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PLUTARQUE

 

OEUVRES MORALES

VIES DES DIX ORATEURS GRECS.  

 

 

texte grec

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VIES DES DIX ORATEURS GRECS.

PRÉFACE DU TRADUCTEUR.

Les Vies des dix orateurs grecs sont regardées avec raison comme un ouvrage supposé. Une compilation où les faits sont entassés sans ordre et sans discernement, et dont l'auteur tombe fréquemment dans des redites fastidieuses et des contradictions choquantes, une telle compilation ne peut être raisonnablement attribuée à un biographe aussi ingénieux,aussi sensé que Plutarque. Il est plus vraisemblable, comme quelques savants l'ont conjecturé, que c'est la production informe d'un écrivain obscur, postérieur peut-être à Photius, qui a écrit les vies de ces dix orateurs, et que son imitateur servile a copié jusque dans ses erreurs.

Plutarque, il est vrai, avait composé les Vies des dix orateurs grecs, et l'on ne peut en douter d'après le catalogue de ses ouvrages, publié par son fils Lamprias. Mais elles ne subsistent plus, et c'est peut-être aux faibles compilations faites d'après son ouvrage, qu'on doit imputer cette perte. Celles qui ont été publiées sous son nom ne sont pas cependant sans quelque mérite. Les faits qu'elles contiennent nous intéressent parce qu'ils sont liés aux époques les plus célèbres de l'histoire de la Grèce; et l'auteur de cet ouvrage nous a conservé des pièces originales assez curieuses, dont l'authenticité nous est garantie par les historiens du temps, qui les ont citées sans les rapporter. Ainsi, quand ces Vies ne se trouveraient pas dans toutes les éditions des œuvres de Plutarque, ce qui me luit une sorte de loi de les traduire, cette considération seule aurait suffi pour m'y engager.


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VIE D'ANTIPHON.

I. Origine d'Anliphon et ses premières occupations. — II. Il est le premier qui ait composé des plaidoyers pour des citoyens. — III. Éloge de son éloquence et ses actions. — IV. Diverses opinions sur sa mort. — V. Nombre de ses oraisons. — VI. Ses autres ouvrages. — VII. Décret porté contre Antiphon.

(832b) Antiphon, fils de Sophilus, du bourg de Rhamnuse (01), (832c) eut pour maître d'éloquence son propre père, qui exerçait la profession de sophiste (02), et qui donna aussi des leçons à Alcibiade dans sa première jeunesse. Antiphon, né, dit-on, avec les dispositions les plus heureuses, devint un excellent orateur, et entra dans la carrière de l'administration publique. Il tint aussi une école de rhétorique, et eut avec Socrate le philosophe des controverses fréquentes, non par envie de disputer, mais pour chercher et découvrir la vérité, comme Xénophon le raconte dans son ouvrage des dits mémorables de Socrate (03).

II. Il est le premier qui ait composé des plaidoyers pour des citoyens qui avaient à se défendre dans les tribunaux (04). (832b) On ne voit en effet avant lui, ni même de son


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temps, aucun autre orateur qui ait fait des discours de ce genre; l'usage n'en était pas encore introduit, il ne nous en reste point de Thémistocle, d'Aristide et de Périclès, quoique les circonstances dans lesquelles ils se sont trouvés leur eussent souvent fourni des occasions pressantes d'en faire. Et ce n'était pas par insuffisance qu'ils n'en composaient point ; le témoignage que les historiens rendent à leur capacité prouve le contraire. (832e) Les plus anciens de ceux qui suivirent cet usage, tels qu'Alcibiade, Critias, Lysias et Archinus(05), avaient tous vu Antiphon dans sa vieillesse. Il fut aussi le premier qui écrivit sur l'art oratoire. Il avait tant de pénétration dans l'esprit, qu'on lui donna le surnom de Nestor. Cécilius (06), dans son traité sur cet orateur, conjecture par l'éloge que Thucydide en fait que cet historien avait été son disciple.

III. Ses discours ont le mérite de l'exactitude et de la persuasion, et brillent du côté de l'invention. Dans les questions douteuses, il montre un grand art à démêler la vérité ; et lorsqu'il tourne son discours du côté des lois, ou qu'il veut exciter les passions, il observe avec soin les bienséances oratoires. (832f) Il naquit pendant la guerre des Perses, et fut contemporain du sophiste Gorgias ; mais il était plus jeune que lui. Il vécut jusqu'au renversement de la démocratie par les quatre cents, et fut même le principal auteur de cette révolution. Pendant la guerre du Péloponnèse, il commanda deux galères, fut nommé général des troupes de terre, remporta plusieurs victoires, et procura aux Athéniens des alliances impor-


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tantes. Il arma la jeunesse d'Athènes, équipa soixante galères, et alla plusieurs fois en ambassade à Lacédémone, pour les intérêts des Quatre-Cents, pendant qu'ils fortifiaient l'Eétionnée.

IV. (833a) Après que la domination des Quatre-Cents eut été abolie, il fut traduit en justice avec Archeptolémus, l'un d'entre eux, et condamné au supplice des traîtres. On le déclara infâme, lui et sa postérité, et son corps fut laissé sans sépulture. D'autres prétendent qu'il fut mis à mort par les trente tyrans; c'est l'opinion de Lysias dans son plaidoyer pour la fille d'Antiphon (07), que Calleschrus demandait à épouser, comme son plus proche parent. Théopompe est du même sentiment dans son histoire philippique (08) ; (833b) mais celui dont cet historien raconte la mort est un autre Antiphon, fils de Lysidonidès, que Cratinus, dans sa Pytine, représente comme un homme méchant. En effet, cet Antiphon, qui avait été mis à mort bien auparavant, lorsque le gouvernement des Quatre-Cents fut aboli, pouvait-il être en vie sous la domination des Trente ? On raconte encore sa mort d'une autre manière : il fit, dit-on, dans sa vieillesse un voyage en Sicile, où Denys exerçait alors la tyrannie la plus absolue. On mit un jour en question à la table du tyran quel était le meilleur bronze. Chacun ayant donné son avis, Antiphon dit que c'était celui dont on avait fait les statues d'Harmodius et d'Aristogiton. Denys regarda ce propos comme une invitation indirecte aux Syracusains d'attenter à sa vie, et il ordonna qu'on le fît mourir.

(833c) D'autres attribuent sa mort au dépit que causèrent au


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tyran les critiques qu'Antiphon faisait de ses tragédies (09).

V. On compte de lui soixante oraisons, dont, suivant Cécilius, quarante-cinq sont supposées (10). Platon, le poète comique, l'accuse d'avarice dans son Pisandre (11). On dit qu'il composa des tragédies pendant qu'il vivait en particulier à Athènes et lorsqu'il fut à la cour de Denys. Dans le temps qu'il s'occupait de poésie, il imagina un art pour guérir de l'ennui, comme les médecins en ont un pour traiter les maladies. Il fit même bâtir à Corinthe, près de la place publique, une petite maison, et afficha sur sa porte qu'il avait le secret (833b) de dissiper les chagrins par ses discours. Il demandait à ceux qui s'adressaient à lui le sujet de leurs peines, et il les adoucissait. Dans la suite, il regarda cette profession comme indigne de lui, et il se mit à enseigner la rhétorique.

VI. Quelques écrivains attribuent à Antiphon l'ouvrage de Glaucus de Rhégium sur les poètes (12). Celles de ses oraisons qu'on estime le plus sont le discours sur la mort d'Hérode, le plaidoyer qu'il prononça contre Eraristrate, sur des paons, celui qui a pour objet sa propre défense, et celui qu'il fit contre le préteur Démosthène, dans une accusation capitale. Il accusa aussi le préteur Hippocrate, qui fut condamné par contumace sous l'archontat de Théopompe, l'année que l'autorité des Quatre-Cents (833e) fut abolie (13).


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VII. Cécilius nous a conservé le décret qui ordonnait que le procès serait fait à Antiphon. Il est conçu en ces termes :

«  Le vingt-unième jour de la prytanie (14), Démonicus du bourg d'Alopèce étant greffier, et Philostrate de Pallène préteur, après avoir entendu le rapport d'Andron au sujet d'Archeptolème, d'Onomaclès et d'Antiphon, qui, suivant la déclaration qu'en ont faite les magistrats, sont allés en ambassade à Lacédémone contre les intérêts de la république, ont quitté leur camp pour s'embarquer sur un vaisseau ennemi, (833f) et ont traversé par terre la Décélie, le Sénat a ordonné qu'ils seront arrêtés et constitués prisonniers, afin de subir la punition qu'ils méritent ; que les préteurs les présenteront au tribunal avec tels autres sénateurs qu'il leur plaira de choisir jusqu'au nombre de dix, afin qu'ils prononcent sur les faits allégués au procès ; que les thesmothètes les ajourneront au lendemain et les conduiront devant les juges qui auront été choisis ; que les orateurs qu'on aura nommés les accuseront du crime de trahison, conjointement avec les préteurs et tous autres qui voudront se porter pour leurs accusateurs ; et quand la sentence aura été prononcée contre ceux qui seront trouvés coupables, ils subiront la peine portée par la loi contre les traîtres. »

(834a) Au bas de ce décret est la sentence qui les déclare convaincus du crime de trahison.

« Archeptolème, fils d'Hippodamus du bourg d'Agraule, et Antiphon, fils de Sophilus du bourg de Rham-


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nuse, tous deux ici présents, ont été condamnés à être livrés aux Onze (15) ; leurs biens seront confisqués après qu'on en aura prélevé le dixième pour être consacré à Minerve, leurs maisons rasées, et le sol qu'elles occupaient entouré de bornes, sur l'une desquelles sera gravée cette inscription : Ici étaient les maisons des traîtres Archeptotéme et Antiphon, lesquelles ont été adjugées au receveur (834b) des revenus publics (16)... Il est défendu de leur donner la sépulture ni dans Athènes ni dans tout autre lieu du domaine de la république. Ils sont déclarés infâmes, eux et toute leur postérité, tant légitime qu'illégitime ; et quiconque adoptera un de leurs enfants sera lui-même noté d'infamie. Cette sentence sera gravée sur une colonne de bronze où seront aussi inscrits les décrets contre Phrynicus (17). »


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VIE D'ANDOCIDÈS.

I. Origine et premières actions d'Andocidés. — II. Accusé d'impiété, il dénonce son propre père pour se sauver. — IlI. Il commerce en différents pays. — IV. Il est banni d'Athènes parles trente tyrans, et ensuite par le peuple. — V. Sujets de ses discours et caractère de son style.

I. Andocidès, fils de ce Léagoras qui fit conclure la paix entre les Spartiates et les Athéniens (18), était du bourg Cydathénien, ou de celui de Thuréum (19). Issu d'une race illustre, il remontait, suivant Hellanicus (20), à Mercure même, (834c) et était de la famille des hérauts publics (21). Il fut chargé avec Glaucon du commandement des vingt vaisseaux que les Athéniens envoyèrent au secours de Corcyre contre Corinthe (22).

II. Dans la suite il fut accusé d'impiété, parce qu'on le soupçonna d'avoir eu part à la mutilation des statues de Mercure et à la profanation des mystères de Cérès. Ce soupçon était fondé sur ce que, dans sa jeunesse, étant une nuit en partie de débauche, il avait brisé une statue de Mercure, ce qui lui attira une accusation criminelle. (834d) Le refus qu'il fit alors de livrer un esclave que ses accu-


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sateurs demandaient pour l'appliquer à la torture le rendit lui-même suspect de ce crime, et le fit comprendre dans la seconde accusation qui eut lieu peu de temps après le départ de la flotte athénienne pour la Sicile (23).  Les Corinthiens avaient envoyé à Athènes des députés de Léontium et d'Egeste, à qui les Athéniens devaient donner du secours. Dans une même nuit, suivant le récit de Cratippe, ils brisèrent toutes les statues de Mercure qui environnaient la place publique. Andocidès ajouta à cette première impiété la profanation des mystères de Cérès (24). Cité en justice, il évita la condamnation en promettant de découvrir les auteurs de ce sacrilège. Il fit des perquisitions si exactes qu'il vint à bout de connaître les profanateurs des mystères, parmi lesquels il dénonça son propre père. (834d) Ils furent convaincus et punis de mort, à l'exception de son père, qui avait été arrêté avec les autres, mais à qui il sauva la vie en assurant les juges qu'il rendrait des services importants à la république ; et il tint parole. Léagoras dénonça plusieurs citoyens qui détournaient à leur profit l'argent du trésor public, et qui s'étaient rendus coupables de beaucoup d'autres crimes.

III. Quoique Andocidès se fût fait une grande réputa-


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tion en administrant les affaires publiques, il ne laissa pas que de s'appliquer au commerce. Celle profession lui donna lieu de former des liaisons particulières avec les rois de Chypre et d'autres personnes illustres dont il devint l'hôte et l'ami. Ce fut alors qu'il enleva clandestinement une jeune Athénienne sa cousine, fille d'Aristide, qu'il remit entre les mains du roi de Cypre. (834f) Mais, voyant que ce rapt allait lui attirer une affaire criminelle, il voulut l'enlever une seconde fois. Le roi de Chypre en ayant eu avis, le fit arrêter et mettre en prison. Il brisa ses fers, et revint à Athènes pendant que les Quatre-Cents y gouvernaient.

IV. Il fut arrêté par leur ordre, et trouva moyen de s'échapper. Banni par les trente tyrans, après le renversement de la démocratie, il passa le temps de son exil (835a) à Élis, et revint à Athènes avec Thrasybule et les autres exilés. Envoyé à Lacédémone pour y traiter de la paix, et soupçonné d'avoir trahi les intérêts de sa patrie, il fut banni de nouveau.

V. Tous ces faits sont prouvés par les discours que nous avons de lui. Dans l'un il se justifie de la profanation des mystères, dans un autre il demande aux juges son retour; un troisième a pour objet la révélation des coupables ; un quatrième est sa défense contre Phéax ; un cinquième traite de la paix. Il vivait en même temps que le philosophe Socrate ; il était né la première année de la soixante-dix-huitième olympiade sous l'archontat de Théogenidès, huit ans avant Lysias. (825b) Il y a dans Athènes une statue de Mercure qu'on appelle Andocidée, quoiqu'elle ait été consacrée par la tribu Egéide, parce qu'elle est proche de la maison d'Andocidès (25). Il présida pour sa tribu aux chœurs cycliques, où l'on disputait le prix du dithyrambe (26), et il gagna le trépied, qu'il consacra dans un lieu très élevé en face du Silène fait de pierre de porus. Son style est simple, uni, sans ornements et sans figures.


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VIE DE LYSIAS.

1. Naissance el premières années de Lysias. — Il. Son séjour à Syracuse, où il amasse de grands biens et d'où il est chassé. — IlI. Il est persécuté par les trente tyrans, et contribue à leur expulsion. — IV. Il ne peut obtenir un décret qui lui assure à Athènes le droit de bourgeoisie. — V. Ses oraisons. — VI. Éloge de son style. — Vil. Ses autres ouvrages.

I. (835c) Lysias eut pour père Céphalus (27), fils de Lysanias, et petit-fils de Céphalus. Le père de Lysias, né à Syracuse, vint s'établir à Athènes, soit par affection pour cette ville, soit à la persuasion de Périclès, fils de Xantippe, son hôte et son ami, qui l'y attira à cause de ses grandes richesses (28).  D'autres disent que Céphalus fut banni de Syracuse, lorsque Gélon en usurpa la tyrannie. Lysias naquit à Athènes la deuxième année de la quatre-vingtième olympiade, sous l'archontat de Philoclès, successeur de Phrasiclès. Il fut élevé avec les enfants des premières familles d'Athènes.

II. (835d) Lorsque les Athéniens envoyèrent une colonie à Sybaris, nommée depuis Thurium, Lysias alla en Sicile avec son frère aîné Polémarque. Il en avait deux autres nommés Eudidus et Brachyllus (29). Son père était mort, et il allait à Syracuse pour recueillir sa succession. Il avait alors quinze ans, et Praxitélès était archonte (30). Il se fixa en Sicile, et eut pour maîtres Tisias et Nisias, deux rhé-


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leurs syracusains. Héritier d'une fortune considérable, il entra dans l'administration des affaires, et y resta jusqu'à l'âge de soixante-trois ans, sous l'archontat de Cléarque. L'année suivante, Callias étant archonte dans la quatre-vingt-douzième olympiade, (835e) les Athéniens éprouvèrent en Sicile ce désastre affreux qui détacha de leur parti un grand nombre d'alliés, et surtout ceux d'Italie. Lysias, soupçonné de favoriser les Athéniens, fut chassé de Thurium avec trois cents autres citoyens, et revint à Athènes l'année que l'archonte Callias avait succédé à Cléocritus. Les Quatre-Cents étaient alors maîtres de la ville ; Lysias y fixa sa demeure.

III. Après la bataille navale d'Egos-Potamos, qui fut suivie de la domination des trente tyrans, il fut obligé de s'expatrier pendant sept ans (31). Il avait perdu sa fortune et vu périr son frère aîné Polémarque. (835f) Pour lui, il se sauva par une porte de derrière de la maison où on le tenait enfermé dans le dessein de le faire mourir, et il se retira à Mégare. Lorsque les exilés qui s'étaient emparés de Phylé voulurent rentrer dans Athènes, Lysias contribua de tout son pouvoir au succès de l'entreprise : il fournit deux mille drachmes (32) et deux cents boucliers. Il fut chargé avec Herman de lever trois cents soldats qu'il soudoya de ses propres deniers. Il persuada aussi à Thrasylée d'Élis, son hôte, d'aider les conjurés de deux talents.

IV. En considération de ces services, Thrasybule, rentré dans Athènes, après l'anarchie qui précéda l'archontat d'Euclidès, proposa qu'on lui accordât le droit de bourgeoisie (33) ; le peuple y consentit. Mais Archinus (34) ayant re-


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présenté que cette concession était contraire aux lois, (836a) parce qu'elle n'avait pas été confirmée par le Sénat, le décret fut cassé. Lysias, privé de la qualité de citoyen, jouit de tous les droits qui y étaient attachés, et passa le reste de ses jours à Athènes, où il mourut âgé de quatre-vingt-trois ans ; d'autres disent de soixante seize ou de quatre-vingts. Il vit dans sa vieillesse Démosthène qui n'était encore qu'un enfant (35) ; Lysias était né sous l'archontat de Philoctès.

V. On a publié sons son nom quatre cent vingt-cinq oraisons. Mais Denys d'Halicarnasse et Cécilius prétendent qu'il n'y en a que deux cent trente qui soient de lui ; et dans un si grand nombre, il ne perdit sa cause que deux fois. Nous avons encore le discours qu'il fit pour défendre (836b) contre Archirius la concession que le peuple lui avait faite du droit de citoyen, et celui qu'il prononça contre les trente tyrans (36). Son éloquence était très persuasive ; et ses discours, presque tous composés pour des particuliers, sont écrits d'un style simple et concis. Il a laissé des préceptes sur l'art oratoire, des harangues au peuple, des épîtres, des panégyriques, des oraisons funèbres, des traités sur l'amour, et une apologie de Socrate, telle qu'il la fallait pour ses juges (37). Sa diction, qui semble facile, n'est pas aisée à imiter. Démosthène, dans son discours contre Nééra, dit que Lysias fut amoureux de la courti-


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sane Métanira, compagne d'esclavage de cette Nééra; depuis il épousa la fille de son frère Brachyllus.

VI. Platon, dans son (836c) Phèdre, parle de Lysias comme d'un orateur plein de talents, et plus ancien qu'Isocrate. Philiscus (38), disciple de celui-ci, et ami de Lysias, a fait pour ce dernier une épigramme qui confirme ce qu'en dit Platon. La voici :

Docile à mes désirs, célèbre dans tes chants
Un mortel dont la Grèce estima les talents.
Fille de Calliope, ô toi dont l'éloquence
Sur l'esprit des humains exerce sa puissance,
C'est à toi de chanter ses sublimes vertus,
De lui payer pour moi le plus doux des tributs.
Que la postérité dans tes vers puisse apprendre
Que j'eus pour Lysias l'amitié la plus tendre.
Fais de ses qualités vivre le souvenir, (836d)
Et qu'il soit honoré des âges à venir.

VII. Il composa deux discours pour Iphicrate, l'un contre Harmodius, et l'autre contre Timothée, accusé de trahison ; il gagna ces deux causes. Dans le second de ces discours, Iphicrate avait exposé la conduite de Timothée. Dans la suite, il fut accusé de trahison, et prononça pour sa défense un discours que Lysias lui avait composé (39). Lysias prononça dans les jeux olympiques une harangue dont le but était de persuader aux Grecs de faire trêve à leurs querelles, et de se réunir pour détruire la puissance tyrannique de Denys.


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VIE D'ISOCRATE.

1. Naissance et parents d'Isocrate. — II. Ses maîtres. —III. Son éloignement des affaires publiques. — IV. Il ouvre une école de rhétorique. — V. Nombre et qualité de ses disciples. — VI. Époque de sa mort. — VII. Temps où il a composé ses discours. — VIIl. Ses richesses lui font des envieux. — IX. Lieu de sa sépulture. — X. Honneurs qu'on lui rend après sa mort. — XI. Nombre de ses oraisons. — XII. Ses bons mots. — XIlI. Son penchant à l'amour. — XIV. Procès qu'il eut à soutenir. — XV. Ouvrages de son fils adoptif.

I. Isocrate était fils de Théodore, du bourg d'Erecthée (40), citoyen d'un état médiocre, et marchand d'instruments de musique, qu'il faisait fabriquer par ses esclaves. Il s'enrichit tellement dans ce commerce qu'il fut en état de faire les frais des jeux publics, et de donner à ses enfants une bonne éducation. Outre Isocrate, il avait deux autres fils, Télésippus et Diomnestus, et une fille. Aristophane et Stratis l'ont plaisanté dans leurs comédies sur l'état de son père. (836f) Il naquit la quatre-vingt-sixième olympiade, sous l'archontat de Lysimaque, du bourg de Myrrhinuse (41), vingt-deux ans après Lysias, et sept avant Platon.

II. Il fut aussi bien élevé qu'aucun autre Athénien, et eut pour maîtres Prodicus de Céos, Gorgias de Léontium, Tisias de Syracuse, et le rhéteur Théramènes. Ce dernier, que les trente tyrans voulaient faire arrêter, s'était réfugié dans le temple de Vesta. Tous ses amis, effrayés, n'osaient ouvrir la bouche. Isocrate seul se leva pour prendre sa défense. Après quelque temps de silence, (837a) comme il se disposait à parler, Théramène le pria de n'en rien faire, en lui disant qu'il sentirait bien plus vivement ses malheurs s'il voyait quelqu'un de ses amis les partager (42). On dit qu'Isocrate avait rédigé des préceptes sur


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l'art oratoire, dont il fit usage pour se défendre dans les tribunaux. Ces préceptes portent le nom de Boton (43).

III. Parvenu à l'âge viril, il ne voulut prendre aucune part au gouvernement, parce qu'il avait la voix faible, qu'il était naturellement timide, et que la guerre du Péloponnèse l'avait dépouillé de ses biens (44). Il s'occupa donc à composer des plaidoyers pour des citoyens. Mais il ne prononça jamais en public qu'un seul discours, celui de l'échange des biens (45). (837b) Il ouvrit une école d'éloquence, et partagea son temps entre l'étude de la philosophie et la composition. Ce fut alors qu'il écrivit son Panégyrique (46), et d'autres discours du genre délibératif. Il les lisait lui-même dans son école, ou les faisait déclamer par d'autres. Ils avaient pour objet d'exciter ses concitoyens à la vertu et à la pratique de leurs devoirs.

IV. Mais trompé dans son attente, il abandonna ce genre d'occupation, et ouvrit, dit-on, une école de rhé-


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torique d'abord à Chio, où il n'eut que neuf disciples. Lorsqu'en comptant ce qu'il avait reçu, il vit le peu de profit qu'il en tirait, il ne put s'empêcher de dire, les larmes aux yeux : « Voilà donc le prix pour lequel je me suis vendu à ces gens-là! » Il admettait à ses entretiens tous ceux qui étaient curieux de l'entendre. Il est le premier qui ait séparé les discours contentieux du barreau des harangues politiques, auxquelles il s'attacha de préférence. (837c) Il établit à Chio les mêmes magistratures et la même forme de gouvernement qu'à Athènes (47). Il s'enrichit tellement dans cette profession, qu'il amassa plus d'argent que n'avait fait aucun autre maître avant lui, et qu'il fut en état d'équiper une galère.

V. Il eut dans la suite jusqu'à cent disciples, au nombre desquels était Timothée, fils de Conon, qui le prit pour l'accompagner dans une de ses expéditions, pendant laquelle Isocrate écrivit toutes les dépêches de ce général aux Athéniens. Timothée lui donna pour récompense un talent sur ce qui lui revint de la prise de Samos. Il eut aussi pour disciples Théopompe de Chio, Éphore de Cumes, Asclépiade et Théodecte de Phasélis, tous deux poètes tragiques (48). (Le tombeau de ce dernier est auprès de Cyamite (49), le long du chemin sacré qui mène à Éleusis ;


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mais il n'en reste plus que des ruines. (837d) Il y avait fait placer sa statue avec celles des poètes les plus célèbres. Celle d'Homère est la seule que le temps ait respectée.) On compte encore parmi ses disciples Léodamus d'Athènes, Lacritus, qui donna des lois aux Athéniens (50), enfin Hypéride et Isée. On prétend que pendant qu'il tenait école d'éloquence, Démosthène vint le trouver et lui témoigna le plus grand désir de prendre ses leçons, en ajoutant que dans l'impuissance où il était de lui payer les mille drachmes qu'il prenait de ses disciples, il lui en offrait deux cents (51) pour apprendre de lui la cinquième partie de l'art oratoire : (837e) « Mon ami, lui dit Isocrate, nous ne morcelons pas notre art, comme on ne vend pas les gros poissons par morceaux. Si vous voulez l'apprendre, il faut l'acheter tout entier (52). »

VI. Il mourut l'année que Chéronidas était archonte. Ayant appris dans le gymnase d'Hippocrate la défaite de Chéronée, il s'obstina à ne prendre aucune nourriture, et il expira au bout de quatre jours, après avoir prononcé les premiers vers de trois tragédies d'Euripide.

Danaüs, roi d'Égypte, avait cinquante filles.

Pélops, fils de Tantale, étant venu dans Pise,

Cadmus avait quitté la ville de Sydon (53).


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(837f) Il était âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, ou, selon d'autres, de cent (54). Il ne put survivre à la douleur de voir sa patrie tomber pour la quatrième fois dans l'esclavage (55).

VII. Il composa sa Panathénaïque un an, d'autres disent quatre ans avant sa mort (56). Il mit dix ans ou même quinze, suivant quelques auteurs, à travailler son Panégyrique, et l'on a prétendu qu'il l'avait pris en grande partie des ouvrages de Gorgias et de Lysias (57). Il fit son plaidoyer pour l'échange des biens à quatre-vingt-deux ans, et son discours à Philippe peu de temps avant sa mort. (838a) Il adopta dans sa vieillesse Apharéus, le plus jeune des trois fils que Plathana avait eus de l'orateur Hippias, son premier mari (58). Isocrate devint fort riche, non seulement  par le salaire qu'il retirait de ses disciples, mais encore par les présents que lui fit Nicoclès, fils d'Evagoras et roi de Chypre, de qui il reçut vingt talents pour le discours qu'il lui adressa (59).


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VIII. Ses richesses lui firent des envieux, qui le citèrent trois fois en justice pour le faire nommer triérarque. Les deux premières fois il s'en excusa sur ses infirmités, par le ministère de son fils; la troisième, il fut forcé d'accepter cet emploi, et il y dépensa une partie de son bien (60). Un citoyen lui ayant dit qu'il avait chargé un de ses esclaves de l'éducation de son fils : « Eh bien, lui dit Isocrate, au lieu d'un esclave, vous en aurez deux (61). » (838b) Il disputa le prix que la reine Artémise proposa pour l'éloge de Mausole, son mari (62). Ce discours ne nous est point parvenu. Il composa aussi le panégyrique d'Hélène, et la harangue nommée Aréopagitique (63).

IX. Quelques auteurs prétendent qu'il mourut eu s'obstinant à ne pas manger pendant neuf jours; d'autres disent pendant quatre. Son fils Apharéus prononça son oraison funèbre. Il fut déposé après sa mort dans le tombeau de sa famille, au pied d'une colline qui est à la gauche du Cynosarge. C'est là que sont inhumés son père Théodore, sa mère, sa tante maternelle Anaco, Apharéus, (838c) son fils adoptif, Socrate, son cousin, fils d'Anaco, son frère Théodore, les fils d'Apharéus, et Plathana, sa femme, mère de son fils adoptif. Leurs tombeaux étaient surmontés de tables de marbre qui ne subsistent plus.

X. Il y avait sur le tombeau d'Isocrate une colonne de


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trente coudées de haut, surmontée d'une sirène de sept, symbole de son éloquence, que le temps a détruit. (838d) Auprès de ce monument était une table de marbre, sur laquelle on avait gravé les figures des poètes et des rhéteurs qu'il avait eus pour maîtres. On y voyait Gorgias, qui, placé auprès d'Isocrate, avait les yeux fixés sur un globe céleste. Thimothée lui fit ériger une statue de bronze qu'on voit encore à Éleusis, en face du portique, avec cette inscription :

Ce bronze, monument d'une tendre amitié,
Par le fils de Conon aux Muses dédié,
D'Isocrate, fameux par sa rare éloquence, 
A ses concitoyens offre la ressemblance.

La statue était de Léocharès (64).

XI. On a sous le nom d'Isocrate soixante oraisons, dont vingt-cinq, suivant Denys d'Halicarnasse, et vingt-huit, selon Cécilius, sont véritablement de lui (65); les autres sont supposées. Il était si peu curieux de se produire, (838b) qu'un jour trois personnes étant venues pour l'entendre, il n'en reçut que deux, et renvoya la troisième au lendemain, en disant que son auditoire était comme son théâtre. Il disait souvent à ses amis qu'il prenait dix mines (66) pour ses leçons, mais qu'il en paierait volontiers dix mille à celui qui pourrait lui donner de l'assurance et une bonne voix.

XII. Quelqu'un lui demandait un jour comment il pouvait former de si grands orateurs, lui qui n'avait pas


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le talent de parler en public: « Je suis, répondit-il, comme la pierre à rasoir, qui ne coupe pas elle-même, mais qui donne au fer la facilité de couper. » Suivant quelques auteurs, (828b) il avait composé un traité sur l'art oratoire; selon d'autres, c'était moins par méthode et par art qu'il formait ses disciples que par l'exercice et par l'usage. Il exigeait d'eux qu'ils se rendissent aux assemblées publiques, et qu'ils lui rendissent compte des discours qu'ils y avaient entendus. Il ne reçut jamais de salaire d'aucun citoyen d'Athènes. Il fut vivement affligé de la mort de Socrate, et parut le lendemain en habit de deuil. On lui demanda un jour la définition de la rhétorique : « C'est, répondit-il, l'art d'amplifier les petites choses et de diminuer les grandes (67). » Un jour qu'il était à table chez Nicocréon, tyran de Chypre, les convives le prièrent de payer son écot dans la conversation. « Ce que je puis dire, leur répondit-il, ne serait pas ici de saison ; et ce qui serait de saison, je ne le sais pas. » Le poète Sophocle jetait sur un jeune homme des regards passionnés. (839a) « Sophocle, lui dit Isocrate, il faut contenir non seulement ses mains, mais encore ses yeux (68). » Éphore de Cumes était sorti de son école sans avoir rien appris. Son père Démophile l'y ayant envoyé une seconde fois, Isocrate l'appelait en plaisantant Diphore. Cependant il se donna beaucoup de peine pour le former, et lui fournit le sujet de l'histoire qu'il a écrite (69).


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XIII. Il avait du penchant à l'amour, et il couchait sur des lits parfumés d'essences. (839b) Il ne se maria pas dans sa jeunesse ; et quand il commença à vieillir, il vécut avec une courtisane nommée Lagisca, dont il eut une fille qui mourut à l'âge de douze ans, sans avoir été mariée. Dans la suite, il épousa Plathana, veuve de l'orateur Hippias, laquelle avait trois enfants. Il adopta, comme je l'ai déjà dit, Apharéus, l'un d'eux, qui lui fit ériger une statue de bronze, placée sur une colonne dans le temple de Jupiter Olympien, avec cette inscription:

Apharéus, jaloux de rendre hommage aux dieux
Et d'immortaliser un père vertueux,
Au puissant Jupiter,à qui tout rend hommage,
De son père Isocrate a consacré l'image.

XIV. On dit que dans sa première jeunesse, il disputa le prix à la course des chevaux. On voit encore dans le gymnase des prêtres de Minerve, dont le temple est dans la citadelle, sa statue en bronze avec l'attitude d'un homme qui court à cheval. Il n'eut dans toute sa vie que deux procès, pour l'échange des biens. Le premier lui fut intenté par Mégaclidès. Il ne comparut pas en personne, parce qu'il était malade. Apharéus, son fils, plaida pour lui et gagna sa cause. Dans le second, il fut cité par Lysimaque. Il perdit son procès, et fut obligé d'équiper à ses frais une galère. Il y avait un portrait de lui dans le Pompéium (70).

XV. Son fils adoptif Apharéus composa aussi des plaidoyers et des harangues du genre délibératif en petit nombre, et environ (839d) trente-sept tragédies, dont deux lui


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sont contestées. Il les fit jouer depuis l'archontat de Lysistrate jusqu'à celui de Sosigènes (71), pendant l'espace de vingt-huit ans. Il y en eut six de représentées dans les fêtes publiques, dont deux, jouées par l'acteur Dionysius, remportèrent le prix, et deux furent représentées par d'autres acteurs aux fêtes Lénéennes (72). On voyait dans la citadelle d'Athènes les statues de la mère d'Isocrate, de Théodore et d'Anaco, sa tante. Celle de sa mère subsiste encore : elle est auprès de la statue de la Santé ; mais l'inscription en a été changée ; celle d'Anaco ne s'y trouve plus. Cette tante d'Isocrate eut deux fils, Alexandre et Sosiclès, l'un fils de Cénon, et l'autre de Lysias.


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VIE D'ISÉE.

I. Son maître d'éloquence, et temps auquel il florissait. — II. Il enseigne l'éloquence à Démosthène. — III. Ses ouvrages.

I. Isée, né à Chalcis (73), vint s'établir à Athènes, où il prit les leçons de Lysias. Il imita si bien l'élégance et l'harmonie du style de son maître et sa vigueur dans le raisonnement, qu'à moins d'être bien exercé à discerner le caractère propre de ces deux orateurs, il n'est pas facile de les distinguer. Il florissait vers le temps de la guerre du Péloponnèse, comme on peut le conjecturer par ses discours, et il vécut jusqu'au règne de Philippe.

II.(839f)  Il avait ouvert une école d'éloquence qu'il abandonna afin d'instruire en particulier Démosthène, qui lui donna dix mille drachmes pour sa récompense (74). C'est à son disciple qu'il a dû sa plus grande réputation. On dit qu'il eut beaucoup de part aux plaidoyers de Démosthène contre ses tuteurs.

III. Il y a sous son nom soixante oraisons, dont cinquante seulement sont de lui. Il avait composé aussi un traité sur l'art oratoire. il a le premier fait un usage fréquent des figures, et tourné l'éloquence du côté de la politique ; en quoi Démosthène l'a beaucoup imité. Le poète comique Théopompe a parlé de lui dans son Thésée (75).


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VIE D'ESCHINE.

I. Sa naissance el ses premières occupations. — II. Sa rivalité avec Démosthène. — III. Il est banni d'Athènes. — IV. Il ouvre une école d'éloquence à Rhodes. — V. Sa mort et ses ouvrages. — VI. Succès de ses
discours.

I. Eschine, fils de cet Atromète qui, banni d'Athènes par les trente tyrans, contribua dans la suite au rétablissement du gouvernement populaire, était du bourg de Cothoce (76). Sa mère s'appelait Glaucotée (77). Sa naissance et sa fortune n'avaient rien de remarquable. Né robuste de corps, il s'appliqua dans sa jeunesse aux exercices de la gymnastique. Depuis, comme il avait la voix belle, il embrassa la profession de comédien et joua les rôles tragiques. S'il faut en croire Démosthène, il faisait l'office de souffleur et ne jouait que les troisièmes rôles dans la troupe d'Aristodème, qui, pendant les bacchanales, (840b) faisait représenter d'anciennes tragédies (78). Il était à peine sorti de l'enfance, qu'il enseignait les lettres avec son père. Parvenu à l'adolescence, il porta les armes et fit plusieurs campagnes. Il eut, selon quelques uns, Isocrate et Platon pour maîtres. Cécilius dit qu'il fut disciple de Léodamas (79).

II. Il n'eut pas plutôt commencé à prendre part aux affaires publiques, qu'il s'y fit une grande réputation, en embrassant la faction opposée à celle de Démosthène. Il fut chargé de plusieurs ambassades, et en particulier de celle que les Athéniens envoyèrent à Philippe pour né-


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gocier la paix. Au retour, il fut accusé d'avoir causé la ruine de la Phocide., parce que, ayant été élu pylagore (80), et se trouvant à Amphisse député des amphictyons, qui y faisaient construire un port; il avait excité la guerre sacrée et forcé par là les amphictyons de recourir à Philippe, (840c) qui, secondé par Eschine, se mêla de cette expédition et s'empara de la Phocide. Mais cet orateur, soutenu par la faveur d'Eubulus, fils de Spintharus, et par les sollicitations de Probalusus, un des démagogues les plus accrédités, eut pour lui trente suffrages et évita la condamnation. D'autres disent que les deux orateurs avaient composé leurs discours, mais que la défaite de Chéronée, survenue dans cette circonstance, empêcha que la cause ne fût plaidée (81).

III. Quelque temps après, Philippe mourut, et Alexandre était occupé de son expédition d'Asie, lorsque Eschine accusa Ctésiphon d'avoir proposé en faveur de Démosthène un décret contraire aux lois (82). Mais il n'eut pas pour lui la cinquième partie des suffrages, et fut condamné à une amende de dix mille drachmes. Il ne voulut pas la payer, et s'exila lui-même à Rhodes. (840d) D'autres disent qu'il fut noté d'infamie pour n'avoir pas voulu sortir d'Athènes, et qu'il se retira à Éphèse auprès d'Alexandre.

IV. Les troubles qui suivirent la mort de ce prince l'obligèrent de s'embarquer pour Rhodes, où il ouvrit une école d'éloquence. Il y lut un jour aux Rhodiens son discours contre Ctésiphon ; et ses auditeurs lui ayant témoigné leur surprise de ce qu'il avait perdu sa cause


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après l'avoir si bien défendue : (840e) « Vous n'en seriez pas étonnés, leur dit-il, si vous aviez entendu Démosthène y répondre. » L'école qu'il avait fondée subsista encore après lui, et fut appelée l'école Rhodienne.

V. Dans la suite il quitta Rhodes pour passer à Samos, où il mourut au bout de quelque temps (83). Il avait la voix belle, à en juger par ce qu'en dit Démosthène et par le discours de Démocharès (84). On a sous son nom quatre oraisons, l'une contre Timarque, l'autre sur son ambassade, et une troisième contre Ctésiphon. Celles-là sont véritablement de lui (85). La quatrième, qui porte le titre Déliaque, lui est faussement attribuée. Il est vrai qu'il fut désigné pour plaider la cause qui regardait l'intendance du temple de Délos (86), mais il ne prononça point de discours, (840f) parce que Hypéride, au rapport de Démosthène, fut nommé pour le remplacer. Il nous apprend lui-même qu'il eut deux frères, Aphobus et Démocharès. Il apporta le premier la nouvelle de la victoire que les Athéniens avaient remportée auprès de Tamynes, ce qui lui mérita une couronne (87). Quelques auteurs disent qu'il n'apprit l'éloquence d'aucun maître, et qu'il se forma au talent d'orateur en remplissant, dans les tribunaux, l'office de greffier.


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VI. Il fut le premier qui parla contre Philippe devant l'assemblée du peuple. Le succès qu'eut son discours le fît députer vers les Arcadiens, qu'il engagea à lever dix mille hommes de troupes (841a) contre le roi de Macédoine. Il accusa Timarque de tenir dans sa maison une école de libertinage, et il parla contre lui avec tant de force, que l'accusé, comme le dit Démosthène, sortit de l'audience et alla se pendre de désespoir (88). Dans la suite, Eschine fut député vers Philippe avec Ctésiphon et Démosthène, pour négocier la paix, et dans cette occasion il parla beaucoup mieux que Démosthène (89). Depuis, il fut envoyé, lui dixième, en Macédoine, pour faire confirmer la paix par les serments réciproques des parties contractantes. A son retour, cité en justice par Démosthène, il évita la condamnation de la manière que je l'ai déjà dit.


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VIE DE LYCURGUE (90).

I. Son origine — II. Son intelligence dans l'administration des revenus publics. — III. Ses travaux pour l'embellissement de la ville. — IV. Sa vigilance pour maintenir le bon ordre. — V. Sagesse et prévoyance de ses lois. — VI. Il prend sous sa protection le philosophe Xénocrate, insulté par un commis. — VII.  Simplicité de ses mœurs et son ardeur pour s'instruire. —VIII. Sa liberté à parler au peuple. — IX. Ingratitude des Athéniens envers ses enfants réparée. — X. Il augmente considérablement les revenus d'Athènes. — XI. Ses descendants. — XII. N'ombre de ses discours ; honneurs qui lui sont décernés. — XIII. Il se porte fréquemment pour accusateur. — XIV. Ancienneté de sa famille. — XV. Son zèle pour la religion.

I. Lycurgue, fils de Lycophron et petit-fils de ce Lycurgue (841b) que les trente tyrans firent mourir à l'instigation d'un certain Aristodémus de Batie (91), était du bourg de Buta et de la famille des Etéobutades (92). Nommé trésorier-général des Grecs, il fut banni sous le gouvernement démocratique. Il s'appliqua d'abord à la philosophie, et eut pour maître Platon, qu'il quitta ensuite pour s'attacher à Isocrate.

II. Il entra dans l'administration des affaires, et, par sa bonne conduite autant que par ses talents, il mérita qu'on lui confiât l'intendance des revenus publics. Il en fut chargé pendant quinze ans, et eut à administrer, dans cet espace de temps, quatorze mille talents (93), d'autres


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disent dix-huit mille six cent cinquante. (841c) Ce fut l'orateur Stratoclès qui en proposa le décret. Il exerça cet emploi en son propre nom pendant les cinq premières années, et dans les suivantes, sous le nom d'un ami, parce qu'il y avait une loi qui défendait d'administrer plus de cinq ans de suite les revenus de l'État. Mais il en avait seul la direction, et il en remplit les fonctions avec la plus grande assiduité dans la mauvaise comme dans la belle saison. Chargé ensuite du département de la guerre, il y établit les réformes les plus utiles.

III. Il fit construire pour le service de la république quatre cents galères, bâtir et (841d) planter d'arbres le gymnase du Lycée, édifier une palestre (94) et achever le temple de Bacchus, ouvrage auquel il présida en personne. On avait une telle confiance en lui, que différents particuliers lui donnèrent en dépôt jusqu'à la somme de deux cent cinquante talents (95). Il fit faire, pour la décoration de la ville, un grand nombre de vases d'or et d'argent, et des statues de la Victoire en or. Il acheva plusieurs édifices publics qui étaient restés imparfaits, construisit des arsenaux de terre et de mer (96), entoura d'un parapet le stade Panathénaïque (97), et combla un vaste gouffre, dont le propriétaire, nommé Dinias, céda le fonds à la ville, en considération de Lycurgue.

IV. (841e) Chargé ensuite de veiller à la sûreté d'Athènes et d'arrêter les malfaiteurs, il en purgea entièrement la ville ;


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ce qui fît dire à quelques sophistes que Lycurgue, en faisant ses ordonnances contre ces scélérats, avait moins trempé sa plume dans l'encre que dans le sang (98). Aussi, quand Alexandre demanda qu'on le lui livrât, le peuple ne voulut jamais y consentir. Pendant la seconde guerre de Philippe contre les Athéniens, il fut député avec Polyeucte et Démosthène vers plusieurs villes du Péloponnèse. (841f) Il jouit constamment de la confiance entière du peuple, et son intégrité était si généralement connue, que dans les tribunaux le témoignage de Lycurgue était une présomption favorable pour ceux à qui il l'accordait.

V. Il porta plusieurs lois, celle entre autres qui ordonnait que tout acteur qui aurait remporté le prix dans la fête des chytres (99), obtiendrait le droit de bourgeoisie. Cette concession, qui était nouvelle, remit en vigueur un talent qu'on avait négligé faute d'encouragement. Une autre de ses lois portait qu'on élèverait des statues de bronze aux poètes tragiques Eschyle, Sophocle et Euripide ; que leurs tragédies seraient transcrites aux dépens du public, et que le greffier de la ville les lirait aux acteurs, parce qu'il n'était pas permis de les représenter (100). Une troisième (842a) loi défendait à tout citoyen et à tout étranger domi-


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cilié d'acheter des prisonniers de guerre do condition libre pour en faire des esclaves, sans avoir eu le consentement de leur premier maître. Une quatrième prescrivait de célébrer dans le Pirée, en l'honneur de Neptune, des jeux cycliques qui ne pourraient pas être en moindre nombre que trois; de donner aux premiers vainqueurs au moins dix mines (101), huit aux seconds et six aux troisièmes. Une cinquième défendait à toute femme athénienne d'aller en voiture à Éleusis. Le but de cette loi était de ne pas laisser trop d'avantage aux femmes riches sur les pauvres. Elle prononçait une amende de six mille drachmes (102) contre celles qui contreviendraient à la loi. La femme de Lycurgue s'étant rendue coupable de cette transgression, il fit donner un talent (842c) à celui qui l'avait dénoncée (103). Accusé depuis devant le peuple à ce sujet, il dit : « Vous voyez qu'on ne me reproche point d'avoir reçu de l'argent, mais d'en avoir donné. »

VI. Un receveur des impositions ayant arrêté dans les rues d'Athènes le philosophe Xénocrate, et se disposant à le traîner en prison parce qu'il n'avait pas payé l'impôt dû par les étrangers domiciliés, Lycurgue, qui survint dans ce moment, délivra le philosophe, frappa de sa canne le commis et le fit mettre en prison pour le punir de son audace. Cette action fut généralement applaudie (104).


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Aussi, peu de jours après, Xénocrate ayant trouvé les fils de Lycurgue, il leur dit : « Votre père (842c) m'a vengé, mais je me suis acquitté sur-le-champ par tout le bien que j'ai fait dire de lui. » Lycurgue fît rendre plusieurs décrets par l'entremise d'un Olynthien nommé Euclidès, homme très versé dans la science politique.

VII. Lycurgue, quoique riche, portait toujours le même habit hiver et été, et il n'usait guère de chaussure que les jours où il ne pouvait s'en dispenser. Comme il ne parlait pas facilement sans préparation, il s'exerçait nuit et jour à composer. Il n'avait pour matelas qu'une peau de mouton étendue sur le bois de son lit, avec un simple oreiller. Il voulait pouvoir se lever plus facilement pour reprendre son travail. Comme on le blâmait de ce qu'il payait des sophistes (842d) pour l'instruire : « Si quelqu'un, dit-il, pouvait rendre mes enfants meilleurs, je lui donnerais volontiers, non pas mille drachmes, mais la moitié de mon bien. »

Vlll. Sa conduite généreuse lui donnait droit de parler au peuple avec une entière liberté. Un jour qu'il haranguait en public, et qu'on ne voulait pas l'écouter, il s'écria : « Ô fouet de Corcyre, combien tu vaux de talents ! » Une autre fois, ayant entendu donner à Alexandre le nom de dieu : « Quelle divinité, dit-il, dont les adorateurs auront besoin de se faire purifier en sortant de son temple ! »

IX. (842e) Après sa mort, le peuple livra ses enfants aux Onze, sur l'accusation de Ménésechme, dont Thrasyclès était le greffier, et ils furent mis en prison. Démosthène, alors en exil, écrivit aux Athéniens qu'ils allaient se déshonorer par leur ingratitude envers Lycurgue. Cette lettre les fit rentrer en eux-mêmes, et les enfants de cet orateur, défendus par Démodès, disciple de Théophraste,


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furent déclarés innocents. Lycurgue et quelques autres personnes de sa famille furent enterrés aux dépens du public, et on voit leurs tombeaux en face du temple de Minerve Péonienne, dans le jardin du philosophe Mélanthius. Ils sont couverts de tables de marbre qui subsistent encore, et sur lesquelles sont gravés les noms de Lycurgue et de ses enfants.

X. Ce qui fait le plus d'honneur (842f) à son administration, c'est qu'il porta jusqu'à mille deux cents talents (105) les revenus de la république, qui n'étaient auparavant que de soixante(106). Lorsqu'il sentit sa fin approcher, il se fit porter dans le temple de Cybèle et ensuite au Sénat, pour y rendre compte de sa conduite pendant qu'il avait administré les finances. Personne n'ayant osé l'accuser, à l'exception de Ménésechme, il réfuta ses calomnies et se fit reporter dans sa maison, où il mourut, laissant la réputation d'une probité qui ne s'était jamais démentie et d'un grand talent pour l'éloquence. Quoique cité plusieurs fois en justice, il ne fut jamais condamné.

XI. Il avait épousé Callisto, fille d'Abron et sœur de Callias, fils d'Abron, du bourg de Batie, qui fut trésorier de l'armée sous l'archontat de Charondas. (843d) Dinarque parle de cette alliance dans son discours contre Pasias. Lycurgue laissa trois fils : Abron, Lycurgne et Lycophron. Les deux premiers moururent sans enfants. Abron avait eu part au gouvernement et s'y était distingué. Lycophron épousa Callistomaché, fille de Philippe, du bourg d'Exone, et en eut une fille nommée Callisto, qui, mariée à Cléombrote d'Acarnanie, fils de Dinocrate, devint mère de Lycophron : celui-ci, adopté par Lycophron, son aïeul, ne laissa point de postérité. (843b) Après sa mort, Callisto, sa mère, se remaria à Socrate, dont elle eut un fils nommé Symmachus, père d'Aristonyme. De celui-ci


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naquit Médius, l'interprète des Eumolpides. Il eut de Timothée, fille de Glaucus, trois enfants : Laodamie, Médius, prêtre de Neptune Erecthien, Philippe, qui finit par être prêtresse de Minerve. Elle avait été d'abord mariée à Dioclès de Mélitte, dont elje eut Dioclès, qui commanda un corps d'infanterie. Celui-ci épousa Hédista, fille d'Abron, (843c) et fut père de Philippidès et de Nicostrata. Cette dernière devint femme de Thémistocle, fils de Théophraste, ministre du temple de Cérès, et qui eut aussi le sacerdoce de Neptune Erecthien. De ce mariage naquirent deux fils, Théophraste et Dioclès.

XII. On a de lui quinze oraisons (107). Il fut couronné plusieurs fois par le peuple, qui lui fit aussi ériger des statues. On en voit encore une de bronze dans le Céramique. Elle lui fut décernée sous l'archontat d'Anaxicratès, par un décret public qui portait qu'il serait nourri dans le Prytanée, lui et l'aîné de ses enfants. Lycophron, le plus âgé de ses fils, eut un procès à soutenir pour cette concession.

XIII. Lycurgue plaida aussi plusieurs fois pour des affaires de religion. (843d) Il accusa Autolycus, membre de l'Aréopage, le général Lysiclès, Démade, fils de Démius, Ménésechme et plusieurs autres, qui tous furent condamnés. Il appela aussi en justice Diphilus, pour avoir, contre la défense des lois, enlevé les colonnes qui soutenaient les voûtes des mines d'argent, et s'être enrichi par cette fraude. Le crime était capital, et l'accusé fut puni de mort. Lycurgue fit prélever sur les biens de Diphilus, qui avaient été confisqués, de quoi faire au peuple une distribution de cinquante drachmes par tête, d'autres disent d'une mine (108). (843a) La somme totale fut de cent soixante ta-


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lents (109). Il accusa aussi Aristogiton, Léocratès et Autolycus pour crime de lâcheté. On lui avait donné le surnom d'Ibis, comme on le voit dans ce vers d'Aristophane :

Lycurgue avait l'ibis, Chéréphon le hibou (110).

XIV. On fait remonter son origine jusqu'à Erectée, fils de Vulcain et de la Terre (111), et, dans une époque beaucoup plus rapprochée, à Lycomède et à Lycurgue, que le peuple avait honorés d'obsèques publiques. La succession des prêtres de Neptune Érecthien, conservée dans sa famille, a été représentée par Isménias de Chalcis ; le tableau est encore dans le temple de ce dieu. On y voit aussi les statues en bois de Lycurgue et de ses trois fils, faites par Timaque et Céphisodote, deux fils de Praxitèle. Le tableau fut consacré dans le temple de Neptune par Abron, (843f) fils de Lycurgue, à qui le sacerdoce était échu par droit de succession (112), et qui le céda à Lycophron. Il est représenté remettant le trident entre les mains de son frère (113). Lycurgue ayant fait un tableau de son admi-


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nistration, le suspendit à une colonne placée devant la palestre qu'il avait fait construire, et l'exposa ainsi aux regards publics. Personne ne put jamais le convaincre d'avoir rien diverti à son profit des revenus do l'État.

XV. Il fit décerner une couronne et une statue à Néoptolème, fils d'Anticlès, parce qu'il avait offert de faire dorer (844a) à ses frais l'autel d'Apollon qui est dans la place publique, ornement qu'un oracle de ce dieu avait ordonné. Il proposa aussi qu'on rendit des honneurs publics à Diotimus, fils de Diopithès, du bourg d'Euonyme. Ce fut sous l'archontat de Ctésiclès.


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VIE DE DÉMOSTHÈNE.

I. Son origine, ses maîtres et son goût pour l'éloquence. — II. Son procès contre ses tuteurs. — IlI. Ses efforts pour se former à l'art de la parole. — IV. Ses premiers succès. — V. Chagrins qu'il éprouve. — VI. Il se déclare contre Philippe. — VIl. Sa conduite généreuse envers Eschine. — VIlI. Ses dépenses pour des travaux publics lui font décerner des couronnes. — IX. Son accusation et son exil. — X. Son rappel. — XI. Son opinion sur les affaires de la Grèce. — XIl. La crainte d'Antipater l'oblige de se retirer à Calaurie. — XIlI. Sa mort. — XIV. Ses enfants ; honneurs qui lui sont rendus. — XV. Ses oraisons et ses anecdotes. — XVI. Ses bons mots.

I. Démosthène, fils de Démosthène et de Cléobule, fille de Gylon, du bourg de Péanie, perdit son (844b) père à l'âge de sept ans : sa sœur en avait cinq. Il passa auprès de sa mère les premiers temps de sa jeunesse. Il eut, selon quelques uns, Isocrate pour maître, et, suivant l'opinion la plus commune, l'orateur Isée de Chalcis, ancien disciple d'Isocrate, et qui s'était établi à Athènes. Démosthène fut initié dans les sciences par Thucydide et Platon le philosophe, dont il fréquentait assidûment l'école (114). Hégésias de Magnésie (115) raconte que Démosthène ayant su que l'orateur Callistrate d'Aphidne, celui qui commanda un corps de cavalerie et dédia l'autel de Mercure éloquent, devait plaider devant le peuple une affaire importante, il conjura son instituteur de l'y mener, et le


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plaisir qu'il eut à l'entendre (844c) lui inspira le plus grand goût pour l'éloquence. Il prit Callistrate pour son maître ; mais il ne put pas profiter longtemps des leçons de cet orateur, qui, obligé de sortir d'Athènes, se retira dans la Thrace (116). Démosthène, qui entrait alors dans l'adolescence, s'attacha à Isocrate et à Platon ; ensuite il prit chez lui Isée, qu'il garda pendant quatre ans, et dont il s'appliqua à imiter le style. Ctésibius, dans son traité sur la Philosophie, dit que Callias de Syracuse avait procuré à Démosthène les discours de Zéthus d'Amphipolis, et Chariclès le Carystien, ceux d'Alcidamas, et qu'il les prit pour ses modèles.

II. Parvenu à sa majorité (117), et voyant que ses tuteurs avaient diminué son bien, il les cita devant les tribunaux, l'année que Timocratès était archonte, pour qu'ils eussent à rendre compte de leur tutelle. Ils étaient trois : Aphobus, Thérippidès (844d) et Démophon, nommé par d'autres Déméas. Il se plaignait surtout de ce dernier, parce qu'il était son oncle maternel. Ils furent condamnés à lui payer chacun dix talents (118) ; mais il ne les exigea point, et les tint même quittes de la reconnaissance. Aristophon ne pouvant plus, à cause de son grand âge, remplir les fonctions de surintendant du théâtre, Démosthène fut choisi pour le remplacer. Insulté et frappé par Midias


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dans l'exercice de cet emploi, il lo cita en justice ; mais il se désista de cette accusation pour la somme de trois mille drachmes que Midias lui paya (119).

III. On dit que dans sa jeunesse il s'enfermait dans un souterrain, la tête à moitié rasée, afin de n'être pas même tenté de sortir, et de se livrer tout entier à l'étude. (844e) Il couchait sur un lit très étroit, pour pouvoir se lever plus matin. Il avait de la peine à prononcer la lettre R : il vint à bout de surmonter cette difficulté. En déclamant, il haussait désagréablement une épaule beaucoup plus que l'autre. Pour s'en corriger, il attacha au plancher un fer pointu ou une épée, et la crainte qu'il avait de se blesser réforma cette mauvaise habitude. Lorsqu'il eut fait des progrès dans l'éloquence, il déclamait devant un miroir qui était de toute sa grandeur, afin de corriger ce qu'il avait de vicieux dans ses gestes. (844f) Il allait souvent se promener sur le Pirée, et déclamait aux bords de la mer agitée, dont le bruit l'accoutumait à braver les clameurs des assemblées du peuple. Comme il avait une difficulté naturelle de respirer, il donna mille drachmes au comédien Néoptolème, qui parvint à lui faire prononcer de suite de longues périodes (120).

IV. Lorsqu'il commença de prendre part aux affaires publiques, il trouva la ville partagée en deux factions,


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dont l'une était pour Philippe et l'autre pour la liberté. Il embrassa le dernier parti, et, toute sa vie, il ne cessa de conseiller aux Athéniens de secourir les peuples que menaçait l'ambition de Philippe. Il suivit en cela l'exemple d'Hypéride, (845e) de Nausiclès, de Polyeucte et de Domitius. Il fit entrer dans l'alliance d'Athènes les Thébains, les habitants de l'Eubée, de Corcyre et de Corinthe, les Béotiens et plusieurs autres peuples.

V. Sifflé un jour dans l'assemblée du peuple, comme il s'en retournait chez lui triste et découragé, il rencontra un vieillard de Thryase, appelé Eunomus, qui l'exhorta à ne pas se laisser abattre par ce revers. Il fut encore plus consolé par l'acteur Andronicus, qui lui dit que ses discours étaient excellents, et qu'on pouvait seulement y désirer quelque chose pour l'action. En même temps, il lui répéta (845d) plusieurs traits de sa harangue. Démosthène, sentant ranimer sa confiance, prit des leçons d'Andronicus, et depuis, quand on lui demandait quelle était la première partie de l'art oratoire, il répondait : l'action ; et la seconde, l'action ; et la troisième, l'action. Il se présenta de nouveau à l'assemblée du peuple, et ayant employé quelques expressions peu usitées, il fut encore sifflé et tourné même en ridicule par les poètes comiques Antiphane et Timoclès. Un jour, en haranguant le peuple, il jura par la terre, par les fontaines, les fleuves et les rivières. Ce serment excita de la rumeur dans l'assemblée. Une autre fois, en jurant par Esculape, il mit l'accent sur l'avant-dernière syllabe, et soutint que cette prononciation était exacte, parce que Esculape était (845c) un dieu doux et clément. Il en fut depuis souvent plaisanté. Mais les leçons d'Eubulide de Milet, le plus grand dialecticien de son temps, le corrigèrent de tous ses défauts (121). 


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VI. Un jour, à l'assemblée solennelle des jeux olympiques, il entendit Lamachus, en faisant l'éloge de Philippe et d'Alexandre, insulter aux Thébains et aux Olynthiens. Aussitôt il se lève, et récitant de mémoire plusieurs passages d'anciens poètes qui célébraient les exploits de ces deux peuples, il oblige l'orateur de se taire et de sortir de l'assemblée. (845d) Philippe ayant lu les discours que Démosthène avait prononcés contre lui, il avoua de bonne foi que s'il eût entendu cet orateur, il aurait été lui-même d'avis de faire la guerre, et l'aurait nommé pour commander l'armée. Il le comparait à un soldat, à cause de la vigueur de son éloquence, et Isocrate à un athlète, parce que ses discours semblaient faits pour la pompe d'un spectacle. A l'âge de trente-sept ans, à compter depuis Dexithée jusqu'à Callimaque, sous l'archontat duquel les Olynthiens firent demander du secours à Athènes contre Philippe, qui les serrait de près, (845e) il détermina le peuple à leur envoyer des troupes. L'année suivante, qui fut celle de la mort de Platon, Philippe détruisit Olynthe (122).

VII. Xénophon, le disciple de Socrate, vit Démosthène dans son enfance ou à la fleur de son âge ; car il a conduit son histoire de la Grèce jusqu'à la bataille de Mantinée, sous l'archonte Chariclidès (123). Et Démosthène avait déjà gagné son procès contre ses tuteurs sous l'archontat de Timocratès. Lorsque Eschine sortit d'Athènes


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après sa condamnation, Démosthène courut après lui à cheval. Eschine, qui crut qu'il venait pour l'arrêter, tomba à ses genoux et se couvrit le visage. Démosthène le releva, et après l'avoir consolé de son malheur, (845f) il lui donna un talent.

VIII. Cet orateur conseilla aux Athéniens d'entretenir à Thasos des troupes étrangères, et il y alla lui-même à cet effet avec le titre de triérarque. Il fut chargé d'approvisionner la ville de blé ; et accusé de malversation dans cet emploi, il fut absous. Il se trouva à la bataille de Chéronée, qui suivit la prise d'Élatée par Philippe. On raconte qu'il y quitta son rang, et qu'arrêté dans sa fuite par un buisson qui avait accroché sa robe, il se retourna en criant : Sauvez-moi la vie ! Il avait gravé pour devise ces mots sur son bouclier : Bonne fortune. Il prononça l'oraison funèbre de ceux qui avaient péri à cette bataille (124). Quelque temps après, chargé de faire réparer les murailles d'Athènes, et de diriger les travaux pour l'embellissement de la ville, il y mit du sien la valeur de cent mines (125). (846a) Il en donna dix mille pour la décoration des spectacles (126), et s'étant embarqué sur une galère, il alla chez tous les peuples alliés d'Athènes pour les engager à contribuer aux dépenses de la république. Ces services lui firent décerner plusieurs couronnes d'or, la première à la réquisition de Démotelès, d'Aristonicus et d'Hypéridès. Le décret pour la dernière, proposé par Ctésiphon, fut attaqué par Diodote et par Eschine, comme contraire aux lois. Démosthène en prit la défense, et ga-


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gna sa cause ; l'accusateur n'eut pas pour lui la cinquième partie des suffrages.

IX. Dans la suite, pendant l'expédition d'Alexandre en Asie, Harpalus, un de ses généraux, s'enfuit d'auprès de ce prince, emportant une partie de ses trésors; et s'étant présenté devant Athènes, Démosthène s'opposa d'abord à ce qu'on le reçût; mais lorsque Harpalus fut débarqué et qu'il lui eut fait présent de mille dariques, l'orateur changea de disposition. (846b) Les Athéniens voulaient livrer Harpalus à Antipater; Démosthène les en empêcha, et fut d'avis qu'on l'obligeât de déposer ses richesses dans la citadelle, et d'en déclarer la somme. Harpalus dit qu'il avait apporté sept cent cinquante talents, ou même plus, suivant l'historien Philochore. Ce général s'étant sauvé de la prison où on le tenait enfermé en attendant les ordres d'Alexandre, passa en Crète selon les uns, et suivant d'autres, à Ténare, ville de Laconie. Démosthène fut accusé de s'être laissé corrompre par Harpalus, (846c) pour lui laisser faire une déclaration inexacte des sommes qu'il avait apportées, et pour faciliter son évasion. Cité en justice par Hypéride, Pythéas, Ménésechme, Himérée et Patroclès, il fut condamné par l'Aréopage, et obligé de s'en aller en exil, parce qu'il était hors d'état de payer l'amende qu'on avait prononcée contre lui ; elle était de cinq fois autant que la somme qu'on prétendait qu'il avait reçue ; il était accusé d'avoir touché trente talents. D'autres disent qu'il prévint le jugement par un exil volontaire.

X. A peu près vers ce temps-là, les Athéniens envoyèrent Polyeucte en ambassade ver les (846d) Arcadiens, pour les détacher de l'alliance du roi de Macédoine. Polyeucte n'ayant pu rien obtenir d'eux, Démosthène se rendit à l'assemblée et leur persuada tout ce qu'il voulut. Les Athéniens, ravis d'un tel succès, donnèrent un décret pour son rappel, et envoyèrent une galère pour le cher-


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cher et le ramener à Athènes. Il fut ordonné qu'au lieu de payer les trente talents auxquels il avait été condamné, il ferait élever dans le Pirée un autel à Jupiter Sauveur. Ce décret fut rendu sur la proposition de Démon, du bourg de Péanie, qui était son parent. Démosthène rentra aussitôt dans l'administration des affaires.

XI. Lorsque Antipater fut assiégé par les Grecs dans la ville de Lamia, (846e) les Athéniens offrirent des sacrifices d'actions de grâces pour cet heureux événement. Démosthène dit à un de ses amis nommé Agésistrate qu'il avait sur les affaires présentes une autre opinion que le public. « Les Grecs, ajouta-t-il, sont bons pour un coup de main, mais non pour une longue guerre. »

XII. Dans la suite, Antipater s'étant rendu maître de Pharsale, et menaçant les Athéniens d'assiéger leur ville s'ils ne lui livraient leurs orateurs, Démosthène en sortit, et se retira d'abord à Égine, dans le temple d'Ajax. La crainte de tomber entre les mains d'Antipater le fit bientôt passer da*ns l'île de Calaurie. Là, ayant appris que les Athéniens avaient résolu de livrer leurs orateurs, (846f) et lui-même nommément, il se réfugia comme suppliant dans le temple de Neptune. Archias, surnommé le Phygadothère (127), ancien disciple du rhéteur Anaximène, vint l'y trouver pour lui persuader de sortir de cet asile, en l'assurant qu'il serait bien traité d'Antipater. « Mon ami, lui dit Démosthène, quand tu jouais sur le théâtre, tu n'avais pas le talent de me persuader ; tu ne me persuaderas pas davantage aujourd'hui que tu veux me donner des conseils. » Archias voulut l'enlever de force, mais les habitants l'en empêchèrent. « Ce n'est point pour sauver ma vie, dit alors Démosthène aux Calauriens, que je me suis réfugié dans votre île, mais pour convaincre les Ma-


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cédoniens qu'ils usent de violence envers les dieux eux-mêmes. » (847a) Aussitôt il demanda des tablettes, et, suivant le récit de Démétrius de Magnésie, il écrivit ces vers que les Athéniens firent depuis graver au bas de sa statue :

Démosthène, pourquoi la force et ta puissance
N'ont-elles de ton style égalé l'éloquence?
Jamais on n'aurait vu, par un honteux revers,
Des Macédoniens les Grecs porter les fers.

Cette statue, ouvrage de Polyeucte, est placée auprès du parvis de l'autel des douze dieux. D'autres disent qu'il écrivit simplement ces mots : Démosthène à Antipater, salut.

XIII. Philochore rapporte qu'il s'empoisonna dans une potion. L'historien Satyrus dit que la (847b) plume dont il se servit pour écrire son commencement de lettre à Antipater était empoisonnée, et qu'à peine il en eut sucé le bout qu'il mourut. Eratothène prétend que, précautionné depuis longtemps contre les violences des Macédoniens, il portait toujours du poison dans un bracelet pour s'en servir au besoin. Quelques uns veulent qu'il soit mort à force de retenir son haleine, d'autres enfin en avalant du poison qu'il avait dans son anneau. Il était âgé de soixante-huit ou soixante-dix ans au plus, et en avait été vingt-deux à la tête des affaires. Quand il apprit la mort de Philippe, il parut en public avec une robe blanche, pour témoigner sa joie de cet événement, quoiqu'il vînt de perdre sa fille depuis très peu de temps.(847c)  Les Thébains ayant pris les armes contre Alexandre, il se déclara pour eux, et ne cessa d'animer tous les peuples de la Grèce à faire la guerre à ce prince. Aussi, quand Alexandre eut détruit la ville de Thèbes, il somma les Athéniens, avec de grandes menaces, de le lui livrer. Lorsque ce prince porta la guerre en Asie, il fit demander des vaisseaux aux Athéniens. Démosthène opina pour qu'on ne lui en don-


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nât point, en disant qu'il s'en servirait peut-être contre ceux mêmes qui les lui auraient fournis.

XIV. Il laissa deux enfants d'une fille d'Héliodore, citoyen d'une famille honnête. La fille qu'il en avait eue mourut jeune avant d'avoir été mariée. La sœur de Démosthène avait épousé Lachès, du bourg de Leuconie, et fut mère de Démocharès, homme aussi brave et aussi éloquent (847d) qu'aucun autre de son temps. On voit encore dans le Prytanée, à droite en entrant, un portrait de Démosthène où il est peint avec une épée à sa ceinture, tel qu'il était en haranguant le peuple, lorsque Antipater demanda qu'on lui livrât les orateurs. Il est le premier qu'on ait représenté avec ce costume. Dans la suite, les Athéniens accordèrent à ses descendants le privilège d'être nourris dans le Prytanée ; et sur la proposition de son neveu Démocharès, ils lui élevèrent une statue dans la place publique, l'année de l'archontat de Gorgias. (847e) Dix ans après, sous celui de Pytharatus, Lachès, fils de Démocharès, du bourg de Leuconie, demanda aussi qu'on érigeât à son père une statue dans la place publique, et qu'on lui accordât d'être nourri dans le Prytanée, lui et l'aîné de sa famille, à perpétuité, avec le droit de préséance dans tous les jeux publics. Les deux décrets existent encore. La statue de Démocharès a été transportée depuis dans le Prytanée.

XV. On a sous le nom de Démosthène soixante-cinq oraisons qui sont toutes de lui. Quelques auteurs ont écrit qu'il menait une vie très licencieuse, qu'il s'habillait en femme et passait sa vie dans des parties de débauche, ce qui lui avait fait donner le surnom de Battalus (128). D'autres disent qu'il lui avait été donné par mignardise, du (847f) nom de sa nourrice. Diogène le Cynique le vit un jour dans un cabaret où, honteux d'être aperçu, il cherchait à se ca-


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cher. «Mon ami, lui dit le philosophe, plus tu te caches dans ce cabaret, et plus tu t'y enfonces.» Il disait, en plaisantant sur lui-même, qu'il était Scythe dans ses discours et bourgeois d'Athènes dans les combats. Il reçut de l'argent d'Ephialte, orateur athénien, qui, ayant été en ambassade auprès du roi de Perse, en rapporta secrètement des sommes considérables qu'il distribua aux orateurs d'Athènes, afin de les engager à faire déclarer la guerre à Philippe. (848a) On dit que Démosthène eut pour sa part trois mille dariques. Il fit arrêter un certain Anaxilas d'Orée, qui avait été autrefois son hôte, et qu'il soupçonnait d'être espion. Appliqué à la torture, il n'avoua rien ; mais Démosthène n'en demanda pas moins qu'il fût livré aux Onze.

XVI. Un jour, voyant que les Athéniens n'étaient pas disposés à l'écouter, il leur représenta qu'il n'avait que deux mots à leur dire. Le peuple ayant fait silence, il commença ainsi ; « Un jour d'été, un jeune homme loua un âne pour aller d'Athènes à Mégare; sur le midi, le maître de l'âne et le jeune Athénien, brûlés par l'ardeur du soleil, voulurent tous deux se mettre à l'ombre sous l'âne, et se disputaient la place, le maître, en disant qu'il n'avait loué que son âne, et non pas son (840b) ombre ; et le jeune homme, en soutenant qu'il avait loué l'âne avec toutes ses dépendances. » Là, Démosthène fit mine de vouloir descendre de la tribune. Les Athéniens le rappelèrent et le prièrent d'achever. « Eh quoi ! leur dit-il alors, vous voulez bien m'écouter quand je vous fais un conte sur l'ombre d'un âne, et lorsqu'il s'agit de vos plus grands intérêts, vous refusez de m'entendre? » Le comédien Polus se vantait d'avoir gagné un talent pour deux jours qu'il avait joué. « Et moi, lui dit Démosthène, j'en ai gagné cinq pour avoir gardé le silence un seul jour (129).»


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Une fois, en parlant devant le peuple, la voix lui manqua et il fut sifflé. Il dit qu'il fallait juger les comédiens sur leur voix, et les orateurs sur leurs pensées. (848c) Epiclès lui ayant reproché le soin avec lequel il préparait ses discours : « J'aurais honte, lui dit Démosthène, de venir donner des conseils à un si grand peuple sans avoir prévu ce que je dois lui dire. » On disait de lui qu'il n'éteignait jamais sa lampe (130) ; et il retoucha ses discours jusqu'à l'âge de cinquante ans. Il dit lui-même qu'il ne buvait jamais que de l'eau. L'orateur Lysias l'avait vu lorsqu'il était encore dans sa première jeunesse, et Isocrate, - avec quelques philosophes de l'école de Socrate, le virent à la tête des affaires jusqu'à l'époque de la bataille de Chéronée. Il prononça la plupart de ses discours sans préparation, parce qu'il avait une grande facilité à parler sur-le-champ (131). (848b) Aristonicus l'Anagyrasien, fils de Nicophanès, fut le premier qui proposa de lui décerner une couronne d'or; et Diondas y forma opposition en demandant d'être reçu à serment.


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VIE D'HYPÉRIDE.

I. Son origine, ses maîtres et ses premières actions. — II. Quoique ami de Démosthène, il se rend son accusateur. — IIl. Il est accusé pour un décret qu'il avait fait rendre — IV. Sa mort. — V. Diverses manières dont on la raconte. —VI. Son éloquence. — VII. Sa passion pour les femmes. — VIII. Ses mémoires contre Démosthène. — IX. Traits de son patriotisme. — X. Caractères et effets de son éloquence.

I. Hypéride, fils de Glaucippe, et petit-fils de Denys, du bourg de Colytte (132), eut un fils nommé Glaucippe comme son aïeul, qui fut rhéteur, et composa des discours oratoires; son fils s'appelait Alphinus. Hypéride fut disciple de Platon le philosophe, et des orateurs Lycurgue et Isocrate. (848e) Il avait part au gouvernement d'Athènes dans le temps qu'Alexandre s'occupait des affaires de la Grèce, et il s'opposa à ce qu'on lui fournît des généraux et des galères (133). Il conseilla aux Athéniens de ne pas congédier les troupes étrangères qu'ils entretenaient à Ténare, et que Charès commandait ; ce général était fort son ami. Dans les commencements, Hypéride plaida pour avoir de quoi subsister. Il fut soupçonné d'avoir eu part à la distribution de l'argent qu'Ephialte avait apporté de Perse ; ce qui ne l'empêcha pas d'être nommé triérarque, pour aller au secours de Byzance, que Philippe assiégeait. Il fut chargé cette même année de présider aux


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jeux publics, tandis que les autres triérarque (848f) avaient été privés de tout emploi.

II. Il proposa qu'on décernât des honneurs publics à Démosthène. Diondas accusa le décret comme contraire aux lois ; mais Hypéride fut absous. Il avait été d'abord l'ami de Démosthène, de Lysiclès et de Lycurgue. Dans la suite il changea de disposition, et après la mort des deux derniers, Démosthène ayant été soupçonné, d'avoir reçu de l'argent d'Harpalus, Hypéride fut choisi entre tous les orateurs pour suivre l'affaire en justice, parce qu'il était le seul qui ne se fût pas laissé corrompre, et il l'accusa.

III. Il fut ensuite accusé lui-même par Aristogiton d'avoir agi contre les lois, (849a) en proposant, après la bataille de Chéronée, d'accorder les droits de citoyen aux étrangers et aux esclaves, et d'envoyer dans le Pirée les femmes, les enfants, et tout ce qui servait au culte des dieux. Comme on lui reprochait de n'avoir pas vu que par ce seul décret il violait plusieurs lois : « Les armes des Macédoniens, dit-il, m'offusquaient la vue ; et d'ailleurs ce n'est pas moi qui ai proposé le décret, c'est la bataille de Chéronée. » Cependant, après cette résolution prise par les Athéniens, Philippe, qui en craignit les suites, leur permit d'ensevelir les morts; ce qu'il avait d'abord refusé aux hérauts qu'on lui avait envoyés de Lébadie.

IV. Après la défaite de Cranon (134), Antipater demanda qu'on lui livrât Hypéride, (849b) et le peuple se disposant à le faire, il s'enfuit à Égine avec les autres proscrits. Il y rencontra Démosthène, et tâcha de justifier la conduite qu'il avait tenue envers lui. Comme il pensait à chercher une


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autre retraite, il fut arrêté par ordre d'Archias de Thurium, surnommé Phygadothère, qui, d'abord comédien de profession, était alors aux gages d'Antipater. Il le fit enlever de force du temple de Neptune, dont il embrassait la statue. Il fut conduit à Corinthe auprès d'Antipater, et appliqué à la question, pour tirer de lui les secrets de la république. Mais de peur de céder à la violence des tourments, il se déchira la langue, et expira ainsi le (849c) 9 du mois pyanepsion (135).

V. Hermippus raconte qu'il fut mené en Macédoine, qu'il s'y coupa la langue, et que son corps fut laissé sans sépulture; mais qu'AIphinus, son cousin, et, suivant d'autres, son petit-fils par Glaucippe, obtint, par le crédit du médecin Philopithès, la permission d'enlever son corps. Il le fit brûler, et malgré les défenses des Athéniens et des Macédoniens, il en rapporta les cendres à Athènes. Non seulement il avait été banni par les premiers, lui et tous ses coaccusés, mais on avait défendu de les inhumer dans l'Attique. D'autres disent qu'il fut conduit à Cléones avec les autres bannis, qu'il s'y déchira la langue, et y mourut^de la manière que je viens de dire ; que ses parents ayant recueilli ses ossements, ils les déposèrent dans le tombeau de sa famille, près de la porte aux Chevaux. C'est ce que raconte Héliodore dans son troisième (849b) livre des Monuments. Mais ce tombeau est entièrement détruit, et il n'en reste pas le moindre vestige.

VI. On prétend qu'aucun orateur n'avait autant de talent que lui pour parler dans les assemblées du peuple. Quelques uns même le mettent à cet égard au-dessus de Démosthène. On a publié sous son nom soixante-dix-sept oraisons ; mais il n'y en a que cinquante-deux qui soient vraiment de lui (136).


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VII. Il eut une telle passion pour les femmes, qu'il chassa de chez lui son propre fils, afin d'y introduire Myrrhiné, la courtisane la plus somptueuse qui fût alors. Il entretenait en même temps dans le Pirée, Aristagora, et dans sa maison d'Éleusis, Philté, courtisane de Thèbes, (849e) qu'il avait rachetée de l'esclavage pour le prix de vingt mines (137). Il se promenait tous les jours dans le marché aux poissons. Il semble qu'il ait été compris dans l'accusation d'impiété qui fut intentée à la courtisane Phrynée. Du moins le donne-t-il à entendre au commencement du plaidoyer qu'il prononça pour elle. Comme il vit qu'elle allait être condamnée, il la fit avancer au milieu de l'Aréopage ; et ouvrant sa robe, il montra son sein à découvert. Les juges, frappés de sa beauté, n'eurent pas le courage de la condamner.

VIII. Il composa des mémoires secrets contre Démosthène, qui, étant venu le voir pendant qu'il était malade, (849f) le surprit lisant ces mémoires ; et comme cet orateur lui en témoignait son indignation : « Tant que nous serons amis, lui dit Hypéride, ces mémoires ne vous feront aucun tort ; mais si jamais vous devenez mon ennemi, ils vous empêcheront de me nuire. » Il proposa qu'on décernât des honneurs publics à Jolas, qui passait pour avoir donné du poison à Alexandre. Il contribua beaucoup avec Léosthènes à faire déclarer la guerre Lamiaque, et eut le plus brillant succès en prononçant l'éloge funèbre de ceux qui y avaient péri.

IX. Lorsqu'il vit que Philippe se disposait à faire une descente dans l'Eubée, et que ses desseins donnaient de vives inquiétudes aux Athéniens, il leva une contribution sur les citoyens, fit équiper quarante galères, et en fournit lui-même deux, une pour lui et une pour son fils. (850a) Il s'était élevé une dispute entre les Athéniens et les habi-


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tants de Délos, sur l'intendance du temple d'Apollon dans cette île. Le peuple avait nommé Eschine pour plaider la cause des Athéniens. Mais l'Aréopage choisit Hypéride et nous avons encore l'oraison qu'il prononça et qui porte le titre de Déliaque. Il fut envoyé en députation à Rhodes, où il vint des ambassadeurs d'Antipater qui vantaient la probité de ce prince. « Nous savons que c'est un honnête homme, leur dit Hypéridès ; mais nous ne voulons point de maître, quelque probité qu'il ait. »

X. (850b) On dit qu'il ne mettait aucune prétention dans ses harangues au peuple, et que dans ses plaidoyers, content d'exposer simplement les faits, il ne cherchait point à émouvoir les juges. Il fut député vers les Éléens, pour plaider devant eux la cause de l'athlète Calippe, qu'on accusait d'avoir corrompu les juges des jeux, et il le justifia. Sur la dénonciation de Midias l'Anagyrasien, fils de Midias, il accusa Phocion d'avoir voulu corrompre le peuple par des largesses; mais il perdit sa cause. Ce fut sous l'archontat de Xénias, le 24 du mois de gamélion.


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VIE DE DINARQUE.

1. Sa patrie, ses maîtres, son entrée dans les affaires. — Il. Il amasse de
grandes richesses à composer des plaidoyers. — IIl. Son exil d'Athènes et son rappel. — IV. Ses discours, caractère de son éloquence.

I. Dinarque, fils de Socrate ou de Sostrates, était d'Athènes, suivant les uns, et selon d'autres, de Corinthe. Il vint (850c) jeune à Athènes, dans le temps qu'Alexandre passa en Asie (138), et il s'y fixa. Il fut disciple de Théophraste, successeur d'Aristote dans l'école du Lycée, et se lia avec Démétrius de Phalère. Après la mort d'Antipater, comme les anciens orateurs étaient presque tous ou morts ou en exil, il se trouva à la tête de l'administration.

II. Il s'insinua dans les bonnes grâces de Cassandre; et par la faveur de ce prince, autant que par les plaidoyers qu'il composait pour des citoyens, il amassa de grandes richesses. Il eut pour adversaires les plus célèbres orateurs de son temps, non qu'il parlât lui-même contre eux devant le peuple, car il ne le pouvait pas ; mais il composait les discours des citoyens qui leur étaient opposés. (850d) Après la fuite d'Harpalus, il fit plusieurs plaidoyers pour les accusateurs de ceux qui étaient soupçonnés d'avoir reçu de l'argent de ce général d'Alexandre.

III Dans la suite, accusé lui-même d'avoir entretenu des intelligences avec Antipater et Cassandre, lorsque le fort de Munychium fut pris par Antigonus et Démétrius, sous l'archontat d'Anaxicratès (139) il vendit la plus grande partie de ses effets, et s'enfuit à Chalcis, où il vécut en exil pendant quinze ans. Il y gagna beaucoup d'argent, et fut rappelé à Athènes par le crédit de Théophraste, avec plusieurs autres exilés. Il alla demeurer chez un de ses amis, nommé Proxène, où on lui vola (850e) son argent.


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Quoique vieux et presque aveugle, il intenta procès à son hôte, qui avait refusé de faire informer sur ce vol ; et ce fut la première fois qu'il plaida lui-même. Nous avons encore ce plaidoyer.

IV. On a sous son nom soixante-quatre oraisons qu'on croit toutes de lui. Des critiques cependant en attribuent quelques unes à Aristogiton. Il prit, dit-on, Hypéride pour modèle ; d'autres disent Démosthène, et ils se fondent sur la chaleur, sur la véhémence de son style, et sur le genre de figures qu'il emploie.


(01) Bourg de l'Attique de la tribu Eantide. Ce nom lui venait des buissons qui y croissaient en grande quantité.

(02) Le nom de sophiste ne se prenait pas toujours en mauvaise pari. Il désignait, soit les rhéteurs qui enseignaient l'art oratoire, la morale et la philosophie, soit les sophistes qui, se parant d'une fausse sagesse, abusent de leur talent pour substituer à la vraie philosophie de vaines subtilités et de faux raisonnements.

(03) Le commencement de cette Vie est plein d'erreurs ; elles viennent de ce que l'auteur a confondu trois Antiphons : le plus ancien de tous est notre orateur; ayant été l'un des principaux agents du renversement de la démocratie, il fut mis à mort lorsque le peuple eut recouvré sa liberté. Ce fui lui, et non son père Sophilus, qui eut Alcibiade pour disciple. Le second Antiphon, contemporain du premier el Athénien comme lui, était sophiste et expliquait les songes ; c'est lui qui avait avec Socrate ces disputes fréquentes dont parle l'auteur. Le troisième Antiphon était poète tragique, et c'est lui qui fut mis à mort par ordre de Denys le Tyran, pour la réponse hardie que nous allons voir et que l'auteur attribue faussement à notre orateur.

(04) A Athènes, les citoyens qui avaient des procès étaient obligés de plaider eux-mêmes leur cause; mais comme la plupart n'avaient pas assez de talent pour cela, ils s'adressaient à des orateurs qui composaient leurs plaidoyers. J'ai peine à croire, sur le témoignage de notre auteur, qu'Antiphon soit le premier qui ail introduit cet usage.

(05) Arciiinus eut, avec Thrasybule, la plus grande part à l'expulsion des trente tyrans: Critias était de ce nombre. Socrate, qui avait cultivé ses talents avec soin, ne prévoyait pas l'usage qu'il en ferait.

(06) Cécilius était un rhéteur grec estimé qui vivait du temps d'Auguste.

(07) Ce discours de Lysias est perdu ; mais cet orateur, dans celui qu'il a fait contre Ératosthène, et que nous avons encore, dit qu'Antiphon fut mis à mort par le peuple après l'abolition des Quatre-Cents.

(08) Théopompe de Chios, l'un des plus illustres disciples d'Isocrate, avait écrit une histoire de la Grèce qui commençait où Thucydide avait fini. On lui donnait le nom d'histoire philippique, parce qu'il s'était particulièrement attaché à décrire les actions de Philippe.

(09) Tout ceci regarde un Antiphon poète, postérieur à notre orateur, puisqu'il vivait du temps de Denys. On sait qu'Harmodius et Aristogiton avaient tué Hipparque, fils de Pisistrate et tyran d'Athènes.

(10) Il ne nous en reste aujourd'hui que quinze. M. l'abbé Auger en a donné quelques unes à la suite de la traduction d'Isocrate.

(11) Platon le poète avait fait une comédie intitulée Pixanire, qui est citée par le Scoliaste d'Aristophane et par Athénée. Pisandre avait été un des chefs de la faction aristocratique dont Antiphon était l'âme; il fut mis au nombre des Quatre-Cents.

(12) Glaucus de Rhégium en Italie avait composé, dit Plutarque dans son traité de la Musique, l'histoire des anciens poêles et musiciens. Il vivait du temps de Socrate.

(13) La vingt-unième année de la guerre du Péloponnèse, et la deuxième  de la quatre-vingt-douzième olympiade, quatre cent onze ans avant Jésus-Christ.

(14) Des magistrats pris dans les dix tribus d'Athènes, et qu'on nommait prytanes parce qu'ils s'assemblaient dans le Prytanée, gouvernaient alternativement. On donnait le nom de prytanie à la durée du temps pendant  lequel chaque tribu était en lourde gouverner, et il durait ou trente-cinq ou trente-six jours. Et comme les tribus, ainsi que nous venons de le dire, étaient au nombre de dix, cela complétait l'année athénienne, composée de trois cent soixante jours.

(15) C'était le nom qu'on donnait à Athènes aux officiers chargés de faire exécuter les arrêts de mort.

(16) Il y a ici dans le texte une lacune qu'aucun des critiques qui ont fait des remarques sur cette Vie n'a pu remplir. J'ai suivi le sens qui m'a paru mettre plus de suite et de liaison dans le discours.

(17) Phrynicus avait été avec Antiphon un des principaux agents de la révolution qui renversa le gouvernement démocratique, et il fut mis au nombre des Quatre-Cents. Cette faction était très opposée au retour d'Alcibiade, et Phrynicus surtout l'empêchait de tout son pouvoir. Au retour de cette ambassade dont il est parlé dans le décret contre Antiphon, et qui était contraire aux intérêts de la république, Phrynicus, qui avait été l'un des députés, fut assassiné au milieu de la place publique sans que personne se mil en peine de prendre sa défense ou de venger sa mort.

(18) Taylor, dans ses remarques sur Lysias, observe que notre auteur attribue à Andocidès ce qui a été fait par son aïeul, qui portait le même nom que lui. Cet orateur dit lui-même, dans son oraison pour la paix, que les Athéniens nommèrent dix députés chargés de pleins pouvoirs pour aller à Sparte traiter de la paix, et que son aïeul Andocidès était de ce nombre. 

(19) Le bourg Cydathénien était de la tribu Pandionide, et celui de Thuréum de la tribu Antiochide. Andocidès n'habitait ni dans l'un ni dans l'autre. Nous allons voir que sa maison était située dans la tribu Egéide. Cela venait, suivant Taylor, de ce qu'on classait les citoyens, non dans la tribu où ils demeuraient, mais dans celle d'où ils tiraient leur origine, comme, chez les Romains, les meilleures familles étaient inscrites dans les tribus rustiques, quoiqu'elles demeurassent à Rome.

(20) Il y eut deux historiens de ce nom, l'un de Lesbos, plus ancien qu'Hérodote ; l'autre, plus moderne, était de Milet.

(21) Les hérauts publics avaient pour patron Mercure, le messager des dieux.

(22) Une rupture éclatante entre la ville de Corinthe et l'île de Corcyre, sa colonie, aujourd'hui Corfou, fut le premier germe de la guerre du Péloponnèse.

(23) Il y eut contre Andocidès une double accusation que notre auteur n'a pas assez bien expliquée. La première est indiquée par Thucydide, qui dit, liv. VI, chap. 28, que la mutilation de quelques statues fut faite par des jeunes gens ivres; c'est celle qu'Andocidès subit dans sa première jeunesse; mais on ne donna pas de suite aux informations commencées sur ce sacrilège. Ce ne fut qu'à la seconde mutilation, qui avait été presque générale, que les Athéniens poursuivirent les coupables avec la dernière rigueur. 

(24) Il n'y a pas d'apparence que cette profanation soit la même que celle dont Alcibiade se rendit coupable en représentant les mystères de Cérès, comme on l'a vu. Dans le discours d'Andocidès relatif à cette accusation, on voit que le sacrilège qu'on lui imputait était d'avoir posé sur l'autel de Cérès à Éleusis un rameau d'olivier entouré de bandelettes; cérémonie usitée pour les suppliants, mais défendue pendant ta célébration des mystères, sous peine de mort ou d'une forte amende. Andocidès prétend que ses ennemis avaient placé méchamment le rameau sur l'autel, pour l'accuser ensuite de ce sacrilège.

(25) Cette statue, qui était d'une grande beauté, fut la seule conservée.

(26) On appelait chœurs cycliques ceux dont les acteurs marchaient circulairement sans s'arrêter, du mot grec cercle. Les anciens, dit Marius Victorinus, chantaient en vers les louanges des dieux, en faisant le tour de leurs autels. Le premier tour, qu'ils commençaient par la droite, se nommait strophe. Ils revenaient sur leurs pas en tournant à gauche, et ce second tour s'appelait antistrophe. Alors ils s'arrêtaient devant les images des dieux, et achevaient de chanter leur poème dans cette posture qu'ils nommaient épode. On donnait encore le nom de cycliques aux poètes qui allaient dans les places publiques réciter leurs poèmes, qui ordinairement étaient des dithyrambes, aux spectateurs assemblés en rond. Ils disputaient le prix entre eux.

(27) Céphalus, père de Lysias, était fort ami de Socrate, et ce fut chez lui que se tinrent ces conversations si intéressantes que Platon a rédigées dans sa République.

(28) Platon, dans le commencement de sa République, parle des grandes richesses de Céphalus, qu'il avait, dit-on, acquises des profits d'une manufacture de boucliers, à laquelle il occupait cent vingt esclaves. L'auteur de cette Vie fait douter, par la manière dont il s'explique, s'il avait déjà cette  fortune considérable lorsqu'il vint s établir à Athènes, ou si c'est dans cette ville qu'il l'avait acquise. On peut conjecturer, d'après Platon, que ses pères étaient fort riches et lui avaient laissé de grands biens.

(29) Platon ne donne que deux frères à Lysias: Polémarque, qui était l'aîné, et un second, qu'il appelle Euthydême. 

(30) C'était la première année de la quatre-vingt-quatrième olympiade.  Lysias, né la deuxième année de la quatre-vingtième, devait avoir alors seize ans.

(31) On trouve un détail 1rès intéressant de cette persécution de Lysias et de sa famille dans ses discours contre Agorathus et contre Ératosthène.

(32)  Environ mille huit cents livres de notre monnaie actuelle.

(33) On désignait par le nom d'anarchie la première année de la quatre-vingt-quatorzième olympiade, qui fut celle de la domination des Trente ; et on datait de la suivante, où les tyrans furent chassés, le rétablissement de l'ordre et des lois.

(34) Archinus, qui avait tant contribué avec Thrasybule à l'expulsion des tyrans, s'opposa à ce décret, non par haine ou par envie, mais par un grand respect pour les lois et les coutumes d'Athènes.

(35) Lysias mourut la deuxième ou la troisième année de la centième olympiade, deux ans après la naissance de Démosthène Par conséquent il était âgé de quatre-vingts ou quatre-vingt-un an au plus.

(36) Cette oraison est celle qu'il prononça contre Ératosthène, qui avait été l'un des trente tyrans d'Athènes. Lysias s'y plaint des persécutions excitées contre lui et sa famille.

(37) Plusieurs amis de Socrate offrirent de le défendre, mais il refusa leurs offres. Les juges devant qui sa cause fut plaidée étaient de ceux qui sont plus sensibles aux mouvements de l'éloquence qu'aux intérêts de la justice ; et ses adversaires n'avaient pas négligé ce moyen de séduction.

(38) Philiscus était un rhéteur de Milet.

(39) La fin de cette Vie est encore très altérée et presque inintelligible. J'ai suivi les corrections faites par Taylor dans sa collection des fragments de Lysias, qui est dans le sixième volume des orateurs de Reiske. Iphicrate et Timothée, deux généraux athéniens, se distinguèrent dans la guerre sociale.

(40) Il y a dans le texte : grand-prêtre, tandis que Théodore n'était qu'un simple luthier. Etienne de Byzance dit formellement qu'Isocrate était du bourg d'Erecthée.

(41) C'était un bourg de la tribu Pandionide. 

(42) Ce trait est attribué par d'autres au philosophe Socrate.

(43) Ce traité d'Isocrate n'existe plus. 

(44) C'est ce qui l'obligea de composer des plaidoyers pour gagner de quoi vivre.

(45) Tout citoyen d'Athènes contribuait de son bien à l'entretien des galères. Celui dont le bien montait à dix talents (environ quarante-huit mille livres de notre monnaie) pouvait être nommé triérarque, ou capitaine de galère ; auquel cas il était obligé d'équiper une galère, et avait droit de la commander. Ceux dont le bien était au-dessous de dix talents se joignaient plusieurs ensemble, jusqu'à la concurrence du nombre nécessaire, el contribuaient à frais communs à l'armement d'une galère. La charge de triérarque étant fort onéreuse, il était permis à ceux qui étaient nommés d'indiquer quelqu'un qui fût plus riche qu'eux, et de demander qu'on le mît à leur place, pourvu qu'ils fussent prêts à changer de bien avec lui, et à faire la fonction de triérarque après cet échange. Cette loi était de Solon, et s'appelait la loi des échanges. Je doute, au reste, qu'Isocrate ait jamais prononcé ce discours devant ses juges.

(46) Ce discours est généralement regardé comme le chef-d'œuvre d'Isocrate. C'est le panégyrique de la ville d'Athènes, qui fut publié dans une de ces assemblées solennelles que les Grecs nommaient panégyries, dit H. de Bréquigny, Vie d'Isocrate, traité sur la Gioire d'Athènes. Plutarque reproche avec beaucoup de dureté à Isocrate d'avoir été quinze ans à composer ce discours. D'autres n'en mettent que dix, ce qui est encore beaucoup. Le savant académicien que je viens de citer prouve très bien qu'il n'y travailla tout au plus que quatre ans.

(47) Ce que l'auteur dit ici paraît destitué de tout fondement, et je crois, comme M. de Bréquigny, qu'il a imaginé cette prétendue réforme d'après un passage mal entendu de Cicéron, qui dit que l'école d'Isocrate était une image d'Athènes, et qu'à l'exemple de cette république, qui envoyait souvent ses sujets former au loin des établissements nouveaux, il partait chaque année de l'école d'Isocrate, pour toutes les parties de la terre, des colonies de savants. 

(48) Les deux premiers écrivains furent de célèbres historiens. Phodus dit qu'Isocrate leur conseilla d'embrasser le genre de l'histoire, et qu'il leur proposa à chacun des sujets conformes à leur génie. Asclépiade était de Tragile, ville de Thrace ; etThéodecte, de Phasélis en Pamphylie, avait composé cinquante tragédies dont il ne nous reste rien. L'auteur s'exprime assez obscurément sur ces deux poètes. J'ai traduit d'après Photius.

(49) Pausanias parle aussi du tombeau de Théodecte; mais il avoue son ignorance sur l'origine du mot Cyamite. Il ne sait si c'était le nom d'un héros honoré par les Athéniens, ou de la personne qui, la première, leur avait enseigné à cultiver les fèves. Éleusis était éloignée d'Athènes de quatre lieues. Comme on y célébrait les mystères de Cérès, on donnait le nom de sacré au chemin qui y conduisait.

(50) Ce Lacritus ne m'est point connu d'ailleurs. Fabricius, dans le catalogue des anciens législateurs, ne le cite que sur la foi de notre auteur et de Photius, qui ne sont pas de sûrs garants. Il est étonnant qu'un législateur soit ignoré dans une époque aussi rapprochée que celle-là. Peut-être qu'il n'avait fait qu'écrire ses lois, et que les Athéniens no les avaient pas adoptées.

(51) Les 1,000 drachmes valaient environ 800 livres.

(52) Ce fait, qui contraste si fort avec les principes de morale répandus dans tous les ouvrages d'Isocrate, va être démenti par l'auteur lui-même, qui nous dira que cet orateur ne recevait aucun salaire de ceux de ses disciples qui étaient citoyens d'Athènes. 

(53) Je ne puis dire à quoi Isocrate faisait allusion en récitant ces trois vers.

(54) Isocrate était né la première année de la quatre-vingt-sixième olympiade. Chéronidas fut archonte la troisième année de la cent dixième. Isocrate mourut donc âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans.

(55) Athènes avait été subjuguée une première fois par Pisistrate, du temps de Solon, la seconde fois par les Quatre-Cents, la troisième sous les trente tyrans, et la quatrième par Philippe. Isocrate avait vu les trois dernières révolutions.

(56) Isocrate dit lui-même au commencement de ce discours qu'il était âgé de quatre-vingt-quatorze ans lorsqu'il se mit à le travailler; qu'une maladie de trois ans l'obligea de l'interrompre, et que, l'ayant repris ensuite, il l'acheva à l'âge de quatre-vingt-dix-sept ans. Ce discours est encore un bel éloge d'Athènes différent du Panégyrique, en ce que, dans le premier, il ne se propose que de louer les Athéniens, et que, dans l'autre, il a encore pour but de les engager à faire la guerre aux Perses. On croit que son nom de Panathénaïque lui vient de ce qu'il fut publié pendant les fêles Panathénées.

(57) Photius dit au contraire que ce discours n'est point du tout écrit à la manière de Gorgias et de Lysias.

(58) D'autres disent qu'elle était sœur d'Hîppias, et qu'Apharéus était fils de Lagisca, célèbre courtisane qu'Isocrate épousa.

(59) Isocrate composa l'oraison funèbre d'Evagoras, roi de Chypre, père de Nicoclès, el il adressa à celui-ci, lorsqu'il fut sur le trône, un premier discours sur la manière de bien régner, et un second qui porte le nom de Nicoclès, dans lequel l'orateur traite des devoirs des sujets envers leur prince. Ces trois ouvrages ont échappé à l'injure des temps.

(60) Notre auteur se contredit ici lui-même ; il va dire plus bas qu'Isocrate n'eut que deux procès dans sa vie. C'est au second récit qu'il faut s'en tenir.

(61) Dans le traité de l'Éducation, ce mot est attribué au philosophe Aristippe.

(62) Je crois que l'auteur a été ici induit en erreur par une conformité de noms. Isocrate était trop timide et avait la voix trop faible pour avoir osé se mesurer dans une pareille lice à l'âge de quatre-vingt-trois ans. Il est plus vraisemblable que ce fut un autre Isocrate d'Apollonie, ancien disciple de notre orateur, qui se présenta à ce concours.

(63) Isocrate, dans ce discours, se propose d'éclairer ses concitoyens sur les abus du gouvernement, et de les exhorter à les réformer. On croit qu'il fut nommé Aréopagitique parce qu'il contient l'éloge de l'ancien Aréoppage

(64) Léocharès était un artiste célèbre qui avait travaillé au superbe tombeau qu'Artémise fil élever à son époux Mausole. L'attachement que Timothée montra constamment pour son maître est d'un bel exemple, et malheureusement trop peu imité. Ce n'était pas un sentiment rare dans un temps où l'on sentait tout le prix d'une bonne éducation. 

(65) Il nous reste aujourd'hui de cet orateur vingt-un discours et neuf lettres.

(66) La mine valait 100 drachmes; ainsi c'était environ 800 livres de notre monnaie en 1789.

(67) Isocrate plaisantait sûrement en donnant cette définition ; il avait une trop grande idée de l'éloquence pour la réduire à si peu de chose. Peut-être aussi était-ce une critique de quelques orateurs de son temps.

(68) Dans la Vie de Périclès, Plutarque met dans la bouche de ce général le propos qu'on attribue ici par erreur a Isocrate. Sophocle était né soixante ans avant cet orateur, et quoiqu'il ait pu voir Isocrate, on ne peut guère supposer que ce poète ail mérité, à plus de quatre-vingts ans, un pareil reproche, et encore moins qu'Isocrate le lui ait fait, n'étant âgé que de vingt ans.

(69) Éphore profita mieux cette fois des leçons d'Isocrate. Son histoire de la Grèce mérite nos regrets, à en juger par les éloges que les anciens enont faits. C'était de lui qu'Isocrate disait qu'il avait besoin de l'éperon, tandis qu'il fallait un frein à Théopompe.

(70) C'était une maison, une chapelle ou un temple dans lequel on tenait en dépôt les ornements destines aux cérémonies publiques de religion, tels que les vêtements pontificaux, les vases, les patères et autres. Son nom vient de solennité.

(71) Lysistrate fui archonte la quatrième année de la cent deuxième olympiade, et Sosigènes la troisième année de la cent neuvième, ce qui fait bien vingt-huit ans.

(72) Les fêtes Lénéennes faisaient partie des fêtes Anthestériennes, qu'on célébrait à Athènes pendant trois jours dans le mois d'anthestérion, qui répondait à notre mois de février.

(73)  Chalcis était une ville de l'île d'Eubée. Denys d'Halicarnasse le fait
Athénien.

(74) L'est une grande contradiction avec ce qu'il a dit dans la Vie d'Isocrate, que Démosthène n'avait pas été en état de donner à cet orateur mille drachmes pour payer ses leçons. Mais nous y avons fait observer que ce dernier fait était hors de vraisemblance, Photius dit que Démosthène ne donna à Isée que deux mille drachmes de récompense.

(75) Théopompe, poète de l'ancienne comédie, avait composé dix-sept pièces de théâtre, et, selon d'autres, vingt-quatre, qui sont toutes perdues.

(76) C'était un des bourgs de l'Attique.

(77) Démosthène, dans son discours sur la Couronne, dit que le père d'Eschine s'appelait Tromès, et que son fils, allongeant son nom de doux syllabes, en avait fait Atromète; que sa mère, qu'il appelait avec beaucoup de dignité Glaucotée, était plus connue sous le nom d'Empuse (c'est ainsi qu'on appelait les spectres nocturnes), parce qu'elle initiait aux bacchanales.

(78) Voyez Démosthène, sur la Fausse Légation. 

(79) Suidas le nomme Alcidamas.

(80) On donnait ce nom aux députés que chaque ville grecque envoyait au conseil des amphictyons aux Thermopyles.

(81) Les deux discours d'Eschine et de Démosthène ont été conservés.

(82) Ce décret portail que Démosthène, en récompense de ses travaux politiques et des services qu'il avait rendus à sa patrie, soit au dedans, soit au dehors de la ville, recevrait en plein théâtre une couronne d'or. L'accusation qu'Eschine avait intentée à Ctésiphon, avant la mort de Philippe, ne fut reprise que la sixième année du règne d'Alexandre.

(83) De fut la deuxième année de la cent quatorzième olympiade, un an après Alexandre; il avait soixante-quinze ans.

(84) Démocharès était fils d'une sœur de Démosthène ; il était aussi éloquent que brave. Outre des discours oratoires, il avait composé des ouvrages historiques. Il ne faut pas le confondre avec un frère d'Eschine du même nom.

(85) Elles existent encore, et depuis longtemps ce sont les seules qu'on ait de cet orateur, car Photius ne parle que de ces trois-là.

(86) Les Athéniens et les habitants de Délos se la disputaient; elle fut adjugée aux premiers.

(87) Tamynes était une ville d'Érétrie dans l'île d'Eubée. Eschine, dans son oraison sur son ambassade, dit qu'il se distingua dans ce combat parmi les plus braves; que les généraux lui donnèrent une couronne sur le champ de bataille, et qu'à son retour à Athènes, le peuple lui en décerna une seconde.

(88) Timarque était un rhéteur athénien ami de Démosthène et fort décrié par son goût pour les courtisanes. 

(89) Démosthène parut dans cette occasion d'une manière bien humiliante pour lui, et qui dut relever encore le triomphe de son rival. A peine il eut prononcé, en hésitant, quelques phrases obscures, que sa mémoire l'abandonna entièrement, el qu'ayant inutilement essayé de se remettre, sur les invitations de Philippe, qui jouissait avec un plaisir malin de son embarras, il se vit obligé de garder le silence. Il est vrai que la circonstance était bien critique pour lui. Il ne se trouvait plus dans cette assemblée du peuple d'Athènes, dont la confiance générale donnait tant d'essor à son talent. Il était presque seul vis-à-vis d'un prince qu'il voyait pour la première fois, dont il s'était constamment déclaré l'ennemi, et dont la mauvaise volonté connue devait le jeter dans le plus grand embarras.

(90) On peut être surpris que notre auteur n'ait pas, à l'exemple de Photius, placé Démosthène à la suite d'Eschine, car on ne sépare guère ces deux orateurs ; mais il s'est astreint à l'ordre chronologique, et Lycurgue était plus ancien de quelques années que Démosthène.

(91) C'était un bourg de la tribu Egéide.

(92) Buta on Butés était, suivant plusieurs anciens auteurs, un bourg de la tribu Onéide. Mais Taylor, dans la Vie de Lycurgue, croit qu'il n'y a jamais eu dans l'Attique de bourg de ce nom, et que c'est celui de la famille des Eléobutades qu'on a pris pour un nom de lieu. Cette famille tirait le sien de Butés, fils de Pandion, roi d'Athènes. Comme plusieurs autres familles se prétendaient issues de celle-là,, el prenaient faussement le nom de Butades, les descendants de la première prirent le nom d'Etéohutades, ou vrais-Butades. C'était dans cette famille qu'on prenait les prêtres de Minerve Polyade, ou protectrice de la ville.

(93) C'était environ 70 millions de notre monnaie en 1789.

(94)  Lieu où l'on s'exerçait à la lutte.

(95) Environ 1,200,000 livres. Rien ne prouve mieux la confiance qu'on avait en Lycurgue. Ordinairement les citoyens déposaient dans les temples l'argent qu'ils voulaient mettre en sûreté. La probité de Lycurgue leur  paraissait un asile encore plus sûr.

(96) On voit encore à Athènes, près du temple de Minerve, un château qu'on appelle l'arsenal de Lycurgue.

(97) C'était celui où l'on célébrait les Panathénées, fêtes instituées en l'honneur de Minerve, d'abord, dit-on, pour Orphée, sous le nom d'Athénées, et renouvelées ensuite par Thésée sous celui de Panathénées, lorsque ce prince eut réuni en une seule ville tous les bourgs de l'Attique.

(98) On a dit de Dracon, le premier législateur des Athéniens, que ses lois avaient été écrites avec du sang. La sévérité de Lycurgue est attestée aussi par d'autres écrivains, et en particulier par Diodore de Sicile, qui atteste en même temps son intégrité et son éloquence.

(99) Elle faisait partie des fêtes Anthestériennes qui duraient trois jours. Dans le premier, on faisait la pythégie, ou l'ouverture des tonneaux, pour goûter le vin nouveau ; le second, on célébrait la fête des conges; le troisième était la fête des chytres, ainsi nommée parce qu'on offrait ce jour-là à Bacchus et à Mercure des légumes bouillis, qu'on servait dans une espèce de marmite.

(100) Cette défense de représenter ces pièces ne doit vraisemblablement s'entendre que pour les temps des fêtes de Bacchus, destinés ordinaire ment à la représentation des nouvelles pièces que les poètes mettaient au concours pour le prix. Alors le but de cette lecture faite aux acteurs devait être de les animer et d'exciter leur talent, en leur faisant entendre ces chefs-d'œuvre de l'art.

(101) Environ huit cents livres de notre monnaie.

(102) C'était la même somme qu'un talent, prés de cinq mille livres. Il y a apparence que cette défense, qui est aussi attestée par Élien, n'avait lieu que pour les jours où on allait en cérémonie publique à Éleusis pour y célébrer les mystères de Cérès.

(103) Le nom grec désigne proprement des étrangers qui, habitant à Athènes sans s'y être fait naturaliser, étaient sujets à un tribut annuel de douze drachmes, environ onze livres de notre monnaie.

(104) Le philosophe Xénocrate jouissait à Athènes d'une si grande considération, et sa bonne foi y était si connue, que, quoique personne ne fût admis à rendre témoignage en justice sans le confirmer par le serment, on le dispensa de cette loi, dit Diogène Laërce dans sa Vie. Cela n'empêcha pas les Athéniens de le vendre, parce qu'il ne pouvait pas payer le tribut dont nous venons de parler. Démétrius de Phalère l'acheta, paya le tribut et lui donna la liberté. Un pareil procédé n'étonne point de la part d'un peuple aussi inconséquent et  aussi léger que celui d'Athènes.

(105)  Environ six millions de notre monnaie en 1789.

(106) Près de six cent mille livres.

(107) Il n'en reste qu'une, que M. l'abbé Auger a traduite.

(108) La mine était le double de la somme précédente, et valait environ quatre-vingts livres.

(109) Près de huit cent mille livres. On voit par là que le nombre des citoyens d'Athènes n'était pas considérable et n'allait pas à vingt mille. Il est vrai qu'on ne comprenait pas dans cette distribution les esclaves, les étrangers et ceux même des Athéniens qui, par leur pauvreté, différaient peu des esclaves ; et ces trois classes étaient assez nombreuses.

(110) Aristophane, dans sa comédie des Oiseaux, désigne par dos noms d'oiseaux plusieurs personnages connus. Il donne à Lycurgue l'ibis, et le hibou à Ohérépbon. Le surnom d'Ibis, disent les commentateurs, fut donné à Lycurgue à cause de sa sévérité pour les méchants I'ibis, espèce de cigogne, fait la guerre aux reptiles venimeux. D'autres ont cru qu'on avait désigné par là son origine égyptienne ou la maigreur de ses jambes. Bayle, au mot Lycurgue, détruit toutes ces opinions, par cette seule raison que lorsque Aristophane fit jouer cette pièce, Lycurgue était beaucoup trop jeune pour être l'objet de la critique de ce poêle, qui n'attaquait guère que des personnages en place.

(111) Érechthée régnait à Athènes environ mille quatre cent vingt-trois ans avant Jésus-Christ.

(112) Cela prouve encore qu'Abron était l'aîné, et non pas Lycophron, comme il vient de le dire.

(113) Le trident était le symbole du pouvoir de Neptune sur les mers, et ses prêtres le portaient, comme ministres de ce dieu.

(114) Démosthène goûtait singulièrement le style vif et serré de Thucydide. On prétend qu'il avait copié huit fois de sa main son histoire. Cicéron, dans son livre sur les Orateurs illustres, et Quintilien attestent aussi cette assiduité de Démosthène à l'école de Platon. Le premier dit que c'était moins dans l'école des rhéteurs que sous les portiques de l'Académie, que Démosthène avait puisé son éloquence; et il l'assure égaiement de lui-même.

(115) Hégésias avait composé une histoire d'Alexandre qui, au jugement de Photius, n'était pas bien écrite. C'est de lui que Plutarque se moque avec raison dans la Vie d'Alexandre, pour avoir dit que Diane ne put aller au secours de son temple d'Éphèse, brûlé par Érosirate, parce qu'elle était retenue auprès d'Olympias, qui accouchait alors d'Alexandre. Il n'est pas plus sage lui-même lorsqu'il ajoute que cette pensée était si froide, qu'elle aurait suffi pour éteindre l'incendie.

(116) Callistrate fut un des plus célèbres orateurs de son temps, et gouvernait, pour ainsi dire, à son gré le peuple d'Athènes. Démosthène, à qui l'on demandait qui des deux, de Callistrate ou de lui, était meilleur orateur, répondît : « Je suis meilleur à lire, et lui à entendre.» Il commanda l'armée des Athéniens avec Iphicrate et Chabrias, dans la guerre sociale. Condamné à mort et obligé de s'exiler, il revint à Athènes sans l'agrément du peuple, qui le punit du dernier supplice.

(117) La tutelle finissait à Athènes à l'âge de seize ans accomplis. Démosthène intenta ce procès à ses tuteurs dès qu'il fut sorti de tutelle, suivant Plutarque dans sa Vie ; i! commençait donc alors sa dix-septième année. Timocratès était archonte la première année de la cent quatrième olympiade. Démosthène était donc né la quatrième année de la quatre-vingt-dix-neuviême olympiade.

(118)  Environ quarante-huit mille livres de notre monnaie.

(119) C'était à peu prés deux mille quatre cents livres. C'est à cette occasion qu'Eschine disait que Démosthène portait sur ses épaules, non une tête, mais une ferme. Plaisanterie qu'on a louée, mais qui me parait assez froide.

(120) Photius nous apprend de quel moyen Néoptoléme se servit pour lui rendre l'haleine moins courte ; on jugera de sa valeur. Voyant que les conduits par où l'air extérieur entre et rafraîchit sans cesse le poumon étaient fort resserrés dans le jeune homme, il lui conseilla de tenir une olive dans sa bouche et de s'accoutumer à courir dans des lieux qui allassent en pente. Le fruit de cette olive amollie par la salive et serrée dans la bouche par la rapidité du mouvement, passait du palais dans le nez et sortait par les narines; en sorte que l'organe de la respiration et de la voix se trouvait insensiblement élargi et plus propre aux fonctions de l'orateur.

(121) Eubulide de Milet fut surnommé le Dialecticien parce qu'il avait inventé plusieurs arguments captieux. Ce n'était pas pour corriger des défauts de prononciation que Démosthène s'était adressé a ce philosophe, mais afin qu'il ne lui manquât rien du côté de la dialectique et du raisonnement.

(122) Platon mourut la première année de la cent huitième olympiade, selon Diogêne Laërce. On s'accorde assez sur cette époque, mais il n'en est pas de même sur celle de sa naissance. Les uns la fixent à la première année de la quatre-vingt-huitième olympiade, et le font vivre quatre-vingt-un ans; d'autres la placent à la deuxième année de la quatre-vingt-septième olympiade, et lui donnent quatre-vingt-quatre ans de vie. Cette dernière opinion paraît la plus probable.

(123) La bataille de Mantinée est de la deuxième année de la cent quatrième olympiade, et Xénophon mourut à Corinthe quatre ans après.

(124) Ce discours est si fort au-dessous de la réputation de Démosthène que plusieurs critiques ont pensé que ce n'était pas celui qu'il avait prononcé. D'autres le croient de lui, et n'attribuent sa faiblesse qu'a celle du sujet, qui, en effet, n'était pas facile à traiter.

(125) Environ huit mille livres de notre monnaie.

(126) La disproportion de ces deux sommes pour des objets si différents montre quelle préférence les Athéniens donnaient à eu plaisir dangereux sur les objets les plus importants.

(127) Ce mot signifie : qui va à ta chasse des exilés, et convient parfaitement à ce vil satellite qu'Antipater soudoyait pour aller à la découverte de ceux que sa politique soupçonneuse et cruelle obligeait de s'expatrier.

(128) Ce surnom désignait en général un homme mou et efféminé.

(129) Aulu-Gelle, liv. Xl. chap. ix, rapporte que les habitants de Milet ayant fait demander du secours aux Athéniens, Démosthène s'opposa d'abord fortement à ce qu'on leur en accordât. Mais les députés l'étant allé trouver pour le prier de ne pas leur être contraire, il exigea d'eux une somme d'argent, qu'ils lui donnèrent. Le lendemain, l'affaire ayant été remise en délibération, Démosthène parut dans rassemblée le cou enveloppé de laine, et dit qu'il ne pouvait pas parler, parce qu'il avait une esquinancie. Un plaisant s'écria que c'était une argyranrie. 

(130) C'est-à-dire qu'il travaillait jour et nuit

(131) Ceci n'est pas contraire à ce que Démosthène vient de dire du soin avec lequel il se préparait avant que de parler en public. Il avait assez de facilité pour le faire sans préparation, et il le faisait dans les causes judiciaires ou dans les objets peu importants ; mais dans les affaires qui étaient d'un grand intérêt, il aurait cru, en parlant sans s'être préparé, se manquer à lui-même et au public.

(132) C'était le bourg de l'Attique le plus agréable et dont les Athéniens préféraient le séjour.

(133) Alexandre, peu de temps après son avènement au tronc, porta la guerre en Illyrie. Le bruit avant couru qu'il y avait péri, les Athéniens pensèrent à secouer le joug de la Macédoine, et les Thébains massacrèrent les commandants de la garnison macédonienne, violence qui fut punie par la ruine de leur ville. Alors les Athéniens ne songèrent qu'à fléchir Alexandre, qui demanda qu'on lui livrai Démosthène, Lycurgue, Hypéride et cinq autres orateurs qu'il accusait d'avoir excité la sédition dans Athènes. Un décret sévère rendu contre ces orateurs apaisa ce prince, et l'affaire n'eut pas de suites. Tous les États de la Grèce, excepté celui de Sparte, fournirent à Alexandre leur contingent de troupes pour son expédition d'Asie.

(134) Cranon était une ville de Thessalie où Antipater et Cratère défirent les Athéniens la troisième année de la cent quatorzième olympiade. Les Grecs y perdirent peu de inonde, et le défaut de discipline fut la seule cause de cette défaite. Mais le judicieux Polybe observe qu'elle porta le dernier coup à la puissance et à la liberté d'Athènes. Antipater assiégea cette Tille, la prit et lui dicta les lois qu'il voulut.

(135) Il répondait à nos mois de septembre et d'octobre. 

(136) De ces cinquante-deux oraisons, il n'en existe qu'une seule imprimée parmi celles de Démosthène. Elle roule sur la paix faite avec Alexandre.

(137) Environ mille huit cents livres de notre monnaie.

(138) Ce fut la troisième année de la cent onzième olympiade.

(139) La deuxième année de la cent quinzième olympiade.