POLYBE
Guerre des mercenaires
Retour de Sicile à Carthage : envoi des mercenaires à Sicca
LXVI.
„Vw gŒr ytton ¤pitelesyeisÇn tÇn
proeirhm¡nvn
dialæsevn Žpokat¡sthse tŒw perÜ tòn …Eruka dun‹meiw eÞw
tò Lilæbaion õ B‹rkaw, eéy¡vw aétòw m¢n Žp¡yeto t¯n Žrx®n, õ d'
¤pÜ t°w pñlevw strathgòw G¡skvn ¤gÛneto perÜ tò peraioèn [3] boulñmenow Žnastrof¯n didñnai toÝw KarxhdonÛoiw eÞw tò toçw katapleæsantaw kaÜ misyodothy¡ntaw tŒ prosofeilñmena tÇn ôcvnÛvn fy‹nein Žpallattom¡nouw ¤k t°w Karxhdñnow eÞw t¯n oÞkeÛan prÜn µ toçw ¥j°w peraioum¡nouw ¤pikatalabeÝn. [4] õ m¢n [5] Oß d¢ Karxhdñnioi tŒ m¢n oék eéporoæmenoi xrhm‹tvn diŒ tŒw progegenhm¡naw dap‹naw, tŒ d¢ kaÜ pepeism¡noi parait®sesyai toçw misyofñrouw m¡row ti tÇn [6] Ginom¡nvn d¢ pleiñnvn Ždikhm‹tvn kaÜ næktvr kaÜ mey' ²m¡ran, tò m¢n prÇton êpidñmenoi tòn öxlon kaÜ t¯n sumbaÛnousan ŽkrasÛan ±jÛvsan toçw ²gemñnaw, §vw ’n ¥toimasy» m¢n tŒ katŒ tŒw sitarxÛaw aétoÝw prosd¡jvntai d¢ toçw Žpoleipom¡nouw Žnaxvr°sai p‹ntaw eàw tina pñlin t¯n prosagoreuom¡nhn SÛkkan, labñntaw eÞw tŒ katepeÛgonta xrusoèn §kaston. [7] Proyæmvw d¢ s [8] ŽgvniÇntew oß Karxhdñnioi m® pote diŒ xrñnou paragegonñtew kaÜ tin¢w m¢n t¡knvn ¦nioi d¢ kaÜ gunaikÇn ßmeÛrontew, oß m¢n oék ¤kporeuyÇsi tò par‹pan, oß d' ¤kporeuy¡ntew aïyiw Žnak‹mptvsi pròw taèta, kaÜ tÒ toioætÄ trñpÄ mhd¢n ¸tton ŽdÛkhma gÛnhtai katŒ t¯n pñlin. [9] Taèta proorÅmenoi metŒ poll°w ŽpexyeÛaw oédamÇw boulom¡nouw toçw ŽnyrÅpouw ±n‹gkasan tŒw [12] P‹ntew d' |
¤pitel¡v :
achever proer¡v : dire d'avance di‹lusiw : la dissolution, la cessation ŽpokayÛsthmi : installer, ramener eéy¡vw : aussitôt ŽpotÛyhmi : déposer, remettre peraiñv : transporter au-delà 2. proor‹v : prévoir ¤mfrñnvw : sensément, avec prudence ¤ mbib‹zv : faire avancer, transporter di‹leimma : l'intervalle ¤japostol® : le renvoi 3. Žnastrof® : le délai, le temps katapl¡v : débarquer, revenir par eau misyodot¡v : donner la solde prosofeÛlv : devoir en outre (passif) rester dû ôcÅnion : l'approvisionnement de vivres ou d'argent fy‹nv : arriver le premier, devancer peraiñv : transporter au-delà 5. ¤pikatalamb‹nv : dépasser, devancer e épor¡v : être dans l'abondance dap‹nh : la dépense parait¡omai : demander, solliciter prosofeÛlv : devoir en outre ôcÅnion : l'approvisionnement de vivres ou d'argent sunayroÛzv : rassembler (une armée), réunir parakat¡xv : retenir katapl¡v : descendre de navire sun¡xv : renir ensemble, retenir 6. næktvr : pendant la nuit êfor‹v : regarder d'un mauvais oeil sumbaÛnv : survenir, avoir lieu ŽkrasÛa : l'impuissance à se gouverner, l'intempérance ¥toim‹zv : préparer, disposer s itarxÛa : l'intendance, le ravitaillement katepeÛgv : presser, pousser vivement tŒ katepeÛgonta : la nécessité urgente 7. sænêpakoæv : écouter, obéir Žposkeu® : (pl) : les bagages ¤p‹nodow : le retour ôcvniasmñw : la provision de bouche, la solde 8. Žgvni‹v : s'inquiéter, craindre ßmeÛrv = +gén : désirer, souhaiter Žnak‹mptv : retourner sur ses pas 9. Žp¡xyeia : la haine Žposkeu® : (pl) : les bagages 10. sunan‹gv : (pass) : se retirer nesiw : le relâchement Žfu®w : sans dispositions naturelles, incapable Žrxhgñw : qui est la cause première Žde®w : sans crainte 11. =&yum¡v : se laisser aller à la mollesse ¤klogÛzomai : calculer, supputer sugkefalaiñv : récapituler pollapl‹siow : plusieurs fois autant 12. ¤paggelÛa : la promesse ¤pisfal®w : chancelant, instable prosdokÛa : l'attente ¤panñryvsiw : l'amélioration, le redressement |
Le
traité de paix conclu et ratifié, Hamilcar conduisit l'armée du camp d'Éryce
à Lilybée, et là, se démit du commandement. Gescon, gouverneur de la ville,
se chargea du soin de renvoyer ces troupes en Afrique, mais prévoyant ce qui
pouvait arriver, il s'avisa d'un expédient fort sage. Il partagea ces troupes,
et ne les laissa s'embarquer que partie à partie, et par intervalles, afin de donner aux
Carthaginois le temps de les payer à mesure qu'elles arriveraient et de les
renvoyer chez elles avant que les autres débarquassent.
Les Carthaginois, épuisés
par les dépenses de la guerre précédente, et se flattant qu'en gardant ces
mercenaires dans la ville, ils en obtiendraient quelque grâce sur la solde qui
leur était due, reçurent et enfermèrent dans leurs murailles tous ceux qui
abordaient.
Mais
le désordre et la licence régnèrent bientôt partout. Nuit et jour on en
ressentit les tristes effets. Dans la crainte où l'on était que cette
multitude de gens ramassés ne poussât encore les choses plus loin, on pria
leurs officiers de les mener tous à Sicca, de leur faire accepter à chacun une
pièce d'or pour les besoins les plus pressants et d'attendre là qu'on leur eût
préparé tout l'argent qu'on était convenu de leur donner, et que le reste de
leurs gens les eussent joints.
Ces
chefs consentirent volontiers à cette retraite, mais comme ces étrangers
voulurent laisser à Carthage tout ce qui leur appartenait, selon qu'il s'était
pratiqué auparavant, et par la raison qu'ils devaient y revenir bientôt pour
recevoir le paiement de leur solde, cela
inquiéta les Carthaginois. Ils craignirent que ces soldats réunis, après une
longue absence, à leurs enfants et à leurs femmes, ne refusassent absolument
de sortir de la ville ou n'y revinssent pour satisfaire à leur tendresse, et
que par là on ne revît les mêmes désordres. Dans
cette pensée ils les contraignirent, malgré leurs représentations, d'emmener
avec eux à Sicca tout ce qu'ils avaient à Carthage.
Les
mercenaires se retirèrent à Sicca, là, cette multitude, vivant dans
une inaction et un repos où elle ne s'était pas vue depuis longtemps, fit
impunément tout ce qu'elle voulut, effet ordinaire de l'oisiveté, la chose du
monde que l'on doit le moins souffrir dans des troupes étrangères, et qui est
comme la première cause des séditions. Quelques-uns
d'eux occupèrent leur loisir à supputer l'argent qui leur était encore redû,
et, augmentant la somme de beaucoup, dirent qu'il fallait l'exiger des
Carthaginois. Tous,
se rappelant les promesses qu'on leur avait faites dans les occasions périlleuses,
fondaient là-dessus de grandes espérances, et en attendaient de grands
avantages.
Colère des mercenaires
LXVII.
Diñper
‘ma tÒ sullexy°nai
p‹ntaw eÞw t¯n SÛkkan, kaÜ paragenñmenon
…Annvna tòn êp‹rxonta strathgòn ¤n t» Libæú tñte tÇn
KarxhdonÛvn m¯ oåon tŒw ¤lpÛdaw kaÜ tŒw ¤paggelÛaw ¤kplhroèn,
ŽllŒ [3] Éw d' ’n m®y' õmoeynÇn m®y' õmoglÅttvn êparxñntvn, ·n ŽmijÛaw kaÜ yoræbou kaÜ t°w legom¡nhw tærbhw pl°rew tò stratñpedon. [4] Karxhdñnioi gŒr ŽeÜ xrÅmenoi poikÛlaiw kaÜ misyoforikaÝw dun‹mesin, pròw m¢n tò m¯ tax¡vw sumfron®santaw ŽpeiyeÝn mhd¢ duskatapl®ktouw eänai toÝw ²goum¡noiw ôryÇw stox‹zontai poioèntew, ¤k pollÇn genÇn t¯n dænamin, [5] pròw d¢ [6] Oé gŒr oåon ŽnyrvpÛnú xr°syai kakÛ& sumbaÛnei tŒw toiaætaw dun‹meiw, ÷tan pajeÞw ôrg¯n kaÜ diabol¯n ¤mp¡svsi prñw tinaw, Žll' Žpoyhrioèsyai tò teleutaÝon kaÜ parastatik¯n lamb‹nein di‹yesin. [7] ù kaÜ tñte sun¡bh gen¡syai perÜ aétoæw: ·san gŒr oß m¢n …Ibhrew, oß d¢ KeltoÛ tin¢w [9] PÇw gŒr oåñn te; tòn m¢n gŒr strathgòn eÞd¡nai tŒw ¥k‹stvn dial¡ktouw Ždænaton: diŒ pleiñnvn d' ¥rmhn¡vn ¤kklhsi‹zein ‘ma tetr‹kiw kaÜ pent‹kiw perÜ taétoè l¡gonta pr‹gmatow sxedòn Éw eÞpeÝn ¦ti toè prñsyen ŽdunatÅteron. [10] Loipòn ·n diŒ tÇn ²gemñnvn poieÝsyai tŒw ŽjiÅseiw kaÜ parakl®seiw: ÷per ¤peirto tñte sunexÇw poieÝn [õ] …Annvn. [11] Žkm¯n d¢ kaÜ toætouw sun¡bainen “ m¢n oék aÞsy‹nesyai tÇn legom¡nvn, d¢ kaÜ sunain¡santaw ¤nÛote tÒ strathgÒ tŽnantÛa [13] T¡low d' oïn ŽpajiÅsantew m¢n tòn …Annvna, diapist®santew d¢ toÝw katŒ m¡ |
sull¡gv
: rassembler, réunir êp‹rxv : commencer, être sous la main b‹row : le poids fñrow : la taxe, le tribut, l'impôt kayñlou : en général stenoxvrÛa : l'espace étroit, la détresse ¤gxeir¡v : entreprendre, discuter, attaquer prosofeÛlv : devoir en outre, rester dû 2. diafor‹ : la différence, la distinction genn‹v : engendrer sundrom® : la course tumultueuse su nex®w : continu, dense, épais õmoè : ensemble 3. õmoeyn®w : de même race õmñglvssow : de même langue ŽmijÛa : l'isolement, la sauvagerie tærbh : le désordre, le tumulte 4. poikÛlow : varié, divers Žpeiy¡v : désobéir duskat‹plhktow : difficile à garder en respect stox‹zomai : viser, conjecturer 5. praè+nv : adoucir Žgno¡v : ignorer, se tromper õlosxerÇw : complètement Žstox¡v : faire fausse route 6. ¤mpÛptv : tomber dans Žpoyhriñv : rendre sauvage, aigrir parastatikñw : qui excite di‹yesiw : la disposition, l'arrangement 7. aétñmolow : transfuge, déserteur 8. ¤kk lhsi‹zv : discuter, assister à une assemblée sunayroÛzv : assembler mhxan® : l'instrument, la machine 10. ŽjiÅsiw : l'estime, la considération, la demande, la requête par‹klhsiw : la prière, l'exhortation sunexÇw : sans interruption 11. sunain¡v : être d'accord, consentir Žs‹feia : l'obscurité ŽmijÛa : l'insolence 12. xreÛa : l'usage, l'avantage ¤japost¡llv : renvoyer, envoyer parakolouy¡v : suivre de près 13. Žpajiñv :regarder comme indigne
|
Quand
ils furent tous rassemblés, Hannon, qui commandait pour les Carthaginois en
Afrique, arrive à Sicca, et, loin de remplir l'attente des étrangers, il dit
que la République ne pouvait leur tenir parole, qu'elle était accablée d'impôts,
qu'elle souffrait d'une disette affreuse de toutes choses, et qu'elle leur
demandait qu'ils lui fissent remise d'une partie de ce qu'elle leur devait. A
peine avait-il cessé de parler, que cette soldatesque se mutine et se révolte.
D'abord chaque nation s'attroupe en particulier, ensuite toutes les nations
ensemble. Le trouble, le tumulte, la confusion étaient tels que l'on peut
s'imaginer parmi des troupes de pays et de langage différents.
Si les Carthaginois, en prenant des soldats de toutes nations, n'ont en vue que
de se faire des armées plus souples et plus soumises, cette coutume n'est pas
à mépriser. Des troupes ainsi ramassées ne s'ameutent pas si tôt pour
s'exciter mutuellement à la rébellion, et les chefs ont moins de peine à s'en
rendre maîtres. Mais, d'un autre côté, si l'on considère l'embarras où l'on
est quand il s'agit d'instruire, de calmer, de désabuser ces sortes d'esprits
toutes les fois que la colère ou la révolte les agite et les transporte, on
conviendra que cette politique est très mal entendue. Ces troupes, une fois
emportées par quelques-unes de ces passions, dépassent toutes les bornes. Ce
ne sont plus des hommes, ce sont des bêles féroces. Il n'est pas de violence
qu'on n'en doive attendre. Les Carthaginois en firent dans cette occasion une
triste expérience. Cette multitude était composée d'Espagnols, de Gaulois, de
Ligures, de Baléares, de Grecs de toute caste, la plupart déserteurs et valets
et surtout d'Africains. Les assembler en un même lieu, et là les haranguer
cela n'était pas possible, car comment leur faire entendre ce que l'on avait à
leur dire ? Il est impossible qu'un général sache tant de langues. Il l'est
encore plus de faire dire quatre ou cinq fois la même chose par des interprètes.
Reste donc de se servir pour cela de leurs officiers, et c'est ce que fit
Hannon. Mais qu'arriva-t-il ? Souvent ou ils n'entendaient pas ce qu'il leur
disait ou les capitaines, après être convenus de quelque chose avec lui,
rapportaient à leurs gens tout le contraire, les uns par ignorance, les autres
par malice. Aussi ne voyait-on qu'incertitude, que défiance, que cabale
partout. D'ailleurs ces étrangers soupçonnaient que ce n'était pas sans
dessein que les Carthaginois, au lieu de leur députer les chefs qui avaient été
témoins de leurs services en Sicile et auteurs des promesses qui leur avaient
été faites, leur avaient envoyé un homme qui ne s'était trouvé dans aucune
des occasions où ils s'étaient signalés. La conclusion fut qu'ils rejetèrent
Hannon, qu'ils n'ajoutèrent aucune foi à leurs officiers particuliers et
qu'irrités contre les Carthaginois, ils avancèrent vers Carthage au nombre de
plus de vingt mille hommes, et prirent leurs quartiers à Tunis, à vingt-six
stades de la ville.
Devant Tunis
LXVIII. Oß d¢ Karxhdñnioi tñte
prò ôfyalmÇn ¤l‹mbanon t¯n aêtÇn gnoian, ÷t' |
gnoia
: l'ignorance, la faute öfelow : l'utilité, l'avantage 2. mart‹nv : manquer ŽyroÛzv : rassembler, réunir xreÛa : l'objet dont on se sert 3. proÛhmi : envoyer en avant, laisser aller ÷mhrow : l'otage Žsfal®w : sûr êpopÛptv : être au pouvoir de, dépendre de eépeiy®w : obéissant parakal¡v : appeler tò parakaloæmenon : la proposition, la demande 4. katapl®ssv : frapper de stupeur, terrasser stratopedeÛa : le campement êpom¡nv : rester en arrière, séjourner, supporter, endurer ¤jil‹skomai : se rendre propice, apaiser par des sacrifices 5. dacil®w : abondant pvl¡v : vendre kayÅw : comme, selon t‹ssv : proposer tim® : la valeur, le prix 6. ¤pino¡v : penser à, imaginer ‘te : +gén abs. attendu que kat‹yars¡v : prendre de l'assurance sunyevr¡v : servir de, observer kat‹plhjiw : la consternation ptoÛa : l'épouvante 7. fronhmatÛzomai : devenir présompteueux peÛyv : moyen : se fier à, croire Žntofyalm¡v : faire face oåon : seulement |
1.
Les Carthaginois virent en face leur erreur quand cela ne leur était plus
d'aucune utilité.
2. Ils avaient commis de grandes erreurs en rassemblant dans un seul
endroit une telle foule de mercenaires, alors qu'ils n'avaient aucun espoir de
ressources militaires chez leurs concitoyens.
3. Plus grave encore : ils avaient laissé aller avec ceux-ci les enfants, les
femmes et les bagages alors qu'ils auraient pu délibérer plus sûrement sur la
situation en les gardant en otage et les avoirs plus obéissants devant des
propositions.
4. Ce ne fut pas le cas, mais effrayés par leur campement, ils supportaient
tout et se hâtaient d'apaiser leur colère en organisant des marchés remplis
de nourriture et vendaient comme ils le voulaient et au prix qu'ils proposaient.
Ils envoyaient sans arrêt des vieillards du conseil qui leur promettaient de
faire tout ce qu'ils exigeaient, dans la mesure de leurs possibilités.
6 Les prétentions des mercenaires étaient de jours en jours plus grandes vu
qu'ils prenaient de l'assurance, qu'ils observaient la consternation et
l'épouvante des Carthaginois, qu'ils devenaient présomptueux et qu'ils
étaient persuadés, à cause des dangers qu'ils avaient courus en Sicile face
aux légions romaines, que non seulement les Carthaginois ne pourraient leur
faire face au combat, ni même aucune autre nation du monde.
Ce
fut alors, mais trop tard, que les Carthaginois reconnurent les fautes qu'ils
avaient faites. C'en était déjà deux grandes, de n'avoir point, en temps de
guerre, employé les troupes de la ville, et d'avoir rassemblé en un même
endroit une si grande multitude de soldats mercenaires, mais ils avaient encore
plus grand tort de s'être défaits des enfants, des femmes et des effets de ces
étrangers. Tout cela leur eût tenu lieu d'otages, et en les gardant, ils
auraient pu sans crainte prendre des mesures sur ce qu'ils avaient à faire, et
amener plus facilement ces troupes à ce qu'ils en auraient souhaité, au lieu
que, dans la frayeur où le voisinage de cette armée les jeta, pour calmer sa
fureur, il fallut en passer par tout ce qu'elle voulut. On envoyait des vivres
en quantité, tels qu'il lui plaisait, et au prix qu'elle y mettait. Le sénat députait
continuellement quelques-uns de ses membres pour les assurer qu'ils n'avaient
qu'à demander, qu'on était prêt à tout faire pour eux, pourvu que ce qu'ils
demanderaient fût possible. L'épouvante dont ils sentirent les Carthaginois
frappés accrut leur audace et leur insolence à un point que, chaque jour, ils
imaginaient quelque chose de nouveau, persuadés d'ailleurs qu'après les
exploits militaires qu'ils avaient faits en Sicile, ni les Carthaginois ni aucun
peuple du monde n'oseraient se présenter en armes devant eux. Dans cette
confiance, quand on leur eut accordé leur solde, ils voulurent qu'on leur
remboursât le prix des chevaux qui avaient été tués, après cela, qu'on leur
payât les vivres qui leur étaient dus depuis longtemps, au prix qu'ils se
vendaient pendant la guerre, qui était un prix exorbitant : c'était tous les
jours nouvelles exactions de la part des brouillons et des séditieux dont cette
populace était remplie, et nouvelles exactions auxquelles la République ne
pouvait satisfaire. Enfin, les Carthaginois promettant de faire pour eux tout ce
qui serait en leur pouvoir, on convint de s'en rapporter sur la contestation à
un des officiers-généraux qui avaient été en Sicile.
Hamilcar était un de ceux sous qui ils avaient servi dans cette île, mais il
leur était suspect, parce que, n'étant pas venu les trouver comme député, et
s'étant, suivant eux, volontairement démis du commandement, il était en
partie cause qu'on avait si peu d'égards pour eux. Gescon était tout à fait
à leur gré. Outre qu'il avait commandé en Sicile, il avait toujours pris
leurs intérêts à cœur, mais surtout lorsqu'il fut question de les renvoyer.
Ce fut donc lui qu'ils prirent pour arbitre du différend.
Matho défait et met à mort Hannibal devant Tunis
LXXXVI. Pr‹jaw d¢ tŒ prodedhlvm¡na toÝw m¢n KarxhdonÛoiw aïyiw ¤lpÛda par¡sthse meg‹lhn pròw tò b¡ltion, kaÛper Žpegnvkñsin ³dh t¯n svthrÛan: aétòw d¢ metŒ Naraæa
kaÜ met' ƒAnnÛbou
t¯n xÅran ¤p¹ei kaÜ tŒw pñleiw.
[2]
Prosxvroæntvn d¢ kaÜ metatiyem¡nvn pròw aétoçw tÇn Libævn diŒ tò gegonòw eétæxhma, poihs‹menoi tŒw pleÛstaw pñleiw êf' ¥autoçw ¸kon ¤pÜ tòn Tænhta kaÜ poliorkeÝn ¤nexeÛrhsan toçw perÜ tòn M‹yv.
[3] KatŒ m¢n oïn t¯n Žpò Karxhdñnow pleurŒn prosestratop¡deusen
ƒAnnÛbaw, katŒ d¢ t¯n Žp¡nanti taæthw ƒAmÛlkaw.
[4] MetŒ d¢ taèta prosagagñntew pròw tŒ teÛxh toçw perÜ
tòn Sp¡ndion aÞxmalÅtouw ¤staærvsan ¤pifanÇw.
[5]
Oß d¢ perÜ tòn M‹yv katano®santew tòn ƒAnnÛban
=&yæmvw kaÜ katateyarrhkñtvw Žnastrefñmenon, ¤piy¡menoi tÒ x‹raki polloçw m¢n tÇn KarxhdonÛvn Žp¡kteinan, p‹ntaw d' ¤j¡balon ¤k t°w stratopedeÛaw, ¤kurÛeusan d¢
[6] Toèton m¢n oïn paraxr°ma pròw tòn toè SpendÛou
stauròn Žgagñntew kaÜ timvrhs‹menoi pikrÇw ¤keÝnon m¢n kayeÝlon, toèton d'
Žn¡yesan
zÇnta kaÜ perikat¡sfajan
[7]
t°w tæxhw Ësper ¤pÛthdew ¤k paray¡sevw Žmfot¡roiw ¤nallŒj didoæshw Žform
[8] õ d¢ B‹rkaw ôc¢ m¢n sun°ke t¯n ¤
[9]
Diñper Žn
prodhlñv
déclarer, notifier d'avance
ŽpogignÅskv renoncer,
désespérer
¦peimi être
en avant, être à la tête de, être le maître de
prosxvr¡v s'avancer vers, passer du côté
de, se joindre
metatÛyhmi changer d'avis, de place
prñs-stratopedeæv camper, établir son
camp
Žp¡nanti en face
aÞxm‹lvtow pris à la guerre (les
prisonniers de guerre)
staurñv élever une palissade, crucifier
katateyarrhkñtvw avec
impudence, avec assurance
x‹raj le pieu, la palissade
kurieæv être maître de
zvgrÛa une
prise vivante
paraxr°ma sur le fait, sur-le-champ
perÛ-katasf‹zv égorger
¤nall‹j en croix
Žnazeægnumi lever le camp
C'est ainsi qu'il releva
une seconde fois les espérances des Carthaginois, qui désespéraient déjà de
leur salut. Ils battirent ensuite la campagne, lui, Naravase et Hannibal,
2. et les Africains se rendirent d'eux-mêmes (à cause de
leur succès). Maîtres de la plupart des villes, ils vinrent à Tunis
assiéger Mathos.
3. Hannibal prit son quartier au côté de la ville qui regardait Carthage, et
Hamilcar le sien au côté opposé.
4. Ensuite, ayant conduit Spendius et les autres prisonniers auprès des
murailles, ils les firent attacher à des croix, à la vue de toute la ville.
5. Tant d'heureux succès endormirent la vigilance d'Hannibal, et lui firent négliger
la garde de son camp. Mathos ne s'en fut pas plus tôt aperçu, qu'il tomba sur
les retranchements, tua grand nombre de Carthaginois, chassa du camp toute l'armée,
s'empara de tous les bagages, et fit Hannibal lui-même prisonnier.
6. On mena aussitôt ce général à la croix où Spendius était attaché. Là,
on lui fit souffrir les supplices les plus cruels, et, après avoir détaché
Spendius, on le mit à sa place, et on égorgea autour du corps de Spendius
trente des principaux Carthaginois,
7. comme si la fortune n'eût suscité cette guerre que pour fournir tour à
tour aux deux armées des occasions éclatantes de se venger l'une de l'autre.
8. Hamilcar, à cause de la distance qui était entre les deux camps, n'apprit
que tard la sortie que Mathos avait faite, et, après en avoir été informé,
il ne courut, pas pour cela au secours : les chemins étaient trop difficiles,
9. mais il leva le camp (qu'il occupait devant Tunis),
et, côtoyant le Macar, il alla se poster à l'embouchure de ce fleuve.