RETOURNER A LA TABLE DES MATIÈRES DE PLINE L'ANCIEN
ATTENTION : police unicode PLINE L'ANCIEN
HISTOIRE NATURELLE
LIVRE NEUF
Texte français Paris : Dubochet,
1848-1850.
LIVRE IX, CONTENANT LES ANIMAUX AQUATIQUES. I. Pourquoi les plus gros animaux appartiennent-ils à la mer? - II. Monstres de l'océan Indien. - III. Quels sont, dans chaque mer, les plus grands animaux? - IV. De la figure des Tritons et des Néréides ; de la figure des éléphants marins.- V. Des baleines , des orques. - VI. Les poissons respirent-ils, dorment-ils? - VII. Des dauphins. - VIII. Quels sont ceux qu'ils ont aimés. - IX. En quels lieux pèchent-ils de compagnie avec les hommes? - X. Autres merveilles touchant les dauphins, - XI. Des tursions. - XII. Des tortues ; espèces de tortues marines , et manière de les prendre. - XIII. Qui le premier a inventé l'art de couper l'écaillé de tortue? - XIV. Distribution des animaux aquatiques en espèces. - XV. Quels sont ceux qui sont revêtus de poil, ou qui en manquent; comment ils mettent leurs petits au monde. Des veaux marins ou phoques. - XVI. Combien il y a d'espèces de poissons. - XVII. Quels sont les plus grands poissons. - XVIII. Thons, cordyles, pélamides; saumure qu'on tire de certaines parties de ces poissons. Mélandryes , apolectes , cybies. - XIX. Amies ; scombres. - XX. Quels poissons ne se trouvent pas dans le Pont-Euxin ; quels entrent dans cette mer, et reviennent par une autre voie. - XXI. Pourquoi les poissons sautent-ils hors de l'eau? - XXII. Qu'il y a des augures fournis par des poissons. - XXIII. Espèces de poissons où il n'y a pas de mâles. - XXIV. Poissons qui ont une pierre dans la tête. Poissons qui se cachent l'hiver. Poissons que l'on ne prend pas en hiver, si ce n'est à des jours réglés. - XXV. Poissons qui se cachent l'été. Poissons que frappent la Canicule.- XXVI. Du mugile.- XXVII. De l'acipenser. - XXVIII. Du loup; de l'aselle. - XXIX. Du scare; de la mustelle.- XXX. Des espèces de mulles et du sarge qui les accompagne. - XXXI. Prix extraordinnaires de quelques poissons.- XXXII. Que les mêmes espèces de poissons ne plaisent pas partout. - XXXIII. Des branchies ; des écailles. - XXXIV. Poissons doués de la voix et sans branchies. - XXXV. Poissons qui viennent à terre. Époques de la pêche. - XXXVI. Distribution des poissons suivant leurs formes. Différences des rhombes et des passereaux. Des poissons allongé. - XXXVII. Des nageoires des poissons, et de leur manière de nager. - XXXVIII. Anguilles. - XXXIX. Murènes. - XL. Espèces de poissons plats. - XLI. L'échénéide, et les maléfices auxquels elle sert. - XLII. Quels sont les poissons qui changent de couleur. - XLIII. Poissons volants. De l'hirondelle. Du poisson qui brille la nuit. Du poisson cornu. Du dragon marin. - XLIV. Des poissons qui n'ont pas de sang. Des poissons appelés mous. - XLV De la sèche ; du loligo ; des pétoncles.- XLVI. Des polypes - XVII. Du polype navigateur. - XVIII. Des diverses espèces de polypes ; leur adresse. - XIX. Du nauplius navigateur. - L. Des crustacés ; des langoustes. - LI. Diverses espèces d'écrevisses : le pinnotère, les hérissons, les comblées, les peignes. - LII. Des diverses espèces de coquilles. - LIII. Combien la mer fournit d'aliment au luxe. - LIV. Des perles ; comment elles se forment, et où. - LV. Comment on les trouve. - LVI. Quelles en sont les espèces. - LVII. Observations à y faire ; quels en sont les caractères. - LVIII. Exemples relatifs aux perles. - LIX. Quand, pour la première fois, l'usage en vint à Rome. - LX. Caractères des murex et des pourpres. - LXI. Quelles sont les espèces de pourpres. - LXII. Comment les emploie-t-on pour teindre les laines? - LXIII. Quelle est l'époque de l'usage de la pourpre à Rome, du laticlave et de la prétexte. - LXIV. Des étoffes appelées conchyliées. - LXV. Teinture de l'améthyste. Nuances hysgine , écarlate. - LXVI. La pinne et le pinnotère. - LXVII. Intelligence des animaux aquatiques. La torpille; la pastenague; la scolopendre ; le glanis ; le bélier poisson.- XLVIII Des êtres qui sont intermédiaires entre les animaux et les plantes. Orties de mer. - LXIX. Des éponges, de leurs espèces, des lieux où elles naissent; que ce sont des animaux. - LXX. Des canicules. - LXXI. De ceux qui sont enfermés dans un test siliceux. Des animaux marins dépourvus de toute sensibilité. De la vermine de la mer. - LXXI. Des animaux marins vénéneux. - LXXIII. Des maladies des poissons. - LXXIV. Reproduction des poissons. - LXXV. Poissons ovipares, poissons vivipares. - LXXVI. Poissons dont le ventre se déchire dans le fret , et se réunit ensuite. - LXXVII. Poissons qui sont pourvus de vulves. Poissons qui se fécondent eux-mêmes. - LXXVIII. Quelle est la plus longue durée de la vie des poissons. - LXXIX. Quel est l'inventeur des parcs aux huître. - LXXX. Quel est l'inventeur des viviers pour les autres poissons. - LXXXI. Qui le premier a établi des viviers pour les murènes. - LXXXII. Qui le premier a établi des viviers pour les limaçons. - LXXXIII. Poissons terrestres. - LXXXIV. Des rats du Nil. - LXXXV. Comment l'on prend le poisson anthias. - LXXXVI. Des étoiles de mer. - LXXXVII. Des merveilles des dactyles. - LXXXVIII. Des inimitiés et des amitiés des animaux aquatiques entre eux. Résumé : Faits, histoires et observations, 650. Auteurs : Turramus Gracilis , Trogne Pompée , Mécène, Alllus Flavius, Cornélius Nepos, Laberius le mimographe, Fabianus, Fenestella, Mucien, Aelius Stilon , Statius Sébosus, Mélissus, Sénèque, Cicéron, Aemilius Macer, Messala Corvinus, Trébius Niger, Nigidius. Auteurs étrangers :
Aristote, le roi Archélaûs, Callimaque, Démocrite , Théophraste ,
ThrasyIle , Hégésidème de Cythnos, Alexandre Polyhistor.
[2] Autre est la condition des oiseaux, dont la vie se passe dans l'air. Mais dans les mers, si largement étendues sous le regard du ciel, les causes génératrices qui viennent d'en haut (II, 3), et que la nature produit sans cesse, trouvent un aliment favorable et fécondant ; et c'est là même qu'on rencontre la plupart des monstres, tantôt les vents, tantôt les flots confondant et roulant pêle-mêle les semences et les principes des êtres. De sorte qu'on peut regarder comme vraie l'opinion du vulgaire, qui pense que tout ce qui naît dans une partie quelconque de la nature se trouve aussi dans la mer, et en outre une infinité de productions qui ne sont nulle part ailleurs. [3] Pour comprendre qu'elle renferme les simulacres non seulement des animaux, mais encore d'autres objets terrestres, il suffit de considérer la grappe (œufs de sèche), l'épée (xiphias gladius), la scie (squalus pristis), le concombre (holothuria pentactes), qui ressemble par la couleur et l'odeur au concombre de terre. Ne nous étonnons donc pas que la tête du cheval se montre sur de tout petits limaçons (syngnathus hippocampus).
[2] Mais c'est surtout aux approches des solstices que l'on voit ces monstres marins : alors là se précipitent les tourbillons ; alors les pluies sont torrentielles; alors les ouragans, fondant du haut des montagnes, bouleversent les mers jusque dans les profondeurs, et roulent avec les flots les animaux soulevés du fond des abîmes. Quelquefois les thons abondent tellement, que la flotte d'Alexandre le Grand se rangea en bataille contre eux, comme elle aurait fait contre une flotte ennemie. Isolés, les vaisseaux, n'auraient pas pu s'ouvrir un passage. La voix, le bruit, les coups ne les épouvantent pas; mais un fracas éclatant les effraye, et il ne faut rien moins que les accabler pour les dissiper. [3] On donne le nom de Cadara à une vaste péninsule de la mer Rouge, qui en se développant forme un grand golfe ; les vaisseaux du roi Ptolémée [Philadelphe] mirent à la doubler douze jours et douze nuits de navigation à la rame, car aucun vent ne s'y fait sentir. [4] Dans ce lieu, particulièrement tranquille, les monstres marins atteignent une grosseur qui ne leur permet plus de se mouvoir. Les officiers des flottes d'Alexandre le Grand ont rapporté que les Gédrosiens, qui habitent sur les bords du fleuve Arbis (VI, 28), faisaient dans leurs maisons les portes avec des mâchoires de poissons, et la charpente des toits avec les os, dont plusieurs se trouvaient d'une longueur de quarante coudées. Là aussi on voit venir à terre des bêtes semblables à des moutons (lamantins et dugongs), qui, après s'être repues de racines, rentrent dans les flots; et d'autres ayant des têtes de chevaux, d'ânes et de taureaux, qui dévastent les champs cultivés.
[2] Je puis citer des témoins qui occupent un rang distingué dans l'ordre équestre, et qui m'ont certifié avoir vu dans l'océan de Cadix un homme marin, d'une conformation complètement semblable à la nôtre ; que pendant la nuit il montait dans les navires, et que la partie du bâtiment sur laquelle il s'asseyait, penchait aussitôt, et même se submergeait s'il y restait longtemps. Sous le règne de Tibère, dans une île en face de la côte de la province Lyonnaise, le reflux de l'Océan abandonna en une seule fois plus de trois cents bêtes, toutes de forme et de taille merveilleuse. Un nombre non moins considérable fut laissé à sec sur la côte de la Saintonge, et, entre autres, des éléphants, des béliers dont les cornes étaient seulement figurées par une ligne blanche, et beaucoup de néréides. [3] Turranius a rapporté que la mer avait jeté sur le littoral de Cadix une bête (cachalot) qui avait la queue large ; entre les deux nageoires du bout, de seize coudées, cent vingt dents, dont les plus grandes avaient neuf pouces, et les plus petites, six. Les os du monstre auquel Andromède fut, dit-on, exposée, furent transportés de Joppé, ville de Judée, et montrés, parmi d'autres merveilles, par M. Scaurus, lors de son édilité : ils avaient quarante pieds de long, les côtes étaient plus hautes qu'un éléphant indien ; l'épine avait un pied et demi d'épaisseur.
[2] Les baleines, inhabiles à se retourner, sans énergie pour se défendre, accablées en outre par leur propre poids, appesanties d'ailleurs à ce moment même par leur état de gestation, ou affaiblies par les souffrances de l'enfantement, ne connaissent d'autre ressource que de fuir dans la haute mer, et de mettre l'Océan tout entier entre elles et leur ennemi. Mais les orques cherchent à les en empêcher ; elles s'opposent à leur fuite, les tuent dans les passages étroits entre les roches, les poussent dans les hauts-fonds, et les écrasent contre les écueils. Quand on est témoin de ces combats, il semble que la mer soit irritée contre elle-même; nui vent ne se fait sentir dans le golfe, et cependant les flots sont plus soulevés par les coups et par le souffle de ces animaux, qu'ils ne le seraient par un tourbillon. [3] Une orque a été vue dans le port d'Ostie, et assiégée par l'empereur Claude. Pendant que ce prince faisait construire le port, l'orque était venue, attirée par des cuirs qui, apportés des Gaules par mer, avaient coulé bas en cet endroit : s'étant repue de ces cuirs pendant plusieurs jours, elle s'était creusé un canal dans le bas-fond ; et les flots avaient tellement accumulé le sable, qu'elle ne pouvait aucunement se retourner. Un jour qu'el le poursuivait sa proie, elle fut poussée sur le rivage par les vagues au point que son dos s'élevait beaucoup au-dessus des eaux, comme une carène renversée. L'empereur ordonna de tendre un grand nombre de filets à l'entrée du port ; et lui-même, parti avec les cohortes prétoriennes, donna au peuple romain le spectacle d'un combat : les barques assaillirent le monstre, et les soldats montés dessus l'accablaient de traits. J'ai vu couler bas une de ces barques, qui fut remplie d'eau par le souffle de l'orque.
[2] Je ne dissimule pas que je ne me range pas sans conteste à cette opinion ; car il se peut qu'à la place des poumons certains animaux aient d'autres organes respiratoires que la nature leur aurait donnés, comme elle a donné à beaucoup d'autres un liquide différent du sang. Pourquoi s'étonner que le souffle vital pénètre dans les eaux, puisqu'on voit les eaux même l'exhaler à leur tour, et puisqu'il entre dans la terre, dont la densité est bien plus grande, ainsi que le prouvent les animaux qui, comme les taupes, vivent toujours ensevelis sous le sol? [3] D'autres raisons puissantes me portent à croire que tous les animaux aquatiques respirent, suivant les conditions de leur organisation. D'abord on a souvent noté une certaine anhélation des poissons pendant les chaleurs de l'été, et, dans les autres temps, une espèce de bâillement tranquille. En second lieu, les personnes même qui sont d'une opinion opposée avouent que les poissons dorment : or comment dormir sans respirer? Troisièmement, les eaux, comme soufflées, dégagent des bulles, et l'influence de la lune fait croître les coquillages. Mais la raison prépondérante, c'est que les poissons sont doués de l'ouïe et de l'odorat, cela sera mis hors de doute (X, 89) : or l'air est le véhicule pour ces deux sens. On ne peut se représenter les odeurs que comme un air odorant. Au reste, chacun se fera sur ce point l'opinion qu'il voudra. Les baleines et les dauphins n'ont pas de branchies : ces deux espèces respirent par des conduits qui tiennent aux poumons, et qui sont ouverts chez les baleines au front, chez les dauphins au dos. Les veaux marins (IX, 15), qu'on appelle phoques, respirent et dorment à terre ; il en est de même des tortues, dont nous parlerons bientôt davantage (IX, 12).
[2] Ils vont presque toujours par couples; les femelles mettent bas, au dixième mois, en été, un petit et quelquefois deux ; elles les allaitent comme fait la baleine, et même elles les portent pendant la faiblesse de l'enfance. Bien plus, elles les accompagnent longtemps encore après qu'ils sont devenus grands, témoignant ainsi une grande affection pour leur progéniture. Les petits grandissent rapidement; on pense qu'en dix ans ils ont acquis tout leur développement. Ils vivent jusqu'à trente ans, ce qu'on a reconnu en leur coupant la queue, par forme d'expérience. Ils se tiennent cachés pendant environ trente jours vers le lever de la Canicule, et on ignore ce qu'ils deviennent ; ce qui est d'autant plus étonnant qu'ils ne peuvent respirer sous l'eau. Ils ont coutume de s'élancer à terre, sans qu'on en sache la cause. Ils ne meurent pas dès qu'ils touchent la terre ; ils succombent beaucoup plus vite quand on leur ferme l'évent. Leur langue, contre la disposition habituelle aux animaux aquatiques, est mobile, courte et large, et ne diffère guère de celle du cochon. An lieu de voix ils ont un gémissement semblable au gémissement humain ; leur dos est voûté, leur nez, camard (simus) : c'est pour cette raison qu'ils reconnaissent tous d'une manière singulière le nom de Simon, qu'on leur donne, et ils aiment à être appelés ainsi.
[2] Sous le règne du dieu Auguste, un dauphin mis dans le lac Lucrin prit en amitié l'enfant d'un pauvre : cet enfant, allant habituellement de Baies à Putéoles pour se rendre aux écoles, s'arrêtait vers midi sur la rive, l'appelait du nom de Simon, et l'alléchait en lui jetant des morceaux de pain, qu'il portait dans cette intention. Je n'oserais rapporter ce fait, s'il n'était consigné dans les écrits de Mécène, de Fabianus, de Flavius Alfius et de plusieurs autres. [3] A quelque heure du jour qu'il fût appelé, eût-il été caché au fond des eaux, le dauphin accourait : ayant reçu sa portion de la main de l'enfant, il lui présentait son dos pour qu'il y montât, et cachait ses aiguillons comme dans une gaine. Il le portait ainsi jusqu'à Putéoles à travers un grand espace d'eau, et le ramenait de la même façon. Cela dura plusieurs années, jusqu'à ce qu'enfin, l'enfant étant mort de maladie, le dauphin, qui venait de temps en temps au lieu accoutumé, triste et affligé, succomba à son tour, victime (ce dont personne ne douta) des regrets qu'il éprouvait. [4] Un autre, il y a quelques années, sur la côte d'Afrique, près d'Hippone Diarrhyte (V, 3), recevait de la même façon des aliments de la main des hommes, se prêtait à leurs caresses, jouait avec les nageurs, et les portait sur son dos. Il fut frotté avec un parfum par Flavianus, proconsul d'Afrique : cette odeur, nouvelle pour lui, l'assoupit, et il flotta comme un corps mort. Pendant quelques mois il s'abstint de la société des hommes, comme si un outrage l'en avait chassé ; puis il revint, et présenta le spectacle des mêmes merveilles. Les vexations que les hommes puissants, attirés par la curiosité, faisaient subir à leurs hôtes, déterminèrent les habitants d'Hippone à le tuer. [5] Avant ces faits on a cité celui d'un enfant de la ville d'Iassus : longtemps un dauphin fut remarqué à cause de l'attachement qu'il avait pour lui. Un jour, le suivant avec trop d'ardeur sur le rivage au moment où il regagnait la terre, il échoua sur le sable, et expira. Alexandre le Grand fit cet enfant prêtre de Neptune à Babylone, regardant que l'attachement du dauphin était une preuve de la faveur de la divinité. [6] Hégésidème a écrit que, dans la même ville d'Iassus, un autre enfant, nommé Hermias, qui parcourait ainsi les mers sur le dos d'un dauphin, ayant été tué par une tempête soudaine, fut rapporté mort, et que le dauphin, s'imputant ce malheur, ne retourna pas à la mer, et se laissa mourir sur le sable. Théophraste rapporte qu'il en arriva autant à Naupacte. Je ne finirais pas si je voulais citer tous les exemples. Les Amphilochiens et les Tarentins font les mêmes récits d'enfants et de dauphins. [7] Cela donne de la vraisemblance à l'histoire d'Arion : les matelots, pour s'emparer de l'argent qu'il avait gagné, se préparaient à le tuer en pleine mer ; ce musicien obtint d'eux de chanter une dernière fois en s'accompagnant de la lyre ; la musique attira les dauphins, et, s'étant jeté à la mer, il fut transporté par un d'eux sur la côte du promontoire de Ténare.
[2] aussi ces poissons se rendent-ils en toute hâte dans une mer profonde que forme un gouffre voisin, et ils se pressent de fuir du lieu seul propre à recevoir des filets Dès que les pêcheurs s'en sont aperçus, tout le peuple (car une foule immense, connaissant l'époque et surtout avide de ce plaisir, s'est réunie), tout le peuple, dis-je, à grands cris appelle du rivage Simon à l'affaire et au spectacle. [3] Les dauphins entendent bientôt qu'on a besoin d'eux, le vent du nord portant rapidement la voix de leur côte, lèvent du midi la retardant. En tout cas, ils ne font pas attendre leur secours. On les voit arriver en bataille, et prendre aussitôt position là où l'action va s'engager : ils coupent aux muges le chemin de la haute mer, et, les effrayant, les repoussent dans les bas-fonds. Alors les pécheurs jettent leurs filets, et les soulèvent avec des fourches : néanmoins les muges, agiles, les franchissent; mais les dauphins fondent sur eux, et, se contentant pour le moment de les tuer, remettent à les manger après la victoire. [4] L'affaire est chaude : les dauphins, qui poussent vigoureusement leur pointe, se laissent enfermer dans les filets ; et pour que leur présence ne presse pas la fuite de l'ennemi, ils se glissent entre les barques, les filets on les nageurs, avec assez de ménagement pour ne pas ouvrir une issue aux muges. Ils ne font aucun effort pour s'échapper par des sauts (ce qui est ordinairement leur amusement favori), avant qu'on abaisse les filets devant eux ; sortis, ils combattent aussitôt devant l'enceinte. Enfin, la pèche terminée, ils dévorent ceux qu'ils ont tués; mais, sentant qu'ils ont rendu trop de services pour ne recevoir de salaire qu'un seul jour, ils attendent au lendemain, et se rassasient non seulement de poissons, mais aussi de pain trempé dans du vin.
[2] On dit aussi qu'elles vont à terre de nuit pour paître, et qu'elles mangent avec avidité : fatiguées, elles retournent le matin à la mer, et s'endorment sur la surface de l'eau ; le bruit de leur ronflement les trahit. Alors les pécheurs arrivent tout doucement à la nage, trois pour une tortue ; deux la retournent sur le dos, le troisième lui passe un lacs dans cette position, et plusieurs hommes placés sur le rivage la tirent à terre. Dans la mer de Phénicie, on les prend sans aucune difficulté : à une époque réglée, elles viennent en nombre immense dans le fleuve Éleutherus. [3] La tortue n'a pas de dents; mais les bords de la bouche sont tranchants, la mâchoire supérieure se fermant sur l'inférieure comme le couvercle d'une boite. Dans la mer, elle vit de coquillages, et a les mâchoires d'une telle dureté, qu'elle brise des pierres ; à terre, elle vit d'herbes. Elle pond des œufs semblables à ceux des oiseaux, au nombre de cent ; elle les enfouit hors de l'eau, les recouvre de terre, foule et aplanit la place avec la poitrine, et les couve pendant la nuit. Les œufs éclosent au bout d'un an. Quelques-uns pensent que les tortues couvent leurs œufs des yeux, et en les regardant ; que les femelles refusent l'accouplement jusqu'à ce que le mâle leur ait mis sur le dos quelque fétu.
[4] Chez les Troglodytes, les tortues ont des
cornes configurées comme les branches d'une lyre; ces cornes
[2] Leurs nageoires leur servent aussi, en guise de pieds, à se traîner sur la terre. Leurs peaux, même détachées du corps, conservent, dit-on, une sympathie avec les eaux ; et à chaque reflux de la mer le poil s'en redresse. On ajoute que la nageoire droite a une vertu soporifique, et que mise sous la tète elle provoque le sommeil. (XIX.) Il n'y a que deux animaux privés de poil qui soient vivipares, le dauphin et la vipère.
[2] Cependant un très petit poisson appelé clupée (lamprillon, petromyzon branchialis,L.), s'attachant avec une extrême ardeur à une veine de la gorge de l'aittilus, le fait mourir par sa morsure. Le silure porte avec lui la dévastation; il poursuit tous les animaux, et entraîne souvent les chevaux qui nagent. Dans le Mein, fleuve de la Germanie, et dans le Danube, il faut un attelage de bœufs et des crampons de fer pour tirer de l'eau un poisson très semblable au cochon de mer): dans le Borysthène il devient énorme :il est sans os ni arêtes, et sa chair est très agréable. [3] Le Gange produit un poisson appelé plataniste (delphinus gangeticus), àg ueule et queue de dauphin, et long de quinze coudées. Statius Sebosus dit que dans le même fleuve (chose qui n'est pas peu merveilleuse) on trouve des poissons appelés vers, à deux branchies, longs de six coudées, bleus, qui ont tiré leur nom de leur configuration : ils sont si forts, que mordant la trompe des éléphants qui viennent pour boire ils les entraînent dans l'eau.
[2] On appelle mélandryes les morceaux ayant forme de copeaux de chêne ; on prise le moins ce qui est voisin de la queue, parce que la chair n'en est pas grasse ; on estime le plus ce qui est voisin de la gorge. Dans les autres poissons, au contraire, les parties les mieux nourries sont dans les environs de la queue. On coupe les pélamides en apolectes (morceaux choisis), et les apolectes en fragments cubiques (cybia) (XXXII, 53).
[2] Effrayés par la vue soudaine de ce rocher, les thons se précipitent toujours vers le promontoire de Byzance, qui est en face, et qui pour cette cause a été nommé Corne d'or. Aussi toute la pêche se fait à Byzance ; elle est nulle à Chalcédoine, bien que cette ville n'en soit séparée que par un détroit de 1,000 pas. Les thons attendent le souffle de l'Aquilon pour sortir du Pont-Euxin avec un flot favorable, et on ne les prend que lorsqu'ils entrent dans le port de Byzance. [3] Ils ne voyagent point pendant l'hiver : en quelque lieu que cette saison les surprenne, ils y hivernent jusqu'à l'équinoxe. Ces poissons se plaisent souvent à accompagner des vaisseaux allant à la voile, et c'est avec un plaisir singulier qu'on les voit, du haut de la poupe, suivre le bâtiment pendant des heures et des milliers de pas. On a beau leur jeter souvent un trident, ils ne s'en effrayent pas. Des auteurs appellent pompiles (conducteurs) les thons suivant ainsi les vaisseaux. Beaucoup de poissons passent l'été dans la Propontide, sans entrer dans le Pont- Euxin, par exemple les soles ; au contraire les turbots y entrent. [4] Le Pont Euxin n'a pas de sèches, mais on y trouve le calmar. Parmi les poissons sexatiles, il n'a ni le tourd ni le merle ; il n'a pas non plus les poissons à coquilles, quoique les huîtres y abondent. Tous passent l'hiver dans la mer Égée ; de ceux qui entrent dans le Pont-Euxin, les seuls qui ne reviennent pas sont les trichies. Il faut dans presque tous les cas se servir des noms grecs, attendu que chaque pays a donné des noms différents aux mêmes espèces. [5] Les trichies sont les seuls qui remontent le Danube; de ce fleuve, par des voies souterraines, ils entrent dans la mer Adriatique : c'est pourquoi, tandis qu'on les voit descendre dans le Pont-Euxin, on ne les en voit jamais ressortir. La pèche des thons se fait depuis le lever des Pléiades (XVIII, 59) jusqu'au coucher d'Arcturus (XVIII, 74); le reste de l'hiver, ils se tiennent cachés dans le fond des abîmes, à moins qu'un temps doux ou la pleine lune ne les en fasse sortir. Ils engraissent au point de se fendre. Le terme le plus long de leur vie est de deux ans.
[2] On dit aussi qu'il importe, quand on pèche, de battre le fond de l'eau; que pour cette raison on en prend plus du second coup de filet que du premier. Ce qui leur plaît le plus, c'est le goût de l'huile ; ils aiment les pluies modérées, qui les nourrissent. Ne voit-on pas les roseaux, bien que nés dans un marécage, ne pas pousser s'ils n'ont pas de pluies? Partout ceux des poissons qui restent toujours dans la même eau meurent si cette eau ne se renouvelle pas.
[3] Depuis ce temps ils sont abondants sur le littoral de l'Italie; auparavant on n'y en prenait pas. La gourmandise a semé des poissons pour mettre des saveurs à sa portée, et elle a donné un nouvel habitant à une mer: faut-il s'étonner que des oiseaux étrangers se reproduisent à Rome? Le poisson le plus recherché ensuite est la mustèle (lote, gadus Iota, L.), seulement pour son foie. [4] Chose singulière le lac de Brigantla (Constance), en Rhétie, au milieu des Alpes, en produit qui rivalisent avec celles de la mer.
[2] Le rouget de vase est le moins estimé. Il est constamment accompagné d'un autre poisson, appelé sargus : le rouget fouille la vase, et fait sortir l'aliment que l'autre mange. Les rougets de la côte ne sont pas non plus recherchés. Les meilleurs ont un goût de coquillages. Fenestella dit que leur nom de mulles leur est venu de la couleur des mules, espèce de chaussure. Ils frayent trois fois par an ; du moins on voit des petits trois fois dans l'année. [3] Les maîtres en fait de gastronomie racontent que le in ul le mourant passe par de nombreuses nuances, et qu'on voit le rouge de ses écailles pâlir par des dégradations successives, surtout si on le regarde renfermé dans un vase de verre. M. Apicius, admirable pour les inventions du luxe, a pensé qu'une excellente préparation était de les faire mourir dans la saumure, appelée garum des alliés (XXXI, 44) (car cette chose même a obtenu un surnom) ; et il proposa un prix pour celui qui inventerait une saumure avec le foie du mulle. Il est plus facile de rappeler la proposition que de dire qui a remporté le prix.
[2] Il y a en Italie, dans le territoire de Vérone, un lac appelé Bénac, que le Mincio traverse; tous les ans, vers le mois d'octobre, le lac est troublé, cela est évident, par la constellation d'automme (le coucher des Pléiades ou le lever d'Arcturus, II, 47) ; et les anguilles agglomérées sont roulées par les flots, à l'endroit où sort le fleuve, en quantité si prodigieuse, qu'on en trouve des boules d'un mille ensemble dans les pêcheries établies à cet effet dans le fleuve.
[2] Vedius Pollion, chevalier romain, des amis du dieu Auguste,donna en cet animal des exemples de cruauté : il faisait jeter dans les viviers remplis de murènes les esclaves qu'il avait condamnés. Ce n'était pas que les animaux terrestres n'y suffissent, mais c'était que d'aucune autre façon il ne pouvait se donner le spectacle d'un homme déchiré tout entier à la fois. On dit que ce qui les rend le plus furieuses, c'est de goûter du vinaigre. Leur peau est extrêmement mince ; au contraire, celle des anguilles est épaisse. Verrius rapporte que l'on fouettait avec des peaux d'anguilles les enfants des citoyens, et que moyennant cela on ne les punissait pas d'amendes.
[2] Aristote (Hist. an., n, 1 7) pense qu'il a des pieds ; il a été trompé par la forme de ses nageoires. Mucianus parle d'un murex plus large que la pourpre, dont la tête n'est ni raboteuse ni ronde, et dont le bec n'est point anguleux ; sa coquille est unie, et se replie en dedans de chaque côté. Il dit que ces murex s'étant attachés au vaisseau qui portait les enfants de condition noble condamnés par Périandre à être châtrés, et qui allait à pleines voiles, l'arrêtèrent, et que les coquilles qui rendirent ce service sont honorées dans le temple de Vénus à Cnide. Trebius Niger dit que ce murex a un pied de long et une épaisseur de cinq doigts ; qu'il retarde les vaisseaux, et qu'en outre, conservé dans le sel, il a la propriété d'attirer l'or qui est tombé dans les puits les plus profonds.
[2] Seuls des poissons mous, ils viennent sur le sol, pourvu qu'il soit raboteux ; ils haïssent les lieux unis. Ils se nourrissent de la chair des coquillages, dont ils brisent l'enveloppe en la serrant entre leurs bras ; aussi reconnaît-on leur retraite aux tests qui sont à l'entrée. Bien que le poulpe soit un animal stupide, au point de s'approcher en nageant de la main de l'homme, cependant il a beaucoup d'intelligence pour ce que j'appellerai ses affaires : il porte toute sa proie dans sa demeure; puis, ayant rongé la chair, il rejette les débris, et se met à l'affût des petits poissons qui s'en approchent. Il prend la couleur du lien où il se trouve, surtout quand il est effrayé. Il est faux qu'il se ronge les bras : ce sont les congres qui les lui rongent ; mais il n'est pas faux que ses bras coupés repoussent, comme les queues aux gekcos (XI, 31) et aux lézards.
[2] Le coquillage n'a ni la vue ni aucune autre sensation que celle qui lui fait connaître l'aliment et le danger. En conséquence, les poulpes guettent le moment où il est ouvert, et mettent un petit caillou entre les valves, mais en dehors du corps même de l'animal, de peur qu'il ne chasse le caillou par ses contractions : dès lors ils attaquent leur proie avec sécurité, et ils extraient les chairs ; l'animal se contracte, mais en vain ; un coin rend ses efforts inutiles. Tant est grande l'habileté des animaux même les plus stupides ! En outre, le même auteur assure qu'il n'y a pas d'animal plus dangereux pour l'homme qui est dans l'eau. [3] En effet, il lutte avec lui, l'embrasse, l'épuisé par ses cupules et ses nombreux suçoirs, et finit par entraîner les naufragés ou les plongeurs qu'il attaque. Mais, retourné, il n'a plus de force; quand il est renversé sur le dos, ses bras s'étendent. Les autres faits que cet auteur rapporte semblent davantage tenir du prodige : A Carteia (III, 3, 2), dans les viviers, un poulpe habitué à sortir de la mer, et à venir dans les réservoirs ouverts dévorer les salaisons (tous les animaux marins sont singulièrement attirés par l'odeur des salaisons, aussi en frotte-t-on les nasses) ; ce poulpe, dis-je, excitait la colère des gardiens, à cause de ses larcins continuels. D'énormes palissades protégeaient les viviers ; mais le poulpe les franchissait en s'aidant d'un arbre, et on ne put le découvrir que par la sagacité des chiens, qui le cernèrent, la nuit, au moment de son retour. [4] Les gardiens, éveillés, furent épouvantés d'un spectacle étrange : d'abord la grosseur du poulpe était extraordinaire, puis il était complètement enduit de saumure, et il exhalait une odeur affreuse. Qui se serait attendu à trouver là un poulpe, ou qui l'aurait reconnu dans cet état? Ils s'imaginaient livrer bataille à un monstre. En effet, il mettait en fuite les chiens par un souffle terrible : tantôt il les flagellait avec l'extrémité de ses filaments, tantôt il les renversait comme à coups de massue avec ses bras plus forts, et avec peine on le tua à force de tridents. [5] On montra à Lucullus sa tête (elle avait la grosseur d'un baril pouvant tenir quinze amphores, 291,6 lit) ; et, pour me servir des expressions mêmes de Trébius, ses barbes, qu'on aurait à peine embrassées avec les deux bras, et qui, noueuses comme des massues, avaient 30 pieds de long. Les suçoirs, grands comme une urne, ressemblaient à des bassins ; les dents étaient en proportion. Le reste du corps, qui fut conservé par curiosité, pesait 700 livres. Le même auteur assure que des sèches et des calmars aussi gros sont jetés sur le rivage de la Bétique. Dans notre mer (Méditerranée) on prend des calmars de cinq coudées, des sèches de deux. Ces animaux ne vivent pas non pins au delà de deux ans.
[2] Entre elles, elles se battent avec leurs cornes. C'est le seul des animaux qui ait la chair molle et sans consistance, à moins qu'on ne le fasse cuire, à l'eau bouillante, tout vivant, (XXXI.) Les langoustes habitent les fonds rocailleux ; les cancres, les fonds mous. En hiver, elles recherchent les cotes exposées au soleil; en été, elles se retirent dans des gouffres abrités. Tous les animaux de ce genre souffrent de l'hiver; ils s'engraissent à l'automne et au printemps, surtout pendant la pleine lune, parce que le tiède éclat de cet astre rend la nuit plus tempérée.
[2] On appelle pinnothère (Bernard l'ermite, cancer Bernardus, L.) le plus petit de toute- cette classe ; aussi est-il le plus exposé. Son adresse à lui consiste à se cacher dans des coquilles vides ; quand il grossit, il en va chercher de pins grandes. [3] Les cancres effrayés marchent à reculons aussi vite qu'en avant ; ils se battent entre eux comme les béliers, en se heurtant de leurs cornes. Ils sont un remède contre les morsures des serpents (XXXII, 19). On dit que lorsque le soleil traverse le signe du Cancer, leur cadavre, à sec sur le rivage, se transforme en scorpion. [4] A la même classe appartiennent les oursins, qui ont des épines au lieu de pattes. Pour eux marcher c'est rouler comme une boule; aussi les trouve-t-on souvent avec leurs piquants usés. On appelle échinomètres (echinus cidaris, L.) ceux dont les piquants sont le plus longs et le corps le plus petit. Tous n'ont pas la même couleur vitrée; dans les environs de Torone, les oursins sont blancs et leurs épines courtes. Les œufs de tous sont amers, et au nombre de cinq. Leur bouche est au milieu du corps, et regarde la terre. On dit qu'ils sont un indice de l'approche de la tempête; qu'ils prennent de petites pierres dont ils se couvrent, et qu'ils se donnent de la sorte une espèce de lest, craignant que le roulement ne brise leurs piquants. Les marins, dès qu'ils voient ces préparatifs, s'empressent de fixer leurs vaisseaux par plusieurs ancres. [5] (XXXII.) Au même genre appartiennent les escargots aquatiques et terrestres, qui avancent la tête hors de leur demeure, et qui allongent ou retirent deux espèces de cornes. Ils n'ont pas d'yeux ; aussi ils sondent le terrain avec leurs tentacules. [6] (XXXIII.) On range dans la même classe les peignes de mer, qui se cachent, eux aussi, pendant les grands froids et pendant les grandes chaleurs, et les ongles [pholades] (IX, 87; XXXII, 53, 7), qui brillent la nuit comme du feu, dans la bouche même de ceux qui les mangent.
[3] Voyez encore : ils sont rayés, chevelus, crêpés, cannelés, divisés en dents de peigne, imbriqués, réticulés, étendus en ligne oblique ou en ligne droite, ramassés, allongés, tortueux, à valves attachées par une charnière peu étendue, réunies sur tout un côté, entr'ouvertes comme si elles allaient se choquer pour applaudir, contournées en forme de cor. Les coquilles dites de Vénus (XXXIII, 53, 7) naviguent, et, présentant au vent leur partie concave, elles font voile sur la surface des mers. Les peignes sautent, voltigent hors de l'eau; ils se servent, eux aussi, de leur coquille comme d'une barque.
[2] Qu'a de commun la mer avec nos vêtements? Quels rapports entre les flots orageux et les toisons? Pour être bien dans cet élément, ne faut-il pas être nu ? Qu'il y ait, je l'accorde, une certaine liaison entre la mer et notre estomac ; mais pourquoi y en aurait-il entre elle et notre peau? Peu contents d'une nourriture acquise avec péril, il nous faut des vêtements au même prix : tant il est vrai que pour tous nos besoins ce qui nous plaît le plus, c'est ce qui s'obtient aux dépens de la vie des hommes !
[2] L'origine et la production de la nacre ne diffèrent guère de celles de l'huître. Quand l'influence de la saison génératrice les stimule, on dit que, s'ouvrant par une espèce de bâillement, elles conçoivent par l'action d'une rosée fécondante, qu'elles mettent au jour le produit qu'elles ont porté, et que ces produits sont les perles, qui diffèrent suivant la qualité de cette rosée. Si la rosée est pure le produit est blanc, si elle est trouble le produit est terne; il est pâle s'il a été conçu à l'approche d'un orage ; ce qui prouve que l'état des perles dépend plus du calme des airs que du calme des mers. C'est du ciel qu'elles tirent une couleur nuageuse ou limpide, suivant la sérénité des matinées. [3] Si les coquillages sont convenablement nourris le produit grossit aussi ; s'il éclaire ils se ferment, et diminuent en raison du jeûne qu'ils éprouvent; si en outre il tonne, effrayés et se fermant subitement, ils produisent qu'on appelle des bulles, semblants de perles, vides et sans corps ; ce sont des avortements. Les produits à terme sont constitués par plusieurs couches, de sorte qu'on y pourrait voir, non à tort, comme une callosité du corps de l'animal : des mains habiles savent les nettoyer. [4] Ce qui m'étonne, c'est que, se plaisant autant à l'influence du ciel, elles rougissent par l'effet du soleil, et perdent leur blancheur comme le corps humain. Aussi celles qui la conservent le mieux sont les perles de la hante mer, enfoncées trop profondément pour être atteintes par les rayons. Toutefois elles jaunissent, elles aussi, avec l'âge; les rides les flétrissent, et dans leur jeunesse seulement elles possèdent ce vif éclat qu'on recherche; elles grossissent en outre dans la vieillesse, et contractent des adhérences avec les coquilles : on ne peut les en arracher qu'avec la lime. Celles qui sont rondes d'un côté et plates de l'autre sont appelées timbales. J'ai vu des perles adhérentes à leur coquille, dont pour cette raison on avait fait des bottes à parfums. Les perles, molles dans l'eau, durcissent aussitôt qu'on les en retire.
[2] Il y a dans la blancheur même de grandes différences. Celles de la mer Rouge ont une eau plus claire; les perles indiennes l'emportent en grandeur sur les autres, mais ressemblent ai Ycail le de la pierre spéculaire (XXXVI, 45). Le plus grand éloge qu'on puisse faire de leur couleur, c'est de dire qu'elle est comme l'alun de roche. On recherche aussi les perles allongées. On appelle élenchi les perles pyriformes qui se terminent par une boule arrondie, comme nos vases à essences (XXXVI, 12). [3] Les femmes mettent leur gloire à en charger leurs doigts, et à en suspendre deux et trois à leurs oreilles. Il y a pour cet objet de luxe des noms et des raffinements inventés par une excessive corruption. Une boucle d'oreille qui porte deux ou trois perles s'appelle grelot, comme si les femmes se plaisaient au bruit et au choc de ces perles. Déjà les moins riches affectent ces joyaux ; elles disent qu'une perle est en public le licteur d'une femme. Bien plus, elles en portent à leurs pieds; elles en ornent non seulement les cordons de leur chaussure, mais encore leur chaussure tout entière; ce n'est plus assez de porter des perles, il faut les fouler et marcher dessus.
[4] Dans notre mer on en trouvait, surtout vers
le Bosphore de Thrace; elles étaient rousses et petites, dans des coquilles
appelées myes. En Acarnanie, le coquillage appelé pinne produit des perles; ce
qui prouve qu'elles ne proviennent pas d'une seule espèce de coquillage. Juba
rapporte qu'il est en Arabie une espèce de coquillage semblable à un peigne
ciselé, garni de pointes comme les oursins; que la perle est dans la chair, et
semblable à un grain de grêle. Ces coquilles ne s'apportent pas à Rome. Celles
qu'on trouve en Acarnanie ne sont pas estimées ; elles sont irrégulières, brutes
et marbrées. Les meilleures sont autour d'Actium; encore sont-elles petites. Il
en est de
[2] Voilà à a quoi aboutissent les concussions! M. Lollius fut déshonoré dans tout l'Orient pour les présents qu'il avait extorqués aux rois, disgracié par G. César fils d'Auguste, et obligé de s'empoisonner, afin que sa petite-fille se montrât, à la clarté des flambeaux, chargée de 40 millions de sesterces ! D'un côté, qu'on mette en regardée que Curius ou Fabricius ont porté dans les triomphes; qu'on se représente les brancards triomphaux ; et d'un autre côté une seule femmelette de l'empire, une Lollia placée à table : n'aimerait-on pas mieux les faire descendre de leur char, que de voir leurs triomphes préparer un tel scandale? [3] Et ce ne sont pas les dernières extrémités auxquelles le luxe se soit porté : il y a eu deux perles, les plus grosses qu'on ait jamais vues; elles furent toutes deux possédées par Cléopâtre, la dernière des reines d'Égypte, et les rois de l'Orient se les étaient passées de main en main. Chaque jour Antoine se rassasiait de repas splendides; elle, avec l'orgueil et le faste dédaigneux d'une courtisane royale, rabaissait toute la somptuosité, tout l'appareil de ces festins. Antoine demanda ce qu'on pourrait ajouter à tant de magnificence : elle répondit qu'en un seul repas elle dépenserait 410 millions de sesterces (2,100,000 fr.). [4] Antoine désirait apprendre comment, bien qu'il crût la chose impossible : on paria. Le lendemain, jour où devait se vider l'affaire, elle fit servir un repas magnifique, sans doute pour que la journée ne fût pas perdue, mais qui ne valait pas mieux que les repas ordinaires d'Antoine. Celui-ci plaisante, et demande le compte. Cléopâtre répond que ce n'est qu'un accessoire; elle ajoute que le repas coûtera le prix fixe, et que seule elle mangera les 10 millions de sesterces. Elle fait apporter le second service. Ses serviteurs, qui étaient dans le secret, ne placent devant elle qu'un vase plein de vinaigre, liquide dont la force dissolvante fond les perles. [5] Elle portait en ce moment ces deux perles, chef-d'œuvre singulier de la nature, et véritablement sans pareil. Antoine examinait ce qu'elle allait faire : la reine en ôte une, la jette dans le vinaigre, la fait fondre, et l'avale. L. Plancus, juge du pari, mit la main sur l'autre au moment où elle se préparait à la dissoudre de la même façon, et déclara Antoine vaincu; présage que l'événement confirma. L'autre perle n'a pas une réputation moindre. Après la prise de cette reine, qui avait gagné un aussi grand pari, elle fut sciée en deux ; et de la moitié de leur souper on fit deux pendants d'oreilles pour la statue de Vénus dans le Panthéon, à Rome.
[2] Les perles devinrent d'un usage commun et fréquent à Rome après la réduction d'Alexandrie, et elles commencèrent à être connues vers le temps de Sylla ; mais alors elles étaient petites et de peu de prix; c'est du ni moins ce que Fenestella rapporte : or il se trompe très certainement, car Aelius Stilon nous apprend que le nom d'unio fut donné aux plus grosses perles lors de la guerre de Jugurtha.
[2] Les murex en font autant. Mais les pourpres ont au milieu du gosier ce suc si recherché pour la teinture des étoffes. C'est une très petite quantité de liquide contenue dans une veine blanche, et dont la couleur est celle d'une rosé tirant sur le noir. Le reste du corps est stérile. On s'efforce de les prendre vivantes, parce qu'elles rejettent cette liqueur en mourant. Aux plus grandes, on l'extrait après avoir enlevé la coquille; quant aux petites, on les écrase vivantes avec le test, ce qui la leur fait dégorger. [3] En Asie, la plus belle pourpre est celle de Tyr ; en Afrique, celle de Meninx et de la côte gétulienne de l'Océan (VI, 36,4); en Europe, celle de la Laconie. Devant cette pourpre les faisceaux et les haches romaines écartent la foule : elle fait la majesté de l'enfance; elle distingue le sénateur du chevalier; on la revêt pour apaiser les dieux; elle donne la lumière à tous les vêtements; elle se mêle à l'or dans la robe du triomphateur. Excusons donc la folle passion dont la pourpre est l'objet : mais où est le mérite des couleurs conchyliennes? l'odeur en est infecte à la teinture, et la nuance en est d'un vert attristant, et semblable à celui de la mer en courroux. Les pourpres ont la langue d'un doigt de long. [4] C'est avec cette langue qu'elles se nourrissent, perçant les autres coquillages, tant la pointe en est dure. L'eau douce leur donne la mort ; elles meurent même partout où quelque rivière vient se jeter à la mer; autrement elles vivent, prises, pendant cinquante jours, de leur salive. Tons les coquillages croissent promptement, surtout les pourpres; en un an, elles ont atteint toute leur grosseur.
[2] L'autre est appelée pourpre ; son bec s'avance formant un canal qui, tubulé à l'intérieur sur le côté, livre passage à la langue ; en outre, la coquille est couverte, jusqu'au sommet, de pointes, d'ordinaire au nombre de sept, et disposées en rond ; mais le buccin n'en a pas. Tous les deux ont autant de spirales qu'ils ont d'années. Le buccin ne s'attache qu'aux roches, et on le prend auprès des écueils. (XXXVII.) Les pourpres portent un autre nom, celui de pélagiennes; il y en a de plusieurs espèces, distinctes par l'alimentation et le séjour. La pourpre de vase, nourrie dans une fange putride, et la pourpre d'algue, nourrie de cette plante, sont l'une et l'autre les moins estimées. Celle de roche est meilleure ; on la recueille sur les bancs de rochers; cependant la pourpre qu'elle fournit est encore trop claire et trop légère. La pourpre de galet, ainsi appelée des galets de mer, est merveilleusement propre à la fabrication des couleurs conchyliennes. Mais la meilleure de beaucoup pour la teinture en pourpre est celle qu'on appelle dialutensis, à cause qu'elle se nourrit sur des terrains variés. [3] On prend les pourpres avec des espèces de nasses petites et à maille large, qu'on jette dans la mer. On y met pour appât des coquillages qui pincent en se fermant, tels que les moules (XXXII, 31). Ces coquillages à demi-morts, mais qui, rendus à la mer, se raniment et s'ouvrent avidement, sont recherchés par les pourpres, qui les attaquent en avançant la langue : se sentant piqués, ils se ferment, et serrent ce qui les blesse; et les pourpres, victimes de leur avidité, sont enlevées suspendues par la langue.
[2] On la fait bouillir dans des vases de plomb; et cent amphores (1944 litr.) de cette préparation doivent être réduites à cinq cents livres à l'aide d'une chaleur modérée ; aussi se sert- on d'un tuyau répondant à un foyer éloigné. On enlève de temps en temps avec l'écume les chairs qui nécessairement sont restées adhérentes aux veines; au dixième jour environ, tout est fondu. Pour essayer la liqueur, on y plonge de la laine dégraissée; et la cuisson continue jusqu'à ce qu'on ait atteint le point. La teinte qui tire sur le rouge vaut moins que celle qui tire sur le noir. La laine trempe pendant cinq heures, puis on la replonge après l'avoir cardée, jusqu'à ce qu'elle soit saturée. Le buccin .ne s'emploie pas seul, parce que la teinture qu'il donne n'est pas durable. [3] Uni à la pourpre, il prend très bien le s mordant, et il donne à la nuance trop foncée de celle-ci l'éclat sévère de l'écarlate (IX, 65), qui est ce qu'on recherche. Ainsi combinées, ces deux couleurs se donnent l'une à l'autre de l'éclat et du sombre. La juste mesure du mélange est, pour 50 livres de laine, 200 livres de buccin et 110 livres de pourpre : c'est ainsi que se fait cette admirable couleur d'améthyste (XXXVII, 40). Pour la couleur tyrienne on trempe d'abord la laine dans la pourpre quand la cuisson est encore peu avancée, puis on achève la teinture en la trempant dans le buccin ; elle est parfaite quand elle a la couleur du sang coagulé, c'est-à-dire un aspect noirâtre avec un reflet brillant : aussi Homère (Il., XVII, 360) dit-il le sang pourpré.
[2] Elle fut remplacée par la pourpre tyrienne dibaphe, qui coûtait plus de 1,000 deniers (820 fr.) la livre. P.Lentulus Spinther, édile curule, fut le premier qui s'en servit pour la prétexte ; on le blâma : aujourd'hui quel est celui qui n'ait dans sa salle à manger des tapis de lit en pourpre tyrienne? » Spinther fut édile l'an de Rome 691, sous le consulat de Cicéron. Ou appelait alors dibaphe la pourpre deux fois teinte ; c'était de la somptuosité : aujourd'hui presque toutes les pourpres de quelque prix sont teintes de cette façon.
[2] Cette invention est due sans doute au repentir de quelque artiste qui modifiait une couleur dont il était mécontent ; on en a fait un procédé. Les esprits avides de l'extraordinaire ont transformé une maladresse en une merveille, et on a ouvert au luxe une double voie, en chargeant une couleur d'une autre couleur, qui devenait ainsi plus suave et plus douce. [3] Bien plus, on y mêle les productions terrestres, et l'on teint avec la pourpre de Tyr les étoffes teintes avec l'écarlate, afin d'en faire l'hysgine (XXI, 97; XXXV,26, 2). La graine d'écarlate (XVI, 12; XXII, 3; XXIV, 4), la plus estimée, comme nous le dirons en parlant des productions terrestres, est celle de la Galatie ou des environs d'Émérite en Lusitanie. Pour terminer mes observations sur les teintures précieuses, je remarquerai que cette graine donne, si elle n'a qu'un an, une couleur pale, et si elle a plus de quatre ans, une couleur qui s'efface ; ainsi elle n'a de force ni jeune ni vieille. J'ai traité amplement d'un art par lequel les hommes aussi bien que les femmes pensent relever considérablement leur beauté.
[2] De même l'ange (squalus squatina, L.) et le turbot se cachent, et, avançant leurs nageoires, les font mouvoir comme de petits vers. Les raies font le même manège : la pastenague se tient en embuscade, et, de l'aiguillon dont elle est armée, perce les poissons qui passent. La preuve de cette adresse, c'est que, bien que ce soient les plus lents des poissons, on leur trouve dans le ventre des muges, qui sont de tous les plus agiles, (XLIII.) [3] Les scolopendres, semblables aux scolopendres terrestres ou mille-pieds, si elles avalent un hameçon, revomissent, jusqu'à ce qu'elles en soient débarrassées, tous leurs intestins, puis les font rentrer dans ieur corps. Les renards marins (squales), dans un semblable péril, avalent de la ligne jusqu'à un endroit faible qu'ils couperont avec leurs dents. Le glanis (silure) (IX, 17) a plus de précaution : il mord les hameçons par derrière, ne les avale pas, mais les dépouille de l'appât. (XLIV.) Le bélier de mer (delphinus orca, L.) agit en brigand : tantôt, caché par l'ombre de quelque grand navire à l'ancre, il guette ceux qui se laisseront tenter au plaisir de nager; tantôt, levant la tête au-dessus de l'eau, il observe les barques des pêcheurs, et, arrivant sans être vu, les coule.
[2] D'autres fois, paraissant fiétries, et se laissant ballotter par les îlots comme une algue, elles touchent un poisson. Celui-ci va se frotter contre une roche pour dissiper la démangeaison, et dans ce moment elles le saisissent. Elles vont, la nuit, à la recherche des peignes et des oursins. Quand elles sentent qu'on les touche avec la main, elles changent de couleur et se contractent ; touchées, elles causent un prurit brûlant; et si on leur laisse un moment, elles se cachent. On dit qu'elles ont la bouche à la racine de leur corps, et qu'elles rendent leurs excréments par un canal étroit placé à la partie supérieure.
[2] Elles se contractent de même quand le flot les
bat. De petits coquillages qu'on trouve dans leur intérieur montrent qu'elles
mangent. Dans les environs de Torone, elles s'en nourrissent, dit-on, même
détachées; et les racines qui restent donnent naissance à d'autres éponges.
Elles laissent aussi une couleur de sang sur les rochers, surtout celles qui
naissent en Afrique dans les Syrtes. Les manos sont celles qui deviennent les
plus grosses, mais [3] Vivantes ou mouillées, elles sont noirâtres. Elles ne sont adhérentes ni par une seule partie, ni par toutes ; elles sont percées de certains tuyaux vides, au nombre de quatre ou cinq, par lesquels on pense qu'elles se nourrissent : elles ont encore d'autres tuyaux, mais bouchés à l'extrémité supérieure. On remarque une espèce de membrane étendue au-dessous de leurs racines. Il est certain qu'elles vivent longtemps. La plus mauvaise espèce est celle qu'on nomme éponges aplysies, par ce qu'on ne peut les nettoyer ; elles ont de grands tuyaux, mais le reste est dense et imperméable.
[2] personne n'a jamais} parlé d'un animal-nuage, d'un animal-brouillard (c'est le nom qu'ils donnent à cet ennemi). Mais, ce qui est vrai, c'est un combat terrible avec les canicules ; elles attaquent les aines, les talons, et toutes les parties blanches du corps : la seule ressource, c'est d'aller au-devant d'elles et de prendre l'offensive; en effet, elles ont autant peur de l'homme qu'elles lui font peur. Sous l'eau la partie est égale, mais à la surface de l'eau le danger est imminent ; le plongeur perd la ressource d'aller eu face de la canicule, du moment qu'il s'efforce de sortir de la mer; son seul espoir est en ses compagnons, qui tirent la corde attachée sous ses bras. Pendant le combat il secoue de la main gauche cette corde, en signe de péril; de la droite, armée d'un stylet, il soutient la lutte. On le tire d'abord avec assez de lenteur; mais, [3] dès qu'il est dans le voisinage du navire, on le voit mettre en pièces, si on ne l'enlève avec une rapidité extrême ; et souvent, déjà tiré hors de l'eau, le plongeur est enlevé aux mains de ses compagnons, si lui-même, ramassant son corps en forme de boule, ne seconde leurs efforts. D'autres, il est vrai, brandissent des tridents ; mais le monstre a l'instinct de se placer sous le navire, et de là il combat en sûreté. On met donc le plus grand soin à guetter l'approche de ce poisson redoutable (XLVII.). La meilleure garantie est de voir les poissons plats ; ils ne se trouvent jamais dans les endroits où sont des bêtes malfaisantes : pour cette raison les plongeurs les appellent sacrés.
[2] Et ce n'est pas assez de l'accouplement pour la fécondation; il faut encore que les mâles, venant à travers, arrosent de liqueur séminale les œufs pondus. Des œufs en aussi grand nombre ne sont pas tous fécondés; autrement les mers et les étangs n'y suffiraient pas, car chaque femelle en pond une quantité innombrable. (LI.) Les œufs des poissons grossissent dans la mer, les uns avec une très grande promptitude, comme ceux des murènes (IX, 39} ; les autres, avec plus de lenteur. [3] Ceux des poissons plats, à qui leurs queues et leurs aiguillons ne font pas obstacle, et les tortues, s'accouplent en se couvrant : les poulpes, en attachant un de leurs bras aux narines de la femelle ; les sèches et les calmars, par la langue, unissant leurs bras, et nageant en sens contraire ; ils jettent aussi leur frai par la bouche. Les poulpes s'accouplent la tête tournée en bas. Les autres mollusques se couvrent comme les chiens, ainsi que les langoustes et les squilles ; les cancres s'accouplent par la bouche. Les grenouilles se mettent les unes sur les autres : le mâle saisit la femelle avec ses pattes antérieures par les aisselles, et avec ses pattes postérieures par le derrière. [4] Les femelles produisent de très petites chairs noires qu'on appelle gyrins (têtards), et où l'on ne distingue que les yeux et la queue ; puis les pattes se dessinent, la queue se bifurquant pour former celles de derrière. Chose singulière ! au bout de six mois de vie, elles se résolvent en limon sans qu'on s'en aperçoive ; puis on les voit reparaître dans les eaux au printemps telles qu'elles étaient, par un procédé de la nature qui reste inconnu, bien qu'il se renouvelle tous les ans. [5] Les moules et les peignes naissent dans les sables, par l'action spontanée de la nature. Les testacés à enveloppe plus dure, tels que les murex et les pourpres, naissent d'un liquide qui a la viscosité de la salive ; de même que les cousins naissent d'un liquide qui s'aigrit, les anchois de l'écume de nier qui s'échauffe après avoir reçu la pluie, et les testacés dont l'enveloppe est pierreuse, comme les huîtres, d'une vase qui se corrompt, ou de l'écume qui est autour des navires longtemps immobiles, des pieux enfoncés, et généralement autour du bois. [6] On a découvert depuis peu, dans les parcs, que les huîtres laissent écouler une humeur lactée, qui est le liquide fécondant. Les anguilles se frottent contre les roches; les par celles qui se détachent prennent vie : il n'y a pas pour elles d'autre procréations. Les poissons d'espèces différentes ne s'accouplent pas entre eux, excepté l'ange et la raie : le produit qui en naît ressemble à la raie par la partie antérieure, et a revu chez les Grecs un nom composé des noms de deux poissons. [7] Dans l'eau comme sur la terre, certains animaux naissent à une époque fixe de l'année, les peignes, les limaces, les sangsues; au printemps, ces mêmes animaux disparaissent à une époque fixe. Parmi les poissons, le loup, le trichine, et tous les saxatiles produisent deux fois par an; les mulles trois fois, aussi bien que le chalcis (IX, 71) ; le cyprin, six fois; les scorpions, deux fois ; les sarges, au printemps et à l'automne. Parmi les poissons plats, l'ange,deux fois : seul il produit à l'automne, au coucher des Pléiades. [8] Un grand nombre de poissons produisent dans les trois mois d'avril, mai et juin; les saupes, en automne; les marges, la torpille, les squales (IX, 40), vers l'équinoxe d'automne ; les mollusques, au printemps; la sèche, tous les mois : ses oeufs sont agglutinés en forme de grappe par une liqueur noire; le mâle les poursuit en soufflant dessus, autrement ils restent improductifs. Les poulpes s'accouplent en hiver, et produisent au printemps des oeufs tortillés en vrilles, avec une telle fécondité que, le poulpe tué, la cavité de la tête ne peut plus contenir les oeufs qui y étaient renfermés. [9] Ces oeufs éclosent au cinquantième jour; sur le nombre il en périt beaucoup. Les langoustes et les autres crustacés mettant leurs oeufs les uns sur les autres, et les couvent ainsi. Le poulpe femelle tantôt se tient sur ses oeufs, tantôt ferme sa demeure en déployant ses bras. La sèche pond à terre parmi les roseaux, ou dans les lieux où elle trouve de l'algue; ses oeufs éclosent au bout de quinze jours. Les calmars pondent en pleine mer des œufs qui sont adhérents, comme ceux de la sèche. Les pourpres, les murex, et les autres de même genre, produisent au printemps. Les oursins ont leurs œufs aux pleines lunes en hiver; c'est aussi en hiver que naissent les escargots [ de mer].
[2] Il fut encore le premier à donner la prééminence aux huîtres du lac Lucrin ; car les mêmes espèces d'animaux aquatiques sont meilleures en certains lieux qu'en d'autres, par exemple les loups du Tibre entre les deux ponts, le turbot de Ravenne, la murène de Sicile, l'élops de Rhodes, et ainsi du reste, pour ne pas dresser ici une liste culinaire. Les rivages de la Bretagne (XXXII,21) n'étaient pas encore asservis quand Sergius Orata faisait la réputation des huîtres du Lucrin ; plus tard, on a jugé que c'était la peine d'aller chercher des huîtres à Brindes, au bout de l'Italie; et pour qu'il n'y eût pas de rivalité entre les deux saveurs, on a imaginé récemment d'alimenter dans le lac Lucrin les huîtres de Brindes, affamées par ce long trajet.
[2] Le même auteur rapporte qu'autour d'Héraclée, de Cromna, vers le Lycus, et en plusieurs endroits dans le Pont, il y a une espèce de poissons (loche, cobitis fossilis, L.) qui recherchent le bord des fleuves ; que ces poissons s'y font des trous dans la terre, et qu'ils y vivent même lorsque, l'eau se retirant, la rive se trouve à sec: qu'il faut donc les déterrer, et que le mouvement de leur corps montre qu'ils sont en vie; que dans les environs de la même ville d'Héraclée et du même fleuve Lycus, qui en se retirant laisse des œufs, il s'engendre, dans la vase, des poissons qui vont chercher leur nourriture à l'aide d'un certain frétillement, n'ayant que de petites branchies, ce qui leur permet de se passer d'eau, raison pour laquelle aussi les anguilles vivent longtemps à sec; [3] et que leurs œufs viennent à maturité sur la terre comme ceux des tortues (IX, 12} ; que dans la même région du Pont la glace saisit des poissons, et surtout des goujons, qui ne donnent signe de vie que lorsqu'ils sentent la chaleur des casseroles; ceci, bien qu'étonnant, peut cependant s'expliquer. Mais Théophraste dit encore que dans la Paphlagonie on déterre des poissons très bons à manger, qui sont enfoncés dans la terre à une grande profondeur, dans des lieux où il ne se trouve aucune eau stagnante : il s'étonne lui-même de leur génération sans accouplement, et il suppose que les eaux souterraines ont une autre vertu que celle des puits, comme si dans les puits on ne trouvait aucun poisson. Quoi qu'il en soit, cela rend moins étonnante l'existence de la taupe, animal souterrain ; ou peut-être ces poissons de Théophraste ont la même nature que les vers de terre.
[2] c'est en effet l'espoir de la pêche et l'intermédiaire de la capture ; et il n'est pas difficile de le reconnaître, attendu que pendant quelques jours il est le seul qui ose s'approcher. Enfin il trouve des imitateurs, et, de plus en plus accompagné, il finit par en amener des troupes innombrables. Les plus anciens connaissent déjà le pêcheur, et prennent de la nourriture à sa main. Alors l'homme lance, non loin au delà de ses doigts, un hameçon pourvu d'un appât, et il escamote plutôt qu'il ne prend chaque poisson : à l'ombre de la barque, il les enlève par un mouvement bref, de sorte que les autres anthias ne s'en aperçoivent pas. Un autre pêcheur reçoit dans la barque le poisson pris, sur des morceaux d'étoffe, pour que le bruit qu'il fait en se débattant ne chasse pas les autres. [3] Il importe de connaître l'embaucheur, afin de ne pas le prendre ; autrement la troupe s'enfuirait pour ne plus revenir. On dit qu'un pêcheur en désaccord avec son camarade jeta l'hameçon à l'anthias embaucheur qu'il connaissait bien, et leprit dans une intention de nuire ; l'anthias fut reconnu sur le marché par celui qui avait souffert un préjudice; et Mucianus ajoute que plainte fut portée en dommages et intérêts, et que la partie adverse fut condamnée à une amende proportionnée. Les mêmes anthias, quand ils voient un des leurs pris à l'hameçon, coupent, dit-on, la ligne avec les piquants qu'ils ont en forme de scie sur le dos : le captif seconde leurs efforts en tendant la ligne. Quand un sarge se trouve pris, il use lui-même contre les roches la ligne qui le tient.
[2] qu'au reste, tous ceux à qui la queue est
ainsi amputée survivent. D'un autre côté, outre les poissons que nous avons dits
vivre en société (IX, 49 et 66), la baleine et le muscule (XI, 69) offrent un
exemple de sympathie : la baleine a les sourcils très pesants, et qui lui
cachent les yeux ; le muscule nage devant elle et lui indique les hauts-fonds,
qui lui seraient funestes à cause de son volume; il fait l'office d'un œil.
Passons maintenant aux oiseaux.
|