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VIES DES DIX ORATEURS GRECS.  

TOME IV
ABRÉGÉ DE LA COMPARAISON D'ARISTOPHANE
ET DE MÉNANDRE

 

 

 
 

PLUTARQUE

 

OEUVRES MORALES

VIES DES DIX ORATEURS GRECS.  

 

 

 
 

texte grec

 
 

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DÉCRETS PROPOSÉS AUX ATHÉNIENS (01).

I.

Démocharès, fils de Lachès, du bourg de Leuconie, propose pour Démosthènes, fils de Démosthènes, du bourg de Péanie, une statue de bronze dans la place publique, l'entretien dans le Prytanée avec la préséance dans les jeux pour lui et pour l'aîné de sa famille, à perpétuité (02) ; parcequ'il a été le bienfaiteur de sa patrie, et qu'il a donné au peuple d'Athènes les conseils les plus utiles : il a généreusement consacré sa fortune au service de la république ; il a fourni huit talents et une galère pour l'expédition dans laquelle les Athéniens rendirent la liberté aux peuples de l'Eubée (03). Il a encore donné une galère, quand Céphisodore conduisit dans l'Hellespont la flotte athénienne, et depuis une troisième, lorsque Charès et Phocion furent envoyés au secours de Byzance (04) ;


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il a racheté de son argent plusieurs des prisonniers que Philippe avait faits dans Pydne, Olynthe et Méthone ; sur le refus de la tribu Pandionide, il s'est chargé de la dépense des jeux publics ; il a fourni des armes à des citoyens qui étaient hors d'état de s'en procurer. Préposé par le peuple à la réparation des murs de la ville, il y a contribué du sien pour trois talents (05), et a donné dix mille drachmes (06), pour faire creuser deux fossés autour du Pirée ; après la bataille de Chéronée, il s'est taxé lui-même à un talent ; dans un temps de disette, il a donné pareille somme pour acheter du blé ; par ses insinuations, ses conseils et ses bons offices, il a fait entrer dans l'alliance d'Athènes les Thébains, les habitants de l'île d'Eubée, ceux de Corinthe, de Mégare, de l'Achaïe, de la Locride, de Byzance et de la Messénie : il les a engagés à mettre sur pied une armée de dix mille hommes d'infanterie et de mille chevaux, qu'il a pourvue abondamment de tout ; envoyé en députation auprès de nos alliés, il leur a persuadé de fournir plus de cinq cents talents (07) pour les frais de la guerre ; il est allé en ambassade vers les peuples du Péloponnèse, et leur a distribué de l'argent pour les détourner de donner du secours à Alexandre contre les Thébains ; il a rendu plusieurs autres services importants aux Athéniens, leur a donné les conseils les plus sages, et a maintenu plus qu'aucun autre orateur de son temps la démocratie et la liberté ; banni par les fauteurs de l'oligarchie, qui renversèrent le gouvernement populaire, il est mort victime de son affection pour le peuple, dans l'île de Calaurie, où Antipater avait envoyé des satellites pour se saisir de sa personne : dans cette extrémité pressante, il a toujours persévéré dans son attachement et sa bonne volonté pour le peuple, sans vouloir


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se livrer à ses ennemis, et sans rien faire qui fût indigne de la gloire d'Athènes.

II.

Pytharatus étant archonte (08), Lachès, fils de Démocharès, du bourg de Leuconie, propose au Sénat et au peuple d'Athènes, qu'on fasse ériger à Démocharès, fils de Lâchés, aussi du bourg de Leuconie, une statue de bronze dans la place publique ; qu'on lui accorde l'entretien dans le Prytanée, pour lui et pour l'aîné de ses descendants à perpétuité, avec la préséance dans tous les jeux, parce qu'il a rendu aux Athéniens des services importants par ses actions et par ses conseils dans les ambassades, dans les décrets qu'il a proposés, et dans tout le cours de son administration : il a fait rebâtir les murs d'Athènes, a pourvu la ville d'armes, de traits et de machines de guerre, a entretenu ses fortifications pendant la guerre de quatre ans, a fait des trêves, des alliances et un traité de paix avec les Béotiens : c'est à cause de ces services qu'il a été banni de la ville par ceux qui avaient détruit le gouvernement démocratique ; rappelé depuis parle peuple, sous l'archonte Dioclès, il a renfermé l'administration dans de sages bornes ; et, sans épargner sa fortune, il est allé en ambassade auprès du roi Lysimaque, de qui il a obtenu pour le peuple d'abord trente talents et ensuite cent autres ; il a fait ordonner une ambassade vers Ptolémée, roi d'Égypte, d'où les ambassadeurs ont rapporté cinquante talents d'argent; député auprès d'Antipater, il a obtenu de ce prince vingt talents qu'il a apportés à Éleusis ; c'est pour avoir donné ces conseils au peuple, et avoir toujours soutenu son autorité, qu'il a été banni de la ville ; depuis la destruction du gouvernement démocratique, il n'a voulu exercer aucun em-


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ploi sous les usurpateurs du pouvoir, ni prendre aucune part à l'administration; de tous les Athéniens qui ont gouverné de son temps, il est le seul qui n'ait porté aucun préjudice à l'autorité du peuple, et qui n'ait rien innové dans le gouvernement ; pendant toute son administration, il a protégé les lois, les tribunaux, les jugements, les fortunes des citoyens, et il n'a jamais rien dit ni rien fait qui pût porter atteinte à l'autorité du peuple.

III.

Lycophron, fils de Lycurgue, du bourg de Buta, a demandé à être entretenu dans le Prytanée, suivant la concession qui en a été faite par le peuple à son père Lycurgue, aussi du bourg de Buta, sous l'archonte Anaxicratès (09).

La tribu Antiochide étant en tour de présider, Stratoclès, fils d'Euthydème, du bourg de Diomie, a dit : Lycurgue, fils de Lycophron, du bourg de Buta, avait hérité de ses ancêtres la bienveillance et l'affection envers le peuple : ses aïeux, Diomède et Lycurgue, jouirent pendant leur vie de l'estime publique ; et après leur mort, ils eurent, en récompense de leurs vertus, les honneurs de la sépulture dans le Céramique. Lycurgue lui-même, pendant son administration, a proposé les lois les plus utiles ; chargé de la surintendance des revenus publics, il a administré, dans l'espace de quinze ans, dix-huit mille neuf cents talents (10), et il a eu en dépôt des sommes considérables que des particuliers lui avaient confiées, jusqu'à la concurrence de six cent cinquante talents ; il a fait de ces revenus l'emploi le plus avantageux pour la ville et pour le peuple ; l'opinion qu'il a donnée de son désintéressement et de son intégrité pendant une longue administration, lui a mérité plusieurs couronnes; nommé


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par le peuple pour présider aux embellissements d'Athènes, il a déposé dans la citadelle de grandes sommes d'argent ; il a fait faire, pour la décoration du temple de Minerve, des statues de la Victoire en or, des vases d'or et d'argent, et des ornements en or pour cent canéphores (11) ; chargé ensuite du département de la guerre, il a pourvu la citadelle d'une grande quantité d'armes, et en particulier de cinquante mille traits ; il a fait équiper quatre cents galères, dont les unes ont été radoubées, et les autres construites à neuf; il a achevé plusieurs édifices qui étaient restés imparfaits, tels que les arsenaux de terre et de mer, et le théâtre de Bacchus ; il a fait entourer d'un parapet le stade panathénaïque, orner le Lycée, bâtir un gymnase, et embellir la ville de plusieurs autres édifices. Alexandre, après avoir soumis toute l'Asie, voulant encore subjuguer la Grèce, avait demandé qu'on lui livrât Lycurgue, parce qu'il s'opposait à ses projets (12); mais, quelque redoutable que fût ce prince, jamais le peuple ne voulut y consentir. Lycurgue ayant eu plusieurs fois à rendre compte de son administration dans un État libre et démocratique, il a toujours été trouvé irrépréhensible et exempt de toute corruption.

Afin donc que tout le monde sache que ceux qui, dans leur administration, ont maintenu la liberté et le pouvoir du peuple, après avoir joui pendant leur vie de l'estime générale, reçoivent à leur mort des témoignages à jamais durables de la reconnaissance publique, le peuple, persuadé que ce décret tournera à sa gloire et à son utilité, a arrêté qu'il sera décerné un éloge public à la mémoire de Lycurgue, fils de Lycophron, du bourg de Buta, et qu'on


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rendra témoignage à son intégrité et à sa vertu ; qu'on lui érigera une statue de bronze dans la place publique, à la réserve des lieux où la loi ne permet pas d'en élever ; que l'aîné de ses descendants, à perpétuité, sera entretenu dans le Prytanée ; que tous les décrets rendus à sa réquisition seront ratifiés; que le greffier de la ville en fera graver des copies sur des colonnes de pierre qui seront placées dans la citadelle, auprès des offrandes consacrées à la déesse, et que pour la gravure des décrets sur les colonnes, le trésorier de la ville donnera cinquante drachmes, qui seront prises sur l'argent du trésor public destiné aux dépenses qu'on fait annuellement pour ces sortes de décrets.


(01) Ces décrets sont placés à la suite des Vies de dix orateurs, parce que le premier et le troisième ont été proposés pour deux d'entre eux, Démosthène et Lycurgue, ou du moins pour le fils de celui-ci; et que le second regarde Démocharès, fils d'une sœur de Démosthène, dont il a été question dans la Vie d'Eschine, chap. 5.

(02) On rappelle à la fin de ce décret la mort de Démosthène. Comment donc pouvait-on proposer de lui assurer l'entretien dans le Prytanée? Est-ce une méprise de l'auteur, qui aura inséré par mégarde cette formule usitée dans ces sortes de décrets? ou était-il d'usage de la conserver même dans les décrets rendus après la mort des citoyens à qui l'on rendait ces honneurs publics?

(03) Les Athéniens, animés par Démosthène et commandés par Phocion, reprirent l'île d'Eubée sur Philippe. On fit honneur de ce succès à l'orateur autant qu'à l'habileté du général, et Démosthène reçut de la part du Sénat et du peuple une couronne d'or sur le théâtre de Bacchus, pendant des fêtes publiques, au milieu d'un concours immense .de citoyens et d'étrangers. 

(04) L'expédition de Charès ne fut pas la même que celle de Phocion. Celle du premier fut aussi déshonorante pour le général, qui y fui battu par les Macédoniens, que funeste pour les Athéniens, qui y perdirent leur flotte. Phocion répara l'incapacité de Charès et sauva les villes de Thrace menacées par Philippe.

(05)i Environ quinze mille livres de notre monnaie en 1789. 

(06) Près de huit mille livres.

(07) Environ deux millions cinq cent mille livret de notre monnaie en 1789.

(08) Ce fut la deuxième année de la cent vingt-septième olympiade.

(09) La deuxième année de la cent dix-huitième olympiade.

(10) Plus de quatre-vingt-dix millions de notre monnaie.

(11) On donnait ce nom à de jeunes filles, qui, dans les cérémonies publiques de religion, portaient sur leur tête, dans des paniers ou des corbeilles, les offrandes destinées aux dieux ; et c'est de là que venait leur nom, qui signifie porte corbeilles.

(12) Je crois que la demande d'Alexandre précéda sa conquête de l'Asie , ou qu'elle n'eut lieu du moins qu'au commencement de son expédition.