A, C sera aussi à quelque B. Si donc cela est impossible, il est faux que A soit à quelque B ; de sorte qu'il est vrai qu'il n'est à aucun. Mais, ceci démontré, la proposition vraie est détruite aussi ; car A était à quelque Β, et n'était pas à quelque autre B. De plus, l'absurde ne se produit pas ici par l'hypothèse; car alors elle serait fausse, puisque, de données vraies, on ne peut conclure le faux. Mais elle est vraie ici, puisque A est à quelque B. Donc il faut supposer, non qu'il est à quelque Β, mais qu'il est à tout B. 22 De même, si nous démontrions que A n'est pas à quelque B; car, si c'est la même chose de n'être pas à quelque et de n'être pas à tout, la démonstration doit être pareille pour les deux cas.

23 Il est donc évident qu'il faut supposer dans tous les syllogismes, non pas la contraire, mais la contradictoire. De cette façon, l'on aura une conclusion nécessaire; et l'on obtiendra une proposition probable, parce que, si, pour toute chose, il faut que l'affirmation ou la négation soit vraie, une fois démontré que ce n'est pas la négation qui est vraie, il est nécessaire que ce soit l'affirmation; et réciproquement, quand l'on ne suppose pas que l'affirmation est vraie, il y a lieu de croire que c'est la négation. Mais on ne peut admettre la proposition contraire d'aucune des deux façons. En effet, s'il est faux qu'il ne soit à aucun, il n'est pas nécessairement vrai pour cela qu'il soit à tout; ni probable que, si l'un des deux est faux, l'autre soit vrai.

24 Il est clair que, dans la première figure, toutes les autres conclusions sont obtenues par réduction à l'absurde, mais que l'affirmative universelle ne l'est pas.

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§ 1. On a vu plus haut, liv. 1, ch. 5 6 et passim, qu'Aristote avait fait un très-fréquent usage de la démonstratifon par réduction à l'absurde. Et voici la théorie complète qui se rapproche beaucoup, ainsi qu'il le remarque, de la conversion exposée dans les chapitres qui précédent.

Une autre proposition, l'une de: deux prémisses que l'adversaire accorde.

Tandis qu'on réduit à l'absurde. Dans la réduction à l'absurde on ne prend que l'une des prémisses et par hypothèse, la contradictoire ou la contraire, de la conclusion qu'on nie.

Sous la même forme, c'est-à-dire, avec les mêmes modifications de quantité et de qualité.

Par exemple, syllogisme en Barbara sous-entendu : A est à tout C, C est à tout B; Donc A est à tout B. Second syllogisme avec la contraire de la conclusion, en Camestres: A est à tout C, A n'est à aucun B ; Donc C n'est à aucun B, conclusion absurde puisqu'elle est contraire à la mineure admise : C est à tout B. Troisième syllogisme avec la contradictoire de la conclusion en Baroco ; A est à tout C, A n'est pas à quelque B; Donc C n'est pas à quelque B, conclusion absurde par la même raison que la précédente.

-- La supposition qu'on fait, soit : A n'est à aucun B, soit : A n'est pas à quelque B.

§ 2. Mais l'universelle affirmative, Barbara, c'est que la contradictoire de la conclusion serait une particulière négative, et qu'elle produirait, soit qu'on la prit pour majeure, soit qu'on la prit pour mineure, les modes inutiles OA et AO. Barbara ne peut donc être prouvé par réduction à l'absurde qu'en Baroco, dans la seconde figure, et en Brocardo dans la troisième.

§ 3. Supposons, en effet, Barbara ne peut être démontré par réduction à l'absurde qu'en prenant, soit la contradictoire, soit la contraire de la conclusion, c'est-à-dire, dans le premier cas, A n'est pas à tout B; et dans le second, A n'est à aucun B.

Quelconque, c'est-à-dire, soit la majeure, sois la mineure, selon que l'hypothèse devient mineure eu majeure.

— Première hypothèse : A n'est pas à tout B; prenant cette contradictoire peur majeure, on a : C est à tout A, A n'est uns à tout B; pas de conclusion possible. .Ou la prenant pour majeure, on a : A n'est pas à tout B, B est à tout D ; pas de conclusion non plus, par le motif expliqué au § 2.

§ 4. Seconde hypothèse, avec la contraire de la conclusion ; A n'est à aucun B, étant la contraire de A est a tout B. On arrivera bien ainsi à une erreur; mais comme elle ne sera pas contradictoire à la première conclusion, celle-ci ne sera pas démontrée par réduction à l'absurde.

— Prenant cette hypothèse pour majeure, le syllogisme se forme en Celarent; A n'est à aucun B, B est à tout D; Donc A n'est à aucun B. Si cette conclusion est fausse, il s'ensuit bien que la majeure est fausse, la mineure étant évidemment vraie ; mais il ne s'ensuit pas du tout que la première conclusion soit vraie, parce que les contraires peuvent être toutes les deux fausses à la fois, et qu'on ne peut pas, comme pour les contradictoires, induire de la fausseté de l'une, la vérité de l'autre : Donc la conclusion à démontrer n'est pas démontrée, bien qu'on soit arrivé à une conclusion fausse.

§ 5. La proposition CA, c'est-à-dire , la majeure de la première hypothèse, § 3 ; et si l'on prend alors la contraire de la conclusion pour mineure, en a le mode AE, inutile dans la première figure, où la mineure doit toujours être affirmative.

Quand on supposait, Voir plus haut les exemples cités au § 3.

§ 6. Résumé des observations précédentes, et confirmation de celle du § 2.

§ 7. Énoncé général des règles qui vont suivre.

§ 8. Examen du mode Darii, qui, dans la réduction, doit prouver sa conclusion particulière affirmative par des syllogismes en Celarent et en Ferio.

— Par un premier syllogisme en Darii, on a obtenu pour conclusion : Donc A est à quelque B. Prenant la contradictoire pour majeure, on a en Celarent : A n'est à aucun Β, B est à tout C; Donc A n'est à aucun C; et en Ferio : A n'est à aucun Β, B est à quelque C ; Donc A n'est pas à tout C.

Mais cela est impossible, c'est-à-dire que les deux conclusions, ainsi obtenues, sont absurdes, parce qu'on suppose que, de toute évidence, A est à tout C.

Si la dernière conclusion, c'est-à-dire, celle du syllogisme en Celarent, et celle du syllogisme en Ferio.

§ 9. Si l'autre proposition est jointe à A, c'est-à-dire, si la proposition vraie, que l'on garde, est la majeure, et que la contradictoire hypothétique soit prise pour mineure. Comme elle est négative, puisqu'elle est contradictoire d'une affirmative, la mineure est alors négative, et ne peut donner de syllogisme dans la première figure.

§ 10. Lorsque la supposition est la contraire, c'est-à-dire, lorsque par hypothèse on prend la contraire et non plus la contradictoire de la conclusion. Aristote dit ici : contraire , mais plus exactement, c'est subcontraire qu'il faudrait dire ; car la particulière négative n'est que la subcontraire de la particulière affirmative, puisque toutes deux peuvent être vraies à la lois.

§ 11. Démonstration de la proposition universelle négative, dont la contradictoire est une particulière affirmative. Elle est démontrée par réduction à l'absurde en Darii : C est à tout A : A est à quelque B ; Donc C est à quelque B. Si l'on suppose cette conclusion absurde, la mineure, contradictoire de la première conclusion, est fausse : donc cette première conclusion est vraie ; donc C n'est à aucun B.

§ 12. CA est supposé privatif, c'est-à-dire, si la majeure du syllogisme conduisant à l'absurde est universelle négative au lieu d'être universelle affirmative, Ferio au lieu de Darii. La conclusion absurde est particulière négative, c'est-à-dire, contraire; et non plus contradictoire à la première conclusion universelle négative.

§ 13. Si la proposition est jointe à B, c'est-à-dire, si la proposition vraie qu'on garde est la mineure au lieu d'être la majeure. Voir plus haut, § 9.

Il n'y aura pas de syllogisme, car la contradictoire de l'universelle négative étant une particulière affirmative, elle ne peut servir de majeure dans la première figure, qui doit toujours avoir une majeure universelle.

§ 14. Si l'on suppose la contraire, c'est-à-dire, si, dans l'hypothèse, on prend la proposition contraire à la première conclusion universelle négative , au lieu de prendre sa contradictoire.

On ne démontre pas l'objet en question, parce que les deux contraires peuvent être fausses à la fois, et qu'on ne peut de la fausseté de l'une induire la vérité de l'autre comme pour les contradictoires. Voir plus haut, § 4.

§ 15. Soit supposé que A est à tout B, c'est-à-dire, si l'on prend la contraire de l'universelle négative, en gardant la première majeure admise : ce syllogisme se forme en Barbara: C est à tout A : A est à tout B; Donc C est à tout B, conclusion absurde : donc C n'est pas à tout B; mais il ne s'ensuit pas qu'il ne soit à aucun B ; ce qui était à démontrer.

§ 16. Si l'on joint l'autre proposition à Β, c'est-à-dire, si l'on garde pour mineure la proposition vraie.

L'hypothèse n'est pas détruite, sous-entendu, de manière que la première conclusion soit établie pour vraie : c'est qu'ici encore les deux contraires peuvent être fausses à la fois. Voir plus haut, § 14.

— En résumé donc l'universelle négative n'est jamais prouvée par réduction à l'absurde, si l'on prend hypothétiquement sa contraire : c'est toujours sa contradictoire qu'il faut employer.

§ 17. Que A n'est pas à tout B, c'est-à-dire, pour démontrer, par réduction à l'absurde, la particulière négative, il faut prendre la contradictoire universelle affirmative. Le syllogisme par l'absurde se forme en Barbara ; C est à tout A, A est à tout B; Donc C est à tout B, conclusion absurde parce que la mineure est contradictoire à la première conclusion qui alors est vraie.

§ 18. Si l'on joint l'autre proposition à B, c'est-à-dire, si la proposition vraie qu'on garde est prise pour mineure, le syllogisme se forme toujours en Barbara; et la majeure est fausse.

§ 19. Si AC était négatif, Celarent au lieu de Barbara, la majeure universelle étant négative au lien d'être affirmative; et la mineure est fausse. La conclusion est fausse comme elle, et négative comme la majeure.

§ 20. Le privatif à B, c'est-à-dire, si la mineure est universelle privative ; il n'y a pas alors de conclusion possible, parce que, dans la première figure, la mineure doit toujours être affirmative.

§ 21. Au lieu de la contradictoire, § 17, on peut prendre la contraire de la particulière négative.

Non qu'il n'est pas à tout, c'est-à-dire qu'on ne démontre pas la contradictoire; mais bien qu'il n'est à aucun, c'est-à-dire, la contraire.

— Syllogisme en Darii par réduction à l'absurde : C est à tout A, A est à quelque B ; Donc C est à quelque Β, conclusion absurde; or, la majeure est vraie, donc la mineure est fausse : A est à quelque B; donc la contradictoire : A n'est à aucun B, est vraie.

La proposition vraie est détruite, c'est-à-dire, A n'est pas à quelque B.

Car alors elle serait fausse, en effet la majeure étant vraie, et la conclusion fausse, il faut que la mineure qui est l'hypothèse soit fausse; car si elle était vraie, la conclusion serait vraie aussi, puisque de prémisses toutes deux vraies, on ne peut tirer que le vrai.

Non qu'il est à quelque B, c'est-à-dire qu'il faut toujours, dans l'hypothèse, prendre la contradictoire et non la contraire; or, la contradictoire de la particulière négative est l'universelle affirmative.

§ 22. C'est que, dans la langue logique d'Aristote, N'être pas à quelque, n'être pas à tout, sont des expressions identiques, représentant toutes deux la particulière négative. La démonstration doit alors être la même de part et d'autre. Voir plus haut, ch. 8, § 2.

§ 23. Dans tout les syllogismes, de la première figure, conduisant à l'absurde.

D'aucune des deux façons, c'est-à-dire, ni comme nécessaire, ni comme probable. On ne peut l'admettre comme nécessaire; car la fausseté de l'hypothèse n'entraîne pas nécessairement la vérité de la proposition contraire ; ni comme probable; car, pour les contraires, il n'est pas non plus probable que l'une étant fausse, l'autre soit vraie, puisqu'elles peuvent être aussi toutes deux fausses à la fois.

§ 24. Voir l'exception du § 2, qui est ici confirmée. 

 

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