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ARISTOXÈNE

 

 

ÉLÉMENTS HARMONIQUES

 

LIVRE III

 

introduction - livre I - livre II

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

Les quatre premières planches (sur cinq) du livre ne servent à rien compte tenu de leur état ;

j’ai cependant laissé les notes renvoyant à ces 4 premières planches. Elles sont surlignées en jaune.

 

 

 

 

 

LIVRE TROISIÈME.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA SUCCESSION DES TETRACORDES.

1. Les tétracordes successifs sont ou conjoints ou disjoints entre eux.

2. On dira qu’il y a conjonction, lorsqu’un son commun sera placé entre deux tétracordes, semblables dans leur forme, qui se chantent musicalement de suite.

3. Il  y a disjonction, lorsque l’intervalle d’un ton est placé entre deux tétracordes, semblables dans leur forme, qui se chantent musicalement de suite.

4. Il est évident, en vertu des principes établis, que l’un ou l’autre caractère appartiendra nécessairement à deux tétracordes successifs. En effet, parmi les sons successifs, lorsque les quatrièmes consonneront à la quarte, ils produiront la conjonction, et si les cinquièmes consonnent la quinte, ils produiront la disjonction: or l’une ou l’autre de ces circonstances se rencontre dans les sons [mélodiques], de sorte qu’elle se rencontre aussi nécessairement dans deux tétracordes successifs.

5. Parmi ceux à qui nous avons exposé la succession, il s’est rencontré des auditeurs qui ne s’expliquaient pas d’abord en quoi consistait la succession, en général, puis si elle a lieu suivant un seul mode ou bien de plusieurs façons, troisièmement si des tétracordes conjoints et des tétracordes disjoints se trouvent indistinctement en succession. Voici quelle était alors notre réponse.

6. En général, tels systèmes sont continus lorsque leurs limites sont ou successives ou bien mutuelles.

7. Or il y a deux modes de succession.

1° L’un est [celui[1] suivant lequel la limite la plus grave du système le plus aigu (G c) se confond avec la limite la plus aiguë du système le plus grave (GD].

2° L’autre est celui suivant lequel la limite la plus grave du système le plus aigu (G c) succède à la limite la plus aiguë du système le plus grave (F C).

8. 1° Suivant le premier mode, les tétracordes successifs ont de commun les limites (G) et un certain lieu; de plus, ils sont nécessairement semblables (D E = G a, etc.).

2° Suivant le second mode, ils sont séparés l’un de l’autre, et les formes des tétracordes peuvent devenir semblables; cette condition-là se présente lorsqu’un ton (a b) est placé entre deux [tétracordes] (E a, b e), mais n’a lieu dans aucune autre circonstance.

En conséquence, deux tétracordes semblables seront successifs, soit qu’il y ait un ton d’intervalle entre eux, soit que leurs limites soient mutuelles; ainsi, des tétracordes semblables successifs seront nécessairement ou conjoints ou disjoints entre eux.

9. Nous établissons qu’entre deux tétracordes successifs, ou l’on ne doit pas placer un tétracorde, ou bien l’on ne doit pas en placer un dissemblable.

1° Entre deux tétracordes semblables dans leur forme (BE, ad), on ne peut placer un tétracorde dissemblable.

2° Entre deux tétracordes dissemblables successifs (DG, ad), on ne doit pas placer un tétracorde.

D’après cette explication, il est évident que deux tétracordes semblables dans leur forme seront placés successivement entre eux suivant les deux modes ainsi détermines.

CHAPITRE II.[2]

MOBILITÉ DE LA CONJONCTION. STABILITÉ DE LA DISJONCTION.

10. 1° Dans les variétés de genres, les seules parties de la quarte sont mobiles.

2° La grandeur propre à la disjonction est fixe.

En effet, tout chant accordé se divise en conjonction et en disjonction, lorsqu’il comprend plusieurs tétracordes.

11. 1° La conjonction se compose seulement des parties incomposées [de la] quarte,[3] de sorte que, dans la conjonction du moins, les parties seules de la quarte seront nécessairement mobiles.

2° La disjonction, à son tour, aura le ton pour grandeur propre. Si l’on fait voir que la grandeur propre à la disjonction n’est pas mobile dans les variétés de genres, il sera évident que la mobilité ne restera qu’aux parties seules de la quarte. Or le plus grave des sons qui comprennent le ton est, a-ton dit, le plus aigu des sons qui comprennent le plus grave des deux tétracordes qui sont placés en disjonction; et ce même son est fixe dans les variétés de genres. D’autre part, le plus aigu des sons qui comprennent le ton est, a-t-on dit, le plus grave de ceux qui comprennent le tétracorde le plus aigu de ceux qui sont placés en disjonction, et ce même son est, comme on l’a vu, semblablement fixe dans les variétés de genres. Donc, puisqu’il est évident que les sons qui comprennent le ton sont fixes dans les variétés de genres, il est clair, par suite, que la mobilité reste aux seules parties de la quarte dans ces variétés.

CHAPITRE III.[4]

NATURE DES INTERVALLES INCOMPOSES.

12. L’intervalle incomposé est celui qui est compris entre deux sons successifs.

En effet, si les sons compréhensifs [de cet intervalle] sont successifs, aucun son ne manque; si aucun son ne manque, aucun son ne tombera [dans cet intervalle]; si aucun n’y tombe, aucun ne le partagera; or ce qui ne comporte pas de division ne comporte pus non plus de composition, car toute [quantité] composée est formée de parties qui peuvent servir à le diviser.

13. Il règne à l’égard de cette proposition une erreur qui a pour cause la communauté des caractères qui affectent une même grandeur. L’on se demande avec surprise comment on peut quelquefois diviser en tons le diton, qui est aussi un incomposé, ou bien comment il se fait que le ton, que l’on peut diviser en demi-tons, est quelquefois aussi un incomposé ; même observation est faite au sujet du demi-ton.

14. L’ignorance sur ce chapitre vient de ce qu’on ne comprend pas que plusieurs grandeurs d’intervalles ont le double caractère de composées et d’incomposées: c’est ce qui explique pourquoi le caractère d’incomposé n’est pas déterminé par la grandeur d’un intervalle, mais par les sons qui le limitent. Le diton, limité par la mèse et l’indicatrice,[5] est un incomposé; limité par la mèse et la parhypate,[6] c’est un composé. Voilà pourquoi nous établissons que l’incomposé [est un caractère qui] ne consiste pas dans les grandeurs d’intervalles, mais dans les sons compréhensifs de ces grandeurs.

CHAPITRE IV.

PROPRIÉTÉ DES INCOMPOSES DE LA QUINTE.

15. Dans chaque genre, le plus grand nombre d’incomposés possibles est celui des incomposés de la quinte.

En effet, un genre quelconque se chante musicalement, soit en conjonction, soit en disjonction, comme on l’a dit précédemment. On a montré aussi précédemment que la conjonction est composée seulement des parties de la quarte, et que la disjonction présente un intervalle qui lui est propre c’est-à-dire le ton. Or, si l’on ajoute un ton aux parties de la quarte, on complète la quinte.[7]

Il est donc évident que, puisqu’on n’admet pas qu’un genre considéré dans une seule nuance se compose de plus d’incomposés qu’il n’y en a dans la quinte, il est clair que, dans chaque genre, le plus grand nombre d’incomposés est celui des incomposés de la quinte.

16. Quelques-uns sont surpris de cette proposition: ils se demandent comment on peut établir un nombre maximum d’incomposés, et pourquoi l’on ne montre pas simplement que chaque genre se compose d’autant d’incomposés qu’il y en a dans la quinte. Voici là-dessus notre réponse.

17. Chaque genre pourra se composer parfois d’incomposé moins nombreux [que] ceux de la quinte, mais jamais d’incomposés plus nombreux. Voilà pourquoi l’on démontre, en premier lieu, qu’il n’est pas possible que chaque genre se compose de plus d’incomposés qu’il n’y en a dans la quinte. Mais comment chacun d’eux pourra-t-il se composer d’incomposés moins nombreux? c’est ce que l’on montrera dans la suite.

CHAPITRE V.

DE LA SUCCESSION DES INCOMPOSES ÉGAUX.

18. On ne chante pas musicalement un pycnum après un pycnum, soit en entier, soit même en partie.

En effet, dans ce cas, il arriverait que, parmi les sons successifs, les quatrièmes ne seraient pas consonants à la quarte, ni les cinquièmes à la quinte; or des sons placés ainsi sont, avons-nous dit, non-mélodiques.

19. Parmi les sons qui comprennent un diton, le plus et grave est le plus aigu d’un pycnum, et le plus aigu est le plus grave d’un pycnum.

En effet, nécessairement, dans la conjonction, si un pycnum est consonnant en quarte avec un autre pycnum, entre ces deux pycnums se placera un diton. De la même manière, dans la conjonction,[8] si deux ditons sont consonants à la quarte, entre ces deux ditons se placera nécessairement un pycnum. Puisqu’il en est ainsi, il faut que le pycnum et le diton se placent alternativement. Il  est donc évident que le plus grave des sons qui comprennent un diton sera le plus aigu [des sons] du pycnum placé dans le grave, et que le plus aigu sera le plus grave de ceux du pycnum placé dans l’aigu.

20. Chacun des sons qui comprennent le ton [disjonctif] est le plus grave d’un pycnum.

En effet, dans la disjonction, le ton se place entre deux tétracordes tels, que les sons compréhensifs sont les plus graves d’un pycnum, et que le ton est [l’intervalle] compris entre eux. Car le plus grave des sons qui comprennent le ton est le plus aigu de ceux qui comprennent le tétracorde le plus grave, et le plus aigu de ceux qui comprennent le ton est le plus grave de ceux qui comprennent le tétracorde le plus aigu.

Il est donc évident que les sons qui comprennent le ton seront les plus graves d’un pycnum.

21. On ne placera pas deux ditons successivement.

En effet, supposons qu’on en place deux de cette manière:[9] un pycnum devra suivre, dans le grave, le diton le plus aigu; car le son le plus aigu d’un pycnum limite, avons-nous dit, le diton dans le grave; et un autre pycnum devra suivre dans l’aigu le diton le plus grave, car le son le plus aigu d’un pycnum limite avons-nous dit, le diton dans l’aigu. S’il en est ainsi, un pycnum succédera à un pycnum, et comme cette succession est non-mélodique la succession de deux ditons sera également non-mélodique.

22. Dans l’enharmonique et dans le chromatique, l’on ne placera pas successivement deux intervalles toniés.

1° En effet, supposons que l’on place[10] d’abord [le ton ajouté] dans l’aigu: nécessairement, si le son qui limite le ton ajouté dans l’aigu est mélodique, il sera consonnant, soit avec le quatrième son à la quarte, soit avec le cinquième à la quinte; mais, s’il ne possède pas ces consonances, nécessairement il ne sera pas mélodique. Or il est évident que c’est là ce qui arrivera, car, d’un côté, l’indicatrice enharmonique sera éloignée de quatre tons du son ajouté et représentera le quatrième son; d’autre part, l’indicatrice chromatique, soit du chromatique mou, soit du sesquialtère, [en] sera éloignée d’un intervalle plus grand que la quinte; mais, devenue chromatique toniée, elle sera consonante au son ajouté. Or cette condition a été déclarée nécessairement insuffisante: il faut, a-t-on dit, que le quatrième son soit consonnant à la quarte, ou le cinquième à la quinte; or ni l’une ni l’autre consonance n’a lieu dans ces conditions.

Il est donc évident que ce serait un son non-mélodique qui limiterait le ton ajouté dans l’aigu.

2° Maintenant plaçons-le dans le grave:[11] cet intervalle tonié rendra le genre diatonique.

Ainsi donc il est évident que, dans l’enharmonique et dans le chromatique, on ne placera pas successivement deux intervalles toniés, mais que dans le diatonique on pourra placer trois intervalles toniés successivement.

3° On n’en placera pas plus de trois.

En effet, le son qui limiterait le quatrième intervalle tonié ne serait consonnant ni avec le quatrième son à la quarte ni avec le cinquième à la quinte.

23. Dans ce même genre diatonique, on ne placera pas deux demi-tons successifs.

1° En effet plaçons dans le grave[12] a la suite du demi-ton naturel, le demi-ton ajouté : il arrivera que le son qui limitera le demi-ton ajouté ne sera consonnant, ni avec le quatrième son à la quarte, ni avec le cinquième à la quinte; de sorte que la position du son ajouté serait non-mélodique.

2° Maintenant, plaçons-le à l’aigu du demi-ton naturel: il y aura genre chromatique.

Il est donc évident que, dans le genre diatonique, on ne placera pas deux demi-tons successifs.

24. Quels incomposés égaux peuvent se placer successivement, et quel en est le nombre, quels autres sont dans une condition contraire, et ne peuvent, étant égaux, se succéder mélodiquement? c’est ce que l’on vient d’exposer d’une manière qui nous paraît suffisante. Il  faudrait maintenant parler des incomposés inégaux.

CHAPITRE VI.

DE LA SUCCESSION DES INCOMPOSES INÉGAUX.

25. On place un pycnum après un diton, dans le grave et dans l’aigu.

En effet l’on a vu que, dans la conjonction, ces intervalles se placent alternativement.

Il est donc évident qu’on les placera l’un à la suite de l’autre dans le grave et dans l’aigu.

26. On place un ton après un diton seulement dans l’aigu.

En effet, plaçons-le dans le grave :[13] il arrivera au son le plus aigu et au son le plus grave d’un pycnum de tomber dans la même tension,[14] car le son qui limite le diton dans le grave est, a-t-on dit, le plus aigu d’un pycnum, et celui qui limite le ton dans l’aigu est, a-t-on dit aussi, le plus grave d’un pycnum. Or, puisque ces sons tombent dans la même tension, il y aura nécessairement un pycnum après un pycnum, et, comme cette succession est non-mélodique, l’intervalle [placé] dans le grave [à la suite] d’un diton sera nécessairement non-mélodique.

27. On place un ton après un pycnum seulement dans le grave.

En effet, plaçons-le dans le sens contraire[15] : cette disposition entraînera la même impossibilité, car le plus aigu et le plus grave [des sons] d’un pycnum tomberaient dans la même tension. Il  y aura donc un pycnum après un pycnum, et, comme cette succession est non-mélodique, il s’ensuit nécessairement que la position de cet [intervalle] dans l’aigu [à la suite] du pycnum est non-mélodique.

28. Dans le diatonique, on ne chante pas musicalement un demi-ton [à la suite] d’un ton, dans l’un et dans l’autre sens [à la fois].

En effet, dans ce cas-là,[16] il arriverait que les quatrièmes sons ne seraient pas consonants à la quarte, ni les cinquième à la quinte.

29. On chante musicalement un demi-ton [à la suite] de deux ou de trois tons dans l’un et dans l’autre sens.

En effet, les quatrièmes sons seront consonants à la quarte et les cinquièmes à la quinte.[17]

CHAPITRE VII.

DÉTERMINATION DES PROCÉDÉS A PARTIR DES DIVERS INCOMPOSES.

30. A partir d’un demi-ton, il y aura deux procédés mélodiques dans l’aigu et deux dans le grave.

[En effet on a montré[18] que dans l’aigu et dans le grave on place un demi-ton et un ton.]

31. A partir d’un diton, il y a deux procédés dans l’aigu et un seul dans le grave.

[Il y a deux procédés dans l’aigu].[19]

En effet, on a montré qu’on peut, dans l’aigu, placer, [à la suite d’un diton], un pycnum et un ton. Il n’y a pas un plus grand nombre de procédés dans l’aigu, à partir de l’intervalle précité; car, parmi les incomposés, il ne reste que le diton; or l’on ne place pas deux ditons successivement.

Il est donc évident qu’il y aura, dans le sens aigu, deux procédés seulement, à partir du diton.

2° Il  y en a un seul dans le grave, [lequel conduit au] pycnum.

En effet on a montré que dans aucun sens on ne place un diton après un diton, ni, dans le grave, un ton [à la suite] d’un diton, de sorte qu’il reste le seul pycnum.

Il est donc évident que, à partir d’un diton, d’abord dans l’aigu, il y a deux procédés, l’un [conduisant] au ton, l’autre au pycnum; ensuite un seul dans le grave, [conduisant] au pycnum.

32. A partir d’un pycnum, c’est l’inverse : dans le grave, il y a deux procédés, et un seul dans l’aigu.

1° [Dans le grave[20] il y a deux procédés conduisant l’un au diton, l’autre au ton.]

En effet on a montré que, dans le grave, il partir d’un pycnum, on place un diton et un ton. Il n’y aura pas un troisième procédé; car, parmi les incomposés, il ne reste que le pycnum; or on ne place pas un pycnum après un pycnum.

Il est donc évident que, à partir d’un pycnum, il y aura seulement deux procédés dans le grave.

2° Dans l’aigu, il y en a un seul, [conduisant] au diton. En effet on ne place pas un pycnum après un pycnum ni un ton [à la suite] d’un pycnum, dans l’aigu; il reste donc le seul diton.

Il est donc évident que, à partir d’un pycnum, il y a deux procédés dans le grave [conduisant] l’un au ton, l’autre au diton, et un seul dans l’aigu [conduisant] au diton.

33. A partir d’un ton, il y a un seul procédé dans l’un et dans l’autre sens; dans le grave, [il conduit] au diton et dans l’aigu, au pycnum.

On a montré, [en effet], que dans le grave, [à la suite] d’un ton, on ne place ni un ton, ni un pycnum;[21] il reste donc le diton; et que dans l’aigu [on ne place] ni un ton ni un diton, il reste donc le pycnum.

Il est donc évident que, à partir d’un ton, il y a un seul procédé dans l’un et dans l’autre sens, [conduisant] dans le grave au diton, dans l’aigu au pycnum.

34. Il  se produira une chose semblable dans les tétracordes chromatiques; seulement on prendra, à la place du diton, l’intervalle de la mèse l’indicatrice, tel qu’il sera suivant la nuance [chromatique],[22] et la grandeur du pycnum, de la même manière.

35. Il se produira aussi une chose semblable dans les [tétracordes] diatoniques.

En effet, à partir du ton commun aux divers genres,[23] il y aura un seul procédé dans l’un et dans l’autre sens, [conduisant] dans le grave, à l’intervalle de la mèse à l’indicatrice, tel qu’il sera suivant la nuance diatonique,[24] et, dans l’aigu, à celui de la paramèse à la trite.

36. Cette proposition donne aussi lieu quelquefois à une erreur. On se demande avec surprise comment ce n’est pas le contraire qui arrive. [On croit qu’] il doit y avoir un nombre indéterminé de procédés à partir du ton, dans l’un et dans l’autre sens, puisque l’on donne à l’intervalle de la mèse à l’indicatrice, ainsi qu’au pycnum, un nombre indéfini de grandeurs.

Voici là-dessus notre réponse:

37. Personne encore ne s’est fait de cette proposition une idée plus exacte que des précédentes. Il  est évident qu’il arrivera à l’un des procédés pris à partir du pycnum de recevoir un nombre indéterminé de grandeurs, et de même à l’un de ceux qui sont pris à partir du diton, puisqu’un intervalle tel que celui de la mèse à l’indicatrice reçoit un nombre indéfini de grandeurs, et qu’un intervalle tel que le pycnum se trouve dans la même condition, mais il n’en est pas moins vrai qu’il y a deux procédés dans le grave à partir du pycnum, et dans l’aigu à partir du diton, et que, à partir d’un ton, il y a un procédé unique dans l’un et dans l’autre sens. En voici la raison:

38. Il  faut prendre les procédés suivant chaque genre et suivant chaque nuance [particulièrement].

En effet l’on doit établir et ranger parmi les connaissances chacune des [notions] musicales suivant le caractère qui a servi à la déterminer, et tout caractère dépourvu de détermination doit être laissé de côté. Or l’on peut voir que, sous le rapport des grandeurs des intervalles et des tensions des sons, les questions relatives au chant ne comportent aucune détermination, mais que c’est aux puissances, aux formes et aux positions [des systèmes] qu’elles empruntent leur détermination et leur classification.

39. Ainsi donc les procédés pris dans le grave à partir du pycnum ont été déterminés directement par rapport aux puissances et aux formes, et leur nombre a été fixé à deux seulement. L’un conduit la forme de ce système (le pycnum) à la disjonction suivant l’intervalle d’un ton, l’autre à la conjonction suivant le troisième intervalle [du tétracorde] quelle qu’en soit la grandeur.

Voilà qui explique comment il se fait, que, à partir du ton, il y a un seul procédé dans l’un et dans l’autre sens, et que le double procédé de la disjonction[25] s’applique à une forme unique de système. Si ce n’est pas suivant une nuance unique [prise pour exemple] dans un seul genre, que l’on tâche d’observer les procédés pris à partir des intervalles, mais suivant toutes les nuances de chaque genre, on tombera dans l’indétermination; c’est là une chose évidente par suite de nos explications et par le fait lui-même.

CHAPITRE VIII.

PROPRIÉTÉS DES SONS DU PYCNUM.

40. Dans le chromatique et dans l’enharmonique, un son quelconque fait partie du pycnum.

En effet, tout son, dans ces [deux] genres, limite, soit une partie de pycnum, soit [une grandeur] de ton, soit un intervalle tel que celui de la mèse à l’indicatrice. Or à l’égard des sons qui limitent les parties ou grandeurs [partielles] du pycnum, il n’est pas besoin d’en parler, car ils font évidemment partie d’un pycnum. Quant aux sons qui comprennent le ton, on a montré précédemment que chacun d’eux était le plus grave d’un pycnum.

Maintenant, pour ce qui est des sons qui comprennent l’intervalle restant, on a montré que le plus grave était le plus aigu d’un pycnum, et le plus aigu, le plus grave [d’un autre pycnum].

Ainsi donc, puisque ce sont là les seuls intervalles incomposés, et que chacun de ces intervalles est compris entre des sons de telle nature qu’ils font chacun partie d’un pycnum, il est évident que, dans le chromatique et dans l’enharmonique, un son quelconque fait partie d’un pycnum.

41. Les sons placés dans un pycnum auront trois places :[26] c’est là une chose facile à comprendre.

En effet après un pycnum, l’on ne place ni un pycnum, ni une partie de pycnum.

Il est donc évident, par cette raison, que les sons dont il s’agit n’auront pas un plus grand nombre de places.

42. A partir seulement du [son] le plus grave [d’un pycnum], il y a deux procédés dans l’un et dans l’autre sens, et, à partir des deux autres sons, il y en a un seul dans l’un et dans l’autre sens; c’est ce qu’il faut démontrer.

1° On a fait voir plus haut que, à partir du pycnum, [il y avait[27] deux procédés dans le grave conduisant l’un au ton et l’autre au diton; or] constater l’existence de deux procédés [dans le grave] à partir du pycnum, c’est constater pareillement l’existence de deux procédés dans le grave à partir du plus grave des sons placés dans le pycnum, car c’est un même son qui limite le pycnum [et qui est le plus grave de ce pycnum].

2° On a fait voir semblablement[28] que, à partir du diton, il y avait deux procédés dans l’aigu [conduisant], l’un au ton, l’autre au pycnum. Or constater l’existence de deux procédés [dans l’aigu] à partir du diton, c’est constater pareillement l’existence de deux procédés dans l’aigu à partir du plus aigu des sons qui limitent le diton; car c’est un même son qui limite le diton et qui est le plus grave d’un pycnum, comme on l’a montré précédemment.

Il est donc évident que, à partir du son précité, il y aura deux procédés dans l’un et dans l’autre sens.

43. A partir du [son] le plus aigu [d’un pycnum], il y a un seul procédé dans l’un et dans l’autre sens: c’est ce qu’il faut démontrer.

1° D’une part, on a fait voir que, à partir d’un pycnum, il y avait un seul procédé dans l’aigu; or il n’est pas différent de dire qu’il y a un seul procédé dans l’aigu à partir d’un pycnum, et de dire que c’est à partir du son qui le limite [dans l’aigu], et cela, par la raison donnée plus haut.

2° D’autre part, on a fait voir que, à partir d’un diton, il y a un seul procédé dans le grave; or il n’est pas différent de dire qu’il y a un seul procédé dans le grave à partir d’un diton, et de dire que c’est à partir du son qui le limite [dans le grave], et cela, par la raison donnée plus haut; il est évident que c’est un même son qui limite le diton dans le grave et le pycnum dans l’aigu, et qui est le plus aigu d’un pycnum.

Il est donc évident, par suite de cette explication, que, à partir du son précité, il y a un seul procédé dans l’un et l’autre sens

44. A partir du [son] moyen [d’un pycnum], il y a un seul procédé dans l’un et dans l’autre sens; c’est ce qu’il faut démontrer.

Comme l’un des trois incomposés doit, nécessairement, se placer après le son dont il s’agit, et comme, d’autre part, il se trouve un diésis, placé dans l’un et dans l’autre sens, à la suite de ce son, l’on ne placera évidemment dans aucun cas ni un ton ni un diton après ce son moyen.

En effet, si l’on place un diton de cette manière,[29] ou bien le plus grave ou bien le plus aigu d’un [autre] pycnum tombera dans la même tension que le son dont il s’agit, lequel est [déjà] au milieu d’un pycnum: il y aura donc trois diésis de suite, de quelque manière que soit placé le diton.

Si l’on place un ton de cette manière,[30] on aura un pareil résultat; le plus grave d’un pycnum tombera dans la même tension que le son moyen du pycnum, de sorte qu’il y aura trois diésis de suite; or cette succession est non-mélodique.

Il est donc évident que, à partir du son précité, il y a un seul procédé dans l’un et dans l’autre sens.

45. Ainsi donc, à partir [du plus grave][31] des sons placés dans un pycnum, il y aura deux procédés dans l’un et dans l’autre sens, et, à partir de chacun des [deux] autres sons, il y aura un seul procédé dans l’un et dans l’autre sens : c’est une chose évidente.

46. On ne placera pas mélodiquement dans la même tension deux sons qui seraient dissemblables dans leur manière de faire partie d’un pycnum: c’est ce qu’il faut démontrer.

En effet, plaçons d’abord[32] dans la même tension le son le plus grave et le son le plus aigu d’un pycnum: il résultera de cette disposition qu’il y aura un pycnum après un pycnum, mais, comme cette succession est non-mélodique, la chute ou l’incidence de [ces] sons dissemblables dans un pycnum ne peut être mélodique.

2° [En second lieu], il est évident qu’il n’est pas non plus conforme à la mélodie que des sons dissemblables sous tout autre rapport[33] se partagent une même tension.

En effet on placerait nécessairement trois diésis de suite, soit que le son le plus grave ou le plus aigu se partage une même tension avec le son moyen.

CHAPITRE IX.

NOMBRE DES INCOMPOSES DANS CHAQUE GENRE.

47. Le genre diatonique se compose soit de deux, soit de trois, soit de quatre incomposés : c’est ce qu’il faut démontrer.

Le plus grand nombre d’incomposés contenus dans chaque genre est celui des incomposés de la quinte, on l’a montré précédemment : or ils sont au nombre de quatre.

1° Si donc, sur ces quatre, il y en a trois égaux et un inégal (dans le diatonique le plus aigu ou synton), ce sera de deux grandeurs incomposées seulement que se compose le genre diatonique.[34]

2° S’il y en a deux égaux et deux inégaux, par suite d’un mouvement de la parhypate vers le grave, ce sera de trois incomposés que se formera le genre diatonique, [à savoir] l’intervalle plus petit qu’un demi-ton, le ton, et l’intervalle plus grand qu’un ton.[35]

3° Si toutes les grandeurs de la quinte sont inégales, ce sera de quatre incomposés que se formera le genre dont il s’agit.[36]

Il est donc évident que le genre diatonique se compose de deux, de trois ou de quatre incomposés.

48. Les genres chromatique et enharmonique se composent de trois ou de quatre incomposés; c’est ce qu’il faut démontrer.

1° Si, parmi les quatre incomposés de la quinte, les parties du pycnum (ou bien les grandeurs [partielles] du pycnum) sont égales, ce sera de trois grandeurs [incomposées] que se composeront les genres précités; une partie de pycnum quelle qu’elle soit, un ton, et un intervalle tel que celui de la mèse à l’indicatrice,[37]

2° Si les parties du pycnum sont inégales, ce sera de quatre grandeurs [incomposées] que se composeront les genres dont il s’agit; la plus petite est celle de l’hypate a la parhypate; la seconde est celle de l’intervalle de la parhypate à l’indicatrice; la troisième[38] est l’intervalle d’un ton; la quatrième est telle que l’intervalle de la mèse à l’indicatrice.[39]

49. On se demande quelquefois pourquoi ces genres ne se composent pas de deux incomposés comme le diatonique. Il y a évidemment une très bonne raison pour qu’il n’en soit pas ainsi; c’est que, dans le chromatique et dans l’enharmonique, trois incomposés égaux ne peuvent se succéder mélodiquement, tandis que cette succession peut avoir lieu dans le diatonique; d’où il résulte que ce genre peut se former de deux incomposés seulement.

CHAPITRE X.

DES ESPÈCES OU FORMES DES CONSONANCES.

FORMES DE LA QUARTE.

50. Après cela il faut dire ce qu’on entend par les diversités de formes et en quoi elles consistent.

Il nous est tout à fait indifférent de dire forme (ocima) ou espèce (eidoV), car nous appliquons ces deux termes au même objet.

51. Il y a [diversité de formes][40] lorsqu’une grandeur donnée comprend des incomposés qui sont semblables en grandeur et en nombre, mais dont la disposition relative subit une altération.

52. Cette définition établie, il faut démontrer qu’il y a trois formes de quarte.[41] La première est celle où le pycnum est dans le grave; la seconde est celle où un diésis se place dans les deux sens [à la suite] d’un diton; la troisième est celle où le pycnum se place dans l’aigu [à la suite] du diton.

53. Il  n’est pas possible de placer de plus de manières les parties de la quarte les unes par rapport aux autres c’est là une chose facile à comprendre[42]...

FIN DE CE QUI NOUS RESTE DU TROISIEME LIVRE.

 


 

CHAPITRE XI

Emprunté au second anonyme.[43]

FORMES DE LA QUINTE ET DE L’OCTAVE.

54. La première forme de la quinte est celle où le ton [disjonctif] est placé au premier rang à l’aigu; tel est l’intervalle compris entre l’hypate des moyennes et la paramèse. La seconde est celle où le ton [disjonctif] occupe le second rang à l’aigu; elle va de la parhypate des moyennes à la trite des disjointes (ou à la paramèse). Dans la troisième, le ton occupe le troisième rang à l’aigu, comme depuis l’indicatrice des moyennes soit enharmonique, chromatique ou diatonique, jusqu’à la paranète des disjointes pareillement enharmonique, chromatique ou diatonique. Dans la quatrième enfin, le ton occupe le quatrième rang; elle est comprise entre la mèse d’une part et la nète des disjointes de l’autre.

55. Il y a sept formes d’octaves: la première a le ton disjonctif à l’aigu; elle s’étend depuis l’hypate des fondamentales jusqu’à la paramèse. La seconde a le ton disjonctif au second rang à l’aigu; elle est comprise entre la parhypate des fondamentales et la trite des disjointes. La troisième a le ton disjonctif au troisième rang; elle va depuis l’indicatrice des fondamentales soit enharmonique, [chromatique ou diatonique], jusqu’à la paranète des disjointes soit enharmonique, chromatique ou diatonique. La quatrième, dans laquelle le ton disjonctif occupe la quatrième place à l’aigu, va de l’hypate des moyennes jusqu’à la nète des disjointes. La cinquième, dans laquelle le ton occupe le cinquième rang, va de la parhypate des moyennes à la trite des adjointes. La sixième, dans laquelle le ton occupe le sixième rang, s’étend de l’indicatrice des moyennes, soit enharmonique, chromatique ou diatonique, à la paranète des adjointes pareillement enharmonique, chromatique ou diatonique. Enfin la septième, dans laquelle le ton est à la septième place, va depuis la mèse jusqu’à la nète des adjointes [ou depuis le proslambanomène jusqu’à la mèse].

FIN DU CHAPITRE XI (SUPPLEMENTAIRE).

 


 

APPENDICE

EXTRAITS DIVERS A RAPPROCHER DES ELEMENTS HARMONIQUES D’ARISTOXENE.[44]

N° 1.

« Aristoxène a établi l’impossibilité de toujours apprécier, non pas des sons quelconques, mais ceux que la voix émet, lorsqu’il a dit que certains sons excèdent notre faculté auditive, et pour cette raison ne sont pas entendus; mais, donnant des explications sur la voix et sur l’ouïe, dans l’un de ses Mémoires mélangés, il prétend que le plus grand et le plus petit intervalle que puisse former la voix sont également sous-contraires (buvvwc) à notre faculté, si l’on s’en rapporte a la perception. a

Porphyr., Comment. in Ptol. Harm., p. 257. FRAGMENTA HISTORICORUM GRAECORUM, t. II, p. 290, n° 86.

Ne pourrait-on pas conjecturer, d’après cette citation, que notre premier livre n’est autre chose qu’une partie des Mémoires mélangés de notre auteur? (Voir l’Avertissement.)

N° 2.

Les musiciens se disent des professeurs et des directeurs de morale; les Pythagoriciens n’ont pas seuls cette prétention, mais Aristoxène expose la même pensée.

Strabon, I, p. 16, FRAGM. H., n° 75. —.Cp. le n° 91.

N° 3.

« Nous faisons, disait Aristoxène, dans les Mélanges de table, comme les Posidoniens, qui habitent au golfe de Tirrhénum. D’origine grecque, puis devenus barbares, Tyrrhéniens ou Romains, ils ont changé de langage et de mœurs; mais ils célèbrent encore aujourd’hui une seule fête grecque, dans laquelle ils se réunissent, ils se rappellent entre eux leur langage et leurs institutions d’autrefois, et alors ils gémissent, ils pleurent ensemble, puis ils se séparent. Il en est de même de nous, ajoutait-il; depuis que nos théâtres sont devenus la proie des barbares, et que cette musique familière à tout le monde est si corrompue, nous sommes un petit nombre à nous rappeler entre nous l’état primitif de la musique. »

(Athénée, l. XIV, p. 63, A; FRAGH. H. n° 90.)

N° 4.

« Le musicien Aristoxène s’efforçait de rendre son énergie à la musique, devenue si efféminée. Il voulait une attaque plus mâle et prescrivait à ses disciples de rejeter la mollesse et de rechercher la vigueur.

« .... .On voit qu’Aristoxène ne comptait pour rien le mépris de la multitude et du vulgaire, et, s’il était nécessaire de ne pas rester dans les règles de l’art pour chanter d’une manière agréable au grand nombre, il préférait le maintien de ces règles à la faveur des hommes. » Thémistius; Orat. XXXIII. FRAGM. H., p. 71. — Cp. Plat., Criton., traduction de M. Schwalbé, p. 71, des Dial. biograph. (passage cité par Eusèbe).

N° 5.

« Aristoxène établit que ces genres sont au nombre de six; mais les modernes trouvent un plus grand nombre de variétés, parmi lesquelles ils en ont établi deux, plus remarquables. Aristoxène s’exprime donc (à peu près) en ces termes: « Chacun des tétracordes se divise en six genres. L’un est celui qu’on appelle harmonie ou genre enharmonique; il emploie le diésis minime, lequel vaut un quart de ton. Trois genres sont chromatiques; ils emploient, le plus grave, le diésis chromatique proprement dit, qui vaut un tiers de ton; le moyen, un autre diésis appelé sesquialtère, car son intervalle consiste dans un diésis enharmonique et demi. Le troisième est le chromatique synton ou aigu, lequel consiste dans un demi-ton et non plus un diésis. Jusqu’à ce genre, le pycnum subsiste, car jusqu’à ce genre un intervalle unique est supérieur aux deux autres (d’un tétracorde). A partir de ce genre, le [reste du] tétracorde se divise en (deux intervalles) égaux, car les deux genres qui restent sont l’un et l’autre diatoniques. Ainsi dans le genre relâché (diatonique mou), comme on l’a dit, le tétracorde est divisé en deux intervalles égaux par le plus aigu des sons mobiles; car l’intervalle (compris) par exemple entre l’hypate des moyennes et l’indicatrice est égal à l’(intervalle compris) entre l’indicatrice et la mèse, circonstance qui ne se rencontrait dans aucun des genres précédents; et c’est pour cela que le pycnum pouvait y subsister. Dans le dernier genre appelé genre diatonique proprement dit et genre diatonique synton ou aigu, l’indicatrice est encore plus aiguë de manière qu’il n’y a qu’un intervalle tonié de cette indicatrice à la mèse. Voilà ce que dit Aristoxène. Il divise ainsi le ton tantôt en deux demi-tons égaux, tant en trois parties, tantôt en quatre, tantôt en huit. Il appelle le quart de ton diésis enharmonique; le tiers de ton diésis chromatique, et sesquialtère le quart de ton plus (le quart) d’un demi-ton, comme aussi chromatique sesquialtère le genre qui contient ce diésis. Notices, etc. G. Pachym. Fol. 30 v°, page 465.

N° 6.

« Le diapason de la voix peut être de quatre espèces: hypatoïde, mésoïde, nétoïde [et hyperboloïde]. Dans les voix de la première espèce sont compris cinq tétracordes: deux hypolydiens, deux hypophrygiens, un hypodorien. Dans la seconde il y a deux tétracordes: deux lydiens et un phrygien. Dans la troisième il y a deux tétracordes mixolydiens et nit hypermixolydien. L’hyperboloïde est tout ce qui dépasse l’hypermixolydien.

« L’hypatoïde commence à l’hypate des moyennes de l’hypodorien, et s’étend jusqu’à la mèse dorienne. La mésoïde s’étend depuis l’hypate des moyennes du phrygien à la mèse lydienne. La nétoïde commence à la mèse lydienne et s’étend jusqu’à la nète des conjointes [de l’hypermixolydien]; tout ce qui dépasse fait partie de l’espèce hyperboloïde. »

Ce morceau, que M. Vincent suppose emprunté à notre auteur, appartient au second Anonyme, § IX, p. 31. Voy. l’explication, Notices, etc., note F, p. 420.

FIN DE L’APPENDICE.


 

[1] On doit adopter sans hésitation l’importante restitution de Meybaum et les heureuses corrections qu’il a faites dans tout ce difficile passage; nous ajouterons toutefois une remarque. On sait que deux tétracordes sont semblables lorsque leurs trois grandeurs partielles respectives ont une disposition semblable. Or il faut entendre ici par tétracorde un système mélodique de quatre cordes dont les limites consonnent à la quarte, que ces sons extrêmes soient mobiles ou fixes. Il  ne s’agit donc pas des tétracordes proprement dits, lesquels ont pour limites des sons fixes. Le tableau ci-dessous nous dispensera des longues explications de Meybaum; Cp. plus haut la note 202.

A             BCD       EFG                       abc           d                                             (système conjoint).

A             BCD       EFO                       a ton       bcd          efg           a’             (système disjoint)

[2] Voir la note 215.

[3] Ἐκ [τῶν τοῦ διὰ] τεσσάρων μερῶν. Cette restitution nous est propre.

[4] Il est presque indubitable que le contenu de ce chapitre, qui, dans tous les manuscrits et dans les deux éditions anciennes, figure avant le précédent, a dû être déplacé, et qu’il le faut lire après notre chapitre II. De cette manière la question de la conjonction ne sera pas interrompue et en même temps, la définition des incomposés sera immédiatement suivie de ce qui concerne le nombre et la succession de cette espèce d’intervalles. M. P. Marquard s’est rencontré avec nous sur cette transposition.

[5] C’est le diton enharmonique.

[6] C’est le diton du chromatique tonié et du diatonique synton ou dur. Ce passage remarquable sera d’une grande clarté pour nos musiciens s’ils considèrent que l’intervalle incomposé d’Aristoxène correspond à celui qui, dans la théorie moderne, est limité par deux degrés conjoints, et l’intervalle composé, à celui qui aurait pour limites deux degrés disjoints.

[7] Plutarque (sur l’Ame) donne la même proposition énoncée dans le langage des pythagoriciens. « La proportion sesquialtère (quinte) est complétée en ajoutant la sesquitierce (quarte) à la sesquioctave (ton). » C’est-à-dire que 3/2 = 4/3 x 9/8.

[8] Voir planche I. Il  faut y considérer alternativement le système variable et le système invariable pour comprendre le raisonnement de l’auteur. Il ne s’agit, dans ce paragraphe, que du seul genre enharmonique.

[9] Voir pl. IV, tableau 1.

[10] Voir pl. IV, tableau 2.

[11] Voir planche I, genre diatonique.

[12] Voir planche IV, tableau 3.

[13] Voir pl. IV, tableau 4.

[14] Tomber dans la même tension : c’est-à-dire occuper le même degré d’intonation, être a l’unisson. Voir plus haut, livre I, § 5, et la note 39.

[15] Voir pl. IV, tableau 5.

[16] Voir pl. IV, tableau 6.

[17] Nous reproduisons un tableau résumé, fourni par Meybaum, en y faisant de légères modifications.

Successions non-mélodiques: § 18; un pycnum après un pycnum. § 21; deux ditons. § 22; deux tons (dans les genres enharmonique et chromatique). § 23; deux demi-tons (dans le diatonique). § 28; un demi-ton de chaque côté d’un ton (id.).

Successions mélodiques: § 22, 2°; deux tons; trois tons (dans le diatonique). § 25; un pycnum de chaque côté d’un diton. § 26; Un ton a l’aigu d’un diton. § 27; un ton au grave d’un pycnum. § 29; un demi-ton après deux tons dans.les deux sens (dans le diatonique). Après trois tons.

[18] Cette restitution de Meybaum nous paraît incontestable.

[19] Tout ce passage, comme l’a reconnu Meybaum, a du subir des altérations. Nous croyons avoir rétabli le véritable texte. Nous allons donner la traduction latine de la leçon commune aux divers manuscrits, que nous ferons suivre d’une interprétation proposée par Meybaum dans ses notes. On verra, par le rapprochement de cette traduction et de la nôtre, que cette dernière repose sur deux restitutions, une suppression et une transposition qui semblaient indiquées par l’ensemble de la démonstration. Traduction du texte vulgaire

A ditono vero duae quidem in acutum, una vero in grave. [Duas autem in acutum, manifestum.] Ostensum enim in acutum quidem poni pycnum, et tonum; plures vero his non erunt viae a dicto intervallo in acutum. (Supprimé: at vero in grave tantum pycnum.) Ex incompositis enim tantum relinquitur ditonum. At duo ditona deinceps numquam ponuntur. Quare evidens duas tantum fore vias a ditono in acutum: in grave vero unam [intercalé: scilicet tantum ad pycnum supprimé plus haut].

Traduction de la restitution proposée par Meybaum:

A dilono, etc., in grave. Ostensum vero tonum ditono tantum apponi in acutum, Ex incompositis, etc. Meybaum ne pousse pas plus loin la correction du texte. M. P. Marquard a suivi purement et simplement le texte primitif de Meybaum. Il corrige seulement εὗρον δὲ en φανερὸν δὴ, correction que nous adoptons.

[20] Ici nouvelle intercalation absolument analogue à celle qui a été nécessaire pour les procédés suivis à partir du diton. (Cf. § 31)

[21] Ici encore il s’agit du seul genre enharmonique.

[22] Cet intervalle, suivant la nuance, est de 18, de 21 ou de 22 douzièmes de ton.

[23] C’est-à-dire à partir du ton disjonctif. Ce ton est commun aux trois genres, puisque ses limites (mèse-paramèse) leur sont communes, en qualité de sons fixes.

[24] Cet intervalle, suivant la nuance diatonique, est de 12 ou de 15 douzièmes de ton.

[25] C’est-à-dire le procédé pris 1° dans le grave, 2° dans l’aigu, à partir de la disjonction ou du ton disjonctif.

[26] Chez Euclide (pp. 6 et 7) et chez G. Pachymère (Notices, etc., p. 413), chaque son reçoit les noms de βαρύπυκνος, de μεσόπυκνος ou de ὀξύπυκνος suivant qu’il occupe le rang grave, moyen ou aigu d’un pycnum. Le proslambanomène, qui ne peut entrer dans un pycnum, est qualifié de son apuknoV. Il en est de même de la nète des conjointes et de la nète des adjointes. Voir aussi Arist. Quintilien, pp. 11-12.

[27] Nous restituons ici, sans hésiter, vingt et un mots que les copistes avaient fait sortir du texte, trompés par la ressemblance de deux membres de phrase. Cette restitution, que nous retrouvons textuellement clans l’édition de M. Marquard, avait échappé à Meybaum.

[28] Nous lisons comme Meybaum ὁμοίως à la place de οὖν.

[29] Voir pl. IV, tableau 7, figure A.

[30] Voir pl. IV, tableau 7, fig. B.

[31] Restitution de Meybaum.

[32] Voir pl. IV, tableau 8, fig. A.

[33] C’est-à-dire, par exemple, le son moyen et le son le plus grave ou le plus aigu d’un pycnum portés a la même tension. Voir pl. IV, tableau 8, fig. B.

[34] Savoir, le ton et le demi-ton. Voir pl. V, tableau 1, fig.

[35] Voir planche V, tableau 1, fig. B.

[36] Voir pl. V, tableau 1, fig. C.

[37] Voir pl. V, tableau 2, fig. A.

[38] La troisième par ordre de grandeur; c’est le ton disjonctif.

[39] Voir pl. V, tableau 2, fig. B.

[40] Cp. Notices, etc. Second Anonyme, p. 28.

[41] Voir pl. V, tableau 3. Il y a trois formes ou trois espèces de quarte dans chaque genre; celles que signale notre auteur sont les trois formes enharmoniques. G. Pachymère donne celles du genre diatonique (Voir Notices, etc., G. Pach., p. 418 et 484.)

[42] La raison en est que les trois grandeurs de la quarte ne peuvent évidemment fournir que trois combinaisons. Dans chaque consonance, dit G. Pachymère (Notices, etc., p. 419), il y a autant de formes que d’intervalles.

[43] Vincent, Notices, etc., p. 29. Nous reproduisons textuellement la traduction du savant académicien, qui proposait (l. c., note 2) d’ajouter ce morceau, comme nous le faisons, au IIIe livre d’Aristoxène.

[44] Sur les passages des auteurs anciens relatifs aux écrits et aux opinions d’Aristoxène, consulter principalement : 1° la dissertation de Mahne, déjà citée, Diatribe de Aristoxeno; 20 les Fragmenta historicorum graecorum, réunis par M. Ch. Muller dans la Bibliotheca graeca de MM. Firmin Didot; 30 les Notices, etc. (notamment G. Pachymère). — Voir aussi Luzaci (Jo.) Lectiones atticae. L. B. 1809; in-4°.