RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

ALLER à LA TABLE DES MATIÈRES de JORNANDES

JORNANDÈS.

(Jordanès - Jornadès)

HISTOIRE DES GOTHS

(I - XXI   XXII - XL    XLI - FIN)

traduction française seule

texte latin seul

Ammien Marcellin, Jornandès, Frontin (les Stratagèmes), Végèce, Modestus: avec la traduction en français
 publ. sous la dir. de M. Nisard,...
Paris : Firmin-Didot, 1869

Vu la mauvaise qualité du texte latin repris sur la toile, j'ai repris celui de l'édition Nisard. (Ph. Remacle)

 

XLI

Verum inter has obsidionum moras Vesegothae regem, fili patrem requirunt, admirantes eius absentiam, dum felicitas fuerit subsecuta. Quumque diutius exploratum, ut viris fortibus mos est, inter densissima cadavera repperissent, cantibus honoratum, inimicis spectantibus abstulerunt. Videres Gothorum globos dissonis vocibus confragosos, adhuc inter bella furentia funeri reddidisse culturam. Fundebantur lacrimae, sed quae viris fortibus impendi solent : nam mors erat, sed Hunno teste gloriosa, unde hostium putaretur inclinata fore superbia, quando tanti regis efferri cadaver cum suis insignibus conspiciebant. At Gothi Theodorito adhuc iuxta solventes, armis insonantibus regiam deferunt maiestatem, fortissimusque Thorismud bene gloriosus, manes carissimi patris, ut decebat filium, exequias prosecutus. Quod postquam peractum est, orbitatis dolore commotus, et virtutis impetu, qua valebat, dum inter reliquias Hunnorum mortem patris vindicare contendit, Aetium patriciumn ac si senioremn prudentiaque maturum, de hac parte consuluit, quid sibi esset in tempore faciendum. Ille vero metuens, ne Hunnis funditus interemptis, a Gothis Romanum praemeretur imperium, praebet hac suasione consilium, ut ad sedes proprias remearet regnumque, quod pater reliquerat, arriperet; ne germani eius, opibus adsumptis paternis, Vesegotharum regnum pervaderent, graviterque dehinc cum suis, et quod peius est, miseriter pugnaret.  Quo responso non ambigue, ut datum est, sed pro sua potius utilitate susceptum, relictis Hunnis, redit ad Gallias. Sic humana fragilitas, dum suspicionibus occurrit, magna rerum agendarum occasione intercepitur. In hoc etenim famosissimo, et fortissimarum gentium bello ab utrisque partibus CLXIII milia caesa referuntur, exceptis XC milibus Gepidarum et Francorum (01), qui ante congressionem publicam noctu sibi occurrentes, mutuis concidere vulneribus, Francis pro Romanorum, Gepidis pro Hunnorum parte pugnantibus. Attila igitur cognita discessione Gothorum, quod de inopinatis colligi solet, et inimicorum magis aestimans dolum, diutius se intra castra continuit. Sed ubi hostium absentia sunt longa silentia consecuta, erigitur mens ad victoriam, gaudia praesumuntur, atque potentis regis animus in antiqua fata revertitur. Thorismud ergo patre mortuo, in campis statim Catalaunicis, ubi et pugnaverat, regia maiestate subvectus, Tolosam ingreditur. Illic licet fratrum et fortium turba gauderet, ipse tamen sic sua initia moderatus est, ut nullius repperiret de regni sucessione certamen.

CHAPITRE XLI.

Durant le répit que donna ce siège, les Visigoths et les fils de Théodéric s'enquirent les uns de leur roi, les autres de leur père, étonnés de son absence au milieu du bonheur qui venait de leur arriver. L'ayant cherché longtemps, seIon la coutume des braves, ils le trouvèrent enfin sous un grand monceau de cadavres, et, après après avoir chanté des chants à sa louange, l'emportèrent sous les yeux des ennemis. Vous eussiez vu des bandes de Goths aux voix rudes et discordantes s'occuper des soins pieux des funérailles, au milieu des fureurs d'une guerre qui n'était pas encore éteinte. Les larmes coulaient, mais de celles que savent répandre les braves. Pour nous était la perte, mais les Huns témoignaient combien elle était glorieuse ; et c'était, ce semble, une assez grande humiliation pour leur orgueil, de voir, malgré leur présence, emporter avec ses insignes le corps d'un si grand roi. Avant d'avoir fini de rendre les derniers devoirs à Théodéric, les Goths, au bruit des armes, proclamèrent roi le vaillant et glorieux Thorismund ; et celui-ci acheva les obsèques de son père bien-aimé, comme il convenait à un fils. Après l'accomplissement de ces choses, emporté par la douleur de sa perte et par l'impétuosité de son courage, Thorismund brûlait de venger la mort de son père sur ce qui restait de Huns. Il consulta le patrice Aétius, à cause de son âge et de sa prudence consommée, pour savoir ce qu'il fallait qu'il fit dans cette conjoncture. Mais celui-ci, craignant qu'une fois les Huns écrasés, les Goths ne tombassent sur l'empire romain, le décida par ses conseils à retourner dans ses foyers, et à se saisir du trône que son père venait de laisser, de peur que ses frères, s'emparant du trésor royal, ne se rendissent maîtres du royaume des Visigoths, et qu'il n'eût ensuite à soutenir contre les siens une guerre sérieuse et, qui pis est, malheureuse. Thorismund reçut ce conseil sans se douter de la duplicité qui l'avait dicté ; il y vit plutôt de la sollicitude pour ses intérêts, et, laissant là les Huns, il partit pour la Gaule. Voilà comme, en s'abandonnant aux soupçons, la fragilité humaine se laisse enlever l'occasion de faire de grandes choses. On rapporte que dans cette fameuse bataille que se livrèrent les plus vaillantes nations il périt des deux côtés cent soixante-deux mille hommes, sans compter quatre-vingt-dix mille Gépides et Francs qui avant l'action principale tombèrent des coups qu'ils se portèrent mutuellement dans une rencontre nocturne ; les Francs combattant pour les Romains, et les Gépides pour les Huns. En apprenant le départ des Goths, Attila, comme il arrive ordinairement dans les événements imprévus, sentit redoubler sa défiance, pensant que ses ennemis lui tendaient un piège, et se tint longtemps renfermé dans son camp. Mais à la fin, détrompé par le long silence qui avait succédé à leur retraite, son courage se releva jusqu'à s'attribuer la victoire; il fit éclater une vaine joie, et les pensées du puissant roi se reportèrent aux anciennes prédictions. Quant à Thorismund, élevé subitement à la dignité royale dès la mort de son père, sur les champs Catalauniques où il venait de combattre, témoins de son courage, il fit son entrée dans Toulouse ; et là, quelque joie que lui témoignassent ses frères et les premiers de la nation, il fit paraître de son côté tant de modération dans les commencements, que personne ne lui disputa la succession au trône de son père.

XLII

Attila vero nancta occasione de recessu Vesegotharum, et quod saepe optaverat, cernens hostium solutionem per partes, mox iam securus ad oppressionem Romanorum movit procinctum (02), primaque adgressione Aquileiensem obsidet civitatem (03), quae est metropolis Venetiarum, in mucrone vel linguas Adriatici posita sinus. Cuius ab oriente muros Natissa amnis fluens, a monte Picis elambit, ibique quum diu multoque tempore obsidens nihil paenitus praevaleret, fortissimis intrinsecus Romanorum militibus resistentibus; exercitu iam murmurante, et discedere cupiente, Attila deambulans circa muros, dum utrum solveret castra, an adhuc remoraretur deliberat; animadvertit candidas aves, id est ciconias, quae in fastigio domorum nidificant, de civitate foetus suos trahere, atque contra morem per rura forinsecus conportare. Et ut hoc, sicut erat sagacissimus inquisitor, presensit, ad suos: « Respicite aves futurarum rerum providas perituram relinquere civitatem, casurasque arces periculo imminente deserere. Non hoc vacuum, non hoc credatur incertum; rebus praesciis consuetudinem mutat ventura formido ». Quid plura? Animus suorum rursus ad oppugnandum Aquileiam inflammatur. Qui, machinis constructis, omnibusque generibus tormentorum adhibitis, nec mora invadunt civitatem, spoliant, dividunt vastantque crudeliter, ita ut vix eius vestigia, ut appareat, reliquerint. Exhinc iam audaciores, et necdum Romanorum sanguine satiati, per reliquas Venetum civitates Hunni bacchabantur. Mediolanum quoque Liguriae metropolim, et quondam regiam urbem pari tenore devastant; nec non et Ticinum aequali sorte deiciunt, vicinaque loca saevientes allidunt, demoliunturque pene totam Italiam. Quumque ad Romam animus fuisset eius attentus accedere, sui eum, ut Priscus historicus (04) refert, removerunt, non urbi, cui inimici erant, consulentes : sed Alarici quondam Vesegotharum regis obicientes exemplo, veriti regis sui fortunam, quia ille post fractam Romam non diu supervixerat, sed protinus rebus humanis excessit. Igitur dum eius animus ancipiti negotio inter ire, et non ire fluctuaret, secumque deliberans tardaret, placida ei legatio a Roma advenit. Nam Leo papa per se ad eum accedit in Acroventu Mamboleio (05), ubi Mincius amnis commeantium frequentatione transitur. Qui mox deposito exercitus furore, et rediens qua venerat, id est, ultra Danubium, promissa pace discessit; illud pre omnibus denuntians, atque interminando decernens, graviora se in Italiam illaturum, nisi ad se Honoriam Valentiniani principis germanam, filiam Placidiae Augustae, cum portione sibi regalium opum debita mitterent. Ferebatur enim quia haec Honoria, dum propter aulae decus, ad castitatem teneretur nutu fratris inclusa, clandestino eunucho misso, Attilam invitasse, ut contra fratris potentiam eius patrociniis uteretur; prorsus indignum facinus, ut licentiam libidinis malo publico conpararet. 

CHAPlTRE XLII.

Attila, profitant de l'occasion que lui offrait la retraite des Visigoths, et rassuré sur l'avenir en voyant, comme il l'avait souvent souhaité, la ligue des ennemis dissoute, marcha aussitôt à la conquête de l'Italie. Il commença l'attaque par le siége d'Aquilée, ville métropole de la Vénétie, située sur une pointe ou langue de terre du golfe Adriatique, et dont les murs sont baignés à l'orient par le fleuve Natissa, qui coule du mont Picis. Il y avait longtemps qu'il l'assiégeait et n'obtenait aucun succès, parce que les meilleurs soldats de la milice romaine y étaient renfermés et la défendaient. Son armée commençait à murmurer, et voulait se retirer. Attila, faisant le tour des remparts, délibérait s'il lèverait le siège ou s'il le continuerait encore, quand il aperçut des cigognes, ces oiseaux blancs qui nichent aux faites des maisons, emportant leurs petits de la ville, et, contre leur habitude, allant les déposer dans la campagne. Doué comme il était d'un esprit observateur et pénétrant, il en fut soudain frappé; et s'adressant aux siens :  Regardez, leur dit-il, ces oiseaux, qui, pressentant ce qui doit arriver, abandonnent une ville vouée à la destruction, et désertent des remparts près de crouler devant les périls qui les menacent ! Qu'on ne s'y trompe point, il n'y a rien là d'insignifiant, rien d'équivoque : quand des êtres doués de prévision changent ainsi leurs habitudes, c'est toujours pour fuir un danger imminent.. » Bref, les Huns reprennent le siège d'Aquilée avec une nouvelle ardeur. Ils construisent toutes sortes de machines de guerre, les font jouer, et se rendent bientôt maîtres de la ville, dont ils se partagent les dépouilles, et qu'ils saccagent si cruellement après l'avoir pillée, qu'à peine en laissent-ils subsister quelques vestiges. Enhardis par ce succès, et toujours altérés de sang romain, ils promènent ensuite leur fureur à travers les autres villes de la Vénétie, se jettent dans la Ligurie, dévastent Milan, métropole de cette province, et jadis ville royale; ravagent pareillement Pavie ainsi que les lieux qui l'avoisinent, et font enfin de l'Italie presque entière un monceau de ruines. L'intention d'Atti la était de s'avancer jusqu'à Rome; mais, comme le rapporte l'historien Priscus, les siens l'en détournèrent, non par intérêt pour la ville, qu'ils eussent voulu détruire, mais par crainte qu'il n'arrivât malheur à leur roi , auquel ils rappelèrent l'exemple d'Alaric, l'ancien roi des Visigoths, qui n'avait pas survécu longtemps après avoir pris Rome, mais était mort presque aussitôt.Tandis qu'Attila flottait indécis s'il irait ou s'il n'irait pas, et perdait du temps à se consulter, une ambassade partie de cette ville arriva auprès de lui, et eu fut bien accueillie. Elle avait à sa tête le pape Léon, qui vint en personne à sa rencontre au lieu nommé Acroventus Mamboleius, où tous les jours de nombreux voyageurs passent le Mincius. Attila consentit à faire la paix; et, arrêtant les ravages de son armée, il s'en retourna au delà du Danube, dans les provinces d'où il était venu; mais en déclarant publiquement et avec menaces qu'il reparaîtrait plus terrible en Italie si on ne remettait entre ses mains Honoria, soeur de l'empereur Valentinien et fille de l'impératrice Placidie, avec la part qui lui revenait du trésor impérial. Or, on racontait que, tandis que cette princesse Honoria était étroitement gardée par les ordres de son frère, qui craignait qu'elle ne manquât aux devoirs de son sexe et ne déshonorât sa cour, elle avait envoyé clandestinement un eunuque à Attila pour l'inviter à venir, afin de se servir de sa protection contre le pouvoir de son frère : action infâme assurément, car c'était acheter par la ruine de son pays la liberté de se livrer à ses passions.

XLIII

Reversus itaque Attila in sedes suas, et quasi otii paenitens, graviterque ferens a bello cessare, ad orientis principem Marcianum legatos dirigit, provinciarum testans vastationem, quod sibi promissum a Theodosio quondam imperatore minime persolveretur, et inhumanior solito suis hostibus, appareret. Haec tamen agens, ut erat versutus et callidus, alibi minatus, alibi arma sua commovit, et quod restabat indignationi, faciem in Vesegothas retorsit. Sed non eum, quem de Romanis, reportavit eventum. Nam per dissimiles anteriores vias recurrens, Alanorum partem trans flumen Ligeris considentem statuit suae redigere dicioni (06), quatenus mutata per ipsos belli facie, terribilior immineret. Igitur ab Dacia, et Pannonia provinciis, in quibus tunc Hunni cum diversis subditis nationibus insidebant, egrediens Attila, in Alanos movit procinctum. Sed Thorismud rex Vesegotharum fraudem Attilae non impari subtilitate presentiens, ad AIanos tota subtilitate prius advenit; ibique supervenientis iam Atillae motibus preparatus occurrit, consertoque proelio, pene simili eum tenore, ut prius in campos Catalaunicos, a spe removit victoriae, fugatumque a partibus suis sine triumpho remittens, in sedes proprias fugere compulit. Sic Attila famosus, et multarum victoriarum dominus, dum quaerit famam perditoris abicere; et quod prius a Vesegothis pertulerat abolere; geminata sustenuit, ingloriosusque recessit. Thorismud vero repulsis ab AIanis Hunnorum catervis, sine aliqua suorum laesione Tolosam migravit, suorumque quieta pace composita, tertio anno regni sui  (07) aegrotans, dum sanguinem tollit de vena, ab Ascalcruo cliente inimicos nuntiante, armis subtractis, peremptus est (08). Una tamen manu, quam liberam habebat, scabellum tenens, sanguinis sui extitit ultor, aliquantos insidiantes sibi extinguens.

CHAPITRE XLIII.

Attila était donc retourné dans ses foyers; mais ayant comme du remords de son inaction, et s'indignant de vivre sans combattre, il envoya des députés à Marcien, empereur d'Orient, pour lui signifier que, puisqu'il ne lui payait pas le tribut que l'empereur Théodose lui avait autrefois promis, il allait ravager ses provinces, et reparaître plus terrible que jamais au milieu de ses ennemis. Néanmoins, suivant son habileté et sa finesse ordinaire, après avoir menacé un point, il porta ses armes sur un autre, et, n'écoutant que son ressentiment, il tourna sa face contre les Visigoths. Mais il n'eut point avec eux le même succès qu'avec les Romains. Il accourut de nouveau par une route différente de la première fois, dans le dessein de réduire sous son obéissance les Alains établis au delà de la Loire, afin que leur défaite, changeant la face de la guerre, accrût la terreur qu'il inspirait. Étant donc sorti de la Dacie et de la Pannonie, provinces qu'occupaient alors les Huns avec diverses nations qui leur étaient soumises, Attila marcha contre les Alains. Mais Thorismund, roi des Visigoths, découvrit le stratagème du roi des Huns avec autant de finesse que celui-ci en avait mis à l'imaginer: il accourut adroitement chez les Alains avant lui; et quand survint Attila, il se trouva prêt, et marcha à sa rencontre. Le combat s'étant engagé, Thorismund lui ôta bientôt l'espoir de vaincre, à peu près de la même manière qu'il l'avait déjà fait dans les champs Catalauniques; et l'ayant battu et mis en déroute, il l'obligea d'abandonner la Gaule et de s'enfuir dans son pays. Ainsi ce fameux Attila, qui tant de fois avait maitrisé la victoire, au lieu de faire oublier, comme il le voulait, l'échec que lui avaient déjà fait souffrir les Visigoths, et de se laver de la honte de sa première défaite, en essuya une seconde, et se retira ignominieusement. Quant à Thorismund, après avoir délivré les Alains des bandes des Huns, il se mit en marche pour Toulouse, sans que les siens eussent éprouvé de perte. II y vivait au sein de la paix qu'il avait rétablie, quand, la troisième année de son règne, étant tombé malade et s'étant fait saigner, il fut assassiné par son client Asealcruus, qui lui dénonçait des ennemis après lui avoir soustrait ses armes. Toutefois, d'une main qui lui restait libre s'armant d'un escabeau, il vengea son sang en assommant quelques-uns des conspirateurs.

XLIV

Post cuius decessum Theoderidus (09) germanus eius Vesaegotharum in regno succedens, mox Riciarium Soevorum regem cognatum suum (10) repperit inimicum. Hic etenim Riciarius affinitatem Theoderidi praesumens, universam pene Hispaniam sibi credidit occupandam; iudicans oportunum tempus subreptionis incomposita initia temptare regnantis. Quibus antea Gallicia et Lysitania sedes fuere, quae in dextro latere Hispaniae per ripam Oceani porriguntur, habentes ab oriente Austrogoniam (11), ab occidente in promuntorio sacrum Scipionis Romani ducis monumentum, a septentrione Oceanum, a meridie Lusitaniam (12), et fluvium Tagum, qui arenis suis permiscens auri metalla, trahit cum limi vilitate divitias. Exinde ergo exiens Riciarius rex Suevorum, nititur totam Hisaniam occupare. Cui Theodoridus cognatus suus, ut erat moderatus, legatos mittens, pacifice dixit, ut non solum recederet a finibus alienis, verum etiam nec temptare praesumeret, odium sibi tali ambitione acquirens. Ille vero animo praetumido ait: « Si hic murmuras, et me venire causaris : Tolosam, ubi tu sedes, veniam; ibi, si vales, resiste ». His auditis, aegre tulit Theodoridus, compacatusque cum caeteris gentibus, arma movit in Suevos, Burgundionum quoque Gnudiacum, et Hilpericum reges auxiliares habens, sibique devotos. Ventum est ad certamen iuxta flumen Urbium (13), quod inter Asturicam Hiberiamque praetermeat; consertoque proelio, Theodericus cum Vesegothis, qui ex iuxta parte pugnabat, victor efficitur; Suevorum gentes pene cunctas usque ad internicionem prosternens. Quorum rex Riciarius, relicta infesta victoria, hostem fugiens, in navim conscendit (14), adversaque procella Tyrrheni ostii repercussus, Vesegotharum est manibus redditus, miserabilem non differens mortem, cum elementa mutaverit. Theoderidus vero victor existens, subactis pepercit, nec ultra certamina saevire permisit, praaeponens Suevis, quos subiegerat, clientem Athiulfum. Qui in brevi animum ad praevaricationem ex Suevorum suasionibus commutans (15), neglexit imperata conplere, potius tyrranica elatione superbiens, credensque se ea virtute provinciam obtinere, qua dudum cum domino suo ea subigisset. Is siquidem erat Warnorum stirpe genitus, longe a Gothici sanguinis nobilitate seiunctus; idcirco nec libertati studens, nec patrono fidem servans. Quo comperto, Theodoridus mox contra eum, qui eum de regno pervaso deicerent, destinavit. Qui venientes, sine mora in primo eum certamine superantes, congruam factorum eius ab eo exegerunt ultionem. Captus namque, et suorum solacio destitutus, capite plectitur; sensitque tandem iratum, qui propitium dominum crediderat contemnendum. Tunc Suevi rectoris sui interitum contuentes, locorum sacerdotes ad Theoderidum supplices direxerunt. Quos ille pontificali reverentia suscipiens, non solum impunitatem Suevorum indulsit; sed  et ut sibi de suo genere principem constituerent flexus pietate concessit. Quod et factum est, et Remismundum sibi Suevi regulum ordinaverunt. His peractis, paceque cunctis munitis, tertio decimo regni sui anno Theoderidus occubuit.

CHAPITRE XLIV.

Après sa mort, son successeur au trône des Visigoths fut son frère Théodéric, qui ne tarda pas à découvrir qu'il avait pour ennemi Riciaire, roi des Suèves et son parent. Ce Riciaire, se targuant de son alliance avec Théodéric, crut pouvoir s'emparer de presque toute l'Espagne, et jugea que le moment le plus favorable pour une tentative d'empiétement était le commencement d'un règne encore mal assuré. Les Suèves occupaient auparavant la Gallicie et la Lusitanie, qui s'étendent le long du rivage de l'Océan, sur le côté droit de l'Espagne, et avaient pour limites à l'orient l'Austrogonie, à l'occident le promontoire où s'élève le tombeau de Scipion, général romain ; au septentrion l'Océan, et au midi la Lusitanie et le Tage, dont le sable est mêlé d'un riche métal, et qui charrie de l'or avec un vil limon. Ce fut donc de ces provinces que sortit Ri-claire, roi des Suèves, pour entreprendre de se rendre maître de toute l'Espagne. Théodéric, son parent, suivant sa modération accoutumée, lui envoya des députés chargés de lui dire avec douceur, non seulement de se retirer d'un territoire qui n'était point le sien, mais même de ne plus y prétendre à l'avenir, et que son ambition ne pouvait lui attirer que de la haine. Mais lui, le coeur enflé d'orgueil, lui fit cette réponse : « Si tu murmures et que tu prétendes m'empêcher d'avancer, je viendrai à Toulouse, où tu demeures: là tu m'arrêteras si tu peux. » Ce langage déplut à Théodéric; il se mit en paix avec les autres nations, et marcha contre les Suèves, assisté de Gnudiae et d'Hilpéric, roi des Burgundions, et tous deux dévoués à sa personne. On se trouva en présence au bord du fleuve Urbius, qui coule entre l'Asturie et l'Ibérie ; et la bataille s'étant engagée, Théodéric et les Visigoths, qui combattaient pour la bonne cause, demeurèrent vainqueurs, et taillèrent en pièces presque toutes les tribus des Suèves. Riciaire, leur roi, abandonnant la victoire à son ennemi, et fuyant devant lui, se sauva sur un vaisseau; mais, rejeté en arrière par une tempête au moment d'entrer dans la mer de Tyrrhène, il fut livré entre les mains des Visigoths, qui le firent bientôt mourir, sans qu'il lui eût servi de rien de changer d'élément. Théodéric, après la victoire, pardonna aux vaincus, et fit cesser le carnage; puis il donna pour chef aux Suèves soumis son client Athiulfe. Mais dans peu celui-ci changea de sentiment, et trahit son maître à l'instigation des Suèves, ne tenant aucun compte de ses ordres, se conduisant avec toute l'arrogance d'un usurpateur, et se flattant de pouvoir conserver par sa valeur un pays que, peu de temps avant, sa valeur avait aidé son maître à conquérir. Cet homme au reste était de la race des Warnes, et d'un sang fort inférieur en noblesse à celui des Goths; aussi n'avait-il ni franchise ni fidélité pour son patron. En apprenant sa trahison, Théodéric envoya aussitôt des troupes contre lui pour le dépouiller de l'empire qu'il s'arrogeait. Dès leur arrivée ces troupes l'attaquèrent, le vainquirent à la première bataille, et firent une prompte justice de ses crimes; car les siens l'ayant abandonné, il fut pris et puni de mort : il sentit alors le courroux de ce maitre dont il avait osé méconnaître la bonté. Alors les Suèves, voyant leur chef mort, envoyèrent vers Théodéric, pour le fléchir, des prêtres du pays. Il les reçut avec le respect dû à leur ministère, se laissant toucher à la pitié; et non seulement il leur accorda le pardon des Suèves, mais même il consentit à ce que ceux-ci se donnassent un roi de leur race; ce qu'ils firent en choisissant Rémismund pour régner sur eux. Cela venait de se passer, et la paix était partout rétablie, quand Théodéric mourut, la treizième année de son règne.

XLV

Cui frater Eurichus percupida festinatione succedens, saeva suspicione pulsatus est (16). Nam dum haec circa Vesegotharum gente et alia nonnulla geruntur, Valentinianus imperator dolo Maximi occisus est, et ipse Maximus tyrrannico more regnum invasit. Quod audiens Gyzericus rex Wandalorum, ab Africa armata classe in Italiam venit, Rommque ingressus, cuncta devastat. Maximus vero fugiens, a quodam Urso milite Romano interemptus est. Post quem, iussu Marciani imperatoris orientalis, Maioriano occidentale suscepit imperium gubernandum. Sed et ipse non diu regnans, dum contra Alanos, qui Gallias infestabant, movisset procinctum, Dertonae iuxta fluvium Ira cognomento occiditur. Cuius locum Severus invasit, qui tertio anno imperii sui Romae obiit. Quod cernens Leo imperator, qui in orientali regno Marciano successerat, Anthemium patricium suum ordinans, Romae principem distinavit. Qui veniens ilico Ricimerem generum suum contra Alanos direxit, virum egregium, et pene tunc in Italia ad exercitum singularem. Qui multitudinem Alanorum, et regem eorum Beorgum in primo statim certamine superatos, internicioni prostravit (17). Euricus ergo, Vesegotharum rex, crebram mutationem Romanorum principum cernens, Gallias suo iure nisus est occupare. Quod comperiens Anthemius imperator, protinus Britonum solacia postulavit. Quorum rex Riothimus cum duodecim milibus veniens, in Biturigas civitatem Oceano e navibus egressus, susceptus est (18). Ad quos rex Vesegotharum Euricus innumerum ductans advenit exercitum, diuque pugnans, Riothimum Britonum regem, antequam Romani in eius societate coiungerentur, superavit. Qui ampla parte exercitus amissa, cum quibus potuit fugiens, ad Burgundionum gentem vicinam, Romanis in eo tempore foederatam, advenit. Euricus vero, rex Vesegotharum, Arvemam Galliae civitatem occupavit, Anthemio principe iam defuncto: qui cum Ricimere genero ano intestino bello saeviens, Romaniam triverat, ipseque a genero peremptus, regnum reliquid Olibrio. Quo tempore in Constantinopoli Aspar primus patriciorum, et Gothorum genere clarus, cum Ardabure et Patriciolo filiis, illo quidem olim patricio, hoc autem Caesare, generoque Leonis principis appellato, spadonum ensibus in palatio vulneratus interiit (19). Et nec dum Olibrio octavo mense in regnum ingresso obeunte, Glycerius apud Ravennam plus praesumptione, quam electione Caesar effectus est. Quem anno vix expleto, Nepus Marcellini quondam patricii sororis filius, a regno deiciens, in portu Romano (20) episcopum ordinavit. Tantas varietates mutationesque Euricus cernens, ut diximus superius, Arvernam occupans civitatem, ubi tunc Romanorum dux praeerat Decius (21), nobilissimus senator, et dudum Aviti imperatoris, qui ad paucos dies regnum invaserat, filius. Nam hic ante Olibrium paucos dies tenens imperium, ultro recessit Placentiam, ibique episcopus est ordinatus. Huius ergo filius Decius diu certans cum Vesegothis, nec valens antestare, relicta patria maximeque urbe Arvernate hosti, ad tutiora se loca collegit. Quod audiens Nepos imperator, praecepit Decio, relictis Galliis ad se venire, in locum eius Oreste magistro militum ordinata : qui Orestes suscepto exercitu, et contra hostes egrediens, a Roma Ravennam pervenit, ibique remoratus, Augustulum filium suum imperatorem efficit. Quo comperto, Nepos fugit in Dalmatias, ibique defecit privatus a regno, ubi iam Glycerius dudum imperator episcopatum Salonitanum habebat;  Augustulo vero a patre Oreste in Ravenna imperatore ordinato.

CHAPITRE XLV.

Son frère Euric, par l'avide empressement qu'il mit à lui succéder, fit peser sur soi de violents soupçons. Or, pendant que ces choses et d'autres encore se passaient dans la nation des Visigoths, l'empereur Valentinien périt par les embûches de Maxime, qui lui-même usurpa l'empire. A cette nouvelle Gizéric, roi des Wandales, équipa une flotte pour passer d'Afrique en Italie; et étant entré dans Rome, il dévasta tout. Quant à Maxime, il prit la fuite; mais il fut tué par un certain Ursus, soldat romain. Après sa mort, l'empereur d'Orient, Marcien, invita Majorien à prendre les rênes de l'empire d'Occident. Mais celui-ci à son tour ne régna pas longtemps, et fut tué à Dertona auprès du fleuve nommé Ira, tandis qu'il marchait contre les Alains qui infestaient les Gaules. Sévère prit sa place, et mourut à Rome la troisième année de son règne. Voyant cela, l'empereur Léon, qui avait succédé à Marcien dans l'empire d'Orient, choisit pour empereur d'Occident Anthémius, son patrice. Celui-ci, en arrivant à Rome, envoya aussitôt contre les Alains Ricimer, son gendre, homme de talent, et peut-être alors le seul en Italie qui fût propre à commander une armée. Il défit en effet les Alains dès la première rencontre, et en tua un grand nombre, ainsi que leur roi Beurgus. Or, Euric, roi des Visigoths, voyant ces fréquents changements d'empereurs romains, entreprit d'étendre son autorité sur la Gaule entière. Informé de ses desseins, l'empereur Anthémius demanda aussitôt des secours aux Bretons. Leur roi Riothime en amena douze mille, et fut reçu dans la ville de Bourges à sa sortie des vaisseaux qui l'avaient  porté sur l'Océan. Euric, roi des Visigoths, à la tête d'une armée innombrable, marcha à leur rencontre; et, après un long combat, Riothime, roi des Bretons, fut défait avant que les Romains eussent pu se joindre à lui. Après avoir perdu une grande partie de son armée, il s'enfuit avec ceux qu'il put sauver, et se retira chez les Burgundions, nation dont il se trouvait rapproché, et qui, en ce temps, était alliée des Romains. Peu après le roi des Visigoths s'empara de la ville d'Arverna, dans la Gaule. L'empereur Anthémius était déjà mort : après avoir foulé la Romanie par une guerre intestine qui s'était allumée entre lui et Ricimer sou gendre, il avait péri par la main de ce dernier, laissant l'empire à Olibrius. Ce fut vers le même temps qu'Aspar, de la noble race des Goths, et premier patrice à Constantinople, périt dans le palais par l'épée des eunuques, avec ses fils Ardabure et Patriciolus , dont l'un avait été patrice, et l'autre était césar, et gendre de l'empereur Léon. Olibrius étant mort aussi avant le huitième mois de son règne, Glycérins prit la pourpre à Ravenne, et prévint plutôt qu'il n'obtint l'élection du sénat. Mais une année s'était à peine écoulée, que Népos, fils d'une soeur de Marcellinus, ancien patrice, le renversa du trône, et le fit ordonner évêque au port de Rome. Euric voyant tant de changements, comme nous l'avons déjà dit, tant de vicissitudes, s'empara donc de la ville d'Arverna, où commandait alors pour les Romains le très illustre Décius, sénateur, fils de cet empereur Avitus qui, s'étant saisi du pouvoir avant Olibrius, ne garda l'empire qu'un petit nombre de jours, et se retira volontairement à Placentia, où il fut ordonné évêque. Le fils donc de celui-ci, Décius, livra de nombreux combats aux Visigoths ; mais, ne pouvant leur résister, il abandonna sa patrie et la ville d'Arverna elle-même à l'ennemi, et se retira dans des lieux plus sûrs. Dès que l'empereur Népos en fut instruit, il commanda à Décius de quitter les Gaules et de se rendre auprès de lui; en même temps il nomma pour le remplacer Oreste, maître de la milice. Oreste prit des trou-pes, et se mit en marche contre les ennemis; mais étant venu de Rome à Ravenne, il s'arrêta dans cette ville, et proclama son fils Augustule empereur. A cette nouvelle Népos s'enfuit en Dalmatie, et, après avoir perdu l'empire, mourut dans cette province, où demeurait déjà Glycérius, autrefois empereur, et alors évêque de Salone. Ce fut dans ces entrefaites qu'Augustule fut proclamé empereur à Ravenne par son père Oreste.

XLVI

Non multum post Odovacer, Torcilingorum rex, habens secum Scyros, Herulos, diversarumque gentium auxiliarios, Italiam occupavit, et Oreste interfecto, Augustulum filium eius de regno pulsum, in Lucullano Campaniae castello exilii poena damnavit. Sic quoque Hesperium Romanae gentis imperium, quod septingentesimo nono urbis conditae anno primus Angustorum Octavianus Augustus tenere coepit (22), cum hoc Augustulo periit, anno decessorum praedecessorumue regni quingentesimo vicesimo secundo (23), Gothorum dehinc regibus Romam, Italiamque tenentibus. Interea Odovacer rex gentium omni Italia subiugata, ut terrorem suum Romanis indicaret, mox initio regni sui Brachilam comitem apud Ravennam occidit, regnoque suo confortato, pene per quattuordecim annos usque ad Theodorici praesentiam, de quo in subsequentibus dicturi sumus, obtinuit. Interim tamen ad eum ordinem, unde digressi sumus, redeamus.

CHAPITRE XLVI.

Peu de temps après, Odoacre, roi des Turcilinges, ayant avec lui des Scyres, des Hérules et des auxiliaires de diverses nations, se rendit maître de l'Italie, et, après avoir tué Oreste, renversa du trône son fils Augustule, qu'il relégua dans la forteresse de Lucullus, en Campanie, Ainsi l'empire romain d'Occident, qui avait commencé l'an 709 de la fondation de Rome, à l'avènement d'Octavien Auguste, premier empereur, tomba avec cet Augustule, cinq cent vingt-deux ans à compter de l'époque où les prédécesseurs de ce dernier avaient commencé de régner. Depuis lors les rois des Goths furent maîtres de Rome et de l'Italie. Cependant Odoacre, roi des nations, ayant subjugué toute l'Italie, et voulant imprimer aux Romains la terreur de son nom, tua dans Ravenne, dès le commencement de son règne, le comte Brachila. II affermit par là sa domination, et régna pendant quatorze ans environ, jusqu'à l'apparition de Théodéric, dont nous parlerons dans la suite de cette histoire. En attendant, reprenons notre récit où nous l'avons interrompu.

XLVII

Euricus, rex Vesegotharum, Romani regni vacillationem cernens, Arelatum et Massiliam propriae subdidit dicioni (24). Gezericus etenim Wandalorum rex suis eum muneribus ad ad ista committenda illexit; quatenus ipse Leonis, vel Zenonis insidias, quas contra eum direxerant, praecaveret; egitque ut orientale imperium Ostrogothae, Hesperium Vesegothae vastarent, ut in utraque republica hostibus decementibus, ipse in Africa quietus regnaret. Quod Euricus grato suscipiens animo, totas Hispanias, Galliasque sibi iam iure proprio tenens, simul quoque et Burguniones subegit, Arelatoque degens, nono decimo anno regni sui vita privatus est (25). Huic successit proprius filius Alaricus (26), qui nonus in numero ab illo Alarico magno regnum adeptus est Vesegotharum. Nam pari tenore, ut de Augustulo superius diximus, et in Alaricis provenisse cognoscitur, in eis saepe regna deficiunt, a quorum nominibus inchoant. Quo interim nos praetermisso, sicut promisimus, omnem Gothorum texamus originem. Et quia dum utraeque gentes, tam Ostrogothae, quam etiam Vesegothae in uno essent, ut valui, maiorum sequens dicta revolvi, divisosque Vesegothas ab Ostrogothis ad liquidum sum prosecutus : necesse nobis est, iterum ad antiquas eorum Scythicas sedes redire, et Ostrogotharum genealogiam actusque pari tenore exponere.

CHAPITRE XLVII.

Enric, roi des Visigoths, voyant chanceler l'empire romain, réduisit sous sa domination Arles et Marseille. Il s'engagea dans cette entre-prise gagné par les présents de Gezéric, roi des Vandales, qui, pour se mettre lui-même à couvert des embûches que lui dressait Léon ou Zénon, porta par ses menées les Ostrogoths à ravager l'empire d'Orient, et les Visigoths celui d'Occident, afin que l'un et l'autre empire, ayant la guerre dans leur sein, ne pussent venir le troubler en Afrique. Euric s'empressa donc de le seconder; et, déjà maître de toute l'Espagne et d'une grande partie des Gaules, il soumit encore les Burgundions, et mourut à Arles, où il se tenait la dix-neuvième année de son règne. II eut pour successeur son fils Alaric, qui fut le neuvième roi des Visigoths depuis le grand Alaric : or, on sait que ce que nous avons remarqué plus haut, touchant Augustule, arriva pareillement pour les Alaric; tant il est vrai que souvent les empires finissent sous des princes du même nom que ceux qui les ont fondés. Mais laissons cela pour le présent, et rassemblons tous les fils de l'histoire des Goths, selon notre promesse. Nous avons raconté de notre mieux, en nous aidant du témoignage des anciens, l'histoire tant des Ostrogoths que des Visigoths, pendant que ces deux nations n'en formaient qu'une. Nous avons ensuite conduit jusqu'à la fin celle des Visigoths, depuis leur séparation d'avec les Ostrogoths; il nous faut retourner de rechef en Scythie, dans l'ancien pays des Goths, et exposer de la même manière la généalogie et les gestes des Ostrogoths.

XLVIII.  

Ostrogothae Ermanarici regis sui decessione Vesegothis divisi, Hunnorum subditi dicioni, in eadem patria remorati sunt; Winithario tamen Amalo principatus sui insignia retinente. Qui avi Ataulfi virtutem imitatus, quamvis Ermanarici felicitate inferior, tamen moleste ferens Hunnorum imperio subiacere, paululum se subtrahebat ab illis, suamque dum nititur ostendere virtutem, in Antarum fines movit procinctum, eosque dum aggreditur, prima congressione superatus : deinde fortiter egit, regemque eorum Box nomine cum filiis suis et LXX primatibus in exemplo terroris cruci adfixit, ut dediticiis metum cadavera pendentium geminarent. Sed quum tali libertate vix anni spatio imperasset, non est passus Balamber, rex Hunnorum, sed ascito ad se Sigismundo, Hunimundi magni filio, qui iuramenti sui et fidei memor cum ampla parte Gothorum Hunnorum imperio subiacebat, renovatoque cum eo foedere, super Winitharium duxit exercitum; diuque certantibus, primo et secundo certamine Winitharius vincit. Nec valet aliquis commemorare quantam stragem de Hunnorum Winitharius fecit exercitu. Tertio vero proelio subreptionis auxilio ad fluvium nomine Erac, dum uterque ad se venissent, Balamber sagitta missa caput Winitharii saucians, interemit; neptemque eius Waladamarcam sibi in coniugio copulans, iam omnem in pace Gothorum populum subactum possedit : ita tamen, ut genti Gothorum semper unus proprius regulus, quamvis Hunnorum consilio, imperaret. Et mox defuncto Winithario, rexit eos Hunimundus filius quondam regis potentissimi Ermanarici, acer in bello, totiusque corporis pulchritudine pollens : qui post haec contra Suevorum gentem feliciter dimicavit. Eoque defuncto, successit Thorismud, filius eius flore iuventutis ornatus, qui secundo principatus sui anno contra Gepidas movit exercitum; magnaque de illis potitus victoria, casu equi dicitur interemptus. Quo defuncto, sic eum luxerunt Ostrogothae, ut quadraginta, per annos in eius locum rex alius non succederet; quatenus et illius memoriae semperum haberent in ore, et tempus accederet, quo Walamir habitum repararet virilem, qui erat ex consobrino eius genitus Wandalario (27); quia filius eius, ut superius diximus, Berismud, iam contempta Ostrogotharum gente propter Hunnorum dominio, ad partes Hesperias Vesegotharum fuisset gentem secutus, de quo et ortus est Vedericus. Vederico quoque filius natus est Eutharicus, qui iunctus Amalasuentae filiae Theodorici, item Amalorum stirpe iam divisam coniunxit, et genuit Athalaricum, et Mathesuentam. Sed quia Athalaricus in annis puerilibus defunctus est, Mathesuenta Constantinopolim inlata, de secundo viro, id est Gemano fratruele Iustiniani imperatoris genuit postumum filium, quem nominavit Germanum.
Sed nobis, ut ordo, quem coepimus decurrat, ad Wandalarii sobolem, quae trino flore pululabat, redeundum est. Hic enim Wandalarius fratruelis Ermanarici, et suprascripti Thorismundi consubrinus, tribus editis liberis, in gente Amala gloriatus est, id est Walamir, Theodemir, Widieir. Ex quibus per successionem parentum Walamir in regno conscendit, adhuc Hunnis eos inter alias gentes generaliter optinentibus. Eratque tunc in tribus his germanis contemplatio grata, quando mirabilis Theodemir pro fratris Walamir militabat imperio. Walamir vero pro altero iubebat ornando, Widemir servire pro fratribus aestimabat. Sic eis mutua affectione se tuentibus, nulli paenitus deerat regnum, quod utrique in sua pace tenebant. Ita tamen, ut saepe dictum est, imperabant, ut ipsi Attilae Hunnorum regis imperio deservirent. Quibus nec contra parentes Vesegothas licuisset recusare certamen; sed necessitas domini etiam si parricidium iubet, implendum est. Nec aliter ab Hunnorum dominio divelli potuit gens aliqua Scythica, nisi optata cunctis nationibus in commune, et Romanis mors Attilae provenerit, quae tam fuit utilis, ut vita mirabilis. 

CHAPITRE XLVIII.

Les Ostrogoths et les Visigoths s'étant séparés à la mort de leur roi Ermanaric, les premiers devinrent sujets des Huns, et continuèrent d'habiter le même pays; toutefois l'Amale Winithar conserva les marques de la royauté. Aussi brave que son aïeul Athaulfe, qu'il s'était proposé pour exemple, mais moins heureux qu'Ermanarie, Winithar souffrait impatiemment le joug des Huns, et se dérobait insensiblement à leur domination. Cherchant à montrer son courage, il envahit les frontières des Antes, et fut vaincu dans le premier combat qu'il leur livra. Plus tard il se comporta bravement, et fit mettre en croix leur roi nommé Box, avec ses fils et soixante et dix chefs, dont les cadavres restèrent snspendus à la potence, pour servir d'exemple aux vaincus et leur imprimer la terreur. II régnait avec cette indépendance depuis environ une année; mais Balamber, roi des Huns, ne le souffrit pas plus longtemps. Il appela auprès de lui Sigismund, fils d'Hunimund le Grand, qui, fidèle à son serment et à la foi promise, était resté soumis aux Huns, avec une grande partie des Goths; et, après avoir renouvelé avec lui l'ancienne alliance, il mena son armée contre Winithar. La guerre fut longue : dans le premier et le second combat, Winithar fut vainqueur, et l'on ne saurait dire quel carnage il fit de l'armée des Huns; mais dans le troisième, donné au bord du fleuve qu'on nomme Érac, les deux rois ayant marché par surprise l'un contre l'autre, Balamber décocha une flèche contre Winithar, l'atteignit à la tête, et le tua. Il prit ensuite pour femme Waladamarca, nièce de ce dernier, et dès lors toute la nation des Goths reconnut son autorité sans difficulté : de telle sorte néanmoins que ce peuple eut toujours un roi particulier pour le gouverner, mais dans la dépendance des Huns. Après la mort de Winithar, les Goths obéirent à Hunimund, fils d'Ermanaric, ce roi jadis si puissant. Hunimund était plein d'intrépidité dans les combats, et d'une beauté de corps singulière. Durant son règne, il combattit avec succès contre les Suèves. Il eut pour successeur, à sa mort, son fils Thorismund, encore dans la fleur de la jeunesse. Celui-ci ayant attaqué les Gépides, la seconde année de son règne, remporta sur eux une grande victoire, et périt, dit-on, d'une chute de cheval. Sa perte causa tant d'affliction aux Ostrogoths, que , pour que rien ne pût les distraire de son souvenir, ils n'eurent point de roi pour le remplacer pendant quarante ans, et jusqu'à ce que vînt le temps où Walamir pût les dédommager du malheur de l'avoir perdu. Ce dernier était fils de Wandalar, cousin germain de Thorismund, dont le fils Bérimund, comme nous l'avons dit plus haut, avait suivi la nation des Visigoths en Occident, par mépris pour les Ostrogoths depuis qu'ils s'étaient soumis aux Huns. C'est de Bérimund que naquit Védéric, lequel à son tour eut pour fils Eutharic, qui épousa Amalasnenta, fille de Théodéric, et réuni ainsi la race des Amales, divisée depuis longtemps. ll engendra Athalaric et Mathesuenta. Or, Athalaric étant mort dans son jeune âge, Mathesuenta fut amenée à Constantinople, où elle épousa en secondes noces le fils d'un frère de l'empereur Justinien, nommé Germanus, dont elle eut un fils posthume qu'elle appela Germanus, comme son père. Mais, pour ne pas nous écarter de l'ordre que nous désirons suivre, il nous faut revenir à la lignée de Wandalar, composée de trois florissants rejetons; car ce Wandalar, neveu d'Ermanaric et cousin de Thorismund, dont nous avons déjà parlé, eut trois fils qui le rendirent illustre entre les Amales, savoir, Walamir, Théodemir et Widemir. Walamir, par la succession de ses parents, monta sur le trône au temps que les Ostrogoths, et avec eux d'autres nations, étaient encore sous la domination des Huns. Et c'était alors une belle chose à voir que ces trois frères, quand l'héroïque Théodemir combattait pour soutenir le trône de Walamir, quand Walamir à son tour n'usait de sa supériorité que pour combler d'honneurs son frère, et que Widemir s'estimait heureux d'obéir pour la gloire de l'un et de l'autre. Ainsi soutenus par leur mutuelle affection, ils étaient en quelque sorte tous rois, et régnaient en commun par leur bonne intelligence. Toutefois, ainsi qu'il a été dit plusieurs fois, leur autorité était subordonnée à celle d'Attila, roi des Huns, en sorte qu'ils n'auraient pu refuser de combattre quand ç'aurait été contre les Visigoths, leurs parents; car ce que l'intérêt du maître commande, serait-ce un parricide, il faut l'accomplir. Aucune des nations scythiques ne put s'affranchir de la domination des Huns jusqu'à la mort d'Attila, cette mort unanimement souhaitée par tous les peuples aussi bien que par les Romains, et dont le bienfait excita autant de joie que sa vie avait causé d'étonnement.

XLIX

Attila, ut Priscus historicus refert, extinctionis suae tempore puellam Ildico nomine, decoram valde, sibi in matrimonium post innumerabiles uxores, ut mos erat gentis illius, socians :  eiusque in nuptiis magna hilaritate resolutus, vino somnoque gravatus, resupinus iacebat, redundans sanguis, qui ei solite de naribus effluebat, dum consuetis meatibus impeditur, itinere ferali faucibus illapsus extinxit (28). Ita glorioso per bella regi temulentia pudendos exitum dedit. Sequenti vero luce, quum magna pars diei fuisset exempta, ministri regii triste aliquid suspicantes, post clamores maximos fores effringunt, inveniuntque Attilae sine vulnere necem sanguinis effusione peractam, puellamque demisso vultu sub velamine lacrimantem. Tunc, ut gentis illius mos est, crinium parte truncata, informes facies cavis turpavere vulneribus, ut proeliator eximius non femineis lamentationibus et lacrimis, sed sanguine lugeretur virile. De quo id accessit mirabile, ut Marciano principi orientis de tam feroci hoste sollicito in somnis divinitas adsistens, arcum Attilae in eadem nocte fractum ostenderet, quasi quod gens ipsa eo telo multum praesumat. Hoc Priscus historicus vera se dicit adtestatione probare. Nam in tantum magnis imperiis Attila terribilis habitus est, ut eius mortem in locum muneris superna regnantibus indicarent. Cuius manes quibus modis a sua gente honorati sunt, pauca de multis dicere non omittamus. In mediis siquidem campis, et intra tenturia serica cadavere collocato, spectaculum admirandum et sollemniter exhibetur. Nam de tota gente Hunnorum lectissimi equites in eo loco, quo erat positus, in modum Circensium cursibus ambientes, facta eius cantu funereo tali ordine referebant. « Praecipuus Hunnorum rex Attila, patre genitus Mundzucco, fortissimarum gentium dominus, qui inaudita ante se potentia solus Scythica, et Germanica regna possedit, necnon utraque Romanae urbis imperia captis civitatibus terruit; et ne praedae reliqua subderent, placatus praecibus, annuum vectigal accepit. Quumque haec omnia proventu felicitatis egerit, non vulnere hostium, non fraude suorum, sed gente incolumi inter gaudia Iaetus, sine sensu doloris occubuit. Quis ergo hunc dicat exitum, quem nullus aestimat vindicandum? » Postquam talibus lamentis est defletus, stravam super tumulum eius, quam appellant ipsi, ingenti commessatione concelebrant; et contraria invicem sibi copulantes, luctum funereum mixto gaudio explicabant, noctuque secreto cadaver est terra reconditum. Cuius fercula primum auro, secundum argento, tertium ferri rigore communiunt : significantes tali argumento potentissimo regi omnia convenisse: ferrum, quod gentes edomuit, aurum et argentum, quod ornatum reipublicae utriusque acceperit. Addunt arma hostium caedibus acquisita, faleras vario gemmarum fulgore praetiosas, et diversi generis insignia, quibus colitur aulicum decus. Et, ut tot et tantis divitiis humana curiositas arceretur, operi deputatos detestabili mercede trucidarunt, emersitque momentanea mors sepelientibus cum sepulto.

CHAPITRE XLIX.

Attila, comme l'historien Priscus le rapporte, épousa, au temps de sa mort, une jeune fille fort belle appelée ldlico, après avoir eu un grand nombre de femmes, selon la coutume de sa nation. Le jour de ses noces, il se livra à une grande gaieté; puis comme, appesanti par le vin et le sommeil, il s'était couché sur le dos, son sang trop abondant ne put pas s'épancher par ses narines comme à l'ordinaire, et, prenant une direction funeste, il lui tomba sur la poitrine et l'étouffa. C'est ainsi que ce roi, qui s'était illustré dans tant de guerres, trouva une mort honteuse dans l'ivresse. Le lendemain, la journée touchait à sa fin, quand les serviteurs du roi, ayant de sinistres appréhensions, brisèrent les portes après l'avoir appelé à grands cris. Ils trouvèrent Attila étouffé par son sang, sans blessure, et la jeune fille, la tête baissée, pleurant sous son voile. Alors, selon la coutume de leur nation, ils coupèrent une partie de leur chevelure, et se firent à la face de profondes blessures qui les rendirent encore plus hideux. Ils voulaient pleurer ce grand guerrier, non, comme des femmes, avec des gémissements et des larmes, mais avec du sang, comme des hommes qu'ils étaient. Voici un prodige qui arriva en cette occasion : L'empereur d'Orient, Marcien, au milieu des inquiétudes que lui causait un ennemi si terrible, vit cette nuit-là, pendant son sommeil, la divinité lui apparaître et lui montrer l'arc d'Attila brisé, cet arc sur lequel la nation des Huns elle-même fondait tant d'espoir. L'historien Priscus prétend avoir à l'appui de ce fait des témoignages irrécusables. Il est vrai de dire qu'Attila s'était rendu si redoutable aux grands empires, que le ciel semblait accorder une grâce aux rois en le faisant mourir. Nous ne devons pas négliger de raconter, mais en abrégeant, de quelle manière sa nation célébra ses funérailles. On exposa solennellement son corps au milieu des champs, dans une tente de soie, afin que tous pussent le contempler. Cependant les cavaliers les plus distingués parmi les Huns couraient, ainsi qu'on le pratique aux jeux du cirque, autour du lieu où il était placé, et racontaient ses actions dans un chant funèbre que voici : « Le plus grand entre les rois des Huns, c'est Attila, fils de Mundzuc. Il a été le maître des nations les plus braves; seul il a possédé la Scythie et la Germanie, réunissant sur sa tête un pouvoir jusque-là inouï. C'est encore lui qui a porté la terreur dans les deux empires de Rome; lui qui, après avoir pris les villes, a sauvé le reste du pillage, se laissant fléchir aux prières, et se contentant d'un tribut annuel. Et c'est après avoir accompli toutes ces choses par l'effet de son bonheur, qu'il est mort, non par la main de l'ennemi, non par la trahison des siens, mais sans douleur, au milieu de la joie, au sein de sa nation florissante. Celui que personne ne croit devoir venger, peut-on dire qu'il soit mort? » Après avoir exprimé leur désolation de la sorte, ils célèbrent sur son tombeau un grand festin, une strave, comme ils l'appellent; et, se livrant tour à tour aux sentiments les plus opposés, ils mêlent la joie au deuil des funérailles. Ils enfermèrent le corps d'Attila dans trois cercueils, le premier d'or, le second d'argent, le troisième de fer, faisant entendre par là que ce roi si puissant avait eu tout en partage : le fer, pour dompter les nations; l'or et l'argent, en signe des honneurs dont l'avaient revêtu les deux empires. A ces emblèmes on ajouta des trophées d'armes prises sur les ennemis, des colliers enrichis de différentes pierres précieuses, enfin les ornements divers dont on décore les palais des rois. Et afin de défendre tant de richesses de la convoitise des hommes, ils massacrèrent les ouvriers employés aux funérailles, leur accordant ainsi un horrible salaire; de sorte qu'un moment la mort plana sur le corps enseveli et sur ceux qui venaient de l'ensevelir.

L

Talibus peractis, ut solent animi iuvenum ambitu potentiae concitari, inter successores Attilae de regno  orta contentio est  (29); et dum inconsulte imperare cupiunt cuncti, omnes simul imperium perdidere. Sic frequenter regna gravat copia, quam inopia successorum. Nam fili Attilae, quorum per licentiam libidinis pene populus fuit, gentes sibi dividi aequa sorte poscebant, ut ad instar familiae bellicosi regis cum populis mitterentur in sortem. Quod dum Gepidarum rex comperit Ardaricus, indignatus de tot gentibus, velut vilissimorum mancipiorum condicione tractari, contra filios Attilae primus insurgit, illatumque serviendi pudore secuta felicitate detersit : nec solum suam gentem, sed et caeteras, quae pariter praemebantur, sua discessione absolvit : quia facile omnes appetunt, quae pro cunctorum utilitate temptatur. In mutuum igitur armantur exitium, bellumque committitur in Pannonia, iuxta flumen, cui nomen est Nedad. Illic concursus factus est gentium variarum, quas Attila in sua tenuerat dicione. Dividuntur regna cum populis, fiuntque ex uno corpore membra diversa; nec quae unius passioni compaterentur, sed quae exciso capite in invicem insanirent; quae numquam contra se pares invenerant, nisi ipsi mutuis se vulneribus sauciantes, seipsas discerperent fortissimae nationes. Nam ibi admirandum reor fuisse spectaculum, ubi cernere erat cunctis, pugnantem Gothum ense furentem, Gepidam in vulnere suorum cuncta tela frangentem (30), Suevum pede, Hunnum sagitta praesumere, Alanum gravi, Herulum levi armatura aciem instruere. Post multos ergo gravesque conflictus favit Gepidis inopinata victoria. Nam XXX fere milia tam Hunnorum, quam aliarum gentium, quae Hunnis ferebant auxilium, Ardarici gladius conspiratiorumque peremit. In quo proelio filius Attilae maior natu, nomine Ellac (31), occiditiur : quem tantum parens super caeteros amasse perhibebatur, ut eum cunctis diversisque filiis suis in regno preferret : sed non fuit voto patris fortuna consentiens. Nam post multas hostium caedes sic viriliter eum constat peremptum, ut tam gloriosum superstes pater optasset interitum. Reliqui vero germani eius eo occiso fugantur iuxta litus Pontici maris, ubi prius Gothos sedisse descripsimus. Cessere itaque Hunni, quibus cedere putabatur universitas. Adeo discidium perniciosa res est, ut divisi corruerint, qui adunatis viribus territabant. Haec causa Ardarici regis Gepidarum felix adfuit diversis nationibus, qui Hunnorum regimini inviti famulabantur, eorumque diu maestissimos animos ad hilaritatem libertatis votivae erexit; venientesque multi per legatos suos ad solum Romanorum, et a principe tunc Marciano gratissime suscepti, distributas sedes, quas incolerent, accepere. Nam Gepidae Hunnorum sibi sedes viribus vindicantes, totius Daciae fines velut victores potiti (32), nihil aliud a Romano imperio, nisi pacem et annua sollennia, ut strenui viri, amica pactione postulavere. Quod et libens tunc annuit imperator, et usque nunc consuetum donum est. Nam gens ipsa a Romano suscipit principe. Gothi vero cernentes Gepidas Hunnorum sedes sibi defendere, Hunnorumque populum suas antiquas sedes occupare, maluerunt a Romano regno terras petere, quam cum discrimine suo invadere alienas, accipientes Pannoniam, quae in longa porrecta planitie habet ab oriente Moesiam superiorem, a meridie Dalmatiam, ab occasu Noricum, a septentrione Danubium. Ornata patria, civitatibus plurimis, quarum prima Sirmis, extrema Vindomina. Sauromatae vero, quos Sarmatas dicimus, et Cemandri, et quidam ex Hunnis in parte Illyrici ad Castrum Martenam (33) sedes sibi datas coluere. Ex quo genere fuit Blivila dux Pentapolitanus, eiusque germanus Froilas, et nostri temporis Bessa patricius. Sciri vero, et Satagarii, et caeteri Alanorum cum duce suo nomine Candax Scythiam minorem, inferioremque Moesiam accepere. Cuius Candacis Alanowamuthis patris mei genitor Peria, id est, meus avus, notarius; quousque Candax ipse viveret fuit, eiusque germanae filius Gunthigis, qui et Baza dicebatur, magister militum, filius Andagis, filii Andalae, de prosapia Amalorum descendes. Ego item, quamvis agrammatus, Iornandes, ante conversionem meam notarius fui. Rugi vero, aliaeque nationes nonnullae Biozimetas, Scandiopolim (34), ut incolerent, petivere. Hernac quoque iunior Attilae filius cum suis in extremo minoris Scythiae sedes delegit. Emnetzar et Uzindur consanguinei eius in Dacia Ripensi. Uto et Iscalmus, qui ea potiti sunt, multique Hunnorum passim proruentes tunc se in Romaniam dederunt. E quibus nunc usque Sacromontisii, et Fosatisii  (35) dicuntur.

CHAPITRE L.

Cela venait de se passer, quand, selon l'esprit de la jeunesse que l'ambition de commander aiguillonne, il s'éleva des dissensions entre les fils d'Attila pour la succession au trône; et tandis qu'ils aspiraient tous follement à l'empire, ils le perdirent tous en même temps : ainsi souvent ce qui entraîne la ruine d'un Etat, ce n'est pas le défaut de successeurs à la couronne, c'est leur trop grand nombre. Les enfants que, dans sa passion effrénée pour les femmes, Attila avait eus, formaient presque un peuple; ils voulaient se diviser par égales parts les nations qu'ils regardaient comme l'héritage du roi belliqueux, et tirer au sort à qui d'entre eux chacune de ces parts appartiendrait. Quand Ardaric, roi des Gépides, le sut, il s'indigna qu'on osât traiter tant de peuples comme un vil troupeau d'esclaves; et, se soulevant le premier contre les fils d'Attila, il effaça par ses succès la honte du joug qu'il avait été contraint de porter. Et ce ne fut pas seulement sa nation qu'il affranchit en se séparant des Huns, mais encore toutes celles sur qui pesait leur domination ; car l'homme est prompt et ardent à toute entreprise dont le bien général est l'objet. On s'arma donc de part et d'autre pour une guerre à mort, et l'on en vint aux mains en Pannonie, au bord du fleuve nommé Netad : c'est là qu'eut lieu le choc des diverses nations qu'Attila avait tenues sous son empire. Les royaumes, les peuples se divisent; d'un seul corps il se forme des membres divers qui n'obéissent plus à une volonté unique, mais qui, privés de leur tête, s'abandonnent à de mutuelles fureurs ; et ces vaillantes nations, qui n'avaient jamais trouvé leurs égales, n'éprouvèrent de résistance digne de leur courage que le jour où elles tournèrent leurs armes contre elles-mêmes pour s'entr'égorger. Ce fut, je pense, un admirable spectacle pour le monde, de voir le Goth en furie frappant de son épée le Gépide, brisant dans les blessures des siens tous les traits dont ils étaient atteints; le Suève orgueilleux de son infanterie, le Hun de son adresse à lancer la flèche, l'Alain pesamment armé, I'Hérule à l'armure légère. Après une lutte longue et meurtrière, la victoire favorisa inopinément les Gépides, et près de trente mille hommes, tant des Huns que d'autres nations auxiliaires des Huns, tombèrent sous le glaive d'Ardaric et de ceux qui s'étaient ligués avec lui. Dans cette bataille fut tué le fils aîné d'Attila qui s'appelait Ellac. On disait que sou père avait eu pour lui tant de prédilection, qu'il l'avait choisi de préférence à tous ses autres fils pour lui succéder; mais la fortune ne seconda point les voeux du père. Toutefois il mourut si bravement après avoir fait tomber sous ses coups de nombreux ennemis, que son père, s'il avait vécu, lui aurait envié une fin si glorieuse. Après qu'il eut été tué, ses autres frères s'enfuirent au bord de la mer du Pont, et dans les mêmes contrées où, comme nous l'avons dit, les Goths avaient demeuré en premier lieu. Ainsi furent vaincus les Huns, eux qui semblaient devoir vaincre le monde entier; et tels sont les tristes effets de la discorde, que cet empire que leur union rendait si redoutable, ils le virent crouler le jour où la division éclata parmi eux. Cette victoire d'Ardaric, roi des Gépides, fut un heureux événement pour les diverses nations qui obéissaient aux Huns à regret : elle releva leur courage longtemps abattu de tristesse, et leur âme s'élança aux joies d'une liberté ardemment désirée. Beaucoup d'entre elles envoyèrent des députés dans le pays des Romains, auprès de Marcien, alors empereur, qui les reçut favorablement et leur assigna des terres pour s'y établir; car les Gépides s'étaient emparés de vive force des terres des Huns, et tenaient en maîtres la Dacie entière, comme par droit de conquête. Aussi ces vaillants hommes ne demandèrent-ils autre chose à l'empire, pour faire amitié avec lui, que la paix et un don annuel, à quoi l'empereur consentit volontiers; et ce don a continué de leur être fait jusqu'à ce jour, car cette nation est encore à la solde des empereurs romains. Quant aux Goths, voyant les Gépides jaloux de conserver les terres des Huns, et les Huns à leur tour maîtres de celles qui leur avaient anciennement appartenu, ils aimèrent mieux en demander à l'empire romain que de courir les risques d'une invasion sur les terres d'autrui, et furent autorisés à occuper la Pannonie, province qui, s'étendant en longues plaines, est bornée à l'orient par la haute Moesie, au midi par la Dalmatie, par le Norique au couchant, au septentrion par le Danube, et où s'élèvent de nombreuses cités, dont la première est Sirmis, et Vindomina la dernière. Les Sauromates ou Sarmates, comme nous les avons appelés, et les Cémandres, suivis de quelques Huns, reçurent des terres dans l'IIlyrie, auprès de Castrum-Martena, où ils s'établirent. C'est d'eux que sont sortis Blivilas, duc de la Pentapole, et son frère Froïlas, et Bessa que de nos jours nous avons vu patrice. Les Scires, les Satagaires, et un reste d'Alains dont le chef se nommait Candax, eurent en partage la petite Scythie et la basse Moesie. C'est de ce Candax, tant qu'il vécut , que fut notaire Péria, père de mon père Alanowamuth, c'est-à-dire mon aïeul; et la soeur de Candax fut la mère de Gunthix, qu'on appelait aussi Baza, lequel fut maître de la milice, et eut pour père Andax, fils d'Andala, de la race des Amales. Et moi aussi, Jornandès, bien que sans lettres, j'ai été notaire avant ma conversion. Les Ruges, avec quelques autres nations, demandèrent de s'établir à Biozimétas et à Scandiopolis. A leur exemple, Hernac, le plus jeune des fils d'Attila, choisit pour demeure avec les siens l'extrémité de la petite Scythie; et ses cousins Emnedzar et Uzindur, la Dacie Ripuaire. Cette province était déjà occupée par Uto et Iscalm , qui en sortirent alors de divers côtés avec une multitude de Huns, et se jetèrent dans la Romanie. Ce sont leurs descendants qui portent aujourd'hui les noms de Sacromontisiens et de Fosatisiens.

LI.

Erant siquidem et alii Gothi, qui dicuntur Minores, populus inmensus, cum suo pontifice, ipsoque primate Vulfila (36), qui eis dicitur et litteras instituisse, hodieque sunt in Moesia regione incolentes Eucopolitanam. Ad pedes enim montis gens multa sedit pauper et imbellis, nihil abundans, nisi armento diversi generis pecorum, et pascuis, silvaque lignorum, parum habens tritici, caeterarumque specierum est terra fecunda. Vineas vero nec si sunt alibi, certi eorum cognoscent, ex vicinis locis sibi vinum negotiantes; nam lacte aluntur.

CHAPITRE LI.

Il y avait encore d'autres Goths appelés Mineurs, peuple immense, ayant pour évêque et pour chef Vulfilas, qui passe pour leur avoir enseigné l'art de l'écriture : ce sont les mêmes qui demeurent aujourd'hui à Eucopolis dans la Moesie. Pauvres et peu guerriers, ils s'établirent au pied d'une montagne, où toutes leurs richesses consistent encore en troupeaux de bétail de diverses espèces, en pâturages et en forêts. Leurs terres, d'ailleurs fécondes eu fruits de toutes sortes, produisent peu de froment; et quant aux vignes, il en est parmi eux qui ne sauront jamais s'il en existe au monde, puisque ce n'est qu'en commerçant avec les nations voisines qu'ils peuvent se procurer du vin : aussi ne vivent-ils que de lait.

LII

Plerique ergo, ut ad gentem, unde agitur revertamur, id est Ostrogotharum, qui in Pannonia sub rege Walemir eiusque germani Theodemir et Widemir morabantur, quamvis divisa loca, consilia tamen unita. Nam Walemir inter Scarniungam et Aquam nigram fluvios, Theodemir iuxta lacum Pelsodis (37), Widemir inter utrosque manebat. Contigit ergo, ut Attilae fili contra Gothos, quasi desertores dominationis suae, velut fugacia mancipia requirentes venirent; ignarisque aliis fratribus super Walemir solum inruerent. Quos tamen ille, quamvis cum paucis, excepit; diuque fatigatos ita prostravit, ut vix pars aliqua hostium remaneret, quae in fugam versa, eas partes Scythiae peteret, quas Danubii amnis fluenta praetermeant, quae lingua sua Hunnivar appeIlant. Eoque tempore quum ad fratrem Theodemirem gaudii nuntium direxisset, eo mox die nuntius veniens felicius in domo Theodemiris reperit gaudium. Ipso siquidem die Theodoricus eius filius, quamvis de Erelieva concubina, bonae tamen spei puerulus natus erat (38). Post tempus ergo non multum rex Walemir, eiusque germani Theodemir et Widemir, consueta dum traderent dona a principe Marciano, quae ad instar strenuae gentis acceperunt, ut pacis foedera custodirent, missa legatione ad imperatorem, vident Theodericum Triarii filium, et hunc genere Gothico, alia tamen stirpe, non Amala procreatum, omnino florentem cum suis, Romanorumque amicitiis iunctum, et annua sollemnia consequentem, et se tantum despici. Illico furore commoti arma arripiunt, et Illyricum pene totum discurrentes in praedam devastant (39). Sed statim imperator animo mutato ad pristinam recurrit amicitiam, missaque legatione, tam praeterita cum instantibus munera tribuit, quam etiam de futuro sine aliqua controversia tribuere compromittit; pacisque obsidem ab eis, quem supra rettulimus, Theodoricum, infantulum Theodemiris accepit. Qui iam septem annorum incrementa conscendens, octavum intraverat annum. Quem dum pater cunctatur daret, patruus Walemir exstitit supplicator, tantum ut pax firma inter Romanos Gothosque maneret. Datus igitur Theodoricus obses a Gothis, ducitur ad urbem Constantinopolitanam Leoni principi; et quia puerulus elegans erat, meruit gratiam imperialem habere.

CHAPITRE LII.

Pour revenir à la nation dont il s'agit, les Ostrogoths, qui demeuraient dans la Pannonie sous les ordres du roi Walemir et de ses frères Théodemir et Widemir, vivaient entre eux dans une étroite union, quoique leurs territoires fussent séparés ; car Walemir s'était établi entre les fleuves Scarniunga et Aqua-Nigra, Théodemir au bord du lac de Pelso, et Widemir entre ses deux frères. Or il arriva que les fils d'Attila, revendiquant les Goths comme des déserteurs de leur domination, des esclaves fugitifs , vinrent contre eux, et firent irruption sur les terres de Walemir, à l'insu de ses frères. Celui-ci, bien qu'avec peu de forces, soutint leur attaque; et, après les avoir longtemps harcelés, il leur fit essuyer une telle défaite, qu'à peine en laissa-t-il échapper quelques-uns qui s'enfuirent, et gagnèrent les contrées de la Scythie situées au delà de cette partie du cours du Danube, à laquelle ils donnent, dans leur langue, le nom d'Hunnivar. Walemir ayant envoyé sur-le-champ un messager à son frère Théodemir pour lui annoncer sa joie, le messager arriva le même jour dans la maison de ce dernier, et la trouva remplie d'une joie plus grande encore que celle dont il portait la nouvelle; car ce jour-là Théodemir avait vu naître son fils Théodéric, jeune enfant de belle espérance, quoique pourtant sa mère, Erelieva, ne fût qu'une concubine. Peu de temps après, le roi Walemir et ses frères Théodemir et Widemir ayant envoyé des ambassadeurs à l'empereur Marcien pour recevoir les dons que l'empire avait coutume de leur faire, ainsi qu'à leur vaillante nation, pour la conservation de la paix, ils apprirent que Théodéric, fils de Triarius, de la nation des Goths, il est vrai, mais d'une autre race que celle des Amales, jouissait, lui et les siens, de la plus grande faveur; qu'il était lié d'amitié avec les Romains , recevait les présents annuels, tandis qu'eux seuls étaient dédaignés. Transportés d'une fureur soudaine, ils prennent les armes, et, courant presque toute l'lllyrie, ils la pillent et la ravagent; mais l'empereur, changeant aussitôt de sentiments, leur rendit son ancienne amitié : il leur envoya des ambassadeurs non seulement pour les supplier de recevoir les présents qui leur étaient dus pour le passé, mais encore pour leur promettre qu'à l'avenir ils leur seraient accordés sans difficulté, et reçut d'eux, comme otage de la paix, Théodéric le jeune enfant de Théodemir; dont nous avons parlé plus haut. Il avait alors accompli sa septième année, et était entré dans sa huitième; et comme son père hésitait à le donner, son oncle Walemir l'en supplia, uniquement afin qu'une paix solide s'établit entre les Goths et les Romains. Les Goths ayant donc livré Théodéric en otage, il fut conduit dans la ville de Constantinople, auprès de l'empereur Léon; et comme c'était un jeune enfant plein de gentillesse, il eut bientôt gagné la faveur impériale.

LIII

Postquam ergo firma pax Gothorum cum Romanis effecta est, videntes Gothi non sibi sufficere ea quae ab imperatore acciperent solacia, simulque cupientes ostentare virtutem, coeperunt vicinas gentes circumcirca praedari; primum contra Satagas (40), qui interiorem Pannoniam possidebant, arma moventes. Quod ubi rex Hunnorum Dinzio, filius Attilae, cognovisset (41); collectis secum qui adhuc videbantur, quamvis pauci eius tamen sub imperio remansisse, Ulzingures, Angisciros, Bittugores, Bardores, veniens ad Bassianam Pannoniae civitatem, eamque circumvallans, fines eius coepit praedari. Quod comperto Gothi, ubi erant, expeditionemque solventes, quam contra Satagas collegerant, in Hunnos convertunt; et sic eos suis a finibus inglorios pepulerunt, ut iam ex illo tempore, qui remanserunt Hunni, et usque hactenus, Gothorum arma formident. Quiescente vero tandem Hunnorum gente a Gothis, Hunimundus Suevorum dux, dum ad praedandas Dalmatias transit, armenta Gothorum in campis errantia depraedavit : quia Dalmatia Suevia vicina erat (42), nec a Pannoniis multum distabat, praesertim ubi tunc Gothi residebant. Quid plurimum? Hunimundo cum Suevis vastatis Dalmatiis ad sua revertente, Theodemir germanus Walamiris regis Gothorum, non tantum iacturam armentorum dolens, quantum metuens ne Suevi, si impune hoc lucrarentur, ad maiorem licentiam prosilirent, sic vigilavit in eorum transitu, ut intempesta nocte dormientes invaderet ad lacum Pelsodis, consertoque inopinato proelio, ita eos oppressit, ut etiam ipsum regem Hunimundo capto, omnem exercitum eius, qui gladium evasissent, Gothorum subderet servituti. Et dum multum esset amator misericordiae, facta ultione, veniam condonavit, reconciliatusque cum Suevis, eundem quem ceperat adoptans sibi filium, remisit cum suis in Sueviam. Sed ilIe immemor paternae gratiae, post aliquod tempus conceptum dolum parturiens, Scirorumque gente incitavit, qui tunc supra Danubium consedebant, et cum Gothis pacifice morabantur; quatenus scissi ab eorum foedere, secumque iuncti, in arma prosilirent, gentemque Gothorum invaderent. Tunc Gothis nihil mali sperantibus, praesertim de utrisque amicis vicinis confisis, bellum exurgit ex improviso, coactique necessitate ad arma confugiunt; solitoque certamine arrepto; se suamque iniuriam ulciscuntur. In eo siquidem proelio rex eorum Walemir, dum equo insidens ad cohortandos suos ante aciem curreret, proturbatus equus corruit, sessoremque suum deiecit; qui mox inimicorum lanceis confossus, interemptus est. Gothi vero tam regis sui mortem, quam suam iniuriam a rebellionibus exigentes, ita sunt proeliati, ut pene de gente Scirorum, nisi qui nomen ipsud ferrent; et hi cum dedecore, non remansissent, sic omnes extinxerunt.

CHAPITRE LIII.

Après que les Goths et les Romains eurent fait entre eux une paix solide, les Goths, voyant que les subsides qu'ils recevaient de l'empereur ne leur suffisaient pas, et désirant en outre faire voir leur courage, se mirent à butiner alentour sur les nations voisines, et tournèrent premièrement leurs armes contre les Satages, qui occupaient l'intérieur de la Pannonie. Quand Dinzio, roi des Huns et fils d'Attila, l'apprit, il rassembla autour de lui le petit nombre de nations qui semblaient reconnaître encore son autorité, savoir les Ulzingures, les Angiscires, les Biitugores et les Bardores ; et venant devant Bassiana, ville de la Pannonie, il en fit le siège et se mit à ravager son territoire. La nouvelle en étant venue aux Goths, dans le pays où ils étaient, ils abandonnèrent l'expédition qu'ils avaient entreprise contre les Salages, et se tournèrent contre les Huns, qu'ils chassèrent de leurs frontières avec tant d'ignominie pour ces derniers, que, depuis ce temps jusqu'à ce jour, ceux des Huns qui survécurent à leur défaite ont conservé une grande crainte des armes des Goths. La nation des Huns laissait enfin les Goths en repos, quand Hunimund, roi des Suèves, en passant pour aller butiner dans la Dalmatie, enleva le bétail des Goths errant dans la campagne ; car la Dalmatie était voisine de la Suévie, et peu éloignée de la Pannonie, notamment de la partie où demeuraient alors les Goths. Bref, comme Hunimund et les Suèves, après avoir ravagé la Dalmatie, retournaient dans leurs terres, Théodemir, frère de Walemir, roi des Goths, moins sensible à la perte du bétail qu'à la crainte de voir les Suèves redoubler d'audace, si leur larcin demeurait impuni, surveilla si bien leur passage, que, pendant qu'ils dormaient au milieu d'une nuit profonde, il fondit sur eux auprès du lac de Pelso; et, les ayant forcés de combattre à l'improviste, il les écrasa à tel point, que le roi Hunimund lui-même fut pris, et que tous ceux de son armée qui échappèrent au glaive des Goths furent réduits par eux en servitude. Et comme Théodemir était fort enclin à faire miséricorde, une fois vengé des Suèves, il les reçut à merci; et s'étant réconcilié avec eux, il adopta pour fils ce même Hunimund, son captif , et le renvoya avec les siens en Suévie. Mais lui, sans reconnaissance pour les bontés de son nouveau père, fit éclater quelque temps après la perfidie qu'il couvait. Il excita la nation des Scires, alors établie sur le Danube, et vivant en paix avec les Goths, à déserter leur alliance pour s'unir à lui, et à prendre les armes contre eux. Les Goths ne s'attendaient alors à rien de mal , surtout de la part de ces deux nations voisines, sur l'amitié desquelles ils comptaient; et tout à coup la guerre éclate. Pressés par la nécessité, ils courent aux armes; et, s'étant portés au combat avec leur bravoure ordinaire, ils vengent l'injure qu'ils ont reçue. Ce fut dans cette bataille que périt Walemir, leur roi; il était à cheval, et galoppait devant les rangs pour exhorter les siens, quand le cheval, s'étant effrayé, s'abattit et renversa son cavalier, qui fut aussitôt percé par les lances des ennemis. Les Goths combattirent les rebelles avec tant de fureur pour venger la mort de leur roi et leur propre injure, qu'ils exterminèrent presque toute la nation des Scires, à l'exception de ceux qui, portant le même nom, ne s'étaient point trouvés à cette bataille, et n'en avaient point partagé la honte.

LIV

Quorum exitium Suavorum reges Hunimundus et Alaricus veriti, in Gothos arma moverunt, freti auxilio Sarmatarum, qui cum Beuga et Babai regibus suis auxiliariis eorum devenissent, ipsasque Scirorum reliquias, quasi ad ultionem suam acrius pugnaturas accersentes cum Edica et Vulfo eorum primatibus, habuerunt simul secum tam Gepidas, quam ex gente Rugorum non parva solacia; caeterisque hinc inde collectis, ingentem multitudinem adgregantes, ad amnem Bolliam in Pannoniis castra metati sunt. Gothi tunc Walemire defuncto, ad fratrem eius Theodemir confugerunt (43). Qui, quamvis dudum cum fratribus regnans, tamen auctioris potestatis insignia sumens. Widimere fratre iuniore accito, et cum ipso curas belli partitus, coactus ad arma prosilivit; consertoque proelio, superior pars invenitur Gothorum, adeo ut campus inimicorum corruentium cruore madefactus, ut rubrum pelagus appareret; armaque et cadavera in modum collium cumulata, campum plus per decem milibus oppleverunt. Quod Gothi cernentes, ineffabili exsultatione laetantur, eo quod et regis sui Walemiris sanguinem, et suam iniuriam cum maxima inimicorum strage ulciscerentur. De vero innumeranda variaque multitudine hostium, qui valuerunt evadere, effugati vix ad sua inglorii pervenerunt.

CHAPITRE LIV.

Craignant que la ruine des Scires n'entraînât la leur, Hunimund et Alaric, rois des Suèves, prirent les armes contre les Goths. Ils furent soutenus par les Sarmates, qui vinrent à leur aide avec leurs rois Beuga et Babaï; par ce qui restait de Scires sous la conduite d'Édica et de Vulfo, leurs chefs, que les Suèves appelèrent, comme devant combattre avec d'autant plus d'acharnement qu'ils avaient leur vengeance à satisfaire; enfin par les Gépides, qui se joignirent à eux, ainsi qu'un assez grand renfort de Ruges. Ils ramassèrent en outre d'autres guerriers de divers côtés, et, réunissant en corps cette immense multitude, ils allèrent camper auprès de la rivière Bollia, en Pannonie. Walemir étant mort, les Goths eurent recours dans cette conjoncture à son frère Théodemir, qui, bien qu'il régnât depuis longtemps conjointement avec ses frères, ne prit néanmoins qu'alors les insignes du pouvoir suprême. II manda Widemir, son plus jeune frère, lui confia une partie des soins de cette guerre; puis il obéit à la nécessité, et courut aux armes. Le combat s'étant engagé, l'armée des Goths eut le dessus, et fit un tel carnage de l'ennemi, que le champ de bataille, inondé de sang, ressemblait à une mer rouge, où s'élevaient, comme des collines, des tas d'armes et de cadavres, et que plus de dix mille guerriers restèrent sur la place. A cette vue, les Goths furent transportés d'une joie indicible; car, en faisant cet immense carnage, ils avaient vengé le sang de leur roi Walemir et leur propre injure. Quant à cette innombrable foule d'ennemis divers, ceux qui purent échapper prirent la fuite, et ne regagnèrent leurs pays qu'à grand'peine et couverts de honte.

LV

Post certum vero tempus instanti hiemali frigore, amneque Danubii solite congelato (nam istiusmodi fluvius ita rigecit, ut in silicis modum velut vehat exercitum pedestrem, plaustraque et traculas, vel quidquid vehiculi fuerit, nec cymbarum indigeat lintre) : sic ergo eum gelatum Theodemir Gothorum rex cernens, pedestrem ducit exercitum; emensoque Danubio Suavis, improvisus a tergo apparuit. Nam regio illa Suevorum ab oriente Baiobaros (44) habet, ab occidente Francos, a meridie Burgundiones, a septentrione Thuringos. Quibus Suevis tunc iuncti Alemanni etiam aderant (45), ipsique Alpes erectas omnino regentes : unde nonnulla fluente Danubium influunt, nimio cum sono vergentia. Hic ergo taliterque munito loco, rex Theodemir hiemis tempore Gothorum ductavit exercitum, et tam Suevorum gentem, quam etiam Alamannorum utrasque ad invicem foederatas, devicit, vastavit, et pene subegit. Inde quoque victor ad proprias sedes, id est, Pannonias revertens, Theodoricum filium suum, quem Constantinopolim obsidem dederat, a Leone imperatore remissum cum magnis muneribus gratanter excepit. Qui Theodoricus iam aduliscentiae annos contingens, expleta pueritia, octavum decimum peragens annum (46), adscitis certis ex satellitibus patris, ex populo amatores sibi, clientesque consociavit, pene sex milia viros; cum quibus inscio patre, emenso Danubio, super Babai Sarmatarum rege discurrit, qui tunc de Camundo duce Romanorum victoria potitus, superbiae tumore regnabat, eumque superveniens Theodoricus interemit, familiamque et censum depraedans, ad genitorem suum cum victoria repedavit. Singidonum dehinc civitatem, quam ipsi Sarmatae occupassent, invadens, non Romanis reddidit, sed suae subdedit dicioni.

CHAPITRE LV.

Après un certain temps, et durant les froids de l'hiver, le Danube étant gelé comme à l'ordinaire (car l'eau de ce fleuve durcit alors à tel point, que, semblable à un roc, elle peut porter une armée de terre, et chariots et traîneaux, et toutes sortes de voitures, sans qu'il soit besoin de barques), le Danube étant donc gelé, Théodemir, roi des Goths, se mit à la tête d'une armée de gens de pied, et apparut à l'improviste sur les derrières des Suèves, dont le pays a les Baïobares à l'orient, à l'occident les Francs, au midi les Burgundions, et au septentrion les Thuringiens. Aux Suèves étaient joints encore alors les Alemannes, et ceux-ci tenaient en maîtres les hauteurs des Alpes, d'où descendent à grand bruit quelques-uns des cours d'eau qui se jettent dans le Danube. Ce fut donc dans ce pays d'une assiette si forte, et dans la saison de l'hiver, que le roi Théodemir mena l'armée des Goths : cependant il ne laissa pas de vaincre tant la nation des Suèves que celle des Alemannes, malgré leur alliance réciproque, ravagea leurs terres, et les subjugua presque entièrement. De là il revint dans ses foyers, c'est-à-dire en Pannonie, où il eut la joie de recevoir son fils Théodéric, qu'il avait envoyé en otage à Constantinople, et que lui rendait, avec de grands présents, l'empereur Léon. Théodéric était déjà sorti de l'enfance et entrait dans l'âge de l'adolescence, n'ayant pas encore accompli sa dix-huitième année. Il attira à lui des gardes de son père, se fit parmi les Goths des partisans et des clients, au nombre de près de six mille hommes; et à leur tête il passa le Danube à l'insu de son père, et se mit en course contre Babaï, roi des Sarmates, alors enflé d'orgueil par la victoire qu'il venait de remporter sur Camundus, duc des Romains. Théodéric le surprit, le tua; et, s'étant saisi de sa famille et de son trésor, il s'en retourna triomphant auprès de son père. Peu après il se rendit maître de la ville de Singidonum, dont les Sarmates s'étaient emparés; mais, au lieu de la rendre aux Romains, il la garda sous son autorité.

LVI

Minuentibus deinde hinc inde vicinarum gentium spoliis coepit et Gothis victus, vestitusque deesse, et hominibus, quibus dudum bella alimoniam prestitissent, pax coepit esse contraria; omnesque cum magno clamore ad regem Theodemir accedentes Gothi orant, quacumque parte vellet, et ductaret exercitum. Qui accito germano, missaque sorte, hortatus est, ut ille in partem Italiae, ubi tunc Glycerius regnabat imperator, ipse vero ceu fortior ad fortius regnum accederet, orientale quidem : quod et factum est. Et mox Widemir Italiae terras intravit, et extremum fati munus reddens, rebus excessit humanis, successorem relinquens regni Widemir filium suum. Quem GIycerius imperator muneribus datis, de Italia ad Gallias transtulit, quae a diversis circumcirca gentibus premebantur : adserens vicinos ibi Vesegothas eorum parentes regnare. Quid multa? Widemir, acceptis muneribus simulque mandata a Glycerio imperatore, Gallias tendit, seseque cum parentibus Vesegothis iungens, unum corpus efficitur, ut dudum fuerat; et sic Gallias, Hispaniasque tenentes suo iure defendunt, ut nullus sibi alius praevaleret. Theodemir autem frater senior cum suis transit Saum amnem, Sarmatis militibusque interminans bellum, si aliquis ei obstaret. Quod illi verentes, quiescunt; imo nec praevalent ad tantam multitudinem. Videns Theodemir undique sibi prospera provenire, Naissum primam urbem (47) invadit IIlyrici :filioque suo Theodorico consciatus adstat, et in villam comites per castrum Herculis transmisit Ulpianam (48). Qui venientes, tam eam, quam et opes mox in deditione accipiunt, nonullaque loca Illyrici inaccessibilia sibi primum pervia faciunt. Nam Heracliam et Larissam civitates Thessaliae (49) primum praeda capta, iure bellico potiuntur. Theodemir vero rex animadvertens felicitatem suam, quam etiam filii; nec hac tamen contentus, egrediens Naisitanam urbem, paucis ad custodiam derelictis, ipse Thessalonicam petiit (50), in qua Clarianus patricius a principe directus, cum exercitu morabatur. Qui dum videret vallo muniri Thessalonicam, nec se eorum conatibus posse resistere, missa legatione ad Theodemir regem, muneribusque oblatis, ab obsidione eum urbis retorquet. Initoque foedere, Romanus ductor cum Gothis loca eis iam sponte, quae incolerent, tradidit, id est, Ceropellas, Europam, Medianam, Petinam, Bereum, et alia, quae Sium vocatur (51). Ubi Gothi cum rege suo armis depositis, composita pace, quiescunt. Nec diu post haec et rex Theodemir in civitate Cerras fatali aegritudine occupatus, vocatis Gothis, Theodoricum filium regni sui designat heredem, et ipse mox rebus humanis excessit. 

CHAPITRE LVI.

Ensuite le butin diminuant de tous côtés chez les nations voisines, les Goths vinrent à manquer de vivres et de vêtements; et ces hommes, qui depuis longtemps ne vivaient que de la guerre, commencèrent à trouver la paix insupportable. Ils allèrent donc tous ensemble et à grands cris au roi Théodemir, le conjurant de mener l'armée où il lui plairait. Celui-ci manda son frère; et, après qu'ils eurent tiré au sort, il l'engagea à marcher sur l'Italie, où régnait alors l'empereur Glycérius, tandis que lui-même, dont l'armée était la plus forte, envahirait le plus fort des deux empires , celui d'Orient. Ainsi fut-il fait; et bientôt Widemir entra dans les terres d'Italie. Mais il y paya le dernier tribut à la destinée, et passa de ce monde, laissant pour successeur Widemir, son fils, que l'empereur Glycérius détermina par des présents à passer de l'Italie dans les Gaules, alors opprimées par diverses nations d'alentour, l'assurant que les Visigoths ses parents y avaient établi leur domination dans le voisinage de l'empire. Bref, Widemir accepta les présents et l'invitation de l'empereur Glycérius, et partit pour les Gaules, où il se réunit aux Visigoths ses parents, avec lesquels il ne fit plus qu'un seul corps. Ils tinrent ainsi sous leur autorité les Gau les et les Espagnes, et les défendirent si bien qu'aucun autre peuple ne put prévaloir contre eux. Quant à Théodemir, rainé des deux frères, il passa la Save avec les siens, menaçant de la guerre les Sarmates et les milices de l'empire, si quelqu'un d'entre eux osait s'opposer à lui. Ceux-ci, dans cette crainte, se tinrent en repos ; ils n'auraient pu résister d'ailleurs à des forces aussi considérables que les siennes. Théodemir, voyant que le succès le suivait partout, s'empara de Naïssus, première ville de l'Illyrie; et, s'y étant arrêté pour associer son fils Théodéric à l'empire, il donna ordre à ses comtes de passer par le fort d'Hercule, et de marcher contre Ulpiana. Ceux-ci dès leur arrivée reçurent la soumission de cette ville, qu'ils pillèrent, et pénétrèrent dans quelques autres places de l'Illyrie, où les Goths n'étaient jamais entrés jusqu'alors. Ils prirent également et pillèrent Héraclée et Larisse, villes de la Thessalie. Mais ni ses propres succès, ni ceux de son fils, ne contentaient encore Théodemir : il quitta la ville de Naïssus , n'y laissant qu'un petit nombre des siens pour la garder, et se dirigea sur Thessalonique, où se trouvait avec des troupes le patrice Clarianus, envoyé contre lui par l'empereur. Le patrice voyant les Goths élever des palissades autour de la ville, et n'espérant pas pouvoir se défendre, envoya une députation vers le roi Théodemir, et le décida par des présents à lever le siége. Un traité fut conclu entre les Goths et le général romain, lequel consentit à leur abandonner certaines places pour s'y établir, savoir : Céropelle, Europa, Médiana, Pétina, Béréum, et autres lieux compris sous le nom de Sium , où les Goths et leur roi vécurent en repos, après avoir conclu la paix et déposé les armes. Peu de temps après, Théodemir, atteint d'une maladie mortelle dans la ville de Cerres, appela auprès de lui les Goths, leur désigna pour son successeur Théodéric, son fils, et passa de ce monde.

LVII

Theodoricum vero gentis suae regem audiens ordinatum imperator Zeno, gratum suscepit, eique evocaturia destinata, ad se in urbem venire praecepit, dignoque suscipiens honore (52), inter proceres sui palatii conlocavit. Et post aliquod tempus ad ampliandum honorem eius in arma, sibi eum filium adoptavit, de suisque stipendiis triumphum in urbe donavit; factusque est consul ordinarius, quod summum bonum, primumque in mundo decus edicitur; nec tantum hoc, sed etiam equestrem statuam ad famam tanti viri ante regiam palatii collocavit. Inter haec ergo Theodoricus Zenonis imperio foedere sociatus, dum ipse in urbe omnibus bonis frueretur, gentemque suam in Illyrico, ut diximus, residentem, non omnino idoneam aut refertam audiret, elegit potius solito more gentis suae labore quaerere victum, quam ipse otiose frui regni Romani bona, et gentem suam mediocriter victitare : secumque deliberans, ad principem ait: « Quamvis nihil deest nobis, imperio vestro famulantibus : tamen si dignum ducit pietas vestra, desiderium mei cordis libenter exaudiat ». Quumque ei, ut solebat, familiariter facultas fuisset loquendi concessa: « Hesperia », inquit, « plaga, quae dudum decessorum prodecessorumque vestrorum regimine gubernata est, et urbs illa caput orbis et domina, quare nunc sub regis Turcilingorum Rogorumque tyrranide fluctuat? Dirige cum gente mea, si praecepis, ut hic expensarum pondere careas; et ibi, si adiutus a Domino vicero, fama vestrae pietatis irradiet. Expedit namque, ut ego, qui sum servus vester et filius, si vicero, vobis donantibus regnum illud possideam: haud ille, quem non nostris, tyrranici iugo senatum vestrum, partemque reipublicae captivitatis servitio premat. Ego enim si vicero, vestro dono vestroque munere possidebo; si victus fuero, vestra pietas nihil amittit; imo, ut diximus, lucratur expensas ». Quo audito, quamvis aegre ferret imperator discessum eius, nolens tamen eum contristare, annuit quae poscebat, magnisque ditatum muneribus dimisit a se, senatum populumque ei commendans Romanum. Igitur egressus urbe regia Theodoricus, et ad suos revertens, omnem gentem Gothorum, quae tamen ei prebuerat consensum, Hesperiam tendit (53), rectoque itinere per Sirmas ascendit, vicinas Pannoniae. Indeque Venetiarum fines ingressus ad pontem Sontium (54) nuncupatum castrametatus est. Quumque ibi ad reficienda corpora hominum iumentorumque aliquanto tempore resedisset, Odovacer armatum contra eum direxit exercitum. Quem ille, ad campos Veronenses occurrens, magna strage delevit, castrisque solutis, fines Italiae cum potiore audacia intrat; transactoque Pado amne ad Ravennam regiam urbem castra componit, tertio fere miliario ab urbe, loco, qui appellatur Pineta. Quod cernens Odovacer, intus se in urbe communivit; indeque subreptive noctu frequenter cum suis egrediens, Gothorum exercitum inquietat; et hoc non semel, nec iterum, sed frequenter, et pene molitur toto triennio. Sed frustra laborat, quia cuncta Italia dominum iam dicebat Theodoricum, et illius ad votum res illa publica obsecundabat. Tantum ille solus cum paucis satellitibus, et Romanis, qui aderant, et fame et bello quotidie intra Ravennam laborabat. Quod dum nihil proficeret, missa legatione, veniam supplicat. Cui et primum concedens Theodoricus, postmodum hac luce privavit. Tertioque, ut diximus, anno ingressus in Italiam, Zenonisque imperatoris consulto privatum habito, suaeque gentis vestitum reponens, insigne regii amictus, quasi iam Gothorum Romanorumque regnator, adsumit .

CHAPITRE LVII.

L'empereur Zénon apprit avec plaisir queThéodéric avait été proclamé roi par sa nation ; et, lui ayant adressé un message, il l'appela aupres de lui à Constantinople, où il l'accueillit avec les honneurs qu'il méritait, et lui donna une des premières dignités de son palais. Quelque temps après, voulant l'honorer encore plus , il l'adopta pour fils d'armes, lui décerna à ses frais le triomphe dans Constantinople, et le nomma consul ordinaire, ce qui passe pour le comble de la grandeur et de la gloire dans le monde. Enfin, ne pouvant se lasser d'accorder de nouvelles faveurs à ce grand homme, il lui fit ériger une statue équestre dans la cour de son palais. Or, pendant qu'à Constantinople Théodéric jouissait de tous les biens dans l'alliance de l'empereur Zénon, il apprenait que sa nation établie en Illyrie, comme nous l'avons dit, ne s'y trouvait pas entièrement à l'abri de la gêne et des privations. Il aima donc mieux chercher sa vie dans les fatigues, selon la coutume de sa nation, que de jouir seul, dans l'oisiveté, des délices de la cour impériale, tandis que les siens ne subsistaient qu'avec peine; et, prenant son parti, il dit à l'empereur: « Bien que rien ne manque aux serviteurs de votre empire , toutefois que votre piété, si elle le juge à propos, écoute favorablement le désir de mon coeur. » Et après qu'il eut obtenu, comme à l'ordinaire, la permission de parler librement : « L'Hespérie, dit-il, sur laquellé ont jadis régné vos prédécesseurs, et cette ville capitale et maîtresse du monde, pourquoi flottent-elles aujourd'hui sous la tyrannie d'un roi des Ruges et des Turcilinges? Ordonnez-moi d'aller contre lui avec ma nation, afin que les dépenses de l'expédition ne pèsent point sur vous , et que si je suis vainqueur, avec l'aide du Seigneur, votre gloire éclate dans ces contrées. Car il convient que moi , qui suis votre serviteur et votre fils, je possède et tienne en don de vous ce royaume, si j'en fais la conquête; et vous ne pouvez tolérer que cet autre, à vous inconnu, fasse peser un joug tyrannique sur votre sénat, et tienne une partie de l'empire dans l'asservissement et l'esclavage. Pour ce qui est de moi, je regarderai ma conquête, si je suis vainqueur, comme un don et une faveur me venant de vous : et quant à vous, si je suis vaincu, vous n'aurez fait aucun sacrifice ; vous aurez au contraire épargné, comme je l'ai dit, les frais de l'expédition. » L'empereur consentit à sa demande pour ne pas l'affliger, quoiqu'il lui fût pénible de se séparer de lui; et, l'ayant comblé de riches présents, il lui donna congé, en lui recommandant le sénat et le peuple romain. Théodéric quitta donc Constantinople, et retourna parmi les siens. Il prit toute la nation des Goths, qui d'ailleurs lui avait offert de le suivre , et se mit en marche vers I'Hespérie, en montant en droite ligne par la ville de Sirmas, qui touche à la Pannonie. De là il entra dans la Vénétie, et campa auprès du pont appelé Sontius. Il y était resté quelque temps pour y refaire ses hommes et ses chevaux , quand Odoacre, à la tête d'une armée, vint à sa rencontre. Théodéric le joignit sur le territoire de Vérone, et le défit avec un grand carnage; puis, redoublant de confiance, il leva son camp et franchit les frontières de l'Italie. Ayant passé le Pô, il établit son camp devant la ville royale de Ravenne, à trois milles environ de ses murs, en un lieu qui porte le nom de Pinéta : ce que voyant, Odoacre se fortifia dans la ville. Il en sortait fréquemment la nuit à l'improviste avec les siens, pour harceler l'armée des Goths; et cela, non pas une fois ni deux, mais presque sans relâche. Il se défendit de la sorte pendant près de trois ans entiers. Efforts inutiles ; car déjà toute l'Italie reconnaissait Théodéric pour maître, et le voeu public s'accordait avec celui du roi des Goths. Odoacre seul, avec un petit nombre de ses satellites et quelques Romains restés fidèles, se voyait de jour en jour réduit à l'extrémité dans Ravenne par la famine et les armes des assiégeants. A la fin, n'ayant plus d'espoir, il envoya une députation, et demanda grâce. Théodéric la lui accorda d'abord, mais ensuite il le fit mourir. Ainsi, trois ans après son entrée en Italie, comme nous l'avons dit, Théoderic, avec l'exprès consente-ment de l'empereur Zénon, déposa le vêtement de sa nation et revêtit la pourpre royale, comme appelé dorénavant à régner sur les Goths et sur les Romains.

LVIII

Missa legatione ad Lodoin Francorum regem, filiam eius Audefledam sibi in matrimonio petit (55). Quam ille grate libenterque concessit, suos filios Cheldepertum et Thiudepertum credens hac societate cum gente Gothorum, inito foedere, sociari. Sed non adeo pacis ad concordiam profuit ista coniunctio; quin saepenumero propter Gallorum terras graviter inter se decertati sunt; et numquam Gothus Francis cessit, dum viveret Theodoricus. Antequam ergo de Audefleda subolem haberet, naturales ex concubina, quas genuisset adhuc in Moesia, filias habuit, unam nomine Theudicodo, et aliam Ostrogotho (56). Quas mox in Italiam venit, regibus vicinis in coniugio copulavit, id est, unam Alarico Vesegotharum, et aliam Sigismundo Burgundionorum. De Alarico ergo natus est Amalaricus. Quem avus Theodoricus in annis puerilibus utroque parente orbatum dum fovet atque tuetur, comperit Eutharicum Witerichi filium, Beremundi et Thorismundi nepotem, Amalorum de stirpe descendentem, in Hispania degere, iuvenili aetate, prudentia et virtute, corporisque integritate pollentem. Ad se eum facit venire, eique Amalasuentam filiam suam in matrimonio iungit. Et ut in plenum suam progeniem dilataret, Amalafredam germanam suam matrem Theodati, qui postea rex fuit, Africae regi Wandalorumque coniuge dirigit Trasemundo (57); filiamque eius, neptem suam Amalabergam Thuringorum regi consociat Hermefredo (58). Petzamin quoque suum comitem inter primos electum ad obtinendam Sirmiensem dirigit civitatem (59). Quam ille expulso rege eius Transarico, filio Trafstile, retenta eius matre obtinuit. Inde contra Sabinianum Illyricum magistrum militiae, qui tunc cum Mundone paraverat conflictum (60), ad civitatem cognomine Margoplano, quae inter Danubium Martianumque flumina adiacebat, cum duobus milibus peditum, equitibus quingentis, in Mundonis solacia veniens, Illyricianum exercitum demolivit. Nam hic Mundo Attilanis quondam origine descendens, Gepidarum gentem fugiens, ultra Danubium in incultis locis, sine ullis terrae cultoribus debacchatur. Et plerisque abactoribus, sicariisque et latronibus undecumque collectis, turrem quae Herta dicitur, super Danubii ripam positam, occupans, ibique agresti ritu praedans vicinos, regem se suis grassatoribus noncupat. Hunc ergo pene desperatum, etiam de traditione sua deliberantem, Petza subveniens, e manibus Sabiniani eripuit, suoque regi Theodorico cum gratiarum actione fecit subiectum. Non minus trophaeum de Francis per Hibbam, suum comitem (61), in Galliis adquisivit, plus triginta milibus Francorum in proelio caesis. Nam et Thiodem suum armigerum post mortem Alarici generi, tutorem in Hispaniae regno Amalarici nepotis constituit. Qui Amalaricus in ipsa adolescentia Francorum fraudibus irretitus, regnum cum vita amisit. Post quem Thiodis tutor eodem regnum ipse invadens, Francorum insidiosam calumniam de Hispaniis pepulit, et usque dum viveret, Vesegothas continuit. Post quem Thiodigisglossa regnum adeptus, non regnans, defecit, occisus a suis. Cui succedens Hactenusagil (62), continuat regnum. Contra quem Athanagildus insurgens, Romani regni concitat vires. Ubi et Liberius patricius cum exercitu destinatur. Nec fuit in parte occidua gens, quae Theodorico, dum viveret, aut amicitia, aut subiectione non deserviret.

CHAPITRE LVIII.

Théodéric ayant envoyé une ambassade à Lodoïn, roi des Francs, pour lui demander sa fille Audeflède en mariage, celui-ci la lui accorda de bon cœur, se flattant que cette alliance mettrait l'union entre ses fils Ildebert, Cheldepert et Thuidepert, et la nation des Goths. Mais ce mariage ne contribua guère à la paix et à la concorde , et n'empêcha pas les deux nations de se livrer, à plusieurs reprises, de sanglants combats pour les terres de la Gaule: néanmoins, tant que vécut Théodéric, jamais le Goth ne céda au Franc. Avant d'avoir des enfants d'Audefiède, ce prince avait eu d'une concubine, pendant qu'il était encore en Moesie, deux filles naturelles, dont l'une se nommait Theudicodo, et l'autre Ostrogotho. Dès qu'il fut venu en Italie, il les donna en mariage à des rois voisins, savoir : l'une à Alaric, roi des Visigoths, et l'autre à Sigismund, roi des Burgundions. Ce fut d'Alaric que naquit Amalaric : ce dernier ayant perdu son père et sa mère dans son jeune âge, Théodéric son aïeul l'avait pris sous sa tutelle et l'élevait soigneusement, quand il vint à savoir qu'en Espagne vivait Eutharic, fils de Witéric, et petit-fils de Bérémund et deThorismund, de la famille des Amales, lequel était à la fleur de l'âge, et se faisait remarquer par sa prudence, sa bravoure, et par sa vigoureuse santé : il le fit venir auprès de lui , et l'unit en mariage à sa fille Amalasuente. Et, pour multiplier autant que possible sa postérité, il fit partir sa soeur Amalafrède, mère de Théodat, qui fut roi depuis, pour aller épouser Trasémund , roi des \Vandales et de l'Afrique, et maria Amalaberge, fille de cette dernière et sa propre nièce, au roi des Thuringiens, Hermenfred. Ensuite il désigna, parmi les premiers des Goths, son comte Petzamin, pour aller se saisir de la ville de Sirmium. Celui-ci en chassa le roi Transaric, fils de Trafstile, dont il retint la mère prisonnière, et s'en empara. De là il marcha contre Sabinianus, maître de la milice en Illyrie , comme celui-ci s'apprêtait à combattre Mundo auprès de la ville appelée Margoplano, entre le Danube et le fleuve Martianus; et s'étant porté au secours de Mundo avec deux mille hommes de pied et cinq cents cavaliers, il détruisit l'armée d'lllyrie. Ce Mundo descendait d'Attila; pour fuir la nation des Gépides, il avait passé le Danube, et s'était mis en course dans des lieux incultes et dépeuplés d'habitants. Il avait ramassé de tous pays des voleurs de bestiaux, des bandits, des sicaires, et s'était établi dans la tour appelée Herta, située sur les bords du Danube, où il menait une vie sauvage, pillant ses voisins, et se faisant donner le nom de roi par les complices de ses brigandages. Il était dans une situation désespérée, et songeait même à se rendre, quand survint Petza, qui l'arracha des mains de Sabinianus, et reçut, avec des actions de grâces de sa part, sa soumission à Théodéric. Cette victoire fut bientôt suivie, pour ce prince, d'une autre non moins éclatante que remporta sur les Francs, dans les Gaules, son comte Hibbas, dans une bataille où plus de trente mille Francs furent tués. Après la mort d'Alaric son gendre, Théodéric nomma Thiodis, son écuyer, tuteur de son petit-fils Amalaric, roi d'Espagne. Mais Amalaric, encore dans l'adolescence, se laissa envelopper dans les piéges des Francs, et perdit en même temps le trône et la vie. A sa mort, Thiodis, son tuteur, mit la couronne sur sa tête; il bannit de l'Espagne les menées perfides des Francs, et contint les Visigoths tant qu'il vécut. Thiodigisglossa monta sur le trône après lui; mais, avant d'exercer l'autorité royale, il périt par la main des siens. Son successeur est Hacténusagil, qui règne encore, et contre lequel vient de s'insurger Athanagilde, sollicitant l'appui de l'empire romain, qui envoie en Espagne le patrice Libérius avec une armée. Mais, pour en revenir à Théodérie, il n'y eut point de nation en Occident, tant qu'il vécut, qui ne fût dans sa dépendance, soit comme amie, soit comme sujette.

LIX

Sed postquam ad senium pervenisset, et se in brevi ab hac luce egressurum cognusceret, convocans Gothos comites, gentisque suae primates, Athalaricum infantulum adhuc vix decennem filium filiae suae Amalasuentae, qui Eutharico patre orbatus erat, regem constituit (63); eisque in mandatis dedit, ac si testamentali voce denuntians, ut regem colerent, senatum populumque Romanum amarent, principemque orientalem placatum semper propitiumque haberent. Quod praeceptum quamdiu Athalaricus rex eiusque mater viverent, in omnibus custodientes pene per octo annos in pace regnarunt: quamvis Francis de regno puerili desperantibus, imo in contemptu habentibus; bellaque parare molientibus, quod pater et avus Gallias occupasset, eis concessit (64). Caetera in pacis tranquillitate possessa. Dum ergo ad spem iuventutis Athalaricus accederet, tam suam aduliscentiam, quam matris viduitatem Orientis principi commendavit : sed in brevi infelicissimus immatura morte praeventus, rebus humanis excessit. Tum mater, ne pro sexus sui fragilitate a Gothis sperneretur, secum deliberans, Theodatum consubrinum suum germanitatis gratia accersitum a Thuscis, ubi privata vita degens, in laribus propriis erat, in regno collocavit. Qui immemor, consanguinitatis, post aliquantum tempus a palatio Ravennate abstractam, in insulam laci Bulsinensis eam exilio religavit. Ubi paucissimos dies in tristitia degens, ab eius satellitibus in balneo strangulata est (65).

CHAPITRE LIX.

Mais parvenu à la vieillesse, et sentant qu'il allait bientôt quitter cette vie, il appela près de lui les comtes des Goths et les premiers de sa nation, et proclama roi le fils de sa fille Amalasuente, Athalaric, jeune enfant à peine âgé de dix ans, dont le père, Eutharic, avait cessé de vivre. Et comme s'il eût fait ses dispositions testamentaires, il leur recommanda entre autres choses de révérer leur roi, d'aimer le sénat et le peuple romain, afin de vivre toujours en paix avec l'empereur d'Orient, et de cultiver sa bienveillance. Le roi Athalaric et sa mère suivirent en tout ses préceptes tant qu'ils vécurent, et régnèrent paisiblement durant huit années presque entières. Et comme les Francs, loin d'être intimidés par la puissance d'un enfant, ne la regardaient qu'avec mépris, et s'apprêtaient à lui faire la guerre, celui-ci leur céda les conquêtes de son père et de son aïeul dans les Gaules, et posséda le reste de ses Etats dans une paix profonde. Quand Athalaric fut sorti de l'enfance, il mit son adolescence et le veuvage de sa mère, sous la protection de l'empereur d'Orient; mais bientôt après, surpris par une mort prématurée, l'infortuné passa de ce monde. Alors sa mère, craignant que la fragilité de son sexe ne la fit mépriser des Goths, prit le parti de faire venir son cousin Théodat de la Toscane, où il menait une vie privée, s'occupant de ses propres affaires, et, en considération de leur parenté, le plaça sur le trône. Mais lui, sans égard pour les liens du sang, l'arracha quelque temps après du palais de Ravenne, et la rélégua dans une île du lac Bulsinensis, où elle passa fort peu de jours dans la tristesse, et fut étranglée dans le bain par les satellites de Théodat.

LX. (66)

Quod dum Iustinianus imperator Orientalis audisset, et quasi susceptorum suorum mors ad suam iniuriam redundaret, sic est commotus. Eodem namque tempore de Africa Wandalis quum per fidelissimum suum patricium Belisarium reportasset triumphum, nec mora, in ipso tempore madentibus adhuc armis cruore Wandalico, contra Gothos per eundem ducem movit procinctum. Qui dux providentissimus haud secus arbitratus Getarum subigere populum, si prius nutricem eorum occupasset Siciliam; quod et factum est :Trinacriamque ingresso, mox Gothi qui Syracusanum oppidum insidebant, videntes se nihil praevalere, cum suo duce Sinderich (67) ultro se Belesario dediderunt. Quumque ergo Romanus ductor Siciliam pervasisset, Theodahadus comperiens, Evermor generum suum cum exercitu ad fretum, quod inter Campaniam Siciliamque interiacet, et de Tyrrheni maris sinu vastissimus Hadriaticus aestus evolvitur, custodiendum dirigit. Ubi cum Evermor accessisset, ad Rhegium oppidum, castra composuit. Nec mora, deterioratam causam cernens suorum, ad partes victoris cum paucis et fidelissimis famulis consciis movit (68), ultroque se Belisarii pedibus advolvens, Romani regni optat servire principibus. Quod Gothorum exercitus sentiens, suspectum Theodatum clamitat regno pellendum, et sibi ductorem suum Witigim, qui armiger eius fuerat, in regem levandum, quod et factum est. Et mox in campis Barbaricis (69 Witigis in regnum levatus Romam ingreditur, praemissisque Ravennam fidelissimis sibi viris, Theodati necem demandat. Qui venientes, imperata sibi perficiunt, et occisum Theodatum regem, qui a rege missus adveniebat, ut adhuc in campis Barbaricis erat, Witigim populis nuntiat. Inter haec Romanus exercitus emenso fireto, Campaniam accedens, subversaque Neapoli, Romam ingreditur; unde ante paucos dies rex Witigis egressus, Ravennam profectus, Mathasuentam filiam Amalasuentae, Theodorici quondam regis neptem, sibi in matrimonium sociarat. Quumque his novis nuptiis delectatus, aulam regiam fovet Ravennae, Roma egressus imperialis exercitus, munita utriusque Thusciae loca invadit. Quod cernens per nuntios Witigis, Cumunilam ducem Gothorum (70) manu armis conferta mittit Perusiam. Ubi dum magnum comitem cum parvo exercitu (71) residentem, obsessione longa evellere cupiunt; superveniente Romano exercitu, ipsi evulsi, et omnino extincti sunt. Quod audiens Witigis, ut leo furibundus, omnem Gothorum exercitum congregat, Ravennaque egressus, Romanas arces obsidione longa fatigat. Sed frustrata eius audacia, post quattuordecim menses ab obsidione Romanae urbis aufugit (72), et se ad Ariminensem oppressionem praeparat. Unde pari tenore frustratus fugatusque Ravennam se recepit: et obsessus, nec mora, ultro se ad partes dedit victoris, cum Mathasuenta iugali, regiisque opibus. Et sic famosum regnum, fortissimamque gentem, diuque regnantem, tandem deinde millesimo et trecentisimo anno (73) victor gentium diversarum Iustinianus imperator per fidelissimum consulem vicit Belesarium, et perductum Witigims Constantinopolim patricii honore donavit. Ubi plus biennio demoratus, imperatorisque in affectu coniunctus, rebus excessit humanis. Mathasuentam vero iugalem eius fratri suo Germano (74) patricio coniunxit imperator. De quibus postumus patris Germani natus est filius, item Germanus. In quo coniuncta Anitiorum genus cum Amala stirpe, spem adhuc utriusque generis, Domino praestante, promittit. Huc usque Getarum origo, ac Amalorum nobilitas, et virorum fortium facta, ac laudanda progenies laudabiliori principi cessit, et fortiori duci manus dedit : cuius fama nullis saeculis, nullis silebitur aetatibus. Sic victor ac triumphator Iustinianus imperator, et consul Belesarius, Wandalici, Africani, Geticique dicuntur. Haec qui legis, scito me veterum secutum scripta, ex eorum spatiosis pratis paucos flores collegisse, unde inquirenti pro captu ingenii mei coronam contexerem. Nec me quis in favorem gentis praedictae, quasi ex ipsa trahentem originem, aliqua addidisse credat, quam quae legi, aut comperi. Nec si tamen cuncta, quae de ipsis scribuntur, aut referuntur, complexus sum : nec tantum ad eorum laudem, quantum ad laudem eius, qui vicit, exponens. 

CHAPITRE LX.

Dès que Justinien, empereur d'Orient, apprit sa mort, il en fut vivement ému, regardant le meurtre de celle qu'il couvrait de sa protection comme une injure qui rejaillissait sur lui-même. Il venait alors de triompher des Wandales en Afrique, par son très fidèle patrice Bélisaire; les armes étaient encore teintes de leur sang, et sur-le-champ il commanda au même général de marcher contre les Goths. L'extrême prudence de Bélisaire lui fit juger qu'il ne pourrait soumettre cette nation, s'il n'occupait d'abord la Sicile, qui la nourrissait; c'est ce qu'il fit : et dès qu'il y fut entré, les Goths qui gardaient la ville de Syracuse, voyant qu'ils ne pouvaient avoir l'avantage, se livrèrent à lui d'eux-mêmes avec leur chef Sindéric. Quand Théodat apprit que le général romain avait envahi la Sicile, il envoya Evermor, son gendre, avec une armée pour garder le détroit qui sépare cette île de la Campanie, et par lequel la mer de Tyrrhène s'épanche à grands flots dans l'Adriatique. Evermor y étant arrivé établit son camp devant la ville de Rhégium; mais aussitôt, voyant les affaires des siens compromises, il passa du côté du vainqueur avec un petit nombre d'hommes à lui, d'une fidélité éprouvée et complices de sa défection ; et , s'étant jeté aux pieds de Bélisaire, il lui témoigna le désir de passer au service de l'empire. Aussitôt que son action fut connue dans l'armée des Goths, ils s'écrièrent que Théodat les trahissait; qu'il fallait le chasser du trône, et élever sur le bouclier Witigis, qui les commandait, et qui avait été son écuyer; ce qui fut aussitôt fait : et Witigis, élevé sur le bouclier dans les champs barbares, entre bientôt dans Rome, et se fait précéder à Ravenne d'hommes entièrement dévoués à sa personne, chargés par lui de tuer Théodat. Ceux-ci en arrivant exécutent ses ordres; et un messager du nouveau roi, pendant qu'il est encore dans les champs barbares, vient annoncer aux peuples la mort de Théodat et l'avénement de Witigis. Sur ces entrefaites l'armée romaine franchit le détroit, pénètre dans la Campanie, saccage Naples, et entre dans Rome. Le roi Witigis en était sorti peu de jours avant, et s'était dirigé sur Ravenne, où il avait pris pour épouse Mathasuente, fille d'Amalasuente, et petite-fille du roi Théodéric. Tandis qu'enfermé dans le palais royal de Ravenne, il savoure la joie de son récent mariage, l'armée impériale sort de Rome, et se rend maitresse des places fortes des deux Toscanes. Des messagers en informent Witigis, qui dirige sur Pérusia le duc des Goths Cumunilas, avec des forces considérables. Dans cette ville se trouvait avec peu de troupes un comte de grande distinction : les Goths, brûlant d'envie de l'en chasser, l'assiégeaient depuis longtemps, quand survint l'armée romaine, qui les mit en déroute eux mêmes, et n'en laissa pas échapper un seul. A cette nouvelle, Witigis, comme un lion en furie, rassemble toutes les forces des Goths, sort de Ravenne, et marche sur Rome, à laquelle il fait endurer les horreurs d'un long siége; mais son audace se trouve frustrée, et, après avoir assiégé cette ville quatorze mois, il se retire, se disposant à surprendre Ariminum. Trompé encore une fois dans son attente, et se voyant poursuivi , il se jette dans Ravenne; on l'y assiége, et aussitôt il se livre de lui-même au vainqueur avec Mathasuente son épouse, et le trésor royal. C'est ainsi que, l'an 1300 de Rome, l'empereur Justinien, vainqueur de diverses nations, soumit enfin, par le très fidèle consul Bélisaire, cette nation intrépide, dont l'empire fameux subsistait depuis si longtemps; et Witigis ayant été emmené à Constantinople, il l'éleva au rang de patrice. Ce fut dans cette ville que ce dernier mourut, après y avoir passé plus de deux ans, comblé de marques d'affection par l'empereur. Après sa mort, Justinien maria sa veuve Mathasuente au patrice Germanus, son frère. De ce mariage est né un fils venu au monde après la mort de son père, et nommé Germanus comme lui ; et cet enfant, en qui se trouvent unies la famille des Amales et celle des Anitiens, donne encore aujourd'hui l'espoir qu'avec la grâce du Seigneur ces deux familles ne s'éteindront point. Jusqu'ici l'antique race les Gètes et la noblesse des Amales, et les exploits des braves du temps passé et ceux de leurs louables rejetons, tout a cédé à un prince que rien n'égale, et, devant un général plus intrépide qu'eux, les Goths se sont avoués vaincus; mais dans tous les siècles, dans tous les âges, il sera parlé de leur gloire. On voit maintenant pourquoi le victorieux, le triomphateur empereur Justinien et le consul Bélisaire sont appelés Wandaliques, Africains et Gétiques. Toi qui me lis, apprends que j'ai pris pour guides les anciens écrivains, et que c'est dans leurs prairies spacieuses que j'ai cueilli ce peu de fleurs, pour en tresser, selon mon talent, une couronne à qui voudra s'instruire. Et qu'on n'aille pas croire, de ce que je suis originaire de la nation des Goths, que j'aie rien ajouté, en faveur de cette nation, à ce que m'ont appris les livres ou mes propres recherches. Que si d'autre part je n'ai pas compris dans mon ouvrage tout ce qu'on écrit ou rapporte d'elle, c'est que je ne l'ai pas tant composé en son honneur qu'en l'honneur de celui qui l'a vaincue.


CHAPITRE XLI.

(1) Exceptis XC millibus Gepidarum et Francorum. Quelques manuscrits portent le chiffre moins invraisemblable de XV M, lequel, ajouté aux cent soixante-deux mille hommes tués dans l'action principale, ferait monter à cent soixante-dix-sept mille hommes la perte des deux armées. La Chronique d'Idace porte à trois cent mille le nombre de ceux qui périrent à la bataille de Châlons : CCC ferme millia hominum in eo certamine cecidisse memorantur. Isidor., Chron. Gothor., dit également : Inter prius proelium et posterius CCC ferme hominum millia prostrata. Le P. Pagi, Crit. in annal. Baronii ad an. 451, propose de lire, dans Isidore, CC. ferme millia; mais ce savant ne s'est pas aperçu que dans cette partie de sa Chronique Isidore copie fréquemment Idace, et qu'il n'a fait probablement que le suivre ici, comme ses expressions le laissent même entrevoir. On a essayé de concilier Idace et Isidore avec Jornandès; mais bien inutilement, ce semble. Il faut s'en tenir au témoignage de ce dernier; car dans ces sortes d'évaluations, toujours exagérées, le nombre le moins élevé est toujours le plus vraisemblable.

CHAPITRE XLII.

(2) Ad oppressionem Romanorum movit procinctum. Saint Prosper d'Aquitaine, Chron., an. 452, dit qu'Attila entra en Italie par les Pannonies, per Pannonias, et accuse Aétius de n'avoir rien fait pour l'arrêter : Nihil duce nostro Aetio secundum prioris belli opera prospiciente; mais reste à savoir s'il en avait les moyens. Voy. Prosper Tyro, Chon., an. 452.

(3Aquileiensem obsedit civitatem, etc. Conférez ce récit du siége d'Aquilée avec celui de Procope, De bell. Vandal., I , 4. La conformité qu'on remarque ici entre Procope et Jornandès ferait présumer que le premier connaissait l'Histoire des Goths de Cassiodore, ou tout au moins qu'il avait puisé aux mêmes sources que Jornandès. Il y a pourtant dans le récit de Procope une circonstance qu'il faut savoir gré à Jornandès d'avoir omise, s'il la connaissait c'est que la partie du mur de la ville où les cigognes avaient fait leurs nids s'écroula d'elle-même, pour laisser entrer les Huns, dès qu'elles se furent envolées. Une erreur beaucoup plus grave de Procope est d'avoir supposé que la mort d'Aetius avait précédé le siége d'Aquilée, tandis que ce dernier ne fut tué que deux ans après, en 454.

(4) Ut Priscus refert historicus. C'est encore à Jornandès que nous sommes redevables de ce fragment de Priscus, dont le texte est perdu.

(5) In Acroventu Mamboleio. Il serait difficile de déterminer exactement la situation du lieu que Jornandès appelle Acroventus Mamboleius, mais il doit être placé entre Peschiera et Mantoue. L'entrevue du pape saint Léon et d'Attila est aussi rapportée par saint Prosper d'Aquitaine, Chron., et Cassiodore, Chron. Le premier nous a transmis quelques détails qui complètent le récit de Jornandès. Suivant Idace, Chron., Attila aurait été forcé d'accorder la paix aux Romains, par la famine, les maladies et quelques échecs que lui aurait fait éprouver Aétius à la tête de troupes envoyées au secours de l'Italie par l'empereur d'Orient Marcien.

CHAPITRE XLIII.

(6) Alanorum partem trans flumen Ligeris considentem statuit suae redigere ditioni, etc. Cette seconde expédition d'Attila dans les Gaules a été généralement regardée comme une fable. Cependant M. Michaud et M. de Chateaubriand l'ont admise, le premier dans son article Attila, Biograph. univers., t. II; le second dans ses Études historiques, quatrième discours, seconde partie. Il n'y a rien d'invraisemblable en effet dans le récit de Jornandès; et son témoignage est d'autant plus digne d'être pris en considération, qu'il s'accordait, à ce qu'il semble, avec celui d'un écrivain du cinquième ou du sixième siècle, qui s'est malheureusement perdu. Cet écrivain, que l'auteur de la Vie de saint Sévère d'Agde nous a fait connaitre, était un Goth appelé Rotherius, lequel avait composé une sorte d'histoire générale intitulée Liber regnorum diversarum gentium, où il racontait entre autres choses qu'Attila, roi des Huns ou des Avares, comme il l'appelait, avait ravagé presque toute la Gaule et s'était même avancé jusqu'à la Méditerranée, jusqu'à la ville d'Agde, qu'il avait détruite de fond en comble : Attila, Avarorum rex, profanus et nimium truculenlus, qui quasi omnes Gallias debellavit, sicut et innumerabiles urbes reliquas. Et hanc (Agatham) a fundamentis evertit, etc. Acta sanct. ord. Sanct. Benedict., § Vll, p. 564. Ce texte suppose une expédition dans le midi , différente de celle qui se termina par la bataille de Châlons, et dans laquelle Attila ne dépassa pas Orléans; et, quelque différence qu'il y ait entre la version de Rotherius ou de l'agiographe qui le cite et celle de Jornandès, comme cette différence ne porte que sur les circonstances du fait et non sur le fait en luimême, cette seconde expédition d'Attila dans les Gaules, attestée par deux écrivains, tous deux Goths, tous deux vivant dans un temps assez rapproché de celui d'Attila, acquiert par ce double témoignage un degré de probabilité qui, malgré le silence des autres monuments de l'histoire de cet âge, ne paraît pas permettre de la rejeter. Voy. Histoire litter. de la France, par les Bénédictins, t.IlI, p. 403; Fauriel, Hist. de la Gaule méridion., etc., t. I, p. 534-35.

(7) Tertio anno regni sui. Isidore, dans sa Chronique des WVisigoths, dit : Thurismodus regnavit annos Ill alibi unum; mais dans sa Chronique des Goths il ne lui donne qu'un an de règne, regnavit anno uno et son témoignage s'accorde sur ce point avec celui d'Idace et de saint Prosper d'Aquitaine, qui font mourir Thorismund l'an 453.

(8) Ab Ascalcruo cliente... peremptus est. Jornandès ne dit pas ici toute la vérité : Thorismund, selon Idace, Chron., et Isidore, Chron. Gothor., fut assassiné par Theuderic et Frédéric, deux de ses frères : Dum ageret insolentius, dit Isidore, et, suivant Idace, parce qu'il ne respirait que combats, spirans hostilia. Saint Prosper d'Aquitaine attribue également sa mort à cette dernière cause: Et cum rex ea moliretur quae et Romanae paci, et Gothicae adversaretur quieti, a germanis suis, quia noxiis dispositionibus irrevocabiliter instant, occisus est. Chron. an. 453.

CHAPITRE XLIV.

(9) Theodericus. Voyez le curieux portrait que nous en a laissé Sidoine Apollinaire, dans l'épître 2e du livre 1er du recueil de ses lettres.

(10 Riciarium Suevorum regem cognatum suum. Suivant Idace, Chron., an. 449, Riciaire avait épousé une fille de Théodoric 1er: Rechiarius, accepta in conjugium Theodoris regis filia, etc... Rechiarius ad Theodorem socerum profectus, etc. Voy. encore Isidore, Chron. Suevor.

(11) Austrogoniam. Les Autrigones, suivant Méla, Pline, Ptolémée, étaient un peuple de la Tarraconaise; ils occupaient la Biscaye et la Navarre. Leur nom prit plus tard une plus grande extension, et le géographe de Ravenne (IV, p. 233-34), qui divise toute l'Espagne en huit provinces, donne à l'une d'elles le nom d'Auslrigonia. Jornandès, comme dom Percheron l'avait déjà remarqué, semble ici étendre ce nom à toute la partie orientale de l'Espagne.

(12) A meridie Lusitaniam. Par Lusitanie il faut entendre ici la partie de la Lusitanie située au midi du Tage.

(13) Ventum est ad certamen juxta flumen Urbium. La bataille se donna, suivant Idace, sur les bords du fleuve Urbicus, que Jornandès appelle Urbius (la rivière d'Orvigo ), à douze milles d'Astorga, le 5 du mois d'octobre : Cui (Theoderico) cum multitudine Suevorum rex Rechiarius occurrens duodecimo de Asturicensi urbe milliario, ad fluvium nomine Urbicum, III nonas octobris die. Sexta feria, inito mox certamine superatur. Idat., Chon., an. 456. Voyez encore Isidore, Chron. Gothor.; mais en cet endroit sa chronique n'est qu'un extrait de celle d'ldace.

(14) Quorum rex Riciarius.... hostem fugiens, in navim conscendit, etc. La prise et la mort de Riciaire ou Rek hiaire sont un peu diversement racontées par Idace, Chron., an. 456.

(15) Qui in brevi animum ad praevaricationem.... comrnutans, etc. ldat., Chron., an 456 : Aiulfus deserens Gothos in Galloecia resedit.Id., ibid., an. 457: Aiulf us, dum regnurn Suevorum spirat, Portucale moritur mense junio. Id., ibid , an. 457. Voilà tout ce que dit Idace de la défection et de la mort d'Athiulfe; encore dans ce peu de mots diffère-t-il sensiblement de Jornandès. Toutefois M. Fauriel a cru devoir donner la préférence à la version de ce dernier, comme plus claire, plus précise, dit-il, et mieux liée à l'ensemble de l'événement. Hist. de la Gaul. mérid. etc., t. I, p. 253.

CHAPITRE XLV.

(16) Saeva suspicione pulsatus est. Ces soupçons étaient fondés, suivant Idace, Chron., an. 466 : Euricus pari scelere, quo frater, succedit in regnum. Isidore, Chron. Gothor., dit la même chose d'après Idace.

(17) Qui multitudinem Alanorum et regem eorurn Beurgum in primo statim certamine superatos, internecioni prostravit. Ricimer défit les Alains et leur roi, que Cassiodore appelle Beorgor, auprès de Bergame dans la Gaule Cisalpine, l'an 464, sous le consulat de Rusticus etd'Olybrius : His consulib. rex Alanorum Beorgor apud Bergomum a patricio Ricimere perempttus est. Cassiodor., Chronic. Pour les faits qui précèdent, voy. Procope, De bell. Vandal., I, 4, 5, 6, 7; Jornandès, De regnor. success., et les chroniques.

(18 Quorum rex Riothimus.... in Biturigas civitalem Oceano e navibus egressus, susceptus est. Comme il est fait mention de l'Océan et de vaisseaux dans ce passage de Jornandès, la plupart des historiens ont cru que ces Bretons étaient venus de l'île d'Albion, de la Grande-Bretague. Mais comment supposer que cette île, alors envahie par les Saxons, ait pu envoyer douze mille guerriers au secours de l'empire, dont elle ne dépendait plus depuis longtemps, et contre une invasion dont elle n'avait rien à redouter? Il est bien plus vraisemblable, ainsi que le croit M. Fauriel, Hist. de la Gaule méridion., t. 1, p. 302-3, que Jornandès a voulu désigner ici des Bretons du continent. Ceux-ci en effet, après avoir cessé d'obéir à l'empire comme sujets, s'étaient mis à le défendre comme alliés depuis l'invasion d'Attila dans la Gaule; et l'on trouve d'ailleurs parmi eux, à l'époque dont il s'agit ici, un chef armoricain nommé Riothame, auquel est adressée une lettre de Sidonve Apollinaire (III, 9), et qui ne paraît pas autre que le Riothime de Jornandès. Toutefois, la partie de la notice de ce dernier qui fait arriver les Bretons sur des vaisseaux à travers l'Océan, M. Fauriel la rejette comme fausse, par la raison que Riothime et ses hommes n'avaient, dit-il, que la Loire à passer pour occuper le Berri. Mais est-il certain que les tribus auxquelles appartenaient ces Bretons habitassent au bord de la Loire? Sidoine (1, 7 ) parle bien des Bretons super Ligerim sitos, stationnés sui la Loire, comme traduit fort bien M. Fauriel, Ib., p. 309; ce qui prouverait seulement qu'arrivés dans le Berri, dont la défense leur était confiée, Riothime et ses Bretons s'arrêtèrent sur la rive gauche de la Loire , attendant l'entrée des Visigoths dans cette province, pour marcher à leur rencontre, comme ils firent en effet. Ainsi entendu, le passage de Sidoine ne fait donc rien contre le témoignage de Jornandès. Et quant à la manière dont celui-ci fait arriver les Bretons dans le Berri, elle s'explique, ce semble, assez naturellement, si l'on suppose que ces Bretons appartenaient à des tribus de la partie de l'Arnmorique voisine de la Manche, et que, soit pour éviter de passer sur les terres de peuplades amies ou hostiles, indigènes ou étrangères (on sait qu'il y avait des Saxons dans les environs de Bayeux , des Alains sur la rive droite de la Loire) , soit pour tout autre motif qu'il est impossible de connaître, Riothime et les guerriers qui s'étaient rangés sous son drapeau s'embarquèrent sur l'Océan, suivirent les côtes île la Bretagne jusqu'à l'embouchure de la Loire, et de là remontèrent le fleuve jusque dans le Berri, où ils attendirent les Goths de l'année 468 à l'année 469, qu'ils furent rudement battus et mis en déroute par Euric. Voy. encore, sur ces Bretons, Grégoire de Tours, lib. II, cap. xvii.

(19) Aspar, primus patriciorum, et Gothorum genere clarus, cum Ardabure et Patriciolo filiis, illo quidem olim patricio, hoc autem Caesare generoque Leonis principis appellato, spadonum ensibus in palatio vulneratus interiit. Ce passage sur la mort d'Aspar et de ses fils est évidemment pris de la Chronique de Marcellin (ad an. 471), dont voici le texte : Aspar, primus Patriciorum, cum Ardabure et Patriciolo filiis , illo quidem olim Patricio, hoc autem Caesare generoque Leonis principis appellato, Arrianus cum Arriana prole, spadonum ensibus in palatio vulneratus interiit. Il n'y a d'autre différence, comme on voit, entre ce passage et celui de Jornandès, que l'addition, faite par ce dernier, des mots et Gothorum genere clarus après ceux-ci : primus patriciorum, et la suppression des mots Arrianus cum Arriana prole, qui pouvaient déplaire à Théodoric ou à ses successeurs ariens comme Aspar.

(20)  In Portu Romano. Cassiod., Var., VII, 9 : Duo quippe Tyberini alvei meatus ornatissimas civitates, tanquam duo lumina susceperunt : l'une de ces deux villes était Ostie; l'autre, celle que Jornandès appelle Portus Romanus. Cassiodore dans la même épltre, et l'anonyme de Valois, 36, lui donnent le nom de Portus urbis Romae, et Xiphilin, in Severo, celui de port d'Auguste. C'est le port de la ville d'Auguste de l'Itinéraire d'Antonin. Les ruines de cette ville conservent encore le nom de Porto, et son territoire forme toujours un évêché. 

(21) Arvernam occupat civitatern, ubi.... tunc.... praeerat Decius. Son vrai nom était Ecdicius; c'est ainsi que l'appelle Sidoine Apollinaire, son beau-frère. Les Goths avaient plusieurs fois assiégé Clermont sans pouvoir s'en rendre maîtres; mais, pendant qu'Ecdicius et les Arvernes versaient leur sang pour conserver leur province à l'empire, l'empire, par un traité honteux, la livrait à Euric, qui en prit possession en 475. Comparez Jornandès avec Sidoine Apollinaire, Epit., passim.

CHAPITRE XLVI.

(22) Quod septingenlesinao nono urbis conditae anno Octavianus Augustus tenere coepit. L'an 709 de la fondation de Rome répondait à l'an 44 avant Jésus-Christ, époque de la mort de Jules César. On voit que Jornandès fait remonter à cette mort le règne d'Auguste , qui ne prit cependant le titre d'empereur qu'après la bataille d'Actium, l'an 726 de Rome, 27 ans av. Jésus-Christ.

(23) Anno decessorum... regni quingentesimo vigesimo secundo. En rapprochant cette date de la précédente, on trouve que Jornandès retarde la chute de l'empire d'Occident jusqu'en 479, tandis que tous les auteurs, et Cassiodore lui-même (in Chronic. ), la placent dans l'année 476. Cependant il ne peut y avoir erreur dans le texte de Jornandès, car dans son De regnor. success. il donne absolument les mêmes dates. Gibbon (Hist. de la décad., etc., chap. xxxvi, en note) n'ose pas décider la question. Il est certain toutefois que Jornandès infirme lui-même son témoignage, parce qu'il dit un peu plus bas, même chapitre, qu'Odoacre régna près de quatorze ans, jusqu'à l'apparition de Théodoric, usque ad Theoderici praesentiam. Or, comme Théodoric entra incontestablement en Italie sous le consulat de Probinus et d'Eusebius, l'an 489, il est évident qu'il faut s'en tenir à la date de 476; car si on compte, en remontant depuis l'an 489, les treize années accomplies que Jornandès lui-même donne au règne d'Odoacre, on tombe à l'année 476, et non à l'année 479, qui ne laisserait entre elle et l'année de l'arrivée de Théodoric en Italie que dix ans accomplis.

CHAPITRE XLVII.

(24) Arelatum et Massiliam proprios subdidit ditioni. Euric prit Arles et Marseille vers l'an 480, après avoir soumis la Tarraconaise, dont la conquête l'avait rendu maître de toute l'Espagne, comme le dit plus bas Jornandès : Terraconensis etiam nobilitalem, quæ ei repugnaverat, exercitus irruptione peremit. In Gallias autem regressus Arelatum et Massiliam urbes capit, suoque regno utramque subjecit. Isidor., Chronic. Gothor.

(25Arelatoque degens...,vita privalus est. Suivant Isidore, Euric mourut de mort naturelle : Obilt Arelato Euricus, morte propria functus. Chronic. Gothor.

(26) Huic successit proprius filius Alaricus, etc. Jornandès se borne à nommer Alaric, sans raconter son règne, trop peu glorieux pour la nation des Goths. On sait que ce prince fut vaincu et périt de la main de Clovis à Vouillé, l'an 507. Quelques mots d'Isidore sur l'éducation et le caractère d'Alaric expliquent sa chute : Qui cum e pueritia vitam in otio et convivio peregisset, tandem, provocatus a Francis, in regione Pictavensis urbis, prœlio irrita, extinguiltr, eoque interfecto regnun Tolosanum occupantibus Francis destruitur. Chron Gothor.

CHAPITRE XLVIII.

(27) Ex consobrino ejus genitus Vuandalario. Wandalar parait être le même que le Winithar de ce chap. XLVIII et du chap. XIV. Voy. plus haut la table généalogique du la famille des Amales. Pour les détails contenus dans ce chap. XLVIII Jornandès est la seule autorité que nous ayons

CHAPITRE XLIX.

(28Sanguis, qui et solite de naribus effluebat.... faucibus illapsus, eum extinxit. Cassiodore, Chron., an. 453, dit qui Attila mourut d'un saignement de nez. Attila in sedibus suis moritur, fluxu sanguines e naribus subito erumpente. Il y a, sinon dans le style, du moins dans la disposition de ce curieux récit de la mort et des funérailles d'Attila, un art dont Jornandès était incapable, et qui oblige à penser qu'il n'a fait que copier ici Cassiodore, lequel s'était sans doute borné lui-même à extraire età traduire la partie de l'histoire de Priscus de Panium que nous n'avons plus, et où ce dernier avait raconté la mort du roi des Huns. Voy. encore la Chron. de Marcell. ; la Chronographie de Théophanes, an. 446; le Chronicon Paschal., t. I, p. 588, etc.

CHAPITRE L.

(29) Inter successores Attilae de regno orta contentio est, etc. Ce chapitre est très curieux : Jornandès y raconte avec assez de détails ce que les chroniques ne font qu'indiquer en quelques mots. On lit dans saint Prosper d'Aquitaine, Chron., an. 453 : Attila in sedibus suis mortuo, magna primum inter filiios ipsius certamina de obtinendo regno exorta sunt : deinde aliquot gentium quae Chunis parebant, defectus secuti, causas et occasiones bellis dederunt, quibus ferocissimi populi mutuis incursibus contererentur. Ce passage se etrouve textuellement dans la Chronique de Prosper Tyro, ad an. 453.

(30) Gepidum in vulnere suorum cuncta tela frangentem. Ce texte forme un sens absurde, à moins de supposer, contre le témoignage de Jornandès, et contre toute apparence , qu'une partie des Gépides ou des Ostrogoths leurs parents n'avait point abandonné les Huns, et combattait dans leurs rangs. Au lieu de suorum, je proposerais de lire Suevorum : Jornandès nomme expressément les Suèves après les Gépides; et, bien qu'il ne dise point de quel côté ils s'étaient rangés, les sanglants démêlés qu'ils avaient eus anciennement avec les Ostrogoths, et qui se renouvelèrent après la destruction de l'empire d'Attila, autoriseraient à supposer qu'ils étaient restés fidèles aux Huns. Tout ce passage, où Jornandès nous donne les différentes manières de s'armer des nations barbares qu'il y cite, a été remarqué par Gibbon, Hist. de la décad., etc., chap. xxxv, et avant lui par notre Montesquieu, qui s'en est servi dans son admirable petit livre De la grand. et décad. des Romains, chap. xx , pour expliquer les causes auxquelles Justinien dut les conquêtes qui signalèrent son règne.

(31) Filius Attilae major natu, nomine Ellac. Ellac est sans doute ce fils aîné d'Attila dont parle Priscus sans le nommer. Il avait subjugué, suivant cet auteur, Excerpt. legat., p. 181-2, 197, Bonnat, 1829, la nation scythique des Acatzires, dont son père l'avait ensuite fait roi. Sa mère, Creca, parait avoir joui d'une grande faveur auprès d'Attila. On peut voir dans Priscus, p. 197, la description du palais de cette espèce de sultane favorite , et de la vie qu'elle y menait.

(32) Nam Gepitae... totius Daciae fines velut victores potiti. Pour les limites de l'empire des Gépides dans la Dacie, voy. le chap. v de l'Histoire des Goths, et la cinquième note du même chapitre.

(33Castrum Martenam. Il est probable, comme le croyait déjà Lazius, que Marburg sur la Drave est le Castrum Martens de Jornandès. Cette forteresse aurait alors été située dans une des deux Noriques, provinces qui faisaient partie, comme on sait, de l'Illyrie. Voy. la Notitia; Sext. Rut., Breviar., cap. viii; Jornand., De regn. success.

(34) Rugi vero aliaeque nationes... Biozimetas, Scandiopolim. Il n'est parlé nulle autre part de Scandiopolis, non plus que de Biozimetas, nom qui paraît être à l'accusatif, et désigner un lieu et non pas un peuple, comme on l'a cr u. Quoiqu'il en soit, les Ruges doivent être placés au delà du Danube, vis-à-vis le Norique; car c'est là qu'était situé le Rugiland ou pays des Ruges , pays que ces derniers abandonnèrent pour suivre Théodoric en Italie. Voy. Vita sancti Severini; Paul Diac., lib. I, cap. 1, 19; Procop., De bell. Gothic , Il, 14; III, 2.

(35Se in Romaniam dederunt. Equibus nunc usque Sacromontisii et Fosatisii dicuntur. Peut-être en Thrace, dont faisait alors partie la seconde Moesie, et où Procope place une forteresse nommée Fossatu m, Φοσσάτον, au bord du Danube; et une autre du nom de Gesilae Fossatum, Γεσιλαφοσσατόν, dans le Rhodope. De aedific.,IV, ii.

CHAPITRE LI.

(36) Cum suo pontifice ipsoque primate Vulfila. Gibbon (Hist. de la décad. , etc., chap. xxxvii en note) avait déjà soupçonné que la double qualification de pontifex et de primas indiquait qu'Ulphilas était à la fois le chef religieux et le chef politique de la peuplade dont il est question dans ce chapitre. Deux autres passages de Jornandès, auxquels Gibbon ne paraît pas avoir pris garde, fixent le sens de primas, et rendent cette conjecture à peu près certaine. Le premier se trouve au chap. xxvi : Coepere autem primates eorum et duces, qui regum vice illis praeerant, etc.; le second , au chap. LIV : Scyrorum re liquias accersentes, cum Edica et Vulfo eorum primatibus, etc. - On remarquera que Jornandès ne parle point de la traduction en langue gothique des saintes Écritures, par Ulphilas : ce silence s'explique quand on se rappelle qu'Ulphilas avait embrassé l'arianisme, et l'avait répandu parmi les Goths.

 CHAPITRE LII.

(37) Scarniungam et Aquam Nigram fluvios.... lacum Pelsodis. On ignore quelles rivières de la Pannonie Jornandès a voulu désigner par les noms de Scarniunga et d'Aqua Nigra. Quant au lac Pelsodis, c'est le lac Pelsois du géographe de Ravenne, lib. IV, cap. xix, le Pelso ou Pelson d'Aurélius Victor , De Caesar., cap. XL, et le Pelso de Pline, Natur. Hist., lib. ill, cap. xxvii. Aujourd'hui le lac Balaton , en Hongrie.

(38) Ipso siquidem die Theodericus ejus filius quamvis de Erelieva concubina natus erat. Voy. chap. xiv, et le De regnor. success. Jornandès est, je crois, le seul qui donne Théodemir pour père à Théodoric. Toutefois, son témoignage sur ce point doit être préféré à celui de Malthus, Excerpt. legat.; deThéophanes,Chronograph., an. m. 5976, et même de l'Anonyme de Valois, selon lesquels Théodoric aurait été fils de Walemir, que le premier de ces auteurs appelle Balamer, Βαλαμήρος, le second Valamer, Ὑαλάμερος, et le dernier Walamir : Cujus (Theode rici) pater Walamir dictus r ex Gothorum, naturalis tamen ejus fuit : mater Ereriliva dicta Gothica, catholica quidem erat, quæ in baptismo Eusebia dicta. Anonym. Vales., 57.

(39) Et Illyricum pene totum discurrentes in praedam devastant. On voit, par l'âge que Jornandès donne plus bas à Théodoric, que cette invasion dut avoir lieu vers 462 ou 463.

CHAPITRE LIII.

(40) Satagas. Les Satagae ne figurent point parmi les nations que Pline, Natur. Hist., lib. III, cap. xxviii, et après lui, Ptolémée, Géograph., lib. II, chap. xiii, xiv, placent dans la Pannonie. Peut-être leur nom n'est-il qu'une forme différente de celui de Satagarii, peuplade qui, suivant Jornandès, cap. L, s'établit dans la Moesie, après la défaite des enfants d'Attila, et qui paraît avoir appartenu à la nation des Alains.

(41) Quod ubi Dinzio , Alias Attilae cognovisset, etc. Ce fils d'Attila que Jornandès nomme Dinzio est le même, selon toute apparence, que Priscus appelle Dengisich (Δεγγιζίχ), Excerpt. legat. Quant aux peuplades dont Jornandès le fait chef, Ulzingures, Angiscires, Bittugores, Bardores, on n'en connaît que le nom. Les Bittugores cependant pourraient être les Bittores, nation humique, Οὐννικὸν δὲ τὸ ἔθνος οἱ Βίττορες, dont fait mention Aga thias, Hist., lib. II, cap. XIII. La ville de Bassiana, devant laquelle se portèrent ces peuplades, est celle dont le nom se trouve dans Ptolémée, Géograph., lib. II, chap. xiv, dans l'itinéraire d'Antonin , l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, la carte de Peutinger, la Notitia et le géographe de Ravenne, lib. IV , cap. xix, etc. Elle était située dans la partie de la Pannonie inférieure voisine de la Moesie.

(42) Quia Dalmatiis Suevia vicina erat. Pour la situation et les limites de la Suévie , voy. plus bas chap. LV. Les détails contenus dans ce chap. LIII et dans les deux suivants sur les démêlés des Ostrogoths, pendant leur séjour en Pannonie, avec les Huns, les Suèves, les Scyres, les Alemannes, etc., sont d'autant plus précieux qu'ils ne se trouvent dans aucun autre auteur. Ce fut sans doute à l'occasion de ces guerres que les Scyres et les Goths envoyèrent à l'empereur Léon, vers 467, ces ambassades dont parle Priscus (Excerpt. legat., p. 160, édit. Bonnæ, 1829), chargées de demander des secours, qui ne furent accordés qu'aux Scyres.

CHAPITRE LIV.

(43 Gothi tunc Vualemire defuncto ad fratrem ejus Theodemir confugerunt. On lit dans le De regnor. successione de Jornandès : Vualamero rege Gothorum in Bello Scirorum defuncto, Theodemir in regno fratris successit cum Vuidimero et filoio Theoderico.

 CHAPITRE LV.

(44) Nam regio illa Suevorum ab oriente Baiobaros habet, etc. Procope indique aussi, mais avec bien moins de précision que Jornandès , la position de la Suévie. Voy. De bell. Gothic., lib. I, cap. xii-xvi.

(45) Quibus Suevis tunc juncti Alemanni jam aderant. Suivant Asinius Quadratus, cité par Agathias, les Alemaun nes n'étaient pas une nation, mais un mélange, une ligue d'hommes de diverses nations, comme l'indique l'étymologie de leur nom, all, tout, mann, homme : Alemanni autem, si Asinio Quadrato homini Italo, quique res Germanias accurate conscripsit, credimus, convenae sunt et colluvies; quod et appellatio ipsa satis indicat. Agath., Hist., lib. I, cap. vi. Les Suèves faisaient probablement partie de la confédération des Alemannes, et c'est peut-être pour cela que le géographe de Ravenne, lib. IV, cap. xxvi, ne distingue point leur pays de celui de ces derniers : propinqua ipsius Turingiae ascribitur patria Suavorum, quae et Alamannorum patria... Toutefois, le même géographe donne, d'après Athauarid, écrivain goth que nops n'avons plus, une étendue beaucoup trop considérable à l'Alemannie, au moins du côté de l'ouest.

(46) Qui Theodericus... octavum decimum peragens annum. Théodoric étant né l'an 455, l'âge que Jornandès lui donne ici détermine la date des événements contenus dans ce chapitre : ils doivent être placés dans l'année 473, la dernière de l'empereur Léon, lequel mourut au mois de janvier de la suivante.

CHAPITRE LVI.

(47Naissurn primam urbem invadit Illyrici. Naïssus était située vers la ligne de séparation de la Moesie supérieure et de la Moesie inférieure. Jornandès l'appelle la première ville de l'Illyrie, parce que la Moesie supérieure, où elle se trouvait, était une des dix-huit provinces dont se composait l'lllyrie. Voy. la Notitia; Sext. Ruf., Hist. Rom.; Jornand., De regn. success.

(48)  ln villam comites per castrum Herculis transmittit Ulpianam. Villa Ulpiana est probablement Ulpiana dans la Dardanie. C'était, selon Procope, une antique cité, dont les remparts au temps de Justinien croulaient et la laissaient sans défense. Cet empereur les fit démolir en grande partie, et les releva. II fit en outre de nombreux embellissements à la ville, et lui donna le nom de Jusitniana secunda. Procop., De aedific.,I ib. IV, cap. 1. La forteresse d'Hercule parait désignée par les mots ad Herculem dans la carte de Peutinger. Elle aurait été située à l'ouest et à peu de distance de Naïssus.

(49) Heracliam et Larissam, civitates Thessaliae. La Thessalie était encore une des dix-huit provinces de l'Illyrie. Voy. Jornandès, De regn. success.; Sext. Ruf., Hist. Rom., et la Notitia.

(50)  Theodemir vero... egrediens Naisitanam urbem.... Thessalonicam petiit, etc. Cette expédition,qui doit être placée dans l'année 473, la dernière de l'empereur Léon, est à peine indiquée dans les extraits de Malchus, Excerpt. hist., II, p. 234-35, édit. Bonnae, 1829. Parmi les villes qui eurent alors à souffrir de l'irruption des Goths, ce dernier n'en nomme que deux, Philippes et Archadiopolis en Thrace; mais ce ne furent pas les seules, et l'on peut y ajouter celles dont Jornandès donne ici les noms; car c'est, selon toute apparence, aux villes dévastées pendant cette expédition que font allusion plus tard chez le même Malchus les ambassadeurs des Goths Triariens, quand ils engagent Zénon à se rappeler combien de villes Théodoric, fils de Valamir (de Théodemir), avait détruites : Quot urbes Theudericus Balamerii filius... evertisset. Relativement à Thessalonique, si Jornandès n'a pas confondu les dates, cette ville aurait été deux fois attaquée dans l'espace de cinq ou six années : d'abord par Théodemir en 473, comme le dit Jornandês; et ensuite vers 479 par Théodoric, ainsi que le rapporte Malchus, Excerpt. hist., p. 245.

(51 Ceropellas, Europam, Medianam, Petinam, Bereum, et alia quae Sium, vocantur. On trouve dans le géographe de Ravenne, lib. III, cap. ix : Item non longe ad suprascriptam Thessalonicam sunt civitates, id est Ceras, Europa, Mediana, Pelina, Bereum, Quesium (corrig. et alia quae Sium, etc. ). Dans ce passage, évidemment emprunté de Jornandès, Ceropellas est remplacé par Ceras, ce qui donnerait à penser qu'il y a une faute dans le texte de ce dernier. Peut-être Jornandès avait-il écrit Ceropolim , dont le géographe de Ravenne aura fait disparaître la dernière moitié; mais il est plus probable que l'historien des Goths avait écrit Ceras, Pella (Pellam), et que de ces deux noms quelque copiste ignorant n'en aura fait qu'un seul. Quoi qu'il eu soit, Ceras ou Cerae; Europa, probablement Europus dans l'Emathie; Bereum ou Beraea; Petina, que Jornandès avait peut-être écrit Pelina pour Pellina, ville citée par Tite-Live, lib. XXXI, cap. xxxix; et Sium, qui pourrait bien n'être que l'altération de Dium, Dium colonia chez Ptolémée, Géograph., lib. III, cap. xii, Colonia Diensis chez Pline, Nat. Hist., liv. IV, chap. xvii ; toutes ces villes enfin, dont Jornandès nous a transmis ici les noms obscurs, étaient situées dans la Macédoine, à l'exception de Mediana, qui se trouvait dans la Moesie, si toutefois celte ville est la même qu'Ammien Marcellin, lib. XXVI, cap. v, place à trois milles, tertio lapide, de Naïssus, et que paraît désigner Procope, De aedific., lib. IV, cap. iv.

  CHAPITRE LVII.

(52Theodericum.... ad se in urbem venire praecepit, dignoque suscipiens, honore, etc. Pour les honneurs décernés à Théodoric, voy. Malchus, Excerpt. ex histor.; Cassiodor., Chron., an. 484; Procop., De bell. Gothic., lib. I cap. 1; lib. II, cap. vi; Anonym. Vales., 49; Théophan., Chronograph., t.1, p. 203, édit. 1839. Aucun de ces auteurs ne parle ni de la statue, ni du triomphe, ni de l'adoption de Théodoric comme fils d'armes par Zénon. On trouve de nombreux exemples de ce genre d'adoption, et Théodoric lui-même adopta pour fils d'armes le roi des Hérules. On voit, par la lettre qu'il lui écrivit à ce sujet, quels liens s'établissaient entre l'adoptant et l'adopté, et les présents que recevait ce dernier : Per arma fieri posse filium, grande inter gentes constat esse praeconium... et ideo more gentium et conditione virili, filium te praesenti munere procreamus... damus quidem tibi equos, enses, clypeos, et reliqua instrumenta bellorum. Cassiodor., Var., lib. IV, epist. ii.

(53Omnem gentem Gothorum assumens, Hesperiam tendit. Suivant l'Historia miscella, Théodoric partit de la Moesie, de la ville de Nova ou Novas (dans la basse Moesie), suivant l'Anonyme de Valois, 49. La marche des Goths, leurs combats contre les Gépides, qui voulaient leur barrer le passage, se trouvent dans le panégyrique d'Ennodius. Voy. encore Procop., De bell. Gothic., lib. I,chap. 1.

(54). Pontem Sontium. Ce pont était sur la rivière de ce nom (l'Isonzo): Cui occurrit venienti Odoachar ad fluvium Sontium, etc. Anonym. Vales., cap. XLIX; Cassiod., Chron., an 489. Pour tout ce qui suit jusqu'à la mort d'Odoacre, il faut comparer Jornandes avec Ennodius, Panegyr. Theodor.; Cassiod., Chron.; l'Anonyme de Valois, 49-54; Procop., De bell. Goth. , lib. I, cap.1; l'Historia miscella, etc.

CHAPITRE LVIII.

(55) Missa legatione ad Lodoin... liliam ejus Audefledam in matrimonio petit. Audeflède n'était peut-être pas fille, mais soeur de Lodoïn (Clovis), dont le nom se trouve écrit àpeu près de la même manière (Luduïn) à la tête de deux lettres que Théodoric lui adressa, l'une après la bataille de Tolbiac (Cassiod., Var., lib. II, epist. XLI) , l'autre avant la bataille de Vouillé (Id., Var., lib. III, epist. IV).

(56Naturales ex concubina... filias habuit, unam nomine Theudicodo, et alia et Ostrogotho. L'Anonyme de Valois diffère un peu de demandés : Uxorem habuit (Theodericus) ante regnum, de qua susceperat filias : unam dedit nomine Arevagni Alarico regi Wesegotharum in Galba; et aliam filiam suam Theodegothtam Sigismondo fiifo Gundebai regis. Anonym. Vales., 63. Voy. encore Procop., De bell. Gothic., lib. I, cap. xii.
Eique Amalasuentham filiam suam in matriinonio jungit. Le mariage d'Eularic Cillica et d'Amalasonthe eut lieu l'an 515, sous le consulat de Florentinus et d'Anthemius : His coss. D. N. rex Theodericus filiam suam domnam Amalasuintam gloriosi viri D. N. Eutharici matrimonio, Deo auspice, copulavit. Cassiodor., Chron., an 515.

(57) Amalafredam germanam suam... confugem dirigit Trasemundo. Voy. l'éloge que Théodoric fait de sa soeur dans une lettre au roi des Vandales, son beau-frère. Cassiodor, Var., lib. V, epist. XLIII. On trouve quelques culieux détails sur le mariage d'Amalafrède avec Trasamund dans Procope, De bell. Vandal., lib. 1, cap. viii.

(58)
Neptem suam Amalabergam Thuringorum regi consociat Hermenfredo. Théodoric lui-même écrit à Hermanfred, en lui envoyant sa nièce Amalaberge : Mittimus ad vos ornatum aulicae domus, augmenta generis, solalia fidelis consilii, dulcedinem suavissimam conjugalent.... habebit felix Thoringia, quod nutrivit Italia liltteris doctam, moribus eruditam, decoram non solum genere, quantum et feminea dignitate. Cassiodor., Var., lib. IV, epist. 1; voy. encore Procope, De bell.Gothic , lib. 1 , cap. xii.

(59)
Petzantin.... ad oblinendam Sirmiensem dirigit civitalem. On trouve des détails sur cette expédition de Petza dans le Panégyrique de Théodoric par Ennodius. La ville de Sirmium était tombée au pouvoir des Gépides, qui de là infestaient le pays d'alentour, tout en protestant sans cesse de leur soumission à Théodoric. Celui-ci envoya contre eux et leur roi Traseric, ou Transaric, Petza à la tête de jeunes guerriers qui n'avaient jamais fait la guerre, pubem nullis adhuc dedicatam proeliis. Traseric prit la fuite sans les attendre, et Petza se rendit mattre de Sirmium et d'une partie de la Pannonie. Nec rapinis ut lucrativa populatus est, ajoute Ennodius, sed dispensationibus servavit ut propria. Ennod., Panegyr. Theoder.

(60Indeque contra Sabinianum... qui tunc cum Mundone paraverat conflictum. Sabinianus, préfet d'Illyrie, et probablement le même qui fut consul l'année suivante (505), marcha contre Mundo à la tête d'un corps de Bulgares qui jusque alors, dit Ennodius, n'avaient jamais su ce que c'était que fuir. Petza les battit pourtant, et versa est in fugarn natio punita gravius quod evasit. Quant à Sabinianus, à peine le panégyriste daigne-il s'en souvenir: Quid.... revolvam.... Sabiniani ducis abitionem turpissimam. Ennod., Panegyr. Cassiodore a noté la défaite des Bulgares dans sa Chronique, an. 504.

(61) Non minus trophaeum de Francis per Hibbam suum comitem, etc. Ennodius ne parle point de l'expédition d'lbbas dans les Gaules, parce qu'elle n'avait pas encore eu lieu lorsqu'il prononça son Panégyrique. On lit dans la Chronique de Cassiodore, an 508 :.... Contra Francos a D. N. destinatur exercitus, qui Gallias Francorum depraedatione confusas, victis hostibus ac fugatis suo adquisivit imperio. Les Francs furent battus sous les murs d'Arles, qu'ils assiégeaient; mais il est très douteux qu'ils aient perdu plus de trente mille hommes, comme l'assure Jornandès.

(62). Cui succedens Hactenusagil, etc. Le nom d'Agila, qu'Isidore donne au successeur de Théodigisglossa ou Theudisclus, ne laisse aucun doute qu'il n'y ait ici une faute , et qu'il ne faille lire : cui succedens hactenus Agil, etc. Du reste, dans le peu de mots que Jornandès consacre avant et après ce passage au roi des Visigoths en Espagne, il n'est pas toujours intelligible, même à l'aide de la Chronique des Goths d'Isidore. Voy. encore Procope, De bell. Gothic., lib. 1, cap. xii, xiii.

CHAPITRE LIX.

(63).Athalaricum infantulum vix decennem ... regem constituit. Procope, De bell. Gothic.,lib. I, cap.1, et Jornandés lui-même, De regnor. success., ne lui donnent que huit ans. L'Anonyme de Valois, 98, confirme ce que dit ici Jornandès, qu'avant de mourir Théodoric proclama roi son petit-fils : Ergo antequam exhalaret, nepotem suum Athalaricum in regnum constituit. Et Athalaric lui-même, rappelant les circonstances de son élection dans plusieurs lettres qu'il écrivit dès son avénement au trône, notamment dans une adressée aux Goths, dit : Nos heredes regni sui, Deo sibi imperante, substituit cujus ordinationi adhuc eo superstite, in regia civitate, ita sacramenti interpositione cunctorum vota sociata sunt, ut unum crederes promittere, quod generalitas videbatur optare. Cassiod., Var. lib. VIII, epist. v.

(64) Francis.... quod pater et avus Gallias occupasset, eis concessit. Les Ostrogoths possédaient, outre la Provence, diverses parties de l'Aquitaine, le Rouergue, le Gévaudan, le Velay. Ce furent ces provinces qu'Athalaric abandonna aux Francs, de gré ou de force. Quant à la Provence, il paraît qu'il la conserva; car on voit dans Procope (De bell. Gothic., lib. I, cap. iii; lib. III, cap. xxxiii) que Théodat en était encore le maître, puisqu'il allait la céder aux Francs quand il mourut, et qu'après lui Vitigis, son successeur, la leur livra, pour les empêcher de s'unir contre les Goths à Bélisaire. Voy. Naudet, Hist. de la monarch. des Goths, etc., note 51; Fauriel, Hist. de la Gaule méridion., etc., t. II, p. 132.
Theodatum. Sur Théodat, lettré et philosophe, mais lâche, et tellement avare que, maître de la plus grande partie de la Toscane, il travaillait à dépouiller les possesseurs du reste, regardant, dit Procope (De bell. Gothic., lib. I, cap. iii ), comme une espèce de calamité d'avoir des voisins. Voy. Procop., loc. cit., et Cassiod., Var., lib. X.

(65) Ab ejus satellitibus in balneo est strangulata. Jornandés dit encore, dans son De regnor. success.: Mortuoque Athalarico, mater sua Theodahatum consobrinum suum regni sui participem faciens, non post multum ipso jubente occisa est. Amalasonthe allait se retirer à Constantinople; l'impératrice Théodora, selon Procope (Hist. arcan., 16), craignit une rivale, et donna le signal de sa mort. Le rhéteur Pierre de Thessalonique, dit-il, fut chargé de tramer et de hâter sa perte. Il partit pour l'Italie avec ce sinistre message, et dès son arrivée il poussa Théodat au meurtre de la reine des Goths. Procope n'est pas ici d'accord avec lui-même, car il avait dit auparavant, dans son Histoire de la guerre gothique (lib. I, cap. 4), que Pierre ayant rencontré en route les envoyés d'Amalasonthe chargés d'annoncer à Justinien l'avénement de Théodat, s'était arrêté à Aulone pour demander de nouvelles instructions, et que lorsqu'il était arrivé en Italie, Amalasonthe avait cessé de vivre : il n'avait donc pu contribuer à sa mort. Ces contradictions ôtent toute valeur au témoignage de Procope; il a beau dire pour se détendre que dans son premier récit la crainte de Théodora lui a fait altérer les faits; si la crainte l'a empêché de dire la vérité dans son histoire publique, la haine a bien pu la lui faire trahir dans son Histoire secrète. Reste un passage des Variarum de Cassiodore (lib. X, epist. xx), où l'on a cru voir la complicité de Théodora et de Théodat : le voici, c'est Gudéline, épouse de ce dernier, qui écrit à l'impératrice: Nam de ilia persona de qua ad nos aliquid verbo titillante perveni1, hoc ordinatum esse cognoscite, quod vestris credimus animis convenire. Alemanni, dans une de ses savantes notes sur l'Histoire secrète de Procope, fait précéder cette citation de ces mots : De hac caede audire pene mihi videor submussitantem cum Theodora Theodatum. Il ajoute cependant: De quo tarnen nihil statuo. Il est sûr en effet que ce passage, sur lequel Alemanni n'ose se prononcer, présente un sens trop incertain, surtout si l'on récuse le témoignage de Procope, pour asseoir une accusation contre Théodora; il n'est pas impossible assurément que par illa persona Gudéline ait voulu désigner Amalasonthe; mais il est très possible aussi que ces mots fassent allusion à toute autre personne qu'elle, et à tout autre événement qu'à sa mort.

 CHAPITRE LX.

(66) Athalaric, dans une lettre qu'il adresse au sénat de Rome pour lui annoncer qu'il vient de nommer Cassiodore préfet du prétoire, fait un grand éloge de l'Histoire des Goths de ce dernier (Cassiod., Var., lib. IX, epist. xxv) : ainsi cette histoire avait paru avant la mort d'Athalaric, et par conséquent ce chapitre de Jornandès et une partie du chapitre précédent, celle où sont racontés la mort d'Athalaric et les faits postérieurs à cette mort, ne peuvent avoir été extraits de l'histoire de Cassiodore. A quelque source que Jornandès ait puisé, comme nous sommes en possession de l'histoire détaillée de la conquête de l'Italie de Procope, le récit écourté que renferme ce dernier chapitre de l'Histoire des Goths ne peut être de grande utilité.

(67) Cum suo duce Sinderich. Il paraît, par un passage du De regnor. success., que Sinderich était gouverneur de la Sicile : Qui (Belisarius) primo accessu mox Siciliam pervadit, duce ejus Sinderich superato. Procope ne le nomme point.

(68 Evermor... ad partes victoris... movit. Procope dit qu'aussitôt après sa soumission Évermor, qu'il appelle Ébrimuth (Ἐρβιμούθ), partit pour Constantinople, où l'empereur, entre autres dignités, lui conféra celle de patrice : Statim ad imperatorem profectus, paeter honores alios, patricii dignitatem obtinuit. Procop., De bell. Gothic., llb. 1, cap. vii.

(69 In campis Barbaricis. Le lieu que Jornandès appelle les champs Barbares, campi Barbarici, est le même, selon toute apparence, que la plaine de Regela, où Procope dit que Witigis fut proclamé roi. Cette plaine était située à 280 stades de Rome, sur le canal Decennovium, à peu de distance de Terracine. Voy. Procop, De bell. Gothic., lib. I, cap. ii. Il est vrai que, dans le De regnor. successione, où Jornandès fait encore mention des champs Barbares, il donne à entendre qu'ils étaient situés dans la Campanie, on du moins fort près de cette province : qui (Witigis) Campaniam ingressus, mox ubi ad campos venisset Barbaricos, illico exercilus favorem quem contra Theodahatum suspectum habebat, rex cepit. Mais, au sixième siècle, la Campanie n'avait plus le Liris pour limite du côté de Rome, comme au temps de Pline, Nat. Histor., lib. III, cap. ix, et de Ptolémée, Geograph., lib. III, cap. 1; et Procope nous apprend qu'à l'époque dont il s'agit ici son territoire s'étendait jusqu'àTerracine: Post quos (Lucanos) habitant Campani usque ad urbem Tarracinam. Procop., De bell. Gothic., lib. 1, cap. xv; de là probablement le nom de Campania Terracinensis, par lequel le géographe de Ravenne, lib. IV, cap. xxix, parait désigner la Terre de Labour.

(70) Cumunilam ducem Gothorum, etc. Ce chef est appelé Unilas par Procope, De bell. Gothic., lib. I, cap. xvi, et Hunilas par Jornandès lui-même, De regn. success. Il est donc très probable que ce passage du texte, Cumunilam ducem Gothorum manu amis conferta mittit Perusiam, est corrompu. Un ancien éditeur de Jornandès avait déjà proposé d'y substituer : Cum Unila duce Gothorum manum armis confertam mittit, etc.; mais on peut, ce semble, le rétablir à moins de frais par le simple déplacement d'un mot , et en lisant : Unilam ducem Gothorum cum manu armis conferta mittit , etc.

(71). Magnum comitem cum parco exercitu. Ce comte qui défendait Pérouse s'appelait Constantin, suivant Procope, De bell. Gothic., lib. 1, cap. xvi : Constantinus vero... praesidio Spoletii constituto, Perusiae quae urbs princeps Tuscorum est, cum exercitu sese tenuit. Cependant il y avait dans l'armée de Bélisaire un Magnus, turmae equestris dux, et c'est peut-être lui qu'a voulu désigner Jornandès.

(72) Post XIV menses ab obsidione Romanae urbis aufugit. Dans le De regn. successione Jornandès dit que le siège de Rome ne dura qu'une année : Per anni spatium quamvis inedia laborans deludit (Belisarius).

(73) Millesimo et trecentesimo anno. Cette date n'est point exacte : ce fut à la fin de l'année 539 que Ravenne fut prise.

(74) Fratri suo Germano. Au lieu de fratri suo il faut absolument lire fratrueii suo, comme au chap. xiv et au chap. xliii; Germanus était neveu et non pas frère de Justinien. Voy. Procope, passim. Du reste, cette correction avait déjà été indiquée par Alemanni.