RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

ALLER à LA TABLE DES MATIÈRES de JORNANDES

JORNANDÈS.

(Jordanès, Jornadès)

HISTOIRE DES GOTHS

(I - XXI   XXII - XL    XLI - FIN)

taduction française seule

texte latin seul

Ammien Marcellin, Jornandès, Frontin (les Stratagèmes), Végèce, Modestus: avec la traduction en français
 publ. sous la dir. de M. Nisard,...
Paris : Firmin-Didot, 1869

Vu la mauvaise qualité du texte latin repris sur la toile, j'ai repris celui de l'édition Nisard. (Ph. Remacle)

 

XXII. 

Nam hic Hilderitc patre natus, avo Ovida, proavo Cnivida, gloriam generis sui factis illustribus exaequavit : primitias regni sui mox in Wandalica gente extendere cupiens, contra Visumar eorum rege qui Asdingorum e stirpe, quod inter eos eminet, genusque indicat bellicosissimum, Dexippo  (01) historico referente, qui eos ab Oceano ad nostrum limitem vix in anni spatio pervenisse testatur prae nimia terrarum immensitate. Quo tempore erant in eo loco manentes, ubi Gepidae sedent,, iuxta flumina Marisia (02), Miliare et Gilfil, et Grissia, qui omnes supradictos excedit. Erant namque illis tunc ab oriente Gothi, ab occidente Marcomanni, a septentrione Hermunduri, a meridie Histrer, qui et Danubius dicitur. Hic ergo Wandalis commorantibus bellum indictum est a Geberich rege Gothorum ad littus praedicti amnis Marisiae, ubi tunc diu certatum est ex aequali. Sed mox ipse rex Wandalorum Wisimar magna cum parte gentis suae prosternitur. Geberich vero Gothorum ductor eximius, superatis depraedatisque Wandalis, ad propria loca unde exierat remeavit. Tunc perpauci Wandali qui evasissent, collecta imbellium suorum manu, infortunatam patriam relinquentes, Pannoniam sibi a Constantino principe petiere, ibique per XL annos plus minus (03) sedibus locatis, imperatorum decretis ut incolae famularunt. Unde iam post longum ab Stilicone magistro militum, et exconsule, atque patricio invitati, Gallias occupavere, ubi finitimos depraedantes, non adeo fixas sedes habuere.

CHAPITRE XXII.

Gébérich eut pour père Heldérich, pour aïeul Ovida, Cnivida pour bisaïeul; il égala par ses hauts faits la gloire de ses ancêtres. Dès le commencement de son règne, désireux d'étendre son autorité sur la nation des Wandales, il attaqua Visumar, leur roi. Ce dernier sortait de la tribu des Asdinges, la première de toutes parmi eux, et l'une des plus braves que l'on connaisse. Ainsi le rapporte l'historien Dexippe, lequel assure que cette nation mit presque toute une année pour parvenir des bords de l'Océan à nos frontières, à cause de l'immense étendue de terres qu'il lui fallut traverser. Elle occupait alors le pays qu'habitent les Gépides entre les fleuves Marisia, Miliare, Gilfll et le fleuve Grissia, qui dépasse les trois autres en grandeur. Les \Vandales avaient en ce temps là les Goths à l'orient, à l'occident les Marcomans, au septentrion les Hermundures, et au midi l'Hister, appelé aussi Danube. C'est donc pendant qu'ils demeuraient dans ce pays qu'ils furent attaqués par Gébérich, roi des Goths, au bord du fleuve Marisia, que j'ai nommé, et où l'on combattit longtemps à forces égales. Mais enfin le roi des Vandales Visumar fut porté par terre, ainsi qu'une grande partie de sa nation. Quant à Gébérich, le chef glorieux des Goths, après avoir vaincu et dépouillé ses ennemis, il retourna dans le pays d'où il était sorti. Alors le petit nombre de Vandales qui s'étaient sauvés rassemblèrent tous ceux d'entre eux qui ne pouvaient porter les armes, et abandonnèrent leur patrie désolée. Ils demandèrent la Pannonie à l'empereur Constantin, et y établirent leur demeure pendant environ quarante ans, se soumettant aux lois de l'empire comme les habitants de cette province. Longtemps après cependant ils en sortirent à l'appel de Stilicon, maître de la milice, ex-consul et patrice, pour envahir les Gaules, où ils pillèrent leurs voisins, sans se fixer nulle part.

XXIII. 

Gothorum rege Greberich rebus excedente humanis, post temporis aliquod Ermanaricus nobilissimus Amalorum in regno successit, qui multas, et bellicosissimas Arctoas gentes perdomuit (04), suisque parere legibus fecit. Quem merito nonnulli Alexandro Magno conparavere maiores. Habebat siquidem quos domuerat, Golthos, Scythas, Thiudos in Aunxis, Vasinabroncas, Merens, Mordensimnis, Rocas, Tadzans, Athaul, Navego, Bubegentas, Coldas (05); et cum tantorum servitio clarus haberetur, non passus est nisi et gentem Erulorum, quibus praeerat Alaricus, magna ex parte trucidatam, reliquam suae subegeret dicioni. Nam praedicta gens, Ablavio historico referente, iuxta Maeotidas paludes habitans in locis stagnantibus, quas Graeci Ele vocant, Eruli nominati sunt (06) : gens quanto velox, eo amplius superbissima. Nulla siquidem erat tunc gens, quae non levem armaturam in acie sua ex ipsis elegerint. Sed quamvis velocitas eorum ab aliis saepe bellantibus non evacuetur : Gothorum tamen stabilitati subiacuit et tarditati; fecitque causa fortunae, ut et ipsi inter reliquas gentes Getarum regi Ermanarico serviverin. Post Erulorum caedem idem Ermanaricus in Venetos arma commovit; qui quamvis armis desperiti, sed numerositate pollentes, primo resistere conabantur. Sed nihil valet multitudo in bello, praesertim ubi et multitudo armata advenerit : nam hi, ut initio expositionis, vel catalogo gentium dicere coepimus, ab una stirpe exorti, tria nunc nomina reddidere, id est ,Veneti, Antes, Sclavi; qui quamvis nunc, ita facientibus peccatis nostris, ubique desaeviunt; tamen tune omnes Ermanarici imperiis serviere. Aestorum quoque similiter nationem (07), qui longissima ripa Oceani Germanici insident, idem ipse prudentiae virtute subegit, omnibusque Scythiae, et Germaniae nationibus ac si propriis laboribus imperavit.

CHAPITRE XXIII.

Quelque temps après que le roi des Goths Gébérich fut mort, Ermanaric, de la noble famille des Amales, lui succéda, et subjugua un grand nombre de nations belliqueuses du septentrion, qu'il fit obéir à ses lois. C'est avec raison que, parmi nos ancêtres, quelques uns l'ont comparé à Alexandre le Grand; car il avait soumis et tenait sous son autorité les Goths, les Scythes, les Thuides de l'Aünx, les Vasinabronkes, les Mérens, les Mordensimnis, les Caris, les Rokes, les Tadzans, les Athual, les Navego, les Bubegentes, les Coldes. Adoré des peuples pour avoir asservi de si puissantes nations, il voulut encore réduire sous son obéissance les Hérules, dont Alaric était roi, et les soumit après en avoir exterminé une grande partie. Les Hérules, ainsi nommés, au rapport de l'historien Ablavius, du mot ele, qui en grec veut dire marais, parce qu'ils habitaient des terres marécageuses auprès des Palus-Méotides, étaient doués d'une agilité extraordinaire, qui les rendait d'autant plus orgueilleux, qu'il n'y avait point de peuple en ce temps-là qui ne voulût avoir dans ses armées de leur infanterie légère. Mais quoique cette agilité leur eût souvent donné l'avantage sur d'autres combattants, elle fut forcée de céder à la pesanteur et à la fermeté des Goths; et la fortune voulut qu'eux aussi, parmi les autres nations gétiques, ils subissent la domination du roi Ermanaric. Aprês la défaite des Hérules, le même Ermanaric tourna ses armes contre les Vénètes, qui, peu aguerris, mais forts de leur nombre, essayèrent d'abord de lui résister. Mais le nombre seul ne peut rien à la guerre, surtout en présence du nombre et de la valeur disciplinée: aussi ces peuples, qui, bien que sortis de la même souche, comme nous l'avons déjà dit au commencement de cette histoire, ou nous en avons donné la liste, portent aujourd'hui trois noms, savoir, ceux de Venètes, d'Antes et de Sclaves, et que nous voyons présentement déchainés de tous côtés à cause de nos péchés, rendirent-ils alors obéissance, tous tant qu'ils étaient, à Ermanaric. Celui-ci subjugua également par sa prudence la nation des Aetres, établie sur les rivages les plus reculés de l'océan Germanique ; et, comme pour prix de ses fatigues, il domina sur tous les peuples de la Scythie et de la Germanie.

XXIV

Post autem non longi temporis intervallo, ut refert Orosius (08), Hunnorum gens omni ferocitate atrocior exarsit in Gothos. Nam hos, ut refert antiquitas, ita extitisse comperimus, Filimer rex Gothorum, et Gadarici Magni filius, post egressum Scanziae insulae iam quinto loco tenens principatum Getarum, qui et terras Scythicas cum sua gente introisse, sicut a nobis dictum est, reperit in populo suo quasdam magas mulieres, quas patrio sermone Aliorumnas is ipse cognominat (09); easque habens suspectas, de medio sui proturbat, longeque ab exercitu suo fugatas, in solitudinem coegit terrae. Quas spiritus inmundi per eremum vagantes dum vidissent, et earum complexibus in coitu miscuissent, genus hoc ferocissimum edidere; quod fuit primum inter paludes minutum, tetrum, atque exile, quasi hominum genus, nec alia voce notum, nisi quae humani sermonis imaginem assignabat. Tali ergo Hunni stirpe creati, Gothorum finibus advenere. Quorum natio saeva, ut Priscus historicus refert (10), Maeotida palude ulteriorem ripam insedit, venatione tantum, nec alio labore experta, nisi quod postquam crevisset in populos, fraudibus et rapinis vicinam gentem conturbavit. Huius ergo, gentis, ut assolent, venatores (11) dum in interioris Maeotidis ripa venationes inquirunt, animadvertunt quomodo ex improviso cerva se illis obtulit, ingressaque palude nunc progrediens, nunc subsistens, indicem viae se tribuit. Quam secuti venatores, paludem Maeotidam, quam imperviam ut pelagus axistimabant, pedibus transiere. Mox quoque, ut Scythica terra ignotis apparuit, cerva disparuit. Quod credo spiritus illi, unde progeniem trahunt, ad Scytharum invidiam egere. Illi vero, qui praeter Maeotidam paludem alium mundum esse penitus ignorabant, admiratione inducti terrae Scythae et ut sunt sollertes, iter illud nulli ante hanc aetatem notissimum, divinitus sibi ostensum rati, ad suos redeunt, rei gestum edicunt, Scythiam laudant, persuasaque gente sua, via, quam cerva indice dedicere, ad Scythiam properant, et quantoscumque prius in ingressu Scytharum habuere, litavere Victoriae, reliquos perdomitos subegere. Nam mox ingentem illam paludem transiere, ilico Alipzuros, Alcidzuros, Itimaros, Tuncassos, et Boiscos (12), qui ripae istius Scythiae insedebant, quasi quidam turbo gentium rapuere. Alanos quoque (13) pugna sibi pares, sed humanitate, victu formaque dissimiles, frequenti certamine fatigantes subiugavere. Nam et quos bello forsitan minime superabant, vultus sui terrore nimium pavorem ingerentes; terribilitate fugabant, eo quod erat eis species pavenda nigredine (14), sed velut quaedam, si dici fas est, deformis offa, non facies, habensque magis puncta, quam lumina. Quorum animi fiduciam torvus prodit aspectus, qui etiam in pignora sua primo die nata desaeviunt. Nam maribus ferro genas secant, ut antequam lactis nutrimenta percipiant, vulneris cogantur subire tolerantiam. Hinc imberbes senescunt, et sine venustate ephebi sunt; quia facies ferro sulcata, tempestivam pilorum gratiam per cicatrices absumit. Exigui quidem forma, sed arguti, motibus expediti, et ad equitandum promptissimi : scapulis latis, et ad arcus sagittasque parati : firmis cervicibus, et in superbia semper erecti. Hi vero sub hominum figura vivunt belluina saevitia. Quod genus expeditissimum, multarumque nationum grassatorem Getae ut viderunt, expavescunt : suoque cum rege deliberant qualiter se a tali hoste subducant. Nam Ermanaricus, rex Gotborum, licet, ut superius retulimus, multarum gentium exstiterit triumphator : de Hunnorum tamen adventu dum cogitat, Roxolanorum gens insida, quae tunc inter alias illi famulatum exhibebat, tali eum nanciscitur occasione decipere. Dum enim quandam mulierem Sanielh nomine ex gente memorata, pro mariti fraudulento discessu, rex furore commotus, equis ferocibus illigatam, incitatisque cursibus, per diversa divelli praecipisset : fratres eius Sarus, et Ammius, germanae obitum vindicantes, Ermanarici latus ferro petierunt : quo vulnere saucius, aegram vitam corporis imbecillitate contraxit. Quam adversam eius valitudinem captans Balamir rex Hunnorum, in Ostrogothas movit procinctum : a quorum societate iam Vesegothae discessere, quam dudum inter se iuncti habebant. Inter haec Ermanaricus tam vulneris dolorem, quam etiam Hunnorum incursiones non ferens, grandaevus et plenus dierum, centesimo decimo anno vitae suae defunctus est (15). Cuius mortis occasio dedit Hunnis praevalere in Gothis illis, quos dixeramus orientali plaga sedere, et Ostrogothas nuncupari. 

CHAPITRE XXIV.

Or, peu de temps après, au rapport d'Orose, les Huns, la plus féroce de toutes les nations barbares, éclatèrent contre les Goths. Si l'on consulte l'antiquité, voici ce qu'on apprend sur leur origine: Filimer, fils de Gandaric le Grand, et roi des Goths, le cinquième de ceux qui les avaient gouvernés depuis leur sortie de file Scanzia, étant entré sur les terres de la Scythie à la tête de sa nation, comme nous l'avons dit, trouva parmi son peuple certaines sorcières que, dans la langue de ses pères, il appelle lui-même Aliorumnes. La défiance qu'elles lui inspiraient les lui fit chasser du milieu des siens; et, les ayant poursuivies loin de son armée, il les refoula dans une terre solitaire. Les esprits immondes qui vaguaient par le désert les ayant vues, s'accouplèrent à elles, se mêlant à leurs embrassements, et donnèrent le jour à cette race, la plus farouche de toutes. Elle se tint d'abord parmi les marais, rabougrie, noire, chétive : à peine appartenait-elle à l'espêce humaine, à peine sa langue ressemblait-elle à la langue des hommes. Telle était l'origine de ces Huns, qui arrivèrent sur les frontières des Goths. Leur féroce nation, comme l'historien Priscus le rapporte, demeura d'abord sur le rivage ultérieur du Palus-Méotide, faisant son unique occupation de la chasse, jusqu'à ce que, s'étant multipliée, elle portât le trouble chez les peuples voisins par ses fraudes et ses rapines. Des chasseurs d'entre les Huns étant, selon leur coutume, en quête du gibier sur le rivage ultérieur du Palus-Méotide, virent tout à coup une biche se présenter devant eux. Elle entra dans le marais, et, tantôt s'avançant, tantôt s'arrêtant, elle semblait leur indiquer un chemin. Les chasseurs la suivirent, et traversèrent à pied le Palus-Méotide, qu'ils imaginaient aussi peu guéable que la mer; et puis quand la terre de Scythie, qu'ils ignoraient, leur apparut, soudain la biche disparut. Ces esprits dont les Huns sont descendus machinèrent cela, je crois, en haine des Scythes. Les Huns, qui ne se doutaient nullement qu'il y eût un autre monde au delà du Palus-Méotide, furent saisis d'étonnement à la vue de la terre de Scythie ; et comme ils ont de la sagacité, il leur sembla voir une protection surnaturelle dans la révélation de ce chemin que peut-être personne n'avait connu jusqu'alors. Ils retournent auprès des leurs, racontent ce qui s'est passé, vantent la Scythie, tant qu'enfin ils persuadent leur nation de les suivre, et se mettent en marche tous ensemble vers ces contrées, par le chemin que la biche leur a montré. Tous les Scythes qui tombêrent dans leurs mains dès leur arrivée, ils les immolèrent à la victoire; le reste fut vaincu et subjugué. A peine en effet eurent-ils passé cet immense marais, qu'ils entraînèrent comme un tourbillon les Alipzures, les Alcidzures, les Itamares, les Tuncasses et les Boïsques, qui demeuraient sur cette côte de la Scythie. Ils soumirent également par des attaques réitérées les Alains, leurs égaux dans les combats, mais ayant plus de douceur dans les traits et dans la manière de vivre. Aussi bien ceux-là même qui peut-être auraient pu résister à leurs armes ne pouvaient soutenir la vue de leurs effroyables visages, et s'enfuyaient à leur aspect, saisis d'une mortelle épouvante. En effet, leur teint est d'une horrible noirceur; leur face est plutôt, si l'on peut parler ainsi, une masse informe de chair, qu'un visage; et ils ont moins des yeux que des trous. Leur assurance et leur courage se trahissent dans leur terrible regard. Ils exercent leur cruauté jusque sur leurs enfants dès le premier jour de leur naissance; car à l'aide du fer ils taillent les joues des mâles, afin qu'avant de sucer le lait ils soient forcés de s'accoutumer aux blessures. Aussi vieillissent-ils sans barbe aprês une adolescence sans beauté, parce que les cicatrices que le fer laisse sur leur visage y étouffent le poil à l'âge où il sied si bien. Ils sont petits, mais déliés; libres dans leurs mouvements, et pleins d'agilité pour monter à cheval; les épaules larges; toujours armés de l'arc et prêts à lancer la flèche; le port assuré, la tête toujours dressée d'orgueil; sous la figure de l'homme, ils vivent avec la cruauté des bêtes féroces. Les mouvements rapides des Huns, leurs brigandages sur un grand nombre de peuples dont le bruit venait jusqu'à eux, jetèrent les Goths dans la consternation, et ils tinrent conseil avec leur roi sur ce qu'il fallait faire pour se mettre à couvert d'un si terrible ennemi. Ermanaric lui-même, malgré ses nombreux triomphes dont nous avons parlé plus haut, ne laissait pas d'être préoccupé de l'approche des Huns, quand il se vit trahi par la perfide nation des Roxolans, l'une de celles qui reconnaissaient son autorité. Voici à quelle occasion : Le mari d'une femme nommée Sanielh et de cette nation, l'ayant perfidement abandonné, le roi, transporté de fureur, commanda qu'on attachât cette femme à des chevaux sauvages, dont on excita encore la fougue, et qui la mirent en lambeaux. Mais ses frères, Ammius et Sarus, pour venger la mort de leur soeur, frappèrent de leur glaive Ermanaric au côté; et depuis cette blessure celui-ci ne fit plus que traîner dans un corps débile une vie languissante. Profitant de sa mauvaise santé, Balamir, roi des Huns, attaqua les Ostrogoths, qui dès lors furent abandonnés par les Visigoths , avec lesquels ils étaient unis depuis longtemps. Au milieu de ces événements, Ermanaric, accablé tant par les souffrances de sa blessure que par le chagrin de voir les courses des Huns, mourut fort vieux et rassasié de jours, à la cent dixième année de sa vie; et sa mort fournit aux Huns l'occasion de l'emporter sur ceux d'entre les Goths qui demeuraient, comme nous l'avons dit, du côté de l'orient, et qui portaient le nom d'Ostrogoths.

XXV. 

Vesegothae, id est, illi alii eorum socii, et occidui soli cultores, metu parentum exterriti, quidnam de se propter gentem Hunnorum deliberarent, ambigebant:  diuque cogitantes, tandem communi placito legatos ad Romaniam direxere, ad Valentem imperatorem, fratrem Valentiniani imperatoris senioris, ut partem Thraciae, sive Moesiae, si illis traderet ad colendum, eius legibus subderentur. Et ut fides uberior illis haberetur, promittunt se, si doctores linguae suae donaverit, fieri Christianos. Quo Valens comperto, mox gratulabundus annuit, quod ultro petere voluisset; susceptosque in partibus Moesiae Getas, quasi murum regni sui contra caeteras gentes statuit. Et quia tunc Valens imperator Arianorum perfidia saucius, nostrarum partium omnes ecclesias obturasset, suae partis fautores ad illos dirigit praedicatores, qui venientes rudibus et ignaris illico perfidiae suae virus defundunt. Sic quoque Vesegothae a Valente imperatore Ariani potius, quam Christiani effecti. De caetero tam Ostrogothis, quam Gepidis parentibus suis per affectionis gratiam evangelizantes, huius perfidiae culturam edocentes, omnem ubique linguae huius nationem ad culturam huius sectae invitavere. Ipsi quoque, ut dictum est, Danubium transmeantes (16), Daciam Ripensen, Moesiam, Thraciamque permisso principis insedere.

CHAPITRE XXV.

Les Visigoths, c'est-à-dire ceux d'entre les Goths qui demeuraient à l'occident, étaient, à cause des Huns, dans les mêmes alarmes que leurs frères, et ne savaient à quoi se résoudre. A la fin, après s'être longtemps consultés, ils tombèrent d'accord d'envoyer une députation en Romanie auprès de l'empereur Valens, frère de l'empereur Valentinien Ier, pour lui demander de leur céder une partie de la Thrace ou de la Moesie pour s'y établir. Ils s'engageaient en retour a vivre sous ses lois et à se soumettre à sou autorité; et, afin de lui inspirer plus de confiance, ils promettaient de se faire chrétiens, pourvu qu'il leur envoyât des prêtres qui parlassent leur langue. Valens leur accorda aussitôt avec joie une demande qu'il eût voulu leur adresser le premier. Il reçut les Goths.dans la Moesie, et les établit dans cette province comme le rempart de l'empire contre les attaques des autres nations. Et comme en ce temps-là cet empereur, infecté des erreurs perfides des ariens, avait fait fermer toutes les églises de notre croyance, il envoya vers eux des prédicateurs de sa secte, qui d'abord versèrent le venin de leur hérésie dans l'âme de ces nouveaux venus incultes et ignorants. C'est ainsi que, par les soins de l'empereur Valens, les Visigoths devinrent non pas chrétiens, mais ariens. Ceux-ci à leur tour annoncèrent l'Évangile tant aux Ostrogoths qu'aux Gépides, auxquels les unissaient les liens du sang et de l'amitié; ils leur transmirent leurs croyances hérétiques, et attirèrent de toutes parts aux pratiques de cette secte tous les peuples qui parlaient leur langue. En même temps ils passèrent le Danube, comme il a été dit, et s'établirent, avec le consentement de l'empereur, dans la Dacie Ripuaire, la Moesie et la Thrace.

XXVI

Evenit his, ut adsolet gentibus necdum bene loco fundatis, penuria famis. Coepere autem primates eorum et duces, qui regum vice illis praeerant, id est Fridigernus, Alatheus et Safrach (18), exercitus inopiam condolere, negotiationemque a Lupicino, Maximoque Romanorum ducibus (19) expetere. Verum quid non auri sacra fames compellit adquiescere? Coeperunt duces, avaritia compellente, non solum ovium, boumque carnes, verumetiam canum (20), et immundorum animalium morticina eis pro magno contradere : adeo, ut quemlibet mancipium in unum panem, aut decem libras in inam camem mercarentur. Sed iam mancipiis, et supellectili deficientibus, filios eorum avarus mercator victus necessitate exposcit. Haut enim secus parentes faciunt, salutem suorum pignorum providentes, satius deliberant ingenuitatem perire, quam vitam; dum misericorditer alendus quis venditur, quam moriturus servatur. Contigit etenim, illo sub tempore aerumnoso (21), ut Lupicinus ductor Romanorum Fritigemum Gothorum regulum ad convivium invitaret, dolumque ei, ut post exitus docuit, moliretur. Sed Fridigemus doli nescius, cum paucorum comitatu ad convivium veniens, dum intus in preturio aepularetur, clamorem miserorum morientium audiret, iamque alia in parte socios eius reclausos, dum milites ducis sui iussu trucidare conarentur, et vox morientium duriter emissa iam suspectis auribus intonaret; illico apertos ipsos dolos cognoscens Fritigernus, evaginato gladio e convivio, non sine magna temeritate, velocitateque egreditur, suosque socios ab imminenti morte ereptos ad necem Romanorum instigat. Qui, nancta occasione votiva, elegerunt viri fortissimi in bello magis, quam in fame deficere, et illico in ducum Lupicini et Maximi armantur occisionem. Illa namque dies Gothorum famem, Romanorumque securitatem ademit : coeperuntque Gothi iam non ut advenae et peregrini, sed ut cives et domini possessoribus imperare, totasque partes septentrionales usque ad Danubium suo iuri tenere. Quod comperiens in Antiochia Valens imperator, mox armato exercitu, in Thraciarum partes digreditur; ubi lacrimabili bello commisso, vincentibus Gothis, in quodam praedio iuxta Adrianopolim saucius ipse refugiens, ignorantibusque, quod imperator in tam vili casula delitisceret, Gothis, igneque ut adsolet saeviente ab inimico supposito cum regali pompa crematus est, haud secus quam Dei prorsus iudicio; ut ab ipsis igne combureretur, quos ipse veram fidem petentes in perfidiam declinasset, et ignem caritatis ad gehenae ignem detorsisset. Quo tempore Vesegothae Thraciam, Daciamque Ripensen post tanti gloriam trophaei, tamquam solo genitali potiti, coeperunt incolere.

CHAPITRE XXVI.

Il leur arriva ce qui d'ordinaire arrive à toute nation encore mal établie dans un pays : ils eurent la famine. Alors Fridigerne, Alathéus et Safrach , les plus considérables d'entre eux et leurs chefs, qui les gouvernaient à défaut de rois, prenant en pitié la disette de l'armée, supplièrent les généraux romains, Lupicinus et Maximus, de leur vendre des vivres. Mais à quels excès la soif impie de l'or ne porte-t-elle pas! Poussés par la cupidité, ceux-ci se mirent à leur vendre non seulement de la viande de brebis et de boeuf, mais encore de la chair de chien et d'animaux dégoûtants morts de maladie, et si chèrement, qu'ils exigeaient un esclave pour une livre de pain, dix livres pour un peu de viande. Bientôt les esclaves manquèrent, et les meubles aussi : alors ces sordides marchands, ne pouvant plus rien leur ôter, en vinrent jusqu'à leur de-mander leurs enfants; et les pères se résignèrent à les livrer, aimant mieux, dans leur sollicitude pour ces gages si chers, leur voir perdre la liberté que la vie. N'y a-t-il pas en effet plus d'humanité à vendre un homme pour lui assurer sa nourriture, qu'à le laisser mourir de faim pour le sauver de l'esclavage? Or il arriva, dans ce temps d'affliction, que Lupicinus, le général des Romains, invita Fridigerne, régule des Goths, à un festin : c'était un piège qu'il lui tendait, comme la suite le prouva. Fridigerne, sans défiance, vint au banquet avec une suite peu nombreuse; et voilà qu'étant à table dans l'intérieur du prétoire, il entendait les cris des malheureux qui mouraient de faim. Puis il s'aperçut qu'on avait renfermé ceux qui l'accompagnaient dans un lieu séparé, et que des soldats romains, par ordre de leur général, s'efforçaient de les massacrer. Les cris pénibles des mourants tonnaient à ses oreilles, et le remplissaient de soupçons. Tout à coup, ne pouvant plus douter des embûches qu'on lui tend, Fridigerne tire son glaive au milieu du festin; il sort précipitamment, non sans courir un grand danger, délivre les siens d'une mort certaine, et les excite à exterminer les Romains. Voyant s'offrir une occasion qu'ils appelaient de leurs voeux, ces vaillants hommes aimèrent mieux s'exposer à périr en combattant que par la famine, et prirent aussitôt les armes pour immoler les généraux Lupicinus et Maximus. Ce jour-là mit lin à la disette des Goths et à la sécurité des Romains. Les Goths commencèrent dès lors à ne plus être des étrangers et des fugitifs, mais des citoyens, et les maîtres absolus des possesseurs des terres; et ils tinrent sous leur autorité toutes les provinces septentrionales jusqu'au Danube. L'empereur Valens en apprit la nouvelle à Antioche, et aussitôt il fit prendre les armes à son armée, et se dirigea sur la Thrace. II y livra une bataille qui lui fut fatale, car les Goths le vainquirent. Blessé lui-même et fugitif, il se réfugia dans une ferme auprès d'Hadrianopolis. Les Goths, ne sachant point que cette chétive masure recelât l'empereur, y mirent le feu, qui, redoublant de violence, comme il arrive, le consuma dans sa pompe royale. Ainsi s'accomplit le jugement de Dieu, qui voulut qu'il fût brûlé par ceux qu'il avait égarés vers l'hérésie, quand ils lui demandaient d'être instruits dans la vraie foi, et qu'il avait détournés du feu de la charité pour les vouer aux flammes de l'enfer. Après cette victoire si glorieuse pour eux, les Goths, devenus maîtres de la Thrace et de la Dacie Ripuaire, s'y établirent, comme si ces contrées leur eussent tou jours appartenu.

XXVII

Sed Theodosium ab Hispania Gratianus imperator electum in orientali principatu loco Valentis patrui subrogat (22), militarique disciplina mox in meliori statu reposita; ignaviam priorum principum, et desidiam exclusam Gothus ut sensit, pertimuit. Nam imperator acri omnino ingenio, virtuteque, et consilio clarus, cum praeceptorum saeveritate, et liberalitate, blanditieque sua remissum exercitum ad fortia provocaret. At vero ubi milites principe meliore mutato fiduciam acceperunt, Gothos impetere tentant, eosque Thraciae finibus pellunt : sed Theodosio principe pene tunc usque ad disperationem aegrotante, datur iterum Gothis audacia, divisoque exercitu, Fridigernus ad Thessaliam praedandam, Epiros, et Achaiam digressus est : Alatheus vero et Safrac cum residuis copiis Pannoniam petierunt (23). Quod quum Gratianus imperator, qui tunc Roma in Gallias ob incursionem Wandalorum recesserat, comperisset, quia, Theodosio fatali desperatione succumbente, Gothi magis saevirent, mox ad eos collecto venit exercitu; nec tamen fretus in armis, sed gratia eos muneribusque victurus, pacemque et victualia illis concedens, cum ipsis inito foedere fecit. Ubi vero post haec Theodosius convaluit imperator, reperitque Gratianum cum Gothis et Romanis pepigisse fordus, quod ipse optaverat, admodum grato animo ferens, et ipse in hac pace consensit. 

CHAPITRE XXVII.

Cependant l'empereur Gratien choisit pour succéder à Valens son oncle Théodose, qu'il rappela d'Espagne et mit à la tête de l'empire d'O-rient. Bientôt la discipline militaire fut remise en vigueur; et les Goths, voyant bannies la mollesse et la négligence des anciens princes, eurent une grande crainte. Le nouvel empereur, pour relever le courage de l'armée, tempérait la sévérité du commandement par sa libéralité et sa douceur. Doué d'ailleurs d'un génie plein d'activité, il se faisait remarquer par sa bravoure autant que par sa prudence. Dès que I'avénement d'un prince plus digne de commander eut rendu la confiance aux troupes, elles s'enhardirent à attaquer les Goths, et les chassèrent de la Thrace; mais Théodose étant tombé si dangereusement malade qu'on désespérait presque de ses jours, les Goths reprirent de nouveau courage. Ils divisèrent leur armée : Fridigerne alla ravager la Thessalie, l'Épire et l'Achaïe, tandis qu'Alathéus et Safrach gagnaient la Pannonie avec le reste des troupes. L'empereur Gratien avait quitté Rome pour passer dans les Gaules à cause de l'irruption des Wandales, quand il apprit cette nouvelle. Voyant que, tandis que Théodose succombait sans espoir à une maladie fatale, les Goths étendaient leurs ravages, il rassembla une armée, et marcha aussitôt contre eux; mais ne se fiant point en ses forces, il aima mieux les réduire par des avances et des présents; et leur ayant accordé la paix et des vivres, il conclut avec eux un traité. PIus tard, quand l'empereur Théodose se rétablit, et qu'il eut connaissance des conventions que Gratien avait conclues entre les Goths et les Romains, cette alliance, que lui-même avait désirée, le combla de joie et il se tint au traité de paix.

XXVIII

Athanaricum quoque regem, qui tunc Frdtigerno successerat, datis sibi muneribus sociavit moribus suis benignissimis, et ad se eum in Constantinopolim accedere invitavit (24). Qui omnino libenter acquiescens, regiam urbem ingressus est, miransque: « En, inquid, cerno, quod saepe incredulus audiebam, famam videlicet tantae urbis;» et huc illuc oculos volvens, nunc situm urbis, commeatuque navium, nunc moenia clara prospectans mi,ratur, populosque diversarum gentium quasi fonte in uno e diversis partibus scaturiente unda, sic quoque militem ordinatum aspiciens: « Deus, inquit, sine dubio terrenus est imperator, et quisquis adversus eum manum moverit, ipse sui sanguinis reus existit. » In tali ergo admiratione, maioreque a principe honore suffultus, paucis mensibus interiectis ab hac luce migravit (25). Quem princeps affectionis gratia (26) pene plus mortuum, quam vivum honorans, dignae tradidit sepulturae; ipse quoque in exequiis feretro eius praeiens. Defuncto ergo Athanarico, cunctus exercitus in servitio Theodosii imperatoris perdurans, Romano se imperio subdens, cum milite velut unum corpus effecit, militiaque illa dudum sub Constantino principe foederatorum renovata, et ipsi dicti sunt Foederati. E quibus imperator contra Eugenium tyrannum, qui occiso Gratiano Gallias occupasset, plus quam viginti milia armatorum fideles sibi, et amicos intellegens secum duxit (27), victoriaque de praedicto tyranno potitus, ultionem exegit.

CHAPITRE XXVIII.

Il s'attacha aussi par des présents, et par ses manières pleines de bonté, le roi Athanaric, qui venait de succéder à Fridigerne, et il l'invita à se rendre auprès de lui à Constantinople. Celui-ci accepta son offre avec empressement; et comme il entrait dans la ville impériale, transporté d'admiration : « Je vois à présent, s'écria-t-il, ce dont j'avais souvent oui parler sans le croire, savoir, la splendeur de cette grande cité.» Et, portant ses regards de côté et d'autre, il contemplait avec surprise tantôt la position de la ville, et les vaisseaux qui partaient et arrivaient, tantôt ses rem-parts célèbres, où se rendaient les peuples de diverses contrées, comme on voit de divers côtés sourdre les eaux dans une source. Mais quand il vit les soldats en ordre de bataille : « Il ne faut pas en douter, dit-il, l'empereur est un dieu sur la terre; et quiconque aura levé la main contre lui, il doit l'expier de son sang. » Ce fut au milieu de ces transports d'admiration, au sein des honneurs dont le comblait de jour en jour l'empereur, qu'il passa de ce monde quelques mois après son arrivée. Dans son affection pour lui, Théodose lui rendit peut-être plus d'honneurs après sa mort que pendant sa vie; car il lui donna une sépulture digne de son rang, et voulut même précéder en personne son cercueil dans le convoi funèbre. Après la mort d'Athanaric, toute l'armée continua à demeurer au service de l'empereur Théodose, se reconnaissant sujette de l'empire romain, et ne faisant en quelque sorte qu'un même corps avec la milice. On rétablit en égal nombre et sous le même nom les fédérés de l'empereur Constantin ; et Théodose, comptant sur leur fidélité et leur attachement, en emmena avec lui plus de vingt mille contre le tyran Eugène, qui s'était emparé de la Gaule après que Gratien avait perdu la vie; et la victoire ayant fait tomber cet usurpateur entre ses mains, il tira vengeance de sa rébellion.

XXIX

Postquam vero Theodosius amator pacis generisque Gothorum rebus excessit humanis, coeperuntque eius filii utramque rempublicam luxuriose viventes adnihilare, auxiliariisque suis, id est Gothis consueta dona subtrahere. Mox Gothis fastidium eorum increvit, verentesque ne longa pace eorum resolveretur fortitudo, ordinato super se regem Alaricum, cui erat post Amalos secunda nobilitas, Baltharumque ex genere origo mirifica, qui dudum ob audaciam virtutis Baltha, id est audax nomen inter suos acceperat. Mox ut ergo antefatus Alaricus creatus est rex, cum suis deliberans suasit eos suo labore quaerere regna, quam alienis per otium subiacere : et sumpto exercitu per Pannonias, Stilicone et Aureliano consulibus (28), et per Firmium dextro latere quasi viris vacuam intravit Italiam. Nulloque penitus obsistente, ad pontem applicavit Condidiani (29), qui tertio miliario ab urbe erat regia Ravennate. Quae urbs inter paludes, et pelagus, interque Padi fluenta uni tantum patet accessui, cuius dudum, ut tradunt maiores, possessores Eneti (30), id est laudabiles, dicebantur. Haec in sinu regni Romani super mare Ionium constituta (31), in modum influentium aquarum redundatione concluditur (32). Habet ab oriente mare, ad quod qui recto cursu de Corcyra, atque Helladis partibus navigat dextrum latus, primum Epirum, dehinc Dalmatiam, Liburniam, Histriamque, et sic Venetias radens palmula navigat. Ab occidente vero habet paludes, per quas uno angustissimo introitu ut porta relicta est. A septentrionale quoque plaga ramus illi ex Pado est, qui Fossa vocitatur Asconis. A meridie item ipse Padus, quem solum fluviorum regem dicunt, cognomento Eridanus, ab Augusto imperatore altissima fossa demissus, qui septima sui alvei parte per mediam influit civitatem (33), ad ostia sua amoenissimum portum praebens, classem ducentarum quinquaginta navium, Dione referente, tutissima dudum credebatur recipere statione. Qui nunc, ut Favius ait, quod aliquando portus fuerat, spatiosissimos hortos ostendit (34), arboribus plenos : verum de quibus non pendeant vela, sed poma. Trino siquidem urbs ipsa vocabulo gloriatur, trigeminaque positione exultat, id est, prima Ravenna, ultima Classis, media Caesarea (35), inter urbem et mare, plena mollitie, arenaque minuta, vectationibus apta.

CHAPITRE XXIX.

Mais après que Théodose, qui aimait la paix et la nation des Goths, fut mort, ses enfants se mirent à ruiner l'un et l'autre empire par leur vie fastueuse, et cessèrent de payer à leurs auxiliaires, c'est-à-dire aux Goths, les subsides accoutumés. Ceux-ci éprouvèrent bientôt pour ces princes un dégoût qui ne fit que s'accroître; et, dans la crainte que leur courage ne se perdit dans une trop longue paix, ils élurent pour roi Alaric. Il était de la famille des Balthes, race héroïque, la seconde noblesse après les Amales. Et ce nom de Balthe, qui veut dire brave, lui avait été donné depuis longtemps parmi les siens, à cause de sa hardiesse et de son intrépidité. Aussitôt qu'il eut été fait roi, Alaric tenant conseil avec les siens leur persuada de chercher à conquérir des royaumes par leurs fatigues, plutôt que de rester oisivement sous la domination étrangère; et s'étant mis à la tête de l'armée, sous le consulat de Stilicon et d'Aurélien, il traversa les deux Pannonies, laissant Firmium à droite, et entra dans l'Italie, alors à peu près vide de défenseurs. Ne rencontrant aucun obstacle, il campa auprès du pont Condinianus, à trois milles de la ville royale de Ravenne. Cette ville, entre des marais, la mer et le Pô, n'est accessible que par un seul côté. Elle fut autrefois habitée, suivant une ancienne tradition, par les Enètes, nom qui signifie digne d'éloge. Située au sein de l'empire romain, au bord de la mer Ionienne, elle est entourée et comme submergée par les eaux. Elle a à l'orient la mer; et si, partant de Corcyre et de la Grèce, et prenant à droite, on traverse directement cette mer, on passe d'abord devant l'Épire, ensuite devant la Dalmatie, la Liburnie, l'Histrie, et l'on vient effleurer de son aviron la Vénétie. A l'occident, elle est défendue par des marais, à travers lesquels on a laissé un étroit passage comme une sorte de porte. Elle est entourée au septentrion par une branche du Pô appelée le canal d'Ascon, et enfin au midi par le Pô lui-même, qu'on désigne encore sous le nom d'Eridan, et qui porte sans partage le surnom de roi des fleuves. Auguste abaissa son lit, et le rendit très profond; il promène dans la ville la septième partie de ses eaux, et son embouchure forme un port excellent, où jadis, au rapport de Dion, pouvait stationner en toute sûreté une flotte de deux cent cinquante vaisseaux. Aujourd'hui, comme le dit Fabius, à l'ancienne place du port on voit de vastes jardins remplis d'arbres, d'où pendent non pas des voiles, mais des fruits. La ville a trois noms, dont elle se glorifie, comme des trois quartiers qui la divisent et auxquels ils répondent : le premier est Ravenne, le dernier Classis, celui du milieu Césarée, entre Ravenne et la mer. Bâti sur un terrain sablonneux, ce dernier quartier est d'un abord doux et facile, et commodément situé pour les transports.

XXX

Verum enimvero quum in eius vicinitate Vesegotharum applicuisset exercitus, et ad Honorium imperatorem, qui intus residebat, legationem misisset quatenus si permitteret, ut Gothi pacati in Italia residerent, sic eos cum Romanorum populo vivere, ut una gens utraque credere posset: sin autem aliter, bellando quis quem valebat, expelleret; etiam securus qui victor existeret, imperaret. Honorius imperator utraque pollicitationem formidans, suoque cum senatu inito consilio, quomodo eos fines Italos expelleret, deliberabat. Cui ad postremum sententia sedit quatenus provincias longe positas, id est, Gallias, Hispaniasque, quas pene iam perdidisset et Gizericichias Wandalorum regis vastaret irruptio, si valeret, Alaricus, sua cum gente sibi tamquam lares proprias vindicaret, donatione sacro oraculo confirmata. Consentiunt Gothi, hac ordinatione, et ad traditam sibi patriam proficiscuntur. Post quorum discessum nec quicquam mali in Italia perpetratum, Stilico patricius, et socer Honorii imperatoris (nam utramque eius filiam, id est Mariam et Ermantiam (36), quas sibi princeps unam post unam sociavit, utramque virginem et intactam Deus ab hac luce migrare praecepit) hic ergo Stilico ad Polentiam civitatem (37) in Alpibus Cottiis locatam dolose accedens, nihilque mali suspicantibus Gothis, ad necem totius Italiae suamque deformitatem ruit in bellum. Quem ex inproviso Gothi cernentes, primo perterriti sunt : sed mox recollectis animis, et, ut solebant, hortatiionibus excitati, omnem pene exercitum Stiliconis in fugam conversum, usque ad internicionem deiciunt, furibundoque animo arreptum iter deserunt, et in Liguriam post se, unde iam transierant, revertuntur; eiusque praedis spoliisque potiti, Aemyliam pari tenore devastant, Flamminiaeque aggerem  (38) inter Picenum et Thusciam, usque ad urbem Romam discurrentes (39), quicquid inter utrumque latus fuit, in praedam diripiunt, ad postremum Romam ingressi, Alarico iubente, spoliant tantum; non autem, ut solent gentes, ignem supponunt, nec locis sanctorum in aliquo penitus iniuriam inrogari patiuntur (40). Exindeque egressi, per Campaniam, et Lucaniam simili clade peracta, Bruttios accesserunt : ubi diu residentes, ad Siciliam, et exinde ad Africam transire deliberant. Bruttiorum siquidem regio in extremis Italiae finibus australi interiacens parti, angulus eius Appenini montis initium facit, Adriaeque pelagus ut lingua porrecta a Tyrreno aestu seiungens, nomen quondam a Bruttia sortitur regina. Ibi ergo veniens Alaricus rex Vesegotharum cum opibus totius Italiae, quas in praeda diripuerat, et exinde, ut dictum est, per Siciliam in Africam quietam patriam transire disponit. Cuius, quia non est liberum quodcumque homo sine notu Dei disposuerit, fretum illud horribile aliquantas naves submersit, plurimas conturbavit. Qua adversitate repulsus Alaricus, dum secum quid ageret deliberaret, subito immatura morte praeventus rebus humanis excessit. Quem nimia dilectione lugentes (41) Barentinum amnen iuxta Consentinam civitatem de alveo suo derivant. Nam hic fluvius a pede montis iuxta urbem dilapsus fluit unda salutifera. Huius ergo in medio alveo, collecto captivorum agmine, saepulturae locum effodiunt, in cuius foveae gremio Alaricum cum multis opibus obruunt, rursusque aquas in suum alveum reducentes, ne a quoquam quandoque locus cognosceretur, fossores omnes interemerunt. 

CHAPITRE XXX.

Ainsi donc quand l'armée des Wisigoths fut arrivée devant cette ville, elle envoya une députation à l'empereur Honorius qui s'y trouvait renfermé, pour lui dire, ou de permettre aux Goths de demeurer paisiblement en Italie, et qu'alors ils vivraient avec les Romains de telle sorte que les deux nations pourraient sembler n'en faire qu'une ; ou de se préparer au combat, et que le plus fort chasserait l'autre, et dominerait en paix après la victoire. Ces deux propositions épouvantèrent Honorius, qui, tenant conseil avec son sénat, délibérait sur les moyens de faire sortir les Goths de l'Italie. Il se détermina enfin à leur faire une donation, confirmée par un rescrit impérial, de la Gaule et de l'Espagne, provinces éloignées qu'il avait dès lors presque perdues, et que ravageait Gizérie, roi des Wandales ; et il autorisa Alaric et sa nation à s'en emparer s'ils le pouvaient, comme si elles leur eussent toujours appartenu. Les Goths consentirent à cet arrangement, et se mirent en marche vers les contrées qui venaient de leur être cédées. Mais comme ils se retiraient de l'Italie, où ils n'avaient commis aucun désordre, le patrice Stilicon, beau-père de l'empereur Honorius ( car ce prince épousa l'une après l'autre ses deux filles Marie et Ermancia, que Dieu enleva de ce monde chastes et vierges toutes deux), Stilicon, dis-je, s'avança perfidement jusqu'à Pollentia, ville située dans les Alpes Cottiennes; et tandis que les Goths ne se défiaient de rien, il fondit sur eux, allumant ainsi une guerre qui devait tourner à la ruine de l'Italie et à sa propre honte. Cette attaque imprévue jeta d'abord l'épouvante parmi les Goths; mais bientôt, reprenant courage et s'excitant les uns les autres, suivant leur coutume, ils mettent en fuite l'armée presque entière de Stilicon, la poursuivent, la taillent en pièces : dans la fureur qui les possède, ils abandonnent leur route, et, revenant sur leurs pas, rentrent dans la Ligurie, qu'ils venaient de traverser. Après y avoir fait un riche butin, ils ravagent de même la province Emilia; et, parcourant la voie Flaminia entre le Picénum et la Toscane, ils dévastent tout ce qui se trouve sur leur passage d'un côté et de l'autre jusqu'à Rome. Entrés enfin dans cette ville, Marie la leur laisse piller; mais il leur défend d'y mettre le feu, comme c'est l'habitude chez les païens, ni de faire aucun mal à ceux qui s'étaient réfugiés dans les églises des saints. Les Goths, en quittant Rome, allèrent dans le Bruttium en passant par la Campanie et la Lucanie, où ils commirent les mêmes ravages. Après y être restés longtemps, ils résolurent de passer en Sicile, et de là en Afrique. Le pays des Bruttiens, situé à l'extrémité de l'Italie du côté du midi, forme un angle, où commence le mont Apennin. Il est comme une langue qui s'avance pour séparer la mer Tyrrhénienne de la mer Adriatique, et tire son nom de Bruttia, qu'il eut jadis pour reine. Le roi des Visigoths étant donc venu dans ce pays avec toutes les richesses de l'Italie, dont il avait fait sa proie, s'apprêtait, comme il a été dit, à traverser la Sicile pour aller s'établir paisiblement en Afrique; mais, quelques projets que fasse l'homme, ils ne se réalisent point sans la volonté de Dieu : dans cet orageux détroit plusieurs de ses vaisseaux furent submergés, d'autres, en très grand nombre, furent dispersés; et tandis que, repoussé par ce revers, Alaric délibérait en lui-même sur ce qu'il ferait, la mort le surprit tout à coup, et l'ôta de ce monde. Les Goths, pleurant leur chef bien-aimé, détournèrent de son lit le fleuve Barentinus, auprès de Consentia; car ce fleuve coule du pied d'une montagne, et baigne cette ville de ses flots bienfaisants. Au milieu de son lit ils firent creuser par une troupe de captifs une place pour l'ensevelir, et au fond de cette fosse ils enterrèrent Alaric, avec un grand nombre d'objets précieux. Puis ils ramenèrent les eaux dans leur premier lit; et afin que la place où était son corps ne pût jamais être connue de personne, ils massacrèrent tous les fossoyeurs.

XXXI

Mortuo Alarico, regnum Athaulfo, eius consanguineo (42), et forma et mente conspicuo, tradunt. Nam erat quamvis non adeo proceritate staturae formatus, quantum pulchritudine corporis vultuque decorus. Qui suscepto regno revertens item ad Romam, si quid primum remanserat, more locustarum erasit  (43): nec tantum privatis divitiis Italiam spolians, imo et publicis, imperatore Honorio nihil resistere praevalente; cuius et germanam Placidiam, Theodosii imperatoris ex altera uxore filiam, urbe captivam abduxit. Quam tamen ob generis nobilitatem, formaeque pulchritudinem, et integritatem castitatis attendens, in Forolivii Aemiliae civitate suo matrimonio copulavit (44); ut gentes, hac societate comperta, quasi adunata Gothis republica efficacius terrerentur, Honoriumque Augustum, quamvis opibus exhaustum, tamen quasi cognatum grato animo derelinquens, Gallias tendit : ubi cum advenisset, vicinae gentes perterritae, in suis se finibus coeperunt continere, quae dudum crudeliter Gallias infestassent, tam Franci, quam Burgondiones. Nam Wandali et Alani, quos superius diximus, permissu principum Romanorum utramque Pannoniam resedere; nec ibi sibi ob metum Gothorum arbitrantes tutum fore, si reverterentur, ad Gallias transiere. Sed mox a Galliis, quas ante non multum tempus occupassent, fugientes, Hispanias se reclusere : adhuc memores ex relatione maiorum suorum, quid dudum Geberich Gothorum rex genti suae prestitisset incommodi, vel quomodo eos virtute sua patrio solo expulisset. Tali ergo casu Galliae Athaulfo patuere venienti. onfirmato ergo Gothis regno in Galliis Hispanorum casu coepit dolere (45), eosque deliberans a Wandalorum incursibus eripere, suas opes Barcilonam cum certis fidelibus derelictis, plebeque imbelli interiores Hispanias introivit : ubi saepe cum Wandalis decertans, tertio anno postquam Gallias, Hispaniasque domuisset, occubuit; gladio ilio perforato Vervulfi, de cuius solitus erat ridere statura (46). Post cuius mortem Regericus rex constituitur : sed et ipse suorum fraude peremptus, ocius regnum cum vita reliquit (47).

CHAPITRE XXXI.

Alaric mort, les Visigoths élurent pour roi Athaulfe, son parent, aussi remarquable par la supériorité de son esprit que par sa beauté; car bien que sa taille ne fût pas très élevée, son visage était beau et son corps parfaitement proportionné. Dès qu'il eut pris le commandement, il retourna à Rome, et acheva de ronger, comme font les sauterelles, ce qui pouvait avoir échappé au premier pillage. Il dépouilla de leurs richesses, en Italie, non seulement les particuliers, mais encore l'État, sans que l'empereur Honorius pût s'y opposer ; et même il emmena en captivité Placidie, sœur de ce dernier et fille de l'empereur Théodose, mais d'une autre femme. Toutefois, attiré par la noblesse de sa race, sa beauté et sa chasteté sans tache, il la prit en légitime mariage dans la ville de Forli , dans la province Emilia, afin qu'en apprenant cette alliance, qui réunissait en quelque sorte l'empire et la nation des Goths, les peuples éprouvassent une crainte salutaire. Et quoique les ressources d'Honorius fussent épuisées, en considération de sa parenté avec lui, il l'abandonna généreusement, et gagna la Gaule. Dès qu'il y fut entré, les nations voisines, Francs et Burgondes, qui auparavant infestaient cruellement ce pays, commencèrent à se renfermer dans leurs limites. Quant aux Wandales et aux Alains, qui s'étaient établis, avec l'autorisation des empereurs, dans les deux Pannonies, comme nous l'avons déjà dit, craignant, s'ils retournaient dans ces provinces, de n'y pas être en sûreté, à cause du voisinage des Goths, ils passèrent dans la Gaule. Mais après l'avoir occupée peu de temps, ils se réfugièrent en Espagne, où ils se renfermèrent. Ils se rappelaient encore tout le mal que, d'après le récit de leurs pères, le roi des Goths Gébérich avait fait à leur nation, et comme sa valeur les avait chassés de la terre de leurs aïeux. Telles furent les circonstances qui ouvrirent les Gaules à Athaulfe dès son arrivée. Quand il eut affermi la domination des Goths dans ces contrées, il commença d'être touché des malheurs des Espagnols. Il prit donc le parti de les délivrer des incursions des Wandales, et s'introduisit, au moyen de ses richesses, dans Barcelone et l'intérieur de l'Espagne avec des guerriers choisis et fidèles, et une populace peu propre à la guerre. Il y combattit souvent les Wandales, et périt trois ans après avoir soumis la Gaule et l'Espagne, percé au flanc d'un coup d'épée par Vernulfe, qu'il avait coutume de railler sur sa taille. Après sa mort, Régéric fut élu roi; mais lui aussi périt par les piéges des siens, et perdit encore plus tôt le trône et la vie.

XXXII

Dehinc iam quartus ab Alarico rex constituitur Valia, nimis destrictus, et prudens  (48): contra quem Honorius imperator Constantium virum industria militari pollentem, multisque proeliis gloriosum cum exercitu dirigit : veritus ne foedus dudum cum Athaulfo initum ipse turbaret, et aliquas rursus in republica insidias moliretur, vicinis sibi gentes repilsis; simulque desiderans germanam suam Placidiam subiectionis opprobrio liberare : paciscens cum Constantio, ut, aut bello aut pace, vel quoquo modo, si eam potuisset, ad suum regnum revocaret, eique eam in matrimonium sociaret. Quo placito Constantius ovans cum copia armatorum, et pene iam regio apparatu, Hispanias petit. Cui Valia rex Gothorum non cum minori procinctu ad claustra Pyrenaei occurrit : ubi ab utraque parte legatione directa, ita convenit pacisci; ut Placidiam sororem principis redderet, suaque solatia Romanae reipublicae, ubi usus exigeret, non denegaret. Eo namque tempore Constantinus (49) quidam apud Gallias invadens imperium, filium suum Constantem ex monacho fecerat Caesarem; sed non diu tenens regnum praesumptum, mox foederatis Gothis Romanisque, ipse occiditur Arelati (50), filius vero eius Viennae. Post quos item Iovinus ac Sebastianus (51) pari temeritate rempublicam occupandam existimantes, pari exitio periere. Nam duodecimo anno regni Valiae, quando et Hunni post pene quinquaginta annos invasa Pannonia a Romanis et Gothis expulsi sunt, videns Valia Wandalos in suis finibus, id est Hispaniae solo, audaci temeritate ab interioribus partibus Galliae, ubi eos fugaverat dudum Athaulfus, egressos (52) cuncta in praedis vastare, eo tempore, quo Hierius et Ardaburius (53) consules exstitissent; nec mora, mox contra eos movit exercitum.

CHAPITRE XXXII.

Ensuite on élut pour roi Valia, guerrier aussi brave que prudent : c'était déjà le quatrième depuis Alaric. L'empereur Honorius envoya contre lui, avec une armée, Constantin, homme habile dans l'art militaire, et qui s'était illustré dans un grand nombre de combats. Il craignait que Valia ne rompit le traité conclu depuis longtemps avec Athaulfe, et qu'après avoir vaincu les nations qui l'avoisinaient, il ne dressât quelques nouvelles embûches à l'empire. En même temps il voulait délivrer d'une sujétion honteuse sa soeur Placidie. Aussi convint-il avec Constantin que s'il la faisait rentrer dans ses Etats, soit en faisant la paix, soit en faisant la guerre , ou par quelque moyen que ce fût, il la lui donnerait en mariage. Plein d'une joie triomphante à cette promesse, Constantin prit des troupes; et, dans un appareil qui déjà ressemblait presque à celui d'un roi, il se dirigea sur l'Espagne. Valia vint à sa rencontre aux défilés des Pyrénées, avec des forces égales aux siennes. Là des députés furent envoyés de part et d'autre ; et il fut convenu que Valia rendrait Placidie à l'empereur son frère, et qu'il marcherait au secours de l'empire dès que le cas l'exigerait. Or, en ce temps-là un certain Constantin s'était déclaré empereur en Gaule, et avait fait César son fils Constant, de moine qu'il était; mais il ne jouit pas longtemps du pouvoir qu'il avait usurpé. Les Goths et les Romains marchèrent de concert contre lui ; il fut tué à Arles, et son fils à Vienne. Après eux, Jovinus et Sébastien voulurent également usurper l'empire ; mais, comme ils avaient eu la même témérité, ils eurent le même sort. La douzième année de son règne, et à
la même époque où les Romains et les Goths chassèrent les Huns de la Pannonie, dont ceux-ci s'étaient emparés il y avait environ cinquante ans, Valia, voyant que les Wandales avaient eu l'audace de sortir de l'intérieur de la Gaule, où les avait autrefois refoulés Athaulfe, et qu'ils dévastaient tout sur ses frontières, c'est-à-dire en Espagne, mena aussitôt son armée contre eux. Hiérius et Ardaburius étaient alors consuls.

XXXIII.  

Sed Gizericus rex Wandalorum iam a Bonifacio in Africam invitatur (54), qui Valentiniano principi veniens in offensam, non aliter quam se malo reipublicae potuit vindicare. Is ergo suis praecibus eos invitans, per tractum angustum, quod dicitur fretum Gaditanum, et vix septem milibus Africam ab Hispaniis dividit, ostioque maris Tyrrheni Oceani aestum egerit, transposuit. Erat namque Gizericus (55) iam Romanorum clade in urbe notissimus, statura mediocris, et equi casu claudicans, animo profundus, sermone rarus, luxuriae contemptor, ira turbidus, habendi cupidus, ad sollicitandas gentes providentissimus, semina contentionum iacere, odia miscere paratus. Tali Africae rempublicam precibus Bonifacii, ut diximus, invitatus intravit : ubi ad divinitatem, ut fertur, accepta auctoritate diu regnans, ante obitum suum filiorum agmen accitum ordinavit (56), ne inter ipsos de regni ambitione dissensio esset : sed ordine quisque et gradu suo, qui aliis superviveret, id est, seniori suo fieret sequens successor, et rursus ei posterior eius. Quod observantes per annorum multorum spatia, regnum feliciter possedere; nec, quod in reliquis gentibus adsolet, intestino bello foedati sunt, suoque ordine unus post unum regnum suspiciens, in pace populis imperarunt. Quorum ordo iste, ac successio fuit. Primum Gizericus, qui pater et dominus, sequens Hunnericus, tertius Gundamundus, quartus Thrasamundus, quintus Hilderich. Quo, malo gentis suae, Gelimer, immemor atavi praeceptorum, de regno eiecto et interempto, tyrannidem praesumpsit : sed non ei cessit impune quod fecerat. Nam mox Iustiniani imperatoris ultio in eum apparuit, et cum omni genere suo, opibusque, quibus more praedonis incubabat, Constantinopolim delatus per virum gloriosissimum Belisarium, magistrum militum orientalem,  et consulem ordinarium, atque patricium, magnum in Circo populo spectaculum fuit; seramque sui paenitudinem gerens, quum se videret de fastigio regali deiectum, privatae vitae, cui noluit famulari, redactus occubuit. Sic Africa, quae in divisione orbis terrarum tertia pars mundi describitur, centesimo fere anno Wandalico iugo erepta, in libertatem revocata est regni Romani : et quae dudum ignavis dominis, ducibus infidelibus, a rei publicae Romanae corpore gentilis manus abstulerat, sollerti domino et fideli ductore tunc revocata, hodieque congaudet. Quamvis et post haec aliquantulum intestino proelio, Maurorumque infidelitate adtritam se lamentaverit; tamen triumphus Iustiniani imperatoris a Deo sibi donatus, quod inchoaverat ad finem usque perduxit. Sed nobis quid opus est, unde res non exigit, dicere? Ad propositum redeamus. 
Valia siquidem rex Gothorum adeo cum suis in Wandalos saeviebat, ut voluisset eos etiam in Africa persequi; nisi eum casus, qui dudum Alarico ad Africam tendenti contigerat, revocasset (57). Nobilitatus namque intra Hispanias, incruentaque victoria potitus, Tolosam revertitur; Romano imperio, fugatis hostibus, aliquantas provincias, quod promiserat derelinquens, sibique adversa post longum valitudine superveniente, rebus humanis excessit, eo videlicet tempore, quo Berimundus Torismundo patre genitus, de quo in catalogo Amalorum familiae superius diximus, cum filio Witericho ab Ostrogothis, qui adhuc in Scythiae terra Hunnorum oppressionibus subiacebant, ad Vesegotharum regnum migravit. Conscius enim virtutis et generis nobilitate; facilius sibi credens principatum a parentibus deferri, quem heredem regum constabat esse multorum. Quis namque de Amalo dubitaret, si vacasset elegere? sed nec ipse adeo voluit quis esset ostendere. Et illi iam post mortem Valiae Theodericum ei dedere successorem, ad quem veniens Berimud, animi pondere, quo valebat, eximiam generis sui amplitudinem commoda tacitumitate suppressit : sciens regnantibus semper de regali stirpe genitos esse suspectos. Passus est ergo ignorari, ne faceret ordinanda confundi. Susceptusque cum filio suo a rege Theodorido honorifice nimis, adeo ut nec consilio suo expertem, nec convivio faceret alienum, non tantum pro generis nobilitate, quam ignorabat, sed pro animi fortitudine et robore mentis, quam non poterat occultare.

CHAPITRE XXXIII.

Vers ce temps Gizéric, roi des Wandales, fut appelé en Afrique par Boniface, qui, étant tombé dans la disgrâce de Valentinien, ne trouva le moyen de se venger de l'empereur qu'au détriment de l'empire. Ce fut donc à sa prière que les Wandales passèrent en Afrique , où il les fit entrer par l'étroit passage appelé le détroit de Gadès, lequel sépare l'Afrique de l'Espagne sur une largeur d'environ sept milles, et porte les eaux de l'Océan dans la mer de Tyrrhène. Gizéric était déjà fort connu à Rome par le mal qu'il avait fait aux Romains. Sa taille était moyenne, et une chute de cheval l'avait rendu boiteux. Profond dans ses desseins, parlant peu, méprisant le luxe, colère à en perdre la raison, avide de richesses, plein d'art et de prévoyance pour solliciter les peuples; infatigable à semer des germes de division, à confondre les haines, tel il envahit l'Afrique, se rendant, comme nous l'avons dit, aux prières de Boniface. On rapporte qu'après y avoir régné longtemps avec l'autorité d'un dieu, il assembla autour de lui, avant sa mort, ses nombreux enfants, et fit ses dispositions pour que l'ambition de régner ne suscitât entre eux aucune dissension. Le survivant , les autres venant à mourir, devait par ordre et à son degré succéder immédiatement à son aîné, et à celui-là pareillement celui qui venait après lui. Ils observèrent cette règle pendant un long espace de temps, et régnèrent heureusement. Ils ne se souillèrent point de guerres intestines, comme il arrive chez les autres nations; mais, montant l'un après l'autre sur le trône chacun à son tour, ils gouvernèrent en paix les peuples. Voici dans quel ordre ils se succédèrent: d'abord Gizéric, qui fut leur seigneur et père; après lui Hunnéric; le troisième fut Gundamund, le quatrième Transamund, le cinquième Hildéric. Pour le malheur de sa nation, Gélimer, oubliant les préceptes de son aïeul, renversa le dernier du trône, le fit périr, et usurpa le pouvoir. Mais son action ne demeura point impunie; car sur lui éclata la vengeance de l'empereur Justinien. Le très glorieux Bélisaire, maître de la milice d'Orient , consul ordinaire et patrice, l'emmena à Constantinople lui, ses enfants et ses richesses, dont, tel qu'un pirate, il ne se séparait jamais. Il y fut en grand spectacle au peuple dans le cirque; et, quoique touché d'un tardif repentir en se voyant renversé du faite de la royauté, il ne voulut point se plier à la vie obscure à laquelle il était réduit, et mourut. Ainsi l'Afrique, qui dans la division de la terre forme: la troisième partie du monde, fut affranchie du joug des Wandales après un espace d'environ cent ans, et rendue à l'empire romain et à son ancienne liberté; et cette contrée, que, sous de lâches maîtres et des généraux infidèles, avait jadis été détachée du corps de l'empire une armée païenne, y fut de nouveau réunie alors sous un prince habile et un fidèle général ; et la joie de sa délivrance dure encore. Il est vrai que plus tard elle a eu quelque temps à souffrir d'une guerre intestine et de la perfidie des Maures. Néanmoins, ce qu'avait commencé la victoire dont Dieu favorisa l'empereur Justinien a fini par avoir une bonne issue. Mais pourquoi raconter des choses étrangères à cette histoire? Revenons à notre sujet. Valia, roi des Goths, était si acharné contre les Wandales, qu'il eût voulu les poursuivre jusqu'en Afrique ; mais les mêmes désastres qu'avait autrefois éprouvés Alaric, quand il avait voulu passer dans cette contrée, l'en empêchèrent. Victorieux cette fois sans que le sang eût coulé, il quitta l'Espagne, où il s'était couvert de gloire, et retourna à Toulouse. Il y tomba malade longtemps après, et mourut, après avoir abandonné à l'empire ro-main, selon sa promesse, quelques provinces dont il avait chassé les ennemis. Ce fut en ce temps que Bérimund, fils de Torismund, le même dont nous avons parlé plus haut, en faisant la généalogie de la famille des Amales, passa dans le royaume des Visigoths avec son fils Witérich, abandonnant les Ostrogoths, alors opprimés en Scythie sous le joug des Huns. Il avait la conscience de son courage et de la noblesse de sa race; et il espérait que ses parents placeraient sur le trône , de préférence à tout autre, le rejeton reconnu d'un grand nombre de rois. Comment hésiter, en effet, à élire un Amale, le trône venant à vaquer? Néanmoins il ne voulut pas faire connaître qui il était; et les Visigoths, aussitôt après la mort de Valia, lui donnèrent Théodéric pour successeur. Bérimund vint auprès de lui; et, avec la réserve qui le distinguait, il garda sagement le silence sur l'élévation de sa naissance, sachant bien que ceux qui règnent regardent toujours avec défiance les descendants de rois. Il se résigna donc à vivre ignoré, pour ne pas troubler l'ordre établi. Le roi Théodérie le reçut lui et son fils avec de grands honneurs , l'admettant à son conseil et le faisant manger à sa table; et ce n'était point à cause de sa noblesse, qu'il ignorait, mais en considération de son courage et de la force qui lui était commune avec sa nation, et qu'il ne pouvait pas cacher.

XXXIV

Defuncto Valia, ut superius quod diximus repetamus, qui parum fuerat felix Gallis, prosperrimus feliciorque Theodoridus successit in regno : homo summa moderatione compositus, animi corporisque virilitate abundans. Contra quem Theodosio, et Festo consulibus (58), pace rupta Romani Hunnis auxiliaribus secum iunctis, in Galliis arma moverunt. Turbaverat namque eos Gothorum foederatorum manus, qui cum Caina comite Constantinopolim se foederasset. Aetius ergo patricius tunc praeerat militibus, fortissimorum Moesiorum stirpe progenitus, in Dorostorena civitate, a patre Gaudentio, labores bellicos tolerans (59), reipublicae Romanae singulariter natus, qui superbam Suevorum, Francorumque barbariem immensis caedibus servire Romano imperio coegisset. Hunnis quoque auxiliariis Litorio ductante, contra Gothos Romanus exercitus movit procinctum, diuque ex utraque parte acie ordinata, cum utrique fortes, et neuter infirmior esset (60), datis dextris, in pristinam concordiam redierunt; foedereque firmato, ab alterutro fida pace peracta, recessit uterque. Qua pacatur Attila, Hunnorum omnium dominus, et paene totius Scythiae gentium solus in mundo regnator, qui erat famosa inter omnes gentes claritate mirabilis. Ad quem in legationem remissus a Theodosio iuniore Priscus, tali voce inter alia refert. Ingentia siquidem flumina, id est, Tysiam, Tibisiamque, et Driccam (61) transeuntes, venimus in locum illum, ubi dudum Vidicula, Gothorum fortissimus, Sarmatum dolo occubuit. Indeque non longe ad vicum, in quo rex Attila morabatur, accessimus : vicum, inquam, ad instar civitatis amplissimae; in quo lignea moenia ex tabulis nitentibus fabricata reperimus, quarum compago ita solidum mentiebatur, ut vix ab intento possie iunctura tabularum comprehendi. Videres triclinia ambitu prolixiore distenta, porticusque in omni decore dispositas. Area vero curtis ingenti ambitu cingebatur, ut amplitudo ipsa regiam aulam ostenderet. Hae sedes erant Attilae regis barbariam totam tenenti : haec captis civitatibus habitacula praeponebat.

CHAPITRE XXXIV.

Valia étant mort  pour revenir à ce que nous avons dit plus haut, son successeur fut Théodéric, homme doué d'une grande énergie et d'une force de corps extraordinaire, mais en même temps d'une modération extrême, et dont le règne fut aussi heureux pour la Gaule que celui de Valia l'avait été peu. Sous le consulat de Théodose et de Festus, les Romains, ayant pour auxiliaires les Huns qui s'étaient joints à eux, rompirent la paix, et marchèrent contre lui dans les Gaules. Ils voulaient venger les désordres commis par une troupe de Goths fédérés qui, à Constantinople, avaient pris parti pour le comte Caina. Le patrice Aétius était alors maître de la milice. Né de Gaudentius, dans la ville de Dorostène, il appartenait à la race belliqueuse des Moesiens. Endurci à toutes les fatigues de la guerre, un tel homme semblait avoir été créé exprès pour soutenir l'empire romain, auquel il avait assujetti naguère les orgueilleux Suèves et les barbares Francs, après leur avoir fait essuyer de sanglantes défaites. C'était Litorius qui commandait les Huns auxiliaires de l'armée romaine qui s'avançait contre les Goths. Quand les deux armées furent en présence, elles restèrent longtemps l'une et l'autre rangées en bataille; mais à la fin, voyant que le courage était égal des deux côtés, et qu'aucune des deux ne l'emporterait, elles se tendirent la main, et la concorde se rétablit; on renouvela l'ancien traité, on se promit mutuellement de garder avec fidélité la paix, et l'on se retira de part et d'autre. Cet accord calma l'irritation d'Attila, chef suprême de tous les Huns, et le premier, depuis que le monde existe, dont la domination ait embrassé la Scythie presque entière. Aussi sa gloire éclatante faisait-elle l'étonnement de tous les peuples. Voici, entre autres choses qui le concernent, ce que rapporte Priseus, envoyé en ambassade auprès de lui par Théodose le Jeune. Après avoir passé de grands fleuves, le Tysias, le Tibisias, la Dricca, nous arrivâmes à l'endroit où jadis le plus brave des Goths, Vidicula , périt par les embûches des Sarmates; et non loin de là nous atteignîmes au village où le roi Attila faisait sa résidence. Je dis un village, mais qui ressemblait à une ville fort grande. Nous y remarquâmes un palais de bois, construit avec des planches polies et brillantes, dont les joints étaient si bien dissimulés, qu'à peine avec beaucoup d'attention pouvait-on les découvrir. On y voyait des salles spacieuses pour les festins, des portiques d'une architecture pleine d'élégance; et la cour du palais, entourée d'une longue palissade, était si vaste, que son étendue seule suffisait pour faire reconnaître l'habitation royale. C'était là la demeure de cet Attila qui tenait sous sa domination toute la barbarie; c'était là le séjour qu'il préférait aux villes conquises.

XXXV

Is namque Attila patre genitus Mundzucco, cuius fuere germani Octar et Roas (62), qui ante Attilam regnum tenuisse narrantur, quamvis non omnino cunctorum. Eorum ipse post obitum, cum Bleta germano Hunnorum successit in regnum; et ut ante expeditioni quam parabat, par foret, augmentum virium parricidio quaerit, tendens ad discrimen omnium nece suorum. Sed librante iustitia detestabili remedio crescens, deformes exitus suae crudelitatis invenit. Bleta enim fratre fraudibus perempto (63), qui magnae parti regnabat Hunnorum, universum sibi populum subiugavit, aliarumque gentium, quas tunc in dicione tenebat, numerositate collecta, primas mundi gentes, Romanos, Vesegothasque, subdere peroptabat. Cuius exercitus quingentorum milium esse numerus ferebatur. Vir in concussionem gentis natus in mundo (64), terrarum omnium metus : qui, nescio qua sorte, terrebat cuncta, formidabili de se opinione vulgata. Erat namque superbus incessu, huc atque illuc circumferens oculos, ut elati potentia ipso quoque motu corporis appareret. Bellorum quidem amator, sed ipse manu temperans, consilio validissimus, supplicantibus exorabilis, propitius in fide semel receptis. Forma brevis, lato pectore, capite grandiori, minutis oculis, rarus barba, canis aspersus, simo naso, teter colore, originis suae signa restituens. Qui quamvis huius esset naturae, ut semper magna confideret, addebat ei tamen confidentiam gladius Martis inventus, sacer apud Scytharum reges semper habitus. Quem Priscus historicus tali refert occasione detectum. Quum pastor, inquiens, quidam (65)gregis unam boculam conspiceret claudicantem, nec causam tanti vulneris inveniret, sollicitus vestigia cruoris insequitur : tandemque venit ad gladium, quem depascens herbas bucula incaute calcaverat, effossumque protinus ad Attilam defert. Quo ille munere gratulatus, ut erat magnanimus, arbitratur se mundi totius principem constitutum, et per Martis gladium potestatem sibi concessam esse bellorum.

CHAPITRE XXXV.

Attila eut pour père Mundzuc, dont les frères Octar et Boas passent pour avoir régné avant lui sur les Huns, mais non pas sur la nation entière. A leur mort, il partagea le trône avec son frère Bléta ; et, afin de se procurer des forces qui pussent seconder ses projets, il devint parricide, et préluda par la mort de ses proches à sa lutte avec le monde. Ses coupables ressources s'accrurent en dépit de la justice, et sa barbarie eut un succès qui fait horreur. Après avoir fait périr dans ses piéges Bléta, son frère, qui régnait sur une grande partie des Huns, il réduisit ce peuple entier sous sou pouvoir; et, ayant réuni un grand nombre d'autres nations qui lui obéissaient, il aspirait à la conquête des deux premiers peuples de l'univers, les Romains et les Visigoths. Son armée était, dit-on, de cinq cent mille hommes. Cet homme était venu au monde pour ébranler sa nation et faire trembler la terre. Par je ne sais quelle fatalité, des bruits formidables le devançaient, et semaient partout l'épouvante. Il était superbe en sa démarche, promenant ses regards deçà et delà autour de lui; l'orgueil de sa puissance se révélait jusque dans les mouvements de son corps. Aimant les batailles , mais se maîtrisant dans l'action; excellent dans le conseil; se laissant fléchir aux prières; bon quand il avait une fois accordé sa protection. Sa taille était courte, sa poitrine large, sa tête forte. De petits yeux, la barbe clairsemée, les cheveux grisonnants, le nez écrasé, le teint noirâtre, il reproduisait tous les traits de sa race. Bien que naturellement sa confiance en lui-même fût grande et ne l'abandonnât jamais, elle s'était encore accrue par la découverte du glaive de Mars, ce glaive pour lequel les rois des Scythes avaient toujours eu de la vénération. Voici, au rapport de Priscus, comment se fit cette découverte : « Un pâtre, dit-il, voyant boiter une génisse de son troupeau, et ne pouvant imaginer ce qui l'avait ainsi blessée, se mit à suivre avec sollicitude la trace de son sang. II vint jusqu'au glaive sur lequel la génisse en broutant avait mis le pied sans le voir, et l'ayant tiré de la terre, il l'apporta à Attila. Celui-ci, fier de ce don, pensa, dans sa magnanimité, qu'il était appelé à être le maître du monde, et que le glaive de Mars mettait en sa main le sort des batailles. »

XXXVI

Huius ergo mentem ad vastationem orbis paratam comperiens Gizericus, rex Wandaiorum, quem paulo ante memoravimus, multis muneribus ad Vesegotharum bella praecipitat : metuens ne Theodoridus Vesegotharum rex filiae suae ulcisceretur iniuriam, quae Hunerico Gizerici filio iuncta, prius quidem tanto coniugio laetaretur : sed postea, ut erat ille et in sua pignora truculentus, ob suspicionem tantummodo veneni ab ea parati, naribus abscissis, truncatisque auribus, spolians decore naturali, patri suo ad Gallias remiserat; ut turpe funus miseranda semper offerret; et crudelitas, qua etiam moverentur externi, vindictam patris efficacius impetraret. Attila igitur dudum bella concepta Gizerici redemptione parturiens, legatos in Italiam ad Valentinianum principem misit (66), serens Gothorum Romanorumque discordiam; ut, quos proelio non poterat concutere, odiis internis elideret : adserens, se reipublicae eius amicitias in nullo violare, sed contra Theoderidum Vesegotharum regem sibi esse certamen, unde cum excipi libenter optaret. Caetera epistolae usitatis salutationum blandimentis oppleverat, studens fidem adhibere mendacio. Pari etiam modo ad regem Vesegotharum Theodericum erigit scriptum, hortans ut a Romanorum societate discederet, recoleretque proelia, quae paulo ante contra eum fuerant concitata sub nimia feritate. Homo subtilis, antequam bella gereret, arte pugnabat. Tunc Valentinianus imperator ad Vesegothas, eorumque regem Theoderidum in his verbis legationem direxit (67) : « Prudentiae vestrae est, fortissimi gentium, adversus urbis conspirare tyrannum, qui optat mundi generale habere servitium, qui causas proelii non requirit, sed quicquid commiserit hoc putat esse legitimum. Ambitum suum brachio metitur, superbia licentiam satiat; qui ius fasque contemnens, hostem se exhibet naturae. cunctorum. Etenim meretur hic odium, qui in commune omnium se approbat inimicum. Recordamini, quaeso, quod certe non potest oblivisci. Ab Hunnis casus est, fusus : sed quod graviter agit, insidiis agit appetitum. Unde, ut de nobis taceamus, potestis hanc inulti ferre superbiam? Armorum potentes, favete propriis doloribus, et communes iungite manus. Auxiliamini etiam reipublicae, cuius membrum tenetis. Quam sit autem nobis expetenda, vel amplexanda societas, hostes interrogate consilia ». His et similibus legati Valentiniani regem permoverunt Theodoridum. Quibus ille respondit: « Habetis », inquit, «Romani, desiderium vestrum; fecistis Attilam et nobis hostem. Sequimur illum quocumque vocaverit; et quamvis infletur de diversis superbarum gentium victoriis : norunt tamen Gothi confligere cum superbis. Nullum bellum dixerim grave, nisi quod causa debilitat : quando nil triste pavet, cui maiestas arriserit ». Acclamant responso comites ducis, laetum sequitur vulgus. Fit omnibus ambitus pugnae, hostes iam Hunni desiderantur. Producitur itaque a rege Theodorido Vesegotharum innumerabilis multitudo : qui quattuor filiis domi dimissis, id est Friderico, et Turico, Rotmero, et Himnerit, secum tantum Thorismud, et Theodericum maiores natu participes laboris assumit. Felix procinctus, auxiliantium suave collegium habere, et solacia illorum, quos delectat ipsa etiam simul subire discrimina. A parte vero Romanorum tanta patricii Aetii providentia fuit (68), cui tunc innitebatur respublica Hesperiae plagae, ut undique bellatoribus congregatis, adversus ferocem et infinitam multitudinem non impar occurreret. His enim adfuere auxiliares Franci, Sarmatae, Armoriciani, Litiiani, Burgundiones, Saxones, Riparii, Ibriones (69), quondam milites Romani, tunc vero iam in numero auxiliarium exquisiti, aliaeque nonnullae Celticae vel Germanicae nationes. Convenitur itaque in campos Catalaunicos, qui et Mauricii nominantur, centum leugas (70), ut Galli vocant, in longum tenentes, et septuaginta in latum. Leuga autem Gallica mille et quingentorum passuum quantitate metitur. Fit ergo area innumerabilium populorum pars illa terrarum. Conferuntur acies utraeque fortissimae; nihil subreptionibus agitur, sed aperto Marte certatur. Quae potest digna causa tantorum motibus inveniri? Aut quod odium in se cunctos animavit armari? Probatum est humanum genus regibus vivere : quando unius mentis insano impetu strages sit facta populorum; et arbitrio superbi regis momento deiicitur, quod tot saeculis natura progenuit.

CHAPITRE XXXVI.

Gizéric, roi des Wandales, le même dont nous avons parlé plus haut, découvrant dans Attila ce penchant qui le portait à ravager le monde, l'entraîna par de grands présents à faire la guerre aux Visigoths. Il craignait la vengeance de Théodéric leur roi, pour l'indigne traitement qu'il avait fait souffrir à sa fille. Celle-ci, mariée à Hunéric, fils de Gizéric, avait d'abord trouvé le bonheur dans une alliance si élevée; mais dans la suite Gizéric, dont le caractère cruel n'épargnait pas même ses enfants, sur le simple soupçon qu'elle avait voulu l'empoisonner, l'avait renvoyée à son père dans les Gaules, après l'a-voir dépouillée de sa beauté naturelle en lui faisant couper le nez et les oreilles, condamnant ainsi cette infortunée à porter éternellement la marque de son hideux supplice. Mais cet excès de barbarie, capable de soulever même les étrangers, ne devait rendre que plus inévitable la vengeance d'un père. Attila, gagné par Gizéric, se résolut donc à faire éclore cette guerre, qu'il couvait depuis longtemps. Il envoya des députés à l'empereur Valentinien en Italie, pour semer la dis-corde entre les Goths et les Romains. Son but était d'épuiser par des divisions intestines ceux qu'il ne pouvait vaincre par les armes. Il protestait qu'il ne voulait nullement rompre l'amitié qui l'unissait à l'empire; que c'était une guerre entre lui et Théodéric, roi des Visigoths, à laquelle il désirait de bon coeur que Valentinien restât étranger. Il avait rempli la fin de sa lettre, comme de coutume, de salutations flatteuses, s'étudiant à donner à son mensonge l'apparence de la vérité. Il écrivit une lettre semblable à Théodéric, roi des Visigoths, l'engageant à abandonner l'alliance des Romains, et à se rappeler la guerre que ces derniers lui avaient faite peu de temps avant avec tant d'acharnement. Cet homme rusé combattit par l'artifice avant de combattre par les armes. Alors l'empereur Valentinien envoya aux Visigoths et à leur roi Théodéric des ambassadeurs, qui leur parlèrent en ces termes : « Il est de votre prudence, ô le plus vaillant des hommes, de vous unir à nous contre ce tyran de Rome, qui aspire à réduire en servitude le monde entier, sans s'enquérir des motifs qu'il peut avoir de faire la guerre, et tenant pour légitime tout ce qu'il fait. Son bras trace un cercle autour de lui, et la licence trouve toujours grâce devant son orgueil. Il méprise toute justice, et se pose en ennemi du genre humain : haine donc à celui qui se fait gloire de haïr indistinctement tous les hommes! Rappelez-vous, de grâce, et certes il est impossible de l'oublier, rappelez-vous que les Huns sont venus nous attaquer. Mais ce n'est pas là ce qui rend Attila dangereux ; ce sont les pièges qu'il tend pour venir à bout de ses desseins. D'ailleurs, sans parler de nous, comment pouvez-vous laisser tant d'orgueil impuni? Ah ! venez en aide à nos douleurs, vous dont les armes sont redoutées ; unissez vos bras aux nôtres, secourez l'empire, cet empire dont vous possédez vous-mêmes une portion. Quant à nous, que notre désir autant que notre intérêt nous commandent de nous unir étroitement à vous, les conseils de notre ennemi vous le disent assez. » Par ce discours et d'autres semblables les ambassadeurs de Valentinien entraînèrent le roi Théodéric. Il leur répondit :
« Voilà vos désirs satisfaits, Romains ; vous nous avez rendus, nous aussi, ennemis d'Attila. Nous le poursuivrons partout où nous appellera sa présence, et, bien que ses victoires sur plusieurs puissantes nations l'aient enflé d'orgueil, les  Goths savent pourtant combattre les superbes. Il n'y a, croyez-moi, de guerre à redouter que celle qui manque d'un motif légitime; mais nul revers n'est à craindre à qui peut compter sur la protection du ciel. » A cette réponse du chef, les compagnons poussent des acclamations; la foule transportée les imite. Le désir de combattre s'empare de tous; on brûle déjà d'en venir aux mains avec les Huns. Le roi Théodéric se met donc à la tête d'une multitude innombrable de Visigoths ; et, laissant dans son palais quatre de ses fils, savoir, Fridéric, Turic, Rotmer et Himmerit, il n'amène avec lui, pour partager ses fatigues, que les deux ainés Thorismund et Théodéric. Heureuse armure, que d'avoir autour de soi pour auxiliaires et pour soutiens ceux qu'on aime, et pour qui c'est un bonheur de s'exposer aux mêmes dangers que nous! Telle fut, du côté des Romains, la prévoyante activité du patrice Aétius, sur qui s'appuyait alors l'empire d'Occident, qu'ayant rassemblé des guerriers de toute parts , il marcha contre cette formidable multidude d'ennemis, avec des forces qui ne leur étaient pas inférieures. Aux Romains, en effet, se joignirent, comme auxiliaires, des Francs, des Sarmates, des Armoricains, des Litiens, des Burgundes, des Saxons, des Ripuaires, des Ibrions, jadis soldats de l'empire, mais alors appelés seulement comme auxiliaires, et quelques autres nations celtiques ou germaniques. On se rassembla dans les champs Catalauniques, appelés aussi Mauriciens. Ces champs ont cent lieues eu longueur, comme les appellent les Gaulois, et soixante-dix en largeur. Or, la lieue gauloise se compose de quinze cents pas. Voilà donc ce coin du monde devenu l'arène de peuples innombrables. Les deux armées sont en présence; elles sont l'une et l'autre remplies de courage. Rien ne se fait par ruse; c'est à la force ouverte qu'on en appelle. Quelle peut-être la cause de l'agitation de tant de peuples? Quelles haines ont pu les porter à s'armer ainsi les uns contre les autres? Il a été prouvé que l'espèce humaine vivait par ses rois, le jour où l'aveugle emportement d'un seul homme a fait couler le sang des nations, et où la fantaisie d'un monarque orgueilleux a détruit en un moment ce que la nature avait mis tant de siècles à produire.

XXXVII

Sed antequam pugnae ipsius ordinem referamus, necessarium videtur edicere, quae in ipsis bellorum motibus accidere : quia sicut famosum proelium, ita multiplex atque perplexum. Sangibanos namque rex Alanorum metu futurorum perterritus, Attilae se tradere pollicetur, et Aurelianam civitatem Galliae, ubi tunc consistebat, in eius iura transducere (71). Quod ubi Theodoridus et Aetius agnovere, magnis aggeribus eamdem urbem ante adventum Attilae destruunt (72), suspectumque custodiunt Sangibanum, et inter suos anxiliares medium statuunt cum propria gente. Igitur Attila, rex Hunnorum, tali perculsus eventu, diffidens suis copiis, metuit inire conflictum, intusque fugam revolvens ipso funere tristiorem, statuit per haruspices futura inquirere. Qui more solito nunc pecorum fibras, nunc quasdam venas in abrasis ossibus intuentes, Hunnis infausta denuntiant. Hoc tamen quantulum praedixere solacii, quod summus hostium ductor de parte adversa occumberet, relictaque victoria, sua morte triumphum foedaret. Quumque Attila necem Aetii, quod eius motibus obviabat, vel cum sua perditione duceret expetendam, tali praesagio sollicitus, ut erat consiliorum in rebus bellicis exquisitor, circa nonam diei horam proelium sub trepidatione committit, ut si  non secus cederet, nox imminens subveniret. Convenere partes, ut diximus, in campos Catalaunicos.

CHAPITRE XXXVII.

Mais, avant de rendre compte de la bataille, il nous paraît nécessaire de raconter les mouvements qui eurent lieu dans les deux armées ; car cette action fut aussi féconde en accidents et en chances diverses qu'elle est devenue mémorable depuis. Sangiban, roi des Alains, envisageant l'avenir avec terreur, promet de se ranger du côté d'Attila, et de lui livrer la ville gauloise d'Orléans, où il se trouvait alors. Aussitôt que Théodéric et Aétius ont connaissance de ses desseins, ils se rendent maîtres de cette ville au moyen de grands ouvrages de terre, la détruisent avant l'arrivée d'Attila; et, veillant sur Sangiban, devenu suspect, ils le placent, lui et ses Alains, au milieu de leurs auxiliaires. Cependant un événement si grave fit une profonde impression sur le roi des Huns : se défiant de ses troupes, n'osant engager le combat, et roulant déjà dans son esprit la pensée de fuir, extrémité plus cruelle que la mort même, il se décida à consulter ses devins pour connaître l'avenir. Ceux-ci, après avoir observé tantôt les entrailles des victimes, tantôt certaines veines qui apparaissent sur leurs os mis à nu, présagèrent aux Huns de funestes événements. Toutefois, ce qui rendait leurs prédictions un peu moins sinistres, c'est qu'ils annonçaient, comme devant succomber du côté des ennemis, un de leurs chefs suprêmes, destiné à périr avant la victoire des siens, sans jouir d'un triomphe rendu funeste par sa mort. Attila, qui jugeait devoir acheter, même par sa propre ruine, la mort d'Aétius, parce que c'était lui qui entravait ses mouvements, préoccupé de cette prédiction, et accoutumé d'ailleurs à prendre conseil dans les affaires de la guerre, engagea le combat en tremblant, vers la neuvième heure du jour, afin que, s'il était forcé de plier, l'approche (le la nuit vint le secourir. Comme nous l'avons dit, les deux armées se trouvaient alors en présence dans les champs Catalauniques.

XXXVIII.  

Erat autem positio loci  (73) declivi tumore, in modum collis excrescens. Quem uterque cupiens exercitus obtinere, quia loci oportunitas non parvum benificium confert : dextram partem Hunni cum suis, sinistram Romani et Vesegothae cum auxiliariis occuparunt. Relictoque de cacuminis eius iugo certamine, dextrum cornu cum Vesegothis Theodericus tenebat, sinistrum Aetius cum Romanis, conlocantes in medio Sanguibanum, quem superius rettulimus praefuisse Alanis, providentes cautione militari, ut eum, de cuius animo minus praesumebant, fidelium turba concluderent.  Facile namque adsumit pugnandi necessitatem, cui fugiendi imponitur difficultas. E diverso vero fuit Hunnorum acies ordinata, ut in medio Attila cum suis fortissimis locaretur, sibi potius rex hac ordinatione prospiciens; quatenus inter gentis suae robor positus, ab imminenti periculo redderetur exceptus. Cornua vero eius multiplices populi, et diversae nationes, quos dicioni suae subdiderat, ambiebant inter quos Ostrogotharum praeminebat exercitus, Walamire, et Theodemire, et Widemere germanis ductantibus, ipso etiam rege, cui tunc serviebant, nobilioribus; quia Amalorum generis eos potentia inlustrabat; eratque et Gepidarum agmini innumerabili rex ille fortissimus et famosissimus Ardaricus, qui ob nimiam suam fidelitatem erga Attilam eius consiliis intererat. Nam perpendens Attila sagacitatem suam, eum et Walamirem Ostrogotharum regem super caeteros regulos diligebat. Erat namque Walamir secreti tenax, blandus alloquio, dolis gnarus. Ardarich fide et consilio, ut diximus, clarus. Quibus non immerito contra parentes Vesegothas debuit credere pugnaturis. Reliqua autem, si dici fas est, turba regum, diversarumque nationum ductores, ac si satellites, notibus Attilae attendebant, et ubi oculo annuisset, absque aliqua murmuratione cum timore et tremore unusquisque adstabat, aut certe quod iussus fuerat exequebatur. Sed solus Attila rex omnium regum, super omnes et pro omnibus sollicitus erat. Fit ergo de loci, quem diximus, opportunitate certamen. Attila suos dirigit, qui cacumen montis invaderent, sed a Thorismundo et Aetio praeventus est, qui eluctati collis excelsa ut conscenderent, superiores effecti sunt, venientesque Hunnos montis benificio facile turbavere.

CHANTRE XXXVIII.

Sur le terrain incliné du champ de bataille s'élevait une éminence qui formait comme une petite montagne. Chacune des deux armées désirant s'en emparer, parce que cette position importante devait donner un grand avantage à qui s'en rendrait maître, les Huns et leurs alliés en occupèrent le côté droit, et les Romains, les Visigoths et leurs auxiliaires, le côté gauche. Le point le plus élevé de cette hauteur ne fut pas disputé, et demeura inoccupé. Théodéric et ses Visigoths tenaient l'aile droite ; Aétius, la gauche avec les Romains. Ils avaient placé au centre Sangiban, ce roi des Alains, dont nous avons parlé plus haut; et, par un stratagème de guerre, ils avaient pris la précaution d'enfermer au milieu de troupes d'une fidélité assurée celui sur les dispositions duquel ils pouvaient le moins compter; car celui-là se soumet sans difficulté à la nécessité de combattre, à qui est ôtée la possibilité de fuir. Quant à l'armée des Huns, elle fut rangée en bataille dans un ordre contraire; Attila se placa au centre avec les plus braves d'entre les siens. Par cette disposition, le roi des Huns songeait principalement à lui-même, et son but, en se plaçant ainsi au milieu de l'élite de ses guerriers, était de se mettre à l'abri des dangers qui le menaçaient; les peuples nombreux, les nations diverses qu'il avait soumis à sa domination, formaient ses ailes. Entre eux tous se faisait remarquer l'armée des Ostrogoths, commandée par Walamir, Théodémir et Widémir, trois frères qui surpassaient en noblesse le roi même,sous les ordres duquel ils marchaient alors ; car ils étaient de l'illustre et puissante race des Amales. On y voyait aussi, à la têle d'une troupe innombrable de Gépides, Ardaric, leur roi, si brave et si fameux, que sa grande fidélité à Attila faisait admettre par ce dernier à ses conseils. Le roi des Huns avait su apprécier sa sagacité : aussi lui et Walamir, roi des Ostrogoths, étaient-ils de tous les rois qui lui obéissaient ceux qu'il aimait le plus. Walamir était fidèle à garder le secret, d'une parole persuasive, incapable de trahison; Ardaric était renommé pour sa fidélité, comme nous l'avons dit, et pour sa raison. En marchant avec Attila contre les Visigoths leurs parents, l'un et l'autre justifiaient assez sa confiance. La foule des autres rois, si l'on peut ainsi parler, et les chefs des diverses nations, semblables à ses satellites, épiaient les moindres mouvements d'Attila; et dès qu'il leur faisait un signe du regard, chacun d'eux en silence, avec crainte et tremblement, venait se placer devant lui, ou exécutait les ordres qu'il en avait reçus. Cependant le roi de tous les rois, Attila, seul veillait sur tous et pour tous. On combattit donc pour se rendre maître de la position avantageuse dont nous avons parlé. Attila fit marcher ses guerriers, pour s'emparer du haut de la colline; mais il fut prévenu par Thorismund et Aétius, qui, ayant uni leurs efforts pour gravir à son sommet, y arrivèrent les premiers, et repoussèrent facilement les Huns, à la faveur du point élevé qu'ils occupaient.

XXXIX

Tunc Attila, quum videret exercitum causa praecedente turbatum, tali eum ex tempore credit alloquio confirmandum. « Post victorias tantarum gentium (74), post orbem si consistatis, edomitum, ineptum iudicaverim, tamquam ignaros rei verbis acuere. Quaerat hoc aut novus ductor, aut inexpertus exercitus. Nec mihi fas est aliquid vulgare dicere, nec vos oportet audire. Quid autem aliud vos quam bellare consuetum? aut quid forti suavius, quam vindicta manu querere? Magnum munus a natura, animos ultione satiare. Aggrediamur igitur hostem alacres: audaciores sunt semper, qui inferut bellum. Adunatas despicite dissonas gentes. Indicium pavoris est, societate defendi. En ante impetum nostrum terroribus iam feruntur, excelsa quaerunt, tumulos capiunt, et sera paenitudine in campis monitiones efflagitant. Nota vobis sunt, quam sint levia Romanorum arma; primo etiam non dico vulnere, sed ipso pulvere gravantur. Dum inordinate coeunt, et acies testudinemque connectunt. vos confligite praestantibus animis, ut soletis, despicientesque eorum aciem, Alanos invadite, in Vesegothas incumbite. Inde nobis est citam victoriam quaerere, unde se continet bellum. Abscisa autem nervis mox membra relabuntur; nec potest stare corpus, cui ossa subtraxeris. Consurgant animi, furor solitus intumescat. Nunc consilis, Hunni, nunc arma depromite; aut vulneratus quis adversarii mortem reposcat, aut illaesus hostium clade satietur. Victuros nulla tela conveniunt, morituros et in otio fata praecipitant. Postremo cur fortuna Hunnos tot gentium victores adseret, nisi ad certaminis huius gaudia praeparasset? Quis denique Maeotidarum iter aperiret, maioribus nostris tot saeculis clausum ac secretum? Quis adhuc inermibus cedere faciebat armatos? Faciem Hunnorum non poterit ferre adunata collectio. Non fallor eventu, hic campus est, quem nobis tot prospera promiserunt. Primus in hoste tela coiciam. Si quis potuerit Attila pugnante otio ferre, sepultus est ». His verbis accensi, in pugna cuncti praecipitantur.

CHAPITRE XXXIX.

Alors Attila, s'apercevant que cette circonstance avait porté le trouble dans son armée, jugea aussitôt devoir la rassurer, et lui tint ce discours :
« Après vos victoires sur tant de grandes nations, après avoir dompté le monde, si vous tenez ferme aujourd'hui, ce serait ineptie, je pense, que de vous stimuler par des paroles; comme des guerriers d'un jour. De tels moyens peuvent convenir à un chef novice, ou à une armée peu aguerrie : quant à moi, il ne m'est point permis de rien dire, ni à vous de rien écouter de vulgaire. Car qu'avez-vous accoutumé, sinon de combattre? Ou qu'y a-t-il de plus doux pour le brave que de se venger de sa propre main? C'est un grand présent que nous a fait la nature, que de nous donner la faculté de rassasier notre âme de vengeance. Marchons donc vivement à l'ennemi; ce sont toujours les plus braves qui attaquent. N'ayez que mépris pour ce ramas de nations discordantes; c'est signe de peur, que de s'associer pour se défendre. Voyez! même avant l'attaque, l'épouvante déjà les entraîne; elles cherchent les hauteurs, s'emparent des collines, et, dans leurs tardifs regrets, sur le champ de bataille elles demandent avec instance des remparts. Nous savons par expérience combien peu de poids ont les armes des Romains; ils succombent, je ne dis pas aux premières blessures, mais à la première poussière qui s'élève. Tandis qu'ils se serrent sans ordre, et s'entrelacent pour faire la tortue, combattez, vous, avec la supériorité de courage qui vous distingue, et, dédaignant leurs légions, fondez sur les Alains, précipitez-vous sur les Visigoths. Ce sont ceux qui entretiennent la guerre qu'il nous faut tâcher de vaincre au plus tôt. Les nerfs une fois coupés, les membres aussitôt se laissent aller; et le corps ne peut se soutenir si on lui arrache les os. Que votre courage grandisse, que votre fureur monte et éclate. Huns, voici le moment d'apprêter vos armes, voici le moment aussi de vous montrer résolus, soit que blessés vous demandiez la mort de votre ennemi, soit que sains et saufs vous ayez soif de carnage. Nuls traits n'atteignent ceux qui doiveut vivre, tandis que, même dans la paix, les destins précipitent les jours de ceux qui doivent mourir. Enfin, pourquoi la fortune aurait-elle assuré les victoires des Huns sur tant de peuples, sinon parce qu'elle les destinait aux joies de cette bataille ? Et encore qui a ouvert à nos ancêtres le chemin des Palus-Méotides, fermé et ignoré pendant tant de siècles ? Qui faisait fuir des peuples armés devant des hommes qui ne l'étaient pas ? Non, cette multitude rassemblée à la hâte ne pourra pas même soutenir la vue des Huns. L'événement ne me démentira pas; c'est ici le champ de bataille qui nous avait été promis par tant d'heureux succès. Le premier je lancerai mes traits à l'ennemi. Que si quelqu'un pouvait rester oisif quand Attila combattra, il est mort. » Enflammés par ces paroles tous se précipitent au combat.

XL

Et quamvis haberent res ipse formidinem, praesentia tamen regis cunctationem haerentibus auferebat. Manu manibus congrediuntur; bellum atrox, multiplex, immane, pertinax, cui simile nulla usquam narrat antiquitas; ubi talia gesta referantur, ut nihil esset, quod in vita sua conspicere potuisset egregius, qui huius miraculi privaretur aspectu. Nam si senioribus credere fas est, rivulus memorati campi humili ripa prolabens, peremptorum vulneribus sanguine multo provectus, non auctus imbribus, ut solebat, sed liquore concitatus insolito, torrens factus est cruoris augmento. Et quos illic coegit in aridam sitim vulnus inflictum, fluenta mixta clade traxerunt: ita constricti sorte miserabili sordebant, putantes sanguinem quem fuderant sauciati. Hic Theodoridus rex, dum adhortans discurreret exercitum, equo depulsus, pedibusque suorum conculcatus, vitam maturae senectute conclusit (75). Alii vero dicunt eum interfectum telo Andagis de parte Ostrogotharum, qui tunc Attilanum sequebautur regimen. Hoc fuit quod Attilae praesagio haruspices prius dixerant, quandam ille de Aetio suspicaret. Tunc Vesegothae dividentes se ab Alanis, invadunt Hunnorum catervas, et pene Attilam trucidassent; nisi providus prius fugisset, et se suosque illico intra septa castrorum, quae plaustris vallata habebat, reclusisset. Quamvis fragili munimentum, tamen quaesierunt subsidium vitae, quibus paulo ante nullus poterat muralis agger obsistere. Thorismud autem, regis Theodoridi filius, qui cum Aetio collem anticipans, hostes de superiore loco proturbaverat, credens se ad agmina propria pervenire, nocte caeca ad hostium carpenta ignarus incurrit. Quem fortiter demicante quidam capite vulnerato equo deiecit, suorumque providentia liberatus, a proeliandi intentione desiit. Aetius vero similiter noctis confusione divisus, quum inter hostes medius vagaretur, trepidus ne quid incidisset adversi Gothis, inquirens, tandemque ad socia castra perveniens, reliquum noctis sentorum defensione transegit. Postera die luce orta, quum cadaveribus plenos campos aspicerent, nec audere Hunnos erumpere; suam arbitrantur esse victoriam, scientesque Attilam, non nisi magna clade confusum, bello confugisse:  quum tamen nil ageret vel prostratus abiectum, sed strepens armis, tubis canebat, incursionemque minabatur : velut leo venabulis praessus, speluncae aditus obambulans, nec audet insurgere, nec desinet fremetibus vicina terrere: sic bellicosissimus rex victores suos turbabat inclusus. Conveniunt itaque Gothi Romanique, et quid agerent is de superato Attila deliberant. Placet eum obsidione fatigari, quia annonae copiam non habebat, quando ab ipsius sagittariis, intra septa castrorum locatis, crebris ictibus arceretur accessus. Fertur autem desperatis rebus praedictum regem adhuc et supremo magnanimem, equinis sellis construxisse pyram, seseque, si adversarii irrumperent, flammis inicere voluisse; ne aut aliquis eius vulnere laetaretur, aut in potestatem hostium tantarum gentium dominus perveniret.

CHAPITRE XL.

Quelque effrayant que fût l'état des choses, néanmoins la présence du roi rassurait ceux qui eussent pu hésiter. On en vint aux mains : bataille terrible, complexe, furieuse, opiniâtre, et comme on n'en avait jamais vu de pareille nulle part. De tels exploits y furent faits, à ce qu'on rapporte, que le brave qui se trouva privé de ce merveilleux spectacle ne put rien voir de semblable durant sa vie : car, s'il faut en croire les vieillards, un petit ruisseau de cette plaine, qui coule dans un lit peu profond, s'enfla tellement, non par la pluie, comme il lui arrivait quelquefois, mais par le sang des mourants, que, grossi outre mesure par ces flots d'une nouvelle sorte, il devint un torrent impétueux qui roula du sang; en sorte que les blessés qu'amena sur ses bords une soif ardente y puisèrent une eau mêlée de débris humains , et se virent forcés, par une déplorable nécessité, de souiller leurs lèvres du sang que venaient de répandre ceux que le fer avait frappés. Pendant que le roi Théodéric par-courait son armée pour l'encourager, son cheval le renversa; et les siens l'ayant foulé aux pieds, il perdit la vie, déjà dans un âge avancé. D'autres disent qu'il tomba percé d'un trait lancé par Andax du côté des Ostrogoths, qui se trouvaient alors sous les ordres d'Attila. Ce fut l'accomplissement de la prédiction faite au roi des Huns peu de temps avant par ses devins, bien que celui-ci conjecturât qu' elle regardait Aétius. Alors les Visigoths, se séparant des Alains, fondent sur les bandes des Huns; et peut-être Attila lui-même serait-il tombé sous leurs coups, s'il n'eût prudemment pris la fuite sans les attendre, et ne se fût tout d'abord renfermé, lui et les siens, dans son camp, qu'il avait retranché avec des chariots. Ce fut derrière cette frêle barrière que cherchèrent un refuge contre la mort ceux-là devant qui naguère ne pouvaient tenir les remparts les plus forts. Thorismund, fils du roi Théodérie, et le même qui s'était emparé le premier de la colline avec Aétius et en avait chassé les Huns, croyant retourner au milieu des siens , vint donner à son insu, et trompé par l'obscurité de la nuit, contre les chariots des ennemis; et, tandis qu'il combattait bravement, quelqu'un le blessa à la tête, et le jeta à bas de son cheval ; mais les siens qui veillaient sur lui le sauvèrent, et il se retira du combat. Aétius, de son côté, s'étant également égaré dans la confusion de cette nuit, errait au milieu des ennemis, tremblant qu'il ne fût arrivé malheur aux Goths. A la fin il retrouva le camp des alliés après l'avoir longtemps cherché, et passa le reste de la nuit à faire la garde derrière un rempart de boucliers. Le lendemain, dès qu'il fut jour, voyant les champs couverts de cadavres, et les Huns qui n'osaient sortir de leur camp, convaincus d'ailleurs qu'il fallait qu'Attila eût éprouvé une grande perte, pour avoir abandonné le champ de bataille, Aétius et ses alliés ne doutèrent plus que la victoire ne fût à eux. Toutefois, même après sa défaite, le roi des Huns gardait une contenance fière ; et, faisant sonner ses trompettes au milieu du cliquetis des armes, il menaçait de revenir à la charge. Tel un lion, pressé par les épieux des chasseurs, rôde à l'entrée de sa caverne ; il n'ose pas s'élancer sur eux, et pourtant il ne cesse d'épouvanter les lieux d'alentour de ses rugissements; tel ce roi belliqueux, tout assiégé qu'il était, faisait encore trembler ses vainqueurs. Aussi les Goths et les Romains s'assemblèrent-ils pour délibérer sur ce qu'ils feraient d'Attila vaincu; et comme on savait qu'il lui restait peu de vivres, et que d'ailleurs ses archers, postés derrière les retranchements du camp, en défendaient incessamment l'abord à coups de flèches, il fut convenu qu'on le lasserait en le tenant bloqué. On rapporte que, dans cette situation désespérée, le roi des Huns, toujours grand jusqu'à l'extrémité, fit dresser un bûcher formé de selles de chevaux, prêt à se précipiter dans les flammes si les ennemis forçaient son camp ; soit pour que nul ne pût se glorifier de l'avoir frappé, soit pour ne pas tomber lui, le maître des nations, au pouvoir d'ennemis si redoutables.


NOTES SUR L'HISTOIRE DES GOTHS.
.

CHAPITRE XXII.

(1) Dexippo historico referente, etc. Le texte grec du passage de Dexippe, que cite ici Jornandès, a péri.

(2) Marisia, Miliare, et Gilfil, et Grissia. Le Marisia est le Maris d'Hérodote, le Marisius de Strabon, le Marus des auteurs latins , aujourd'hui le Maros; le Miliare, le Gilfil, sont inconnus; quant au Grissia ou Gresia, comme l'écrit le géographe de Ravenne, IV, 14, ce que dit Jornandès, qu'il dépasse les trois autres en grandeur, auto rise à croire qu'il a voulu désigner le Körös ou Koeroes ; car, après la Theiss, que Jornandès connaît bien sous le nom de Tisianus ou de Tysia, le Körös est, avec le Maros, une des plus grandes rivières de l'ancienne Dacie.

(3Per XL annos plus minus. La date de la défaite des Van dales et de leur établissement dans la Pannonie est incertaine, mais elle est antérieure à l'an 337, époque de la mort de Constantin. Quant à leur entrée en Gaule, elle eut lieu incontestablement l'an 406. L'intervalle compris entre ces deux dates est de soixante-neuf ans ; il n'est donc pas douteux, bien que Jornandès n'ait voulu indiquer cet intervalle que par approximation, plus minus, que le chiffre LX que portent quelques éditions ne doive être préféré au chiffre XL.

CHAPITRE XXIII.

(4) Qui multas et bellicosissimas arctoas gentes perdomuit.  Ammien Marcellin parle aussi, mais en ternies géné raux, des conquêtes et du vaste empire d'Ermanaric.... Er menrichi late patentes et uberes pagos... bellicosissimi regis, et permulta variaque fortiter facta vicinis nationibus formidati. XXXI. Gibbon commente et traduit ce chapitre de Jornandès, dans son Histoire de la décadence et de la chute de l'emp. rom., chap. xxv.

(5) Gothos, Scythas, Thuidos in Aunxis, Vasinabroncas, Merens, Mordensimnis, Caris, Rocas, Tadzans, Athual, Navego, Bubegentas, Coldas. Les Goths nommés en tête de cette liste étaient sans doute moins avancés vers le midi que les Ostrogoths et les Visigoths, et n'avaient fait partie, jusqu'au temps d'Ermanaric, d'aucune de ces deux grandes branches de la nation gothique. Les Scythes, que Jornandès ne confond plus avec les Goths, étaient peut-être un débris de l'ancienne race scythique, toujours asservie depuis longtemps àdes nations étrangères. A l'exception de ces deux noms, aucun de ceux qu'on vient de lire ne figure dans l'histoire ni avant ni après Jornandès; on en est donc réduit à des conjectures, dont encore les plus probables ne sont fondées que sur la ressemblance souvent trompeuse de ces noms avec ceux de la géographie moderne : ainsi le mot Thuidi pourrait être la modification latine de celui de Tchoudes; les Merens devraient être placés sur les bords du Merecz, en Lithuanie; les Morden-Simnis ou Morden-Simnis (la dernière moitié de ce nom est un mot slavon qui signifie pays) seraient les Morduins; les Caris seraient les Kors de Nestor ( Chron., ch. 1) et les Courlandais de nos jours ; les Coldes devraient être placés également dans la Courlande, autour de la ville de Koldiga ou Goldiugen. Quant aux autres nations désignées sous les noms de Vasinabroncae, de Rocae, de Tadzans, etc., elles ont échappé jusqu'à présent à toutes les recherches.

(6) Juxta Maetidos paludes habitans in locis stagnan tibus, quos Graeci Ele vocant, Heruli nominati sunt. Les Hérules, que Dexippe et Etienne de Byzance appellent Hélures Ἔλουροι, peut-être pour se conformer à l'étymologie chimérique rapportée ici par Jornandès d'après Ablavius, avaient été chassés de la Scandinavie par les Danois, à une époque qu'il est impossible de préciser. Ils étaient déjà établis dans les environs des Palus-Méotides du temps de Claude II, puisqu'ils figurent parmi les nations qui passèrent alors le Danube, après s'être rassemblées à l'embouchure du Tyras , et sur lesquelles Claude, l'an 269 , remporta dans la Moesie cette grande victoire qui lui valut le surnom de Gothique. Voy. Trebellius Pollio, Div. Claud., VI, viii; Zosime, lib. i, cap. xi.

(7) Venetos...Aestrorum nationem. Sur les Venetes et les Aestri, voy. le chap. v et les notes du même chapitre.

CHAPITRE XXIV.

(8Ut refert Orosius. Voici le passage d'Orose, auquel Jornandès fait ici allusion : Tertio auteur anno imperii Valentis, hoc est parvo tempore posteaquam Valens per totum orientent ecclesiarum lacerationes, sanctorumque sedes egerat, radix illa miseriarum nostrarum copiosissimos simul frutices germinavit, siquidem genus Hunnorum dia inaccessis seclusa montibus, repentina rabie per cita exarsit in Gothos, eosque sparsim conturbatos ab antiquei sedibus expulit. Lib. VII, cap. xix.

(9Quas patrio sermone Aliorumnas is ipse cognominat. Ces derniers mots pourraient faire supposer que Jornandès fait ici allusion à quelque chant populaire des Goths attribué peut-être à Filimer, où dans lequel, selon plus d'apparence, l'auteur, quel qu'il fût, avait mis en scène et faisait parler ce roi des Goths. Ce qui semblerait donner quelque poids à cette conjecture, c'est que dans le chap. iv, où Jornandès raconte l'entrée des Goths eu Scythie, sous la conduite de ce même Filimer, il cite les anciennes poésies des Goths, comme une des sources auxquelles il a emprunté son récit, quemadntodum et in priscis eorum carminibus.... recolitur. Relativement aux Aliorumnas, voy. le Gloss. de Du Cange, nouvelle édit., et les ouvrages dont les titres y sont cités.

(10Ut Priscus historicus refert. Le texle grec du passage de Priscus rapporté ici par Jornandès a péri.

(11) Hujus ergo (ut assolent) venatores, etc. Procope, De bell. Gothic., IV, 5, raconte aussi le passage des Huns en Europe; et son récit est si conforme à celui de Jornandès, qu'il est probable qu'ils avaient puisé l'un et l'autre à la même source , apparemment dans la partie des écrits de Priscus que nous n'avons plus. Voy. encore Zosime, lib. IV, cap. xx, et Sozomène, VI, 37.

(12) Alipzuros, Alcidzuros, Itamaros, Tuncassos et Boiscos. Ce sont les Amilzures, les ltamares, les Tonosures et les Boïsques, établis du temps de Priscus au bord du Danube. Priscus, ln excerpt. de legat.

(13) Alanos quoque. Sur les Alains, voy. Amm. Marcell., XXXI. On est incertain sur la famille dans laquelle on doit les classer, quoique Procope, De bell. Vandal., I, 3, et De bell. Gothic., I, 1, assure qu'ils étaient de race gothique. Ils erraient entre le Caucase, le Tanaïs, la mer Caspienne et le Pont-Euxin, quand les Huns les entrainèrent en Europe. Mais déjà, au premier siècle de notre ère, ils y avaient jeté des essaims. Denys le Périégète et Pline connaissent des Alains voisins du Danube. Entrés dans l'histoire lors des invasions des barbares, les Alains allèrent s'éteindre en Espagne.

(14) Eo quod erat eis species pavenda nigredine, etc. Ce portrait des Huns est curieux, même après celui qu'Ammien, XXXI, nous en a laissé; on y retrouve cependant plusieurs traits évidemment empruntés à ce dernier et à Sidoine Apollinaire, Panegyr. Anthemii, V, 243-269.

(15) Ermanaricus defunctus est. Ermanaric se donna la mort, suivant Ammien, lib. XXXI, cap. III... Magnorum discriminum metum voluntaria morte sedavit.

CHAPITRE XXV.

(16) Danubium transmeantes. Ammien Marcellin, XXXI, 4 ; Eunape, Excerpt. de legat., et Zosime, lib. 1V , cap. xx , nous ont laissé le récit détaillé du passage du Danube, et suppléent ici au laconisme de Jornandès.

CHAPITRE XXVI.(17)  

(18 Fridigernus, Alatheus et Safrach. Après la mort d'Ermanaric, les Ostrogoths élurent pour lui succéder Vithimir. Celui-ci livra aux Huns plusieurs combats malheureux, dans l'un desquels il fut tué. Snn fils Vidéric, étant encore trop jeune pour le remplacer, vécut sous la tutelle d'Alathéus et de Saphrax, chefs expérimentés et d'une bravoure éprouvée, qui prirent le commandement de l'armée. Ammien Marcell., XXXi, 3, 4. Quant à Fridigerne, il était, avec un autre chef nommé Alavivus , à la tête de la tribu visigothe des Thervinges. Amm. Marcell., XXXI, 4.5.

(19) Lupicino Maximoque Romanorum ducibus. Amm. Marcell., XXXI, 4 : Lupicinus et Maximus, alter per Thracias comes, dux alter exitiosus, ambo aemulae temeritatis. Quorum insidiatrix aviditas materia malorum omnium fuit.

(20)  Verum etiam canum. Ce que dit ici Jornandès est confirmé par Ammien, XXXI, 4.... et quantos undique insatiabilitas colligere potuit canes, singulis dedere mancipiis, inter quae (et filii) ducti sunt optimatum. C'est donc à tort que Gibbon ( Hist. de la décad., etc., chap. xxvi, en note) accuse le premier de laisser percer ici les passions et les préjugés d'un Goth. Comment d'ailleurs Jornandès aurait-il pu laisser percer les passions et les préjugés d'un Goth, puisque, suivant le même Gibbon (ibid., dans une autre note), il n'aurait fait que copier dans ce chapitre l'un de ceux que l'historien anglais appelle des Splendidi panni, les histoires plus complètes de Priscus, Ablavius et Cassiodore? Les reproches qu'il adresse dans la même note à Eunape et à Zosime ne sont pas mieux fondés.

(21) Contigit enim illo sub tempore aerumnoso, etc. A quelques circonstances près, le récit des événements qui suivent, tels que le repas donné à Fridigerne, le massacre des Goths qui l'accompagnaient, sa sortie de la salle du festin, est assez conforme à celui d'Ammien, XXXI, 4.
Vincentibus Gothis, in quodam proedio juxta Hadrianopolim.... crematus est. Sur la bataille d'Adrianopolis et la mort de Valens, voy. Amm. Marcell., XXXI, 12, 13. La réflexion dont Jornandès fait suivre le récit de cette mort est d'Orose, lib. Vil , cap. xix : Itaque, justo Dei judicio, ipsi (Gothi) eum vivum incenderunt, qui propler eum etiam mortui vitio erroris arsuri sunt. On la retrouve dans Isidore de Séville, Chron. Gothor., qui l'a prise d'Orose ou de Jornandès.

CHAPITRE XXVII.

(22) Sed Theodosium ab Hispania Gratianus... electum... in orientale principatu subrogat. Valens ayant fait mourir le père de Théodose, dont les vertus et la gloire lui portaient ombrage, le fils, alors en Moesie, se retira en Espagne, sa patrie. II y cacha sa vie pendant quelques années, jusqu'à ce que les périls toujours croissants de l'empire forçassent Gratien à se souvenir de lui, et à le tirer des humbles travaux de la campagne, pour l'associer quelques mois après à la pourpre.

(23) Fridigernus ad Thessaliam praedandam.... Alatheus vero et Safrach.... Pannoniam petierunt. Zosime, Iib.IV, cap. xxxiv, parle de cette double expédition, dont il gonnait les chefs, Fritigerne, Allathus (Alotheus probablement) et Safrax. Mais il les fait passer, eux et leurs armées, du pays des Celtes dans la Pannonie et la haute Moesie, sans s'inquiéter de la longueur du chemin, et con-fond grossièrement les Goths avec les Germains, et le Rhin avec le Danube.

CHAPITRE XXVIII.

(24) Athanaricum quoque regem.... ad se... in Constantinopolim accedere invitavit. Suivant Zosime, lib. IV, cap. xxxiv, Athanaric se réfugia auprès deThéodose, chassé des lieux qu'il occupait par Fridigerne, Alathée et Safrax, qui, voulant passer dans l'Épire par la Pannonie, et aller piller les cités de la Grèce, ne crurent pas devoir laisser sur leurs derrières un prince capable de faire échouer leur entreprise.

(25Paucis mensibus.... ab hac luce migravit. idace, Chron., et saint Prosper d'Aquitaine, le font mourir quinze jours après son arrivée à Constantinople. Selon ce dernier, il aurait même péri de mort violente, occiditur; mais d'après Zosime, lib. IV, cap. xxxiv, Orose, lib. Vll , cap. xx, Cassiod., Chron., etc , sa mort fut naturelle.

(26) Quem princeps affectionis gratia, etc. Zosime, dont ici le témoignage ne peut être suspect, dit aussi :... Regia sepultura mortuum terrae mandavit, et tantam sane magnificentiam adhibuit, ut tam superbo funere barbaris omnibus obstupefactis Scythae domum redirent, nec Romanos amplius infestarent, bonitatem principes admirati : quotquot autem cum rege defuncto venerant, custodiendae ripae fluminis intenti, diu, quominus incursionibus Romani vexarentur, impedirent. Lib. IV, cap. xxxiv. Voy. encore Orose, lib. VII, cap. xx.

(27Foedarati e quibus imperator contra Eugenium... secunt duxit. Suivant Zozime, lib. IV, cap. LVII-LVIII, les fédérés, auxquels, avant de marcher contre Eugène, Théodose avait donné des chefs de son choix, furent adroitement exposés au premier choc de l'ennemi, et périrent en grande partie.

CHAPITRE XXIX.

(28Stilicone et Aureliano consulibus. Stilicon et Aurélien furent consuls l'an 400 de J. C. Cassiodore, dans sa Chronique, dit aussi, d'après saint Prosper d'Aquitaine : His coss. Gothi, Halarico et Radagaiso regibus, ingrediuntur Italiam. Avant de se jeter sur l'Italie, Alaric avait fait une invasion dans la Grèce. Zosime, lit. V, cap. vi, assure gravement que le roi des Goths étant arrivé devant Athènes, Minerve et Achille lui apparurent pour lui en défendre l'entrée. Il avoue cependant que cette double apparition n'empêcha point Alaric de pénétrer dans la ville, qui fut seulement sauvée du pillage. Jornandès ne dit rien de l'invasion de la Grèce ; il ne parle que des expéditions d'Alaric en Italie , et encore d'une manière assez confuse : on peut néanmoins tirer quelque secours de ce chapitre et du suivant.

(29) Pontem Condiniani. Cassiodore, Chron., l'appelle Candidius. Ce fut auprès de ce pont que plus tard Théodoric défit Odoacre.

(30) Eneti, id est laudabiles. Αἰνετός, louable, digne d'éloge. On n'a pas besoin d'avertir que cette étymologie est au moins fort hasardée.

(31) Haec... super mare Ionum constituta. En plaçant Ravenne au bord de la mer Ionienne, Jornandès confirme le témoignage de Procope, Bell. Gothic. 1, 15, cité par le savant M. Letronne dans ses Recherches sur Dicuil, pour prouver qu'au sixième siècle de notre ère le nom de mer Ionienne avait repris l'étendue qu'il avait dans des temps très reculés. S'il était permis de prendre les poètes à la lettre, les vers suivants de Claudien feraient supposer que déjà au cinquième siècle ce nom était remonté jusqu'à l'embouchure de l'Adige :
... Inimicaque corpora volvens
Ionios Athesis mutavit sanguine fluctus.
De sext. consulat. Honor., v. 208-9.

(32) ln modum influentium aquarum redundatione concluditur. S'il faut en croire Zosime, lib. V, cap. xxvii, Ravenne, fondée par les Thessaliens, s'appela d'abord Rhène, Ῥήνη, à cause de sa position au milieu des eaux. Comparez la description de Jornandès avec celle de Zosime et de Procope, de Bell. Gothic., 1, 1.

(33 Septima sui alvei parte mediam influit civitatem. Le Pô se divisait en sept branches avant d'arriver à la mer (Mela, lib. II, cap. iv). Celle qui passait à Ravenne s'appelait fossa Augusta, le canal d'Auguste, parce que ce prince l'avait fait creuser. Elle portait encore le nom de Padusa, et plus anciennement celui de Messanicus. Sa large embouchure formait un port, appelé Vatrenus, à cause du fleuve Vatrenus, qui s'y jetait. Avant le temps de Pline , qui nous apprend tout cela, cette embouchure avait porté le nom d'Éridan et celui d'Ostium spineticum, de la ville de Spina, fondée auprès de cette branche par Diomède, et détruite au temps de Pline. Le canal que Jornandès appelle fossa Asconis était peut-être une des branches creusées anciennement par les Toscans, dont parle Pline, Nat. hist., III, 20.

(34Quod aliquando portus fuerat, spaciosissimos hortos ostendit. Il paraît qu'une partie du port seulement avait été livrée à la culture, et que les vaisseaux pouvaient encore y entrer. Procope, qui écrivait du temps de Jornandès, parle plusieurs fois du port de Ravenne, et notamment dans son histoire de Bell. Gothic., 1I, 29, où il dit que Bélisaire donna l'ordre à sa flotte d'entrer dans le port de Classes. C'est ainsi, ajoute-t-il, que les Romains appellent les faubourgs de Ravenne, où est situé le port.

(35)  Prima Ravenna, ultima Classis, media Caesarea. De ces trois noms, le premier, celui de Ravenne, désignait la ville entière, mais particulièrement l'ancienne cité; le second, Caesarea, le chemin bordé de maisons qui conduisait au port, via Caesaris; le troisième, Classis, le port, parce que la flotte romaine y stationnait jadis. On en fit depuis Chiassi, par corruption. Ravennam paulo post cursu dexteriore subeuntes : quo loci veterem civitalem, novumque portum, media via Caesaris ambigas utrum connectat an separet. Sidon. Apollin., Epist. I, 5. Agathias, 1, 20, parle d'un fort appelé Classes, situé dans les environs de Ravenne, sans doute sur l'emplacement de l'ancien port. Le géographe de Ravenne désigne ces trois quartiers comme trois villes séparées : Ravennam... item civitalem Caesaream, Classis, etc. Lib. IV, p. 205: et lib. V, p. 251. Ravenna, Caesarea classis.

CHAPITRE XXX.

(36)  Ermantiam. Tous les auteurs et Jornandès lui méme, de Regn. ac temp. success., la nomment Thermantia, et c'est probablement ainsi qu'il faut lire.

(37) Hic ergo Stilico ad Polentiam civitatem, etc. Cassiodore dit aussi, dans sa Chronique, que la bataille de Pollentia fut gagnée par les Goths, Polentia Stiliconem cum exercitu romano Gothi vlctum acie fugaverunt. Clandien, de Bell. Getic., et Prudence, Contra Symmach., II, attribuent au contraire la victoire à Stilicon et aux Romains. Ces témoignages contradictoires, et la manière ambiguë dont s'expriment sur l'issue de cette bataille Orose, lib. Vl I, cap. xxv, et saint Prosper, Chron. ap. Script. rer. Franc., t. 1, p. 626, feraient croire qu'elle fut plus sanglante que décisive.

(38) Flaminiaeque aggerem. La voie Flaminia, fondée par Flaminius tué à Trasimène, ou par son fils, et l'une des plus anciennes de Rome, partait de la colonne milliaire, passait sous la porte Flumentane ou Flaminia, traversait l'Étrurie, l'Ombrie et le Picenum, et se terminait à Ariminum (Rimini). Elle avait 222 milles romains de longueur, suivant l'itinéraire d'Antonin, et 194, selon la table de Peutinger. Voy. Bergier, Hist. des grands chemins, etc., liv. I, chap. viii; liv. III, chap. xxvii.

(39) Usque ad urbem Romam discurrentes. Pour la marche d'Alaric, comparez Zosime, lib. V, cap. xxxvii, avec Jornandès. C'est une grande erreur, de la part de ce dernier, de supposer que la prise de Rome fut la conséquence de la bataille de Pollentia. Cette balaille se donna l'an 403, et la prise de Rome n'eut lieu qu'en 410. Il se passa, dans l'intervalle de ces deux dates, plusieurs événements importants , dont Jornandès n'a tenu aucun compte.

(40) Spoliant tantum, non autem.... ignem supponunt, nec locis sanctorum in aliquo penitus injuriant irrogari patiuntur. C'est ce que disent plusieurs écrivains, entre autres Orose, lib. VII, cap. xxviii. Celui-ci avoue pourtant. que les Goths brûlèrent quelques édifices, facto aliquantarum aedium incendio.

(41) Quem nimia dilectione lugentes, etc. Le récit des funérailles d'Alaric ne se trouve que dans Jornandès.

CHAPITRE XXXI.

(42) Athaulfo ejus consanguineo. Zosime, lib. V, c. xxxvii, et Olympiodore, Excerpt. de legal., disent qu'Athaulfe était beau-frère d'Alaric, lequel avait épousé sa sœur.

(43Revertens ad Romam, si quid primum remanserat, more locustarum erasit. On a généralement refusé d'admettre, sur la seule autorité de Jornandès, ce second pillage de Rome par Athaulfe. Quelque défiance que doive inspirer son témoignage quand il n'est pas appuyé par d'autres auteurs, il ne serait pourtant pas improbable qu'Athaulfe fût rentré dans cette malheureuse ville restée sans défense depuis le dernier pillage, soit en s'en retournant de la Campanie pour aller s'établir dans l'Italie centrale, soit pendant son séjour dans la Toscane, où les Goths restèrent encore près de deux ans, durant lesquels leur nouveau roi dut avoir bien de la peine à contenir et à réduire à l'inaction une armée dont les succès récents n'avaient fait qu'irriter l'avidité pour le butin et la turbulence naturelle.

(44) ln Foro Livii Oemyliae civitate suo matrinronio copulavit. Tous les auteurs disent que Placidie devint la captive d'Athaulfe lors de la prise de Rome par Alaric; mais ils ne s'accordent point sur le lieu où Athaulfe la prit pour épouse. Ce fut à Forum Livii (Forli), ou, d'après une autre leçon, à Forum Cornelii (Imola), suivant Jornandès. Isidore dit que le mariage se fit dans la Gaule, sans préciser l'endroit. Olympiodore, qui paraît avoir été bien informé, assure que la cérémonie eut lieu à Narbonne, dans la maison d'un des principaux habitants, nommé Ingenius; et son témoignage est confirmé par Idace, Chron. ap. Script. rer. Franc., t.I, p. 615: Athaulfus apud Narbonam Placidiam duxit uxorem, etc.

(45) Hispanorum casu coepit dolere, etc. Jornandès passe sous silence la véritable cause du départ d'Athaulfe pour l'Espagne. Voy. Orose,lib. Vll, cap. xxix, éd. 1524.

(46) Occubuit gladio illo perforato Vernulfi, de cujus solitus erat ridere statura. Olympiodore, in corp. Script. Hist. Byz, pars I, diffère de Jornandès sur les circonstances et les causes de la mort d'Athaulfe, et même sur le nom du meurtrier. II raconte qu'Athaulfe fut assassiné dans ses écuries, où, selon son habitude, il était allé voir ses chevaux, par un certain Dubius (nom qui n'a rien de gothique), lequel étant à son service voulut venger ainsi un roi des Goths, son ancien maître, qu'Athaulfe avait autrefois tué. Idace, Chron., et Isidore, qui le copie en cet endroit, disent qu'Athaulfe fut frappé per quendam Gothum (ils ne le nomment point) apud Barcinonam, inter familiares fabulas. Orose, sans nommer le meurtrier non plus, assure qu'Athaulfe fut tué dolo suorum, tandis que par les conseils de Placidie il offrait et demandait ardemment la paix aux Romains, et fait entendre que ceux des Goths qui voulaient la guerre conspirèrent sa mort. On peut concilier ces trois derniers auteurs, et même jusqu'à un certain point Olympiodore avec Jornandès, en supposant qu'Athaulfe fut à la fois la victime d'un ressentiment particulier et de la haine d'une faction.

(47 Regericus.... suorum fraude peremptus, ocyus vitam cum regno reliquit. Regeric, qu'Orose, VII, 29, appelle Segeric, et Olympiodore, Script. Byz., pars I, Singeric, Σιγγέριχος, ne régna que sept jours, suivant ce dernier, pendant lesquels il fit massacrer les enfants d'Athaulfe, réfugiés dans le sein d'un évêque nommé Sigesar. Le savant M. Fauriel, ordinairement si exact, a commis une légère erreur en supposant (Hist. de la Gaule méridionale, etc., t. I, p. 139) qu'Athaulfe avait eu ces enfants de la soeur d'Alaric. Athaulfe n'avait point épousé la soeur d'Alaric; c'était au contraire Alaric qui avait épousé la soeur d'Athaulfe; Voy. Zosime, V, 37, et Olympiodore, Script. Byz., pars I.

 CHAPITRE XXXII.

(48Rex constituitur Valia, nimis destrictus et prudens. Orose, lib. Vll, sub fin. : Deinde lVallia successit in regnum ad hoc electus a Gothis, ut pacem infringeret, ad hoc ordinatus adeo, ut pacem confirmaret. Isidore de Séville, Chron. Gothor. , dit la même chose en d'autres termes.

(49) Constantinum. Lisez Constantium, Constantius, c'est ainsi que le nomment tous les auteurs ; et voyez son portrait dans Olympiodore, Script. Hist. Byzant., pars I.

(50 Ipse occiditur Arelati. Sans examiner si Constantin périt à Arles, comme le disent, avec Jornandès, Orose et la chronique de Marcellin , ou à trente milles de Ravenne, comme l'assure Olympiodore, il y a ici un anachronisme qu'il importe de relever. Constant fut tué en 410, et Constantin en 411; or à cette époque non seulement Vallia ne régnait pas encore, mais les Goths commandés par Athaulfe n'étaient pas même entrés dans la Gaule, où ils ne passèrent que dans l'année suivante.

(51 Post quos item Jovinus ac Sebastianus.... pari exitio periere. Autre anachronisme. Jovinus et son frère Sébastien usurpèrent l'empire l'an 412, et périrent en 413. Ils furent renversés par Athaulfe et non par Vallia, qui ne régnait pas encore. Voy. Orose, VII, p. 598; Olympiodore, p. 600, et les Chroniques ap. Script. rer. Franc., t.I.

(52) Partibus Galliae.... egressos. La chronique d'Idace, ad an. 417, ne permet pas de douter qu'il ne faille lire ici Galiciae au lieu de Galliae.

(53) Eo tempore quo Hierius et Ardaburius consules extitiissent. Vallia mourut en 419 : il ne put donc pas marcher contre les Vandales sous le consulat d'Hierius et d'Ardaburius, qui n'eut lieu qu'en 427. Jornandès le fait régner beaucoup trop longtemps, quand il suppose qu'il attaqua les Vandales la douzième année de son règne. Suivant Idace, Chron., et Isidore de Séville, Chron. Gothor., Vallia ne régna que trois ans.

CHAPITRE XXXIII.

(54). A Bonifacio in Africam invitatur. Relativement au caractère de Boniface, voy. Olympiodore, qui l'appelle ἀνὴρ ἡρωῖκος, ap. Script. Byzant., pars I. Procope, De bell. Vandal., 1, 3, en fait aussi l'éloge, et explique les motifs qui le portèrent à livrer l'Afrique aux Vandales.

(55) Erat namque Gizericus, etc. Ce portrait, aussi remarquable par la fidélité que par le mérite littéraire, fait vivement regretter la perle de l'original auquel Jornandès l'a emprunté, car il n'est certainement pas de lui : on y reconnaît une main beaucoup plus habile que la sienne, plus habile mêrne que celle de Cassiodore, à qui cependant il parait devoir être attribué.

(56 Ante obitum suum filioruma gmen accitum ordinavit, etc. Ce que dit ici Jornandès est confirmé par Procope, De bell. Vandal., lib. I, cap. vii: Haud diu superstes Gizericus, grandaevus decessit, condito testarnento, quo praeter alia multa, illud Vandalis mandavit, ut regnum Vandalicum eis semper obveniret, qui per virilem stirpem recta serie propinquitatis Gizericum ipsum attingens, cognatos suos aetate procurreret. Tout ce qui suit, jusqu'à la conquête de l'Afrique par Bélisaire, se retrouve avec plus de détails dans Procope, De bell. Vandal.

(57Nisi eum casus, qui dudum Alarico .... contigerat, revocasset. Voici l'événement malheureux auquel Jornandès fait ici allusion : Vallia autent confecto bello Hispaniae, duo instructa navali acie, in Africam transire disponeret, in fretum Gaditani maris vi tempestatis interceptus, in Hispaniam redire coactus est. Isidor., Chronic. Gothor. Suivant Jornandès et Isidore, les Goths avaient déjà rendu Placidie , et Vallia venait de terminer la guerre d'Espagne, confecto bello Hispaniae (Isidor. ), quand ce désastre arriva; mais, suivant Orose, né en Espagne, contemporain de Vallia, et dont le témoignage mérite d'ailleurs plus de confiance que celui de Jornandès et d'Isidore, ce fut la première année de son règne, et avant de rendre Placidie, que Vallia tenta cette descente en Afrique, dont la funeste issue le porta à conclure avec Honorius un traité de paix, et à lui rendre sa soeur.
Theodericum ei dedere successorem. Ni Jornandès ni aucun auteur ne nomme le père de Théodoric 1er; mais on l'a trouvé à l'aide d'un indice fourni par Sidoine Apollinaire dans son Panégyrique d'Avitus. Sidoine, faisant parler Théodoric II, fils de Théodoric 1er, lui met dans la bouche ces mots :
Quae noster peccavit avus, quem fuscat Id unum, 
Quod te, Roma, capit ...

V, 505.
Cet aïeul de Théodoric II, dont l'unique faute fut de prendre Rome, ne peut être, suivant l'ingénieuse observation de Gibbon, qui l'a remarqué le premier (Hist. de la décad.,etc., chap. xxxv), que le grand Alaric; et c'est ce dernier par conséquent qui fut le père de Théodoric 1er.

CHAPITRE XXXIV.

(58) Theodosio et Festo consulibus. Théodose fut consul avec Festus l'an 439. Jornandès omet ici beaucoup de faits importants , et antérieurs à cette date, notamment l'expédition de Castinus en Espagne, où les Goths qui l'avaient suivi comme auxiliaires l'abandonnèrent, et, par leur défection, entralnèrent sa défaite. Idat., Chron., ad an. 422. - Le siége d'Arles par Théodoric en 425. Idat., Chron., ad an. 425; Prosper Aquit., Chron.;  Isid., Chron. Goth., etc. - Le siége de Narbonne par le même, en 436-37. Idat., Chron., an. 436-37 ; Isid., Chron. Goth.

(59) Aetius... labores bellicos tolerans, etc. Voy. le portrait d'Aétius par Renatus Profuturus Frigeridus, dans Grégoire de Tours, lib. II, cap. viii.

(60Quum utrique,fortes et neuter firmior esset. Suivant saint. Prosper d'Aquitaine, Chron., ad an. 439, les Goths demandèrent humblement la paix : pax cum Gothis facta, cum eam post ancipitis pugna; experimentum humilias quant antea poposcissent. Suivant Sidoine Apollinaire, Panegyr. Avit., Théodoric au contraire se montra d'abord intraitable, et ne céda à la fin qu'aux instances d'Avitus, qui négocia cette paix par lettres.
Foedus, Avite, novas : sævum tua pagina regem 
Lecta domat. Jussisse sat est quod rogat orbis. 
Credent hoc unquam gentes populique futuri? 
Litera Romani cassat, quod Barbare vincis.

V. 308, II.

(61) Priscus, tali voce inter alia refert.. Tysiam, Tybisiamque, et Driccam, etc. Le Tysias est probablement le Τίγας, IeTybisias le Τισήρας , la Dricca le Δήκων, ou, comme il est écrit ailleurs, le Δρέγκων des extraits de l'histoire de Priscus qui nous sont parvenus, Excerpt. a Prisc. hist., III, iv. Le texte original de ce fragment de Priscus n'existe plus ; nous ne le connaissons que par la traduction qu'en donne ici Jornandès. On trouve dans les extraits de l'Histoire de Priscus que nous avons encore une description de l'habitation royale d'Attila, qui a beaucoup de rapport avec celle-ci : Trajectis quibusdam amnibus, ad quendam magnum vicum pervenimus. Hic erant Attilae aedes, quae reliquis omnibus ubicumque locorun praesiantiores esse ferebantur. Erant hae ex lignis et tabulis eximie politis exstructæ et ambitu ligneo circumdatae, non munimentum, sed adornatum comparato.

CHAPITRE XXXV.

(62). Roas. Priscus ( Excerpt. ex hist. Gothic.) l'appelle Rua (Ῥουα), et d'autres écrivains Rugilas. C'est sans doute par inadvertance que M. Fauriel, Hist. de la Gaule méridionale, etc., t. 1, p. 222, dit que Rugilas était mort en 428, et renvoie pour cette date à la Chronique d'ldace. Rugilas ne mourut qu'en 433 ; et quant à la Chronique d'Idace , son nom ne s'y trouve même point.

(63). Bleta enim fratre fraudibus perempto. Saint Prosper d'Aquitaine, Chronic., et Cassiodore, qui en cet endroit copie textuellement saint Prosper, placent la mort de Bleta ou Bleda sous le consulat de Théodose et d'Albinus, l'an 444: His coss. Attila rex Hunnorum Bledam fratrem et consortem in regno suum perimit, ejusque populos sibi parere compellit. Cassiod., Chron.

(64) Vir in concussionem gentis natus in mundo, etc. Le caractère et le portrait d'Attila sont probablement tirés de Cassiodore. Gibbon, Hist. de la décad., etc., chap. XXXIV, en note.

(65)
Quum pastor, inquiens, quidam, etc. Ce passage de Priscus ne nous est connu que par la traduction qu'en donne ici Jornandès. Dans les fragments du texte original de cet auteur qui nous sont parvenus il est également question du glaive de Mars, et de la manière dont il fut découvert : Et brevi quidem sibi (Attilae) potentiae accessionem fore, quod et deus, Martis ense in lucem protracto, portenderit. Hic tanquam sacer et deo bellorum praesidi dedicatus, a Scytharum regibus olim colebatur et multis saeculis non visus, bonis ministerio fuerat tunc temporis erulus. Priscus, In excerpt. de legat., p. 201 ; Bonnae , 1829, in-8°.

. CHAPITRE XXXVI.

(66) Attila ... legatos.... ad Valentinianum principem misit, etc. Relativement aux négociations qui précédèrent l'invasion de la Gaule par Attila, comparez Jornandès avec Priscus, Excerpt. histor. Byzant., VII , et saint Prosper d'Aquitaine, Chron., ad an. 451. Ni Priscus ni Prosper ne parlent du message d'Attila à Théodoric ; mais le dernier dit que le roi des Huns se portait auprès des Romains comme le défenseur de l'Empire contre les Visigoths : Attila.... mullta vicinarum sibi gentium millia cogit in bellum, quod Gothis tantum se inferre, tanquam custos Romanae amicitiae denuntiabat.

(67) Tunc Valentinianus imperator ad Vesegothas...legationem direxit. Sidoine Apollinaire nous apprend que le chef de cette ambassade était le sénateur Avitus, son beau-père :
Hos ad bella trahit jam tum spes orhis Avitus,
Vel jam privatus, vel adhuc.

(Panegyr. Avit., v. 352-53.)

(68Tanta patricii Aetii providentia fuit, etc. Ce passage parait emprunté de saint Prosper d'Aquitaine, qui dit la même chose presque dans les mêmes termes. Tantaque Aetii patricii providentia fuit, ut raptim congregratis undique bellatoribus viris, adversae multitudini non impar occurreret. Chron. ad an. 451. A l'égard des nations dont se composait cette multitude innombrable et féroce qui suivit Attila dans la Gaule, en voici le dénombrement par Sidoine Apollinaire :
Barbaries totas in te transfuderat arctos, 
Gallia pugnacem Rugum comitante Getono. 
Gepida trux sequitur, Scyrum Burgundio coegit : 
Chunus, Bellonotus, Neurus, Basterna, Toringus, 
Bructerus, Ulvosa quem vel Nicer abluit uuda, 
Prorumpit Francus.

(Panegyr. Avit., v. 320-26.)
A ces noms tous plus ou moins connus, excepté celui de Bellonotus, qui ne l'est point du tout, si tant est que ce soit un nom de peuple, il faut ajouter celui des Ostrogoths, alors vassaux des Huns et combattant sous les drapeaux de ces derniers, comme Jornandès nous l'apprend un peu plus bas, et peut-être celui des Alains, dont quelques bandes, suivant Jornandès, De regnor. suceess., faisaient partie de l'armée d'Attila lorsqu'il envahit la Moesie et la Thrace.

(69Franci, Sarmatae, Armoritioni, Litiani , etc. Les Francs, dont le nom se trouve à la tête de cette liste, étaient établis au bord de la Meuse, et avaient pour chef Mérovée. Par Samtatae il faut sans doute entendre ces corps de Sarmatie gentiles que la Notitia place à Poitiers, dans les environs de Paris, entre Reims et Amiens, etc.; les Armoritiani sont les Bretons Armoricains, qui depuis l'an 408 ne reconnaissaient plus l'autorité de l'empire; les Litiani paraissent être les Laeti, race mêlée de barbares nés ou naturalisés dans la Gaule; les Burgundions stationnaient au delà et peut-être en deça des Vosges; il y avait une peuplade de Saxons dans les environs de Bayeux ; les Ripparioli paraissent avoir été ainsi nommés à cause de leur résidence sur les bords soit du Rhin, soit de la Meuse, soit de la Moselle; enfin les Ibriones peuvent être les Brennes, tribu des Rhétiens, à l'orient du lac de Constance. Voy. Script. rer. Francic., t. II.

(70) C. Leugas, ut Galli vocant.... Leuga autem Gallica mille et quingentorum passuum quantitale metitur. lsidor., Origin., XV, 16 : Mensuras viarum nos milliaria dicimus, Graeci stadia, Galli leucas. L'étendue que Jornandès donne à la lieue gauloise est implicitement confirmée par Ammien Marcellin, XVI, 12, qui dit, en parlant de la distance qui séparait le camp de Julien de celui des Germains : Et quoniam a loco unde Romana promota sunt signa, adusque vallum Barbaricum quarta leuga signabatur et decinta, id est unum et viginti millia passuum.

  CHAPITRE XXXVII.

(71) Sangibanus rex Alanorum... pollicetur... Aurelianam civitatem ubi tunc consistebat, in ejus jura transducere. Prosper Tyro, Chron., parle de deux colonies d'Alains qui s'établirent dans la Gaule, l'une en 440, et l'autre en 442 : la première reçut des terres abandonnées autour de la ville de Valence; la seconde fut placée par Aétius dans la Gaule ultérieure; et quoique Prosper Tyro ne précise point le lieu, il est très probable, comme on l'a cru, que ce fut aux environs d'Orléans, et que les Alains dont Jornandès nomme ici le chef n'étaient autres que ceux qui s'étaient établis en 442 dans la Gaule ultérieure.

(72) Urbem ante adventum Attilae destruunt. Orléans était déjà tombé au pouvoir des Huns, et ceux-ci commençaient à se partager les captifs, et le butin quand survinrent Théodoric et Aétius, qui délivrèrent la ville, et forcèrent Attila à reculer jusqu'à Châlons. Voy. Sidoine Apollinaire, VIII, ep. 15; l'auteur de la Vie de saint Aignan, etc.

CHAPITRE XXXVIII.

(73) Erat autem positio loci, etc. Jornandès, ou l'auteur qu'il copie, a mis un soin particulier à décrire les divers incidents de la bataille de Châlons. Les détails curieux et assez bien liés qu'il nous a transmis sur ce grand événement forment sans contredit un des meilleurs épisodes de son Histoire des Goths.

CHAPITRE XXXIX.

(74) Post victorias tantarum gentium, etc. Cediscours, dont la vigueur sauvage et la rude fierté avaient déjà frappé Gibbon, a été traduit en partie par M. le vicomte de Chateaubriand dans ses Études historiques, quatrième discours, seconde partie.

CHAPITRE XL.

(75) Hic Theodericus.... vitam matura senectute conclusit. Idace et Isidore ont aussi noté la mort du roi Théodoric: Rex illic Theodores prostratus occubuit. Idat., Chron. an. 451 : Theudoridus autem, sumpto contra Hunnos proelio, in campis Catalaunicis superatus, occubuit. Isidor., Chon. Gothor.