RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE

ALLER A LA TABLE DES MATIERES DE DION CASSIUS

DION CASSIUS

TOME PREMIER

FRAGMENTS DES LIVRES I - XXXVI 

FRAGMENTS DU LIVRE VI

L'établissement du tribun consulaire et du censeur. Guerres contre les Etrusques, contre Véïes. Le dictateur Camille célèbre un triomphe. Description d'un triomphe romain. Guerre contre les Falisques.

texte grec seul

livre V - livre VII

pour avoir le texte grec d'un chapitre, cliquer sur le chapitre

 

LII. Siège de Faléries; aventure du maître d'école : An de Rome 361

LII. Les Romains auraient été longtemps retenus au siège de la ville des Falisques, sans l’événement que je vais raconter : un maître d’école avait un assez grand nombre d’élèves appartenant tous à des familles distinguées. Entraîné par quelque ressentiment ou par l’espoir du gain, mais dissimulant ses intentions, il les emmena loin de la ville (les Falisques vivaient dans une si parfaite sécurité que les écoles étaient fréquentées même pendant le siège), et il les conduisit à Camille, disant qu’avec ces enfants il lui livrait Falérie ; car les assiégés ne résisteraient plus, dès que les plus chers objets de leur tendresse seraient au pouvoir de l’ennemi.Sa tentative échoua : guidé par la probité romaine et réfléchissant sur les vicissitudes humaines, Camille regarda comme indigne de lui de s’emparer de Faléries par une trahison. Il fit lier à ce traître les mains derrière le dos et l’abandonna aux enfants, pour être ainsi ramené dans la ville. A l’instant les Falisques cessèrent toute résistance ; et quoique leur ville fût difficile à emporter, quoiqu’ils fussent pourvus de toutes les ressources nécessaires pour soutenir longtemps la guerre, ils capitulèrent spontanément ; persuadés qu’ils trouveraient l’amitié la plus sincère chez celui dont ils avaient éprouvé la justice, alors même qu’il était leur ennemi.  

LIII. Sacrifices étrangers, adoptés par les Romains

LIII. Les Romains s’étaient souvent mesurés aux falisques : tantôt vaincus, tantôt vainqueurs, ils abandonnèrent les sacrifices usités dans leur pays pour ceux des autres peuples, espérant qu’ils leur seraient favorables. Telle est, en effet, la nature de l’homme : dans l’adversité, il méprise les choses consacrées par le temps, même quand elles se rapportent à la divinité, et il réserve son admiration pour celles qu’il ne connaît pas encore. Les premières, par cela même qu’elles ne lui sont d’aucun secours dans le présent, lui paraissent inutiles pour l’avenir ; les autres, au contraire, semblent, çµà raison de leur nouveauté, devoir remplir toutes ses espérances. 

LIV-LV. Camille s'exile volontairement

LIV. Camille devint plus odieux encore à ses concitoyens : accusé par les tribuns, pour n’avoir déposé dans le trésor public aucune partie du butin enlevé aux Véiens, il s’exila volontairement avant d’être condamné.

LV. Ce n’était pas seulement le peuple et ceux qu’offusquait le rang où Camille était monté qui lui portaient envie, c’étaient ses amis intimes, ses proches parents, et ils ne dissimulaient pas leurs sentiments. En vain conjura-t-il les uns de le défendre, les autres de déposer un suffrage en sa faveur : ils répondirent qu’ils ne le secourraient point par leur vote ; mais ils promirent, s’il était condamné, de payer l’amende qui lui serait infligée. Aussi Camille forma-t-il contre sa patrie le voeu qu’elle eût besoin de lui, et il se retira chez les Rutules avant sa condamnation.

ÉCLAIRCISSEMENTS.

LII. Au siége de la ville des Falisques (Ibid.) Sur cet épisode cf. Tite-Live, V, 27 et suiv.; les Fr. de Denys d'Hal. A. R. XIII, 2, éd. de Milan; Plutarque, Camill. X; Florus, I, 12; Valère Maxime, VI, 5, 1; S. Aur. Victor, XXIII, éd. Arntzen.; Frontin, Stratag., IV, 1, et Polyen, VIII, 7. Bossuet, Disc. sur l'Hist. Univ., 1re partie, VIIIe époque : « Sa générosité lui fit encore une autre conquête : les Falisques qu'il assiégeait se donnèrent à lui, touchés de ce qu'il leur avait renvoyé leurs enfants qu'un maître d'école lui avait livrés. Rome ne voulait pas vaincre par des trahisons, ni profiter de la perfidie d'un lâche qui abusait de la faiblesse d'un âge innocent. »

Un maître d'école (Ibid ). Priscien, VIII, p. 823, éd. Putsch, cite un passage curieux d'Alphius Avitus sur ce sujet :
Tum litterator creditos 
Ludo Faliscum liberos 
Causatus in campi patens 
Extraque muri ducere, 
Spatiando paulatim trahit 
Hostilis ad valli latus.
(Il. Excellentium.)
Ailleurs, ce grammairien, XII, l. l. p. 947, éd. Putsch, rapporte deux autres vers du même poète, qui semblent avoir également trait à cette anecdote :
Seu tute mavis obsides 
Seu tute captivos habe.
Dans le premier, je substitue à l'ancienne leçon hospites, la correction proposée par H. de Valois.
Priscien, l. l., appelle ce poète Alpheus Avitus : j'adopte Alpheus Avit us, d'après Terentianus, De Metris, p. 2437, éd. Putsch :
Ut Aridem Avitus Alphius 
Libros poeta plusculos 
(Usus dimetro perpeti) 
Conscripsit Excellentium.
C'est probablement, comme le croit H. de Valois, l'Alphius dont parle Sénèque, Controv. I, 1 : Hanc partem memini apud Caestium declamari ab Alphio Flavo, ad quem audiendum me fama perduxerat; qui quum praetextatus esset, tantae opinionis fuit, ut P. Romano puer eloquentia notus esset. Semper de illius ingenio Caestius et praedicavit et timuit. Aiebat tam immature magnum ingenium non esse vitale; sed tanto concursu hominem audiebatur, ut raro post ilium auderet Caestius dicere. Ipse omnia mala faciebat ingenio suo; naturalis tarnen illa vis eminebat; quae post multos annos, tametsi desidia obruta et carminibus enervata, vigorem tamen suum tenuit.

Par l'espoir du gain (p. 105). Ce passage est littéralement dans Zonaras, cf. la note 1 de la p. 104. Cet Annaliste copie tout à la fois Dion et Plutarque; mais en ajoutant des détails qui se trouvent dans ce dernier seulement. Suivant la remarque de H. de Valois, Zonaras suit de préférence Plutarque, lorsqu'il peut choisir entre lui et Dion.

Il les conduisit auprès de Camille (Ibid.). Tite-Live, V, 27 : Mos erat Faliscis, eodem magistro liberorum et comite uti; simulque plures pueri , quod hodie quoque in Graecia manet, unius curae demandabantur. Principum liberos, sicut fere fit, qui scientia videbatur praecellere, erudiebat. Is, quum in pace instituisset pueros ante urbem lusus exercendique causa producere; nihil eo more per belli tempus intermisso, tum modo brevioribus, modo longioribus spatiis trahendo eos a porta, lusu sermonibusque variatis, longius solito, ubi res dedit, progressus, inter stationes eos hostium castraque inde romana in praetorium ad Camillum perduxit.

LIV. Du butin enlevé aux Véiens (p. 107). Tite-Live, V, 25 : Simul ab religione animes remiserunt, integrant seditionem tribuni plebis : incitatur multitudo in omnes principes, ante alios in Camillum; eum praedam Veïentanam publicando sacrandoque ad nihilum redegisse.

LV. En vain conjura-t-il (Ibid.). Lorsqu'il fut cité en jugement par le tribun du peuple, L. Appeleius; Tite-Live, l. l. 32 : Die dicta ab Appuleio, tribuno plebis propter praedam veientanam, flio quoque adolescente per idem tempus orbatus, quum adcitis domum tribulibus clientibusque (magna pars plebis erat), percunctatus animos eorum, responsum tulisset « se conlaturos, quanti damnatus esset, absolvere enm non posse, » in exilium abiit; precatus ab Diis immortalibus, « si innoxio sibi ea injuria fieret, primo quoque tempore desiderium sui civitati ingrate facerent. » Cf. Plutarque, Camill. XII; et les Fr. de Denys d'Hal. XIII, 5-6, éd. de Milan, où le voeu de Camille est rapporté dans sa forme sacramentelle.