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CHARONDAS

HISTOIRE UNIVERSELLE DE DIODORE DE SICILE

traduite en français par Monsieur l'Abbé TERRASSON

Tome troisième

 

Charondas a pu dire, en parlant de ses membres, « qu'ils mangeaient à la même table »
Aristote, politique, I, I, 6.

Charondas n'a rien de spécial que sa loi contre les faux témoignages, genre de délit dont il s'est occupé le premier ; mais parla précision et la clarté de ses lois, il l'emporte sur les législateurs mêmes de nos jours.
Aristote, Politique, II, IX, 8.

Charondas punissait comme mauvais ceux qui étaient connus pour vivre en mauvaise compagnie.
Montaigne, Essais, I, 38.

Les Sybarites chassés pour la seconde fois de leur ville, envoyèrent des ambassadeurs dans la Grèce à Athènes et à Lacédémone pour prier ces deux villes de favoriser leur retour dans leur patrie et de grossir même par une colonie grecque le nombre de leurs concitoyens. Les Spartiates n'acceptèrent pas cette proposition : mais les Athéniens s'y prêtèrent et envoyèrent aux Sybarites dix vaisseaux remplis d'hommes, à la tête desquels étaient Lampon et Xénocrite. Ils firent publier en même temps dans tout le Péloponnèse qu'ils protégeraient cette colonie et qu'ils favoriseraient tous ceux qui voudraient s'y joindre : plusieurs se laissèrent gagner par ces offres ; et ayant même consulté l'oracle d'Apollon avant leur départ, il leur fut répondu qu'ils devaient bâtir une ville dans un endroit où ils ne trouveraient qu'une médiocre quantité d'eau, mais où ils verraient une grande abondance de pain. Ils voguèrent donc du côté de l'Italie et étant arrivez à Sybaris, ils cherchèrent le lieu qui leur était indiqué par l'oracle. Ils trouvèrent, non loin de Sybaris, une fontaine appelée Thurie, qui rendait l'eau par un tuyau d'airain, que les habitants des environs appelaient tonne. Jugeant que c'était là le lieu que l'oracle leur avait indiqué, ils firent une enceinte de mur au dedans de laquelle ils tracèrent le plan d'une ville, dont le terrain devait avoir dans le sens de la longueur, quatre quartiers : le premier porterait le nom d'Hercule, le second celui de Vénus, le troisième celui d'Olympie et le quatrième celui de Bacchus. Ils en dessinèrent trois autres dans le sens de la largeur, dont l'un s'appellerait le Héros, l'autre Thurie et le dernier Thurin. Les ayant tous divisés par des rues bordées de belles maisons, la ville parut fort bien construite. Mais les citoyens ne vécurent de bonne intelligence entre eux que peu de temps : et ils tombèrent en dissension pour un sujet considérable. Les plus anciens habitants de Sybaris s'approprièrent toutes les charges de quelque distinction et ne laissèrent aux nouveaux que les moins importantes. Ils voulurent de même que ce fussent leurs femmes qui sacrifiassent les premières aux dieux, que celles des autres ne fussent admises qu'après elles à cette fonction. Outre cela ils prirent pour eux dans la distribution des terres, celles qui se trouvaient les plus proches de la ville, en abandonnant les plus éloignées à ceux qu'ils appelaient les étrangers ou les derniers venus. L'animosité de ceux-ci alla si loin, qu'étant en bien plus grand nombre et ayant bien plus de valeur que les anciens, ils les tuèrent presque tous et demeurèrent seuls possesseurs d'une grande enceinte de murailles. Cependant comme la campagne des environs était aussi fort étendue, ils firent venir de la Grèce un grand nombre de familles, avec lesquelles ils partagèrent et les maisons de la ville et la campagne qui l'environnait. Les uns et les autres devinrent bien tôt très opulents ; et ayant fait alliance avec les Crotoniates, ils se conduisaient en tout d'une manière qui leur acquit de la réputation. Ils établirent parmi eux le gouvernement démocratique et partagèrent tous les citoyens en dix tribus auxquelles ils donnèrent les noms des nations dont ils sortaient. Ils nommèrent, par exemple, Arcadique, Achaïque et Eléenne, les trois tribus formées de ceux qui venaient de ces trois provinces du Péloponnèse ; et Béotienne, Amphictyonique et Dorique, trois autres tribus tirées des provinces voisines qui portaient ces noms. Les quatre dernières s'appelèrent Iades, Athénaïque, Euboïque et Nésiotis, par une raison semblable. Ils choisirent pour législateur Charondas, l'homme de son temps le plus estimé dans la science des moeurs. Celui-ci ayant examiné à fond les lois de tous les pays, choisit pour sa patrie les plus sages et les plus convenables. Il en ajouta d'autres tirées de ses propres méditations. Nous rapporterons ici quelques-unes de celles oh nous croyons que les lecteurs pourront trouver quelque utilité.

Le problème des belles-mères

XII.[1] πρῶτον μὲν γὰρ τοῖς μητρυιὰν ἐπαγομένοις κατὰ τῶν ἰδίων τέκνων ἔθηκε πρόστιμον τὸ μὴ γίνεσθαι συμβούλους τούτους τῇ πατρίδι, νομίζων τοὺς κακῶς περὶ τῶν ἰδίων τέκνων βουλευσαμένους καὶ συμβούλους κακοὺς ἔσεσθαι τῇ πατρίδι. ἔφη γὰρ τοὺς μὲν πρῶτον γήμαντας καὶ ἐπιτυχόντας δεῖν εὐημεροῦντας καταπαύειν, τοὺς δὲ ἀποτυχόντας τῷ γάμῳ καὶ πάλιν ἐν τοῖς αὐτοῖς ἁμαρτάνοντας ἄφρονας δεῖν ὑπολαμβάνεσθαι. 

1. Il régla d'abord que ceux qui donneraient une belle-mère à leurs enfants seraient exclus de tout conseil public; jugeant que des hommes capables de rendre un si mauvais office à leur famille, seraient mal intentionnés pour leur patrie. Car, disait-il, si leur premier mariage a été heureux, ils devaient s'en tenir là et si au contraire il a été malheureux, il faut qu'ils aient été bien intentés pour en risquer un second.

Les sycophantes

[2] τοὺς δ' ἐπὶ συκοφαντίᾳ καταγνωσθέντας προσέταξε περιπατεῖν ἐστεφανωμένους μυρίκῃ, ὅπως ἐν πᾶσι τοῖς πολίταις φαίνωνται τὸ πρωτεῖον τῆς πονηρίας περιπεποιημένοι. διὸ καί τινας ἐπὶ τούτῳ τῷ ἐγκλήματι καταδικασθέντας τὸ μέγεθος τῆς ὕβρεως οὐκ ἐνεγκόντας ἑκουσίως ἑαυτοὺς ἐκ τοῦ ζῆν μεταστῆσαι. οὗ συντελεσθέντος ἐφυγαδεύθη πᾶς ἐκ τῆς πόλεως ὁ συκοφαντεῖν εἰωθώς, καὶ τὸ πολίτευμα μακάριον εἶχε βίον τῆς τοιαύτης κακίας ἀπηλλαγμένον. 

2. Il ordonna ensuite que tous ceux qui seraient convaincus de calomnie seraient conduits par les rues portant sur la tête une couronne de tamarin, comme pour faire voir à tout le monde qu'ils étaient parvenus au premier rang de la méchanceté. Quelques-uns de ceux qui avaient été condamnés à cette fâcheuse espèce de triomphe se donnèrent la mort pour en prévenir l'ignominie. Ayant exterminé de la ville par ce moyen ce genre de malfaiteurs, on y mena une vie tranquille et heureuse.

Contre la fréquentation des méchants

[3] ἔγραψε δὲ ὁ Χαρώνδας καὶ περὶ τῆς κακομιλίας νόμον ἐξηλλαγμένον καὶ τοῖς ἄλλοις νομοθέταις παρεωραμένον. ὑπολαβὼν γὰρ τοὺς ἀγαθοὺς ἄνδρας ἐνίοτε διὰ τὴν πρὸς τοὺς πονηροὺς φιλίαν καὶ συνήθειαν διαστρέφεσθαι τὰ ἤθη πρὸς κακίαν, καὶ τὴν φαυλότητα καθάπερ λοιμικὴν νόσον ἐπινέμεσθαι τὸν βίον τῶν ἀνθρώπων καὶ νοσοποιεῖν τὰς ψυχὰς τῶν ἀρίστων· κατάντης γὰρ ἡ πρὸς τὸ χεῖρον ὁδός, ῥᾳδίαν ἔχουσα τὴν ὁδοιπορίαν· διὸ καὶ τῶν μετρίων πολλοὶ τοῖς ἤθεσιν, ὑπούλοις ἡδοναῖς δελεασθέντες, εἰς ἐπιτηδεύσεις χειρίστας περιώκειλαν· ταύτην οὖν τὴν διαφθορὰν ἀναστεῖλαι βουλόμενος ὁ νομοθέτης ἀπηγόρευσε τῇ τῶν πονηρῶν φιλίᾳ τε καὶ συνηθείᾳ χρήσασθαι, καὶ δίκας ἐποίησε κακομιλίας, καὶ προστίμοις μεγάλοις ἀπέτρεψε τοὺς ἁμαρτάνειν μέλλοντας. 

3. Charondas en ce même temps, par une précaution que les législateurs paraissent avoir négligée, publia une loi contre la fréquentation des méchants. Il était persuadé que l'habitude et l'amitié que les hommes nés les plus vertueux avaient contractée avec des gens de mauvaises moeurs les avaient souvent corrompus eux-mêmes et que ce commerce contagieux faisait insensiblement un grand ravage parmi des citoyens. Car enfin, disait-il, la pente vers le mal est très grande et plusieurs de ceux mêmes qui avaient d'abord aimé la vertu, se sont laissé entraîner par l'appas des séductions secrètes jusqu'aux plus grands vices. Le législateur voulant prévenir cette perversion défendit donc par ses lois toute liaison avec les méchants ; il fit des règlements particuliers à ce sujet et menaça de grandes peines ceux qui en transgresseraient quelques articles.

Enseignement public

[4] ἔγραψε δὲ καὶ ἕτερον νόμον πολὺ τούτου κρείττονα καὶ τοῖς παλαιοτέροις αὐτοῦ νομοθέταις ἠμελημένον· ἐνομοθέτησε γὰρ τῶν πολιτῶν τοὺς υἱεῖς ἅπαντας μανθάνειν γράμματα, χορηγούσης τῆς πόλεως τοὺς μισθοὺς τοῖς διδασκάλοις. ὑπέλαβε γὰρ τοὺς ἀπόρους τοῖς βίοις, ἰδίᾳ μὴ δυναμένους διδόναι μισθούς, ἀποστερήσεσθαι τῶν καλλίστων ἐπιτηδευμάτων.
ΧΙΙΙ.[1] τὴν γὰρ γραμματικὴν παρὰ τὰς ἄλλας μαθήσεις προέκρινεν ὁ νομοθέτης, καὶ μάλα προσηκόντως· διὰ γὰρ ταύτης τὰ πλεῖστα καὶ χρησιμώτατα τῶν πρὸς τὸν βίον ἐπιτελεῖσθαι, ψήφους, ἐπιστολάς, διαθήκας, νόμους, τἄλλα τὰ τὸν βίον μάλιστα ἐπανορθοῦντα.
[2] τίς γὰρ ἂν ἄξιον ἐγκώμιον διάθοιτο τῆς τῶν γραμμάτων μαθήσεως; διὰ γὰρ τούτων μόνων οἱ μὲν τετελευτηκότες τοῖς ζῶσι διαμνημονεύονται, οἱ δὲ μακρὰν τοῖς τόποις διεστῶτες τοῖς πλεῖστον ἀπέχουσιν ὡς πλησίον παρεστῶσι διὰ τῶν γεγραμμένων ὁμιλοῦσι· ταῖς τε κατὰ πόλεμον συνθήκαις ἐν ἔθνεσιν ἢ βασιλεῦσι πρὸς διαμονὴν τῶν ὁμολογιῶν ἡ διὰ τῶν γραμμάτων ἀσφάλεια βεβαιοτάτην ἔχει πίστιν· καθόλου δὲ τὰς χαριεστάτας τῶν φρονίμων ἀνδρῶν ἀποφάσεις καὶ θεῶν χρησμούς, ἔτι δὲ φιλοσοφίαν καὶ πᾶσαν παιδείαν μόνη τηρεῖ καὶ τοῖς ἐπιγινομένοις ἀεὶ παραδίδωσιν εἰς ἅπαντα τὸν αἰῶνα.
[3] διὸ καὶ τοῦ μὲν ζῆν τὴν φύσιν αἰτίαν ὑποληπτέον, τοῦ δὲ καλῶς ζῆν τὴν ἐκ τῶν γραμμάτων συγκειμένην παιδείαν. ὅθεν ὡς μεγάλων τινῶν ἀγαθῶν ἀποστερουμένους τοὺς ἀγραμμάτους διωρθώσατο τῇ νομοθεσίᾳ ταύτῃ καὶ δημοσίας ἐπιμελείας τε καὶ δαπάνης ἠξίωσε,
[4] καὶ τοσοῦτον ὑπερεβάλετο τοὺς πρότερον νομοθετήσαντας δημοσίῳ μισθῷ τοὺς νοσοῦντας τῶν ἰδιωτῶν ὑπὸ ἰατρῶν θεραπεύεσθαι, ὥσθ' οἱ μὲν τὰ σώματα θεραπείας ἠξίωσαν, ὁ δὲ τὰς ψυχὰς τὰς ὑπ' ἀπαιδευσίας ἐνοχλουμένας ἐθεράπευσε, κἀκείνων μὲν τῶν ἰατρῶν εὐχόμεθα μηδέποτε χρείαν ἔχειν, τοῖς δὲ τῆς παιδείας διδασκάλοις ἐπιθυμοῦμεν ἅπαντα τὸν χρόνον συνδιατρίβειν.

4. Il établit une autre loi non moins importante et oubliée aussi par tous ceux qui l'ont précédé. Il ordonna que tous les fils de famille appendraient à lire et à écrire sous des maîtres gagés par le public : car il jugeait bien que sans cette condition, ceux dont les parents ne seraient pas en état de payer les maîtres seraient privés de cet avantage. Il était persuadé avec raison que cette connaissance doit précéder toutes les autres : car c'est par l'écriture que s'exécutent les choses les plus utiles de la vie ; les scrutins pour les nominations aux charges, les lettres missives, les dispositions testamentaires, l'institution des lois et tout ce qui entretient la société. En effet, qui pourra jamais rassembler dans un éloge complet toutes les utilités de cet art. C'est par lui seul que les actions des morts illustres demeurent dans la mémoire des vivants. Que ceux qui sont les plus séparés les uns des autres par la distance des lieux, se rendent présents à leurs amis et conversent avec eux. Que les guerres les plus vives se terminent entre les rois et les nations, et se changent par la foi des traités et des signatures mutuelles, en une paix solide et durable. Que les sentences et les maximes des sages, les réponses des dieux, les leçons de toute espèce de philosophie passent dans tous les pays et sont transmises à la postérité la plus éloignée. En un mot, c'est la nature qui nous donné la vie ; mais l'écriture seule nous a appris à bien vivre. Ce sont-là les richesses que Charondas voulut procurer à ses citoyens ; et il crut qu'un soin si important était digne de l'attention et des dépenses mêmes de la République. Il a par ce règlement autant surpassé les législateurs qui ont voulu que les médecins fussent payés par le public, que la guérison des âmes par l'instruction est supérieure à celle des corps par les remèdes. Nous souhaitons d'ailleurs de n'avoir jamais besoin des médecins, au lieu que nous cherchons continuellement ceux qui peuvent nous instruire. 

Poésies sur les lois de Charonsas

XIV [1] ἀμφότερα δὲ τὰ προειρημένα πολλοὶ τῶν ποιητῶν δι' ἐμμέτρου ποιήματος μεμαρτυρήκασι· τὴν μὲν κακομιλίαν ἐν τοῖσδε,
ὅστις δ' ὁμιλῶν ἥδεται κακοῖς ἀνήρ,
οὐπώποτ' ἠρώτησα, γινώσκων ὅτι
τοιοῦτός ἐστιν οἷσπερ ἥδεται ξυνών·
τὸν δὲ περὶ τῆς μητρυιᾶς τεθέντα νόμον ἐν τούτοις,
νομοθεσίᾳ τά τ' ἄλλα καὶ ταυτὶ λέγειν·
ὁ παισὶν αὑτοῦ μητρυιὰν ἐπεισάγων
μήτ' εὐδοκιμείτω μήτε μετεχέτω λόγου
παρὰ τοῖς πολίταις, ὡς ἐπείσακτον κακὸν
κατὰ τῶν ἑαυτοῦ πραγμάτων πεπορισμένος.
εἴτ' ἐπέτυχες γάρ, φησί, γήμας τὸ πρότερον,
εὐημερῶν κατάπαυσον, εἴτ' οὐκ ἐπέτυχες,
ταῖς γὰρ ἀληθείαις ὁ δὶς ἐν τοῖς αὐτοῖς πράγμασιν ἁμαρτάνων ἄφρων ἂν δικαίως νομισθείη.
[2] καὶ Φιλήμονος τοῦ κωμῳδιογράφου γράφοντος τοὺς πολλάκις ναυτιλλομένους καὶ συνειπόντος τῷ νόμῳ
τεθαύμακ' οὐκέτ' εἰ πέπλευκέ τις,
ἀλλ' εἰ πέπλευκε δίς
τὸ παραπλήσιον ἄν τις ἀποφαίνοιτο μὴ θαυμάζειν εἴ τις γεγάμηκεν, ἀλλ' εἰ δὶς γεγάμηκε· κρεῖττον γὰρ εἶναι δὶς ἑαυτὸν θαλάττῃ παραβαλεῖν ἢ γυναικί.
[3] μέγισται γὰρ καὶ χαλεπώταται στάσεις ἐν ταῖς οἰκίαις γίνονται διὰ μητρυιὰς τέκνοις πρὸς πατέρας, καὶ διὰ ταῦτα πολλαὶ καὶ παράνομοι πράξεις ἐν τοῖς θεάτροις τραγῳδοῦνται.
μανικὸν τὸ πεῖραν δευτέρας λαβεῖν πάλιν
 

Au reste plusieurs poètes ont célébré dans leurs vers les deux premières d'entre les lois que nous venons de rapporter : nous avons encore ceux-ci au sujet de la fréquentation des méchants.
Je m'épargne le soin d'éprouver par lui-même,
Celui qui s'associe aux hommes vicieux
Quand il ferait bien né ; ce choix pernicieux,
Le rendra tel que ceux qu'il aime.

En voici d'autres, où l'on fait parler ainsi ce législateur contre les seconds mariages, ou l'introduction des belles-mères.
Quiconque à ses enfants présente une marâtre,
D'aucun emploi public n'illustrera son nom :
Il ferait de sa ville un tragique théâtre,
Comme il le fait de sa maison.
Si ton premier hymen seconda ton envie,
C'était assez pour toi : mais s'il fut malheureux;
Insensé, fallait-il dans le cours d'une vie,
Tenter deux fois un sort affreux ?
En effet, on peut dire que celui qui fait deux fois la même faute, est véritablement insensé. Il est naturel d'appliquer à ceci ce que le poète comique Philémon dit des Voyageurs sur mer ,
Que l'on risque une fois les caprices de l'onde,
Je le veux : mais comment excuser le seconde ?
De même on peut n'être pas surpris qu'un homme se marie une fois ; mais on peut l'être beaucoup qu'il se marie deux fois. Car enfin il y a encore plus de risque dans le mariage que sur la mer. Mais d'ailleurs quelles discordes ne sont point arrivées dans les familles entre les pères et les enfants par l'introduction des belles mères ? et quels événements tragiques ces exemples ne fournissent-ils pas tous les jours à nos théâtres ? 

Loi sur les orphelins

XV.[1] ὁ δ' οὖν Χαρώνδας καὶ ἕτερόν τινα νόμον ἀποδοχῆς ἀξιούμενον ἔγραψε, τὸν περὶ τῆς τῶν ὀρφανῶν φυλακῆς. οὗτος δ' ἐξ ἐπιπολῆς μὲν θεωρούμενος οὐδὲν φαίνεται περιττὸν ἔχειν οὐδὲ ἀποδοχῆς ἄξιον, ἀναθεωρούμενος δὲ καὶ μετ' ἀκριβείας ἐξεταζόμενος μεγάλην ἔχει σπουδήν τε καὶ δόξαν.
[2] ἔγραψε γὰρ τῶν μὲν ὀρφανικῶν χρημάτων ἐπιτροπεύειν τοὺς ἀγχιστεῖς τοὺς ἀπὸ πατρός, τρέφεσθαι δὲ τοὺς ὀρφανοὺς παρὰ τοῖς συγγενέσι τοῖς ἀπὸ μητρός. αὐτόθεν μὲν οὖν ὁ νόμος οὗτος οὐδὲν ὁρᾶται περιέχων σοφὸν ἢ περιττόν, ἐξεταζόμενος δὲ κατὰ βάθους εὑρίσκεται δικαίως ὢν ἄξιος ἐπαίνων. ζητουμένης γὰρ τῆς αἰτίας δι' ἣν ἄλλοις μὲν τὴν οὐσίαν, ἑτέροις δὲ τὴν τῶν ὀρφανῶν τροφὴν ἐπίστευσεν, ἐκφαίνεταί τις ἐπίνοια τοῦ νομοθέτου περιττή·
[3] οἱ μὲν γὰρ ἀπὸ μητρὸς συγγενεῖς οὐ προσήκοντες τῇ κληρονομίᾳ τῶν ὀρφανῶν οὐκ ἐπιβουλεύσουσιν,οἱ δ' ἀπὸ τοῦ πατρὸς οἰκεῖοι ἐπιβουλεῦσαι μὲν οὐ δύνανται διὰ τὸ μὴ πιστεύεσθαι τοῦ σώματος, τῆς δ' οὐσίας εἰς ἐκείνους καθηκούσης, ἐὰν οἱ ὀρφανοὶ τελευτήσωσιν ἢ διὰ νόσον ἤ τινα ἄλλην περίστασιν, ἀκριβέστερον οἰκονομήσουσι τὰ χρήματα, ὡς ἰδίας τὰς ἐκ τῆς τύχης ἐλπίδας ἔχοντες.
 

Charondas établit aussi une autre loi pour l'éducation des orphelins. Sur la simple exposition on n'en aperçoit pas bien le motif, mais à la confédérer attentivement, elle marque une grande prévoyance dans son auteur, et mérite beaucoup d'éloges. Elle ordonne que les biens des orphelins seront administrés par les parents les plus proches du côté du père et que les orphelins eux-mêmes soient élevés par les parents les plus proches du côté de la mère. On ne voit pas d'abord le fondement de cette distinction. Mais en cherchant attentivement pourquoi le législateur veut que les biens soient gouvernés par les uns et les enfants mêmes par les autres, on en découvre une raison , qui suppose une grande connaissance du cœur de l'homme. Car les parents de la mère n'ayant rien à espérer de la succession des enfants, n'auront aucun intérêt à rien entreprendre contre leur vie et les parents du père, n'ayant point ces enfants chez eux , ne seront pas à portée de rien attenter, quand ils le voudraient, contre leurs personnes. D'un autre côté, comme les parents paternels sont héritiers de ces enfants en cas que la maladie, ou d'autres accidents, les enlèvent dans leur jeunesse ; ils veilleront avec plus de soin à la conservation des biens qui peuvent un jour leur revenir. 

Loi contre les déserteurs

XVI.[1] ἕτερον δὲ ἔθηκε νόμον κατὰ τῶν λιπόντων τὴν ἐν πολέμῳ τάξιν ἢ τὸ σύνολον μὴ ἀναλαβόντων τὰ ὅπλα ὑπὲρ τῆς πατρίδος. τῶν γὰρ ἄλλων νομοθετῶν κατὰ τῶν τοιούτων τεθεικότων θάνατον τὸ πρόστιμον, οὗτος προσέταξε τοὺς τοιούτους ἐν τῇ ἀγορᾷ ἐφ' ἡμέρας τρεῖς καθῆσθαι ἐν ἐσθῆσι γυναικείαις.
[2] ὁ δὲ νόμος οὗτος ἅμα μὲν φιλανθρωπότερός ἐστι τῶν παρὰ τοῖς ἄλλοις, ἅμα δὲ λεληθότως τῷ μεγέθει τῆς ἀτιμίας ἀποτρέπει τοὺς ὁμοίους τούτοις τῆς ἀνανδρίας· κρεῖττον γάρ ἐστιν ἀποθανεῖν ἢ τοιαύτης ὕβρεως ἐν τῇ πατρίδι πειραθῆναι· ἅμα δὲ καὶ τοὺς ἁμαρτάνοντας οὐκ ἠφάνισεν, ἀλλὰ τῇ πόλει πρὸς τὰς πολεμικὰς χρείας ἐτήρησ' ὡς διορθωσομένους τῇ διὰ τῆς ὕβρεως κολάσει καὶ σπεύσοντας ἑτέροις ἀνδραγαθήμασιν ἐξαλεῖψαι τὴν προγεγενημένην αἰσχύνην.
 

Une autre loi de Charondas est portée contre ceux qui quittent leur rang à l'armée ou qui refusent de prendre les armes pour le service de la patrie. Au lieu que les autres législateurs ont décerné la peine de mort contre cette lâcheté, celui-ci condamne les coupables à être exposé trois jours de suite dans la place publique en habits de femmes. Outre qu'il y a quelque chose de moins cruel dans cette punition, elle inspire peu à peu du courage par la crainte d'une ignominie qui a quelque chose de plus fâcheux que la mort même : d'ailleurs cette loi conserve des citoyens qui peuvent être encore utiles, même pour la guerre, par l'empressement qu'ils auront d'effacer leur honte par des actions extraordinaires.

On ne modifie pas les lois

[3] διὰ δὲ τῆς ἀποτομίας τῶν νόμων διέσωσε τοὺς νόμους ὁ νομοθέτης. προσέταξε γὰρ ἐκ παντὸς τρόπου πείθεσθαι τῷ νόμῳ, κἂν ᾖ παντελῶς κακῶς γεγραμμένος· διορθοῦν δὲ συνεχώρησε τὸν χρείαν ἔχοντα διορθώσεως.
[4] τὸ μὲν γὰρ ἡττᾶσθαι ὑπὸ νομοθέτου καλὸν εἶναι ὑπελάμβανε, τὸ δὲ ὑπὸ ἰδιώτου παντελῶς ἄτοπον, καὶ εἰ ἐπὶ τῷ συμφέροντι γίνεται. καὶ μάλιστα διὰ τοῦ τοιούτου τρόπου τοὺς ἐν τοῖς δικαστηρίοις τῶν παρανενομηκότων προφάσεις καὶ διανοίας ἀντὶ τῶν ῥητῶν εἰσάγοντας ἐκώλυσε ταῖς ἰδίαις εὑρησιλογίαις καταλύειν τὴν τῶν νόμων ὑπεροχήν·
[5] διὸ καί τινας τῶν τοιαύτας κατηγορίας πεποιημένων πρὸς τοὺς δικαστὰς τοὺς δικάζοντας περὶ τῆς τῶν παρανενομηκότων τιμωρίας εἰπεῖν ὅτι σώζειν ἀναγκαῖον ἢ τὸν νόμον ἢ τὸν ἄνδρα.
ΧΩΙΙ.[1] τὸν δ' οὖν Χαρώνδαν φασὶ παραδοξότατον νενομοθετηκέναι περὶ τῆς διορθώσεως τῶν νόμων. ὁρῶντα γὰρ αὐτὸν ἐν ταῖς πλείσταις πόλεσι διὰ τὸ πλῆθος τῶν ἐπιχειρούντων ἐπανορθοῦν τοὺς νόμους λυμαινομένους μὲν τὰς προϋπαρχούσας νομοθεσίας, εἰς στάσεις δὲ τὰ πλήθη προαγομένους, ἴδιόν τι καὶ παντελῶς ἐξηλλαγμένον νομοθετῆσαι.
[2] προσέταξε γὰρ τὸν βουλόμενον διορθῶσαί τινα νόμον, ὅταν ποιῆται τὴν περὶ τῆς διορθώσεως συμβουλίαν, τὸν ἑαυτοῦ τράχηλον εἰς βρόχον ἐντιθέναι, καὶ μένειν ἄχρι ἂν ὅτου τὴν κρίσιν ὁ δῆμος περὶ τοῦ διορθουμένου νόμου ποιήσηται, κἂν μὲν ἡ ἐκκλησία προσδέξηται τὸν ὕστερον γραφόμενον, ἀπολύεσθαι τὸν εἰσηγησάμενον, ἐὰν δὲ ἄκυρον ποιήσηται τὴν διόρθωσιν, παραχρῆμα θνήσκειν ὑπὸ τοῦ βρόχου σφιγγόμενον.
[3] τοιαύτης δὲ κατὰ τὴν διόρθωσιν τῆς νομοθεσίας οὔσης, καὶ τοῦ φόβου τοὺς νεωτέρους νομοθέτας κολάζοντος, οὐδεὶς ἐτόλμα περὶ νόμων διορθώσεως φωνὴν προΐεσθαι· ἐν παντὶ δὲ τῷ μετὰ ταῦτα χρόνῳ παρὰ τοῖς Θουρίοις τρεῖς οἱ πάντες ἱστοροῦνται διορθωταὶ διὰ τό τινας ἀναγκαίας περιστάσεις ἐπὶ τὴν ὑπὲρ τῆς διορθώσεως συμβουλίαν παραγενέσθαι.
[4] νόμου γὰρ ὄντος, ἐάν τίς τινος ὀφθαλμὸν ἐκκόψῃ, ἀντεκκεκόπτεσθαι τὸν ἐκείνου, ἑτερόφθαλμός τις ἐκκοπεὶς τὸν ὀφθαλμὸν καὶ στερηθεὶς ὅλης τῆς ὁράσεως τῷ τὸν ἕνα ἀντεκκεκόφθαι τὸν δράσαντα ἔλαττον ὑπέλαβε πρόστιμον ἐκτῖσαι· τυφλώσαντα γὰρ ἕνα τῶν πολιτῶν, εἰ τὸ κατὰ νόμον πρόστιμον ὁ πράξας ὑπομένοι, μὴ τετευχέναι τῆς ἴσης συμφορᾶς· δίκαιον οὖν εἶναι τὸν ἑτερόφθαλμον τὴν ὅρασιν ἀφελόμενον ἀμφοτέρους ἐκκόπτεσθαι τοὺς ὀφθαλμούς, εἰ μέλλει τὴν ἴσην ἀναδέχεσθαι τιμωρίαν.
[5] διὸ καὶ περιαλγῆ γενόμενον τὸν ἑτερόφθαλμον ἀποτολμῆσαι λόγον ἐν ἐκκλησίᾳ διαθέσθαι περὶ τῆς ἰδίας συμφορᾶς, ἅμα μὲν τοῖς πολίταις ἀποδυρόμενον τὴν ἰδίαν ἀτυχίαν, ἅμα δὲ συμβουλεύοντα τοῖς πλήθεσι διορθώσασθαι τὸν νόμον· τέλος δὲ δόντα τὸν τράχηλον εἰς βρόχον καὶ ἐπιτυχόντα τῇ συμβουλίᾳ, ἀκυρῶσαι μὲν τὸν ὑπάρχοντα νόμον, βεβαιῶσαι δὲ τὸν διορθωθέντα, καὶ διαφυγεῖν τὸν τοῦ βρόχου θάνατον.
ΧVΙΙΙ.[1] δεύτερος δὲ διωρθώθη νόμος ὁ διδοὺς ἐξουσίαν τῇ γυναικὶ ἀπολύειν τὸν ἄνδρα καὶ συνοικεῖν ᾧ ἂν βούληται. τῶν γὰρ προβεβηκότων τῇ ἡλικίᾳ τις, ἔχων γυναῖκα νεωτέραν καὶ καταλειφθείς, συνεβούλευε τοῖς Θουρίοις διορθῶσαι τὸν νόμον καὶ προσγράψαι τὴν καταλιποῦσαν ἄνδρα συνοικεῖν ᾧ ἂν βούληται μὴ νεωτέρῳ τοῦ προτέρου· ὁμοίως δὲ κἂν ἀνὴρ ἐκβάλῃ γυναῖκα, μὴ γαμεῖν ἄλλην νεωτέραν ταύτης τῆς ἐκβληθείσης.
[2] εὐστοχήσας δ' ἐν τῇ συμβουλίᾳ καὶ ἀκυρώσας τὸν πρότερον νόμον διέφυγε [μὲν] τὸν ἐκ τοῦ βρόχου κίνδυνον· τῆς δὲ γυναικὸς κωλυθείσης νεωτέρῳ συνοικῆσαι, πάλιν ἔγημε τὸν ἀπολυθέντα.
[3] τρίτος δὲ νόμος διωρθώθη ὁ περὶ τῶν ἐπικλήρων, ὁ καὶ παρὰ Σόλωνι κείμενος. ἐκέλευε γὰρ τῇ ἐπικλήρῳ ἐπιδικάζεσθαι τὸν ἔγγιστα γένους, ὡσαύτως δὲ καὶ τὴν ἐπίκληρον ἐπιδικάζεσθαι τῷ ἀγχιστεῖ, ᾧ ἦν ἀνάγκη
συνοικεῖν ἢ πεντακοσίας ἐκτῖσαι δραχμὰς εἰς προικὸς λόγον τῇ πενιχρᾷ ἐπικλήρῳ.
[4] ὀρφανὴ γάρ τις εὐγενὴς ἐπίκληρος, ἀπορουμένη παντελῶς τῶν κατὰ τὸν βίον καὶ διὰ τὴν πενίαν οὐ δυναμένη συνοικῆσαι, κατέφυγεν ἐπὶ τὸν δῆμον, καὶ μετὰ δακρύων ἐκθεμένη τὴν ἑαυτῆς ἐρημίαν τε καὶ καταφρόνησιν, πρὸς δὲ τούτοις ὑπογραψαμένη τὴν διόρθωσιν τοῦ νόμου, ὥστε ἀντὶ τῆς ἐκτίσεως τῶν πεντακοσίων δραχμῶν γράψαι συνοικεῖν κατ' ἀνάγκην τὸν ἄγχιστα γένους τῇ ἐπιδικασθείσῃ ἐπικλήρῳ· τοῦ δὲ δήμου διὰ τὸν ἔλεον ψηφισαμένου διορθῶσαι τὸν νόμον, ἡ μὲν ὀρφανὴ τὸν ἐκ τοῦ βρόχου κίνδυνον ἐξέφυγεν, ὁ δ' ἀγχιστεὺς πλούσιος ὢν ἠναγκάσθη γῆμαι γυναῖκα πενιχρὰν ἐπίκληρον ἄνευ προικός.
ΧΙΧ.[1] λείπεται δ' ἡμῖν εἰπεῖν ὑπὲρ τῆς τοῦ Χαρώνδου τελευτῆς, καθ' ἣν ἴδιόν τι καὶ παράδοξον αὐτῷ συνέβη. ἐπὶ γὰρ τὴν χώραν ἐξιὼν μετὰ ξιφιδίου διὰ τοὺς λῃστάς, καὶ κατὰ τὴν ἐπάνοδον ἐκκλησίας συνεστώσης καὶ ταραχῆς ἐν τοῖς πλήθεσι, προσέστη πολυπραγμονῶν τὰ κατὰ τὴν στάσιν.
[2] νενομοθετηκὼς δ' ἦν μηδένα μεθ' ὅπλου ἐκκλησιάζειν, καὶ ἐπιλαθόμενος ὅτι τὸ ξίφος παρέζωσται, παρέδωκεν ἐχθροῖς τισιν ἀφορμὴν κατηγορίας. ὧν ἑνὸς εἰπόντος καταλέλυκας τὸν ἴδιον νόμον, μὰ Δι', εἶπεν, ἀλλὰ κύριον ποιήσω· καὶ σπασάμενος τὸ ξιφίδιον ἑαυτὸν ἀπέσφαξεν. ἔνιοι δὲ τῶν συγγραφέων τὴν πρᾶξιν ταύτην περιτιθέασι Διοκλεῖ τῷ Συρακοσίων νομοθέτῃ.
[3] ἡμεῖς δὲ ἀρκούντως τὰ περὶ Χαρώνδαν τὸν νομοθέτην διεληλυθότες βραχέα βουλόμεθα καὶ περὶ Ζαλεύκου τοῦ νομοθέτου διελθεῖν διά τε τὴν ὁμοίαν προαίρεσιν τοῦ βίου καὶ τὸ γεγονέναι τοὺς ἄνδρας ἐν πόλεσιν ἀστυγείτοσιν.

Au reste Charondas jugeait que la rigueur était le maintien des lois. Ainsi il ordonna que les siennes fuirent observées, quand même on les trouverait mal portées ; laissant néanmoins le droit de les corriger sous certaines conditions que nous indiquerons plus bas. Mais il partait de ce principe qu'il était aussi avantageux de se soumettre à la loi, qu'il est dangereux de la soumettre elle-même à tous les particuliers qui croiraient proposer des choses utiles. Ainsi dans les jugements il reprenait et faisait taire tous les accusés qui substituant des tours d'éloquence et des interprétations arbitraires la lettre de la loi en violaient, disait-il, l'autorité et la majesté. Aussi quelques-uns de ceux qui portaient des accusations devant les juges, quand ils les voyaient incertains sur la sentence qu'ils prononceraient, ne manquaient pas d'insister, en leur disant qu'ils avaient à sauver ou la loi ou le coupable. On ajoute que Charondas fit à ce sujet un règlement très singulier et dont on n'avait jamais vu d'exemple. Frappé du désordre et des séditions qu'il voyait arriver en plusieurs villes par la multitude de ceux qui voulaient redresser les lois, parce qu'étant suspendues dans cet intervalle, elles laissaient les peuples dans une espèce d'anarchie, il ordonna qu'aucun particulier ne se prétende dans la place publique pour y proposer la réforme d'une loi, sans s'être mis lui-même la corde au cou qu'il y garderait jusqu'à ce que le peuple eut prononcé son jugement à l'égard de cette réforme : si on l'acceptait, le proosant serait dégagé aussitôt : mais si le peuple jugeait le changement de la loi inutile ou dommageable, le réformateur serait étranglé sur le champ avec sa corde. Ce règlement ferma la bouche à ces nouveaux législateurs et tout le monde craignit de risquer ses réflexions sur ce sujet. Ainsi depuis ce temps-là on ne trouve chez les Thuriens que trois exemples de lois changées, sur l'avis de trois hommes qui eurent le courage de se présenter l'assemblée en des constances remarquables. Il y avait une loi qui portait que si un homme crevait un oeil à un autre, on lui en crevât un de même. Or cette blessure avait été faite à un homme qui ayant déjà perdu un oeil, était devenu tout à fait aveugle : il vint représenter à l'assemblée qu'à s'en tenir à la lettre de la loi, la punition de son adversaire ne serait point égale à l'offense qu'il avait reçue de lui et que celui qui rend aveugle un citoyen n est point suffisamment puni en perdant un oeil. Qu'ainsi l'équité demandait que l'on crevât les deux yeux à celui qui lui avait fait perdre le seul qui lui restait. En un mot cet aveugle désolé, après avoir déploré son propre malheur devant l'assemblée, osa encore lui proposer de changer la loi, et présenta aussitôt son cou et sa corde : mais on ne se contenta pas de lui donner la vie, la loi fut encore réformée suivant sa demande. Une seconde loi permettait aux femmes de renoncer à leur mari et d'en épouser un autre. Un homme avancé en âge ayant été abandonné par sa femme qui était jeune, conseilla aux Thuriens de réformer leur loi, par l'addition d'une clause, savoir qu'une femme ne pourrait point prendre un second mari plus jeune que le premier : comme il ne serait point permis non plus à un mari de choisir une femme plus jeune que celle qu'il aurait quittée. Cet homme réussit dans sort entreprise et non seulement il se sauva de la corde et obtint qu'on fit à la loi l'addition qu'il proposait, mais il parvint encore à faire que fa femme, qui ne pouvait plus en épouser un autre plus jeune que lui, retournât dans sa maison et s'en tint à son premier mariage. On corrigea enfin une troisième loi qui se trouve aussi parmi celles de Solon. Cette loi porte que le plus proche parent d'une héritière universelle a droit de la demander en mariage devant les juges, comme aussi une orpheline a droit de demander en mariage son plus proche parent : mais ce parent pouvait se dispenser de ce mariage, en donnant à sa parente pauvre cinq cens drachmes en forme de dot. Or une orpheline de très bonne famille, mais qui avait à peine de quoi vivre et qui faute de bien ne trouvait point de mari, eut recours à l'assemblée du peuple : là tombant en larmes elle représenta son indigence et l'oubli où elle était tombée : elle eut le courage d'ajouter à ses plaintes la proposition de retrancher de la loi la clause des cinq cens drachmes et d'obliger l'héritier universel à épouser lui-même sa parente. Le peuple touché de compassion envers cette fille non seulement lui sauva la vie, mais il obligea même son parent qui était fort riche à l'épouser, quoi qu'elle ne lui apportât aucune dot. Il nous reste maintenant à raconter la mort de Charondas qui eut quelque chose de singulier et d'étonnant. Étant allé à la campagne avec une épée pour se défendre des voleurs sur le chemin, il trouva à son retour l'assemblée du peuple en trouble et en division. Il s'avança d'abord pour tâcher d'apaiser ce tumulte. Il avait défendu dans ses lois d'entrer jamais, avec aucune arme dans ces assemblées ; mais ayant oublié qu'il avait lui-même une épée, il donna involontairement à ses ennemis un sujet de reproche : l'un d'eux lui dit publiquement qu'il violait sa propre loi : au contraire, répondit-il, je prétends la confirmer ; aussitôt tirant son épée il se l'enfonça dans le coeur. Quelques-uns pourtant attribuent cette action à Dioclès législateur de Syracuse. Mais ayant suffisamment parlé de Charondas, nous allons dire quelque chose de Zaleucus, parce que celui-ci s'est aussi rendu illustre par ses lois, et que d'ailleurs les villes que ces deux législateurs ont policées étaient voisines l'une de l'autre.