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ARISTOXÈNE

 

 

ÉLÉMENTS HARMONIQUES

 

LIVRE I

 

introduction - livre II - livre III

 

 

Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer

Les quatre premières planches (sur cinq) du livre ne servent à rien compte tenu de leur état ;

j’ai cependant laissé les notes renvoyant à ces 4 premières planches. Elles sont surlignées en jaune.

 

 

 

ÉLÉMENTS HARMONIQUES D'ARISTOXENE

 

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE PREMIER.

ÉTAT DE L'HARMONIQUE AVANT L'AUTEUR.

1. Comme la science du chant (01) se compose de plusieurs parties (02) et se divise eu plusieurs espèces, il faut établir que l'une de ces parties, appelée l'Harmonique (03), occupe le premier rang et possède une valeur tout élémentaire. En effet, c'est la première des études [musicales] théoriques, je veux dire la première de celles qui servent à former la théorie des systèmes et des tons. Il convient de ne rien demander de plus à celui qui s'est acquis la science de l'harmonique; car tel est le terme d'un traité de ce genre, et les questions qui s'élèvent plus haut n'appartiennent plus spécialement à cet ordre d'études (la [musique] pratique (04) se sert déjà des systèmes et des tons), mais à la science qui embrasse et l'harmonique et toutes les autres parties composant l'ensemble des connaissances musicales, j'entends par là tout ce qui constitue le musicien.
2. Il faut établir aussi que les musiciens antérieurs voulaient être seulement harmoniciens.
En effet, ils ne s'occupaient que du genre enharmonique et ne considéraient aucunement les deux autres; la preuve, c'est que, chez eux, les diagrammes ne sont composés que de systèmes enharmoniques; pour les diatoniques et les chromatiques, personne ne les a jamais vu [exposer]. Toutefois leurs diagrammes (05) indiquaient la marche entière de la mélodie; mais ils ne contenaient que des systèmes octocordes enharmoniques: quant aux autres genres, aux autres formes [d'intervalles] qui se rencontrent dans l'enharmonique et dans les autres genres, personne n'a cherché à les approfondir. Au contraire, ils détachaient dans la mélodie tout entière un seul genre qui en forme la troisième partie (06), et une seule grandeur, le diapason ou l'octave (07), qui devenait l'objet exclusif de leurs traités. Ils n'ont étudié aucune question, en aucune manière, même relativement à l'art dont ils s'occupaient; c'est une chose dont nous nous sommes convaincu précédemment lorsque nous examinions les opinions des harmoniciens (08). Du reste on le comprendra mieux encore si nous passons en revue successivement toutes les parties de l'harmonique pour en faire connaître le nombre et pour montrer la valeur de chacune d'elles. Nous verrons que les unes ont été totalement négligées par les musiciens, et les autres traitées imparfaitement ; de cette manière notre assertion sera rendue évidente et nous envisagerons en même temps d'un coup d'oeil le plan de notre travail.

CHAPITRE II.

PLAN D'UN TRAITÉ D'HARMONIQUE.

3. Avant toute chose, si l'on veut faire un ouvrage sur le chant, il faudra déterminer le mouvement de la voix, lequel est un mouvement suivant le lieu (09).
La voix n'a pas une manière unique de se manifester; lorsque nous parlons aussi bien que lorsque nous chantons, elle reçoit le mouvement précité (suivant le lieu). Evidemment le grave et l'aigu se rencontrent dans l'un et dans l'autre cas; or c'est un mouvement suivant le lieu que celui dans lequel se produisent le grave et l'aigu: seulement ce double mouvement n'est pas d'une seule et même espèce (10).
Il n'est jamais arrivé à personne de signaler la différence qui règne entre ces deux mouvements, et cependant, si cette distinction n'est pas faite, il n'est pas du tout facile d'expliquer la nature du son.
4. Il sera indispensable, si l'on ne veut pas faire comme Lasus (11) et quelques autres musiciens, disciples d'Épigonus (12), qui pensaient que le son a une sorte de largeur (13), de parler à ce sujet avec un peu plus d'exactitude [qu'ils n'ont fait]; car une détermination précise [de la nature du son] rendra la suite beaucoup plus claire.
5. Il sera nécessaire en outre, pour l'intelligence de ces questions, de dire en quoi diffèrent le relâchement, la surtension, la gravité, l'acuité et la tension. Car personne n'a rien dit [de bon] sur ces questions. Tantôt elles étaient tout à fait Ignorées, tantôt elles ont donné lieu à des confusions.
6. Après cela il faudra parler de la distension (14) dans le sens du grave et de l'aigu, dire si elle s'accroit ou se réduit à l'infini, et sous quel rapport elle est ou n'est pas possible.
7. Ces déterminations une fois bien précisées, il sera convenable de parler sommairement de l'intervalle; puis il faudra le diviser en autant d'espèces qu'il y a moyen de le faire.
8. En ce qui touche le système, après en avoir donné une explication sommaire, il faudra montrer en combien d'espèces il est naturel de le partager.
9. Ensuite, à l'égard du chant, il faudra faire voir assez rapidement et esquisser la propriété du chant musical; car il y a plusieurs espèces de chant; l'une d'elles consiste dans l'accord de l'échelle musicale, et la mélodie. Mais pour être amené à cette espèce de chant, et pour la distinguer d'avec les autres, il sera nécessaire de dire aussi quelque chose des autres espèces de chant.
10. Après avoir déterminé le chant musical (ou accordé) comme il est admissible de le faire, sans rien examiner particulièrement, mais plus tôt en procédant par aperçus et par généralités, il faudra le diviser sommairement en autant de parties qu'on le jugera nécessaire.
11. Après cela il faudra parler de la continuité et de la succession, et dire quelle en est la nature et comment elles fonctionnent dans les systèmes.
12. II faudra montrer quelles sont les variétés de genres, lesquelles résultent [du déplacement] des sons mobiles.
13. II faudra montrer aussi les lieux dans les limites desquels s'effectue ce déplacement des sons mobiles
(15).
14. Personne n'eut jamais la moindre idée de toutes ces questions; et il nous a fallu les traiter nous-même toutes pour la première fois, car nous n'avions rien trouvé à leur sujet qui fût digne d'être pris en considération.
15. Il faudra aussi s'occuper des intervalles incomposés, puis des intervalles composés.
Il sera nécessaire, lorsque nous étudierons les intervalles composés, auxquels il arrive en quelque sorte d'être des systèmes en même temps que des intervalles, de dire quelque chose sur la combinaison des intervalles incomposés, question dont la plupart des harmoniciens ne se sont pas même aperçus qu'il fallait parler, comme nous eu avons acquis précédemment la conviction.
16. Les disciples d'Ératoclès ont seulement dit à ce sujet que le diatessaron (la quarte), dans l'un et l'autre sens (aigu et grave), partage en deux le chant (16), et cela sans déterminer si ce partage a lieu à partir d'un intervalle quelconque; [sans examiner], à l'égard des intervalles autres que la quarte, comment ils se combinent entre eux ; sans observer s'il y a une relation déterminée dans la composition d'un intervalle quelconque avec un autre intervalle quelconque ; [sans dire] de quelle manière les systèmes peuvent ou ne peuvent pas résulter des intervalles; ou bien [s'ils en parlent] rien n'est précisé. Car personne n'a jamais donné à ce sujet aucune explication soit avec, soit sans démonstration. Malgré l'ordre admirable qui règne dans la constitution du chant, on lui reproche quelquefois d'être tout à fait désordonnée. C'est la faute de ceux qui ont travaillé cette matière, car aucune des autres études expérimentales ne possède un ordre aussi parfait, aussi compliqué. Ce fait deviendra évident pour nous lorsque nous serons engagé dans l'examen même du sujet. Pour le moment il faut parler des autres parties.
17. Après avoir montré, au sujet des intervalles incomposés, comment ils se combinent entre eux, il faudra parler des systèmes qui s'en forment, du système parfait (17) et des autres, de manière à montrer quel nombre et quelle sorte [de systèmes] en résultent, et à faire connaître leurs différences en grandeurs, leurs diverses grandeurs à chacun, leurs différences de composition et leurs différences de forme, de manière à ce que nulle question relative au chant: grandeur, forme, composition, position, ne soit [laissée] sans démonstration ; or c'est là tout un côté de la doctrine (musicale) dont presque personne ne s'est occupé.
18. Ératoclès s'est bien efforcé d'énumérer ces divers points, mais sans donner de démonstration et seulement en partie; il n'a rien dit [de vrai].: toutes ses opinions sont erronées. Il s'est complètement trompé même à l'égard des faits qui se manifestent aux sens. Nous nous sommes expliqué là-dessus précédemment lorsque nous avons examiné cette question en elle-même. Quant aux autres questions, en général, comme nous l'avons dit précédemment, nul ne s'en est occupé. Dans un seul genre, Eratoclès voulut énumérer les diverses formes d'un seul système, à savoir l'octave, qu'il produisait démonstrativement par la circulation des intervalles (18) ; il ne remarquait point que si l'on n'expose pas auparavant les diverses formes de la quarte et de la quinte, et ensuite la nature de la composition suivant laquelle (19) ces [intervalles] se combinent mélodiquement, il est évident que l'on aura [exclusivement] des [intervalles] multiples de sept (20); or nous avions établi qu'il en était ainsi; en conséquence qu'on laisse de côté cette question et qu'on aborde les autres. Après avoir énuméré les systèmes, suivant chacun des genres et suivant toutes ces variétés dont nous avons parlé, il deviendra nécessaire de traiter de nouveau des genres mélangés entre eux, car on n'a pas même étudié la nature de ce mélange.
19. Après cela il sera à propos de parler des sons, car les intervalles ne suffisent pas pour les faire distinguer.
20. Comme chacun des systèmes chantés musicalement occupe dans la voix un certain lieu, et comme, d'une autre part, bien que ce lieu ne comporte en lui-même aucune différence, néanmoins le chant qui s'y produit eu reçoit une qui est loin d'avoir un caractère indéterminé, mais qui au contraire a une très grande importance ; par cette double raison, il sera indispensable à celui qui voudra traiter cette matière de parler du lieu (ou diapason) de la voix, et de dire en général puis en particulier quel lieu ou degré est le plus convenable, du moins autant que l'indique la nature des systèmes eux-mêmes.
21. En ce qui concerne l'affinité des systèmes, des degrés (de la voix) et des tons, il faudra en parler non pas [seulement] en ayant égard à la catapyrnose (21) ainsi que font les harmoniciens, mais plutôt en tenant compte de la constitution mélodique des systèmes, pour lesquels, de telle ou telle position dans, les tons, résulte tel ou tel rapport mélodique (22).
22. Certains harmoniciens ont donné sur ce point quelques courtes explications et comme par rencontre, sans rien dire [de juste], mais en voulant catapycnoser le diagramme ; et, généralement parlant, personne [ne s'en est occupé]: c'est une chose qui précédemment est devenue manifeste pour nous; or il s'agit ici, en résumé, de cette partie de l'étude de la métabole (ou de la mutation) qui concerne la théorie du chant musical.
23. Voilà le nombre et le contenu des parties qui composent la science appelée l'harmonique; or nous avons dit en commençant qu'il faut établir que les questions qui s'élèvent plus haut appartiennent à une partie plus parfaite [de la musique]; par conséquent il faudra parler de chacune de celles-là en son lieu et dire en quoi elles consistent, quel en est le nombre et quelle est respectivement leur nature particulière.

CHAPITRE III.

DES DIVERSES SORTES DE MOUVEMENTS DE LA VOIX.

24. Il faut essayer de discourir sur la première question (23).
25. Avant toute chose il faut tâcher d'expliquer en quoi consistent les différences qui affectent le mouvement [de la voix] suivant le lieu.
26. La voix, comme on l'a dit, peut se mouvoir de deux manières: ces deux espèces de mouvements sont le mouvement continu et le mouvement discontinu.
27. Dans le mouvement continu, la voix, au jugement de l'oreille, parcourt un certain espace, de telle sorte qu'elle ne s'arrête nulle part, ni même sur les limites [de chaque émission vocale], du moins à en croire le jugement des sens, mais elle est emportée, d'une manière continue, jusqu'au moment du silence.
28. Dans l'autre mouvement, que nous appelons discontinu, la voix se meut d'une manière tout opposée; car durant sa marche elle se repose sur une tension (ou degré d'intonation), puis sur une autre, et cela d'une manière continue (or je ne parle ici que d'une continuité de temps (24). En effet elle franchit les espaces compris entre les tensions et ne s'arrête que sur ces tensions elles-mêmes, pour les faire entendre chacune en particulier; on dit alors qu'elle chante et qu'elle se meut d'un mouvement discontinu.
29. Il faut établir la nature de chacun de ces mouvements d'après le jugement de l'oreille. Veut-on savoir maintenant si le mouvement de la voix ou bien son repos sur une seule tension peut ou non avoir lieu? cette question appartient à une autre étude
(25), et, pour l'objet de notre ouvrage, il n'est pas nécessaire d'approfondir chacune de ces considérations  (26) ; car, de quelque manière que se produise le mouvement vocal, cela revient au même, du moins pour ce qui est de distinguer le mouvement mélodique de la voix, des autres mouvements.
30. Lorsque la voix, pour parler simplement, se meut de telle sorte que, au jugement de l'oreille, elle ne se repose nulle part, nous disons que son mouvement est continu. Mais, si nous jugeons que, après s'ètre posée quelque part, elle franchit un certain espace et qu'après ce mouvement elle se repose encore sur une autre tension et qu'elle continue de cette manière alternativement, nous disons qu'elle a un mouvement discontinu.
31. Notre opinion est que le mouvement continu est celui de la parole.
En effet, lorsque nous parlons, la voix se meut de telle sorte, suivant le lieu, qu'elle semble ne se reposer nulle part. Mais dans l'autre mouvement, que nous appelons discontinu, le phénomène contraire se produit, car la voix semble alors se reposer, et tout le monde dit de celui que l'on voit faire ainsi, non plus qu'il parle, mais qu'il chante. Voilà pourquoi, dans le discours, nous évitons le repos de la voix [sur une tension] à moins que la passion ne nous entraîne dans un mouvement vocal du genre de ce dernier. Dans le chant musical, nous faisons le contraire : nous évitons la continuité, et nous recherchons surtout le repos de la voix, car plus nous rendons isolée, reposée, uniforme chacune des émissions vocales, plus le chaut paraîtra soigné, au jugeaient de l'oreille.
Donc, que la voix ait deux sortes de mouvements suivant le lieu : le mouvement continu, qui est celui de la parole, et le mouvement discontinu, qui est celui du chant; c'est une chose rendue à peu près évidente par les explications qui précèdent.
32. Comme il est manifeste que, dans le chant, la voix ne fait pas sentir les surtensions et les relâchements, tandis qu'elle rend distinctes les tensions, et comme elle ne laisse jamais reconnaitre l'intervalle qu'elle a parcouru suit dans son relâchement, soit dans sa surtension, tandis qu'au contraire elle articule et fixe bien les sons qui limitent ces intervalles ; puisque tout cela est évident, il faut parler maintenant de la surtension et du relâchement, ensuite de l'acuité et de la gravité, et, enfin, de la tension (27).
33. La surtension est le mouvement continu qui va d'un lieu ou degré [vocal] plus grave à un degré plus aigu.
34. Le relâchement est le mouvement qui va d'un lieu ou degré plus aigu à un degré plus grave (28).
35. L'acuité est le résultat de la surtension; la gravité est le résultat du relâchement.
36. Les personnes inattentives, en voyant cette disposition, pourraient la trouver extraordinaire ; c'est qu'il y a là quatre choses et non pas deux seulement. La plupart assimilent la surtension à l'acuité et le relâchement à la gravité. Il ne sera donc pas mal de se convaincre que leurs idées sur cette matière sont remplies de confusion.
37. Nous devons tâcher de nous éclairer en observant l'effet que nous produisons lorsque, pour accorder un instrument, nous relâchons ou tendons chacune de ses cordes. Or il est évident, pour ceux du moins qui ne sont pas totalement étrangers au maniement des instruments, que si nous tendons la corde, nous la conduisons vers l'acuité, [et, si nous la relâchons, vers la gravité ; mais ce n'est pas pendant que (29)] nous conduisons la corde, par un nouveau changement, vers l'acuité, que la surtension produira cette acuité; car l'acuité est produite alors [seulement] que, la surtension ayant porté la corde à une tension convenable, cette corde s'arrête et ne se meut plus (ne change plus de longueur): or cela a lieu [seulement] lorsque l'on a suspendu et fait cesser la surtension ; car on ne peut admettre qu'une corde puisse à la fois se mouvoir (s'allonger) et s'arrêter.
38. Il y AVAIT surtension pendant le mouvement de la corde, et il y A acuité quand elle se repose (30) et qu'elle s'arrête. Nous montrerons la même différence entre le relâchement et la gravité, sauf qu'elle s'applique à des degrés inverses (31). Il est évident d'après cette explication que le relâchement est différent de la gravité, comme la cause l'est de son effet; il y a le même rapport entre la surtension et l'acuité.
Donc il faut établir une distinction, d'une part entre le relâchement et la gravité, d'autre part entre la surtension et l'acuité; c'est là un fait rendu à peu près évident par les développements qui précèdent.
39. Maintenant, que la troisième chose, que nous avons appelée tension, diffère des précédentes, c'est ce dont il faut tâcher de se convaincre.
40. Nous disons que la tension est une sorte de repos, de station de la voix.
L'on ne doit pas se laisser troubler par les assertions de ceux qui mettent les sons au nombre des mouvements et qui affirment qu'en général la voix elle-même est un mouvement, comme si nous allions prétendre qu'il peut arriver au mouvement de ne pas se mouvoir, mais au contraire de se reposer et de sarrêter. Car il importe peu ou point, selon nous, de dire que la tension est une similitude ou bien une identité du mouvement ou bien encore quelque autre chose dont le nom serait plus connu : nous n'en dirons pas moins, nous, que la voix est en repos, lorsque le jugement de l'oreille ne nous la montrera portée ni vers le grave, ni vers l'aigu, et en cela nous ne faisons autre chose que donner un nom analogue à l'état même de la voix. Or, que voit-on faire à la voix dans le chant? elle se meut en formant un intervalle et se repose sur un son. Quant à la question de savoir si elle se meut du mouvement dont nous parlons, en même temps que le mouvement dont parlent les autres devient jusqu'à un certain point appréciable sous le rapport de la vitesse [des vibrations] ; - et si la voix se repose du repos dont nous parlons en méme temps que cette vitesse devient stationnaire et reçoit une marche unique et uniforme, tout cela ne nous importe en rien, car on peut voir à peu près ce que nous entendons par mouvement et repos, et ce que les autres entendent par mouvement. Tout cela est donc suffisamment déterminé ici et ce l'est ailleurs encore, avec des éclaircissements plus développés.
41. lI est tout à fait évident que la tension n'est pas la même chose que la surtension et le relâchement (32), puisque nous prétendons que la tension est un repos de la voix, tandis que nous avons vu précédemment que les deux autres sont des mouvements de la voix.
42. Que la tension diffère de la gravité et de l'acuité : voilà ce qu'il faut tâcher de comprendre.
L'état de la voix qui est arrivée soit à la gravité soit à l'acuité, c'est le repos; chose rendue manifeste par l'explication précédente; mais, quoique la tension soit considérée comme un repos, elle n'est pas plus un repos que ne l'est la gravité ou l'acuité : c'est ce qui ressortira de ce que nous allons dire.
43. Il faut bien se convaincre que la station de la voix n'est autre chose que son repos sur une tension isolée. Or la voix sera dans cet état de repos si elle se fixe soit dans la gravité soit dans l'acuité, et, dans l'un comme dans l'autre sens, la tension aura également lien ; car nécessairement, avons-nous dit, la voix se repose ou sur des sons graves, ou sur des sons aigus. Mais l'acuité ne peut nullement avoir lieu en même temps que la gravité, ni la gravité en même temps que l'acuité; donc la tension diffère évidemment de la gravité et de l'acuité, car il n'y a rien de commun entre elles deux.
Qu'il y ait donc là cinq choses bien distinctes les unes des autres : la tension, l'acuité et la gravité, et, après celles-ci, la surtension et le relâchement : c'est un fait rendu à peu près évident par les explications qui précèdent.

CHAPITRE IV.

DES LIMITES DE LA DISTENSION.

44. Maintenant que cela est connu, il serait à propos de parler de la distension  (33) [dans le sens] du grave et de l'aigu, de manière à voir si dans l'un et l'autre sens elle est illimitée ou bien limitée (34).
45. S'il s'agit de la voix, la distension n'est pas illimitée, et c'est facile à comprendre.
A toute voix soit humaine, soit instrumentale, appartient un lieu qu'elle parcourt en chantant, et qui est borné dans sa grandeur comme dans sa petitesse. La voix ne peut pas accroitre indéfiniment, pour former un grand [intervalle], la distension du grave et de l'aigu , ni la diminuer indéfiniment pour former un petit intervalle, mais, pour les deux [sortes d'intervalles], il est un point où elle s'arrête. Nous devons donc les déterminer l'un et l'autre, en considérant deux choses : la première, c'est l'organe qui chante, la seconde, c'est celui qui sert à juger: je parle de la voix et de l'oreille. L'intervalle que l'une ne pourra produire ni l'autre apprécier devra être exclu de la distension usitée et possible à la voix.
46. A l'égard du petit intervalle, la voix et l'oreille se montrent simultanément incapables.
En effet la voix ne peut assez bien faire entendre ni l'oreille sentir assez distinctement un intervalle plus petit que le diésis minime (quart de ton), pour que l'on reconnaisse quelle fraction de diésis ou d'autre intervalle connu serait celui dont il s'agit.
47. A l'égard du grand intervalle, l'oreille semble pouvoir dépasser la puissance de la voix, mais non pas de beaucoup.
D'ailleurs, selon que nous adopterons pour le grand et pour le petit intervalle une limite de distension, en considérant simultanément la voix et l'oreille, ou bien, pour le petit intervalle, une limite commune et pour le plus grand deux limites différentes, il y aura (toujours) un certain degré maximum et minimum de distension, ou commun à l'organe qui chante et à celui qui sert à juger, ou particulier à l'un et à l'autre.
48. Ainsi donc, que la distension du grave et de l'aigu, considérée pour la voix comme pour l'oreille, ne puisse ni dans le grand ni dans le petit intervalle varier indéfiniment: c'est une chose à peu près évidente. Mais, si la constitution du chant est considérée théoriquement en elle-même, il pourra se faire que l'accroissement soit indéfini. Une nouvelle explication à ce sujet ne serait pas nécessaire pour le moment, et l'on ne devra que dans la suite tacher de remarquer cette circonstance (35).

CHAPITRE V.

DÉFINITION DU SON.

49. Maintenant que cela est connu, il faut dire ce que c'est que le son (36).
50. Pour parler avec concision, c'est la chute (ou incidence) de la voix sur une seule tension.
En effet le son est évidemment une émission de voix telle, qu'elle peut se placer dans le chant accordé lorsqu'on sent que la voix se pose sur une seule tension.
Telle est donc la nature du son.

CHAPITRE VI.

DÉFINITION DE L'INTERVALLE.

51. L'intervalle est l'espace compris entre deux sous qui n'ont pas la même tension.
52. En effet, pour parler sommairement, l'intervalle est évidemment une différence de tensions et un lieu propre à recevoir des sous plus aigus que la plus grave des tensions qui limitent cet intervalle et des sons plus graves que la plus aiguë de ces tensions. Or la différence des tensions consiste en ce que [les voix] se trouvent plus ou moins tendues.
Donc, on peut définir l'intervalle de cette manière.

CHAPITRE VII.

DÉFINITIONS DU SYSTÈME. - OBSERVATION SUR CES TROIS DÉFINITIONS.

53. Il faut concevoir que le système est la réunion de plusieurs intervalles.
54. L'auditeur doit s'efforcer de saisir chacune de ces [définitions] et ne pas s'attacher minutieusement à savoir si l'explication relative à chacune d'elles est bien précise, ou si elle est trop sommaire, mais plutôt essayer de s'en pénétrer, avec la pensée qu'une explication est ici suffisante pour inculquer une connaissance, lorsqu'elle est capable de faire comprendre ce qui en fait l'objet. Car, s'il est généralement difficile, dans les explications préliminaires, de parler un langage irréprochable et parfaitement exact, la difficulté n'est pas des moins grandes quand il s'agit de ces trois points : le son, l'intervalle et le système (37).

CHAPITRE VIII.

DES DIVERSES ESPÈCES D'INTERVALLES ET DE SYSTÈMES.

55. Ces termes étant ainsi définis, il faut tâcher de diviser, d'abord l'intervalle, puis le système, en autant d'espèces qu'il est nécessaire et naturel de les diviser (38).
1° La première distinction entre les intervalles concerne leurs différences de grandeur (ou d'étendue) ;
2° La seconde se rapporte à la différence des consonnants d'avec les dissonants;
3° La troisième partage les intervalles en composés et en incomposés;
4° La quatrième est relative au genre;
5° La cinquième présente la différence des rationnels d'avec les irrationnels (39).
56. Les autres distinctions seraient inutiles pour notre ouvrage; on doit donc les laisser de côté en ce moment.
57. Un système différera d'un autre système par les mêmes points à l'exception d'un seul.
1° Il est évident qu'un système diffère eu grandeur d'un autre système;
2° De même en ce que les sons qui limitent leur grandeur sont ou consonnants ou dissonants;
3° Quant à la troisième des différences mentionnées au sujet de l'intervalle, il est impossible qu'elle se rencontre parmi celles qui distinguent un système d'un autre système.
En effet on ne peut admettre qu'il y ait des systèmes incomposés et des systèmes composés, du moins dans le même sens que nous avions tout à l'heure des intervalles composés et des intervalles incomposés.
4° Quant à la quatrième distinction, celle qui se rapportait au genre, elle se rencontre aussi nécessairement dans les systèmes.
En effet les uns sont diatoniques, d'autres chromatiques, d'autres enfin sont enharmoniques.
5° Il en est de même, évidemment, de la cinquième distinction.
En effet les uns sont déterminés par un intervalle [total] rationnel, les autres par un intervalle irrationnel.
58. Outre ces différences, il faut en établir trois autres :
1° La première partage les systèmes en conjonction, en disjonction et en leur mélange (40).
[En effet tout système] commençant par une certaine grandeur (par exemple le tétracorde) devient ou disjoint ou conjoint, ou même est affecté à la fois de disjonction et de conjonction, comme on le voit dans quelques-uns.
2° La seconde sert à distinguer le système non-continu (41) et le système continu.
En effet tout système est non-continu ou continu.
3° La dernière distingue le simple, le double et le multiple.
En effet un système est toujours simple, double ou multiple.
En quoi consiste chacune de ces distinctions? on le montrera dans la suite (42).

CHAPITRE IX.

DE LA COMPOSITION DU CHANT ACCORDÉ.

59. Après ces divisions préliminaires et ces définitions, nous devons essayer d'esquisser la nature du chant (43).
Nous avons dit que, dans le chant, le mouvement est nécessairement discontinu : c'est par là que nous avons distingué le chant parlé du chant musical. (On appelle chant parlé celui qui consiste dans l'accentuation propre des mots; car la surtension et le relâchement se produisent naturellement dans le discours.)
60. De plus le chant accordé ne se compose pas seulement d'intervalles et de sons; il a besoin en outre d'une composition ou combinaison d'une certaine espèce, et qui n'est pas l'effet du hasard.
En effet il est évident que la propriété de se composer d'intervalles et de sons n'est pas particulière à cette espèce de chant, vu qu'elle appartient tout aussi bien au chant non accordé.
61. Puisqu'il en est ainsi, il faudra donc regarder comme très importante et comme très efficace pour déterminer la constitution régulière du chant, la partie qui concerne la composition, et le caractère propre de cette composition.
62. Il est à peu près évident que le chant musical différera du chant usité dans le langage par l'emploi du mouvement vocal discontinu, et qu'il différera du chant faux et non accordé par la différence même de combinaison des intervalles incomposés, combinaison dont on montrera plus tard le mode. Seulement, nous dirons dès maintenant, en thèse générale, que le chant accordé comporte en lui de nombreuses diversités dans la combinaison des intervalles, et que néanmoins il y a là une condition qui se rapporte à un chant accordé quelconque, et qui seule est la même pour toutes ces sortes de chant, et d'une telle importance que sa perte entraîne celle de l'accord [du chant] (44). Cette assertion deviendra simple [et claire] dans la suite de cet ouvrage.
On distinguera donc ainsi le chant musical des autres. Il faut remarquer que cette distinction est faite [ici] d'une manière abrégée et sans rien examiner particulièrement.

CHAPITRE X.

DES GENRES.

63. Il serait à propos, après ce que l'on vient de dire, de distinguer dans le chant, dont on a parlé sommairement, autant de genres qu'il en comporte (45).
Un voit qu'il se divise en trois genres.
En effet tout chant que l'on prend parmi ceux qui sont accordés est diatonique (46), chromatique (47) ou enharmonique (48).
1° On peut établir que le genre diatonique est le premier et le plus ancien; c'est en effet celui que la nature de la voix de l'homme trouve tout d'abord.
2° Le second est le chromatique.
3° Le troisième, supérieur aux deux autre (49), est l'enharmonique ; car il est venu en dernier et l'oreille ne s'y accoutume qu'avec beaucoup de peine.

CHAPITRE Xl.

LIMITES DE LA CONSONNANCE EN GRANDEUR ET EN PETITESSE.

64. Cette division [du chant] en trois [genres] étant établie, il faut tâcher de considérer l'un des deux points de la seconde espèce des différences reconnues entre les intervalles. Elle consiste dans la consonnance (50) et la dissonance. Il faut donc entreprendre d'examiner la consonnance.
65. Les intervalles consonnants ont manifestement entre eux plusieurs différences. L'une d'elles est la différence de grandeur (ou d'étendue). Il faut en déterminer la nature telle qu'elle nous apparaît.
66. Le plus petit des intervalles consonnants est évidemment déterminé par la nature elle-même du chant.
En effet on chante beaucoup d'intervalles plus petits que la quarte, mais ils sont tous dissonants.
Donc le plus petit consonnant est déterminé par la nature même de la voix.
67. Le plus grand intervalle ne semble pas devoir se limiter [comme le précédent].
En effet on le voit s'accroître indéfiniment, du moins dans la mesure de la nature même du chant, de même que le dissonant.
Si l'on ajoute un intervalle consonnant quelconque à l'octave, qu'il lui soit supérieur, inférieur vu égal en grandeur, l'ensemble sera consonnant. En ce sens doue il semble qu'il n'y ait pas d'intervalle consonnant maximum.
68. Maintenant, si l'on a égard à notre pratique (je dis notre en parlant de la voix humaine et du son des instruments), ou voit qu'il y a un intervalle cousonnant maximum : c'est la double octave et la quinte (quinte triplée), car la distension ne peut parvenir jusqu'à la triple octave (51).
69. Mais il est nécessaire de déterminer l'étendue de tel ou tel instrument par un ton (diapason) et par des limites.
1° En effet le son le plus aigu des flûtes virginales , et le son le plus grave des flûtes plus-que-parfaites, produiraient un intervalle plus grand que cette triple octave.
2° De plus (du moins lorsque l'artiste presse fortement (52) [de ses lèvres] la syrinx), le son le plus aigu produit par cet artiste et le son le plus grave donné par un joueur de flûte produiraient au intervalle encore plus grand que celui dont il s'agit.
3° Il en serait de même de la voix d'un petit enfant qui chanterait avec un homme. Par ce moyen l'on peut connaître les grands intervalles consounants ; car nous avons observé, eu prenant des âges divers ou des instruments de divers degrés, que la triple octave est un intervalle consonnant, ainsi que la quadruple octave et même un intervalle plus étendu.
Ainsi donc, que dans le sens de la petitesse, la nature même du chant donne la quarte comme le plus petit intervalle consonnant; et que dans le sens de la grandeur, l'intervalle le plus grand n'ait d'autre limite que notre faculté vocale ; ce sont des points rendus à peu près évidents par ce qui précède. De plus, que de la réunion de plusieurs intervalles consonnants [inégaux] en grandeur, il résulte [un intervalle total consonnant], c'est chose facile à comprendre (53).

CHAPITRE XII.

DÉFINITION ET DIVISION DU TON.

70. Maintenant que cela est connu, il faut tâcher de définir l'intervalle tonié (54).
Le ton est la différence des deux premiers consonnants [c'est-à-dire de la quarte et de la quinte], sous le rapport de la grandeur.
71. On le divisera de trois manières; car on chante musicalement la moitié, le tiers et le quart du ton, et les intervalles plus petits que ceux-là ne peuvent se chanter musicalement.
72. On appellera la plus petite [de ces divisions] diésis enharmonique minime, la seconde, diésis chromatique minime, et la plus grande, demi-ton (55).

CHAPITRE XIII.

GÉNÉRATION DES NUANCES OU COULEURS.

73. Après ces définitions, il faut tâcher de savoir d'où viennent et comment sont formées les variétés de genres.
74. Il faut remarquer que le plus petit des intervalles consonnants est celui que l'on appelle [diatessaron ou quarte] et [qui] le plus souveut [est compris] entre quatre sous : c'est de là que lui vint chez les anciens cette dénomination.
75. Il faut voir aussi dans quel ordre, étant donné un certain système de cordes (56) (car il y en a plusieurs), se trouveront [respectivement] égaux les intervalles soit mobiles, soit fixes, pour les divers genres. On fait ces observations sur l'intervalle qui va de la mède à l'hypate : les deus sons qui le comprennent sont fixes dans les divers genres, mais les deux sons compris entre ceux-ci sont mobiles (57).
76. On établira donc cette proposition, et parmi les systèmes de cordes qui, placés selon la disposition dont il s'agit, comprennent un intervalle de quarte, et dont chaque corde est déterminée par des dénominations
(58) particulières, il en est un qui donnera :

la mèse,
l'indicatrice ou la lichanos,
la parhypate,
l'hypate
(59).

Cc système de cordes est très connu de ceux qui s'occupent de musique, et c'est lui que l'on emploie lorsque l'on doit observer de quelle manière se produisent les divers genres.
77. Ainsi donc les surtensions et les relâchements  (60) des [deux] sons qui de leur nature sont mobiles [dans le tétraeorde], telle est l'origine de la diversité des genres; c'est une chose évidente; mais il faut dire de quelle manière se meut l'un et l'autre de ces sons.
78. En ce qui concerne l'indicatrice (61), tout le lieu où elle peut se mouvoir comprend [intervalle d'un ton.
En effet on voit qu'elle ne peut s'éloigner de la mèse de moins d'un intervalle tonié ni de plus que de l'intervalle d'un diton.
1° De ces deux intervalles, le plus petit est reconnu par ceux qui déjà connaissent le diatonique, et ceux qui ne l'ont jamais compris le reconnaitraient, s'ils y étaient amenés [par une démonstration].
2° Le plus grand est reconnu par les uns et méconnu par les autres. A quoi attribuer ce partage d'opinions? nous le dirons dans la suite. Cette sorte de mélopée, qui se sert de l'indicatrice ditoniée (62), n'est pas sans valeur; au contraire elle est presque la plus belle : c'est là une chose qui n'est pas suffisamment évidente pour un grand nombre de ceux qui s'occupent aujourd'hui de musique, mais qui le deviendrait s'ils y étaient amenés [par une démonstration].
Quant à ceux qui sont accoutumés aux premiers et aux seconds modes antiques (63), cette vérité est évidente pour eux car ceux qui ne sont familiers qu'avec la mélopée qui règne aujourd'hui emploient des indicatrices plus aiguës. La raison en vient de leur tendance à toujours adoucir, et la preuve qu'ils ont cette tendance c'est qu'ils s'en tiennent la plupart du temps à l'usage du chromatique (64). Lorsqu'ils travaillent sur l'enharmonique, ils le font toujours approcher du chromatique et lui dérobent ainsi son caractère moral (65). Mais c'en est assez là-dessus.
Il sera donc établi que le lieu où se meut l'indicatrice comprend l'intervalle d'un ton.
79. En ce qui concerne la parhypate, tout le lieu où elle peut se mouvoir sera d'un diésis minime.
En effet elle ne se rapproche pas de l'hypate de plus d'un diésis et ne s'en éloigne pas de plus d'un demi-ton.
80. Cela vient de ce que ces lieux [propres aux sons mobiles] ne sont pas indépendants l'un de l'autre (66), mais leur limite est une [sorte de] conjonction. En effet, lorsque l'on conduit à une même tension la parhypate et l'indicatrice, par la surtension [maximum] de l'une et le relâchement [maximum] de l'autre, leurs lieux respectifs touchent à leurs limites : le lieu propre à la parhypate est dans le grave et dans l'aigu se trouve celui de l'indicatrice.
Ainsi donc [sur les régions totales de l'indicatrice et de la parhypate], telles sont les déterminations à établir (67).
81. Il faut maintenant parler des [différences qui affectent les intervalles] sous le rapport des genres et de leurs nuances (68).
Pour ce qui est de la quarte, de quelle manière faut-il l'étudier; se mesure-t-elle au moyen de l'un des intervalles plus petits, ne se mesure-t-elle avec aucun autre intervalle ? tout cela est expliqué au chapitre [de la fixation] des intervalles parle moyen des consonnances.
82. Comme elle se compose évidemment de deux tons et demi, on établira que telle est sa grandeur (69).
83. On appellera pycnum le système formé de deux intervalles dont la réunion comprendra, dans la quarte, un intervalle plus petit que celui qui reste (70).
84. 1° Cette definition étant établie, le plus petit pycnum que l'on appliquera contre le son fixe le plus grave [d'un tétracorde] sera formé de deux diésis enharmoniques [miimes.
2° Ensuite le deuxième pycnum, appliqué contre ce même son, sera formé de deux diésis] (71) chromatiques minimes (72).
On prendra pour les indicatrices les plus graves celles de deux genres différents : l'une appartenant à l'enharmonique, l'autre au chromatique. En effet généralement les indicatrices les plus graves sont les enharmoniques; ensuite viennent les chromatiques ; les plus tendues (les plus aiguës) sont les diatoniques.
3° Outre ces deux sortes de pycnum, on en prendra un troisième appliqué contre le son fixe dont on a parlé.
4° On prendra un quatrième pycnum qui sera d'un ton.
5" On prendra un cinquième système (73) appliqué coutre ce son fixe : il sera forme; d'un demi-ton et d'un demi-ton et demi.
6° On prendra un sixième système qui sera formé d'un demi-ton et d'un ton.
85. 1°. 2°. Les cordes [mobiles] qui limitent le premier et le second pycnum sont appelées [simplement] indicatrices.
3° L'indicatrice qui limite le troisième pycnum est une chromatique, et le genre chromatique où elle se trouve est appelé sesquialtère (74), ou hémiole.
4° L'indicatrice qui limite le quatrième pycnum est une chromatique, et le genre chromatique où elle se trouve est appelé tonié.
5° L'indicatrice qui limite le cinquième système que nous avons formé (lequel était plus grand qu'un pycnum, puisque la somme de [ses] deux [intervalles] est égale au [troisième] seul), est la diatonique la plus grave.
6° L'indicatrice qui limite le sixième système que nous avons formé est la diatonique la plus tendue (la plus aiguë).

CHAPITRE XIV.

POSITIONS RELATIVES DES CORDES MOBILES.

86. L'indicatrice chromatique la plus grave est plus aiguë d'un sixième de ton que l'indicatrice enharmonique, la plus grave [de toutes].
En effet le diésis chromatique est plus grand que le diésis enharmonique d'un douzième de ton; car le tiers [de ton (75) dépasse le quart [de ton] d'un douzième, et il est évident que deux diésis amniotiques dépasseront deux diésis enharmoniques d'une quantité double, c'est-à-dire d'un sixième [de ton], intervalle moindre que le plus petit de ceux qui se chantent musicalement. De tels intervalles sont donc non mélodiques: nous appelons ainsi les intervalles qui ne peuvent entrer dans un système.
87. La diatonique la plus grave est plus aiguë d'un demi-ton et d'un douzième de ton que la chromatique la plus grave.
En effet (76), depuis la diatonique la plus grave jusqu'à l'indicatrice du chromatique sesquialtère, il y avait un demi-ton ; - depuis cette indicatrice sesquialtère jusqu'à l'enharmonique, un diésis (77); - depuis l'enharmonique jusqu'à la chromatique la plus grave, un sixième; - depuis la chromatique la plus grave jusqu'à la chromatique sesquialtère, un douzième de ton. Or le quart du ton se compose justement des trois douzièmes [du ton]. Il est donc évident que c'est l'intervalle dont nous parlons qui est compris depuis la diatonique la plus grave jusqu'à la chroma-tique la plus grave.
88. La diatonique la plus aiguë est plus aiguë d'un diésis (quart de ton) que la diatonique la plus grave.

89. On voit par là quel lieu est propre à chacune des indicatrices.

Toute indicatrice [plus grave] que la chromatique la plus grave est une indicatrice enharmonique.

2° [Toute indicatrice plus grave que la diatonique, jusqu’à la chromatique la plus grave, est une indicatrice chromatique].[1]

Toute indicatrice plus grave que la diatonique [la plus aiguë], jusqu’à la diatonique la plus grave, est une indicatrice diatonique.

90. Il faut bien concevoir en effet que [théoriquement] le nombre des indicatrices est illimité.

En effet, partout où l’on posera la voix dans le lieu qui a été attribué à l’indicatrice, il y aura une indicatrice ou lichanos, et dans la région lichanoïde[2] il n’y a aucun point [nécessairement] vacant, et qui ne puisse recevoir une indicatrice.

Cette question est un sujet de grave discussion; car, si les autres musiciens ne s’accordent pas entre eux, c’est seulement sur l’intervalle, pour savoir, par exemple; si l’indicatrice est ditoniée[3] ou bien si elle est plus aiguë, croyant qu’il n’y en a qu’une seule en harmonique. Mais nous, nous prétendons non seulement qu’il y a dans chaque genre plus d’une indicatrice, mais nous ajoutons même que le nombre en est illimité.

Tel est ce qu’il faudra établir et déterminer à l’égard des indicatrices.

91. La parhypate a deux positions l’une est commune aux genres diatonique et chromatique; car ces deux genres ont des parhypates communes; l’autre est propre au genre enharmonique.[4]

92. 1° Toute parhypate est enharmonique lorsqu’elle est plus grave que la chromatique la plus grave.

Toute parhypate est chromatique ou diatonique jusqu’à la [parhypate] déterminée [ci-dessus].

93. Parmi les intervalles, celui de l’hypate à la parhypate se chante musicalement, ou égal ou inférieur à celui de la parhypate à l’indicatrice.

94. L’intervalle de la parhypate à l’indicatrice et celui de l’indicatrice à la mèse se chantent de l’une et de l’autre manière égaux et inégaux.

Cela vient de ce que l’un et l’autre genre, diatonique et chromatique, ont des parhypates communes.

Il se forme en effet un tétracorde mélodique avec la parhypate chromatique la plus aiguë et l’indicatrice diatonique la plus aiguë.[5]

On voit par ce qui précède comment s’établit et en combien de parties se divise le lieu ou la région de la parhypate.

CHAPITRE XV.

NATURE DE LA CONTINUITE ET DE LA SUCCESSION.

95. En ce qui concerne la continuité et la succession, il n’est pas très facile[6] dans le principe de les déterminer avec précision il faut donc tâcher de les faire connaitre sommairement.

96. Il est visible que la nature de la continuité, dans la mélodie, est analogue à ce qui a lieu dans le discours à l’égard de la combinaison des lettres. Lorsque nous parlons, la voix place naturellement dans chaque syllabe telle lettre la première, telle autre la seconde, telle autre la troisième, telle autre la quatrième, et ainsi de suite, selon le nombre des lettres. L’on ne fait donc pas succéder immédiatement la première venue à la première venue, mais il y a une certaine progression naturelle dans cette combinaison.

97. Il en est de même lorsque nous chantons musicalement: la voix semble alors disposer en continuité les intervalles et les sons; elle observe une certaine composition naturelle et ne chante pas les intervalles le premier venu après le premier venu, qu’ils soient égaux ou inégaux.[7]

98. Il ne faut pas rechercher la continuité à la manière des harmoniciens : ils s’efforcent de la produire dans la catapycnose[8] des diagrammes, et veulent montrer que, parmi les sons, ceux-là se placent successivement les uns après les autres qui se trouvent n’être séparés entre eux que par l’intervalle minime.

99. Bien loin en effet que la voix puisse chanter successivement vingt-quatre diésis,[9] elle n’est pas capable, quelque effort qu’elle fasse, de chanter musicalement un troisième diésis.

100. 1° Dans l’aigu, le plus petit intervalle qu’elle puisse chanter [après deux diésis] est le reste de la quarte.[10]

Tous les intervalles plus petits que celui-là, elle ne peut les chanter; or c’est tantôt un intervalle octuple du diésis minime,[11] tantôt un intervalle moindre que celui-là d’une petite quantité non mélodique.

2° Dans le grave, elle ne peut chanter [à la suite] de deux diésis un intervalle plus petit que celui d’un ton.[12]

101. Il ne faut donc pas s’attacher à la continuité, de façon à voir dans quel cas elle a lieu avec des intervalles égaux, dans quel autre avec des intervalles inégaux. Il faut, au lieu de cela, avoir soin d’examiner et d’approfondir la nature de la mélodie, et de rechercher comment la voix fait succéder les intervalles entre eux, dans un chant musical.

En effet, puisque, après la parhypate et l’indicatrice, on ne peut chanter un son plus proche que la mèse, cette corde viendra [immédiatement] après l’indicatrice, soit qu’elle limite un intervalle double ou bien multiple de celui de la parhypate à l’indicatrice.

La manière dont l’on doit rechercher la succession et la continuité est rendue à peu près évidente par les développements qui précèdent.

CHAPITRE XVI.

DIVERS PRINCIPES DE MELODIE.

102. Comment se forme un intervalle; quels intervalles peuvent ou ne peuvent pas se succéder: il faudra le faire voir dans les Eléments.[13]

103. On établira d abord qu’après tel système pycné ou non-pycné,[14] on ne place pas dans l’aigu un intervalle moindre que le reste de la première consonance,[15] ni dans le grave un intervalle plus petit que celui d’un ton.

104. On établira ensuite que, dans chaque genre, pour que des sons se trouvent placés en succession mélodique, il doit arriver ou que les quatrièmes consonnent à la quarte, ou bien les cinquièmes à la quinte, ou bien encore que les deux circonstances soient réunies.

2° Tout son qui n’est pas dans l’une de ces conditions est non mélodique par rapport aux sons avec lesquels il est inconsonnant.

105. On établira aussi que les quatre intervalles qui se trouvent dans la quinte, à savoir deux égaux qui le plus souvent comprennent le pycnum, et deux inégaux (l’un est le reste de la première consonance, l’autre est l’excès dont la quinte dépasse la quarte), se placeront, les intervalles égaux auprès des intervalles inégaux, lesquels seront opposés l’un à l’autre, dans l’aigu et dans le grave.

106. On établira aussi que tous les sons qui se trouvent consonner avec des sons successifs suivant une même consonance sont eux-mêmes[16] successifs aussi, les uns par rapport aux autres.

107. On établira que, pour chaque genre, un intervalle est incomposé, dans un chant mélodique, lorsque la voix chantante[17] ne peut le décomposer en [deux] intervalles [mélodiques].

108. On établira aussi que [chacun] des consonants ne peut se diviser en intervalles incomposés[18] [plus nombreux que ceux qui entrent dans la quinte].

109. L’agoge, ou marche mélodique, ou conduite,[19] sera le chant qui, à partir des sons initiaux, parcourt des sons successifs entre chacun desquels se place un intervalle incomposé.

110. La marche directe sera celle qui ira en descendant…[20]

FIN DE CE QUI NOUS RESTE DU PREMIER LIVRE.


 

[1] Restitution de M. Marquard. La suivante nous est commune avec lui.

[2] Le lieu, la région lichanoïde, la région de l’indicatrice, c’est, d’après le système d’Aristoxène, la section de l’échelle mélodique comprise entre un son fixe limitant un tétracorde à l’aigu, et la corde mobile qui lui succède immédiatement dans le grave. Voir Notices, etc., p. 119 et 389.

[3] Notre première pensée a été de corriger, comme nous le faisons, διάτονος en δίτονος, leçon que nous avons tour à tour abandonnée et reprise, puis retrouvée dans Meybaum qui allègue, pour l’adopter, les raisons qui nous l’avaient suggérée, savoir, qu’il s’agit de l’intervalle entre le son fixe et l’indicatrice, au grave, et de plus, que les diatoniques étant déjà les indicatrices les plus aiguës, le mot συντονωτέρα ne pouvait permettre de conserver διάτονος. Les musiciens dont parle Aristoxène, discutant sur l’intervalle de la mèse à l’indicatrice et croyant qu’il n’y avait qu’une seule en harmonique, prétendaient vraisemblablement, les uns, que cette indicatrice était ditonique, les autres que cette même indicatrice était plus aiguë, c’est-a-dire plus proche de la mèse (par exemple). Aristoxène, de son côté, déclare qu’il y en a un nombre infini, théoriquement du moins; mais, dans la pratique, il n’en admet que six, autant que de nuances. Voir dans Porphyre (Comment. in Harmon. Ptol., p. 255) un fragment textuel d’Aristoxène περὶ τόνων) établissant cette distinction.

[4] Nous transposons les deux dernières propositions. M. Marquard a introduit le même changement dans son édition.

[5] C’est-à-dire un tétracorde mélodique qui aurait, en fait de sons mobiles, la parhypate, etc. M. Marquard remanie et complète cette phrase d’après celle qui termine le § 66 du livre II. Sa restitution ne manque pas de vraisemblance, mais nous nous en tenons à la variante de Meybaum (παρυπάτης remplacé par ὀξυπάτης).

[6] Aristoxène signale encore cette difficulté au liv. II, § 69.

[7] Plutarque (De Musica, § 35) développe une idée semblable: « Il est évident que le sentiment ne pouvant apercevoir séparément chacune de ces trois choses (le son, le rythme, la syllabe), il ne lui est pas facile de les suivre en particulier et de discerner ce qu’elles ont ou ce qu’elles n’ont pas de vicieux. Il faut donc en premier lieu connaître la continuité, etc. »

[8] Voir plus haut la note 46.

[9] Meybaum explique d’une façon très vraisemblable, mais peut-être trop subtile, comment le nombre kh ou vingt-huit a remplacé κδ' ou vingt-quatre. Aristoxène, dit-il, renfermait ses treize tons dans l’octave; mais ceux qui ajoutèrent deux tons (ou deux diagrammes) nouveaux ajoutèrent ainsi un intervalle tonié, ce qui fait quatre diésis, et l’usage exigea par suite que l’on écrivit vingt-huit au lieu de vingt-quatre diésis.

[10] L’auteur parle ici de ce qui reste de la quarte quand on a chanté deux diésis, qu’ils soient enharmoniques ou chromatiques. Il est facile de saisir la connexité de ce principe avec celui qu’il établira au § 104.

[11] Lorsque les deux premiers intervalles, graves ou aigus, de la quarte sont chacun d’un diésis enharmonique, le troisième est un diton, grandeur octuple de celle de chacun des deux premiers.

[12] Aristoxène aurait pu ajouter que ce ton sera nécessairement, ou le ton disjonctif, intervalle de la paramèse il la mèse, ou l’intervalle de l’hypate hypaton au proslambanomène.

[13] Cette phrase semblerait faire croire que le texte du présent livre ne fait pas partie des Eléments harmoniques. Voir l’Avertissement.

[14] Ce système est la réunion des deux premiers intervalles graves du tétracorde; il est pycné (c’est-à-dire plus petit en étendue que le troisième intervalle incomposé), dans les genres enharmonique et chromatique, et non-pycné dans le genre diatonique.

[15] La première est la quarte, la seconde la quinte et ainsi de suite. Cp. Nicom., p. 25, et Notices, etc., G. Pachymère, p. 452.

[16] Meybaum explique très clairement ce principe : seulement il traduit autoiV par itsis et non point par ipsis, ce qui peut surprendre. Si les sons appelés par exemple hypate, parhypate, indicatrice sont consonants, à la quarte et respectivement avec la mèse, la trite et la paranète, l’on peut dire que les trois premiers sons formeront une série mélodique. Sur la succession mélodique, Cp. Théon de Smyrne, éd. Bull. p. 80.

[17] C’est-à-dire la voix qui emploie les sons d’une échelle mélodique.

[18] Nous proposons d’ajouter « plus nombreux, etc. » Aristoxène auteurs (l. III) présentera un principe analogue à celui qui résulterait de notre restitution. Suivant Meybaum, cette proposition signifie que les consonances ne peuvent se diviser en intervalles incomposés, mais qu’elles se divisent (quelques-unes du moins) en consonances partielles; telle est l’octave, que partagent la quinte et la quarte. Sans prétendre détruire cette interprétation, on peut et l’on doit la combattre. Comment supposer qu’en établissant l’impossibilité de diviser les consonants en intervalles incomposés, l’auteur a en vue la possibilité de les diviser en d’autres consonants, puisque cette division ne pourrait se produire dans les deux premières consonances? D’un autre côté, rien ne contredit la restitution que nous posons en conjecture : les genres sont déterminés par la nature des incomposés qu’ils comportent dans les tétracordes; de plus ces tétracordes ont toujours leurs limites accordées à la quarte, et, si le ton disjonctif s’y trouve apposé ou bien intercalé, le pentacorde qui en résulte a ses limites accordées à la quinte; donc dans la quarte et la quinte seront toujours les éléments des autres consonances, c’est-à-dire qu’elles contiendront toujours les incomposés qui pourraient se rencontrer dans les consonants qu’elles forment. Par conséquent, les consonants ne pourront avoir plus de grandeurs incomposées que celles de la quinte. On pourrait présenter une autre conjecture qui consisterait à restituer isa et à traduire : Chacun des consonants ne peut se diviser en incomposés [égaux], proposition qui serait encore vraie, mais à laquelle nous préférons la précédente. M. Marquard restitue simplement panta, d’après un manuscrit de Venise: « .... en intervalles incomposés quelconques. » L’hésitation ne paraît pas possible entre cette restitution et la nôtre.

[19] Cp. dans les Notices, etc., le second Anonyme, p. 42, et la note M de M. Vincent. —Voir aussi Euclide, p. 22, Aristide Quintilien, p. 19, et Manuel Bryenne, p. 502. « Bryenne, écrit M. Vincent (l. c. p. 195), distingue trois sortes d’ἀγωγή, conduite ou marche; elle peut être εὐθεῖα, ἀνακάμπουσα, περιφερής. La marche directe ou ascendante est une série de sons ascendants par degrés conjoints. La marche inverse, rétrograde, on descendante, ἀνακάμπουσα, est une série de Sons descendants, etc. Enfin l’agwgh perijerhV, marche circulaire ou courbe, est composée d’une série de sons alternativement ascendants et descendants, ou vice versa: cette marche, par conséquent, comprend les deux premières. Observons que les mots ascendants et descendants ont ici la signification moderne. (Cp. le 110 et la note.)

Note inédite de Boulliau : Ἀγωγή, vox qua fertur per sonos continuos extra principia, in quibus ex utraque incompositum mutatur (κινεῖται) diastema.

[20] C’est-à-dire vers l’aigu (voir plus loin, p. 75, note 3). Cp. Aristide Quintilien, p. 29 de Meybaum. — A la correction ἐπὶ τὸ ἄνω, proposée par M. Vincent (p. 195), pour remplacer ἐπὶ τὸ αὐτό, nous préférons un ἐπὶ τὸ κάτω, vers le bas. On ne peut hésiter sur la signification des mots ἀγωγὴ εὐθεῖα. Le doute serait tout au plus permis sur le choix du mot qui exprimerait le mouvement des sons dans le sens du grave à l’aigu; or le témoignage de l’antiquité musicale, rappelé par M. Vincent lui-même (p. 108), est unanime pour placer l’aigu en bas de l’échelle et le grave à sa partie supérieure.


 

 






 

 

(01) Le chant, en grec τὸ μέλος. De ce mot, on a formé μελοποιία, mélopée, qui signifie « application des règles du chant, soit vocal, soit instrumental, composition » ; et μελῳδία, mélodie, c'est-à-dire « musique chantée, musique vocale » - Sur le mot μέλος, voir dans les Notices et Extraits des manuscrits, tome XVI, 2e partie (1847), l'ouvrage de M.. A.-J.-H. Vincent sur la Musique des anciens Grecs, p. 6 et passim.
(02) Savoir l'Harmonique, la Rythmique, la Métrique, l'Organique, la Poétique, l’Hypocritique. - Voir Vincent, Notices, etc., p. 33.
(03) On trouvera de nombreuses définitions de l'Harmonique dans les Notices, etc., p. 15. Voir aussi Plutarque, Questions platoniques. § 2.
(04) Τῆς ποιητικῆς. - S'agit-il ici de la musique en tant qu'exécutée, comme nous le supposons dans notre traduction, ou bien, comme Meybaum l'entend dans la sienne, de la partie de la musique appelée la poétique ? - Voir sur ce mot la note de Meybaum, p. 75.
(05) Aristoxène, à l'occasion de ce passage, est vivement critiqué par Proclus, dans ses Commentaires sur le Timée (liv. III, p. 192, éd. de Schneider). Meybaum cherche à l'excuser, et M. Vincent lui rend pleine justice (Notices, etc., p. 80) : « Pour reproduire les autres genres, dit-il, il suffit d'élever d'une manière convenable la parhypate et l'indicatrice de chaque tétracorde. » C'est précisément ce que dira plus loin notre auteur (livre lll, § 34, p. 68 de Meyb.).
(06) Meybaum traduit : « Quin tertiae partis ex tota modulandi ratione resectae unum quoddam cognovere genus; cujus magnitudo erat diapason. » Il observe en outre que ce passage obscur concerne soit le genre, troisième partie de la mélodie, dont les systèmes et les tons forment les deux premières, - soit l'harmonique qui, avec la rythmique et la métrique, constitue la science musicale. Cp. dans les Notices, le second anonyme, p. 15. - Notons que dans le livre II, § 14, l'étude des genres forme la première partie de l'harmonique. Mb., p. 35.
(07) Plutarque (De musica, § 34) dit à peu près la même chose ; « Quoique l'harmonique se divise en trois genres égaux quant à la grandeur des systèmes et quant à la puissance des sons et des tétracordes, les anciens n'ont cependant traité que d'un seul de ces genres. En effet, ils n'ont porté leur vue ni sur le chromatique ni sur le diatonique; ils n'ont considéré que l'enharmonique et cela, dans le seul système de l'octave ou diapason; car ils étaient en désaccord sur la constitution du chromatique et s'accordaient pour reconnaître un seul genre enharmonique. » - Voir aussi plus loin, livre Il, § 15.
(08) On peut supposer qu’Aristoxène fait allusion à quelque autre de ses nombreux ouvrages, notamment à son Histoire de l'Harmonique, citée par Plutarque, De musica, § 16.
(09) On sait qu'Aristote distingue le mouvement suivant la qualité, suivant la quantité et suivant le lieu. Voir sa Physique, livres V, 1, VII, 2 et VIIl, 7.
(10) C'est-à-dire que ce mouvement est tantôt continu, ce qui arrive quand nous parlons, et tantôt discontinu, lorsque nous chantons. Voir plus loin, § 26. - Il suffisait chez les Grecs, comme il surfit chez nous, de changer le mouvement de la voix pour que la parole pure et simple devienne un chant : c'est ainsi que Philippe de Macédoine, dans Plutarque (Démosthène, § 23), chante en battant la mesure le début du décret que Démosthène fit rendre pour le combattre.
(11) Lasus, natif d’Hermione, ville d'Argolide, vivait sous Darius, fils d'Hystape, entre le sixième et le cinquième siècle avant notre ère. Suivant Meursius, il fut le premier qui écrivit sur la musique: on rapporte qu'il lit un hymne à Cérès et une ode sur les Centaures ou il n'y avait pas de Σ. Plutarque parle de lui comme d'un novateur : « Lasus d’Hermione, ayant transporté les rythmes dans la poésie dithyrambique et multiplie les sons de la flûte dont il l'accompagnait, causa par cette variété des sons trop désunis un grand changement dans l'ancienne musique. » (De musica, § 29.) Voy. aussi Athénée, Deipnosoph., I. X , p. 455.
(12) Epigonus d'Ambrasie, le premier, fit usage de la lyre sans plectrum, et inventa un instrument appelé l'epigonium, composé de quarante cordes, lesquelles, dit Burette, étaient accordées deux à deux à l'unisson.
Meybaum donne à l'occasion de Lasus et des disciples d'Épigones quelques détails remplis d'érudition : on y remarque une citation de Porphyre (Comment. in Harm. Plotemaei) sur les doctrines musicales qui ont précédé celles de notre auteur.. « Il y a eu bien des écoles; avant Aristoxène il y avait eu celle d'Épigonus, de Damon, d'Eratoclès, d'Agénor et d'autres encore dont il fait mention. Après lui, etc. »
(13). Πλάτος. Voyez, sur ce passage, les mémoires de Burette (ancienne Acad. des Inscriptions, t. XV. p. 328).
(14) 'Ἄνεσις signifie le relâchement des cordes ou le décroissement de leur tension, ἐπίστασις, la surtension, c'est-à-dire l'accroissement de la tension des cordes (on nous passera les néologismes surtension et surtendre, qui ont leurs analogues, et que l'un ne pourrait remplacer que par une périphrase). La tension, τάσις, ce sera l'état d'une corde qui est tendue et dont la tension ne reçoit ni accroissement ni décroissement. Ce mot désigne par suite le degré d'intonation ou la valeur d'un son : ainsi tomber ou venir dans la même tension se dira de deux notes musicales chantées à l'unisson. Par exemple la paranète des conjointes chromatique toniés et la paramèse « tombent dans la même tension » ; de même en musique moderne, sur un instrument tempéré, le la # et le si b, etc. - La distension, διάτασις, est la distance sonore ou si l’on veut l'écart qui se produit ou peut se produire entre deux sons dont la tension est différente. (Quelques manuscrits donnent διάστασις.) M. Vincent qui, du reste, était loin de désapprouver les dénominations que nous adoptons, traduit toujours ἄνεσις par abaissement, ἐπίστασις par élévation, τάσις par les mots ton ou intonation, enfin διάτασις, par extension ou étendue. - Au moyen âge, le mot ἄρσις, qui de la rythmique était passé dans l’armonique (accent aigu), correspondait à l’ἐπίτασις, et se traduisait elevatio ou intentio; θέσις correspondait à ἄνεσις (accent grave) et se rendait par depositio ou remissio. Voy. dans l'Hist. de l'Harmonie au moyen âge, par M. E. de Coussemaker (Paris, Didron, in-4°,1852), le texte et la traduction de Hothby n° 58, p. 328.
(15) Sur la mobilité de certains sons, voyez notre Étude sur Aristoxène et son école, note 39. dans la Revue archéologique, année 1857.
(16) Meybaum explique très ingénieusement celte phrase qui, suivant son expression, l'a torturé longtemps (page 81). Mais nous croyons remplacer avec avantage son interprétation par une conjecture qui a reçu l'adhésion de M. Vincent. Peut-être s'agit-il ici d'un système heptacorde composé de deux tétracordes conjoints et dont le chant se trouve partagé en deux par chacun des tétracordes, c'est-à-dire deux tétracordes conjoints dont les différentes grandeurs partielles se trouvent chantés musicalement ou si l'on veut harmonieusement avec un repos observé à la moitié de cette sorte de gamme, qui est la mèse.
(17) II y a le grand système parfait et le petit système parfait; l’un correspond à l'échelle naturelle des sons de notre voix, l'autre se compose seulement des trois tétracordes conjoints; le premier comprend deux octaves, l'autre une quarte redoublée. Noir la planche I.
(18) Περιφορᾷ. Ce mot nous rappelle assez naturellement la marche ou conduite circulaire, ἀγωγὴ, περιφερής, laquelle procède, on le sait, par séries de sons alternativement montantes et descendantes.
(19) On verra au troisième livre que l'auteur indique deux sortes de composition des systèmes tétracordes, deux modes, τρόποι, modi, qu'il est arrivé à quelques modernes de confondre avec les modes ou tropes résultant du choix de la première corde d'une échelle mélodique.
(20) Il est évident que, autant il y a de genres et de diversités ou variétés de genre, autant il y aura de fois sept intervalles, si l'on ne considère que la formation de l'octave.
(21) Meybaum traduit par les mots condensatio et conspissatio le mot grec καταπύκνωσις, qui n'a pas d'équivalent en français; non plus que le mot πυκνόν, pycnum, dont il est formé. Le pycnum est défini plusieurs fois chez Aristoxène (voir I. 83, 11, § 58). Burette disait le dense, Rousseau l'épais; le vrai sens est celui de « système de deux intervalles très rapprochés » selon l'expression de M. Vincent, et la calapycnose signifiera « la réduction d'une certaine grandeur ou étendue en intervalles très rapprochés, c'est-à-dire le morcellement de cette étendue ». Voir Notices, etc., p. 26; - voyez aussi Nicomaque, Man. harm., éd. Meyb., p. 24. Nous dirons de même catapycnoser, c'est-à-dire morceler le diagramme.
« La catapycnose est aussi l'opération qui consiste à obtenir sur le monocorde les sons que l'on n'obtiendrait pas par les calculs des rapports, de même que la κατατομή est l'opération qui donnait ces derniers sons. En résumé, pour constituer l'échelle des sons appelés le proslambanoméne ou A, l'hypate ou B, la parypate ou C, l'indicatrice ou D et l'hypate ou E, la κατατομή fournit les sous stables ABE, distants entre eux d'une quarte ou d'une quinte, et la καταπύκνωσις; les sons mobiles Cet D. » (Note manuscrite de M. Vincent.)
(22) L'auteur parle sans doute des différences que constituent dans une échelle des sons les espèces ou formes diverses de l'octave. Dans une octave quelconque, le lieu, l'étendue est toujours identique, mais la disposition des sons peut être différente et différemment mélodique. On voit par suite combien il importe, non pas de réunir dans une échelle ou dans un diagramme tous les sons éloignés entre eux d'un intervalle enharmonique minime ou quart de ton (cp. § 98), mais d'établir dans tel ou tel diagramme les seuls sons qui pourront être combinés entre eux sans causer de répugnance à l'oreille; en un mot l'observation des tétracordes pris absolument est insuffisante pour constituer les tons; nous ajouterons que la calapycnose dont Aristoxène parle ici a beaucoup d'analogie, à part le rapprochement des intervalles, avec notre gamme chromatique; on pourrait l'appeler une gamme enharmonique.
(23) Celte question porte sur le mouvement de la voix. Il est intéressant de rapprocher de ce passage 1° le § II tout entier du second Anonyme de M. Vincent (Notices, etc., p. 16 et suiv.), 2° le passage de l'Architecture de Vitruve renfermant l'exposé de la théorie musicale selon Aristoxène (lib. V, cap. iv), 3° le Manuel d'harmonique de Nicomaque, édition de Meybaum, p. 3.
(24) Tout à l'heure Aristoxène parlait d'une continuité de son.
(25) Meybaum observe qu'il s'agit ici de la physique, c'est à-dire de l'histoire naturelle : nous dirions aujourd'hui que cette question est du domaine de la physiologie.
(26) Après ἄλλων κινήτων, Meybaum proposait d'ajouter :
τοῦτο ληπτέον, mais nous préférons la correction de M. P. Marquard : ποιεῖ au lieu de ποιεῖν. Par contre, nous maintenons celle de Maybaurn διερευνῆσαι au lieu de δὲ κινῆσαι, leçon à laquelle M. P. Marquard substitue διακρῖναι.

(27) Cp. Notices, etc. Second Anonyme de M. Vincent, p. 18.
(28) Voir à l'occasion de ces définitions, Notices, etc., p. 234, un fragment édité et traduit pour la première fois par M. Vincent. - On trouve une théorie analogue à celle d'Aristoxène dans le grand ouvrage de Bedos de Celles, le Facteur d'orgue. Nous devons ce rapprochement à l'obligeance de M. Michot de la Milonnière, rédacteur au Ministère de l'Instruction publique.
(29) Voir, sur cette restitution, les Notices, etc., p. 19, note 5.
(30) D. Barbaro, dans son édition de Vitruve (Vitr. Archit. cum comment., in-4°, Venetiis, 1567), fait cette remarque (V, 4) : « » Hoc loco non caret reprehensione Aristoxenus qui gravitatem et acumen vocis in qualitate et non in quantitate ponit.  »  Les musiciens et surtout les acousticiens prononceront.
(31) Le mot τόπος a, techniquement parlant, plusieurs significations dans le langage de la musique ancienne, lesquelles correspondent généralement aux diverses acceptions du mot lieu. Tantôt c'est l'étendue vocale, le diapason de la voix, tantôt c'est le degré d'acuité ou de gravité, ou degré d'intonation; tantôt encore c'est le lieu, la région où le son mobile peut varier, et, en quelque sorte, son amplitude. La métabole selon le lieu, μεταβολὴ κατὰ τόπον, signifiera, suivant la seconde de ces acceptions, le changement de diapason. Voir Notices, etc., premier Anonyme, p. 13.
(32) Villoteau (ou Achaintre) :
« Il est entièrement évident qu'il n'y a ni tension, ni élévation, ni abaissement... » (p. 13). Cette interprétation donne la mesure de l'exactitude qui régne généralement dans le travail entrepris par Villoteau sur les divers auteurs publiés par Meybaum.
(33) Nous lisons
διάτασις comme tous les manuscrits. - M. Bellermann (Anonynii scriptio, etc.) propose διάστασις„ dans un cas analogue. M. Vinent (Notices, etc., p. 22) maintient διάτασις. M. P. Marquard adopte pour Aristoxène la correction de M. Bellermann. - Observons que la plupart des manuscrits donnent διάστασις dans un endroit unique (Mb., p. 38, l. 1) où ce mot, en effet, ne pouvait être remplacé par διάτασις.
(34) Voir, à l'Appendice, n° 1, une citation d'Aristoxène, et, dans les Notices, le second Anonyme, p. 20, et G. Pachymère, f° 3 r°, p. 405.
(35) Voir sur cette théorie un passage important de Proclus (Comment. in Euclid., I, éd. de Bâle, p. 76).
(36) Il ne s'agit bien entendu que du son mélodique.
(37) Sur le son, l'intervalle et le système, voir, dans les Notices, etc., le 1er Anonyme, p. 9 ; le 2° Anonyme, p. 23; l'Opuscule de Pédiasimus, p. 290; Michel Psellus, p. 317; G. Pachymère, f° 24 r°, p. 451, et f° 40 r°, p. 490. - Cp. Nicom., Man. Harm., éd. Mb., p. 7 et 24. Voir aussi Plutarque, Dial. sur la création de l'âme; il définit l'intervalle « l'espace qui sépare deux sons qui n'ont pas la même largeur  »
. Il s'agit sans doute de l'étendue de la corde unique qui servait à évaluer les sons; du reste Aristoxène a parlé de maîtres qui attribuaient au son une certaine largeur, une sorte d'amplitude (voy. § 4).
(38) Cp. Notices, etc., second Anonyme, p.27.
(39) Les Pythagoriciens appelaient rationnels les intervalles dont le rapport était superpartiel (ou de 4 à 3, de 5 à 4, etc.), par exemple la quarte, qui a le rapport 4/3, la quinte, qui a 3/2, etc. La quarte redoublée fut souvent rejetée du nombre des consonnances comme irrationnelle, parce que son rapport est 8/3, c'est-à-dire non superpartiel. Plutarque parle de l'emploi que faisaient certains musiciens des intervalles irrationnels.
«  Les harmoniciens sont les premiers à se servir de ces divisions de tétracordes dans lesquelles la plupart des intervalles sont impairs ou irrationnels. Ils relâchent toujours les indicatrices ou lichanos, et les paranètes, sans compter qu'après avoir relâché quelqu'un des sons fixes d'un intervalle irrationnel, ils relâchent encore les trites et les paranètes. Ainsi dans l'emploi des systemes [enharmoniques] ils recherchent le plus ceux où la plupart des intervalles sont irrationnels et ils relâchent non seulement les sons qui de leur nature sont mobiles, mais encore ceux qui sont fixes. ». (Plut. de Mus., § 39.)
(40) Meybaum traduit ainsi :
«  Tum istam quae in conjunctionem et in disjunctionem atque in utrumque dividat systema ab aliqua incipiendo magnitudine aut disjuncta aut conjuncta aut mxita quae ex utraque fit, etc.  »  Traduction qu'il modifie, dans ses notes, de la manière suivante.... dividat systema quod ab aliqua magnitudine incipiens aut disjunctum fit, etc. Les deux interprétations ne sont pas irréprochables; la première, conforme à un mauvais texte, est inexacte et la seconde résulte de corrections plus audacieuses que la nôtre, qui est une simple restitution et que nous avons retrouvée dans l'édition de M. P. Marquard. - Cette disision du système est développée au début du livre III.
(41) Ὑπέρβατον. - Voir l'Introduction harmonique d'Euclide, p. 16 de Mb., et, dans les Notices, etc., p. 340, un passage de Psellus où se rencontre la locution
καθ’ ὑπέρβατον dans une acception analogue. Le système non-continu correspond assez exactement à une échelle par degrés disjoints, laquelle procède aussi par enjambements.
(42) Nous n'avons pas les parties du traité qui se rapportent aux §§ 55, 5°; 57, 5°; 58, 2° et 3°.
(43) Cp. Notices, etc. Second Anonyme, p. 22.
(44) C'est-à-dire que l'échelle n'est plus mélodique, qu'il n'y a plus de chant accordé possible, dès que les sons ne sont pas dans cette disposition. La même proposition se retrouve au livre II, § 72.
(45) Cp. Ptolémée, 1, 30; Notices, etc. Premier Anonyme, p. 11 ; second Anonyme, § VI, p. 25 ; Nicom., Man. d'Harm, p. 81. G. Pachym., f° 9, p. 417, et f° 29, p. 463; - Vitr., Archit., V, 4. On attribuait, dit Plutarque, le nombre des Muses, qui d'abord était de trois, à ce nombre de trois genres (Sympos., IX, 14).
(46) Le genre diatonique, τὸ διάτονον, est ainsi appelé soit à cause de la tension de ses deux cordes mobiles, tension plus grande que celles des deux autres genres, soit à cause de l'usage de deux et même de trois tons successifs qui n'a lieu que dans ce genre. Cette dernière explication a prévalu, et pourtant la précédente est justifiée dans toutes les variétés diatoniques, tandis que la seconde n'est applicable qu'au diatonique dur ou synton.
(47) Le genre chromatique, τὸ χρῶμα, c'est-à-dire le genre nuancé, était ainsi nommé parce que c'est celui où les cordes mobiles varient le plus souvent, et, conséquemment, produisent le plus de nuances (χρόαι). « On sait, dit Plutarque (de Mus., § 11), que le chromatique est antérieur à l'enharmonique.» Plutarque ajoute que ce genre ne fut ni chez les anciens ni même à son époque admis dans la mélopée tragique; du reste, son caractère était la tristesse et une mélancolie attendrissante. « 
Il avait pour effet, dit encore Plutarque, de dilater l'âme tandis que l'enha¬monique la resserrait  » . (On ne peut vivre agréablement en suivant la doctrine d'Ëpicure, § 13.)
(48) Le genre enharmonique ou harmonique, ἡ ἁρμονία, fut mis en usage le dernier. Plutarque (de Mus., § t 11, trad. de Burette rectifiée) explique l'origine de ce genre d'après notre auteur: « Olympus l'Ancien, au rapport d'Aristoxène, est regardé par les musiciens comme l'auteur du genre enharmonique (ou plutôt harmonique, comme l'observe M. Vincent). Avant lui toute la musique était renfermée dans les deux genres diatonique et chromatique. Voici par quel moyen on croit qu'il le découvrit. En parcourant dans le diatonique, de l'aigu au grave, les divers sons de la flûte, et conduisant souvent son chant jusqu'à la parhypate en commençant tantôt par la mèse, tantôt par la paramèse, et passant par-dessus l'indicatrice, il sentit la beauté du caractère que ce procédé donnait à son chant; et, plein d'admiration peur le système de chant construit suivant cette analogie, il l'approuva et y composa sur le ton dorien sans mêler dans cette composition rien qui fût particulier au genre diatonique ni au chromatique; il y fit seulement entrer quelque chose qui était déjà de l'enharmonique. » Plutarque montre ensuite que le tétracorde enharmonique n'admit que plus tard deux quarts de ton, c'est-à-dire que ce ne fut que plus tard que l'indicatrice enharmonique prit la place occupée par la parhypate diatonique et que cette dernière corde descendit au milieu du demi-ton primitif. - A l'époque de Plutarque, le genre enharmonique était complétement abandonné, comme il le déclare lui-même dans le même traité (§ 38).
 «  Les modernes, dit-il, ont entièrement banni le plus beau de tous les genres, celui qui pour son austérité était le plus cultivé chez les anciens, en sorte qu'il est bien peu de personnes qui aient la plus légère idée des intervalles enharmoniques.   »  II continue en déplorant le mépris de ses contemporains pour le quart de ton ou diésis minime, et démontre que c'est à tort qu'ils en ont prononcé l'exclusion. - Voir Vincent. Notices, etc., note C, p. 104.
(49) Le texte porte ἀνώτατον, et la version de Meybaum supremus. Il y a deux manières également probables de traduire ἀνώτατον. On peut voir dans ce mot l'idée de la supériorité du genre et supposer que Vitruve s'en souvient lorsqu'il dit de l'enharmonique
«  gravem et egregiam habet auctoritatem », ainsi que G. Pachymère (Notices, etc., p. 430), qui l'appelle τὸ ἄριστον, et ajoute: ὥς φησι Ἀριστόξενος. C'est ainsi que Théon de Smyrne qualifie ce genre en s'appuyant pareillement sur le témoignage d'Aristoxène (p. 88, ed. Bulliald.). On peut aussi entendre ἀνώτατον dans le sens de gravissimum. On sait, en effet, queles sons mobiles de ce genre sont les plus graves, et d'autre part, que les sons graves étaient placés dans la partie supérieure du diagramme (voir plus loin la note 3 de la page 75); mais l'autre interprétation nous semble préférable. - Cp. notre Étude sur Aristox., note 47.
(50) Plutarque parle ainsi de la consonnance : « Que les deux sons dont résulte une consonnance s'entendent l'un après l'autre ou simultanément, notre oreille éprouve toujours une sensation agréable (De Animo).
 » - Cp. Notices, etc. Second Anonyme, p. 21, et fragment de l'Hagiopolite, p. 260; voir aussi Th.-Henri Martin, Études sur le Timée de Platon, t. Il, p. 1 à 11.
(51) Cp. Notices, etc. Second Anonyme, p. 31 ; Nicom., p. 19, de Meyb. - Le manuscrit de la Bibliothèque impériale, n° 449, fonds supplémentaire, porte en marge de ce passage un scholie qui résume la théorie d'Aristoxène sur le nombre des consonnances et sur les divisions du leu.
(52) Littéralement suce (?), en grec κατασπασθείσης. Gogavin a traduit fistulae avulsae, et Meybaum diducta magis ligula. Nous avons retrouvé ce même terme technique appliqué pareillement aux syrinx dans un passage d'Aristote de audibilibus, éd. Bekker, p. 804 ; éd. Didot, p. 661, et, dans le petit traité de Plutarque sur la doctrine d'Epicure, § 13, l'expression ἀνασπᾷν τὴν σύριγγα dans le sens d'élever la syrinx. - Notre intention est de revenir un jour sur ce point inexploré de l'aulopée antique.
(53) Nous admettons ici la restitution de Meybaum complétée heureusement par celle de M. Marquard.
(54) Plutarque (de Animo) définit ainsi le ton : «  l'excès de la quinte sur la quarte.» Cp. dans les Notices, etc. Bacchius l'Ancien, p. 71. D. Barbaro, dans sa définition du ton, résume toutes celles des pythagoriciens : « Tonus, dit-il (loc. cit.), est principium consonantiae, id est, primus terminus tanquam fundamentum concentus et symphoniae, sesquioctava proportione constans. » - Nicomaque, p. 17, cite le passage suivant de Philulaüs, le premier, dit-on, qui écrivit sur la nature. G. Pachymère (Notices, etc., p. 454), et un fragment musical (Notices, etc., p. 270), édité et traduit par M. Vincent, en donnent chacun une partie.
« L'étendue de l'harmonie (octave) comprend la syllabe (quarte) et la dioxie (quinte), et la dioxie surpasse la syllabe dans le rapport sesquioctave(c'est-à-dire de l'intervalle d'un ton)».
(55) Nous citerons encore Plutarque sur cette fameuse distinction du demi-ton et du limma. « La proportion sesquioctave (-) se divise en parties inégales et par conséquent le ton aussi : c'est pour cela que l'une des parties du ton (demi-ton mineur) est appelé λίμμα (c'est-a-dire reste). » (Traité de l'âme.). Cp. Nicom., p. 26 de Meyb. et, dans les Notices, Bacchius l'Ancien, p. 72, et la note I de M. Vincent, p. 169. Daniel Barbaro est ici encore l'écho des pythagoriciens. « Hoc loco reprehenditur Aristoxenus,  » dit-il (loc. cit.), «  qui numeris non utitur in notandis vocibus, ut rationes et proportiones colligat, sed in medio earum differentias ponit ita ut speculationem non in vocibus sed in eo in quo differunt voves, collocat. Deinde partitur tonum duas in partes aequales quas ἡμιτόνια vocat, videturque ignorasse (un disciple du pythagoricien Xénophile, serait-ce admissible?) nullam comparationem suprapartientem in duas posse aequaliter dividi, » - Chez Philolaüs, le demi-ton s'appelle δίεσις.
(56) Nous introduisons ici une restitution que nous a fournie le manuscrit 2449 de la Bibliothèque impériale : [après ἔσχε.]  Καὶ τῶν συγχορδιῶν [puis τίνα τάξιν, etc.]
(57) Cp. Nicom., Man. d'Harm., p. 26 de Meyb.
(58) Telles sont, suivant la remarque de Meybaum, celles de hypaton ou des fondamentales, de meson ou des moyennes, etc. Voir notre pl. 1.
(59) Cp. dans les Notices, etc., G. Pachym., p. 505. - Voir aussi Aristox., liv. ii, § 47. - Suivre toutes les explications de ce chapitre sur la planche Il.
(60) Cp. dans les Notices, etc., G. Pachym., p. 417 et p. 463.
(61) Διχανός, en latin index. Aristide Quintilien (p. 10) dit que l'on pinçait cette corde avec l'index. Écoutons aussi D. Barbaro (lieu cité) : «  Vocatur lichanos id est index quoniam quemadmodum inter digitos distat a crassiori digito, qui pollex est, et interdum minus quam a caeteris, ita quarta chorda quae tertia est in tetrachordorum ordinatione, posita proslambanomeno pro prima, quum interdum majoribus, interdum minoribus distat intervallis secundum intervallorum discrimina, a similitudine indicis digiti lichanos nominatur.  »  - Vitruve conserve le mot lichanos qu'il écrivait sans doute en grec. Cette corde s'appelait aussi ἡ διάτονος (Voir Nicom., p. 27), lorsqu'elle était du genre diatonique, χρωματική, lorsqu'elle appartenait au genre chromatique, et ἐναρμόνιος, lorsqu'elle était enharmonique. En d'autres termes, c'était la corde caractéristique de chaque genre, à tel point que G. Pachymère dit que la lichanos de la nète fut appelée la paranète. Voy. G. Pachym., Notices, etc., p. 448, et suiv. C'est une des raisons qui la firent nommer indicatrice par M. Vincent. Cp. Notices, etc., p. 119.
(62) Il s'agit de l'indicatrice enharmonique : Boulliau et Meybaum n'hésitent pas à l'entendre ainsi. - Cp. § 90.
(63) Selon Meybaum, les premiers sont les modes ou tropes dorien, phrygien et lydien, et les seconds l'iastien, le mixolydien et le syntonolydien. Nous ferons remarquer que cette interprétation tendrait à établir que ces tropes n'étaient pas employés au temps de notre auteur, puisqu'il oppose ceux qui pratiquaient les modes antiques, c'est-à-dire, ce semble (conjecture assez arbitraire, il faut le dire), chantaient l'enharmonique à la manière d'Olympus, et en second lieu à la manière qui suivit ce procédé primitif, - puisqu'il oppose, disons-nous, ces musiciens amateurs de la mélopée ancienne aux musiciens qui la dédaignaient et qui préféraient des indicatrices plus aiguës. - Ajoutons que, dans Aristoxène, les tons, τόνοι, ne reçoivent jamais le nom de tropes, τρόποι.
(64) Villoteau aurait voulu traduire (p. 25)
χρῶνται (utuntur), comme si ce mot venait de χρόω, je colore, je teins. Son commentaire, en cet endroit, est à la hauteur de la traduction qu'il propose.
(65) Voir sur le mot
ἦθος une note importante de Meybaum, p. 92. Cp. Notices, etc., p. 95-102. G. Pachym., p. 425-450.
(66) L'auteur entend par là, si nous avons bien saisi sa pensée, que le lieu propre à la parhypate, la région de la parhypate, a des limites communes avec la région do l'indicitrice. Meybaum traduit οὐκ ἐπαλλάττουσι « non variant
» et Villoteau « ne varient pas », ce qui est obscur et même inexact. Boulliau interprète : « loci non mutantur, sed terminantur et conjunguntur. »
(67) Toute la partie de ce passage comprise entre crochets nous est restituée par le manuscrit suppl. 449 de la Bibliothèque impériale. - M. Marquard a fait la même restitution d'après les manuscrits de Rome.
(68) Le mot χρόαι, couleurs, nuances, signifie en musique ancienne, non pas les divers degrés de force ou de douceur d'un même son, mais les divers degrés d'acuité ou de gravité qui appartiennent à certaines cordes mobiles, d'un même genre, ou plutôt les diverses grandeurs des intervalles limités d'un côté ou des deux côtés par ces cordes. En un mot les nuances sont les subdivisions des genres.
(69) Plutarque (de Animo), après avoir ainsi posé la double doctrine des pythagoriciens et des aristoxéniens sur la composition de la quarte: « Les uns font la consonnance de quarte de deux tons et d'un demi-ton, les autres de deux tons et d'un limma,
» - entre dans une grande démonstration pour combattre l'emploi du demi-ton juste.
(70) Cp, dans les Notices, etc. 2° Anonyme, p. 25, G. Pach., p. 437, 465.
(71) Cette importante restitution est due à M. Marquard.
(72) Voy. notre Tableau des variétés des genres, planche Il. Ce tableau a pour objet de faire voir la disposition des cordes suivant la nuance de chaque genre, et de déterminer la position et la distance relative des cordes homonymes entre elles. Les chiffres représentent tous des douzièmes de tons; il sera facile par conséquent, au moyen de ces chiffres, de compter des cousonnances justes, car un sait que la quarte vaut deux tons et demi, c'est-à-dire trente douzièmes; la quinte trois tons et demi, c'est-à-dire quarante-deux douzièmes; l'octave six tons, c'est-à-dire soixante et douze douzièmes.
(73) Ce mot, comme le remarque Meybaum, est pris ici purement et simplement dans le sens de « réunion de deux intervalles ». - Les cinquième et sixième systèmes ne sont plus des pycnums.
(74) On verra plus tard (l. II, § 61, 2°) pourquoi ce système est ainsi appelé.
(75) A l'occasion de cette phrase il:existe un scholie dans les mss. de Venise, du Vatican et d'Oxford, dont voici le texte, rectifié par Meybaum: Ἐπειδήπερ ὁ τόνος ἐν μὲν χρώματι εἰς τρία διαιρεῖται, τὸ δὲ τριτημόριον καλεῖται χρωματικὴ δίεσις· ἐν ἁρμονίᾳ
δὲ εἰς δ’ διαιρεῖται· τὸ δὲ τετρατημόριον καλεῖται ἁρμονικὴ δίεσις· τὸ οὖν τριτημόριον τοῦ αὐτοῦ καὶ ἑνὸς τοῦ τεταρτημορίου τοῦ αὐτοῦ δωδεκάτῳ ὑπερέχει· οἷον ὡς ἐπί τοῦ ιβ’· ἐὰν διέλω τὸν ιβ’ εἰς δ’, ταύτῃ διαιρέσει γίνονται τέσσαρες τριάδες· ἐὰν δέ εἰς γ’, τρεῖς τετράδες· ὑπερέχει οὖν τὸ τριτημόριον τοῦ τεταρτημορίου μονάδι ἥπερ ἐστὶ τοῦ ὅλου δωδέκατου. - Le raisonnement du scholiaste peut se formuler
ainsi :
1/3 - 1/4 = 1/12; 12/4 = 3; 12 = 4 x 3; 12/3 = 4; 12 = 4 x 3; 4 - 3 = 1

(4/12 = 1/3) - (3/12 = 1/4) = 1/12.
Au lieu de « le tiers [de ton] dépasse, etc.,
» il vaudrait peut-être mieux traduire: le tiers d'un même (tout) ; τὸ τριτημόριον τοῦ αὐτοῦ (se ὅλου?)
(76) Voir la planche II.
(77) C'est-à-dire un diésis enharmonique ou trois douzièmes de ton.