CELSE
LIVRE VIII
introduction - livre I - livre II - livre III - livre IV - livre V - livre VI - livre VII
Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
LIVRE VIII.
Chap. I. Description générale des os II. Des diverses altérations des os; à quels signes on les reconnaît III. De la manière d’exciser les os; du trépan et de la tarière IV. Des fractures du crène V. Des fractures du nez VI. Fractures des cartilages de l’oreille VII. En passant de ces diverses fractures à celles de la mâchoire, il commence par établir quelques généralités sur les fractures des os, afin d’éviter de répétitions trop fréquentes. VIII. De la fracture de la clavicule IX. De la fracture des côtes X. Traitement général de la fracture du bras, de l’avant-bras, de la cuisse, de la jambe et des doigts XI. Des luxations. XII. De la luxation de la mâchoire XIII. De la luxation de la tête. XIV. De la luxation des vertèbres. XV. De la luxation du bras. XVI. De la luxation du cubitus XVII. De la luxation du poignet XVIII. De la luxation des os de la paume de la main XIX. De la luxation des doigts XX. De la luxation du fémur XXI. De la luxation du genou XXII. De la luxation du cou de pied XXIII. De la luxation des os de la plante du pied XXIV. De la luxation des orteils XXV. Des luxations qui sont compliquées de blessures.
I. Ce dernier livre appartient aux maladies des os, dont j'indiquerai d'abord la situation et la forme, pour mieux faire comprendre les faits qui s'y rattachent. En premier lieu se présente le crâne, concave en dedans, convexe en dehors, également poli par la face interne et externe, l'une recouvrant la membrane du cerveau, et l'autre étant recouverte par le cuir chevelu. De l'occiput aux tempes, les os du crâne n'ont qu'une seule table; mais du front au sommet ils en ont deux. Durs à l'extérieur, ces os sont moins résistants à l'intérieur vers les points où ils se réunissent. Entre ces parties osseuses, se distribuent des veines chargées sans doute de les nourrir. Rarement trouve-t-on des crânes d'une seule pièce, c'est-à-dire sans sutures; toutefois il s'en rencontre dans les pays chauds, et ce sont les pins solides et les mieux protégés contre la douleur. D'après cela, moins un crâne offrira de sutures, moins il y aura pour la tête d'accidents à craindre. On ne peut déterminer d'une manière constante le nombre et la situation de ces sutures ; mais en général il y en a au-dessus des oreilles deux qui séparent les tempes de la partie supérieure de la tête. Une troisième s'étend d'une oreille à l'autre, passant par le sommet, qu'elle sépare de l'occiput. Une quatrième, à partir du vertex, se dirige vers le front en suivant la ligne médiane, et tantôt elle ne va pas au delà du cuir chevelu, tantôt, divisant le front en deux parties, elle ne s'arrête qu'entre les sourcils. Ces diverses satures se joignent par engrenure, excepté celles qui, placées transversalement au-dessus des oreilles, s'amincissent insensiblement vers les bords, de telle sorte que les os situés au-dessous viennent s'appliquer légèrement sur ceux de dessus. L'os de la tête le plus épais se trouve derrière l'oreille, et cette épaisseur explique peut-être pourquoi les cheveux ne viennent pas à cet endroit. Au-dessous des muscles qui maintiennent les tempes, est placé l'os du milieu (sphénoïde), qui est convexe extérieurement.[1] La face présente une très grande suture qui va d'une tempe à l'autre, en passant transversalement au milieu des yeux et de la racine du nez. Des angles intérieurs de cette suture, il en part deux petites qui se dirigent en bas. Les pommettes ont aussi de chaque côté une suture transversale à la partie supérieure. Du milieu des narines ou de l'os maxillaire supérieur, une suture divise sur la ligne médiane le palais, qu'une autre suture partage aussi transversalement. Telles sont les sutures que l'on rencontre dans la grande majorité des cas. Les trous les plus grands de la tête sont les trous orbitaires, ensuite ceux des narines, et en dernier lieu ceux des oreilles. Les trous orbitaires sont simples, et se rendent directement au cerveau. Une cloison osseuse sépare les deux ouvertures des narines. A partir des sourcils et des angles orbitaires internes, le nez est osseux jusqu'au tiers à peu près de sa longueur; il devient ensuite cartilagineux, et prend une consistance charnue à mesure qu'il descend vers la bouche. Quant aux ouvertures nasales, qui par un seul trajet s'étendent de la racine à l'extrémité du nez, elles se divisent après en deux conduits, dont l'un, s'ouvrant dans l'arrière-gorge, sert a l'inspiration et à l'expiration, et dont l'autre, se dirigeant vers le cerveau, aboutit à une infinité de petits trous, par lesquels nous est transmise la sensation des odeurs. De même pour l'oreille, le conduit auditif, d'abord simple et direct, devient flexueux en se prolongeant, et dans le voisinage du cerveau se termine par un grand nombre de petites ouvertures à l'aide desquelles s'exerce la faculté de l'ouïe. A côté des trous auditifs, on remarque deux petits enfoncements; et c'est au-dessus d'eux que vient s'arrêter l'os qui, se dirigeant horizontalement à partir des joues, se trouve soutenu par les os situés plus bas. On peut l'appeler os jugal, d'après la similitude qui lui a valu des Grecs le nom de zygoma. La mâchoire inférieure est formée d'un seul os, d'une texture spongieuse ; c'est la partie moyenne et inférieure qui constitue le menton, et de chaque côté les branches s'élèvent vers les tempes. Cette mâchoire est la seule douée de mobilité; car les os de la face, y compris celui qui reçoit les dents supérieures, sont immobiles. Les branches de l'os maxillaire inférieur sont comme bifurquées ; des deux éminences qui en résultent, l'une, plus large à la base et plus mince au sommet, s'avance sous l'arcade zygomatique, pour fournir au-dessus d'elle[2] un point d'attaché aux muscles temporaux. L'autre apophyse, plus courte et plus arrondie, est reçue dans l'enfoncement situé près du conduit auditif ; elle fait là l'office de pivot, et, par la mobilité dont elle jouit, permet à la mâchoire d'exécuter ses mouvements. Les dents, qui sont plus dures que les os, s'implantent également dans la mâchoire inférieure et supérieure. En haut et en bas, les quatre premières se nomment en grec tomikoi, parce qu'elles sont incisives. Elles sont comprises entre les quatre dents canines, au delà desquelles se trouvent les dents molaires. Celles-ci sont ordinairement au nombre de cinq de chaque côté ; mais il faut excepter les cas où les dernières dents, qui ne paraissent que plus tard, manquent tout à fait. Les dents de devant n'ont qu'une racine ; les molaires en ont au moins deux, et quelquefois trois ou quatre. En général, les dents dont le corps est court ont une longue racine; si les dents sont droites, les racines le sont aussi, de même qu'elles sont courbées, quand les dents affectent cette disposition. Sous cette racine, il pousse chez les enfants une dent nouvelle, qui le plus souvent fait tomber la première. Quelquefois cependant elle se montre au-dessus ou au-dessous de l'ancienne. La tête est supportée par l'épine, qui se compose de vingt-quatre vertèbres ; sept pour le cou, douze pour les cotes, et les cinq dernières placées immédiatement au-dessous. Ces vertèbres rondes et courtes ont une apophyse de chaque côté, et sont percées au centre pour laisser passer la moelle épinière, qui vient du cerveau. Latéralement les apophyses sont traversées par deux petits trous qui donnent passage à de petites membranes semblables à la dure-mère. Toutes les vertèbres, excepté les trois premières,[3] ont à leur partie supérieure, dans les apophyses mêmes, des dépressions peu profondes, tandis que de la partie inférieure naissent d'autres apophyses tournées en bas. Ainsi la première vertèbre s'articule immédiatement avec la tête, qu'elle soutient en recevant dans les dépressions indiquées les deux petites éminences que l'on remarque au-dessous du crâne; et ce mode d'articulation permet à la tête de se porter en haut et en bas.[4] La face supérieure de la seconde vertèbre s'articule avec la face inférieure de la première. Quant à la circonférence, cet os forme en haut un anneau plus étroit que le précédent, en sorte que la première vertèbre s'appliquant sur la seconde, la tête peut aussi se mouvoir latéralement. La troisième s'articule ensuite avec la seconde,[5] et de cette articulation résulte la facilité des mouvements du cou. Les vertèbres, toutefois, ne pourraient soutenir la tête, si elles n'étaient de part et d'antre assujetties par de forts ligaments droits que les Grecs appellent τένοντες, et dont l'un, toujours tendu dans les mouvements où l'autre est fléchi, empêche la tête de se porter au delà des limites convenables. Les apophyses inférieures de la troisième vertèbre sont reçues dans les enfoncements de la quatrième, et ce mode d'articulation s'étend aux vertèbres suivantes, dont les apophyses tournées en bas viennent s'insérer dans les facettes articulaires placées de chaque côté de la vertèbre inférieure. Ces os sont maintenus entre eux par un grand nombre de muscles et de cartilages; et de cette conformation il résulte qu'un mouvement modéré de flexion en avant étant combattu par une force contraire, l'homme se tient droit, de même qu'il peut s'incliner pour les actes qu'il veut remplir. Au-dessous du cou, près de l'humérus, est placée la première côte. Les six autres se succèdent jusqu'à la base de la poitrine; elles sont arrondies à l'extrémité postérieure, de manière à former une petite tête, et s'articulent avec les apophyses transverses des vertèbres, au point où celles-ci sont légèrement échancrées. De là les côtes aplaties et courbées se dirigent en avant, où elles dégénèrent en cartilage. Elles présentent encore à cet endroit une légère courbure en dedans, puis viennent s'unir au sternum. Cet os, qui est dur et résistant, commence au-dessous du gosier, est échancré de chaque côté, et se termine également par un cartilage au bas de la poitrine. Aux côtés que nous venons d'indiquer, il faut en ajouter cinq autres que les Grecs ont appelées fausses. Plus courtes et plus minces que les précédentes, elles passent, comme elles, à l'état cartilagineux, et adhèrent aux parois latérales de l'abdomen. Quant à la dernière, elle est presque entièrement cartilagineuse. On trouve encore au-dessous du cou deux os larges qui se portent vers chaque épaule. Nous appelons, nous, écussons recouverts, ces os, que les Grecs nomment omoplates. Ils sont échancrés par leurs bords supérieurs, et s'élargissent en triangle en se dirigeant vers l'épine; mais les parties les plus larges sont en même temps les plus minces. L'angle inférieur est cartilagineux, et l'omoplate même est comme flottante en arrière, attendu qu'elle ne s'articule avec aucun os, si ce n'est en haut. Sur ce point, il est vrai, l'omoplate est maintenue par des muscles et des ligaments très forts. Au-dessus de la première côte, et un peu en deçà de la partie moyenne de cet os, est une apophyse qui, mince à cet endroit, devient d'autant plus solide et plus large qu'elle s'approche davantage de la partie plate du scapulum ; un peu courbée en dehors, elle se termine par une extrémité légèrement renflée (acromion) qui soutient la clavicule. La clavicule, os courbe qu'on ne doit pas ranger parmi les plus durs, s'articule d'un côté avec l'omoplate, et de l'autre avec la petite échancrure du sternum. Elle reçoit quelque mobilité des mouvements du bras, et s'unit au scapulum au-dessous de l'acromion, à l'aide de ligaments et de cartilages. Vient ensuite l'humérus, renflé à ses deux extrémités, qui sont spongieuses, privées de moelle, et recouvertes de cartilages. Le corps de l'os au contraire est dur, de forme cylindrique, et contient de la moelle. Antérieurement et extérieurement l'humérus présente une légère courbure. Or, la partie antérieure est tournée vers la poitrine, la postérieure regarde l'épaule, l'interne se rapproche des côtes, et l'externe s'en éloigne. C’est une chose dont il faut se rendre compte pour toutes les articulations, ainsi qu'on le verra plus loin. La tête, qui constitue l'extrémité supérieure de l'humérus, plus ronde que celle des os que j'ai décrits jusqu'ici, n'entre pas profondément dans la cavité de l'omoplate; la plus grande partie reste au dehors et est retenue par des ligaments. A l'extrémité inférieure, il y a deux apophyses divisées par des échancrures moins profondes sur les côtés qu'au milieu ; et cette disposition est favorable pour recevoir l'avant-bras, qui se compose de deux os. L'un, le radius, que les Grecs nomment κερκὶς, se trouve en dessus; Il est plus court que l'autre, plus grêle en haut qu'en bas, et reçoit, dans la cavité superficielle qu'il présente à l'extrémité supérieure, la petite tête de l'humérus. Des ligaments et des cartilages servent là de moyens d'union. Le second os, appelé cubitus, est situé au-dessous ; il est plus long que le radius, et plus gros aussi dès l'origine. On remarque, au sommet, deux éminences qui viennent se placer dans l'échancrure que j'ai dit exister entre lés deux apophyses inférieures de l'humérus. Unis en haut, les deux os de l'avant-bras s'écartent peu à peu, pour se rapprocher au poignet, où ils sont, quanta l'épaisseur, dans un rapport inverse; c'est-à-dire que là le radius est devenu plus gros et le cubitus plus grêle. Puis, à cette extrémité, le radius est recouvert de cartilage, et creusé par une cavité dans laquelle vient se loger la tête du cubitus, qui, sur le point opposé, est pourvu d'une petite apophyse. Pour éviter de trop fréquentes répétitions, il serait bon de retenir que les os pour la plupart se terminent par un cartilage, et que dans toutes les articulations on en rencontre. Les os en effet ne pourraient exécuter aucun mouvement, s'ils ne se trouvaient en contact avec une surface glissante ; de même que, sans ce cartilage intermédiaire, ils ne pourraient s'unir avec les chairs et les tendons. Il entre dans la composition du poignet beaucoup de petits os, dont le nombre n'est pas constant. Ils sont tous oblongs et triangulaires, et s'adaptent tellement par leur forme alternativement anguleuse et déprimée, qu'ils semblent ne former qu'un seul os, légèrement concave à l'intérieur. Deux de ces os s'articulent avec le radius. Cinq os droits faisant suite au poignet, et se dirigeant vers les doigts, constituent la paume de la main : puis viennent les doigts, formés chacun de trois os, dont la disposition est la même pour toute la main. Ainsi le premier est marqué d'une dépression au sommet pour loger la petite tubérosité du second ; celui-ci se comporte de même avec le troisième, et ces articulations sont assujetties par des ligaments. De ces ligaments naissent les ongles, qui sont durs au dehors, et qui, sans adhérence avec les os, tiennent surtout par les racines qu'ils implantent dans les chairs. Tel est l'arrangement des os pour les parties supérieures. L'épine se termine à l'os des hanches, lequel, situé transversalement, et doué d'une grande force de résistance, protège la matrice, la vessie, et l'intestin rectum. Convexe extérieurement, l'os coxal est recourbé vers l'épine, et présente de chaque côté une cavité circulaire. De cette double cavité part l'os appelé pubis, qui se dirige transversalement au-devant des intestins, et derrière les téguments de la région pubienne. Cet os, qui fournit des points d'appui aux parois du ventre, est pins droit chez l'homme, et plus bombé chez la femme, pour ne pas gêner l'accouchement. Après l'os coxal, vient le fémur, dont la tête est encore plus arrondie que celle de l'humérus, qui était jusqu'ici la plus ronde de toutes. Au-dessous de celte tête il y a deux éminences, l'une antérieure, et l'autre postérieure. Le corps de l'os est dur, contient de la moelle, et présente une convexité en dehors. En bas, il se termine également par des protubérances. La tête du fémur en haut est reçue dans la cavité de l'os coxal, comme l'est celle de l'humérus dans la cavité de l'omoplate. De là les os de la cuisse se portent un peu en dedans, pour soutenir plus également les parties supérieures. Entre les protubérances inférieures, il existe une échancrure au moyen de laquelle le fémur s'emboîte plus aisément avec l'os de la jambe. Cette articulation est recouverte par un petit os spongieux et cartilagineux qu'on appelle rotule. Libre et mobile en avant, nullement adhérente aux os, mais maintenue par les chairs et les tendons, la rotule se porte un peu plus vers la cuisse, et protège l'articulation dans tous les mouvements de la jambe. La jambe est aussi composée de deux os; car, de même que le fémur répond à l'humérus, de même les os de la jambe répondent à ceux de l'avant-bras ; et cette analogie, qui commence par les os, se retrouve dans les chairs; de sorte que l'examen d'un membre suffit pour faire juger de la forme et de la beauté de l'autre. Des deux os dont nous parlons, l'un se trouve placé au côté externe du gras de la jambe, ce qui lui a fait donner le nom de sura; il est plus court et plus grêle en haut, et devient plus gros vers le talon. Le second os antérieurement situé est appelé tibia; il est plus long et plus gros vers l'extrémité supérieure, et s'articule seul avec le fémur, comme le cubitus avec l'os du bras. Ces os, unis en haut et en bas, se séparent, comme ceux de l'avant-bras, dans la partie moyenne. Intérieurement, la jambe s'articule avec l'os transverse du tarse (astragale), qui se trouve placé au-dessus du calcanéum. Ce dernier os est pourvu d'une cavité qui reçoit la saillie de l'astragale, et d'une apophyse qui s'insère dans la cavité de ce même os. Le calcanéum est dur et privé de moelle ; il devient plus saillant en arrière, et là prend une forme arrondie. Les autres os du pied ont une articulation semblable à celle de la main; ainsi la plante, les doigts et les ongles de l'un répondent à la paume, aux doigts et aux ongles de l'autre. II. Tout os qui a subi l'action d'une cause morbifique peut être affecté de carie, de fissure, de fracture, de perforation, d'écrasement et de luxation. Quand un os est altéré, il devient gras d'abord, et prend ensuite une couleur noire ou se carie. C’est là ce qu'on observe à la suite d'ulcères ou de fistules graves, qui passent à l'état chronique ou sont compliqués de gangrène. Avant toutes choses il faut mettre à nu l'os malade, en faisant l'excision des parties ulcérées; si l'affection s'étend au delà de l'ulcère, on doit inciser les chairs, jusqu'à ce que les parties saines de l'os soient complètement à découvert. On cautérise alors une ou deux fois avec le fer l'endroit qui est devenu gras, pour déterminer sur ce point une exfoliation ; ou bien l'on racle fortement jusqu'à ce qu'on obtienne un peu de sang ; et le sang démontre ici l'intégrité de l'os, car ce qui est vicié est nécessairement accompagné de sécheresse. Si le cartilage est malade, il faut le ratisser de même avec le scalpel, de manière à ne rien laisser de corrompu. Cela fait, il reste à saupoudrer soit l'os, soit le cartilage, avec du nitre bien trituré. Quand l'os est carié ou noirci, mais seulement à la surface, il n'y a pas d'autre conduite à tenir, si ce n'est qu'on doit prolonger un peu plus l'application de l'instrument, à l'effet de cautériser ou de ruginer la partie malade. Si l'on emploie ce dernier moyen, il ne faut pas craindre d'appuyer sur le fer, pour que l'action en soit plus efficace et plus prompte. On s'arrête dès qu'on est arrivé à la partie blanche on solide de l'os; car il est manifeste d'une part que le mal qui noircit l'os ne va pas au delà de cette coloration noire, et de l'autre que la carie n'existe plus quand l'os présente de la solidité. Un peu de sang prouve aussi, comme je viens de le dire, qu'on n'a plus affaire qu'à des portions intactes. Si l'on conserve des doutes sur la profondeur de l'une ou de l'autre affection, on peut, relativement à la carie, les faire cesser promptement, en introduisant un stylet dans l'un des pertuis de l'os ; il s'y enfonce en effet plus ou moins, et laisse voir par là si la carie est superficielle on profonde Quant à la noirceur de l'os, on peut en apprécier les progrès d'après l'intensité de la douleur et de la fièvre; et si l'une et l'autre sont peu marquées, le mal n'attaque pas l'os profondément. On s'en rend d'ailleurs plus certain encore par l'application de la tarière, puisqu'on atteint les limites de la maladie dès que les sciures de l'os ne sont plus noires. Si donc la carie ne s'arrête pas à la surface, il faut, avec la tarière, pratiquer plusieurs trous dont la profondeur doit égaler celle du mal ; puis au fond de ces ouvertures porter le fer rouge jusqu'à ce que l'os soit entièrement sec. Par suite de la cautérisation, les portions d'os altérées se séparent complètement des parties saines situées au-dessous; le vide qui en résulte est rempli plus tard par des chairs nouvelles, et l'afflux des humeurs vers ce point devient nul ou presque nul. Si la noirceur occupe toute l'épaisseur de l'os, il faut en venir à l'excision, et en faire autant pour la carie lorsqu'elle est arrivée au même degré,[6] sans rien laisser de vicié. Si l'on trouve une partie saine, on emportera seulement ce qui est corrompu. Dans les caries du crâne, de l'os de la poitrine ou des côtes, la cautérisation par le feu n'est pas utile, mais il y a nécessité d'exciser. Il ne faut pas non plus suivre la pratique de ceux qui, après avoir mis l'os à nu, attendent trois jours pour opérer; car le plus sûr est d'agir avant l'inflammation. On doit donc autant que possible, dans un seul temps, inciser la peau, découvrir l'os, et le débarrasser de tout ce qui est malade. La carie de l'os de la poitrine est sans comparaison la plus à craindre; car, même après le succès de l'opération, il est bien rare que la santé se rétablisse. III. Il y a deux manières d'exciser les os. Si la carie n'occupe qu'un point très limité, on applique le trépan (χοινικίς en grec) ; si elle est étendue, on a recours à la tarière. Je vais décrire ces deux procédés. Le trépan est un instrument concave et rond, dont le pourtour offre inférieurement des dents comme une scie, et dont le centre est traversé par un clou, qui lui-même est environné d'un cercle à l'intérieur. Il y a deux sortes de tarières ; les unes sont semblables à celles des charpentiers, et les autres ont une tige plus longue, qui commence par une pointe acérée, s'élargit aussitôt après, et se rétrécit ensuite insensiblement jusqu'en haut. Si le mal ne s'étend pas au delà de ce que le trépan peut couvrir, il faut s'en servir de préférence ; s'il s'agit d'une carie, on fait entrer dans un pertuis de l'os la pointe qui passe au centre de l'instrument. S'il y a noirceur de l'os, on le creuse légèrement avec le ciseau, pour loger dans cette dépression la pointe du trépan, et l'empêcher par là de s'échapper en tournant. Quand l'instrument est en place, on lui donne un mouvement de rotation comme au vilebrequin, à l'aide de la bride. Il y a une certaine manière d'appuyer sur le trépan, qui doit lui permettre de perforer, sans cesser de tourner. En effet, la perforation n'avance pas si l'on ne presse pas assez; et le mouvement circulaire est arrêté, si l'on appuie trop fort. En versant sur l'os de l'huile rosat ou du lait, on fait mouvoir plus facilement la couronne du trépan ; mais, de peur d'en émousser le tranchant, il n'en faut pas trop mettre. Lorsqu'on a tracé le sillon du trépan, on retire le clou du milieu, et l'on fait agir la couronne seulement; puis on l'enlève elle-même, dès qu'on a reconnu par la sciure qu'on n'a plus affaire qu'à des parties saines. Mais si le mal occupe une trop large surface pour qu'on puisse la couvrir avec le trépan, il faut employer la tarière. On s'en sert alors pour pratiquer un trou entre la partie saine et la partie malade; près de ce trou, on en fait un second, puis un troisième, de manière à cerner par ces ouvertures toute la portion d'os que l'on doit enlever. La couleur de la sciure indique toujours jusqu'où doit aller la tarière. Ensuite, au moyen d'un ciseau tranchant sur lequel on frappe avec un maillet, on enlève les ponts qui séparent ces trous, et de la sorte on obtient une ouverture circulaire, semblable à celle que produit le trépan dans un espace plus resserré. Quel que soit au reste l'instrument qu'on emploie, il faut, avec le même ciseau couché à plat, enlever par écailles tout ce qu'il y a de vicié, jusqu'à ce que l'os paraisse entièrement intact. Il est très rare qu'un os soit occupé dans sa totalité par la noirceur, dans toute son épaisseur par la carie, surtout au crâne. On constate d'ailleurs le degré du mal au moyen du stylet. Si l'instrument est introduit dans un pertuis placé au-dessus d'un plancher solide, il rencontre une certaine résistance et revient humide. Si au contraire il trouve un chemin ouvert, il pénètre profondément entre le crâne et la membrane sans trouver d'obstacle, et on le retire sec ; non qu'il n'y ait au-dessous une sanie vicieuse, mais parce qu'ici, l'espace étant plus large, elle y est plus diffuse. Lorsque l'os est ainsi traversé, soit par la noirceur que la tarière a mise à découvert, soit par la carie reconnue à l'aide du stylet, il devient pour ainsi dire inutile de recourir au trépan ; car il est impossible qu'à cette profondeur le mal n'ait pas fait aussi de grands progrès en largeur. On doit alors employer la tarière de la seconde espèce, et, pour qu'elle ne s'échauffe pas trop, on la trempe de temps en temps dans l'eau froide. Mais il faut redoubler d'attention dès qu'on a percé la moitié de l'os qui n'a qu'une table, ou perforé la table supérieure de celui qui en a deux. L'épaisseur même de l'os sert de guide dans le premier cas, et dans le second on est averti par un écoulement de sang. Il faut alors tirer plus lentement la bride de la tarière ; ne plus exercer avec la main gauche qu'une légère pression ; enlever plus souvent aussi l'instrument, puis examiner la profondeur du trou, afin de reconnaître avec certitude le moment où la perforation a lieu, et d'éviter par là de blesser avec la pointe de la tarière la membrane du cerveau. En effet, il résulterait de cette lésion une inflammation grave et péril de mort. Les trous étant pratiqués, on enlève les ponts intermédiaires comme je l'ai dit plus haut, mais en y mettant la plus grande prudence, de peur que l'angle du ciseau ne vienne offenser la dure-mère. On continue l'excision jusqu'à ce que l'ouverture soit assez grande pour recevoir l'instrument qui protège la dure-mère, et que les Grecs appellent μηνιγγοφύλαξ. C'est une lame de cuivre, assez solide, un peu recourbée, et dont la face externe est polie. Elle doit être placée entre la dure-mère et la portion osseuse que l'on veut retrancher ; de sorte que si elle reçoit l'atteinte du ciseau, elle ne lui permet pas du moins d'aller au delà. On peut donc par ce moyen frapper plus hardiment et plus sûrement avec le maillet, puis retirer l'os à l'aide de la lame quand l'excision est complète, sans endommager le cerveau. Dès qu'on a retranché toute la portion malade, il faut ruginer et polir les bords de l'ouverture, et ne laisser sur la membrane aucune sciure de l'os. Mais il ne suffit pas de ruginer et de polir les bords, si l'on n'a emporté que la table supérieure; il faut en faire autant à la seconde, pour que les chairs puissent se régénérer sans rencontrer des aspérités qui s'opposeraient à la guérison, et détermineraient de nouvelles douleurs. En traitant des fractures, je dirai ce qu'il convient de faire, une fois que le cerveau est mis à découvert. S'il reste au fond de l'ouverture quelque portion d'os, on doit par-dessus appliquer des médicaments quitte soient point gras, du genre de ceux qui servent à panser les blessures récentes. Le tout sera recouvert de laine en suint trempée dans de l'huile et du vinaigre. Au bout d'un certain temps, on voit des chairs s'élever de l'os même, et remplir la cavité produite par l'opération. Si même l'os a été cautérisé, les parties mortes se séparent des parties vivantes, et il pousse entre elles des bourgeons charnus qui viennent éliminer ce qui s'est détaché. Comme l'esquille est presque toujours, dans ce cas, mince et étroite, les Grecs l'ont appelée λεπὶς, c'est-à-dire écaille. Il peut encore arriver qu'à la suite d'un coup l'os ne soit ni brisé ni fendu, mais atteint seulement d'une contusion qui rend la surface inégale. Il suffit alors de ruginer et de polir la partie lésée. Bien que ces maladies affectent plus spécialement les os de la tête, elles sont néanmoins communes à tous ; et, quel que soit d'ailleurs celui qu'elles attaquent, elles réclament le même remède. Quant aux fractures, aux Assures, aux perforations et aux contusions des os, il y a des cas particuliers qui exigent des moyens spéciaux ; mais la plupart du temps le traitement général reste le même. Je vais ex poser ces méthodes curatives, en commençant toujours par le crâne. IV. Dans les coups reçus à la tête, il faut aussitôt rechercher si le malade a vomi de la bile; si ses yeux se sont voilés; s'il a perdu la parole ; si du sang s'est écoulé par le nez ou les oreilles; s'il est tombé sous le coup, et s'il est demeuré par terre privé de sentiment, et comme plongé dans le sommeil. Tous ces signes en effet ne s'observent que dans les fractures du crâne; et, lorsqu'on les rencontre, on doit savoir que l'opération est nécessaire, mais le succès difficile. Si, de plus, il survient de l'engourdissement; si l'intelligence s'égare; s'il y a de la paralysie ou des mouvements convulsifs, il est vraisemblable que la membrane du cerveau a pris part à la lésion, et, par cela même, il est encore moins permis d'espérer. Mais en l'absence de ces symptômes, on peut conserver des doutes sur la fracture de l'os; et alors il convient d'examiner sans retard si la blessure provient d'une pierre, d'un bâton, d'une épée ou de quelque autre corps vulnérant ; si ce corps est poli ou raboteux, petit ou volumineux ; si le coup a été violent ou léger; car moins le choc a eu de violence, plus on est fondé à croire que l'os a pu résister. Le plus sûr toutefois est d'en venir à l'exploration directe. En conséquence, on introduit par la plaie un stylet qui ne doit être ni trop mince ni trop aigu ; car, en pénétrant dans un sinus naturel, il y aurait à craindre qu'il ne donnât faussement l'idée d'une fracture. Il ne faut pas non plus qu'il soit trop gros, parce qu'il pourrait faire méconnaître les petites fissures accidentelles. Quand l'instrument ne trouve au fond de la plaie qu'une surface égale et polie, il est à présumer que l'os est intact ; mais s'il rencontre des inégalités sur un point où il n'existe pas de sutures, il y a là l'indice d'une fracture du crâne. Hippocrate a consigné dans ses écrits l'erreur que les sutures lui ont fait commettre, avec cette simplicité habituelle aux hommes supérieurs qui se sentent faits pour les grandes choses. Les esprits médiocres, qui n'ont rien à eux, n'ont garde de s'amoindrir; mais il sied aux génies élevés, toujours assez riches d'ailleurs, d'avouer ingénument leurs méprises, surtout quand cet aveu, transmis à la postérité, a pour but d'empêcher ceux qui se livreront à l'exercice de l'art, de se laisser tromper par les mêmes apparences. La renommée de cet illustre maître a été pour nous un motif de rappeler ici cet exemple. Les sutures peuvent donc donner le change, en ce qu'elles présentent aussi des rugosités; d'où il suit qu'on les confond avec les fêlures du crâne; confusion d'autant plus facile que ces lésions se rapprochent davantage du siège ordinaire des sutures. Aussi le plus sûr moyen d'éviter l'erreur, c'est de mettre l'os à découvert ; car, ainsi que je l'ai dit plus haut, la situation des sutures n'est pas constante, et, de plus, une fissure peut exister à l'endroit même de la suture, ou tout auprès. Dans les contusions violentes, et alors même qu'on n'a rien trouvé avec le stylet, il convient parfois encore de dénuder l'os. Cela même étant fait, si l'on ne voit aucune fissure, il faut verser de l'encre sur l'os, puis le gratter avec la rugine, attendu que, s'il y a fissure, elle sera marquée par l'infiltration du liquide noir. Il arrive aussi que telle partie du crâne ayant été contuse, c'est sur le point opposé que la fissure est produite. D'après cela, lorsque le choc a été violent, et que des symptômes fâcheux se manifestent, sans qu'on ait pu constater de fissure au-dessous des téguments divisés, il n'est pas inutile de rechercher s'il n'y a ni empâtement, ni mollesse au côté opposé, parce qu'alors en y faisant une ouverture, on trouverait au fond la fissure de l'os. En supposant même l'incision inutile, les téguments se réunissent sans grande difficulté, tandis que la fracture de l'os, si elle n'est point traitée dès le principe, suscite de graves inflammations, et se guérit ensuite plus difficilement. Il peut se faire encore, mais le cas se présente rarement, que l'os n'éprouve aucune altération, et qu'il y ait toutefois, par l'effet du choc, rupture à l'intérieur d'un vaisseau de la dure-mère, d'où résulte un épanchement de sang ; or, ce liquide en se coagulant provoque de violentes douleurs, et prive même de la vue certains sujets. Mais en général la douleur se fait sentir à la partie opposée, et, en incisant la peau sur ce point, on trouve que l'os est devenu pâle, ce qui oblige à l'emporter aussi. Quelle que soit la cause qui rende l'application du trépan nécessaire, il faut, si les téguments ne sont pas assez divisés, les ouvrir plus largement, afin d'avoir sons les yeux toute l'étendue de la lésion. En procédant, à cette opération, on aura soin de ne laisser aucune portion du péricrâne en contact avec l'os, car les déchirures que lui feraient subir la rugine ou le trépan détermineraient une fièvre intense, puis de l'inflammation. Il vaut donc mieux que la membrane soit entièrement détachée. Quand la division des téguments est le résultat de la blessure, il faut bien la prendre telle qu'elle est; mais s'il y a lieu de la faire avec l'instrument, on doit lui donner la forme de la lettre X, au moyen de deux incisions qui se rencontrent; cette forme permettant ensuite d'emporter isolément chaque lambeau. Si la plaie fournit du sang, on l'étanche avec une éponge trempée de temps à autre dans du vinaigre ; on remplit l'ouverture de charpie, et on oblige le malade à tenir la tête élevée. Cette hémorragie d'ailleurs ne pourrait inquiéter qu'autant qu'elle viendrait de la région temporale, et, dans ce cas-là même, rien ne serait plus facile que de la maîtriser. Dans toute fissure on fracture du crâne, les anciens chirurgiens en venaient de suite à l'application du fer pour emporter la partie malade ; mais il est beaucoup mieux d'essayer d'abord des emplâtres préparés pour guérir les plates de tête. On ramollit l'un de ces topiques avec du vinaigre, et on l'applique sur l'os fracturé ou fêlé ; par-dessus on étend un linge enduit de la même composition, et un peu plus large que la blessure; puis le tout, recouvert d'une laine en suint trempée dans du vinaigre, est maintenu par un bandage. Chaque jour l'appareil est levé pour renouveler le pansement, et cela jusqu'au cinquième jour. Le sixième, on fait des fomentations avec une éponge imbibée d'eau chaude, sans rien changer au reste du traitement. Alors, si les chairs commencent à se régénérer, si la fièvre cesse ou devient moins forte, si l'appétit reparaît, et que le sommeil soit assez bon, on devra persévérer dans l'emploi de ce moyen curatif. Au bout d'un certain temps, pour activer la reproduction des chairs, on rendra l'emplâtre plus émollient, en y ajoutant un peu de cérat fuit avec de l'huile rosat, car l'emplâtre est par lui-même astringent. Il n'est pas rare de voir, sous l'influence de ce traitement, les fissures comblées par une espèce de cal qui constitue, pour ainsi dire, la cicatrice de l'os. Dans les fractures plus étendues, si les fragments n'ont pu se rapprocher tout à fait, c'est encore le même cal qui leur sert de soudure, et pour le cerveau cette protection vaut beaucoup mieux que les chairs qui remplacent la portion d'os excisée. Mais si, dès les premières applications du remède, la fièvre prend de l'intensité; si le sommeil est rare et troublé par des rêves tumultueux ; si l'ulcère devient humide, et ne tend point à guérir ; s'il survient des glandes au cou; si le malade accuse enfin de violentes douleurs, et que son dégoût pour les aliments augmente, il faut bien se décider à l'opération, et la pratiquer avec le ciseau. Il y a deux périls à redouter dans les coups à la tête : la fêlure et l'enfoncement du crâne. Si l'os est fendu, les bords de la fêlure peuvent être extrêmement serrés, soit que l'un empiète sur l'autre, soit qu'après avoir été séparés, ils se rapprochent de nouveau très fortement ; d'où il suit que l'humeur, ne trouvant point d'issue au dehors, tombe sur la membrane du cerveau, l'irrite, et provoque de graves inflammations. Lorsque l'os est enfoncé, il comprime cette même membrane, et quelquefois la déchire avec les esquilles qui se détachent de la fracture. Tout en remédiant à ces accidents, il ne faut enlever de l'os que ce qui est indispensable. Si, par exemple, il y a chevauchement, il suffit de retrancher le fragment supérieur avec un ciseau plat ; moyennant quoi l'on obtient l'écartement convenable pour la guérison. Si les bords de la fissure sont trop serrés, on pratique sur l'un des côtés, à un doigt de distance, une ouverture avec la tarière, et de ce point l'on conduit deux incisions faites avec le ciseau, et représentant la lettre V; de telle sorte que le sommet se rapporte au trou qu'on vient de faire, et la base à la fissure de l'os. Quand la fêlure est plus considérable, on fait partir d'une seconde ouverture semblable à la première deux incisions nouvelles. Parce moyen, il ne peut rien rester de caché sous la voûte du crâne, et tout ce qu'il y a de nuisible trouve à s'échapper par une large issue. S'il y a en môme temps fracture et enfoncement du crâne, il n'est pas toujours nécessaire d'emporter l'os en entier; mais s'il est brisé tout à fait, et par suite isolé complètement du reste du crâne, ou si même il n'y tient que par un léger fragment, il faut avec le ciseau le séparer des parties saines; puis à côté de cette incision on pratique sur la portion d'os enfoncée deux ou trois perforations, selon que la fracture a plus ou moins d'étendue, et on enlève les ponts qui séparent les trous. Il faut ensuite faire agir le ciseau sur les deux côtés de la fente qu'on a faite, afin d'avoir une ouverture semi-lunaire, dont le fond doit répondre à la fracture, et les angles aux parties saines du crâne. Alors, s'il y a quelques esquilles vacillantes qu'on puisse détacher sans difficulté, on devra les saisir avec une pince disposée à cet effet, et éliminer surtout celles dont les pointes sont assez aiguës pour blesser la dure-mère. Mais si l'extraction ne parait pas facile, on glissera sous l'os la lame qui sert, comme je l'ai dit, à protéger la membrane du cerveau, et sur ce plancher on fera l'excision de toutes les esquilles pointues et saillantes. Le même instrument est encore employé à relever la portion d'os enfoncée. Cette méthode a pour résultat de consolider les os fracturés au point où ils sont encore adhérents au crâne ; ou bien, si la solution de continuité est complète, de déterminer la chute de l'os sans aucune douleur, sous la double influence du temps et des médicaments. De cette façon aussi, les fragments laissent toujours entre eux un espace suffisant pour que la sanie s'écoule au dehors ; et enfin le cerveau est mieux garanti par l'os qu'on laisse à demeure, qu'il ne pourrait l'être après l'excision. L'opération terminée, on arrose la dure-mère avec du fort vinaigre, soit pour réprimer l'hémorragie s'il y a lieu, soit pour entraîner les caillots sanguins qui pourraient rester à l'intérieur. On applique ensuite sur la membrane l'emplâtre dont j'ai parlé plus haut, lequel est ramolli de la même manière avec du vinaigre; puis viennent les autres pièces de l'appareil déjà connues, comme le linge enduit du médicament, et la laine en suint. On a soin de placer le malade dans un endroit chaud, et de renouveler le pansement tous les jours, et même deux fois par jour pendant l'été. Si la dure-mère est prise d'inflammation et se tuméfie, on devra l'arroser d'huile rosat tiède; mais si la tuméfaction est telle qu'elle dépasse les os, il faudra la réduire, en appliquant dessus des lentilles ou des feuilles de vigne écrasées, et mêlées avec du beurre frais ou de la graisse d'oie récente. On cherchera de plus à diminuer la tension du cou, en pratiquant sur cette partie des onctions avec le cérat d'iris liquide. Si la dure-mère présente un mauvais aspect, il faut la recouvrir de l'emplâtre indiqué, en y faisant entrer une égale quantité de miel. Pour maintenir le remède, on applique de la charpie, et le tout est recouvert d'un linge enduit du même médicament. Lorsque la membrane est suffisamment détergée, on ajoute du cérat à l'emplâtre, afin de faciliter la reproduction des chairs. Quanta la diète, puis aux aliments solides et liquides qu'on peut successivement accorder, il faut se conformer au régime que j'ai prescrit pour les blessures ; cela même est d'autant plus nécessaire que les plaies de tête entraînent avec elles plus de dangers. Mais il y a plus : lorsque, au lieu de soutenir simplement le malade, il s'agira de le nourrir, on ne devra donner encore aucune des substances qui ont besoin de la mastication. On évitera de même de l'exposer à la fumée, et l'on détournera de lui tout ce qui peut exciter l'éternuement. Il y a chance certaine de guérison, quand la dure-mère n'a perdu ni la mobilité ni la coloration qu'elle doit avoir, quand les chairs qui repoussent sont vermeilles, et que la mâchoire et le cou continuent à se mouvoir librement. Voici maintenant des signes redoutables : immobilité de la dure-mère, qui devient noire, livide ou diversement altérée; délire, vomissements opiniâtres, paralysie ou convulsions, lividité des chairs, et rigidité de la mâchoire et du cou. Les autres signes qui se tirent du sommeil, de l'appétence, de la fièvre et de la couleur du pus, sont, comme pour les autres blessures, des présages de mort ou de guérison. Lorsque la maladie prend une tournure favorable, on voit s'élever de la membrane même, ou de la table interne de l'os s'il y a sur ce point un os double, des bourgeons charnus qui remplissent le vide laissé par la fracture. Ces chairs peuvent même faire saillie au-dessus du crâne, et, dans ce cas, il convient de les réprimer avec l'écaillé de cuivre, et d'appliquer ensuite des remèdes cicatrisants. On obtient facilement la cicatrisation de toutes les plaies de tête, à l'exception de celles qui sur le front se trouvent placées un peu au-dessus de l'espace qui existe entre les sourcils. Les plaies de ce genre, en effet, laissent presque toujours après elles une ulcération qui dure autant que la vie, et qu'il faut recouvrir d'un linge enduit d'un topique convenable. Dans les fractures du crâne, il importe, jusqu'à ce que la cicatrice soit bien consolidée, d'éviter soigneusement l'ardeur du soleil, les plaisirs de Vénus,[7] les bains trop répétés, et le vin pris en excès. V. L'os et le cartilage du nez peuvent se briser en avant, ou sur les côtés. S'il y a fracture en avant, de ces deux parties ou de l'une d'elles seulement, il en résulte que les narines s'affaissent, et que la respiration devient difficile. Si l'os est cassé latéralement, on remarque une dépression sur ce point ; si c'est le cartilage, le nez s'incline vers le côté opposé. Dans les fractures du cartilage, il faut redresser doucement la portion déprimée, en la soulevant avec une sonde, ou en introduisant deux doigts dans les narines. Cela fait, on y laisse à demeure soit une tente roulée en long, et revêtue d'une peau mince et douce qu'on a cousue autour; soit un bourdonnet de charpie sèche, disposé de la même façon; ou encore, un gros tuyau de plume enduit de gomme ou de colle, et recouvert de la même pellicule; tous moyens qui s'opposent à l'affaissement du cartilage. Quand cette partie se brise en avant, il faut remplir également les deux narines; mais si la fracture est latérale, la narine vers laquelle le nez est entraîné doit recevoir un corps plus gros que l'autre. A l'extérieur, on se sert d'une bande assez douce, dont le milieu est enduit d'un mélange de fleur de farine et de suie d'encens. Après avoir fait faire le tour de la tête à cette bande, on en colle les deux bouts sur le front. Ce mélange, en effet, adhère à la peau comme de la colle, et en durcissant il maintient parfaitement les narines. Si l'introduction d'un corps étranger incommode le malade, ce qui arrive principalement quand il y a fracture du cartilage situé à l'intérieur, il faut, après avoir redressé les narines, faire simplement usage de la bande pour les contenir. Au bout de quatorze jours on enlève cet appareil en l'humectant avec de l'eau chaude, qui sert aussi à bassiner chaque jour la partie malade. Si l'os est fracturé, c'est encore avec les doigts qu'on le remet en place; si la fracture a son siège en avant, on remplit de même les deux narines; si elle n'occupe qu'un côté, on remplit seulement celle contre laquelle l'os s'est affaissé. On fait ensuite des applications de cérat, et l'on serre le bandage un peu plus fort, parce qu'ici le cal, tout en réunissant les os, tend à faire une saillie. A partir du troisième jour, on bassine le nez avec de l'eau chaude, et l'on rend ces fomentations de plus en plus fréquentes, à mesure qu'on approche de la guérison. S'il y a plusieurs fragments, il faut également redresser chacun d'eux avec les doigts, puis appliquer extérieurement le même bandage enduit de cérat, sans aucun autre appareil. Mais si quelque fragment, complètement isolé, ne doit plus se réunir aux autres, ce dont on peut juger par la grande quantité d'humeur qui s'écoule de la plaie, il faudra l'emporter avec des pinces, puis appliquer sur la fracture un remède légèrement astringent. Le cas est plus fâcheux lorsqu'à la fracture de l'os ou du cartilage, se joint une plaie des téguments. Cet accident est rare; mais s'il arrive, il n'en faut pas moins redresser les parties fracturées. On panse ensuite la plaie avec l'un des emplâtres qui conviennent dans les blessures récentes; seulement, on n'applique point de bandage. VI. Le cartilage de l'oreille se brise aussi quelquefois. Il faut alors, avant que le pus soit formé, se servir d'un emplâtre agglutinatif qui souvent prévient la suppuration, et consolide l'oreille. Pour ces cartilages, comme pour ceux du nez, il est bon de savoir qu'ils ne peuvent se souder entre eux; aussi est-ce au moyen des chairs qui s'élèvent autour des fragments que la consolidation a lieu. D'après cela, s'il y a en même temps rupture du cartilage et déchirure de la peau, on réunit les téguments par un point de suture. Mais je ne parle en ce moment que des cas où le cartilage est brisé, la peau demeurant Intacte. En pareille circonstance, s'il y a déjà de la suppuration, il faut inciser la peau du côté opposé, et couper le cartilage en forme de croissant. L'excision faite, on a recours à quelque topique astringent comme le lycium délayé dans de l'eau, et l'on en continue l'usage jusqu'à ce que le sang ait cessé de couler. On étend ensuite sur la plaie un linge enduit d'un emplâtre préparé sans aucun corps gras ; puis on remplit avec de la laine bien cardée l'espace qui existe en arrière entre la tête et l'oreille, et l'on maintient cette application à l'aide d'un bandage médiocrement serré. Dès le troisième jour, on fera sur la partie malade des fomentations chaudes, comme je l'ai dit pour les fractures du nez; et l'on prescrira de même l'abstinence au début, jusqu'à ce que l'inflammation soit tombée. VII. En passant des lésions de ces parties à celles de la mâchoire, il me parait utile d'établir quelques généralités sur les fractures des os, afin d'éviter des répétitions trop fréquentes. Les os peuvent se fendre dans le sens longitudinal comme le bois, ou bien se briser dans une direction transversale ou oblique. Dans la fracture oblique, les fragments sont tantôt obtus, tantôt aigus ; et ce dernier cas est le plus fâcheux, parce qu'alors il n'est pas facile d'en faire la coaptation, et qu'ils arrivent à déchirer les chairs, ou parfois même les tendons et les muscles. Il peut y avoir aussi plusieurs fragments, qui le plus souvent sont complètement isolés les uns des autres, si ce n'est dans les fractures de l'os maxillaire inférieur, où ils conservent toujours entre eux quelque point de contact. Pour la mâchoire, les moyens de réduction consistent à exercer sur les portions fracturées une pression avec deux doigts, dont l'un agit en dedans de la bouche, et l'autre en dehors. Quand il y a fracture transversale, il arrive ordinairement que les dents ne sont plus de niveau ; alors, après avoir réduit, on attache ensemble à l'aide d'un crin les deux dents qui se touchent à l'extrémité de chaque fragment, et si elles sont trop ébranlées, on s'adresse aux deux dents qui suivent. C'est au reste la seule fracture où cette précaution soit utile. Pour le surplus on procède comme dans les autres cas; c'est-à-dire qu'on applique sur la partie malade un linge double trempé dans de l'huile et du vin, et enduit, comme je l'ai dit, d'un mélange de fleur de farine de froment et de suie d'encens; on prend ensuite une bande ou une espèce de bride assez souple que l'on fend par le milieu, afin d'embrasser exactement le menton, et de pouvoir ramener les chefs au-dessus de la tête, où on les lie. Nous établirons encore ce précepte relatif à toutes les fractures : c'est de prescrire la diète au début; d'accorder ensuite à partir du troisième jour quelques aliments liquides; puis, dès que l'inflammation est tombée, de passer à une nourriture plus forte et plus substantielle, sans cesser toutefois d'interdire le vin pendant toute la durée du traitement. Le troisième jour, oh doit lever l'appareil, pratiquer des fomentations chaudes avec une éponge, et renouveler le premier pansement ; on change encore l'appareil le cinquième jour, pour ne plus l'enlever qu'après la chute de l'inflammation, qui cesse d'ordinaire le septième ou le neuvième jour. L'état inflammatoire ayant disparu, on examine de nouveau la fracture, afin de remettre en place les fragments qui se trouveraient mal réduits, et l'on ne touche plus alors au bandage qu'après avoir attendu les deux tiers du temps nécessaire à la consolidation des fractures. Les os de la mâchoire, les os malaires, la clavicule, le sternum, l'omoplate, les côtes, l'épine, les os coxaux, l'os du cou-de-pied (astragale), le calcanéum, les os de la main et de la plante du pied, se consolident entre le quatorzième et le vingt-unième jour; ceux de la jambe et de l'avant-bras, entre le vingtième et le trentième; ceux enfin de la cuisse et du bras, entre le vingt-septième et le quarantième jour. Quant aux fractures de la mâchoire, il est bon d'ajouter que le malade devra pendant longtemps se contenter d'aliments liquides; et plus tard même, s'en tenir à des pâtisseries ou autres substances de consistance légère, jusqu'à ce que l'os maxillaire soit entièrement consolidé par la formation du cal. Ces fractures imposent aussi constamment l'obligation du silence pendant les premiers jours. VIII. 1. Les fractures transversales de la clavicule se réunissent quelquefois d'elles-mêmes, et la guérison peut avoir lieu sans bandage, pourvu qu'on ne donne à l'os aucun mouvement. Mais dans d'autres cas, et surtout quand la clavicule a reçu quelque secousse, les fragments se déplacent, et la portion sternale se trouve alors au-dessus du fragment humerai. Non que la clavicule jouisse par elle-même d'aucune mobilité; mais elle obéit aux mouvements du bras; d'où il suit que cette portion humérale vient naturellement se placer sous l'extrémité sternale, qui demeure immobile. Il est tellement rare de voir l'opposé, c'est-à-dire le fragment qui tient au bras, se porter en avant, que les plus grands maîtres ont déclaré ne l'avoir jamais observé. Nous avons pourtant à cet égard le témoignage formel d'Hippocrate ; et comme ces deux cas ne se ressemblent pas, le traitement doit également différer. Si les fragments se dirigent vers l'omoplate, il faut à la fois pousser l'épaule en arrière avec le plat de la main droite, et ramener la clavicule en avant. Réciproquement on devra ramener l'épaule en avant, et repousser l'os en arrière s'il se porte vers la poitrine. Si le fragment humerai se trouve au-dessous du sternal, on ne doit pas tenter d'abaisser au même niveau la portion sternale de la clavicule, puisqu'elle est immobile; mais c'est le bras qu'il faut élever. Si au contraire ce fragment humerai est au-dessus du sternal, il faut soutenir celui-ci avec de la laine, et tenir le bras fixé contre la poitrine. Lorsqu'il y a des fragments aigus, on fait une incision à la peau, pour emporter les esquilles qui déchirent les chairs, puis on réduit la fracture. Si l'on remarque quelque partie saillante, on applique dessus un linge plié en trois, et trempé dans un mélange de vin et d'huile. Quand les fragments sont multiples, on les contient avec des attelles disposées en gouttière, et enduites de cire à l'intérieur, pour que le bandage ne les sépare pas. Dans les fractures de la clavicule, comme dans toutes les autres, il vaut toujours mieux faire plus de tours de bande, et moins serrer l'appareil. On fait passer la bande sous l'aisselle gauche, si la clavicule droite est cassée, et sons l'aisselle droite, si la fracture est à gauche, et de là on la ramène à l'aisselle du côté malade. Si les fragments de la clavicule sont tournés vers l'omoplate, on attache le bras au côté ; mais s'ils se portent en avant, le membre est assujetti au moyen d'une écharpe suspendue au cou ; et on fait coucher le malade sur le dos. Pour le reste du traitement, on prend tous les soins indiqués plus haut. 2. Il existe un certain nombre d'os, presque dépourvus de mouvement, dont la consistance est dure ou cartilagineuse, et qui peuvent être atteints de fracture, de perforation, d'écrasement ou de fissure. Tels sont les os malaires, le sternum, l'omoplate, les côtes, l'épine, les os coxaux, l'os du cou-de-pied (astragale), le calcanéum, les os de la main et du pied. Mais pour tous le traitement est le même. Si ces divers cas se compliquent de plaie, on traite celle-ci avec les remèdes qui lui sont propres; et pendant qu'elle s'achemine vers la cicatrisation, le cal arrive de même à combler les trous ou les Assurés de l'os. La seule conduite à tenir, quand la douleur fait présumer que l'os est malade, bien que les téguments soient intacts, c'est d'ordonner le repos et de faire sur ce point des applications de cérat que l'on maintient à l'aide d'un bandage légèrement serré, jusqu'à ce que la douleur disparaisse par la cessation de l'état morbide. IX. 1. Nous devons signaler ici certaines particularités relatives aux fractures des Côtes, parce que le voisinage des viscères expose en effet le malade à des accidents plus redoutables. Quelquefois les côtes se fendent de telle sorte que la lésion atteint non pas à la vérité la face externe, mais la face interne, qui est spongieuse. D'autres fois aussi, elles sont complètement brisées. Quand la fracture est incomplète, le malade ne crache pas de sang, et reste sans (lèvre ; rarement Il survient de la suppuration, et la douleur, peu prononcée, ne se révèle guère qu'à la pression. Mais pour ce cas on n'a qu'à se conformer aux préceptes établis plus haut, en ayant soin seulement de poser d'abord la bande (à deux globes) par le milieu, afin que la peau soit également tendue. Au vingt-unième jour, temps auquel l'os doit être consolidé, il faut donner au malade une nourriture plus succulente, pour que le corps acquière tout l'embonpoint possible, et que par cela même l'os soit mieux recouvert. Dans cette région en effet, la côte, n'offrant pas encore une assez grande résistance, peut se trouver exposée à de nouvelles offenses sous des téguments trop minces. Pendant toute la durée du traitement, il faut éviter les cris, les conversations, l'agitation, la colère, ne s'exposer ni à la fumée, ni à la poussière, à rien enfin.de ce qui peut exciter la toux ou l'éternuement, et ne faire même aucun effort pour retenir sa respiration. Lorsque la fracture est complète, le cas devient plus épineux, car il survient de graves inflammations, accompagnées de fièvre, de suppuration, de crachements de sang ; et la vie du malade est souvent en péril. On doit alors, si les forces le permettent, tirer du sang en prenant le bras voisin de la fracture. Si le sujet est trop faible, on prescrira des lavements émollients, et l'on insistera plus longtemps sur la diète. Il importe de ne point donner de pain avant le septième jour, et de s'en tenir uniquement aux crèmes farineuses. Sur le siège même de la lésion, on appliquera soit du cérat où l'on fait entrer de l'huile de lin et de la résine cuite, soit l'emplâtre de Polyarque, ou bien un morceau d'étoffe trempé dans un mélange de vin, d'huile rosat et d'huile. Le remède employé sera recouvert d'une laine grasse et molle, et l'on appliquera par le milieu deux bandes qu'on aura soin de très peu serrer. Dans ce cas, bien plus encore que dans celui qui précède, il sera nécessaire de s'astreindre à toutes les précautions que nous avons indiquées ; à ce point même que le malade ne devra pas respirer trop souvent. Si la toux est opiniâtre, on fera prendre une potion faite avec la germandrée, la rue ou le staechas, ou bien avec le cumin et le poivre. Il sera bon aussi, s'il y a de violentes douleurs, d'appliquer des cataplasmes d'ivraie ou d'orge, plus un tiers de figues grasses. Mais ils ne serviront que le jour seulement, parce qu'ils pourraient tomber la nuit; et, jusqu'au lendemain, on les remplacera par le cérat, l'onguent ou l'étoffe dont on vient de parler. On continuera donc de les enlever chaque soir, jusqu'à ce qu'on puisse se borner à des applications de cérat ou d'onguent. Pendant dix jours on soumettra le malade à une diète exténuante. Le onzième, on commencera à le nourrir, et dès lors on devra relâcher l'appareil. La durée du traitement est ordinairement de quarante jours. Si, dans cet intervalle, on a lieu de craindre la suppuration, l'onguent conviendra mieux comme résolutif que le cérat. Mais si, malgré l'emploi de tous les moyens que j'ai fait connaître, on n'a pu prévenir la formation du pus, il faudra sans retard, pour éviter l'altération de l'os, porter le fer rouge sur le sommet de la tumeur, et le tenir appliqué jusqu'à ce qu'il parvienne au foyer purulent; que l'on devra vider. Quand l'abcès ne s'élève pas en pointe, voici comment on arrive à déterminer le siège de la collection. On couvre la partie malade de terre cimolée délayée, puis on attend qu'elle se dessèche. Alors le seul endroit où l'humidité persiste indiquant la présence du pus, c'est ce point-là même qu'il faut cautériser. Si l'abcès est plus étendu, on y pratiquera deux ou trois ouvertures par lesquelles on introduira de la charpie, ou des tentes roulées et attachées à un fil, afin de les retirer plus facilement. On se conformera pour le surplus au traitement des brûlures. Il sera nécessaire ensuite, dès que la plaie sera détergée, de bien nourrir le malade, de peur qu'une consomption funeste ne succède à cette affection. Parfois encore, lorsque l'os est légèrement altéré, et n'a pas été traité dès le principe, il se forme un amas, non de pus, mais d'une humeur semblable à de la mucosité. Les téguments sur ce point deviennent plus mous, et c'est aussi le cas de recourir à la cautérisation. 2. Les fractures de l'épine nous présentent encore quelques particularités à noter. Si quelque apophyse des vertèbres est brisée, il en résulte une dépression à l'endroit même, des picotements s'y font sentir, parce qu'il est impossible que les fragments ne soient pas aigus, et c'est là ce qui porte le malade à prendre de temps en temps une attitude cambrée. On peut donc à de tels signes reconnaître ces fractures. Quant aux moyens curatifs, nous les avons exposés déjà au commencement de ce chapitre. X. 1. Entre les fractures du bras et de la cuisse, non moins qu'entre les traitements qu'elles comportent, il existe une grande analogie ; et cette analogie se retrouve dans les fractures du bras et de l'avant-bras, comparées à celles de la cuisse et de la jambe, et jusque dans les lésions des doigts de l'une et l'autre extrémité. Les fractures qui occupent la partie moyenne de l'os sont celles qui offrent le moins de danger ; mais elles sont d'autant plus à craindre qu'elles sont situées plus près de l'extrémité supérieure ou inférieure, parce que la douleur est alors plus vive et la guérison moins facile. Il vaut infiniment mieux avoir affaire à des fractures simples et transversales, qu'à des fractures obliques et composées de plusieurs fragments; mais le cas est-encore beaucoup plus grave quand ces fragments sont aigus. Quelquefois les parties brisées ne changent pas de situation; mais, dans la plupart des cas, elles éprouvent un déplacement, et chevauchent l'une sur l'autre. C'est là ce dont il faut avant tout s'assurer, et l'on a pour cela des indices certains. Quand il y a déplacement, on trouve une dépression à l'endroit fracturé, les fragments donnent la sensation d'une piqûre, et présentent des inégalités au toucher. Si ces fragments, au lieu d'être bout à bout, sont placés obliquement, ce qui arrive lorsque la situation en est changée, le membre affecté devient plus court que l'autre, et les muscles se tuméfient. Le cas étant ainsi constaté, on doit faire immédiatement l'extension du membre ; car les muscles et les tendons qui s'attachent aux os ne manquent pas de se contracter, et ce n'est pas sans quelque violence qu'on peut les ramener à leur situation naturelle. L'omission de la réduction dans les premiers jours permet à l'inflammation d'éclater ; alors l'emploi de la force devient difficile et dangereux, attendu que les convulsions et la gangrène peuvent être l'effet de la distension des muscles, et que dans les cas les plus favorables il se forme au moins un abcès, Si donc on n'a pas réduit la fracture avant l'inflammation, il faut attendre que celle-ci ait cessé pour confronter les os. Un homme seul peut pratiquer l'extension d'un doigt, ou d'un membre encore peu développé, en saisissant une partie avec la main droite, et l'autre avec la main gauche ; mais pour un membre plus vigoureux, il faut deux hommes qui exercent des tractions en sens inverse. Si les tendons et les muscles sont très résistants, comme ceux des cuisses et des jambes chez les sujets robustes, on attache à chaque extrémité du membre des brides ou des bandes de toile, que plusieurs aides doivent tirer en sens opposé. Lorsque, par suite de cette manœuvre, le membre est un peu plus long que dans l'état naturel, on remet les os en place avec les mains ; et si la douleur cesse et que les deux membres soient égaux, on est certain que la fracture est réduite. On l'enveloppe alors d'un morceau d'étoffe, ou mieux encore d'une compresse de toile pliée en deux ou en trois, et trempée dans de l'huile et du vin. Généralement, on a besoin de six bandes. La première, qui est la plus courte, doit faire en montant trois fois le tour du membre en forme de spirale; il est Inutile d'aller au delà. La seconde, plus longue de moitié, s'applique d'abord sur la saillie que l'os peut présenter; mais, s'il n'a rien d'inégal, on commence indifféremment par tout autre point de la fracture. Cette bande marchant en sens inverse de la précédente, c'est-à-dire en descendant, est ensuite ramenée vers la fracture, et vient se terminer en haut au delà de la première bande. L'une et l'autre sont maintenues à l'aide d'une large compresse enduite de cérat Si l'os fait quelque saillie, on applique, sur le lieu même, une compresse pliée en trois, et trempée dans de l'huile et du vin. Le tout est assujetti par la troisième et la quatrième bande, et l'appareil est disposé de telle façon que chaque bande, conduite en sens inverse de celle qui précède, doit se terminer en haut, à l'exception de la troisième qui vient finir en bas. Il vaut mieux multiplier les tours de bandes que de trop serrer, car la compression offense les parties et les dispose à la gangrène. Le bandage ne doit pas non plus porter sur l'articulation, à moins que la fracture ne soit située tout auprès. Il faut laisser l'appareil pendant trois jours, et faire en sorte que le premier jour les liens, sans faire souffrir le malade, ne paraissent pourtant pas trop aisés, que le second jour ils deviennent plus lâches, et que la constriction soit presque nulle le troisième. Le bandage alors est appliqué de nouveau, et l'on y ajoute la cinquième bande. Ou lève encore l'appareil le cinquième jour, afin de poser la sixième bande, et, pour qu'elles soient toutes dans un ordre convenable, il faut que la troisième et la cinquième se terminent en bas et les autres en haut. Chaque fois que le pansement se renouvelle, on fait sur le membre des fomentations avec de l'eau chaude. Quand la fracture a son siège près de l'articulation, il faut la bassiner longtemps avec du vin additionné d'une légère quantité d'huile, puis continuer le traitement jusqu'à ce qu'il n'y ait plus vestige d'inflammation, et que le membre soit même devenu plus grêle qu'à l'ordinaire ; or, c'est ce qui arrive le septième jour ou le neuvième au plus tard. Il est très facile alors d'apprécier l'état des os, d'en faire la coaptation s'ils ne sont pas en contact, et de remettre en place les fragments qui font saillie. On réapplique ensuite l'appareil, autour duquel on dispose des attelles pour contenir les fragments, et l'on réserve la plus large et la plus forte pour l'endroit vers lequel la fracture incline. Toutes ces attelles doivent être échancrées dans le voisinage des articulations, de peur qu'elles n'exercent sur ces parties une pression nuisible. D'ailleurs on a soin de ne les serrer qu'autant qu'il est nécessaire pour maintenir les os; et, comme elles se relâchent toujours au bout d'un certain temps, on en resserre un peu les brides tous les trois jours. S'il ne survient ni démangeaison ni douleur, on persiste dans ce traitement jusqu'à ce que les deux tiers du temps voulu pour la consolidation des fractures soient écoulés. A cette époque on a moins souvent recours aux fomentations d'eau chaude, par la raison que, s'il était utile au début de dissiper les humeurs, plus tard il devient convenable de les attirer. En conséquence on fait des onctions légères sur la partie malade avec du cérat liquide, on frotte ensuite doucement, et l'on a soin de relâcher le bandage, qu'on renouvelle aussi tous les trois jours. A l'exception de ces fomentations d'eau chaude, on ne change rien au pansement ; seulement, on supprime une bande chaque fois qu'on lève l'appareil. 2. Ce sont là les règles générales ; en voici de particulières. Dans les fractures de l'humérus, l'extension n'est point la même que pour un autre membre; ainsi le malade doit être placé sur on siège élevé, tandis que le chirurgien, assis plus bas, se tient en face de lui. Une première bande est alors passée autour du cou, pour soutenir l'avant-bras en écharpe ; puis, au moyen d'une seconde et d'une troisième bande, on lie fortement le bras en haut et en bas. Cela fait, un aide employant la main droite si c'est le bras droit qu'il faut étendre, et la gauche s'il s'agit du bras gauche, la fait passer derrière la tête du blessé, et, la glissant sous la seconde bande (ligature supérieure), vient saisir un bâton placé entre les cuisses du malade.[8] De son côté, le chirurgien appuie le pied droit ou le pied gauche, selon le bras qui est cassé, sur la troisième bande (ligature inférieure), au moment même où son aide attire à lui celle qui est fixée au haut du bras. L'extension du membre se fait ainsi sans violence. Quand l'os est brisé à l'extrémité inférieure ou dans la partie moyenne, il faut que les bandes soient plus courtes ; mais elles seront plus longues si la fracture existe à la partie supérieure, parce qu'elles doivent passer sous l'autre aisselle, en couvrant la poitrine et les épaules. Avant d'assujettir l'avant-bras, il importe de lui donner dès le principe la position qu'il doit garder,[9] de peur que la situation nouvelle qu'on lui ferait prendre au moment de la déligation ne déplace en même temps les fragments de l'humérus. Lors donc que l'avant-bras est convenablement suspendu, il reste encore A tenir le bras attaché contre la poitrine, à l'aide d'un bandage médiocrement serré. On prévient par là tous les mouvements du bras, et l'on maintient les os dans les rapports où le chirurgien les a placés. Quant aux attelles, il faut qu'elles soient très longues au côté externe du bras, moins longues au côté interne, et bien plus courtes sons l'aisselle. Il sera nécessaire de les enlever plus souvent si la fracture est située près du coude, afin d'éviter que les tendons, en contractant sur ce point de la rigidité, ne fassent perdre l'usage de l'avant-bras. Chaque fois qu'on renouvelle l'appareil, on doit maintenir la fracture avec les mains ; on fait ensuite sur le coude des fomentations d'eau chaude, auxquelles succèdent des ; frictions avec un cérat émollient. On se gardera d'appliquer des attelles sur l'apophyse du cubitus (olécrane), ou, si le cas l'exige, on n'en mettra du moins que de fort courtes. 3. Dans les fractures de l'avant-bras, il faut considérer d'abord si les deux os sont brisés, ou s'il n'y en a qu'un seul. Sans doute, le traitement n'est pas différent ; mais quand la fracture est complète, l'extension doit être nécessairement plus forte que lorsqu'il reste un os intact pour diminuer la contraction des muscles et les tenir tendus. Il faut en outre apporter plus de soin à maintenir les fragments en place, lorsqu'on est privé de l'appui que l'os sain peut prêter à l'os malade; car cet appui vaut mieux que les bandages et les attelles. On place ensuite l'avant-bras dans une écharpe d'une largeur égale à la longueur du membre, et l'on assujettit le bandage derrière le cou avec des cordons. L'avant-bras se trouve ainsi soutenu sans effort, et doit demeurer un peu plus élevé que le coude de l'autre bras. 4. S'il existe quelque fracture au sommet du cubitus, il ne faut pas chercher à la consolider par l'application d'un bandage, car il en résulterait l'Immobilité du membre ; mais si on se borne à porter remède à la douleur, la liberté des mouvements se rétablit toujours. 5. Pour la jambe, il importe également d'examiner s'il n'y a qu'un os de cassé. Ici, comme dans la fracture de la cuisse, on doit, après avoir posé l'appareil, placer le membre dans une gouttière dont la partie inférieure est percée de plusieurs trous, afin d'ouvrir une issue aux humeurs si la partie venait à en fournir. Cette gouttière est aussi pourvue, vers la plante du pied, d'une espèce de semelle, qui à la fois arrête l'extrémité du membre et lui sert de soutien. Des ouvertures sont encore pratiquées sur les côtés pour donner passage à des courroies, destinées à maintenir la jambe et la cuisse dans la situation où on les a mises. S'il y a fracture de jambe, la gouttière devra s'étendre de la plante du pied jusqu'au jarret; elle montera jusqu'à la hanche, si la cuisse est brisée, et renfermera la hanche elle-même, si la lésion est située près de la tête du fémur. Toutefois il est bon de savoir que les fractures de la cuisse sont suivies du raccourcissement du membre, attendu que le fémur ne revient jamais à son premier état. U suit de là qu'on ne peut marcher qu'en appuyant sur la pointe du pied, infirmité qui devient encore plus choquante, si le malade n'a pu recevoir tous les soins convenables. 6. Il suffit pour les fractures des doigts d'appliquer une seule petite attelle, lorsque l'inflammation est passée. 7. A ces prescriptions, relatives aux fractures des membres en particulier, je dois ajouter encore quelques recommandations générales. C'est ainsi que, dans tous les cas, il faut prescrire la diète au début; puis, lorsqu'il s'agira de la formation du cal, on se montrera moins sévère sur les aliments, tout en prolongeant l'interdiction du vin. Pendant la durée de l'inflammation, on fera d'abondantes fomentations d'eau chaude; mais on les rendra plus rares, dès qu'on sera sorti de la période inflammatoire. On doit ensuite frotter longtemps et doucement les parties situées au delà de la fracture avec du cérat liquide. Il importe aussi de ne pas exercer trop tôt le membre fracturé, et c'est seulement par degrés qu'il faut le ramener à ses premières fonctions. Les plaies sont pour les fractures une très grave complication, surtout quand elles intéressent les muscles de la cuisse ou du bras, parce que l'inflammation est alors beaucoup plus redoutable, et la gangrène plus prompte à se déclarer. Dans les fractures du fémur, si les fragments chevauchent l'un sur l'autre, l'amputation devient presque toujours nécessaire; mais quand le même accident arrive à l'humérus, il est plus facile de conserver le membre. Les dangers que je signale sont encore bien plus à craindre, lorsque la lésion existe dans le voisinage d'une articulation. Ainsi dans les plaies compliquées plus de soins sont nécessaires. On doit couper transversalement les muscles au milieu de la plaie, recourir à la saignée s'il s'est écoulé peu de sang par la blessure, et soumettre ensuite le malade à une diète exténuante. Dans les fractures simples, il faut pratiquer l'extension avec lenteur, et replacer les os avec ménagement; mais, dans ces fractures compliquées, il ne convient ni de tirer sur les muscles, ni de toucher aux fragments; on doit même permettre au malade de prendre la position la moins douloureuse pour lui. Sur toutes ces fractures compliquées de plaies, on applique des compresses, trempées dans du vin additionné d'un peu d'huile rosat ; et pour le reste on se conforme au traitement des blessures.[10] Dans la déligation, on tiendra les bandes un peu moins serrées que s'il n'y avait pas de plaie, en raison de la disposition qu'ont les lésions de ce genre à prendre une mauvaise nature, et à se laisser envahir par la gangrène.[11] On augmentera donc plutôt le nombre des circulaires, afin que l'appareil, quoique plus lâche, soit également contentif. Tel serait le bandage à employer dans les fractures du bras et de la cuisse, si par hasard les fragments étaient affrontés bout à bout; mais s'ils se trouvent dans une autre situation, on ne devra serrer le bandage qu'autant qu'il le faudra pour maintenir en place les médicaments employés. Pour le surplus on agira comme il est dit plus haut, si ce n'est qu'on retranchera les attelles et les gouttières, qui s'opposeraient à la guérison de la plaie, et qu'on emploiera seulement des bandes plus larges et plus nombreuses, en les arrosant de temps en temps d'huile chaude et de vin. Il faut plus que jamais prescrire la diète au début; puis on devra fomenter la plaie avec de l'eau chaude, éviter de toutes les manières l'influence du froid, passer ensuite à l'application des suppuratifs, et enfin donner plus de soin à la plaie qu'à l'os même. En conséquence, il est nécessaire d'enlever l'appareil chaque jour et de renouveler le pansement. Si, pendant le traitement, on voit saillir quelque esquille dont la pointe soit mousse, on la remet en place; si au contraire l'esquille est aiguë, il faut, avant de la réduire, en exciser la pointe si elle est longue, la limer si elle est courte; et dans les deux cas polir le fragment avec la rugine, puis le refouler sous les chairs. Si l'on ne peut y réussir avec les mains, on prend des tenailles pareilles à celles des forgerons-; on engage le plat de l'instrument sous le fragment qui ne s'est pas déplacé, et l'on refoule avec la partie arrondie l'esquille qui fait saillie. Si cette portion d'os est plus considérable, et se trouve enveloppée de membranes, il faut attendre qu'elle s'en sépare par l'effet des remèdes suppuratifs, et la retrancher dès qu'elle est mise à nu ; or, c'est là le travail qu'il faut accélérer. De cette façon, l'os pourra se consolider, la plaie se cicatriser, et ce double résultat s'obtenir dans le temps voulu pour chaque lésion. On observe quelquefois à la suite des grandes blessures que certaines parties de l'os se nécrosent, et ne se consolident pas avec les autres. On reconnaît cette altération à l'abondance de la suppuration ; et il n'en est que plus nécessaire de renouveler souvent l'appareil, et de panser soigneusement la plaie. Au bout de quelques jours, en effet, la portion nécrosée se détache d'elle-même. Bien que les plaies constituent pour les fractures une condition fâcheuse, il est parfois urgent de les produire soi-même ou de les agrandir;[12] car il n'est pas rare de voir des portions d'os déchirer les téguments demeurés intacts, et déterminer aussitôt des démangeaisons et de la douleur. Or, quand cet accident se présente, il faut débrider sans retard, puis fomenter la plaie avec de l'eau dont la température sera froide en été et tiède en hiver ; après quoi l'on fera des embrocations j avec le cérat d'huile de myrte. Quelquefois aussi les fragments aigus de l'os fracturé viennent blesser les chairs. Alors, averti par les démangeaisons et les élancements que le malade éprouve, le chirurgien doit faire l'excision de ces pointes vulnérantes. Mais dans l'un et l'autre cas il n'y a rien à changer au traitement qu'on doit suivre, lorsque la fracture et la plaie sont le résultat de la même violence. Dès que la plaie paraît suffisamment mondifiée, il faut prescrire au malade une alimentation qui puisse favoriser la reproduction des chairs. Si le membre fracturé se trouve encore plus court que l'autre, et que les os n'aient pas été réduits, on glisse entre les fragments un petit coin très lisse, dont la tête doit s'élever un peu au-dessus de la plaie ; on l'enfonce chaque jour davantage, jusqu'à ce que les deux membres soient égaux, et, cessant alors de s'en servir, on s'occupe de guérir la plaie. Quand la cicatrice est formée, on la fomente avec de l'eau froide dans laquelle on a fait bouillir du myrte, du lierre, de la verveine ou d'autres plantes semblables, et l'on a recours ensuite aux dessiccatifs. Le repos est plus que jamais nécessaire ici, jusqu'au rétablissement du membre. Mais si les os, après la guérison de la plaie, n'ont pu se reprendre, à cause des pansements fréquents et des manœuvres multipliées qu'ils ont dû subir, l'indication évidente est d'en provoquer l'agglutination. Si déjà la fracture est ancienne, il faut pratiquer violemment l'extension du membre, séparer les fragments avec les mains, les frotter l'un contre l'autre pour détacher l'humeur visqueuse qui pourrait exister entre eux, et les remettre enfin dans les conditions d'une rupture récente, en ayant grand soin cependant de ne blesser ni tendons, ni muscles. Cela fait, on fomente la fracture avec du vin qui tient en décoction de l'écorce de grenade, et l'on se sert, comme topique, de cette même écorce mêlée à du blanc d'œuf. Le troisième jour, on doit lever l'appareil et répéter les fomentations avec la décoction de verveine, dont j'ai déjà parlé. On recommence le cinquième jour, puis on applique les attelles. Avant et après ces pansements, on se conforme aux préceptes énoncés plus haut sur le traitement des fractures. Il peut se faire néanmoins que les os se consolident dans l'état de chevauchement ; ce qui produit le raccourcissement et la difformité du membre; et si les fragments sont armés de pointes, le malade ressent là des piqûres continuelles. Ces raisons conduisent à renouveler la fracture, pour la mieux réduire. On s'y prend alors de la manière suivante. On commence par faire sur le membre d'abondantes fomentations d'eau chaude, auxquelles succèdent des frictions avec le cérat liquide. On pratique ensuite l'extension, et pendant ce temps le chirurgien, séparant les fragments réunis par un cal encore peu résistant, refoule celui qui fait saillie. Si ces manœuvres sont insuffisantes, il doit appliquer, du côté vers lequel le fragment incline, une éclisse couverte de laine; puis, par le fait de la déligation, il oblige cette portion osseuse à reprendre par degrés sa position naturelle. Quelquefois aussi la consolidation s'est faite régulièrement ; mais le cal a pris trop d'accroissement, et de là résulte une proéminence à l'endroit de la fracture. Pour remédier à cet inconvénient, il faut frotter le membre doucement et longtemps avec un mélange d'huile, de sel et de nitre; employer en fomentations une grande quantité d'eau chaude, chargée de sel; appliquer un emplâtre résolutif, et tenir le bandage plus serré. Le malade enfin ne devra vivre que de légumes, et de plus se faire vomir à plusieurs reprises. Sous t'influence de ce régime, le cal finit par diminuer, en même temps que l'embonpoint du corps. Il est utile encore de faire sur l'autre membre des applications de moutarde, dans le but d'y produire une érosion, et d'appeler sur ce point l'afflux des humeurs. Dès que ces divers moyens auront amené la diminution du cal, on rendra le malade à sa vie ordinaire. XI. Je borne là ce que j'avais à dire sur les fractures des os. Quant aux luxations qu'ils présentent, elles se produisent de deux manières. On voit, en premier lieu, les os naturellement joints entre eux s'écarter l'un de l'autre. C'est ainsi que l'omoplate se sépare de l'acromion,[13] le radius du cubitus à l’avant-bras, le tibia du péroné à la jambe, et quelquefois, quoique rarement, le calcanéum de l'os du cou de pied (astragale), à la suite d'un saut. En second lieu, il arrive que les os abandonnent leurs cavités articulaires. Mais je partirai d'abord des luxations de la première espèce. Lorsqu'il survient un déplacement de ce genre, il se fait aussitôt un vide à l'endroit où l'os se déplace, et l'on constate la dépression en y portant le doigt. Bientôt se déclare une violente inflammation, redoutable surtout dans l'écartement de l'astragale ; puis apparaissent la fièvre, la gangrène, et les convulsions on la raideur tétanique des muscles du cou. On doit prévenir ces accidents à l'aide des moyens déjà prescrits pour dissiper la douleur et le gonflement dans les fractures des os mobiles.[14] Il est vrai qu'une fois séparés, ces os ne se rejoignent jamais avec exactitude, et il en résulte, au lieu même de la luxation, une certaine déformation, qui, du reste, ne gène en rien le libre exercice du membre. La mâchoire et les vertèbres, ainsi que tous les os dont l'articulation est maintenue par de forts ligaments, ne peuvent se luxer qu'à l'occasion d'une violence extérieure, ou par suite de la rupture ou du relâchement accidentel de ces ligaments ; et c'est ce qui arrive pins facilement dans l'enfance et la première jeunesse, qu'à l'âge où la constitution est plus robuste. Ces luxations peuvent se faire en avant et en arrière, en dedans et en dehors; quelques-unes ont lieu dans tous les sens, d'autres ne sont possibles que dans certaines directions. Il y a des signes communs à tous les déplacements des os ; il en est aussi de particuliers à chaque espèce. Ainsi, comme caractère général, on remarquera constamment qu'il y a tumeur à l'endroit que l'os envahit, et par cela même dépression à celui qu'il abandonne. Quant aux signes particuliers, je les ferai connaître en traitant spécialement de chaque luxation. Mais si tous les os peuvent se luxer, ils ne sont pas tous susceptibles d'être réduits. Les tentatives de réduction seront vaines pour la tête et les vertèbres, de même que pour la mâchoire, si celle-ci, se trouvant luxée des deux cotés, est prise d'inflammation avant qu'on ait tenté de la replacer. Les luxations qui dépendent de la faiblesse des ligaments sont sujettes à récidiver après avoir été réduites. Les membres qui ont été luxés dès l'enfance, et qu'on n'a pas remis dans leur situation naturelle, prennent moins d'accroissement que les autres. L'amaigrissement s'empare toujours du membre qui n'a pas été réduit, et cette émaciation est beaucoup plus marquée dans le voisinage de la luxation que dans les parties plus éloignées : par exemple, l'humérus étant luxé, le bras maigrira plus que l’avant-bras, et celui-ci plus que la main. Selon le siège de la luxation et les causes qui l'auront produite, les fonctions du membre seront plus ou moins conservées ; mais plus elles seront libres, moins le membre s'amaigrira. Toutes les fois qu'il y a déplacement d'un os, c'est avant le développement de l'inflammation qu'il faut réduire; et s'il existe déjà des accidents inflammatoires, on doit laisser le malade en repos jusqu'à ce qu'ils aient disparu. Alors seulement on tentera la réduction dans les cas où elle est possible. L'habitude générale du corps et l'état des muscles ont ici une grande influence, car si le sujet est d'un tempérament faible et humide, si ses muscles sont débiles, il faut moins d'efforts pour réduire; mais, par la raison que la luxation s'est produite avec facilité, elle devient plus difficile à maintenir. Quand les individus présentent des conditions contraires, les os, Il est vrai, ont plus de peine à se luxer, mais on a de même plus de résistance à vaincre pour les replacer dans leurs cavités. Il faut calmer l'inflammation, en appliquant sur la partie de la laine en suint trempée dans du vinaigre; en s'abstenant, s'il s'agit d'une articulation importante, de tout aliment solide pendant trois ou même cinq jours, et en ne buvant que de l'eau chaude tant que dure la soif. C'est surtout quand les os luxés sont entourés de muscles forts et épais que l'observance de ce régime est indispensable ; à plus forte raison sera telle nécessaire si la fièvre survient. Le cinquième jour, après avoir enlevé la laine, on fait des affusions chaudes, et l'on emploie comme topique du cérat de souchet, auquel on ajoute un peu de nitre, et dont on continue l'application jusqu'à ce que l'inflammation ait cessé. On passe ensuite aux frictions, puis l'on prescrit une bonne alimentation et l'on permet un peu de vin. On excite enfin le membre à reprendre ses foncions ; car autant le mouvement était préjudiciable quand la douleur existait, autant il devient salutaire dès qu'elle a disparu. Voilà ce qui est relatif aux luxations en général ; je vais m'occuper maintenant de chacune d'elles en particulier. XII. Les luxations de la mâchoire s'opèrent en avant, mais elles peuvent porter sur un côté seulement ou sur les deux à la fois. Dans le premier cas, il y a déviation de l'os maxillaire vers le côté opposé à la luxation, et les dents pareilles cessent de se correspondre, c'est-à-dire que les canines inférieures se trouvent sous les incisives supérieures. Si la luxation est double, tout le menton faisant saillie en avant, les dents d'en bas excèdent naturellement celles d'en haut, et les muscles qui s'insèrent à la mâchoire inférieure paraissent fortement tendus. Le traitement consiste à placer immédiatement le malade sur un siège, avec un aide auprès de lui pour maintenir la tête en arrière; ou bien à le faire asseoir contre un mur, en ayant soin de disposer entre la muraille et lui un coussin de cuir bien ferme, sur lequel sa tête doit être assujettie par un aide : alors le chirurgien, après avoir garni ses deux pouces de chiffons ou de bandes pour les empêcher de glisser, les introduit dans la bouche du blessé, tandis que les autres doigts saisissent la mâchoire en dehors. Dès qu'il la sent fortement embrassée, si le déplacement n'a lieu que d'un côté, il secoue le menton, l'amène vers la gorge, et, en même temps que la tête est tenue bien fixe, il doit soulever l'os maxillaire, refouler le condyle dans sa cavité, et fermer la bouche du blessé ; tout cela, pour ainsi dire, dans le même instant. Quand les deux branches sont luxées, le procédé de réduction ne change pas ; seulement ou repousse d'un mouvement égal toute la mâchoire en arrière. L'os étant replacé, si la luxation s'est accompagnée de douleur aux yeux et dans la région cervicale, il faut pratiquer une saignée du bras. Le principe qui veut que, dans toute espèce de luxation, on n'accorde au début que des aliments liquides, est surtout applicable ici, puisque les simples mouvements de la mâchoire nécessaires à l'articulation des mots exercent déjà une influence fâcheuse. XIII. J'ai dit, au commencement de ce livre, que les deux condyles de la tête étaient reçus dans les deux cavités de la première vertèbre. Quelquefois ces condyles se luxent en arrière ; alors les ligaments fixés sous l'occiput se trouvent dans l'extension ; le menton se porte sur la poitrine, le malade ne peut ni boire ni parler, et, dans certains cas, il éprouve des pertes de semence involontaires. Ces accidents sont très promptement suivis de mort. J'ai cru devoir parler ici de cette luxation ; non qu'elle soit susceptible d'aucune guérison, mais afin qu'en présence de pareils symptômes on ne puisse pas s'imaginer que c'est par la faute du chirurgien que le malade succombe. XIV. Le même sort est réservé à ceux qui sont atteints de luxation des vertèbres; car cette lésion ne peut avoir lieu sans la rupture simultanée de la moelle épinière, des cordons qui sortent par les apophyses transverses, et des ligaments qui les maintiennent. Les vertèbres peuvent se luxer en arrière et en avant, au-dessus et au-dessous du diaphragme. De ces deux modes de luxation, il résulte qu'on trouvera soit une tumeur, soit une dépression à la partie postérieure de l'épine. Si le déplacement se fait au-dessus du diaphragme, il y a paralysie des mains ; des vomissements ou des convulsions surviennent ; la respiration s'embarrasse ; le malade accuse de violentes douleurs, et le sens de l'ouïe devient obtus. Si le mal est au-dessous du diaphragme, les membres Inférieurs se paralysent, et les urines se suppriment ou s'écoulent involontairement. Bien que dans les cas de ce genre la mort n'arrive pas aussi brusquement que dans les luxations de la tête, le blessé succombe d'ordinaire avant le troisième jour. Car ce que dit Hippocrate,[15] que, lorsqu'une vertèbre fait saillie en arrière, on doit faire coucher le malade sur le ventre, et pratiquer l'extension pendant qu'un aide appuie le talon sur la vertèbre luxée pour la réduire, doit s'entendre de celle qui n'a subi qu'un léger déplacement, et non de celle dont la luxation est complète. Quelquefois la faiblesse des ligaments permet à une vertèbre de se porter en avant sans se luxer tout à fait. Le cas n'est pas mortel, mais il est impossible d'agir sur la vertèbre en dedans ; on peut repousser celle qui proémine en dehors, mais elle se déplace de nouveau, à moins qu'on ne parvienne, ce qui est extrêmement rare, à restituer aux ligaments la force qu'ils ont perdue. XV. Les luxations du bras ont lieu quelquefois dans l'aisselle, et d'autres fois en avant. Si la tête de l'humérus a glissé dans l'aisselle, le coude s'éloigne de la poitrine, le blessé ne peut porter l'avant-bras avec le bras le long de l'oreille, et le bras malade est plus long que l'autre. Dans la luxation en avant, il est possible encore d'étendre le bras, mais moins que dans l'état naturel, et le coude se porte plus difficilement en avant qu'en arrière. Lorsque l'humérus s'est luxé en bas, si l'on a affaire à un enfant, ou à une personne dont la complexion soit molle et les ligaments faibles, il suffit de placer le patient sur un siège, et d'avoir deux aides dont l'un doit relever doucement la tête de l'omoplate, tandis que l'autre étend le bras; alors le chirurgien placé derrière le malade applique une main sous l'aisselle pour refouler la tête de l'humérus, et de l'autre main pousse l'avant-bras contre la poitrine.[16] Mais si le sujet est un homme robuste, ou si les ligaments sont plus forts, Il faut employer une pièce de bois épaisse de deux doigts, et assez longue pour s'étendre depuis l'aisselle jusqu'aux doigts. A l'une de ses extrémités, cette palette prend une forme arrondie et légèrement déprimée, pour recevoir une partie de la tête de l'humérus. De plus, elle est en trois endroits percée de deux trous qui donnent passage à des courroies très souples. Après l'avoir enveloppée d'une bande pour qu'elle soit moins douloureuse au contact, on la dirige de l'avant-bras vers l'aisselle, de façon que le bout arrondi réponde au sommet de l'aisselle; puis on l'assujettit au moyen des courroies, dont l'une est fixée un peu au-dessous de la tête de l'humérus, l'autre un peu au-dessus du cubitus, et la troisième au-dessus du poignet. Les trous en effet doivent correspondre à ces trois points. Le bras étant lié comme on l'a dit, on prend une échelle de basse-cour sur laquelle on place le membre en travers, mais à hauteur suffisante pour que les pieds ne puissent plus poser à terre. Le corps est donc suspendu d'un coté, tandis que le bras est fortement tendu de l'autre, et, dans cette situation, l'extrémité supérieure de la pièce de bois agissant sur la tête de l'humérus, celle-ci rentre avec ou sans bruit dans sa cavité naturelle.[17] On trouve, en lisant Hippocrate seulement, bien d'autres procédés de réduction ; mais je n'en connais pas qui ait plus que celui-ci reçu la sanction de l'expérience. Si la luxation existe en avant, il faut faire coucher le malade sur le dos, et passer sous l'aisselle une bande ou une bride dont les chefs iront se rejoindre derrière la tête du blessé et seront tenus par un aide, en même temps que le bras sera saisi par un autre. Le premier doit alors tirer sur les chefs de bande, et le second faire l'extension du bras ; le chirurgien ensuite refoulera avec la main gauche la tête de l'humérus, et de la main droite il élèvera le coude et le bras du blessé pour replacer l'os dans sa première situation. Cette luxation est plus facile à réduire que la précédente. La réduction faite, il faut appliquer de la laine sous l'aisselle, soit pour contenir la tête de l'humérus s'il s'est luxé en bas, soit pour placer le bandage plus facilement s'il y a eu luxation en avant. La bande, roulée d'abord sous l'aisselle, doit soutenir la tête de l'os, et de là gagner l'autre aisselle en passant par la poitrine, pour être ramenée par le dos sur la partie luxée. On fait ainsi plusieurs tours de bande, jusqu'à ce que la partie paraisse bien maintenue. On peut assujettir mieux encore le bras, déjà lié de cette manière, en le fixant contre la poitrine à l'aide d'une autre bande. XVI. D'après la description qu'on trouve en tête de ce dernier livre, on a dû comprendre que trois os concourent à former l'articulation du coude ; savoir, l'humérus, le cubitus et le radius. Lorsque le cubitus, qui s'articule avec l'humérus, vient à se luxer, il entraîne quelquefois avec lui le radius, et d'autres fois ne lui fait subir aucun déplacement. On admet pour le cubitus quatre espèces de luxations: celle qui se produit en avant tient l'avant-bras dans l'extension, et s'oppose à la flexion ; celle qui se fait en arrière tient le bras fléchi, ne permet pas l'extension, et détermine le raccourcissement du membre ; dans certains cas il survient de la fièvre et des vomissements bilieux ; dans les luxations latérales, externes ou internes, le bras, quoique étendu, s'incline un peu vers le point luxé. Quel que soit le mode de déplacement, il n'y a qu'un procédé de réduction non seulement pour le cubitus, mais pour tous les os longs qui s'articulent ensemble par une tête allongée; il s'agit toujours de tirer en sens contraire les deux membres dont les rapports sont changés, jusqu'à ce qu'il y ait un espace vide entre les os ; on repousse alors, du côté opposé à la luxation, l'os qui s'est déplacé. Quant à l'extension, elle doit varier, suivant la résistance des muscles et la direction dans laquelle s'est opéré le déplacement des os. Souvent il suffit des mains, et souvent aussi il faut s'aider d'un secours étranger. Ainsi, dans la luxation du coude en avant, l'extension et la contre-extension, confiées à deux aides, seront faites soit avec les mains seulement, soit avec des courroies. On applique ensuite sous l'avant-bras quelque chose de rond sur quoi l'on appuie brusquement, pour refouler le cubitus dans la cavité numérale. Mais dans les autres cas, il vaut beaucoup mieux étendre le bras comme on le fait pour les fractures de l'humérus, et réduire ensuite. Cela fait, il n'y a plus qu'à prendre les soins que réclament toutes les luxations; et toutefois, pour celles du coude, il est nécessaire de changer plus souvent l'appareil, de faire plus d'affusions chaudes, et des frictions plus prolongées avec l'huile, le nitre et le sel. En effet, que l'os soit réduit ou non, le cal se forme plus rapidement ici que dans toute autre articulation; et si l'immobilité du coude lui permet de se développer, il s'oppose plus tard aux mouvements du membre. XVII. On distingue aussi quatre espèces de luxations du poignet. Quand il se luxe en arrière, on ne peut étendre les doigts; et si c'est en avant, on ne peut les fléchir; dans les luxations latérales la main se porte vers le point opposé, c'est-à-dire vers le pouce ou le petit doigt. La réduction ne présente pas de grandes difficultés. On fait poser le poignet sur quelque chose de dur et de résistant; puis on exerce l'extension et la contre-extension en tirant sur l'avant-bras et la main, que l'on place dans la pronation, si la luxation est en arrière; dans la supination, si elle est en avant; et enfin sur le côté, s'il y a luxation en dedans ou en dehors. Dès que les ligaments ont subi l'extension convenable, s'il y a déplacement latéral, on repousse les os avec les mains vers le point opposé ; mais si le poignet s'est luxé en avant ou en arrière, on dispose sous la partie malade un corps dur, contre lequel on presse avec la main l'os proéminent. En donnant par ce moyen plus de force à la pression, on rétablit plus facilement les parties dans leur situation naturelle. XVIII. Les os qui constituent la paume de la main peuvent aussi se luxer en avant ou en arrière, mais non latéralement, parce qu'ils sont disposés de manière à se faire mutuellement obstacle. On n'observe ici que deux signes communs à toutes les luxations : tumeur à l'endroit où l'os se présente, dépression à celui qu'il abandonne. L'extension n'est pas nécessaire, et il suffit de peser convenablement avec le doigt sur l'os luxé, pour le réduire. XIX. Les luxations des doigts se produisent à peu près dans les mêmes circonstances, et se reconnaissent aux mêmes signes que celles de la main. Il n'est pas besoin de déployer une grande force pour l'extension, parce que ce sont là de petites articulations dont les ligaments offrent peu de résistance. On doit donc se borner à étendre sur une table les doigts luxés, pour les réduire avec la paume de la main, si le déplacement s'est effectué en avant ou en arrière. Mais s'il a lieu latéralement, c'est avec les doigts qu'il faut faire la réduction. XX. Ce que j'ai dit sur ces diverses luxations semblerait devoir suffire pour celles des membres inférieurs; car, dans ce cas encore, il y a de l'analogie entre le fémur et l'humérus, le tibia et le cubitus, de même qu'entre le pied et la main. Cependant ces déplacements présentent quelques particularités qu'il ne faut pas omettre. Il y a pour le fémur quatre espèces de luxations. Les plus fréquentes se font en dedans, puis en dehors, et les plus rares s'observent en avant ou en arrière. Si la cuisse est luxée en dedans, le membre devient plus long que l'autre, et se tourne en dehors ainsi que le bout du pied. Au contraire, la jambe est plus courte quand la luxation est en dehors, et il y a rotation de la cuisse et du pied en dedans ; le talon, dans la marche, ne pose point à terre, et le malade s'appuie sur la pointe du pied ; le membre supporte mieux le poids du corps que dans le premier cas, et le secours d'un bâton n'est pas aussi nécessaire. Si le fémur se luxe en avant, la jambe est placée dans l'extension et ne peut plus être fléchie ; les deux talons sont de niveau, mais du côté malade la pointe du pied a plus de peine à s'abaisser. Cet accident est suivi d'une très vive douleur, et très souvent il y a rétention d'urine. Mais, aussitôt que la douleur et l'inflammation ont cessé, on voit les malades marcher facilement, et le pied a sa rectitude naturelle. Dans la luxation en arrière, la jambe ne peut être étendue, et se trouve plus courte que l'autre ; et si l'on veut se tenir debout, le talon n'arrive pas non plus jusqu'à terre. Le grand danger des luxations du fémur réside, ou dans la difficulté de les réduire, ou dans la facilité qu'elles ont à se reproduire. Certains chirurgiens vont jusqu'à prétendre que la récidive est constante; mais Hippocrate, Diodes, Philotimus, Nilée et Héraclide de Tarente, tous auteurs célèbres, affirment, dans leurs écrits, que la réduction peut être complète et définitive. D'ailleurs Hippocrate, Andréas, Nilée, Nymphodore, Protarchus, Héraclide, et d'autres encore, n'auraient point inventé tant de machines pour faire l'extension de la cuisse dans les cas de ce genre, si ces appareils avaient dû n'aboutir à rien. Toute fausse que soit cette opinion, il n'en est pas moins vrai que, la cuisse étant pourvue de muscles et de ligaments de la plus grande puissance, les luxations sont très difficiles à réduire quand ils ont conservé leur force, et que, lorsqu'ils l'ont perdue, ils deviennent pour ainsi dire inhabiles à maintenir la réduction. Il faut donc essayer toujours ; et si le sujet est jeune, il suffira, pour pratiquer l'extension et la contre-extension, de placer un lien au haut de la cuisse, et un autre au-dessus du genou. On rendra l'extension plus énergique en attachant les courroies à de forts bâtons dont les bouts inférieurs seront arrêtés en sens contraire ; deux aides en saisiront ensuite les extrémités supérieures, et tireront à eux. Le membre sera tendu plus puissamment encore, si l'on place le malade sur un banc garni à chaque extrémité d'un treuil auquel on attache les courroies ; de sorte qu'en donnant aux deux treuils un mouvement de rotation, comme dans les machines à pressoir, on peut porter la force au point de produire non seulement l'extension, mais encore la rupture des ligaments et des muscles.[18] Le malade doit être couché sur le ventre, le dos ou le côté, de façon que la partie vers laquelle l'os est verni faire saillie soit plus élevée que celle qu'il a quittée. L'extension faite, si l'os est luxé en avant, on applique sur la région inguinale quelque chose de rond, et l'on appuie dessus aussitôt avec le genou, de la même manière et pour la même raison que dans la luxation du bras; après quoi, si le patient peut fléchir immédiatement la cuisse, elle est réduite. Dans les autres luxations, si le fémur n'a pas subi un grand déplacement, le chirurgien devra refouler la tête de l'os en arrière, tandis que l'aide poussera la hanche en avant. La réduction opérée, le traitement ne demande plus rien de particulier, si ce n'est un séjour au lit plus prolongé, dans la crainte que, le malade faisant agir son membre, alors que les ligaments sont encore trop relâchés, il n'en résulte une luxation nouvelle. XXI. On sait parfaitement que le genou peut se luxer en dehors, ou dedans et en arrière. Mais la plupart des auteurs n'admettent pas la luxation en avant; cette opinion a pour elle on grand degré de vraisemblance, parce que la rotule, placée sur l'articulation, doit retenir la tète du tibia. Toutefois, Mégès affirme avoir réduit une luxation de ce genre. On pratique l'extension dans les luxations du genou, comme je l'ai dit pour la cuisse ; et s'il y a déplacement en arrière, on place de même dans le jarret quelque chose de rond, et, en fléchissant la jambe sur ce corps, on remet l'os en situation. Les autres luxations se réduisent par l'extension et la contre-extension, faites avec les mains. XXII. Le cou de pied est sujet à se luxer dans tous les sens. S'il se déplace en dedans, le bout du pied se porte en dehors, et il se porte en dedans si la luxation est externe. Dans la luxation en avant, le large tendon situé en arrière est dur et tendu, et le pied est recourbé. Si le cou-de-pied s'est luxé en arrière, le calcanéum est caché pour ainsi dire, et la plante du pied s'allonge. On réduit ces luxations avec les mains, après avoir exercé des tractions en sens contraire sur le pied et la jambe. Ces accidents exigent aussi qu'on reste plus longtemps au lit, de peur que cette partie mal raffermie ne se luxe de nouveau sous le poids du corps, qu'elle est appelée à supporter. On devra même, en commençant à marcher, ne prendre que des chaussures très basses, afin que le cou-de-pied ne soit pas gêné par les cordons. XXIII. Les os de la plante du pied se luxent et se réduisent comme ceux de la paume de la main. Seulement, le bandage doit embrasser aussi le calcanéum ; car, en n'enveloppant que la plante et le bout du pied, on aurait à craindre que le talon, dont la moitié se trouverait libre, n'attirât vers lui un trop grand afflux d'humeurs, et ne devint le siège d'un abcès. XXIV. Les doigts du pied, quand ils sont luxés, ne se réduisent pas autrement que ceux de la main. Cependant on peut placer la partie moyenne ou supérieure du doigt qu'on vient de réduire, dans une petite gouttière qui sert de moyen contentif. XXV. Tel est le traitement à suivre dans les luxations non compliquées de plaie. Cette complication est grave en effet, et d'autant plus périlleuse que le membre est plus considérable, et se trouve pourvu de muscles et de ligaments plus forts. Un pareil accident survenant au bras ou à la cuisse peut entraîner la mort. La réduction ne laisse aucun espoir, et il y a encore péril si l'on ne réduit pas. Dans l'un et l'autre cas, les alarmes seront d'autant pins vives que la plaie sera plus voisine de l'articulation. Hippocrate prétend que, parmi les luxations de ce genre, celles des doigts, de la plante des pieds et des mains sont les seules qu'on puisse réduire avec sécurité; encore veut-il qu'on y apporte des ménagements extrêmes, pour éviter une terminaison funeste. Des chirurgiens cependant ont réduit des luxations de l'avant-bras et de la Jambe, et ont eu recours à la saignée du bras, afin de prévenir la gangrène ou les convulsions, qui dans des conditions si graves entraînent rapidement la mort. Quoique la luxation des doigts soit de toutes la moins à craindre, elle offre encore quelque danger; et si déjà elle est ancienne, on ne doit essayer de la réduire ni lorsque l'inflammation existe, ni même lorsqu'elle a cessé. Si des convulsions se déclarent après la réduction, il ne faut pas hésiter à luxer l'os de nouveau. Dans toute luxation compliquée de plaie, et non réduite, on doit donner au membre la position qui parait le plus soulager le malade, en ayant soin de ne pas remuer ou laisser pendre la partie luxée. L'abstinence prolongée devient aussi d'un grand secours contre de pareilles lésions. Quant au traitement, il se compose des moyens Indiqués pour les fractures avec plaie. Si l'os dénudé fait saillie, ce sera toujours un obstacle à la guérison : il y a donc lieu de retrancher ce qui proémine. On applique ensuite sur la plaie de la charpie sèche et des topiques non graisseux, dont on continue l'usage jusqu'à ce qu'on ait obtenu le seul genre de guérison que comportent les accidents de cette nature. Le membre en effet reste débile, et la cicatrice qui se forme est trop mince pour résister plus tard à l'action des causes vulnérantes.
Explication des signes abréviatifs employés pour indiquer les doses des médicaments. Le p, qui n’est précédé ou suivi d’aucune marque, désigne une livre. Quand une marque le précède ou le suit, il signifie simplement pondo; ce qui veut dire de poids ou pesant. Le signe X indique le denier d’argent ou le drachme; et comme il est souvent représente sur les monnaies ou dans les manuscrits par une figure qui ressemble un peu à l’astérisque de la typographie, plusieurs éditeurs, pour simplifier, ont remplacé le X par cette astérisque. Le trait unique — désigne une once; les deux traits =, deux onces, et les deux doubles traits, = = quatre onces. Quant aux figures , il paraît certain qu’elles désignaient également deux onces, et que cette diversité des signes, pour exprimer une même quantité, est uniquement due à l’habitude ou à la fantaisie des différents copistes. Il résulte du beau travail de M. Letronne (Considérations générales sur l’évaluation des monnaies grecques et romaines, in-4°; Paris, 1817, p. 8, 9, 126 et passim), que la livre romaine contenait environ 6,160 grains, ou 10 onces 5 gros 40 grains, ou 327 grammes 18; que le denier d’argent ou drachme pesait grains; et le scrupule 21,375 grains. Il est assez remarquable que notre gros médicinal ou drachme, ainsi que notre scrupule, soient encore aujourd’hui, h peu de chose près, du même poids qu’au siècle d’Auguste. On trouve aussi mentionnées dans Celse quelques mesures de capacité, qui sont l’hémine, l’acétabule, le sextarius ou setier, et le cyathus ou la verrée. La première contenait 60 drachmes, et la seconde en contenait 15. Le sextarius équivalait à deux hémines, et le cyathus à deux onces. (Voy. Celse, édit. Delalain, 1821, préface, vii, viii et ix)
[1] Au-dessous des muscles qui maintiennent tes tempes, qui tempora connectunt. Van der Linden croit, avec quelque raison, qu’il faut lire contegunt. Morgagni remplace connectunt par continent, d’après un passage semblable qui se trouve dans le c. iv du même livre: inter musculos qui tempora continent. Targa a suivi cette leçon dans sa 2e éd. Ces changements, au surplus, n’ajoutent rien à la clarté du texte; et ce n’est pas sans aider à la lettre qu’on arrive à retrouver le sphénoïde dans l’os du milieu. La même observation, il est vrai, s’applique d’une manière générale à toute l’anatomie de l’auteur latin; et souvent, malgré le secours des notions modernes, la lumière fait défaut. [2] Pour fournir au-dessus d’elle. Ce passage a beaucoup occupé les commentateurs. Ce n’est pourtant qu’une erreur de plus en anatomie, erreur manifestement tirée d’Hippocrate (Voy. Traité des articulations, éd. Littré, t. IV, p. 141). Il est certain que, chez l’homme, l’apophyse coronoïde du maxillaire inférieur ne dépasse pas l’arcade zygomatique; mais cette disposition existe réellement chez les singes, qui servaient presque exclusivement aux dissections des anciens. (Voy. à ce sujet la 7e lettre de Morgagni à Targa, 1re et 2e éd.) [3] Excepté les trois premières. Exceptis tribus summis. Ces trois mots, d’après Morgagni, n’appartiennent pas à Celse, ou du moins il a dû les disposer autrement; car, dit-il, si les trois premières vertèbres n’offrent pas de dépressions à la partie supérieure, et si elles n’ont pas d’apophyses articulaires en bas, comment peut-il dire, à la phrase qui suit, que la première vertèbre a des dépressions pont recevoir les apophyses de la tête; et comment ajoute-t-il un peu plus loin que la troisième vertèbre est pourvue d’éminences qui viennent se placer dans la vertèbre au-dessous? Jamque vertebra tertia, tubercula, quae inferiori inserantur, exigit. [4] De se porter en haut et en bas. Quod fit, ut caput sursum deorsum versum tuberibus exasperetur. Morgagni suspecte les deux derniers mots; et, d’après lui, j’ai traduit comme si la phrase était ainsi construite : quo fit, ut caput sursum deorsum vertatur, aut verti possit. [5] S’articule ensuite avec la seconde. Tertia eodem modo secundam excipit. Il est encore impossible de concilier ce passage avec l’anatomie, puisque évidemment la troisième vertèbre ne s’articule pas avec la seconde (axis) de la même manière, eodem modo, que celle-ci s’articule avec la première (atlas). Morgagni croit donc le texte altéré. Targa pense de même, et conjecture seulement que le mot excipit n’a peut-être pas ici la signification de recipit, mais se trouve là, comme ailleurs, pour sequitur. [6] Arrivée au sixième degré. (Atque idem quoque in carie, ad alteram partent ossis penetrante, fieri potest.) Selon Morgagni, cette phrase ne fait que répéter ce qui vient d’être dit sur la noirceur, et devrait, par conséquent, être supprimée. Constantin veut, au contraire, qu’on la maintienne, et fait porter seulement la suppression sur ces quatre mots (est aut si caries), qui sont contenus dans la phrase précédente. C’est la leçon que j’ai suivie, parce qu’en effet Celse traite séparément de la noirceur et de la carie; il domine les caractères des deux affections, et ne les confond pas. (Voyez un peu plus haut: Ubi caries, nigritiesve in summo osse est). [7] Les plaisirs de Vénus. Targa, dans sa 2e éd., corrige ventes par venus, suivant la leçon qu’il proposait déjà dans la première, et qui offre, en effet, un sens plus naturel, puisque c’est surtout dans les fractures du crâne que les plaisirs vénériens sont à craindre. [8] Entre les cuisses du malade. Tout ce passage a tellement souffert depuis le commencement de la phrase deinde ab occipitio... jusqu’à la fin : leniter humerus extendatur, qu’il n’y s pas un mot, pour ainsi dire, qui n’ait été l’objet de plusieurs variantes. Il y a même cette circonstance aggravante, que chaque variante donne un sens différent. Pour n’en citer qu’un exemple, au lieu de baculum, Morgagni trouve brachium dans un manuscrit; et cette leçon lui paraît d’autant plus importante, qu’elle existe également dans la Chirurgie de Vésale, lib. II, cap. viii, où ce passage de Celse est reproduit. C’est donc entre un béton et l’avant-bras que les commentateurs ont à choisir. Quant à moi, je m’explique mal, je l’avoue, comment un bâton placé entre les cuisses du malade, et tenu d’une seule main par un aide, pourrait faciliter l’extension du bras fracturé. [9] La position qu’il doit garder. Autre altération du texte. Il est évident, dit Taras, qu’il manque quelque chose après les mots sic inclinandum est; car le texte doit indiquer la position du membre, et donner les raisons de cette position. La lacune est indiquée par trois astérisques dans la 2e édit. [10] Au traitement des blessures. J’aurais pu, sur l’autorité de Targa, me dispenser de traduire les mots [cetera eadem], qui, selon toute apparence, ont été transposés par inadvertance de copiste. On les retrouve, en effet, un peu plus loin, à la place qu’ils doivent avoir. [11] Envahir par la gangrène. J’ai suivi pour œ passage le texte de la 2e édit. On lit dans la première Deligandaque fasciis sunt aliquanto quam vulnus, latioribus; laxius scilicet, quamsi ea plaga non esset. Au lieu de latioribus Targa rétablit laxioribus, et retranche les mots quam vulnus et laxius scllicet, qui lui paraissent avoir été ajoutés au texte par suite d’une fausse interprétation. Ces suppressions rendent, en effet, le sens plus clair et plus précis; et la recommandation de ne pas trop serrer les bandes reçoit aussitôt son explication. Déjà l’auteur, liv. v, cap. xxvi, sect. 24, à l’occasion du salement des blessures, a dit formellement que ce qui est trop serré est exposé à la gangrène; il avertit maintenant que ce danger est encore plus à craindre, quand la fracture est compliquée de plaie. [12] De les produire soi-même ou de les agrandir. Cette partie du texte est tellement altérée dans tous les manuscrits consultés par Targa, qu’il est impossible de saisir la pensée de l’auteur. Le désordre est, pour ainsi dire, égal dans les éditions imprimées. Au milieu de tant de variantes, la nécessité d’avoir un sens plausible m’a fait adopter celle de Constantin, et j’ai traduit comme s’il y avait: Cum tam misera antea conditio vulneris sit, tamen id interdum majus latiusque facies. Voy. Targa, p. 618, note 55, 1re édit. [13] Se sépare de l’acromion: Ab humero recedit. Constantin pense qu’il s’agit ici de l’acromion. On ne peut guère douter, en effet, que Celse n’ait eu en vue un passage du Traité des articulations, § 12, où Hippocrate parle de l’arrachement de l’acromion. Qu’entend.il par là? Ambroise Paré veut que cela s’applique à la luxation de l’extrémité acromiale de la clavicule. C’est aussi l’opinion de Morgagni, qui propose de remplacer humero par jugulo; car, dit-il, la clavicule s’articule avec l’acromion comme le tibia avec le péroné, ou, si vous l’aimez mieux, comme le radius avec le cubitus; et il n’en est pas ainsi de l’humérus et de l’omoplate. « Les algues que donne Hippocrate, dit M. Littré, sont que l’os arraché fait saillie, que le moignon de l’épaule est bas et creux, et que cette luxation simule une luxation de l’humérus. Ces signes sont ceux de la luxation acromiale de la clavicule. » C’est le cas de rappeler aussi que, dans l’antiquité, quelques anatomistes faisaient de l’acromion un petit os distinct de l’omoplate. M. Littré cite à ce sujet Eudême, qui parait avoir été contemporain d’Hérophile, Rufin, Galien et Paul d’Egine. Non seulement ce dernier admet ce petit os, mais encore, après avoir décrit la luxation acromiale de la clavicule, il décrit, à part, la luxation de cet acromion. (Voy. Oeuvr. Compl. Hippoc., trad. Littré, t. IV, p. 13) [14] Dans les fractures des os mobiles: In ossibus mobilibus laesis; ces mots étaient suivis de ceux-ci : aliquid ubi incidit, protinus is locus..., qui appartiennent précisément à la phrase précédente. En les conservant, le sens devenait absolument inintelligible. Targa les a de même retranchés dans la 2e édit. [15] Car ce que dit Hippocrate. Au procédé de réduction par le talon, Hippocrate en joignait un autre, dont la lignes suivante donnera facilement l’idée.
A. Madrier sur lequel se pratiquent l’extension et la contre-extension. BB. Bois en forme de pilon, avec lesquels ou pratique l’extension et la contre-extension. C. Liens passée autour de la poitrine et sous les aisselles, et attachés au pilon. D. Liens passés au-dessus des genoux et des talons, et attachés au pilon. E. Liens passés autour des lombes, et attachés au pilon. F. Entaille pratiquée dans la muraille, un peu au-dessous du niveau de l’échine; un des bouts de la planche y est engagé. G. Planche avec laquelle on exerce la compression sur le lieu de la luxation. (Hipp., t. IV, p. 203, édit. Littré.) [16] Pousse l’avant-bras contre la poitrine. Le texte a prodigieusement souffert en cet endroit de l’ignorance des copistes, et l’on ne pourrait en tirer aucun sens plausible, sans les corrections faites par Targa dans sa 2e édit.; corrections que j’ai dû suivre, parce que le texte ainsi restitué offrait un procédé de réduction facile à comprendre, et beaucoup moins éloigné de celui d’Hippocrate. (Voy. Traité des articul., t. IV, § 2, p. 83 , édit. Littré. Voyez aussi Targa, p. 527, note 16 et 17, 1re édit.; et p. 472, note 4, 2e éd.) [17] Dans sa cavité naturelle. Cette figure fera comprendre la réduction par l’échelle ou par l’ambe.
A est la pièce de bois garnie d’un rebord saillant à une de ses extrémités, et destinée à être mise sous le bras luxé. Voy. la description faite par Celse, p. 273, entre la note 16 et 17. (Hipp., t. IV, p. 91, édit. Littré.) [18] La rupture des ligaments et des muscles. Celte planche représente le banc d’Hippocrate, ainsi que les moyens employés chez les anciens pour pratiquer l’extension et la contre-extension; moyens tellement puissants, qu’en donnant aux deux treuils un mouvement de rotation exagéré, on peut, comme le dit Celse, arriver à produire la rupture des ligaments et des muscles.
A. Planchette suffisamment longue, mise sous le membre luxé. B. Traverse de bois placée entre les supports. CC. Supports. D. Membre luxé étendu sur la planchette, et passé pardessus la traverse. EE. Extension et contre-extension. (Mpp., t. IV, p. Soi, édit. Littré). Ces trois dernières planches, empruntées à la chirurgie d’Hippocrate, existaient déjà dans Vidus Vidius et dans l’Armamentarium chirurgicum de Scultet; mais, par les heureuses corrections qu’il leur a lait subir, M. Littré les a rendues beaucoup plus exactes, et par suite beaucoup plus faciles h comprendre. Mon choix ne pouvait donc être douteux; et c’est à l’obligeance de son éditeur, M. J. B. Baillère, que je dois d’avoir pu les reproduire ici. (Hipp., t. IV, p301, édit. Littré.)
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