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table des matières de CELSE

 

CELSE

 

LIVRE ΙI

 

introduction - livre I - livre III

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

 

 

 

 
CELSE.

TRAITÉ DE LA MÉDECINE.

LIVRE II.

PRÉAMBULE. — Quelles sont les époques de l'année, les températures, les périodes de la vie, et les constitutions qui résistent ou prédisposent le plus aux influences morbides, et quel est le genre de maladies qu'on a le plus à redouter
 I. Il n'est pas de saison plus favorable que le printemps; vient ensuite l'hiver; on court plus de dangers en été, et de bien plus grands encore en automne. Chaudes ou froides, les températures égales sont les meilleures, et les plus fâcheuses sont caractérisées par d'extrêmes variations. — Maladies qui se rattachent à ces diverses saisons. ou qui s'expliquent par l'influence de l'âge et de la constitution
II. Des signes précurseurs de la maladie
III. Des signes favorables
IV  Del signes fâcheux
V. Des signes qui annoncent que la maladie sera longue ..
VI. Des signes qui présagent la mort
VII. Des signes propres à chaque espèce de maladie
VIII. Des signes qui font espérer ou craindre dans chaque espèce de maladie
IX. Des moyens de traitement applicables aux maladies
X. De la saignée par la lancette
XI. De la saignée par les ventouses
XII. De la purgation
XIII. Du vomissement
XIV. Des frictions
XV. De la gestation
XVI. De la diète
XVII. De la sueur
XVIII. Des aliments solides et liquides — Celse les divise en trois classes d'après leurs qualités nutritives
XIX. De la nature et des propriétés de chaque espèce d'aliment
XX. Des aliments de bon suc
XXI. De aliments de mauvais suc
XXII. Des aliments doux et de ceux qui sont âcres
XXIII. Des aliments qui épaississent ou atténuent la pituite
XXIV. Des aliments convenables à l'estomac
XXV. Des aliments nuisibles à l'estomac
XXVI. Des aliments qui produisent des flatuosités
XXVII. Des aliments qui réchauffent ou qui rafraîchissent
XXVIII. Des aliments qui se corrompent facilement dans l'estomac
XXIX. Des aliments qui relâchent le ventre
XXX. Des aliments qui resserrent le ventre
XXXI. Des aliments qui sollicitent les urines.
XXXII. Des aliments qui portent au sommeil.
XXXII. Des moyens diététiques qui attirent les humeurs au dehors

Plusieurs signes font présager l'invasion de la maladie. En les faisant connaître je n'hésiterai pas à invoquer l'autorité des anciens et surtout celle d'Hippocrate, car bien que les modernes aient fait subir quelques modifications à la méthode curative, ils n'en reconnaissent pas moins la supériorité de ce dernier dans le pronostic. Mais avant de parler de ces signes précurseurs qui doivent alarmer le médecin, il est, je crois, de mon sujet d'indiquer les époques de l'année, les températures, les périodes de la vie et les constitutions qui résistent ou prédisposent le plus aux influences morbides, ainsi que le genre de maladies qu'on a le plus à redouter. En tout temps, il est vrai, en toute saison, à tout âge, et quelle que soit sa constitution, l'homme peut être atteint et mourir de toute espèce de maladies, mais certaines affections se montrant plus fréquemment, il importe à chacun de savoir contre laquelle et dans quels moments il a principalement à se tenir en garde.


I. Il n'est pas de saison plus favorable que le printemps; vient ensuite l'hiver; on court plus de dangers en été et de bien plus grands encore en automne. Chaudes ou froides, les températures égales sont les meilleures, et les plus fâcheuses sont caractérisées par d'extrêmes variations. De là vient que l'automne est fatal à tant de monde. Alors, en effet, la chaleur se fait sentir vers le milieu du jour, tandis que les nuits, les matinées et les soirées sont froides. Or, le corps relâché pendant l'été, et qui l'est encore à midi par l'élévation de la température, se trouve bientôt après exposé brusquement à l'action du froid. C'est dans cette saison surtout que se font remarquer ces vicissitudes; mais en quelque temps qu'elles arrivent, elles sont toujours pernicieuses. Quand il n'existe point de variations dans l'air, les jours sereins sont les plus salutaires, et mieux vaut encore les avoir pluvieux que chargés de nuages et de brouillards. En hiver, il faut préférer les jours où les vents ne soufflent pas, et en été ceux où règne un vent d'ouest. A défaut de celui-ci, les vents du septentrion sont plus favorables que ceux de l'est ou du midi. Néanmoins, leur salubrité dépend quelquefois des lieux d'où ils viennent; ainsi presque toujours le vent qui s'élève du milieu des terres est sain, tandis qu'il est insalubre s'il souffle du côté de la mer. Non seulement la santé se conserve mieux par une bonne température, mais le beau temps abrège encore les maladies existantes, et les rend plus légères. Pour un malade, le ciel le plus inclément est ce-lui sous lequel il a perdu la santé, aussi dans cet état fera-t-il bien d'en choisir un autre, fût-il généralement plus contraire. C'est au milieu de la vie qu'on est le moins exposé, car on n'a pas plus à redouter l'ardeur de la jeunesse que le refroidissement de l'âge sénile. On observe plus souvent les maladies aiguës chez le jeune homme, et chez le vieillard les maladies chroniques. Le corps le plus dispos est celui dont les formes sont carrées, sans maigreur et sans obésité. Si une taille élevée sied bien à la jeunesse, elle oblige en revanche le vieillard à se courber prématurément La maigreur rend le corps débile, et l'excès d'embonpoint émousse la sensibilité. C'est au printemps surtout que les effets de l'agitation des humeurs sont à craindre, et c'est précisément alors que surviennent les ophtalmies, les postules, les hémorragies, les abcès appelés par les Grecs apostèmes, l'atrabile qu'ils nomment mélancolie, la frénésie, l'épilepsie, l'angine, les fluxions, et les catarrhes. Dans cette saison règnent aussi les maladies des articulations et des nerfs, avec toutes leurs alternatives de rémission et d'exacerbation. Sans être exempt du plus grand nombre de ces affections, l'été donne de plus naissance aux fièvres continues, ardentes ou tierces, aux vomissements, aux flux de ventre, aux douleurs d'oreille, aux ulcères de la bouche, aux chancres qui peuvent envahir toutes les parties du corps, mais principalement les parties génitales; et enfin à l'épuisement produit par des sueurs excessives. Il n'est pas une de ces maladies pour ainsi dire qu'on ne puisse rencontrer en automne; mais on observe de plus alors les fièvres erratiques, les douleurs de rate, l'hydropisie, la consomption qui a reçu des Grecs le nom de phtisie, la difficulté d'uriner qu'ils appellent strangurie, l'affection iliaque de l'intestin grêle iléon, le relâchement particulier des intestins nommé par eux lienterie, les douleurs sciatiques, et les attaques d'épilepsie. C'est l'époque où succombent les personnes affaiblies par des maux invétérés, et cous le poids encore des chaleurs récentes de l'été ; d'autres sont enlevées par les maladies propres à la saison ou contractent des affections d'une longueur extrême, telles par exemple que les fièvres quartes, qui sévissent aussi pendant l'hiver. En aucun temps on ne voit régner plus souvent les épidémies, quelles qu'elles soient, quoique l'automne exerce déjà de mille manières son influence pernicieuse. L'hiver suscite des douleurs de tête, de la toux, des maux de gorge, des points de coté, et toutes les maladies des viscères. Quant aux vents, l'aquilon provoque la toux et l'enrouement, resserre le ventre, supprime les urines, détermine des frissons, des douleurs de coté et de poitrine ; néanmoins, il raffermit les bonnes constitutions, et rend plus alerte et plus agile. Le vent du midi fait perdre à l'ouïe sa finesse, aux sens leur activité; il occasionne des maux de tête, relâche les entrailles, et jette le corps dans la langueur, la mollesse et l'engourdissement. Les autres vents, selon qu'ils se rapprochent de celui du nord ou du midi, produisent des effets analogues à ceux que nous indiquons. Toute chaleur enfin détermine l'inflammation du foie et de la rate, appesantit l'esprit, et entraîne des syncopes et des hémorragies. Le froid amène les convulsions ou la rigidité des nerfs. On donne en grec le nom de spasme au premier état, et celui de tétanos au second. C'est au froid que sont dus la gangrène des ulcères et les frissons qui accompagnent les fièvres. Dans les temps de sécheresse, surviennent les fièvres aiguës, les ophtalmies, les tranchées, les difficultés d'uriner, et les douleurs articulaires. Par des temps de pluie, naissent les fièvres continues, les dévoiements, les angines, les chancres, les attaques d'épilepsie, et la résolution des nerfs, paralysie des Grecs. Il ne faut pas seulement tenir compte des jours présents, mais aussi de ceux qui les ont précédés. Si l'hiver en effet a été sec et agité par les vents septentrionaux, et que le printemps soit pluvieux et soumis aux vents du midi, on verra le plus souvent apparaître des ophtalmies, des dysenteries, des fièvres, qui séviront de préférence sur les personnes dont la constitution est molle, et par conséquent sur les femmes. Si au contraire à un hiver pluvieux, et placé sous l'influence des vents du midi, succède un printemps sec et froid, il en résulte que les femmes enceintes et avancées déjà dans leur grossesse sont menacées d'avortement, ou ne mettent au monde, lorsqu'elles arrivent à terme, que des enfants débiles et à peine viables. Les autres individus sont affectés d'ophtalmies sèches, ainsi que de fluxions et de catarrhes, s'ils sont âgés. Mais si les vents du midi n'ont pas cessé de régner depuis le commencement de l'hiver jusqu'à la fin du printemps, on observera des pleurésies, et le délire fébrile appelé frénésie, qui seront rapidement mortels. Si dès les premiers jours du printemps et pendant l'été il a fait constamment chaud, les fièvres seront accompagnées de sueurs considérables. S'il y a eu de la sécheresse pendant l'été, avec un vent du nord, et si le vent du midi règne en automne avec des pluies, il se manifestera, l'hiver suivant, de la toux, des rhumes, et des enrouements ; quelques-uns même seront minés par la consomption. En supposant au contraire que l'automne soit aussi sec que l'été, et de même exposé à l'aquilon, les sujets dont la constitution est molle, et principalement les femmes comme je l'ai dit, jouiront alors d'une bonne santé. Ceux qui ont une complexion plus ferme peuvent être atteints d'ophtalmies sèches, de fièvres en partie aiguës et en partie chroniques, et de maladies engendrées par l'atrabile. Quant aux époques de la vie, les enfants et les adolescents se portent mieux dans le printemps et au commencement de l'été, les vieillards mieux en été et au commencement de l'automne; les jeunes gens et les hommes dans la force de l'âge, mieux en hiver. On supporte plus difficilement l'hiver au déclin de la vie, et moins bien l'été lorsqu'on est jeune. Dans la première et la seconde enfance si la santé se dérange, les malades sont très sujets à des ulcères serpigineux de la bouche, appelés aphtes en grec, ainsi qu'à des vomissements, des insomnies, des écoulements d'oreille, et des inflammations autour de l'ombilic. Au moment de la dentition particulièrement, ils présentent des ulcérations superficielles aux gencives, et sont pris de convulsions, de fièvres légères et de dévotement, surtout quand les dents canines sont prêtes à sortir. Ces accidents s'observent fréquemment chez les enfants trop gros, et qui ont le ventre trop resserré. A un âge un peu plus avancé, surviennent les engorgements des glandes, les déviations des vertèbres, les écrouelles, des espèces de verrues douloureuses nommées en grec ἀκροχορδόνες, et plusieurs autres sortes d'excroissances. Un grand nombre de ces affections persiste encore à la puberté, et de plus il se manifeste des fièvres de longue durée et des hémorragies nasales. C'est vers le quarantième jour que l'enfance a le plus de dangers à courir, puis au septième mois, à la septième année, et ensuite aux approches de la puberté. Si à cette époque, et après les premiers rapports sexuels, les maladies des garçons ne sont pas terminées, et si elles persévèrent chez les filles après l'éruption des règles, elles deviennent souvent difficiles à vaincre. En général cependant les maladies de l'enfance qui se sont prolongées jusqu'à ces limites ne vont pas au delà. L'adolescence est très exposée aux affections aiguës, à l'épilepsie et à la consomption, et ce sont presque toujours les jeunes gens qui crachent le sang. Après cet âge, arrivent les pleurésies, les pneumonies, la léthargie, le choléra, la frénésie, et l'écoulement de sang par les orifices de certaines veines, ce que les Grecs nomment hémorroïdes. Il y a dans la vieillesse embarras de la respiration, difficulté d'uriner, catarrhes, douleurs dans les articulations et les reins, paralysie, mauvais état du corps désigné par les Grecs sous le nom de cachexie, insomnies, maladies des oreilles, des yeux et du nez toujours opiniâtres, relâchement d'entrailles, et par suite tranchées, lienterie, et toutes les incommodités qui résultent de la trop grande liberté du ventre. Indépendamment de ces affections, les sujets maigres ont à craindre la consomption, la diarrhée, les rhumes, les points de côté et les douleurs des viscères. Les gens surchargés d'embonpoint sont plutôt enlevés par des maladies aiguës et des suffocations, et périssent souvent de mort subite, ce qui n'arrive presque jamais aux personnes dont la constitution est grêle.

II. Il existe, ainsi que je l'ai dit plus haut, des signes précurseurs de la maladie, qui tous ont pour effet de modifier l'état habituel du corps, non seulement en le rendant plus grave, mais encore en l'améliorant. Si par exemple on a plus d'embonpoint et le teint plus brillant et plus coloré que de coutume, on doit suspecter ces nouveaux avantages, par la raison que, ne pouvant pas plus se maintenir qu'augmenter, ils sont suivis bientôt d'un mouvement rétrograde au détriment de la santé. L'indice est plus grave cependant quand la maigreur survient à l'improviste, et que les couleurs et la bonne mine disparaissent. En effet, on peut abandonner à la maladie ce qui se trouve en excès ; mais si déjà l'on est au-dessous de ses forces, on n'en a plus assez pour supporter le mal. Il y a lieu de s'inquiéter encore, si les membres s'appesantissent, si des ulcères reviennent fréquemment, si la chaleur du corps est plus élevée, si le sommeil est lourd et accablant, si l'on est tourmenté par des songes tumultueux, si l'on s'éveille plus souvent pour se rendormir ensuite, si pendant le sommeil la sueur, contre l'ordinaire, se borne à certaines parties, comme la poitrine, le cou, les cuisses, les genoux, les hanches. Il en sera de même si l'esprit est abattu, et que l'on répugne à parler et à se mouvoir ; si le corps est engourdi, s'il existe une douleur à la région précordiale ou dans toute la poitrine, ou s'il y a des maux de tête, comme cela arrive chez le plus grand nombre; si la bouche est remplie de salive, si les mouvements des yeux sont douloureux, s'il y a resserrement des tempes, si les membres sont agités de frissons, si la respiration est plus difficile, si les veines du front sont gonflées et battent avec violence, s'il y a bâillements répétés, fatigue dans les genoux, ou lassitude générale. Ces signes pour la plupart sont les avant-coureurs de la fièvre, et quelques-uns du moins la précèdent toujours. Mais il faudra rechercher d'abord ceux qui peuvent exister habituellement chez un individu sans entraîner d'accidents ; car il y a des dispositions personnelles qu'il est important de connaître, pour porter un pronostic assuré. On n'a donc rien à craindre, s'il s'agit de ces signes qui se sont manifestés souvent sans présenter de gravité ; mais il faut au contraire se préoccuper de ceux qui apparaissent pour la première fois, ou dont on n'a pu se préserver déjà qu'en s'entourant de précautions.

III. Dès qu'un malade a la fièvre, il convient de savoir qu'il n'est point en danger, s'il peut comme bon lui semble se coucher indifféremment des deux cotés, les cuisses étant un peu fléchies, position naturelle de l'homme en santé. Il n'est point exposé non plus s'il se retourne aisément, s'il dort la nuit et reste éveillé tout le jour, si sa respiration est libre, s'il n'a point de tristesse, si le bas-ventre et la région ombilicale conservent leur embonpoint, si les hypocondres ne sont point douloureux et sont également souples de chaque côté, ou si, nonobstant un peu de gonflement, ils cèdent à la pression des doigts, sans accuser de sensibilité. Alors, quoique l'état morbide puisse durer quelque temps, il doit avoir une heureuse terminaison. On n'a pas à s'alarmer davantage, si le corps est dans un état de souplesse et de chaleur convenables, si la sueur se répand également sur tous les membres, et si elle sert à juger la fièvre. L'éternuement est encore un indice favorable, de même que l'appétit, soit qu'il ait toujours persisté, soit qu'il succède à l'inappétence. Une fièvre qui ne dure qu'un jour ne peut inspirer d'inquiétude, non plus que celle dont la durée est plus longue, mais qui s'évanouit d'elle-même avant un nouvel accès ; si bien que le corps revient à son intégrité, état que les Grecs appellent εἰλικρινὲς. Il n'y a pas à s'effrayer s'il survient des vomissements mêlés de bile et de pituite, et si l'on remarque dans les urines un sédiment blanc, lisse et uni, ou quelques nuages à la surface, qui ne tardent pas à se précipiter. On est exempt de tout péril, quand les selles sont molles et moulées comme dans l'état de santé, qu'elles arrivent à peu près aux mêmes heures, et se trouvent dans un rapport convenable avec les aliments ingérés. Le flux de ventre est plus à craindre ; mais il ne faut pas s'inquiéter prématurément, si le ventre est moins relâché chaque matin, s'il se resserre par degrés au bout de quelque temps, et si les matières jaunâtres n'out pas plus de fétidité que chez l'homme bien portant. Il n'y a rien de fâcheux non plus à rendre quelques lombrics sur la fin de la maladie. Quand les gaz déterminent à la région supérieure du ventre du gonflement et de la douleur, c'est un bon signe que les borborygmes gagnent les parties inférieures; et ce qui vaut mieux encore, c'est d'expulser ces gaz sans difficulté avec les matières alvines.

IV. On doit s'attendre au contraire à une affection des plus graves, lorsque le malade est couché sur le dos les bras et les jambes étendus ; lorsque, dans la violence d'un état aigu, d'une inflammation des poumons surtout, il veut rester assis ; lorsqu'enfin il est tourmenté d'insomnies pendant la nuit, bien qu'il obtienne le jour un peu de sommeil ; et encore ce sommeil est-il moins bon entre la dixième heure et la nuit, qu'à partir du matin jusqu'à dix heures (01). Cependant si le malade ne repose ni jour ni nuit, le présage est bien plus alarmant; car il est pour ainsi dire impossible qu'une pareille insomnie n'ait pas sa cause dans une douleur constante. C'est un signe également contraire qu'un sommeil excessif ; et il devient plus sérieux encore, si l'assoupissement se prolonge le jour et la nuit. Voici ce qui dénote aussi la gravité du mal : une respiration fréquente et laborieuse, des frissons commençant le sixième jour, des crachats purulents, la difficulté de l'expectoration, la continuité des souffrances, l'impatience à supporter son mal, l'agitation déréglée des bras et des jambes, les pleurs involontaires, l'enduit visqueux qui s'attache aux dents, l'amaigrissement des régions ombilicale et pubienne, l'inflammation des hypocondres avec douleur, dureté, tension et gonflement, phénomènes plus dangereux du côté droit, et auxquels peut s'ajouter enfin le plus périlleux de tous, le battement violent des vaisseaux de ces parties. Autres signes fâcheux : émaciation rapide, froid à la tête, aux mains et aux pieds, et en même temps chaleur au ventre et aux côtés, froid des extrémités au plus fort d'une affection aiguë, frissons après la sueur, hoquets ou rougeur des yeux après avoir vomi, dégoût des aliments succédant à l'appétit ou à des fièvres de longue durée, sueurs immodérées, selles qui sont froides surtout, ou bien celles qui ne sont pas générales et ne jugent point la fièvre. Il faut craindre les fièvres qui reviennent chaque jour à la même heure, qui ont des accès semblables et ne diminuent pas le troisième jour, ou qui se composent de redoublements et de rémissions, sans jamais offrir d'intermittence. Mais les plus redoutables sont les fièvres continues qui se maintiennent toujours au même degré de violence. Il y a danger quand la fièvre se déclare après la jaunisse, surtout si l’hypocondre droit est resté dur. Quand la douleur persiste dans cette partie, toute fièvre aiguë doit donner de vives inquiétudes; il en est de même des convulsions qui se manifestent dans le cours d'une fièvre aiguë, ou qui surviennent au réveil. Il est de mauvais augure de s'effrayer en dormant, de présenter dès le début de la fièvre du désordre dans l'intelligence, ou d'être atteint de paralysie partielle. Dans ce dernier cas on peut bien ranimer le membre affecté, mais presque jamais il ne reprend la force qu'il a perdue. Les vomissements de bile ou de pituite pure ont de la gravité, surtout si les matières vomies sont vertes ou noires. L'urine dont le sédiment est ronge et uni est mauvaise ; elle l'est plus encore quand elle laisse voir des espèces de lamelles minces et blanches; et la plus mauvaise enfin est celle où l'on aperçoit des nuages furfuracés. L'urine ténue et sans couleur (02) est aussi défavorable, principalement dans la frénésie. L'extrême constipation est à redouter, mais pas plus que le dévotement qui survient pendant la fièvre et ne permet pas au malade de rester au lit ; le danger même augmente, si les matières sont très liquides, décolorées, blanchâtres ou écumeuses, ou bien peu abondantes, glaireuses, lisses, blanches, un peu pâles, ou encore, si elles sont livides, bilieuses, sanguinolentes, et d'une odeur plus forte qu'à l'ordinaire. Il n'est pas bon enfin que les évacuations soient sans mélange après les fièvres de longue durée.

V. Quand les symptômes que nous venons d'exposer se rencontrent, il est à désirer que la maladie se prolonge; et même il faut qu'il en soit ainsi ou le malade succombe. La seule chance de salut dans les affections graves, c'est d'épuiser leur violence en gagnant du temps, jusqu'au moment où l'on peut faire prévaloir les moyens curatifs. Il est permis cependant d'entrevoir dès le début, à l'aide de certains signes, qu'une maladie traînera en longueur, sans être pour cela mortelle. On portera ce jugement, si dans une fièvre non aiguë on observe des sueurs froides limitées à la tête et au cou, ou des sueurs générales avec persistance de la fièvre ; s'il y a des alternatives de chaud et de froid ; si la coloration varie d'un instant à l'antre, si les abcès survenus dans le cours d'une fièvre ne se guérissent pas ; si le malade a peu maigri comparativement à la durée de son affection ; si l'urine est pure, limpide dans un temps et un peu sédimenteuse dans un autre ; si le dépôt est lisse, blanc ou rouge, ou bien formé de petits grumeaux, ou s'il s'élève de petites bulles à la surface.

VI. Malgré le danger que font craindre de pareils symptômes, tout espoir n'est pas perdu; mais il y a présage de mort quand le nez est effilé, les tempes affaissées, les yeux caves, les oreilles froides sans ressort, relevées légèrement par en bas, la peau du front dure et tendue, et la coloration noire ou blême. L'imminence est plus grande encore, s'il n'y a eu précédemment ni veilles prolongées, ni diarrhée, ni abstinence extrême. Ces causes peuvent quelquefois produire la même altération dans les traits; mais leur influence ne s'étend pas au delà d'un jour, et quand cet état persiste, il annonce la mort. Elle est prochaine si ces symptômes durent depuis trois jours, à une époque avancée de la maladie, surtout si les yeux fuient la lumière et se remplissent de larmes, si le blanc se colore en rouge et que les veinules apparaissent avec une teinte livide, si l'œil est rempli de chassie qui s'attache principalement aux angles, si l'un est plus petit que l'autre, s'ils sont profondément enfoncés ou saillants, si pendant le sommeil et sans diarrhée précédente les paupières entr'ouvertes font apercevoir une partie du blanc de l'œil, si les paupières sont pâles et que cette pâleur décolore aussi les lèvres et les narines, si le nez, les lèvres, les yeux, les paupières et les sourcils, ou seulement quelques-uns de ces traits, sont décomposés; si le malade enfin en raison de sa faiblesse est incapable de voir et d'entendre. Ce qui dénonce également une terminaison fatale, c'est quand le malade est couché sur le dos, les genoux serrés l'un contre l'autre, qu'il se laisse continuellement glisser vers les pieds du lit, qu'il découvre ses bras et ses jambes et les jette ça et là, qu'il a les extrémités froides, qu'il reste la bouche ouverte, qu'il dort sans cesse, qu'étant sans connaissance il est pris d'un grincement de dents qui ne lui était pas familier, et qu'une plaie survenue avant ou pendant la maladie devient sèche, pâle ou livide. Voici encore des indices funestes : les ongles et les doigts prennent une teinte livide, l'haleine est froide; le malade, dans une fièvre, une affection aiguë, le délire, l'inflammation du poumon ou la céphalalgie, arrache brin à brin le duvet, ou étend les franges de ses couvertures, ou cherche à détacher les paillettes du mur. Les douleurs des hanches et des extrémités inférieures, qui après, avoir passé dans les viscères, disparaissent tout à coup, témoignent que la mort est proche, surtout quand d'autres signes s'ajoutent à celui-ci. Si pendant la fièvre, et sans apparence de tumeur, le malade est atteint de suffocation et ne peut avaler sa salive, ou s'il éprouve une distorsion du cou qui l’empêche de rien prendre, on ne parviendra pas à le sauver. Il succombera de même, si, dans le cours d'une fièvre continue, il est pris d'une faiblesse extrême; si, la fièvre persistant, il est saisi de froid à la surface du corps, tandis qu'à l'intérieur la chaleur est assez grande pour exciter la soif, ou s'il est à la fois en proie au délire et à la difficulté de respirer ; s'il tombe en convulsion pour avoir pris de l'ellébore, ou s'il perd la parole à la suite d'un état d'ivresse. Sa perte est assurée dans l'un et l'autre cas, à moins que la fièvre ne vienne le délivrer des convulsions, ou que, l'ivresse étant dissipée, il ne commence à recouvrer la parole. Les maladies aiguës chez les femmes enceintes sont fréquemment suivies de mort. On doit la présager aussi, si le sommeil augmente la douleur, si l'on rend spontanément de la bile noire par haut ou par bas an commencement d'une maladie, ou si cette évacuation s'opère par l'une ou l'autre voie chez un sujet épuisé déjà par la durée de son affection. Même présage, si l'on expectore de la bile et du pas à la fois ou séparément Quand ces crachats surviennent vers le septième jour, c'est vers le quatorzième que la mort a lieu généralement, a moins qu'il ne se manifeste de nouveaux symptômes moins violents ou plus graves, dont le résolut serait alors de rendre cette terminaison plus tardive ou plus prompte. Dans les fièvres aiguës, les sueurs froides sont funestes, et dans toute maladie on en peut dire autant des vomissements qui varient et sont de plusieurs couleurs, surtout quand les matières sentent mauvais. Vomir le sang pendant la fièvre n'est pas moins funeste. L'urine, quand elle est rouge et ténue, accuse une grande crudité, et souvent le malade est enlevé avant qu'elle ait pu venir à coction ; de sorte que ce caractère, en persévérant, annonce une issue fatale. La plus pernicieuse néanmoins, celle qui précède la mort, est l'urine noire, épaisse et fétide ; et c'est pour les hommes et les femmes la plus à craindre, de même que pour les enfants celle qui est aqueuse et ténue. Les selles qui varient attestent un égal péril ; elles sont composées de matières semblables à des raclures, de matières bilieuses, sanguinolentes et verdâtres, rendues isolément de temps à autre, ou évacuées tout à la fois, et quoique mélangées demeurant distinctes. Malgré cela, le malade peut traîner encore quelque temps ; mais il touche évidemment à sa fin, s'il a des selles liquides, noires, livides ou graisseuses, et caractérisées surtout par leur fétidité. On peut me demander sans doute comment il se fait, puisqu'il y a des indices certains de la mort, que des malades abandonnés des médecins aient néanmoins recouvré la santé, et que d'autres soient revenus au monde du sein même de leurs funérailles. On ajoutera que Démocrite, homme d'un si grand nom, prétendait que, pour établir la cessation de la vie comme fait accompli, on n'avait pas de caractères assez positifs; et qu'à plus forte raison il était éloigné de convenir qu'on pût pronostiquer une mort éventuelle par des signes irrécusables. Je ne chercherai pas à prouver que l'analogie qui existe souvent entre plusieurs symptômes peut en effet égarer, non le praticien habile, mais le médecin sans expérience ; qu'Asclépiade par exemple, rencontrant un convoi, sut bien reconnaître à l'instant que celui qu'on allait inhumer n'avait point cessé de vivre, et qu'après tout l'art n'est pas responsable des fautes de celui qui l'exerce. Je dirai plus simplement : La médecine est un art conjectural qui doit par cela même abuser quelquefois, bien que presque toujours l'événement donne raison à ses conjectures; et lorsque sur mille personnes l'erreur se rencontre une fois à peine, la confiance n'en saurait être ébranlée, puisqu'elle repose encore sur le témoignage d'une foule innombrable. Ce que je dis ici des signes funestes s'entend également de ceux qui sont d'un heureux présage ; car on est parfois déçu dans ses espérances, et tel vient à succomber, dont l'état n'inspirait d'abord aucune inquiétude. De même, les remèdes employés pour guérir produisent quelquefois un effet contraire. C’est le sort de la faiblesse humaine de ne pouvoir échapper à ces déceptions, au milieu de la diversité si grande des tempéraments ; et cela ne doit pas empêcher de croire à la médecine, par cette raison que, dans la plupart des cas et chez le plus grand nombre de malades, elle est évidemment utile. Il ne faut pas ignorer cependant que c'est principalement dans les maladies aiguës que les indices de vie et de mort sont trompeurs.

VII. Après avoir exposé les signes communs à toutes les maladies, j'arrive à m'occuper de ceux qui sont propres à chaque espèce. Quelques-uns dénotent avant la fièvre, et d'autres durant l'état fébrile, ce qui se passe à l'intérieur, ou ce qui doit survenir. Avant la fièvre, s'il y a pesanteur de tête, si au sortir du sommeil la vue reste obscurcie, ou si l'on observe de fréquents éternuements, on peut craindre un afflux de pituite vers la tête. Y a-t-il pléthore sanguine, augmentation de la chaleur, une hémorragie a lieu d'ordinaire par quelque partie du corps. Si l'on maigrit sans motif, on est menacé de tomber dans la cachexie. Quand il y a douleur ou gonflement extrême des hypocondres, ou lorsque pendant tout le jour les urines n'offrent pas les caractères de la coction, il est manifeste que la digestion se fait mal. Ceux qui, sans avoir la jaunisse, conservent longtemps de mauvaises couleurs, sont affligés de maux de tête, ou portés à manger de la terre. Les personnes qui, depuis longtemps aussi, ont le visage pâle et bouffi, souffrent de la tête, des viscères ou des entrailles. Si dans une fièvre continue, un enfant ne va point à la selle, s'il change de couleur, qu'il n'ait point de sommeil et pleure constamment, les convulsions sont à craindre. Des rhumes fréquents chez les sujets dont le corps est grêle et allongé feront appréhender la phtisie. Lorsque depuis plusieurs jours il n'y a pas eu d'évacuations alvines, il fout s'attendre à une diarrhée subite ou à une fièvre légère. Quand les pieds sont enflés, que les déjections se prolongent, qu'on ressent de la douleur dans le bas-ventre et dans les hanches, l’hydropisie est menaçante, et c'est ordinairement vers les flancs qu'elle commence à paraître. On court le même danger lorsque, malgré les envies d'aller A la selle, on ne rend rien que des matières dures et avec beaucoup de peine, quand on a de plus les pieds enflés, et que l'enflure occupe aussi tantôt le côté droit, tantôt le côté gauche du ventre, où elle se montre et disparaît tour à tour. Dans ce cas, la maladie semble partir du foie. Comme indices de la même affection, on notera les tranchées autour de l'ombilic (στόφοι en grec), et les douleurs persistantes des hanches, auxquelles le temps et les remèdes n'apportent aucun soulagement. Les douleurs articulaires qui ont leur siège aux pieds, aux mains, ou à quelque autre partie, et qui déterminent en cet endroit la rétraction des nerfs, ou bien la lassitude dans les membres pour la cause la plus légère, et la sensibilité au froid et au chaud, seront considérées comme avant-coureurs de la goutte, laquelle se fixera soit aux pieds, soit aux mains, ou sur toute autre articulation affectée de la même manière. Ceux qui dans leur enfance étaient sujets aux hémorragies nasales, et chez qui elles ont cessé de paraître, sont infailliblement exposés à des maux de tête, à de graves ulcérations dans les articulations, ou à quelque autre maladie. Les femmes qui ne sont pas réglées éprouveront des maux de tête excessifs, ou seront tourmentées par d'autres affections. Il n'y a pas moins de péril pour ceux qui, sans avoir la goutte ou des maladies analogues, sont pris de douleurs et de gonflements articulaires, avec des alternatives de retour et de rémission complète, surtout lorsqu'à cet état s'ajoutent la douleur des tempes et des sueurs nocturnes. La démangeaison au front fait craindre une ophtalmie. La femme qui ressent après l'accouchement de vives douleurs, sans autres signes fâcheux, est menacée d'une épistaxis vers le vingtième jour, ou d'un abcès des parties inférieures. L'une ou l'autre terminaison s'observera toutes les fois que les tempes et le front seront le siège d'une douleur intense; mais l'hémorragie se manifestera de préférence chez le jeune sujet, et la suppuration chez le vieillard. Une fièvre qui disparaît subitement, sans raison et sans signes favorables, se reproduit presque toujours. Celui qui jour et nuit a le sang à la bouche, sans qu'il y ait eu précédemment ni maux de tête, ni douleur aux hypocondres, nt toux, ni vomissement, ni fièvre légère, celui-là doit avoir un ulcère dans les narines ou l'arrière-gorge. Une tumeur à l'aine, accompagnée d'un mouvement fébrile, et survenant chez une femme sans cause apparente, dénonce un ulcère à la matrice. Une urine épaisse, et dont le sédiment est blanc, signifie qu'il existe de la douleur dans les articulations ou les viscères, et que la maladie peut s'en emparer. Celle qui est verte accuse dans les viscères de la douleur, ou l'existence d'une tumeur qui peut offrir du danger; elle témoigne en tout cas que la santé a subi quelque altération. Si l'on remarque dans l'urine du sang ou du pus, c'est que les reins ou la vessie sont ulcérés. Si l'urine est épaisse et présente des filaments minces comme des cheveux ; si des bulles s'en dégagent, qu'elle soit de mauvaise odeur, que parfois elle charrie du sable et parfois du sang; si les hanches et la région pubienne sont douloureuses, qu'il y ait des rapports fréquents, quelquefois des vomissements bilieux, refroidissement des extrémités, envie fréquente et en même temps difficulté d'uriner: si l'urine expulsée est aqueuse ou jaune ou pâle, et que son émission amène pourtant un peu de soulagement ; si beaucoup de gaz enfin s'échappent avec les selles, cela prouve que les reins sont affectés. Mais le mal est dans la vessie si l'urine sort goutte à goutte, si le sang s'y trouve mêlé, ou se présente à l'état de caillot qu'il faut rendre avec effort, et si l'on ressent vers le pubis des douleurs internes. Les signes suivants feront reconnaître la présence d'un calcul : on urine difficilement et en petite quantité ; quelquefois le liquide s'échappe involontairement goutte à goutte, chargé de sable, mêlé de sang ou de matières sanguinolentes ou purulentes. Les uns urinent plus facilement debout, les autres étant couchés sur le dos, principalement ceux qui ont des calculs volumineux ; quelques-uns ont besoin de se courber et d'allonger la verge pour diminuer la douleur. On éprouve dans cette partie un sentiment de pesanteur qui s'augmente par la course et le mouvement. Il en est qui dans la violence du mal croisent alternativement les jambes l'une sur l'autre. Les femmes sont obligées souvent d'appliquer la main à l'orifice des parties naturelles et d'y exercer des frottements; si même elles pressent avec le doigt le col de la vessie elles sentent le calcul. Le sang écumeux, rendu par l'expectoration, indique une affection des poumons. Un dévotement considérable peut devenir chez une femme enceinte une cause d'avortement. Si pendant la grossesse le lait s'échappe des mamelles, le fœtus renfermé dans l'utérus est débile; il est vigoureux au contraire, quand les seins sont durs. Des hoquets répétés, et qui se prolongent d'une manière insolite, annoncent l'inflammation du foie. Si des plaies accompagnées de gonflement s'affaissent subitement, et que cela ait lieu à la partie postérieure du corps, on peut redouter des mouvements convulsifs ou la rigidité des nerfs ; si c'est à la partie antérieure, on doit s'attendre à une pleurésie aiguë ou au délire. La diarrhée qui survient quelquefois est alors très favorable. La suppression brusque d'un écoulement de sang habituel peut être suivie d'hydropisie ou de phtisie. Cette consomption se déclare aussi, lorsque la suppuration qui s'est manifestée à la suite d'une pleurésie n'a pu être tarie dans l'espace de quarante jours. Une tristesse opiniâtre, accompagnée de frayeurs et d'insomnies, conduit à l'atrabile. Ceux qui sont sujets aux saignements de nez sont exposés au gonflement de la rate, ou à des maux de tête, pendant lesquels ils voient certaines images voltiger devant leurs yeux. Les personnes qui ont de grosses rates ont les gencives en mauvais état, l'haleine forte, et sont sujettes à divers écoulements de sang. Quand ces symptômes ne se rencontrent pas, les jambes sont affectées d'ulcères de mauvaise nature, qui laissent après eux de noires cicatrices. S'il existe une cause de douleur et si le malade paraît insensible, il y a démence. Le sang qui s'épanche dans le ventre se convertit en pus. Si la douleur passe des hanches et des parties inférieures à la poitrine, sans donner lieu d'abord à aucun signe fâcheux, on court le risque de voir la suppuration s'établir en cet endroit. Lorsqu'en l'absence de toute fièvre, une partie du corps devient le siège d'une douleur ou d'une démangeaison accompagnée de rougeur et de chaleur, il doit s'y former un abcès. Une urine claire, chez un homme mal portant, fait présager quelque suppuration vers les oreilles.
Si à l'aide de ces indices, et sans que la fièvre existe, on est sur la voie des affections cachées ou futures, le jugement devient bien plus assuré quand la fièvre s'ajoute à ces symptômes. Alors aussi on voit surgir les signes particuliers à d'autres maladies. Par exemple le délire est imminent, lorsqu'un individu laisse échapper tout à coup des paroles plus brèves que de coutume, et montre dans ses discours une assurance et une loquacité qui ne lui étaient pas ordinaires; lorsque aussi sa respiration est rare et énergique, que ses vaisseaux battent avec force et que les hypocondres sont durs et gonflés. Les mouvements fréquents des yeux, la céphalalgie avec obscurcissement de la vue, la privation de sommeil sans qu'il y ait douleur, et l'insomnie persistant jour et nuit, annoncent également le délire. On portera le même pronostic, si le malade, contrairement à ses habitudes et sans y être forcé par la douleur, se tient couché sur le ventre, et si, conservant encore ses forces, il éprouve un grincement de dents insolite. La rétrocession d'un abcès avant sa suppuration, et cela quand la fièvre dure encore, entraîne d'abord un délire furieux et la mort ensuite. Une douleur aiguë de l'oreille, accompagnée d'une fièvre continue et violente, porte souvent aussi le désordre dans l'intelligence. Les jeunes gens succombent quelquefois dans ce cas vers le septième jour et les vieillards plus tard, par la raison que chez eux les fièvres intenses et le délire surviennent moins facilement; de sorte qu'ils se soutiennent jusqu'au moment où la suppuration s'établit. La congestion sanguine des mamelles sert de même à présager le délire furieux. Les fièvres de longue durée provoquent la formation d'abcès, ou l'apparition de douleurs articulaires. On est menacé de convulsions, quand dans le cours d'une fièvre la respiration en traversant le gosier est entrecoupée. Si l'angine cesse tout à coup, le mal se jette sur le poumon, et enlève souvent le malade au septième jour ; si la mort n'arrive pas, il s'établit quelque part un foyer de suppuration. A la suite d'une diarrhée prolongée, survient la dysenterie ; à celle-ci succède la lienterie, et à des rhumes fréquents la phtisie. Après la pleurésie se déclarent les maladies du poumon, qui sont suivies de délire. De même une grande effervescence du corps peut produire la rigidité des nerfs ou des convulsions. Dans les blessures de tête il y a délire, et dans les insomnies douloureuses, convulsions. Quand les vaisseaux qui environnent un ulcère sont animés de battements violents, il faut craindre une hémorragie. La suppuration se manifeste sous l'influence de plusieurs affections. Ainsi, lorsque des fièvres déjà anciennes persévèrent sans douleur et sans cause évidente, la suppuration se fait jour quelque part ; mais chez les jeunes gens surtout, car chez les sujets plus âgés le même état donne presque toujours naissance à la fièvre quarte. Si les hypocondres étant durs et douloureux, le malade n'est pas mort avant le vingtième jour, s'il n'y a pas eu d'épistaxis, principalement chez un jeune homme, et si dès le commencement il s'est plaint d'un obscurcissement de la vue ou de maux de tête, la suppuration s'établit encore; mais alors le dépôt a son siège dans les parties inférieures. Les hypocondres présentent-ils au contraire une tumeur molle dorant soixante jours, avec persistance de la fièvre ; la suppuration se formera, mais dans les parties supérieures; et si l'abcès n'occupe pas les viscères, il se manifestera vers les oreilles. Toute tumeur qui dure depuis un temps assez long tend à suppurer, et cette tendance est plus marquée si la tumeur est située dans les hypocondres que si elle se développe dans le ventre ; si elle existe au-dessus de l'ombilic qu'au-dessous. Si la fièvre est accompagnée d'un sentiment de lassitude, l'abcès se portera sur la mâchoire ou sur quelque articulation. Quelquefois aussi, après avoir rendu pendant longtemps une urine ténue et crue, et quand tous les autres signes sont favorables, on voit un abcès survenir au-dessous de la cloison que les Grecs appellent diaphragme. La douleur du poumon qui n'est point dissipée par l'expectoration, et qui ne cède ni à la saignée, ni au régime, donne lieu quelquefois à des vomiques vers le vingtième, trentième, quarantième et même jusqu'au soixantième jour. Nous comptons, il est vrai, à partir du jour où la fièvre s'est déclarée, ou bien du jour où le malade a ressenti des frissons ou de la pesanteur dans le côté. La vomique vient tantôt du poumon, tantôt de la plèvre. La suppuration provoque la douleur et l'inflammation des parties avec lesquelles elle se trouve en contact. Il y a là plus de chaleur; et si le malade veut se coucher sur le côté sain, il accuse en cet endroit un sentiment de pesanteur. Quand la suppuration n'est pas encore accessible aux regards, on est assuré néanmoins qu'elle existe, si la fièvre n'abandonne pas le malade, si pendant le jour elle est moins forte et plus intense pendant la nuit, s'il y a des sueurs abondantes, des envies de tousser, et si la toux ne fournit presque rien a l'expectoration. Les yeux caves, la rougeur des pommettes, la décoloration des veines situées sous la langue, la courbure plus prononcée des ongles, la chaleur des doigts surtout à leur extrémité, l'enflure des pieds, l'embarras de la respiration, le dégoût des aliments et l'apparition de pustules sur tout le corps, sont autant de signes à l'appui. S'il y a, dès le début, douleur, toux et difficulté de respirer, la rupture de la vomique aura lieu avant le vingtième jour ou vers cette époque ; mais si ces symptômes ont paru plus tard, il faut qu'ils se développent; et leur disparition sera d'autant plus lente qu'ils auront mis plus de temps à se prononcer. Dans les maladies graves, il est assez ordinaire que les pieds, les orteils et les ongles deviennent noirs; et si cet état n'entraîne pas la mort et que le malade revienne à la santé, les pieds néanmoins se séparent du corps.

VIII. Je dois parler maintenant des signes particuliers à chaque espèce de maladie, et qui révèlent ce qu'il faut espérer ou craindre. Si, dans les douleurs de vessie, on rend une urine purulente avec un dépôt blanc et uni, on ne doit pas s'alarmer. Dans l'inflammation du poumon, si la douleur est diminuée par l'expectoration, même lorsqu'elle est purulente; si la respiration est facile, que les crachats soient rendus sans effort, et que le malade supporte assez bien son mal, on peut espérer le rétablissement de la santé. Il ne faut pas trop s'inquiéter non plus, en voyant dès le début des crachats jaunes et mêlés de sang, pourvu qu'ils soient rejetés immédiatement. Les pleurésies sont suivies de guérison lorsque la suppuration qui s'était manifestée est tout à fait épuisée dans l'espace de quarante jours. Si l'abcès a son siège dans le foie, et si le pus qu'il fournit est pur et blanc, on en revient facilement ; car dans ce cas, le mal est dans une enveloppe. Les abcès sont moins redoutables quand ils se portent vers l'extérieur et se terminent en pointe. Pour ceux qui se dirigent en dedans, les moins graves sont les abcès qui n'intéressent pas la peau adjacente, et qui la laissent sans douleur et sans changement de coloration. On doit être affranchi de toute inquiétude, si le pus, quelle que soit son origine, est blanc, uni, d'une seule couleur; si après son évacuation la fièvre s'apaise, et si la soif et le dégoût des aliments disparaissent. Le danger est moindre lorsqu'un abcès survient à la jambe, et que les crachats, de jaunes qu'ils étaient, deviennent purulents. Dans la phtisie qui doit avoir une heureuse terminaison, il faut que les crachats soient blancs, parfaitement homogènes, de la même couleur, et sans mélange de pituite. L'humeur qui descend du cerveau dans les narines doit offrir les mêmes caractères. L'absence totale de la fièvre est d'un excellent présage. C'est encore un signe favorable, quand elle est assez légère pour ne pas s'opposer à l'alimentation et ne pas exciter la soif. C’est de même une circonstance avantageuse dans cette maladie d'aller chaque jour à la selle, et de rendre des matières moulées et dans un rapport convenable avec les aliments qu'on a pris. Il est à désirer enfin que le corps ne soit pas grêle, que la poitrine soit large et velue, les cartilages minces et recouverts de chair. Chez une femme atteinte de suppression des menstrues avec douleur persistante à la poitrine et entra les épaules, la phtisie peut s'arrêter, s'il survient tout à coup une éruption des règles. Alors en effet la toux diminue, et la soif ainsi que le mouvement fébrile disparaissent. Mais si le flux menstruel ne revient pas, une vomique se fera jour, qui sera d'autant moins redoutable qu'elle sera plus mêlée de sang. L'hydropisie qui se déclare sans aucune affection précédente n'a rien d'inquiétant, non plus que celle qui succède à une maladie chronique, pourvu que les viscères soient en bon état, que la respiration soit facile, qu'on ne ressente ni douleur ni chaleur, qu'il n'y ait point d'enflure aux extrémités, qu'on n'éprouve ut toux, ni soif, ni sécheresse de la langue, même pendant le sommeil, que l'appétit se maintienne, que le ventre obéisse à l'action des médicaments, qu'il y ait des selles naturelles molles et bien moulées, que l'abdomen s'affaisse, que les urines varient selon le changement de vin et l'usage de certaines boissons médicamenteuses ; qu'enfin le malade n'accuse point de lassitude et supporte sans effort sa maladie. La réunion de toutes ces circonstances ne laisse rien à craindre; et n'y en eût-il qu'une partie, on devrait conserver bon espoir. Les maladies des articles, telles que la podagre et la chiragre chez les jeunes sujets surtout, et lorsqu'elles n'ont pas produit de nodosités, sont susceptibles de guérison. L'amélioration se fait principalement sentir quand il survient de vives coliques ou un flux de ventre, quel qu'il soit. L'épilepsie qui se manifeste avant la puberté disparaît assez facilement ; et quand on sent l'accès commencer par une partie du corps, il vaut beaucoup mieux que ce soit par les pieds et les mains, ou au moins par le côté. Le cas le plus grave, c'est de voir l'attaque débuter par la tête. Dans ce genre d'affections, on obtient les meilleurs effets des évacuations alvines. La diarrhée qui n'est pas accompagnée de mouvement fébrile ne peut entraîner aucun inconvénient quand elle s'arrête promptement, que le ventre ne fait sentir aucun mouvement à la pression, et que les gaz sortent librement par en bas. La dysenterie elle-même n'offre pas de grands dangers, si le sang et les raclures s'écoulent sans fièvre et sans autre complication ; de sorte qu'on peut non seulement en guérir la femme enceinte, mais aussi conserver l'enfant. C'est une condition favorable dans cette maladie d'être un peu avancé en âge. La lienterie au contraire est plus facilement combattue dans les premières années, pourvu que les urines coulent librement et que le corps commence à prendre de la nourriture. Le jeune âge influe de même favorablement sur les douleurs des hanches et des épaules, et dans tous les cas de paralysie. Lorsqu'on n'éprouve pas d'engourdissement dans les hanches, mais une légère sensation de froid, la guérison est prompte et facile, malgré l'intensité des douleurs. Tout membre paralysé peut aussi reprendre son intégrité, s'il continue à se nourrir. La paralysie de la bouche peut être guérie par un flux de ventre. Toute évacuation alvine agit efficacement dans les ophtalmies. Des varices, un écoulement subit de sang par les veines hémorroïdales, ou la dysenterie mettent un terme à la folie. Les douleurs des bras, qui tendent à gagner les mains ou les épaules, disparaissent à la suite de vomissements de bile noire. Celles qui se dirigent vers les parties inférieures sont plus facilement dissipées. L'éternuement fait cesser le hoquet, et le vomissement arrête les diarrhées prolongées. Les femmes sont délivrées des vomissements de sang par l'apparition des menstrues. Si elles ne sont pas réglées, un saignement de nez les exempte de tout danger. Celles qui souffrent aux parties sexuelles, ou dont l'accouchement est laborieux, sont soulagées par l'éternuement. La fièvre quarte d'été est presque toujours de courte durée. Le délire est salutaire lorsqu'il y a chaleur et tremblement. La dysenterie est favorable dans les affections de la rate. Enfin la fièvre elle-même (ce qui doit surprendre encore davantage) est souvent d'un utile secours. En effet, elle dissipe les douleurs des hypocondres lorsqu'il n'y a pas d'inflammation, vient en aide à celles du foie, fait cesser entièrement les convulsions et le tétanos quand elle survient après l'attaque, et, par la chaleur qu'elle développe, met l'urine en mouvement, et guérit ainsi l'affection iliaque qui tenait à la difficulté d'uriner. Les maux de tête accompagnés d'obscurcissement de la vue, de rougeur et de démangeaison au front, ne résistent pas à un écoulement de sang fortuit ou provoqué. Les douleurs qui ont leur siège à la tête et au front, et qui se manifestent sous l'influence du vent, du froid ou de la chaleur, disparaissent devant le rhume et les éternuements. Un frisson subit enlève la fièvre ardente que les Grecs appellent causus (καυσώδης). Lorsque dans le cours d'une fièvre l'ouïe est devenue obtuse, cet accident ne persiste pas après une hémorragie nasale ou une évacuation alvine. Rien n'est plus efficace contre la surdité que des selles bilieuses. Ceux à qui sont survenus dans l'urètre de petites tumeurs (en grec φύματα), sont rendus à la santé dès que le pus est évacué par le canal. Comme ces gué-risons arrivent d'elles-mêmes pour la plupart, il ne faut pas ignorer qu'au milieu de toutes les ressources de l'art, c'est encore le pouvoir de la nature qui se fait le plus sentir. Au contraire, la douleur de vessie avec fièvre continue et resserrement du ventre est un accident funeste (03). Ce péril menace surtout les enfants depuis l'âge de sept ans jusqu'à quatorze. Dans l'inflammation du poumon, si l'expectoration n'a pas lieu dès le principe, qu'elle commence à paraître au septième jour et se prolonge au delà, il y a danger, et il est d'autant plus grand que les couleurs des crachats sont plus mêlées et moins distinctes entre elles. Et cependant rien n'est plus grave que les crachats sans mélange, qu'ils soient jaunes, sanglants, blancs, visqueux, pâles, écumeux. Les crachats noirs néanmoins sont encore les plus funestes. La toux, le coryza et même l'éternuement, qui dans d'autres cas est salutaire, ajoutent à la gravité de cette affection, elle péril devient extrême quand il survient une diarrhée subite. En bien ou en mal, ces signes ont la même valeur dans la pleurésie que dans la pneumonie. Dans les abcès du foie, si le pus qui se fait jour est sanguinolent, le cas est mortel. Les abcès les plus à craindre sont ceux qui tendent à devenir profonds ou qui altèrent la couleur de la peau. Quant à ceux qui se portent à l'extérieur, les plus mauvais sont les plus étendus et les moins saillants. S'il y a eu rupture d'une vomique, ou que le pus se soit frayé une issue au dehors, et que la fièvre ne tombe pas ou reparaisse après avoir cessé, s'il y a soif, dégoût des aliments et dérangement du ventre, si le pus est livide et pâle, et que le malade n'expectore qu'une pituite écumeuse, le péril est certain. Les vieillards sont presque toujours enlevés par la suppuration qui succède aux affections du poumon. Celle qui s'empare des autres viscères emporte plutôt les jeunes gens. Les crachats mêlés de pus dans la phtisie et chez un sujet débile, ainsi que la fièvre continue qui ne permet de prendre aucune nourriture et provoque la soif, témoignent qu'il y a danger. Si le malade lutte encore quelque temps contre cette affection, il ne tarde pas ensuite à mourir dès que ses cheveux commencent à tomber, que les urines présentent un sédiment semblable à des toiles d'araignée, qu'elles sont d'une odeur fétide, et, en dernier lieu, dès que le dévoiement survient. Cette terminaison est plus fréquente en automne, époque où finissent le plus souvent les malades qui ont langui pendant le cours de l'année. Cesser tout à coup de rendre du pus après en avoir craché est un indice mortel. Chez les jeunes gens, la phtisie donne ordinairement naissance à des vomiques et à des fistules dont il est difficile d'obtenir la guérison, à moins qu'elle ne soit secondée par le concours d'un grand nombre de signes favorables. Il est bien moins facile encore de guérir les filles et les femmes atteintes de cette maladie, et chez lesquelles il y a suppression des règles. L'homme surpris en santé par un mal de tête subit, qui tombe ensuite dans un sommeil profond et stertoreux dont on ne peut le tirer, doit périr vers le septième jour, surtout si ses paupières entr'ouvertes laissent apercevoir le blanc de l'œil, bien qu'il n'y ait pas eu de diarrhée précédente. La mort est alors inévitable, si la fièvre ne vient dissiper tous les accidents. L'hydropisie qui se déclare à la suite d'une affection aiguë est rarement susceptible de guérir; elle le sera d'autant moins qu'elle s'accompagnera de signes contraires à ceux que nous avons établis plus haut. Dans ce cas aussi la toux ne laisse aucun espoir : il en est de même s'il y a des hémorragies par haut et par bas, et si l'eau envahit le milieu du corps. Quelques hydropiques voient survenir des tumeurs qui disparaissent pour se montrer de nouveau. Ceux-là sont moins exposés que les autres, s'ils savent s'observer; mais presque toujours ils sont victimes d'un excès de confiance dans le retour de la santé. On pourra s'étonner que certains maux qui nous affligent puissent en quelque sorte devenir nécessaires ; et cependant si l'on évacue tout à coup l'eau qui constitue l'épanchement ou le pus d'un vaste abcès, le cas n'est pas moins mortel que si, dans l'état de santé, l'on venait à perdre tout son sang par une seule blessure. Les tumeurs calleuses qui succèdent aux douleurs articulaires ne peuvent plus se résoudre. On peut parfois calmer ces douleurs, soit qu'elles arrivent dans la vieillesse ou qu'elles persistent depuis la jeunesse jusqu'à un âge avancé; mais on ne peut jamais les dissiper entièrement. Après vingt-cinq ans, l'épilepsie ne cède pas facilement; mais passé quarante ans, elle devient tellement rebelle, qu'il faut plutôt placer son espoir dans les efforts de la nature que dans les secours de l'art. Si tout le corps est ébranlé dans les attaques, et qu'au lieu d'être averti de l'invasion du mal par une sensation partielle, le sujet tombe à l'improviste, quel que soit l'âge du malade, sa guérison est bien douteuse; mais s'il y a lésion de l'intelligence ou paralysie, la médecine n'a plus rien à faire. Quand le dévoiement s'accompagne de fièvre, d'inflammation du foie, des hypocondres ou du ventre, et de soif immodérée; quand cet état dure depuis longtemps et qu'il y a des selles variables avec douleur, la mort est à craindre, surtout si les tranchées sont déjà anciennes. Cette maladie sévit principalement sur les enfants jusqu'à l'âge de dix ans : les autres époques de la vie y résistent plus facilement. La femme enceinte peut être enlevée par une affection de ce genre; et si elle se rétablit, elle n'en perd pas moins l'enfant qu'elle portait. La dysenterie causée par l'atrabile est mortelle. Elle l'est encore lorsque le malade étant épuisé déjà par les déjections, des selles noires se déclarent tout à coup.

La lienterie est plus dangereuse quand les évacuations sont fréquentes et se reproduisent à toute heure, avec ou sans borborygmes, la nuit aussi bien que le jour; quand les matières sont crues ou noires, lisses et fétides, que la soif est ardente, que les boissons n'amènent point d'urines (ce qui tient à ce que les liquides au lieu de se rendre à la vessie descendent dans les intestins); quand la bouche présente des ulcérations, que le visage est rouge et parsemé de taches de toutes les couleurs, que le ventre est comme ballonné, gras et rugueux, et qu'enfin le malade a perdu l'appétit. Bien qu'avec de pareils symptômes la mort soit évidente, elle le devient beaucoup plus encore lorsque la maladie est ancienne, et que déjà le corps est affaibli par l'âge. Dans l'affection iliaque, le vomissement, le hoquet, les convulsions et le délire sont de mauvais augure. Il en est de même de la dureté du foie dans la jaunisse. Si la dysenterie vient se joindre à une maladie de la rate, et qu'il se manifeste ensuite une hydropisie ou la lienterie, il n'y a presque aucun moyen de soustraire le malade au danger. La passion iliaque, lorsqu'elle n'a point de solution prompte, tue le malade en sept jours. La femme qui est prise, à la suite de son accouchement, de fièvre et de céphalalgie intense et continue, est en danger de mort.

Si les parties qui renferment les viscères sont atteintes de douleur et d'inflammation, et si la respiration est fréquente, le présage est mauvais. S'il s'est manifesté sans motif une douleur de tête prolongée qui passe ensuite au cou et aux épaules, pour remonter à la tête, ou qui de prime abord s'étend de cette partie au cou et aux épaules, cela peut être pernicieux, à moins qu'il ne survienne une vomique dont le pus serait rendu par expectoration, ou bien quelque hémorragie, ou un porrigo sur toute la tête, ou des pustules sur tout le corps. Comme accidents également fâcheux, il faut noter l'engourdissement et la démangeaison accompagnés d'une certaine sensation de froid, et envahissant, soit la tête en entier, soit seulement une partie, ou se faisant sentir jusqu'au bout de la langue. La guérison est d'autant plus difficile dans des cas pareils, qu'ils sont plus rarement suivis d'abcès qui leur offriraient une solution favorable. Dans les douleurs sciatiques s'il y a beaucoup d'engourdissement, et refroidissement de la hanche et de la cuisse; si les déjections n'ont lieu qu'avec effort et sont chargées de mucosités, et si le malade a plus de quarante ans, la maladie durera très longtemps, au moins une année, et ne se terminera qu'au printemps ou à l'automne. A l'âge dont nous parlons on vient encore difficilement à bout de guérir les douleurs des bras qui s'étendent vers les mains ou les épaules, lorsqu'il survient de l'engourdissement sans cessation de la douleur, et qu'un vomissement de bile n'a pas amené de soulagement. Quel que soit le membre atteint de paralysie, s'il est frappé d'amaigrissement et d'immobilité il reviendra d'autant moins à son premier état que l'affection sera plus ancienne, et le malade plus avancé en âge. L'hiver et l'automne ne sont nullement favorables au traitement de la paralysie, mais l'influence du printemps et de l'été peut donner quelque espoir. A peine guérit-on la paralysie incomplète ; celle qui est confirmée est tout à fait incurable. Toute douleur qui se porte vers les parties supérieures est moins accessible aux remèdes. Si les mamelles diminuent tout à coup chez une femme enceinte, il y a danger d'avortement. Celle qui n'est point accouchée et qui n'est pas en état de grossesse ne peut avoir de lait sans suppression des menstrues. La fièvre quarte d'automne est presque toujours de longue durée, surtout quand elle commence aux approches de l'hiver. S'il survient une hémorragie suivie de délire et de convulsions, la vie est menacée. Il en est de même si les convulsions se manifestent après un purgatif, le malade étant encore affaibli ; ou si dans la violence de la douleur les extrémités se refroidissent. On ne peut rappeler les pendus à la vie, s'ils ont été détachés, ayant déjà l'écume à la bouche. Des selles très foncées et semblables à du sang noir se déclarant tout à coup, avec ou sans fièvre, constituent un signe pernicieux.

IX. Maintenant que nous connaissons les signes qui font naître l'espoir ou la crainte, nous allons passer au traitement des maladies. Les moyens curatifs sont généraux ou particuliers ; les premiers peuvent être employés contre un certain nombre d'affections, et les seconds s'adressent à des maladies spéciales. Je parlerai d'abord des moyens généraux, parmi lesquels il en est d'aussi utiles à l'homme bien portant qu'au malade ; et d'autres qui ne sont applicables qu'au dérangement de la santé. Tout remède a pour but de retrancher ou d'ajouter, d'attirer ou de réprimer, de rafraîchir ou d'échauffer, de raffermir ou de relâcher. Quelques-uns n'agissent pas d'une seule manière, mais produisent deux effets qui ne se contrarient point. On retranche par la saignée, les ventouses, les déjections, le vomissement, les frictions, la gestation, par tous les exercices du corps, par l'abstinence et la sueur. Je vais m'occuper immédiatement de ces moyens.

X. Tirer du sang par l'ouverture d'une veine n'est pas chose nouvelle; mais ce qui est nouveau, c'est de re-courir à la saignée dans presque toutes les maladies. Employer ces émissions sanguines chez les jeunes sujets et les femmes qui ne sont point enceintes, est encore une pratique ancienne; mais c'est récemment qu'on en a fait l'essai sur les enfants, les vieillards, et les femmes en état de grossesse. Les anciens, en effet, pensaient qu'aux deux extrémités de la vie ce remède n'était pas supporté, et qu'il y avait là pour la femme qui a conçu une cause d'avortement. Mais depuis eux l'expérience a fait voir qu'à cet égard il n'y a rien de constant, et que la conduite du praticien doit se régler plutôt sur d'autres considérations. Ainsi, il est moins important de s'arrêter à l'âge ou à la grossesse, qu'à l'état des forces. S'il s'agit par exemple d'un jeune homme débile, ou d'une femme qui, bien sue n'étant pas enceinte, n'a pas grande vigueur, on saignerait alors mal à propos, car on enlèverait au sujet le peu de forces qu'il conserve; tandis qu'on peut saigner en toute sécurité un enfant vigoureux, un vieillard robuste, ou une femme enceinte fortement constituée. Il est vrai que le médecin sans expérience peut s'égarer surtout dans des cas de ce genre, parce qu'en effet l'enfance et la vieillesse ont moins de vigueur, et que la femme enceinte, après sa guérison, a besoin de toutes ses forces non seulement pour elle, mais pour le produit de la conception. De ce qu'un remède cependant exige de la réflexion et de la prudence, il ne s'ensuit pas qu'il faille aussitôt le proscrire : et l'art en pareille matière consiste moins à tenir compte du nombre des années et de la grossesse, qu'à bien apprécier les forces, pour juger ensuite si celles qu'on laisserait à l'enfant, au vieillard ou aux deux êtres que représente la femme enceinte, seraient suffisantes. Il faut distinguer en outre entre l'homme vigoureux et l'homme obèse, entre le sujet maigre et le sujet débile Les individus maigres ont plus de sang, et les gras plus de chair. Par conséquent les premiers supporteront mieux la saignée, et les personnes trop chargées d'embonpoint seront plus facilement abattues. De sorte que l'apparence du corps ne permet pas d'estimer sa vigueur réelle, aussi bien que l'état du pouls. Indépendamment de cette considération, il faut préciser l'espèce de maladie, savoir s'il y a lésion par excès ou par insuffisance, et si la constitution est viciée ou conserve son intégrité ; car il n'y a pas lieu de tirer du sang, si la matière fait défaut ou si elle n'est point altérée. S'il y a au contraire excès de plénitude ou altération des humeurs, la saignée devient alors le meilleur remède. Une fièvre intense, avec rougeur de la peau, plénitude et gonflement des vei-nes, exige donc une déplétion sanguine, de même que les affections des viscères, la paralysie, le tétanos et les convulsions. On doit y recourir aussi dans les maux de gorge avec menace de suffocation, dans l'extinction subite de la voix, dans les douleurs excessives, et dans tous les cas où, par une cause quelconque, il y a quelque chose de froissé ou de brisé à l'intérieur. La cachexie, et toutes les maladies aiguës qui résultent, non de l'insuffisance mais de l'excès, appellent encore ce remède. Il peut arriver néanmoins que la maladie réclame l'émission sanguine, et que le malade soit à peine en état de la supporter. Dans ce cas, si l'on n'aperçoit pas d'autre moyen, et que le malade ne puisse être sauvé que par une tentative téméraire, il est d'un bon médecin, tout en reconnaissant que la saignée peut avoir de graves conséquences, de démontrer que sans elle il n'est plus d'espoir; et enfin si on l'exige, il faut la faire. On ne doit pas même hésiter en pareille circonstance, car mieux vaut employer un remède incertain que de n'en essayer aucun. Il importe surtout d'agir ainsi dans la paralysie, la perte subite de la voix et l'angine suffocante ; ou lorsqu'un premier accès de fièvre ayant déjà compromis les jours du malade, on peut en redouter un second d'une égale violence, auquel les forces du sujet ne résisteraient pas. Bien qu'il soit interdit de saigner quand les aliments ne sont pas digérés, cette règle n'est pas sans exception, car il est des cas qui n'admettent pas le délai nécessaire à la digestion. Si par exemple on est tombé d'un lieu élevé, si l'on s'est fait des contusions, ou si l'on est surpris tout à coup par un vomissement de sang, alors, quand même on aurait mangé peu de temps avant, il n'en faut pas moins tirer du sang, de peur qu'il n'en résulte un dépôt qui amènerait des accidents. Cela s'applique également à tous les cas où il y a menace imminente de suffocation. Mais toutes les fois que la nature de la maladie le permet, on doit attendre pour agir qu'il ne reste plus aucune trace de crudité. A cet effet il paraît plus convenable de remettre la saignée au second ou troisième jour; et, quoiqu'il y ait parfois nécessité de la pratiquer dès le premier jour, il n'est jamais utile d'y recourir après le quatrième, puisque dans cet espace de temps la matière est épuisée ou a déjà vicié le corps ; de sorte que la perte de sang ne peut qu'affaiblir le malade sans lui rendre la santé. Saigner un homme au plus fort d'une fièvre intense, c'est le tuer : il faut donc attendre la rémission. Mais s'il n'y a pas lieu de l'espérer, si l'état fébrile n'a pas diminué, mais a cessé seulement de faire de nouveaux progrès, alors, quoique cette occasion soit plus défavorable, comme c'est la seule qui se présente, il faut pourtant la saisir. Lorsque la saignée est devenue nécessaire, on doit la pratiquer en deux jours ; car il vaut mieux soulager d'abord le malade, pour le débarrasser ensuite entièrement, que de l'exposer à la mort, en lui laissant perdre toutes ses forces à la fois. S'il est utile de procéder ainsi pour évacuer une collection purulente ou les eaux de l'hydropisie, il l'est bien plus encore quand il s'agit de soustraire du sang. Lorsqu'on veut dégager tout le corps, c'est du bras qu'il convient de tirer du sang ; si l'on veut remédier à une affection locale, il faut agir sur l'endroit même ou sur la partie la plus proche, puisque cette opération ne se fait pas sur un point quelconque, mais seulement aux tempes, aux bras et aux pieds. Je n'ignore pas que, selon certains médecins, il faut saigner le plus loin possible du siège de la lésion, parce que l'on détourne ainsi le cours du sang ; tandis qu'on l'attire par la méthode contraire, là où déjà existe un afflux sanguin. Mais c'est une opinion mal fondée, car les vaisseaux les plus voisins commencent par se vider, et les plus éloignés ne se dégagent qu'autant que la saignée reste ouverte. Or, dès que la veine est fermée, le sang qui n'est plus attiré ne peut plus affluer. L'expérience cependant paraît avoir appris que, dans les blessures de la tête, il est préférable de saigner du bras ; de même qu'un bras étant malade, il vaut mieux, pour tirer du sang, choisir le membre opposé : et cela, je suppose, parce qu'en cas d'accident les parties déjà souffrantes sont beaucoup plus accessibles au mal.

On peut aussi quelquefois détourner le cours du sang qui s'écoule d'un côté, en saignant d'un autre ; et si, contrairement à la volonté, il s'échappe par certains endroits, on l'arrête, soit en lui faisant obstacle, soit en lui ouvrant une autre issue.

Pour le chirurgien exercé, la saignée est sans doute une opération des plus faciles; mais elle offre de très grandes difficultés à celui qui n'a pas les notions nécessaires. La veine en effet est accolée aux artères, de même que les nerfs; or la blessure d'un nerf est suivie de convulsions qui font périr le malade d'une mort cruelle. L'artère une fois ouverte ne peut ni se réunir ni guérir, et quelquefois même elle laisse le sang s'échapper avec violence. Quand la veine est entièrement divisée, les orifices se resserrent et ne fournissent plus de sang. En maniant la lancette avec timidité, on coupe seulement la peau sans ouvrir la veine. Quelquefois encore, il arrive que le vaisseau n'est pas apparent et qu'on a de la peine à le découvrir ; et ce sont justement tou-tes ces circonstances qui rendent si compliquée pour l'ignorant une opération si simple pour l'homme habile. C'est au milieu de la veine qu'il faut faire l'incision : et an moment où le sang jaillit, on doit examiner sa consistance et sa couleur; car s'il est noir et épais, c'est une preuve qu'il est altéré, et dans ce cas il est avantageux d'en tirer. Mais s'il est rouge et transparent, il a toutes ses qualités ; et dès lors l'émission sanguine, loin d'être favorable, est nuisible. Il faut donc l'arrêter sur le champ. Cet accident d'ailleurs ne peut jamais arriver au médecin qui sait dans quelles circonstances il convient de tirer du sang. Il est moins rare de voir le premier jour le sang sortir toujours également noir, mais il n'en faut pas moins l'arrêter lorsqu'il a suffisamment coulé, et ne jamais attendre que la défaillance survienne. On a soin de bander le bras après avoir appliqué sur la piqûre une compresse imbibée d'eau froide ; et le lendemain, en frappant la veine avec le doigt médius, on détruit son adhésion récente, et le sang s'échappe de nouveau. Soit au premier, soit au second jour, dès que le sang, qui d'abord se montrait noir et épais, devient clair et vermeil, il n'en faut plus tirer, car ce qui reste est pur. Aussi la bande qu'on pose immédiatement doit-elle demeurer en place, jusqu'à la formation d'une cicatrice qui se consolide très rapidement dans les veines.

XI. Il y a deux sortes de ventouses : les unes sont en cuivre, et les autres en corne. Celles de cuivre sont ouvertes d'un côté et fermées de l'autre. Celles de corne présentent la même ouverture à la base, et une autre très petite au sommet Dans les premières, on jette une mèche enflammée, et l'on tient la cloche en contact exact avec le corps, jusqu'à ce qu'elle s'y attache fortement. Pour les ventouses en corne, on les applique simplement sur la peau ; et par le trou qui existe à la partie supérieure, on soustrait l'air avec sa bouche. Cela fait, on ferme l'ouverture avec un peu de cire, et la ventouse demeure également adhérente. Il n'est pas nécessaire que ces deux sortes de ventouses soient en cuivre ou en corne ; on peut en faire avec toute espèce de matière, et même, à défaut d'autre chose, se servir d'une petite coupe, ou de tout vase dont l'orifice serait rétréci. Après l'application de la ventouse, si l'on fait des scarifications avec la lancette, on obtient du sang; et si on laisse la peau intacte, on attire l'air. On aura donc recours au premier moyen si la cause du mal est dans le sang, et au second s'il paraît dépendre d'une accumulation d'air. Les ventouses n'ont pas pour objet de remédier à un vice général du corps, mais plutôt à un vice local, qu'il suffit de soustraire pour ramener la santé. Cela prouve encore, lorsqu'un membre est malade, que la saignée par la lancette doit être faite de préférence à l'endroit affecté ; car personne, si ce n'est dans le but de réprimer une hémorragie par révulsion, n'appliquera des ventouses ailleurs qu'au siège du mal et sur le point même que l'on veut guérir. Les maladies chroniques et déjà anciennes, soit qu'elles dépendent de l'altération des humeurs ou de l'état des esprits, peuvent réclamer les ventouses, de même que certaines affections aiguës où il faut soulager le malade, bien que ses forces ne permettent pas de le saigner. Ce remède est ainsi moins violent et plus sûr, et n'offre jamais de danger, même au plus fort de la fièvre et quand la digestion n'est pas faite. Il suit de la qu'il faut préférer les ventouses quand il est nécessaire de tirer du sang et qu'on ne peut ouvrir la veine sans péril, ou lorsqu'il s'agit simplement d'une affection locale.

Mais il est bon de savoir que si ce moyen n'entraîne aucun accident, il est aussi d'un secours moins puissant, et que dans les cas graves les remèdes doivent avoir une énergie égale à l'intensité du mal.

XII. 1. Les anciens sollicitaient le relâchement du ventre dans presque toutes les maladies par des lavements et différents purgatifs. Ils donnaient l'ellébore noir, le polypode, l'écaillé de cuivre (en grec λεπὶς, χαλκοῦ) et le suc de tithymale, dont une goutte mêlée à du pain purge abondamment. Ils faisaient prendre aussi le lait d'ânesse, de vache ou de chèvre ; ajoutaient un peu de sel à ce lait, le faisaient bouillir, et, séparant ensuite la partie caillée, prescrivaient comme boisson la partie séreuse. Mais ces médicaments dérangent presque toujours l'estomac ; et s'ils provoquent des selles trop abondantes ou trop rapprochées, ils affaiblissent le malade. On ne doit donc jamais administrer des remèdes de cette espèce dans une maladie, à moins qu'il n'y ait point de fièvre. Ainsi l'on pourra donner l'ellébore noir dans l'atrabile, la folie mélancolique, ou dans une paralysie partielle ; mais, dès que la fièvre existe, il est plus convenable de prendre des aliments et des boissons, qui tout à la fois nourrissent et tiennent le ventre libre. Il y a telles maladies où il est utile de purger avec le lait.

2. La plupart du temps, il est préférable de recourir aux lavements. Cette pratique, adoptée par Asclépiade avec réserve, est à peu près mise en oubli de nos jours; et cependant l'usage modéré qu'il faisait de ces remèdes me paraît offrir les plus grands avantages : car il n'est pas nécessaire de les prescrire souvent, mais une fois seulement ou deux fois au plus, s'il y a pesanteur de tête, obscurcissement de la vue, affection du gros intestin que les Grecs nomment colon, douleurs dans le bas-ventre ou dans les hanches, amas de bile, de pituite ou d'une humeur aqueuse dans l'estomac, difficulté d'expulser les gaz, constipation, séjour trop prolongé des matières fécales dans le rectum ; ou bien encore si le malade, sans pouvoir aller à la selle, rend des gaz d'une odeur stercorale, si les matières alvines sont corrompues, si la diète observée d'abord n'a point enlevé la fièvre, si l'on ne peut faire une saignée nécessaire, parce que les forces du sujet s'y refusent, ou qu'on n'a pas saisi le moment convenable ; si l'on a bu avec excès avant de tomber malade, ou enfin si la constipation succède brusquement à un relâchement du ventre, habituel ou accidentel. Les préceptes à suivre à cet égard sont de ne point ordonner de lavement avant le troisième jour, lorsque la digestion n'est pas tout à fait terminée, ou que le malade est épuisé déjà par une affection de longue durée. On s'en abstiendra de même, s'il y a chaque jour desselles convenables ou de la diarrhée, ou si la fièvre est dans son redoublement, parce qu'alors le liquide injecté et retenu dans les intestins peut de là se porter à la tête, et ajouter beaucoup à la gravité du mal. Pour se préparer à cette médication, le malade devra la veille observer la diète, et le jour même, avant le remède, boire de l'eau chaude, afin d'humecter les parties supérieures. Si l'on veut après cela se contenter d'un effet médiocre, on prendra un lavement d'eau pure, ou d'eau miellée, ce qui le rendra un peu plus actif. S'il doit être adoucissant, on se servira d'une décoction de fénu grec, d'orge ou de mauve ; et pour qu'il soit astringent, d'une décoction de verveine. L'eau de mer et l'eau chargée de sel, qu'il vaut mieux faire bouillir, composent un remède excitant ; et il devient plus stimulant encore, si l'on ajoute de l'huile, du nitre ou du miel. Plus il est acre et plus il opère, mais moins il est facile de le supporter. On ne le prendra ni froid ni chaud, pour éviter l'influence fâcheuse de ces deux conditions. Quand il est pris, le malade doit rester au lit le plus longtemps possible, ne point céder au premier besoin d'évacuer, et n'obéir enfin qu'à une nécessité pressante. Presque toujours l'évacuation que produit le remède soulage les parties supérieures et améliore l'état morbide. Si le malade s'est fatigué en allant fréquemment à la selle, il devra se reposer un peu, et ce jour-là prendre de la nourri-ture pour prévenir une trop grande faiblesse. L'alimentation sera plus ou moins forte, selon qu'on aura à re-douter un accès prochain, ou qu'on sera sans inquiétude à ce sujet.

XIII. Le vomissement, qui même en état de santé est souvent nécessaire aux personnes bilieuses, l'est également dans les maladies provoquées par la bile. Il est nécessaire à tous ceux qui éprouvent des frissons et des tremblements avant la fièvre, aux personnes atteintes de choléra, à celles dont le délire est accompagné d'une certaine hilarité, et enfin aux épileptiques. Mais dans les maladies aiguës et dans les fièvres (04) il ne faut pas employer de vomitifs trop violents, ainsi que je l'ai dit plus haut en parlant des évacuations. Il suffit d'exciter le vomissement par les moyens que j'ai conseillés aux personnes bien portantes. Au contraire, dans les affections violentes et chroniques, mais sans fièvre, comme l'épilepsie ou la folie, on peut administrer l'ellébore blanc. On ne le prescrit jamais avec succès en hiver ou pendant l'été, mais il réussit très bien au printemps et passablement en automne. Avant de le donner il faut préparer le corps en l'humectant. Il ne faut pas ignorer que les médicaments de ce genre pris en boisson ne sont pas toujours utiles aux malades, et nuisent toujours aux gens bien portants.

XIV. Dans son livre intitulé Des secours généraux, Asclépiade s'est occupé de la friction comme s'il était l'inventeur de ce moyen. Ces secours pour lui se réduisent à trois : la friction d'abord à laquelle il a consacré la plus grande place, puis l'eau et la gestation. Sans doute il ne faut enlever aux modernes, ni la gloire de leurs découvertes, ni le mérite de leurs imitations ; mais on n'en doit pas moins restituer à des auteurs plus anciens ce qui se trouve consigné déjà dans leurs écrits. Personne assurément n'a exposé avec plus de détails et de clarté qu'Asclépiade comment et sur quelles parties on devait employer les frictions, et cependant à cet égard il n'a rien fait connaître qui ne soit exprimé par le vieil Hippocrate de la manière suivante : Les frictions énergiques durcissent la fibre; légères, elles la ramollissent ; continuées longtemps, elles font maigrir ; faites avec modération, elles engraissent. Par conséquent, il est bon de s'en servir pour fortifier les organes relâchés, rendre de la souplesse à ceux qui sont trop fermes, dissiper un état de plénitude devenu nuisible, ou donner du corps aux sujets grêles et sans vigueur. Si l'on réfléchit plus attentivement à ces différents modes d'action (ce qui déjà n'appartient pas au médecin), on remarquera facilement qu'ils consistent tous dans la suppression du principe morbide. En effet, on se trouve resserré, après avoir écarté la cause qui produisait le relâchement; on obtient la mollesse des parties en supprimant ce qui leur donnait de la dureté, et l'on engraisse non par un effet direct des frictions, mais parce qu'à l'aide de ce moyen la peau, devenue plus souple, peut se laisser pénétrer ensuite par les substances nutritives. La différence de ces résultats tient au procédé qu'on emploie. L'onction, par exemple, ne ressemble pas à la friction. L'onction et la friction légère sont applicables aux maladies aiguës et récentes, encore faut-il choisir le moment de la rémission, et les pratiquer à jeun ; au lieu qu'on doit s'interdire les frictions prolongées dans les affections aiguës, surtout à leur période d'accroissement, excepté pourtant quand il s'agit de favoriser le sommeil chez les frénétiques. Leur secours est utile, au contraire, dans les maladies chroniques qui déjà touchent à leur déclin. On peut dire, je le sais, que tout remède est nécessaire au début des maladies, et non lorsqu'elles se terminent d'elles-mêmes. Mais cela n'est pas exact; car celles qui tendent naturellement à finir doivent encore à la médecine une solution plus prompte ; et il faut y recourir pour deux raisons, qui sont d'assurer d'abord le rétablissement de la santé, et d'empêcher ensuite qu'une affection qui se prolonge ne s'exaspère de nouveau sous l'influence de la cause la plus légère. Une maladie peut avoir perdu de sa gravité, sans cesser d'exister, et ses derniers symptômes seront dissipés par des soins convenables. Les frictions sont donc aussi favorables quand la maladie commence à décliner, qu'elles sont nuisibles lorsque la fièvre augmente. Ainsi pour en faire usage, il faut le plus possible attendre la disparition de l'état fé-brile, ou du moins saisir l'instant de la rémission. On exerce des frictions sur tout le corps comme dans le cas où l'on veut fortifier un sujet débile, ou sur une partie seulement, pour remédier à la faiblesse d'un membre ou à quelque autre affection locale. Elles apaisent par exempte les douleurs de tête invétérées, pourvu toutefois qu'on n'agisse pas au plus fort du mal, et rendent quelque vigueur au membre paralysé. Le plus souvent néanmoins, on doit les pratiquer loin du siège de la douleur : ainsi lorsqu'on a pour but de dégager les parties supérieures et moyennes, on frictionne les extrémités inférieures. Ceux qui veulent déterminer le nombre exact de frictions auxquelles on peut être soumis ne méritent pas la moindre attention, car elles se mesurent aux forces des individus. Tel sujet affaibli n'en supportera que cinquante, et tel autre plus robuste ira jusqu'à deux cents. Entre ces deux termes, on procédera selon la vigueur de chacun. Il suit de là que, dans l'emploi de ce moyen, les femmes réclament plus de ménagement que les hommes, les enfants et les vieillards plus que les jeunes gens. Enfin, appliquées à certains membres, les frictions seront faites énergiquement et longtemps, parce qu'en agissant partiellement on n'a pas à craindre l'affaiblissement rapide du corps, et qu'il est nécessaire aussi de résoudre le plus possible la matière morbide, soit pour en débarrasser le membre sur lequel on opère, soit pour la détourner d'une autre partie. Mais si la faiblesse de la constitution nécessite des frictions sur tout le corps, il faut les rendre plus légères et moins longues, en se proposant seulement d'amollir l'épiderme, afin de permettre à la peau de puiser plus facilement, dans les aliments qu'on vient de prendre, des matériaux nouveaux. J'ai déjà noté comme signes fâcheux le refroidissement à la surface, tandis qu'on éprouve à l'intérieur de la chaleur et de la soif. La seule chose à faire dans ce cas, c'est de frictionner le malade; et si l'on vient à bout de rappeler la chaleur à l'extérieur, il y aura lieu d'employer alors d'autres moyens curatifs.

XV. La gestation n'est pas moins utile dans les maladies chroniques, et qui tirent à leur fin. Elle convient à ceux que la fièvre a quittés, mais qui n'ont pas encore la force de s'exercer eux-mêmes, et réussit également aux personnes chez lesquelles les maladies ont laissé des traces opiniâtres qu'on ne peut effacer autrement Asclépiade la conseille même an début d'une fièvre intense et principalement d'une fièvre ardente, comme un remède propre à les dissiper. C'est là toutefois une méthode dangereuse, et il vaut mieux subir en repos le premier effort de la maladie. Si cependant on en veut faire l'épreuve, il faut au moins qu'il n'y ait ni sécheresse de la langue, ni tumeur, ni induration, ni douleur dans les viscères, à la tête ou aux hypocondres. Mais on doit plutôt renoncer à la gestation quand on est atteint de douleurs générales ou partielles, à moins qu'elles n'affectent seulement les nerfs. Il faut s'en abstenir aussi, quand la fièvre augmente, et choisir le temps de la rémission. Il y a plusieurs manières de pratiquer la gestation, qu'il faut savoir proportionner aux forces et à la fortune des malades, dans le double but d'épargner une fatigue trop grande aux sujets affaiblis, et de ne pas enlever cette ressource à ceux dont la position est humble. La promenade en bateau, dans un port ou sur un fleuve, constitue la gestation la plus douce. Elle devient plus active si l'on gagne la haute mer ou si l'on se fait porter en litière, et l'exercice est encore plus vif s'il a lieu en voiture : chacun de ces moyens est susceptible de développement ou de restriction. Si l'on n'a aucun d'eux à sa disposition, on peut placer le malade dans un lit suspendu, auquel on imprime des impulsions contraires. Il suffit même, faute de mieux, de soulever un pied du lit à l'aide d'une cale, et de lui communiquer ensuite le même balancement. Ces exercices modérés conviennent aux constitutions affaiblies, mais il en faut de plus forts à ceux qui déjà depuis plusieurs jours sont délivrés de la fièvre, ou qui, sans l'avoir encore, ressentent les premières atteintes de maladies graves, ain-si qu'on l'observe dans la phtisie, les affections de l'estomac, l'hydropisie et quelquefois la jaunisse, ou dans d'autres maladies, comme l'épilepsie et la folie, qui persistent longtemps, bien que sans état fébrile. Ces affections réclament aussi les différents exercices qui se trouvent indiqués à l'endroit où nous traçons des règles de conduite aux personnes bien portantes, mais d'une faible constitution.

XVI. Il y a deux sortes de diète : l'une où le malade ne prend rien, l'autre où il ne prend que le nécessaire. Au début des maladies, on doit supporter la faim et la soif. Plus tard, il faut régler l'alimentation avec discernement, tant pour la qualité que pour la quantité ; car il est dangereux de passer brusquement de l'abstinence à la satiété. Si cette transition est à craindre pour les personnes en santé lorsque les circonstances leur ont fait subir un jeûne prolongé, à plus forte raison est-elle à redouter pour les malades. Bien au contraire ne peut leur être plus utile que la diète observée à propos. Il y a chez nous bien des gens qui dans leur intempérance veulent désigner eux-mêmes au médecin les heures où ils doivent prendre de la nourriture ; d'autres lui font la grâce de reconnaître que c'est à lui d'indiquer le moment convenable, mais ils se réservent le droit de fixer l'étendue des repas; quelques-uns enfin croient se conduire généreusement en laissant juge du traitement celui qui les soigne, pourvu qu'ils aient toute liberté de choisir des aliments à leur goût : comme s'il s'agissait ici des prérogatives du médecin, et non de ce qui est salutaire au malade. Chaque faute que celui-ci commet cependant, relativement à l'opportunité, à la mesure et au choix du régime alimentaire, tourne sérieusement à son préjudice.

XVII. On provoque la sueur de deux manières : par la chaleur sèche et par le bain. La chaleur sèche s'obtient à l'aide du sable chaud, des étuves, des fours, et de quelques étuves naturelles où l'on renferme la vapeur chaude qui s'élève de la terre dans un édifice semblable à celui qu'on trouve au-dessus de Baïes, dans un endroit planté de myrtes. Le soleil et l'exercice favorisent également la transpiration ; et toutes les fois que les humeurs exercent à l'intérieur une influence nuisible et qu'on cherche à les éliminer, ces différents moyens peuvent être employés. Ils produisent aussi d'excellents effets dans certaines affections des nerfs ; mais les premiers conviennent mieux aux gens faibles : le soleil et l'exercice ne réussissent qu'aux sujets robustes, et encore il faut qu'ils soient exempts de lièvre, soit au début d'une maladie, soit pendant la durée de quelques affections graves. On ne doit d'ailleurs exciter la sueur par aucune méthode quand la fièvre existe, ou que la digestion n'est pas faite. Le bain répond à un double objet. Tantôt l'état fébrile ayant disparu, il prépare le malade à une nourriture plus substantielle et à un vin plus généreux; tantôt il sert à dissiper la fièvre elle-même. On l'emploie presque toujours dans le but d'assouplir la peau, d'attirer au dehors les humeurs corrompues, et de changer l'habitude du corps. Les anciens faisaient usage du bain avec trop de réserve ; Asclépiade l'employait avec exagération. Ce moyen, quand on y a recours à propos, ne donne jamais d'inquiétude; pris à contretemps, il est nuisible. Quiconque est délivré de la fièvre et ne l'a pas vue reparaître pendant un jour entier, peut dès le lendemain se baigner en toute sécurité, après avoir laissé passer le temps ordinaire de l'accès. Si la fièvre a la forme tierce ou quarte, le bain sera pris impunément dans l'intervalle des accès. On peut de même en faire usage quand les fièvres lentes se prolongent sans intensité, pourvu néanmoins qu'il n'y ait ni dureté, ni gonflement des hypocondres, ni sécheresse de la langue, ni douleur de poitrine ou de tête, et qu'on ne choisisse pas le temps du redoublement fébrile. Dans les fièvres qui parcourent régulièrement leurs périodes, il y a deux temps marqués pour les bains : l'un avant le frisson, et l'autre après l'accès. Dans les fièvres lentes, il faut attendre également la fin complète de l'accès, ou du moins une amélioration aussi prononcée qu'elle peut l'être dans ce genre d'affection. Les personnes faibles auront soin d'éviter le froid avant de se mettre au bain ; lorsqu'elles y sont entrées, elles doivent se tenir quelque temps en repos, pour voir s'il se manifeste aux tempes du resserrement et de la sueur. Si l'on n'observe que le premier effet, le bain ne peut leur être utile ce jour-là. Il faut alors en sortir, se faire oindre légèrement, se soustraire à l'action du froid, et garder la diète. Si au contraire la sueur se déclare aux tempes sans qu'il y ait eu resserrement, et si elle se répand ensuite sur les autres parties du corps, on doit fomenter la bouche avec de l'eau chaude, entrer dans le bain, puis examiner de même si le premier contact de l'eau détermine des frissons à la surface du corps ; ce qui n'arrive presque jamais quand les signes ont été favorables au début, mais ce qui serait la preuve que le bain est nuisible. C'est l'état particulier du malade qui décide si l'on doit pratiquer les onctions avant ou après le bain. Presque toujours cependant, à moins d'une contre-indication expresse, on commence dès qu'on est en sueur à faire des onctions légères, et ensuite on se met dans l'eau chaude. Pour la durée de l'immersion, il fout encore consulter les forces du sujet, et ne pas l'exposer à tomber en faiblesse par l'excès de la chaleur. Il faut donc le faire sortir du bain avant la défaillance, l'envelopper avec soin, pour que le froid ne puisse pénétrer jusqu'à lui; et, sans sortir de la salle, exciter la transpiration avant de lui donner aucun aliment. On fait aussi des fomentations chaudes avec le millet, le sel et le sable. On emploie l'un ou l'autre de ces remèdes contenu dans un linge ; et si même on n'a besoin que d'une action modérée, le linge chaud suffit ; mais si l'on veut produire une ex-citation plus forte, on promène sur le corps des tisons éteints, et recouverts de vieux linges. Dans le même but, on se sert aussi de petites outres remplies d'huile chaude, ou de vases de terre appelés lentilles en raison de leur forme, dans lesquels ou verse de l'eau chaude ; ou bien on plonge dans de l'eau bien chaude, un sac de toile rempli de sel, pour l'appliquer après sur la partie que l'on veut fomenter. Enfin, on fait rougir au feu deux morceaux de fer aplatis à leur extrémité : on commence par en enfoncer un dans le sel en l'arrosant d'une petite quantité d'eau, et dès qu'il se refroidit on le remet au feu pour prendre l'autre ; on répète à plusieurs reprises cette opération, pendant laquelle il se forme un suc chaud et salé, qui est très efficace dans les contractions des nerfs. Tous ces moyens agissent en dissipant la matière morbide qui cause l'embarras des hypocondres, la gêne de la respiration, ou qui altère les fonctions d'un autre organe. Je dirai dans quels cas on doit faire usage de chacun d'eux, en traitant des maladies en particulier.

XVIII. Après avoir indiqué les remèdes qui opèrent en retranchant les principes nuisibles, il convient de s'occuper des substances qui nourrissent, c'est-à-dire des aliments solides et liquides, dont l'influence n'est pas moins grande sur la santé que sur la maladie. Il est par conséquent de mon sujet de faire connaître leurs propriétés diverses, d'abord pour que les gens en santé sachent en tirer parti, et en second lieu pour pouvoir désigner aux malades qui réclament nos soins les espèces alimentaires dont ils peuvent faire usage, sans être tenu de leur nommer une à une toutes les substances qui les composent. On doit donc savoir que tous les légumes et les diverses sortes de pain fait avec les céréales sont de la classe des aliments les plus fortifiants (j'appelle ainsi tous ceux qui contiennent beaucoup de matière nutritive). Il en est de même de tous les quadrupèdes domestiques, des grandes bêtes fauves, telles que le chevreuil, le cerf, le sanglier, l'âne sauvage ; des grands oiseaux, comme l'oie, le paon et la grue; des gros poissons de mer, comme la baleine et les autres cétacées ; de même aussi du miel et du fromage. Il n'est pas étonnant d'après cela que la pâtisserie, où l'on fait entrer du froment, de la graisse, du miel et du fromage, soit un aliment très nourrissant. Dans la classe moyenne on rangera les plantes potagères dont on mange les bulbes et les racines; le lièvre parmi les quadrupèdes ; tous les oiseaux depuis les plus petits jusqu'au flamant ; et tous les poissons qu'on ne peut saler, aussi bien que ceux qu'on sale en entier. La dernière classe renfermera toutes les tiges de plantes potagères et les produits qui s'y attachent, comme la citrouille, le concombre, les câpres; toute espèce de fruits, les olives, les escargots et tous les coquillages. Malgré les divisions que nous établissons, il faut reconnaître encore de nombreuses différences entre les aliments d'une même classe, les uns offrant à un haut degré et les autres à un degré plus faible les qualités nutritives. Le pain, par exemple, contient plus de principes nutritifs qu'aucune autre substance. Celui de froment nourrit plus que celui de millet, et ce dernier plus que le pain d'orge. La première fleur de froment vaut mieux que la seconde, et celle-ci mieux que la farine dont on n'a rien enlevé, et que les Grecs appellent αὐτόπυρος. Le pain fait avec la plus fine fleur de farine n'est pas aussi fortifiant, et celui qui soutient le moins est le pain bis. Parmi les légumes, la fève et la lentille sont plus nourrissantes que les pois ; et parmi les plantes potagères la rave, le navet et tous les bulbes, au nombre desquels je mets l'oignon et l'ail, offrent une nourriture moins faible que le panais, ou ce qu'on appelle spécialement le raifort. De même le chou, la bette et le poireau valent mieux, comme aliments, que la laitue, la citrouille et l'asperge. On trouve aussi, en passant aux fruits, plus de sucs nourriciers dans le raisin, les figues, les noix et les dattes, que dans les fruits charnus proprement dits, et parmi ceux-ci, les fruits fondants en ont plus que ceux qui sont cassants. Quant aux oiseaux que j'ai placés dans la classe moyenne, les plus nourrissants sont ceux qui marchent plus qu'ils ne volent. Ceux qui sont capables de voler fournissent plus à l'alimentation s'ils sont gros que s'ils sont petits, comme la grive et le becfigue. Les oiseaux aquatiques ne nourrissent pas autant que ceux qui ne peuvent pas nager. La chair de porc, entre toutes les viandes tirées des quadrupèdes, est celle qui a le moins de qualités nutritives; celle qui en a le plus est la chair de bœuf. Il en est ainsi pour les animaux sauvages : plus l'animal est fort, plus on trouve en lui un aliment substantiel. De tous les poissons de la classe moyenne et qui sont le plus à notre usage, les plus nourrissants sont ceux dont on fait des salaisons, comme le lézard de mer. Viennent ensuite ceux dont la chair quoique plus tendre est encore ferme, comme la dorade, le corbeau marin, le spare, l’oculata (05), et les poissons plats; après eux se présentent le loup marin, les malles, et enfin tous les poissons qui vivent dans les rochers. Les différences qui existent entre les espèces se retrouvent dans l'individu même, et dépendent de l'âge, de la partie qu'on mange, de la nature du sol, du climat, et de l'état du corps. Tout quadrupède qui tette encore ne peut constituer un aliment bien nourrissant, pas plus que les volatiles très jeunes ou les poissons d'un âge moyen, mais qui n'ont pas encore acquis toute leur grosseur. Dans le cochon, les pieds, le groin, les oreilles et la cervelle nourrissent moins que le reste. Les pieds et la tête dans l'agneau et le chevreau sont d'une nourriture plus faible que les autres parties, et peuvent être rangés dans la classe moyenne. Chez les oiseaux, on peut dire que le cou et les ailes sont presque incapables de nourrir. D'après l'influence exercée par la nature du sol, le blé des collines a plus de qualités nutritives que le blé des plaines : le poisson qu'on rencontre au milieu des rochers est plus léger que celui qu'on trouve dans les endroits sablonneux, et ce dernier l'est plus à son tour que celai qui séjourne dans la vase : de là vient que les mêmes espèces donneront plus ou moins à l'alimentation, selon qu'elles seront tirées d'un étang, d'un lac ou d'une rivière. Enfin les pois-sons qui vivent en pleine eau seront aussi moins substantiels que ceux qui se tiennent dans les bas fonds. La chair des animaux sauvages ne soutient pas autant que celle des animaux domestiques ; et ceux qui vivent dans des lieux humides offrent aussi une nourriture moins forte que ceux qui naissent dans des endroits secs. Les mêmes animaux, pour nourrir davantage, doivent être mangés plutôt gras que maigres, plutôt frais que salés et récemment tués que morts depuis longtemps. Leur viande est aussi plus nutritive cuite dans son jus que rôtie, rôtie que bouillie dans l'eau. Les œufs durs sont au nombre des aliments les plus solides, et les œufs frais ou mollets comptent parmi les plus légers. Bien qu'en général le pain soit très fortifiant, il faut cependant re-garder comme très inférieur celui qui se prépare avec certaines céréales, comme le gruau, le riz et l'orge; et aussi comme un faible aliment les crèmes et bouillies que l'on fait avec ces dernières substances, de même que le pain trempé dans l'eau. Quant aux boissons, il faut placer dans la première classe toutes celles qui sont préparées avec le froment, ainsi que le lait, le vin miellé, le vin coït, le vin de raisins séchés au soleil, le vin doux on généreux, celui qui sort de la cuve ou qui est déjà vieux. Dans la classe moyenne on trouve le vinaigre, le vin qui n'a encore que peu d'années, celui dont le goût est astringent, ou qui est naturellement épais ; et il convient de n'en pas donner d'autres aux personnes faibles. L'eau est de tous les liquides le moins fortifiant. La boisson faite avec le froment sera d'autant plus nourrissante que le froment sera meilleur. Le vin aura plus de force s'il est d'un bon terroir que s'il provient d'un mauvais cru. Recueilli dans un endroit tempéré, il vaudra mieux que récolté dans des lieux où règne trop d'humidité ou de sécheresse, trop de froid ou de chaleur. Le vin miellé nourrit en raison de la quantité de miel qu'il renferme. La force du vin cuit se mesure à la durée de la cuisson, et le vin de raisins séchés au soleil vaut d'autant mieux que les raisins août plus secs. L'eau pluviale est la plus légère ; viennent ensuite les eaux de fontaine, de rivière et de puits, et en dernier lieu celle de neige et de glace. L'eau des lacs est plus pesante qu'aucune d'elles, mais elle l'est moins encore que celle des marais. Connaître la qualité de l'eau est aussi facile que nécessaire, car on s'assure de sa légèreté en la pesant; et à poids égal la meilleure est celle qui s'échauffe et se refroidit le plus promptement, et qui met le moins de temps à cuire les légumes. En général, plus un aliment est substantiel, moins il se prête à la digestion ; mais aussi dès qu'il est digéré il nourrit davantage. Dans le choix des substances alimentaires il faut donc avoir égard à l'état des forces, et se prescrire une certaine mesure pour chaque espèce. Aux gens faibles, par exemple, on appliquera le régime de la dernière classe ; celui de la classe moyenne devra suffire à ceux qui n'ont qu'une santé médiocre, et enfin l'alimentation la plus forte sera réservée aux personnes robustes. Les aliments légers peuvent être pris en plus grande quantité, mais il faut se modérer davantage quand ils sont très nourrissants.

XIX. Ce ne sont pas les seules différences que présentent les substances alimentaires ; il en est qui font de bon ou de mauvais suc (εὔχυλος, κακόχυλος), qui sont douces ou acres, qui épaississent ou atténuent les humeurs. Celles-ci conviennent à l'estomac, celles là lui sont contraires. Tel aliment produit des flatuosités, et tel autre n'a pas cet inconvénient. Quelques-uns échauffent et d'autres rafraîchissent. Les uns s'aigrissent facilement dans l'estomac, au lieu que les antres résistent longtemps à la décomposition. Il y en a qui tiennent le ventre libre, il en est aussi qui déterminent de la constipation. Ceux-ci favorisent l'écoulement des urines, que ceux-là ralentissent. Quelques-uns portent au sommeil, et d'autres tiennent les sens éveillés. Il faut être instruit de ces diverses particularités, parce qu'elles répondent aux différents états de la constitution ou de la santé.

XX. Les aliments de bon suc sont, le froment, la fleur de farine, l'épeautre, le riz, l'amidon, le tragum, la décoction d'orge, le lait, le fromage mou, le gibier, tous les oiseaux de la classe moyenne, et parmi les gros ceux que j'ai nommés plus haut ; les poissons qui ne sont ni trop tendres ni trop fermes, comme les mulles et le loup marin; la laitue de printemps, l'ortie, la mauve, le concombre, la citrouille, les œufs mollets, le pourpier, les colimaçons, les dattes, les fruits qui ni sont ni acerbes ni acides, le vin doux ou léger, le vin de raisins scellés au soleil, le vin cuit, les olives conservées dans l'une ou l'autre de ces liqueurs; les matrices, le groin, les pieds de cochon ; toute chair grasse et gélatineuse, et tous les foies d'animaux.

XXI. Les aliments de mauvais suc sont, le millet, le panic, l'orge, les légumes, la chair des animaux domestiques amaigris, la viande salée et toutes les salaisons, le garum, le fromage vieux, le chervi, le raifort, la rave, le navet, les bulbes, le chou, ses rejetons surtout, l'asperge, la bette, le concombre, le poireau, la roquette, le cresson, le thym, le pouliot, la sarriette, l'hysope, la rue, l'aneth, le fenouil, le cumin, l'anis, l'oseille, la moutarde, l'ail, l'oignon, la rate, les reins, les entrailles, les fruits verts et acides, le vinaigre, toutes les substances acres, acides et acerbes, l'huile, les poissons de rochers, ceux qui sont trop tendres ou trop fermes et d'une mauvaise odeur, comme sont presque toujours les poissons tirés des lacs, des étangs et des ruisseaux bourbeux, ou ceux qui ont acquis une grosseur trop considérable.

XXII. Les aliments doux sont, la crème d'orge, la bouillie, le beignet, l'amidon, la décoction d'orge, la chair grasse et gélatineuse comme celle de presque tous les animaux domestiques, et principalement les pieds et groins de cochon, les pieds et la tête du chevreau, du veau et de l'agneau, et les cervelles en général ; les bulbes proprement dits, le lait, le vin cuit, le vin de raisins séchés au soleil, les pigeons. Les aliments acres sont ceux qui ont trop d'astringence, qui sont acides ou salés; le miel qui est d'autant plus acre qu'il est meilleur; l'ail, l'oignon, la roquette, la rue, le cresson, le concombre, la bette, le chou, l'asperge, la moutarde, le raifort, la chicorée, le basilic, la laitue, et la plupart des plantes potagères.

XXIII. Ceux qui épaississent les humeurs sont, les œufs frais, l'épeautre, l'amidon, la décoction d'orge, le lait, les bulbes, presque toutes les substances gélatineuses. Ceux qui atténuent les humeurs sont toutes les substances salées, acres et acides.

XXIV. Les aliments les plus convenables à l'estomac sont, les substances astringentes, acides et médiocrement salées; le pain non fermenté, l'épeautre lavé, le riz, la décoction d'orge; les oiseaux, le gibier, rôtis ou bouillis : parmi les animaux domestiques la chair de bœuf, ou si l'on en préfère une autre, il vaut mieux que ce soit d'un animal maigre que d'un gras : les pieds, le groin, les oreilles du cochon, et les matrices des femelles qui n'ont point porté : parmi les plantes potagères, la chicorée, la laitue, le panais, la citrouille bouillie, le chervi : parmi les fruits, les cerises, la mûre, la corme, la poire cassante, comme il en vient à Crustume et à Névie, celles qu'on peut garder, comme les poires de Tarente et Signie; les pommes arrondies de Scandie ou d'Amérie, le coing, la grenade, les raisins de caisse, les œufs frais, les dattes, les pignons, les olives blanches trempées dans de la saumure forte ou marinées dans du vinaigre, les olives noires cueillies bien mûres et gardées dans du vin cuit, ou dans le vin fait avec des raisins séchés au soleil ; le vin astringent ou même âpre, le vin traité par la résine; les poissons fermes de la classe moyenne, les huîtres, les pectones, tous les murex, les pourpres, les colimaçons; tous les aliments solides et liquides, froids ou très chauds ; l'absinthe.

XXV. Les aliments contraires à l'estomac sont, toutes les choses tièdes, salées, préparées au jus, celles qui sont trop douces, toutes les graisses, la crème d'orge, le pain fermenté, le pain de millet ou d'orge, l'huile, les racines potagères et les herbages assaisonnés à l'huile ou au garum, le miel, l'hydromel, le vin cuit, le vin de raisins séchés au soleil, le lait, tous les fromages, le raisin nouveau, les figues vertes et sèches, tous les légumes qui donnent des vents, le thym, la cataire, la sarriette, l'hysope, le cresson, l'oseille, le chou sauvage, les noix. On peut voir par cette énumération que les aliments de bon suc ne sont pas toujours les plus convenables pour l'estomac, et réciproquement que ceux dont l'estomac s'accommode ne sont pas toujours de bon suc.

XXVI. Les aliments venteux se composent des légumes en général, des substances grasses, douces et succulentes, du moût de vin et même du vin nouveau. Parmi les plantes potagères on compte aussi l'oignon, l'ail, le chou, toutes les racines, excepté le chervi et le panais; les bulbes, les figues sèches, mais surtout les vertes ; les raisins nouveaux, toute espèce de noix, à l'exception des pignons; le lait, les diverses sortes de fromage, et enfin toute substance mal cuite. Les aliments qui ne donnent pas de flatuosités sont, le gibier et les oiseaux pris à la chasse, les poissons, les fruits, les olives, les coquillages, les œufs frais et mollets, et le vin vieux. Quant au fenouil et à l’aneth, ils favorisent au contraire l'expulsion des vents.

XXVII. Le poivre, le sel, toute chair succulente, l'ail, l'oignon, les figues sèches et les salaisons, échauffent, de même que le vin, qui sera d'autant plus échauffant qu'on le boira plus pur. Les substances qui rafraîchissent sont, les plantes potagères dont on mange les tiges crues, comme la chicorée et la laitue ; le coriandre, le concombre, la citrouille bouillie, la bette, les mûres, les cerises, les pommes acerbes, les poires cassantes, les viandes bouillies, le vinaigre surtout, et les mets ou les boissons où on le fait entrer.

XXVIII. Les aliments qui se corrompent facilement à l'intérieur sont, le pain fermenté et celui qui n'est point fait avec le froment, le lait, le miel, et par conséquent les aliments préparés avec le lait et les pâtisseries, les poissons tendres, les huîtres, les plantes potagères, le fromage vieux ou nouveau, les viandes fortes ou tendres, le vin doux, l'hydromel, le vin cuit, le vin de raisins séchés au soleil; tout ce qui est succulent, trop doux ou trop tendre. Ceux qui cèdent le moins vite à la corruption sont, le pain non fermenté, les oiseaux, particulièrement ceux dont la chair est plus ferme, les poissons durs non seulement comme la dorade ou le scare, mais aussi le calmar, la langouste, le polype, la chair de bœuf, toute viande dure, surtout si elle est maigre et salée, les salaisons, les colimaçons, les murex, les pourpres, le vin astringent ou mêlé de résine.

XXIX. Les aliments qui relâchent le ventre sont, le pain fermenté, surtout le pain bis ou le pain d'orge, le chou à demi cuit, la laitue, l'aneth, le cresson, le basilic, l'ortie, le pourpier, le raifort, les câpres, l'ail, l'oignon, la mauve, l'oseille, la bette, l'asperge, le concombre, les cerises, les mûres, les fruits doux, les figues sèches et plus encore les vertes, les raisins nouveaux, les petits oiseaux gras, les limaçons, le garum (06), les salaisons, les huîtres, les pélorides, les hérissons, les moules (07), presque tous les coquillages et principalement leur jus, les poissons de rochers et tous ceux qui sont tendres, la liqueur noire de sèche, la chair grasse, cuite dans son jus ou bouillie, les oiseaux aquatiques, le miel cru, le lait et les choses faites au lait, l'hydromel, le vin doux ou salé, l'eau, toutes les choses tendres, tièdes, douces, grasses, bouillies, succulentes, salées, délayées.

XXX. Les aliments qui resserrent sont, le pain fait avec la fleur de farine de première ou de seconde qualité, surtout quand il n'est pas fermenté, et mieux encore s'il .est brûlé ; on le rend même plus astringent en le faisant cuire deux fois ; la bouillie préparée avec l'épeautre, le panic ou le millet, les crèmes faites des mêmes substances, surtout en les faisant griller d'abord, la lentille également grillée, mêlée à la bette, à la chicorée ordinaire ou sauvage et au plantain, la chicorée cultivée, seule ou frite avec le plantain et la chicorée sauvage, les petites herbes potagères, le chou cuit deux fois, les œufs durs et principalement rôtis, les petits oiseaux, le merle, le ramier, surtout en les faisant bouillir dans l'oxycrat; la grue, les oiseaux qui courent mieux qu'ils ne volent, le lièvre, le chevreuil, le foie des animaux qui fournissent du suif, entre autres celui du bœuf, et le suif aussi; le fromage auquel le temps ou le transport sur mer a donné plus de force, ou bien le fromage nouveau bouilli avec le miel ou l'hydromel ; le miel cuit, les poires encore vertes, les cormes, et de préférence celles qu'on appelle terminales, les coings, les grenades, les olives blanches ou très mûres, les baies de myrte, les dattes, les pourpres et murex, le vin chargé de résine ou d'une saveur âpre, le vin pur, le vinaigre, l'hydromel qui a bouilli, le vin cuit, celui qu'on prépare avec les raisins séchés au soleil, l'eau tiède ou très froide et dure, c'est-à-dire qui se corrompt difficilement, et par la même raison l'eau de pluie surtout : toutes les choses dures, maigres, astringentes, âpres et grillées, et la viande plutôt rôtie que bouillie.

XXXI. Les aliments qui sollicitent les urines sont, toutes les plantes odoriférantes des jardins, telles que le persil, la rue, l'aneth, le basilic, la menthe, l'hysope, l'anis, le coriandre, le cresson, la roquette, le fenouil, l'asperge, les câpres, le pouliot, le thym, la sarriette, le chou sauvage, le panais, surtout celui des champs, le raifort, le chervi, l'oignon ; parmi le gibier, le lièvre plus spécialement. Viennent ensuite le vin léger, le poivre rond et long, la moutarde, l'absinthe, les pignons.

XXXII. Ceux qui portent au sommeil sont, le pavot, la laitue, celle d'été principalement dont la tige est déjà pleine de suc laiteux, les mûres, le poireau. Les plantes qui stimulent les sens sont; le calament, le thym, la sarriette, l'hysope, et plus encore le pouliot, puis la rue et l'oignon.

XXXIII. Beaucoup de substances ont la propriété d'attirer les humeurs au dehors; mais comme elles consistent pour la plupart en médicaments étrangers qui ne sont guère applicables que dans les cas où le régime seul est insuffisant, je ne m'en occuperai pas en ce moment. J'indiquerai seulement les remèdes qu'on a pour ainsi dire sons la main, et qui conviennent dans les maladies dont je vais avoir à parler. Ils exercent sur le corps une action irritante, en vertu de la quelle ils attirent les humeurs nuisibles. On trouve cette faculté dans la semence de roquette, de cresson et de raifort, et surtout dans la graine de moutarde; le sel et la figue ont le même pou voir.

La laine grasse trempée dans du vinaigre ou du vin auquel on a ajouté de l'huile, les dattes écrasées et le son bouilli dans de l'eau salée ou du vinaigre, agissent en même temps comme répercussifs et émollients. Les répercussifs réfrigérants sont, la pariétaire (en grec παρθένιον ou περδίκιον), le serpolet, le pouliot, le basilic, la renouée (πολύγονον), le pourpier, les feuilles de pavot, les vrilles de la vigne, les feuilles de coriandre, la jusquiame, la mousse, le chervi, l'ache, la morelle (στρύχνον), les feuilles de chou, la chicorée, le plantain, la graine de fenouil, les poires ou les pommes écrasées et surtout les coings, la lentille, l'eau froide, et notamment l'eau de pluie; le vin, le vinaigre dans lesquels on fait tremper du pain, de la farine, de l'éponge, de la cendre, de la laine grasse ou même du linge ; la terre cimolée, le plâtre, l'huile de coing ou de myrte, l'huile rosat, l'huile acerbe, les feuilles de verveine pilées avec les jeunes tiges d'olivier, de cyprès, de myrte, de lentisque, de tamaris, de troène, de rosier, de ronce, de laurier, de lierre et de grenadier. Les substances qui suivent agissent encore comme répercussifs, mais non plus comme réfrigérants : ainsi les coings bouillis, l'écorce de grenade, l'eau chaude dans laquelle on a fait bouillir la préparation de verveine énoncée plus haut ; la poudre faite avec la lie de vin ou les feuilles de myrte, les amandes amères. Les remèdes qui échauffent sont, les cata-plasmes faits avec n'importe quelle farine, de froment, de blé dur, d'orge, d'ers, d'ivraie, de millet, de panic, de lentille, de fève, de lupin, de lin, ou de fénu-grec. On fait bouillir ces farines, et on les applique chaudes : elles ont plus d'action néanmoins cuites dans l'hydromel que bouillies dans l'eau. Il y a outre cela l'huile de cyprès et d'iris, la moelle, la graisse de chat, l'huile, surtout celle qui est vieille et salée, et unis à l'huile, le nitre, la nielle, le poivre et la quintefeuille. Presque toujours les remèdes qui sont répercussifs et réfrigérants à un degré très prononcé durcissent la peau, tandis que ceux qui échauffent sont à la fois résolutifs et émollients. Cette propriété est très marquée dans le cataplasme fait avec la graine de lin ou de fénu-grec. Voilà tous les moyens que les médecins appliquent à différents usages dans leur état de simplicité ou de combinaison, se conduisant en cela d'après les opinions personnelles qu'ils se sont formées, bien plus que d'après leur propre expérience.

 


 

LIVRE II.
(01) P. 26. Entre la dixième heure et la nuit. Ou mieux entre dix heures et la nuit, inter quartam horam et noctem.
Les Hébreux, les Grecs et les Romans ont divisé le temps qui s'écoule du lever au coucher du soleil en quatre parties égales, de trois heures chacune. La première commence au lever du soleil, la seconde à la troisième heure du jour, la troisième à midi, et la quatrième à la neuvième heure : d'où les noms de prime, tierce, sexte et none, qu'on leur a donnés, (Salgey, Traité de météorologie anc. et moderne, p. 103).
(02) P. 27. L'urine ténue et sans couleur. (Hippoc., Aphor., IV, 72.) (coa. 568). Celse déclare, en commençant ce second livre, qu'il n'hésitera pas à invoquer l'autorité des anciens, et surtout celle d'Hippocrate; il tient parole, et met surtout a contribution le Pronostic et les Aphorismes.
(03) P. 36. Est un accident funeste. Suivant les corrections indiquées par Targa (2e édit. ), j'ai dû remplacer caput par vesica, et ajouter venter après neque. Le texte ainsi restitué, il est facile de retrouver dans la phrase latine le souvenir et presque la traduction de ce passage du Pronostic, que j'emprunte à l'Hippocrate de M. Littré (t. II, p. 167) : La tension et la douleur de la vessie sont des accidents extrêmement fâcheux, surtout quand il s'y joint une fièvre continue. Tant que dure cet état de l'organe, il n'y a aucune déjection alvine (neque venter quidquam reddit ).
(04) P. 44. Dans les maladies aiguës et dans les fièvres. Le texte portait : Sed si acutus morbus est sicut in cholera; si febris est ut inter horrores. Adoptant les raisons données par Targa, cap. XIII, note 96, 1ère éd., et note 1ère, 2e éd., j'ai retranché les mots latins soulignés.
(05) P. 50. Oculata, sparsus melanurus. Selon Gaza, oculata devrait être pris comme synonyme de μελάνουρος.
« Rondelet, Belon et d'autres ont pensé, je crois, avez raison, dit Camus, que le mélanure d'Aristote était un poisson du genre des spares ou dorades, que l'on connaît sous les nom d'oblade, blade, nigroil, oculata. » Voy. Camus, Notes sur l'Hist. des anim. d'Aristote, in-4°, p. 499, et Ardedi, Synonym. pisc., p. 92.
Cette note doit naturellement s'étendre aux autres poissons dont il est question au même endroit :
Dorade, de la famille des sparoides. La dorade vulgaire est très renommée sur les côtes de la Bretagne ainsi que dans la Méditerranée. Son nom lui vient de sa couleur dorée, sparus aurata.
Corbeau marin. Sous ce rom. Aristote paraît avoir désigné le cormoran (Camus, ouvr. cité) ; mais le mot corvus ne peut désigner ici qu'un poisson, et probablement un de des dactyloptères célèbres sous les noms de poissons volants (trigla volitans, L), d'hirondelles de mer (trigla hirundo), etc. Ces poissons ressemblent beaucoup aux trigles, mais s'en distinguent par leurs grandes nageoires pectorales, dont ils se servent comme d'ailes pour se soutenir dans l'air, lorsqu'ils s'élancent hors de l'eau, dans l'espoir d'échapper à leurs ennemis.
(Milne  Edwards, Zoolog. descript., p. 708.)
Spare, première tribu des sparoides.
Loup marin ou bars (labrax), poisson de mer, ressemble beaucoup aux perches. Le bars commun abonde sur nos côtes, et porte le nom vulgaire de loup et de loubine. C'est un grand et excellent poisson, de couleur argentée. Lorsqu'il est jeune, il est ordinairement tacheté de brun. Le bars est de la famille des percoides.
(Milne Edwards, p. 700.)
Mulle. Ceci le τρίγλα des Grecs, le triglia des Italiens modernes, le rouget des Provençaux, le mullus barbatus de Linnaeus. Auncune synonymie n'est mieux prouvée en histoire naturelle. Pline le caractérise parfairement par sa double barbe qu'il porte sous le menton, et par sa couleur rouge. (G. Cuvier, Notes sur Pline,, liv. IX, trad. Ajass. de Grandsagne. )
La chair des mulles est délicieuse; et ce sont des poissons célèbres par le plaisir puéril que les Romains prenaient à voir les changements de couleur qu'ils présentent en mourant. Pour mieux jouir de ce spectacle, et pour être certaine d'avoir ces poissons le plus frais possible, ils les faisaient venir dans de petites rigoles jusque sous les tables où l'on mangeait, et les faisaient mourir dans des vases de verre que les convives se passaient de main en main. Cette passion pour les mulles lut portée au point de faire payer à des prix exorbitants ceux qui dépassaient la taille ordinaire. Sénèque raconte l'histoire d'un mulle, pesant quatre livres et demie, qui fut présenté à Tibère, et que ce prince, ridiculement économe, fit vendre au marché; Apicius et Octavius se le disputèrent, et ce dernier l'emporta au prix de 5.000 sesterces, qui, dans ces temps-là, faisaient 974 fr. Pline parle d'un de ces poissons, qui, du temps de Caligula, fut acheté par Asinius Celer pour 8,000 sesterces (1,558 fr.); et Suétone nous apprend que, sous Tibère, trois mulles d'une grande taille furent payés 30,000 sesterces ( 5,844 fr. ).
(Milne Edwards, p. 707.)
(06) P. 54. Le garum. Les Romains appelaient ainsi un liquide saumâtre qui découlait de le chair due poissons salés et à moitié putréfiés. Cette saumure, convenablement aromatisée, était chez eux un assaisonnement très recherché.
(07) P. id. Les moules. Le mot latin musculus ne peut désigner ici qu'un coquillage, et doit se traduire en effet par moule; mais ce n'en est pas moins un exemple de ces confusions de nomenclature si ordinaires aux anciens, et qui ont tant exercé l'esprit des commentateurs. Ainsi, sous le nom de mlusculus, les uns reconnaissent un poisson dont la taille ne doit pas excéder celle du goujon, et qui, selon les anciens, sert de conducteur à le baleine, tandis que les autres y retrouvaient le plus grand des animaux aquatiques, c'est-à-dire une espèce de baleine que Cuvier suppose être le rorqual de la Méditerranée.