Vitruve

VITRUVE

DE L'ARCHITECTURE.

LIVRE III.

Vitruve : De l'architecture.
Tome premier / trad. nouvelle par M. Ch.-L. Maufras,...
C. L. F. Panckoucke, 1847.

livre II - livre IV

 

 

 

LIVRE III.

 

 





 

PRAEFATIO

1. Delphicus Apollo Socratem omnium sapientissimum Pythiae responsis est professus. Is autem memoratur prudenter doctissimeque dixisse, oportuisse hominum pectora fenestrata (01) et aperta esse, uti non occultos haberent sensus, sed patentes ad considerandum. Utinam vero rerum natura, sententiam eius sequuta, explicata et apparentia ea constituisset ! Si enim ita fuisset, non solum laudes aut vitia animorum ad manum aspicerentur, sed etiam disciplinarum scientiae sub oculorum consideratione subiectae non incertis iudiciis probarentur, sed et doctis et scientibus auctoritas egregia et stabilis adderetur. Igitur quoniam haec non ita, sed uti natura rerum voluit,j sunt constituta, non efficitur, ut possint homines, obscuratis sub pectoribus ingeniis, scientias artificiorum penitus latentes, quemadmodum sint, iudicare. Ipsi autem artifices, etiamsi pollicentur suam prudentiam, si non pecunia sint copiosi, seu vetustate officinarum habuerint notitiam, aut etiam gratia forensi et eloquentia non fuerint praediti, pro industria studiorum auctoritates non possunt habere, ut eis, quod profitentur scire, id credatur.

2. Maxime autem id animadvertere possumus ab antiquis statuariis et pictoribus; quod ex his qui dignitatis notas et commendationis gratiam habuerunt, aeterna memoria ad posteritatem sunt permanentes, uti Myron, Polycletus, Phidias, Lysippus, ceterique, qui nobilitatem ex arte sunt consequuti. Namque uti civitatibus magnis aut regibus aut civibus nobilibus opera fecerunt, ita id sunt adepti. At qui non minore studio et ingenio sollertiaque fuerunt, ignobilibus et humili fortuna civibus non minus egregie perfecta fecerunt opera, nullam memoriam sunt adsequuti, quod hi non ab industria neque artis sollertia, sed a felicitate fuerunt deserti, ut Hellas Atheniensis, Chion Corinthius, Myagrus Phocaeus, Pharax Ephesius, Bedas Byzantius, etiamque alii plures. Non minus item pictores, uti Aristomenes Thasius, Polycles Andramytenus, Nicomacus, ceterique, quos neque industria, neque artis studium, neque sollertia defecit, sed aut rei familiaris exiguitas, aut imbecillitas fortunae seu in ambitione certationis contrariorum superatio obstitit eorum dignitati.

3. Nec tamen est admirandum, si propter ignotitiam artis virtutes obscurantur; sed maxime indignandum, quum etiam saepe eblandiatur gratia conviviorum a veris iudiciis falsam probationem. Ergo, uti Socrati placuit, si ita sensus et sententiae scientiaeque disciplinis auctae, perspicuae et perlucidae fuissent, non gratia neque ambitio valeret, sed si qui veris certisque laboribus doctrinarum pervenissent ad scientiam summam, eis ultro opera traderentur. Quoniam autem ea non sunt illustria, neque apparentia in aspectu, ut putamus oportuisse, et animadverto potius indoctos quam doctos gratia superare, non esse certandum iudicans cum indoctis ambitione, potius his praeceptis editis ostendam nostrae scientiae virtutem.

4. Itaque, imperator, in primo volumine tibi de arte, et quas habeat ea virtutes, quibusque disciplinis oporteat esse auctum architectum, exposui, et subieci causas, quid ita earum oporteat eum esse peritum, rationesque summae architecturae partitione distribui, finitionibusque terminavi. Deinde, quod erat primum et necessarium, de moenibus, quemadmodum eligantur loci salubres, ratiocinationibus explicui, ventique qui sint, et e quibus <regionibus> singuli spirent, deformationibus grammicis ostendi; platearumque et vicorum, uti emendate fiant distributiones in moenibus, docui; et ita finitionem primo volumine constitui. Item in secundo de materia, quas habeat in operibus utilitates, et quibus virtutibus e natura rerum sit comparata, peregi. Nunc in tertio de deorum inmortalium aedibus sacris dicam, et uti oporteat perscriptas esse, exponam.

INTRODUCTION.

1. APOLLON de Delphes déclara, par la bouche de sa pythonisse, que Socrate était le plus sage des mortels. On rapporte que ce philosophe disait, avec autant de raison que de justesse, qu'il eût fallu que les hommes eussent une large ouverture à la poitrine, afin que leurs pensées, loin d'y demeurer cachées, fussent, au contraire, exposées à l'oeil de l'observateur. Et plût aux dieux que, d'accord avec lui, la nature eût donné le moyen de les découvrir, de les apercevoir! S'il en eût été ainsi, non seulement les bonnes ou les mauvaises qualités de l'âme seraient touchées au doigt, mais encore la science et le talent, soumis à l'investigation de l'oeil, ne seraient point exposés à l'incertitude des jugements des hommes, et les leçons des savants auraient une autorité solide et durable. Mais puisque la nature a voulu qu'il en fût autrement, et qu'il ne nous a point été donné de pouvoir pénétrer dans la poitrine des hommes pour juger du degré d'habileté et de savoir qui s'y trouve profondément enfermé et caché, les hommes les plus habiles, malgré l'assurance qu'ils donnent de leurs talents, s'ils ne sont pas bien partagés du côté de la fortune, si l'ancienneté de leurs ateliers ne les a point fait connaître, si même ils ne sont point doués d'un certain aurait qui gagne la faveur, d'une certaine facilité d'élocution qui charme, ces hommes ne peuvent, malgré toute l'étendue de leur savoir, acquérir assez de crédit pour faire croire qu'ils connaissent à fond la profession qu'ils exercent.
2. Les sculpteurs et les peintres de l'antiquité en sont la preuve la plus irrécusable. Parmi eux on ne voit que ceux qui ont obtenu des marques d'honneur, et joui des faveurs de la considération, dont le nom soit passé à la postérité, Myron, par exemple, Polyclète, Phidias, Lysippe et les autres qui ont dû leur célébrité à leur talent. Les grandes villes, les rois, les citoyens illustres, pour lesquels ils ont fait des ouvrages, les ont conduits à l'immortalité. Mais il en est d'autres, qui, avec autant de goût, d'art et de génie, ont exécuté des travaux non moins admirables de perfection, pour des citoyens d'une condition humble et obscure, sans laisser après eux aucun renom; et certes ce ne furent ni l'habileté ni le talent, ce fut le bonheur qui fit défaut à Hellas d'Athènes, à Chion de Corinthe, à Myagre le Phocéen, à Pharax d'Éphèse, à Bedas de Byzance, et à plusieurs autres. On en peut dire autant des peintres. Aristomène le Thasien, Polyclès l'Adramitain, Nicomaque et d'autres encore, manquèrent-ils de talent, de savoir, d'habileté? Mais l'exiguïté de leur fortune ou leur mauvaise étoile, ou bien encore quelque contestation dans laquelle leurs rivaux ont eu la supériorité, a été un obstacle à leur élévation.

3. Il ne faut pourtant pas s'étonner que le mérite reste obscur, quand il est ignoré; mais n'y a-t-il pas lieu de s'indigner en voyant qu'on se laisse corrompre par des invitations à quelques repas, et que par là l'approbation due au talent devienne le prix de l'incapacité. Si donc, comme l'aurait voulu Socrate, les pensées des hommes et leurs sentiments, si leur science appuyée sur l'instruction avaient été visibles, apparentes, on ne verrait point prévaloir la faveur et l'intrigue, et ceux qui, par des études solides et réelles, auraient atteint le plus haut degré de leur art, seraient tout naturellement préposés à la direction de tous les ouvrages ; mais comme l'oeil ne peut ni les apercevoir, ni les considérer, ce qui eût été une excellente chose, à notre avis, comme je remarque que c'est plutôt l'ignorance que le talent qui jouit de la faveur, et qu'il n'entre pas dans ma manière de voir de chercher à l'emporter par la brigue sur des gens sans instruction, j'aime mieux publier ces préceptes qui feront connaître la portée de notre savoir.

4. Par suite de cette résolution, j'ai traité, dans mon premier livre, de l'architecture en général, des qualités qu'elle exige, des connaissances que doit posséder l'architecte; j'ai mis sous vos yeux, ô César, les motifs qui les lui rendent nécessaires ; j'ai, dans un sommaire de l'ouvrage, donné les différentes parties dont se compose l'architecture, avec leurs définitions. Ensuite, ce qui est d'une importance capitale, j'ai, par rapport à l'emplacement des murailles d'une ville, raisonné sur le choix d'un lieu sain ; j'ai fait voir encore, par des figures au trait, quels sont les vents, et de quel point souffle chacun d'eux ; enfin, j'ai enseigné la manière de disposer les places et les rues dans l'enceinte des murs, pour qu'elles soient à l'abri de leur influence : c'est par ce chapitre que j'ai terminé le premier livre. Dans le second, j'ai parlé des matériaux, des avantages qu'ils présentent pour les constructions, et des qualités que leur a données la nature. Je vais maintenant, dans le troisième livre, m'occuper des temples des dieux immortels, et indiquer de quelle manière ils doivent être ordonnés.

I. Unde symmetriae fuerint ad aedes sacras translatae

1. Aedium compositio constat ex symmetria (02) cuius rationem diligentissime architecti tenere debent. Ea autem paritur a proportione, quae graece ἀναλογία dicitur. Proportio est ratae partis membrorum in omni opere totiusque commodulatio, ex qua ratio efficitur symmetriarum. Namque non potest aedis ulla sine symmetria atque proportione rationem habere compositionis, nisi uti ad hominis bene figurati membrorum habuerit exactam rationem.

2. Corpus enim hominis ita natura composuit (03), uti os capitis a mento ad frontem summam (04) et radices imas capilli esset decimae partis; item manus palma ab articulo ad extremum medium digitum tantundem; caput a mento ad summum verticem octavae; tantumdem ab imis radices capillorum sextae, ad summum verticem quartae (05). Ipsius autem oris altitudinis tertia est pars ab imo mento ad imas nares; nasus ab imis naribus ad finem medio superciliorum tantundem; ab ea fine ad imas radices capilli, ubi frons efficitur, item tertiae partis. Pes vero altitudinis corporis sextae (06); cubitus quartae; pectus item quartae (07). Reliqua quoque membra suas habent commensus proportiones, quibus etiam antiqui pictores et statuarii nobiles usi magnas et infinitas laudes sunt assecuti.

3. Similiter vero sacrarum aedium membra ad universam totius magnitudinis summam ex partibus singulis convenientissimum debent habere commensus responsum. Item corporis centrum medium naturaliter est umbilicus (08). INamque si homo collocatus fuerit supinus, manibus et pedibus pansis (09), circinique collocatum centrum in umbilico eius, circumagendo rotundationem utrarumque manuum et pedum digiti linea tangentur. Non minus quemadmodum schema rotundationis in corpore efficitur, item quadrata designatio in eo invenietur : nam si a pedibus imis ad summum caput mensum erit (10), eaque mensura relata fuerit ad manus pansas, invenietur eadem latitudo uti altitudo, quemadmodum areae, quae ad normam sunt quadratae.

4. Ergo si ita natura composuit corpus hominis, uti proportionibus membra ad summam figurationem eius respondeant, cum causa constituisse videntur antiqui, ut etiam in operum perfectionibus singulorum membrorum ad universae figurae speciem habeant commensus exactionem. Igitur quum in omnibus operibus ordines traderent, id maxime in aedibus deorum in quibus operum et laudes et culpae aeternae solent permanere.

5. Nec minus mensurarum rationes, quae in omnibus operibus videntur necessariae esse, ex corporis membris collegerunt, uti digitum, palmum, pedem, cubitum, et eas distrubuerunt in perfectum numerum, quem Graeci τέλειον dicunt, Perfectum autem antiqui instituerunt numerum, qui decem dicitur. Namque ex manibus digitorum numerus (11); ex digitis vero palmus, et ab palmo pes est inventus. Si autem in utrisque palmis ex articulis ab natura decem sunt perfecti, etiam Platoni placuit esse eum numerum ea re perfectum, quod ex singularibus rebus, quae μονάδες apud Graecos dicuntur, perficitur decussis; quae simul ac undecim aut duodecim sunt factae, quod superaverint, non possunt esse perfecti, donec ad alterum decussim pervenerint. Singulares enim res particulae sunt eius numeri.

6. Mathematici vero contra disputantes, ea re perfectum dixerunt esse numerum qui sex dicitur (12), quod is numerus habet partitiones eorum rationibus sex numero convenientes sic, sextantem unum (13), trientem duo, semissem tria, bessem (quem δίμοιρον dicunt) quatuor, quintarium (quem πεντάμοιρον dicunt) quinque, perectum sex. Quum ad superlationem crescat, supra sex adiecto sextante, ἔφεκτον (14); quum facta sunt octo (quod est tertia adiecta) tertiarum,  qui ἐπίτριτος dicitur; dimidia adiecta quum facta sunt novem, sesquialterum, qui ἡμιόλιος appellatur; duabus partibus additis et decussi facto, bes alterum, quem ἐπιδιμοιρόν vocitant; in undecim numero quod adiecti sunt quinque, quintarium, quem ἐπίπεμπτον dicunt : duodecim autem quod ex duobus numeris simplicibus est effectus, διαπλασίωνα.

7. Non minus etiam quod pes hominis altitudinis sextam habet partem (15), ita etiam est ex eo quod perficitur pedum sex numero corporis sexis altitudinis terminatio, eum perfectum constituerunt; cubitumque animadverterunt ex sex palmis constare, digitisque viginti quattuor. Ex eo etiam videntur civitates Graecorum fecisse uti, quemadmodum cubitus est sex palmorum, ita in drachma quoque eo nummo uterentur.  Illae enim aereos signatos, uti asses, ex aequo sex, quos obolos appellant, quadrantesque obolorum, quae alii dichalca, nonnulli trichalca dicunt, pro digitis viginti quatuor in drachma constituisse.

8. Nostri autem primo decem fecerunt antiquum numerum, et in denario denos aeros asses constituerunt, et ea re compositio nummi ad hodiernum diem denarii retinet; etiamque quartam eius partem, quod efficiebatur ex duobus assibus et tertio semisse, sestertium vocitaverunt. Postea, quoniam animadverterunt utrosque numeros esse perfectos, et sex et decem, utrosque in unum coiecerunt, et fecerunt perfectissimum decussissexis. Huius autem rei auctorem invenerunt pedem. e cubito enim quum dempti sunt palmi duo (16), relinquitur pes quatuor palmorum; palmus autem habet quatuor digitos (17); ita efficitur uti habeat pes sedecim digitos, et totidem asses aereos denarius (18).

9. Ergo si convenit, ex articulis hominis numerum inventum esse, et ex membris separatis ad universam corporis speciem ratae partis commensus fieri responsum, relinquitur ut suspiciamus eos, qui etiam aedes deorum immortalium constituentes, ita membra operum ordinaverunt, ut proportionibus et symmetriis separatae atque universae convenientes efficerentur eorum distributiones.

 

1. D'après quel modèle on a établi les proportions des temples.

1. L'ordonnance d'un édifice consiste dans la proportion, chose à laquelle l'architecte doit apporter le plus grand soin. Or, la proportion naît du rapport de grandeur que les Grecs appellent ἀναλογία. Ce rapport est la convenance de mesure qui existe entre une certaine partie des membres d'un ouvrage et le tout; c'est d'après cette partie qu'on règle les proportions. Car il n'est point d'édifice qui, sans proportion ni rapport, puisse être bien ordonné; il doit avoir la plus grande analogie avec un corps humain bien formé.

Or, voici les proportions que lui a données la nature : le visage, depuis le menton jusqu'au haut du front, à la racine des cheveux, est la dixième partie de la hauteur de l'homme ; la paume de la main, depuis l'articulation du poignet jusqu'au bout du doigt du milieu, a la même longueur ; la tête, depuis le menton jusqu'au sommet, forme la huitième partie; même mesure par derrière; depuis le haut de la poitrine jusqu'à la racine des cheveux, il y a une sixième partie, et jusqu'au sommet de la tête une quatrième. La longueur du visage se divise en trois parties la première s'étend depuis le bas du menton jusqu'au-dessous du nez ; la seconde, depuis le dessous du nez jusqu'au haut des sourcils, et la troisième, depuis cette ligne jusqu'à la racine des cheveux, qui termine le front. Le pied a la sixième partie de la hauteur du corps ; le coude, la quatrième, de même que la poitrine. Les autres membres ont aussi leurs mesures et leurs proportions; c'est en les observant que les plus célèbres peintres et sculpteurs de l'antiquité ont acquis une réputation si grande et si durable.

3. Il en est de même des parties d'un édifice sacré : toutes doivent avoir dans leur étendue particulière des proportions qui soient en harmonie avec la grandeur générale du temple. Le centre du corps est naturellement au nombril. Qu'un homme, en effet, soit couché sur le dos, les mains et les pieds étendus, si l'une des branches d'un compas est appuyée sur le nombril, l'autre, en décrivant une ligne circulaire, touchera les doigts des pieds et des mains. Et de même qu'un cercle peut être figuré avec le corps ainsi étendu, de même on peut y trouver un carré : car si on prend la mesure qui se trouve entre l'extrémité des pieds et le sommet de la tête, et qu'on la rapporte à celle des bras ouverts, on verra que la largeur répond à la hauteur, comme dans un carré fait à l'équerre.

4. Si donc la nature a composé le corps de l'homme de manière que les membres répondent dans leurs proportions à sa configuration entière, ce n'est pas sans raison que les anciens ont voulu que leurs ouvrages, pour être accomplis, eussent cette régularité dans le rapport des parties avec le tout. Aussi, en établissant des règles pour tous leurs ouvrages, se sont-ils principalement attachés à perfectionner celles des temples des dieux, dont les beautés et les défauts restent ordinairement pour toujours.

5. Et même les. divisions des mesures dont on est obligé de se servir dans tous les ouvrages, ils les ont empruntées aux membres du corps, tels que le doigt, le palme, le pied, la coudée, et ils les ont réduites à un nombre par-fait que les Grecs appellent τέλειον : or, ce nombre parfait établi par les anciens est dix. Les mains, en effet, ont donné les dix doigts, les doigts le palme, le palme le pied. La nature e voulu que les doigts des deux mains fussent au nombre de dix, et Platon a pensé que ce nombre était parfait, parce que de ces unités que les Grecs appellent μονάδες, est formée la dizaine : de sorte que si on les porte à onze ou à douze, comme elles seront allées au delà, le nombre parfait ne se retrouvera plus que lorsqu'on sera arrivé à l'autre dizaine, parce que les unités sont les parties de ce nombre.

6. Les mathématiciens, ne partageant point cette opinion, ont dit que le nombre parfait était six, parce que ses parties aliquotes conviennent dans leurs proportions au nombre six : ainsi le sextans en contient une ; le triens, deux ; le semissis, trois; le bes, qu'ils appellent δίμοιρον, quatre ; le quintarius, qu'ils appellent πεντάμοιρον, cinq ; le nombre parfait, six. Si, passant au delà de six, on y ajoute une sixième partie, on a le nombre sept, appelé ἔφεκτον ; si l'on va jusqu'à huit, après avoir ajouté la troisième partie de six, on a le tertiarium, appelé ἐπίτριτος ; quand, après avoir ajouté la moitié de six, on a obtenu neuf, on a le sesquialterum, qu'on appelle ἡμιόλιος ; après avoir ajouté les deux tiers et fait la dizaine, on a le bes alterum, qu'ils appellent ἐπιδιμοιρόν ; si l'on forme onze, en ajoutant cinq, on a le quintum alterum, qu'ils appellent ἐπίπεμπτον ; on fait enfin avec les deux nombres six simples la douzaine, qu'ils appellent διαπλασίων.

7. C'est encore d'après la longueur du pied de l'homme, qui est la sixième partie de toute sa hauteur, c'est d'après ce nombre de six fois la longueur du pied que contient la hauteur du corps, qu'ils ont jugé de la perfection de ce nombre. Ils ont aussi remarqué que la coudée se compose de six palmes et de vingt-quatre doigts. C'est d'après ce nombre que les villes de la Grèce semblent avoir voulu que la drachme fût partagée en six parties, comme la coudée avait été divisée en six palmes. Elles ont effectivement composé la drachme de six pièces d'airain qui, marquées comme les as, furent appelées oboles, et les quarts de ces oboles, que les uns appellent dichalques, et quelques autres trichalques, y ont été mis pour représenter les vingt-quatre doigts.

8. Nos ancêtres conservèrent d'abord le nombre ancien dix, et firent entrer dans le denier dix as d'airain : voilà pourquoi la monnaie qui en est composée a gardé jusqu'à ce jour le nom de denier, et sa quatrième partie, qui valait deux as et demi, reçut d'eux le nom de sesterce. Ensuite, ayant considéré que les deux nombres six et dix étaient parfaits, ils les réduisirent en un seul, et en firent un plus parfait, le nombre seize. La cause de cette innovation fut le pied : si, en effet, de la coudée vous ôtez deux palmes, le pied se trouve avoir la longueur des quatre palmes qui restent. Or, le palme a quatre doigts : il en résulte que le pied doit en avoir seize, autant que le denier a d'as d'airain.

9. Puis donc qu'il est constant que le nombre des doigts de l'homme a fait trouver les autres nombres, et qu'il existe un rapport de mesure entre les différentes parties du corps et l'ensemble, il ne nous reste plus qu'à témoigner notre estime à ceux qui, en traçant le plan des temples des dieux immortels, ont disposé tous les membres de l'ouvrage avec tant d'ordre que les règles de la proportion et de la symétrie se trouvent parfaitement observées aussi bien dans les parties séparées que dans le tout.

 

 

II. De sacrarum aedium compositione et symmetriis

1. Aedium autem principia sunt (19) e quibus constat figurarum aspectus :primum in antis (20), quod graece ναὸς ἐν παραστάσι dicitur; deinde prostylos, amphiprostylos, peripteros, pseudodipteros, dipteros, hypaethros. Horum exprimuntur formationes his rationibus.

2. In antis erit aedis, quum habebit in fronte antas (21) parietum, qui cellam circumcludunt, et inter antas in medio columnas duas, supraque fastigium symmetria ea clnlocatum, quae in hoc libro fuerit perscripta. Huius ius autem exemplar erit ad tres Fortunas (22), ex tribus, quod est proxime portam Collinam.

3. Prostylos omnia habet (23), quemadmodum in antis, columnas autem contra antas angulares duas, supraque epistylia, quemadmodum et in antis, et dextra ac sinistra in versuris singula. Huius exemplar est in insula Tiberina, in aede Iovis et Fauni (24).

4. Amphiprostylos omnia habet ea quae prostylos (25), praetereaque habet in postico ad eundem modum columnas et fastigium.

5. Peripteros autem (26) erit, quae habebit in fronte et postico senas columnas, in lateribus cum angularibus undenas, ita autem sint hae columnae collocatae, ut intercolumnii latitudinis intervallum sit a parietibus circum ad extremos ordines columnarum, habeatque ambulationem circa cellam aedis, quemadmodum est in porticu Metelli Iovis Statoris (27) Hermodori (28) et ad Mariana (29) Honoris et Virtutis (30) sine postico a Mucio facta.

6. Pseudodipteros autem (31) sic collocatur, ut in fronte et postico sint columnae octonae, in lateribus cum angularibus quindenae,. sint autem parietes cellae contra quaternas columnas medianas in fronte et postico. Ita duorum intercolumniorum et imae crassitudinis columnae spatium erit ab parietibus circa ad extremos ordines columnarum. Huius exemplar Romae non est, sed Magnesiae Dianae (32)  Hermogenis, Alabandi (33) et Apollinis a Menesthe facta

7. Dipteros autem (34) octastylos et pronao et postico, sed circa aedem duplices habet ordines columnarum, uti est aedes Quirini Dorica (35) et Ephesi Dianae (36) Ionica a Chresiphrone constituta.

8. Hypaethros vero (37) decastylos est in pronao et postico; reliqua omnia eadem habet quae dipteros, sed interiore parte columnas in altitudine duplices, remotas a parietibus, ad circumitionem, ut porticus, peristylorum. Medium autem sub divo est sine tecto. Huius autem exemplar Romae non est, sed Athenis octastylos, est templo Iovis Olympii (38).

 

II. Plan et proportions des temples.

Chaque sorte de temple se distingue par la forme différente qu'il présente à notre vue. La première est le temple à antes, que les Grecs appellent ναὸς ἐν παραστάσι ; les autres sont le prostyle, l'amphiprostyle, le périptère, le pseudodiptère, le diptère, l'hypètre. Voici l'explication de leurs différentes formes.

2. Le temple à antes est celui dont la façade présente des antes aux angles des murs qui enferment la cella. Entre ces deux antes se trouvent deux colonnes qui soutiennent un fronton disposé dans les proportions que nous prescrirons dans ce livre. De cette manière sont construits les trois temples de la Fortune, et principalement celui qui est auprès de la porte Colline.

3. Le prostyle offre tous les caractères du temple à antes ; mais vis-à-vis des antes angulaires il a deux colonnes qui, comme dans le temple précédent, soutiennent des architraves, qui vont en retour à droite et à gauche. On en voit un modèle dans l'île du Tibre, au temple de Jupiter et à celui de Faune.

4. L'amphiprostyle a toutes les parties du prostyle, et, de plus, la façade de derrière présente des colonnes et un fronton comme celle de devant.

5. Le périptère a six colonnes à chaque façade, antérieure et postérieure, et onze de chaque côté, y compris celles des angles. Ces colonnes doivent être placées de manière que l'espace qui se trouve entre les murs et les colonnes qui les entourent, soit égal à l'entre-colonne­ment, dans toute la longueur de la colonnade, et assez large pour qu'on puisse se promener autour de la cella; c'est ce qui a été observé au portique que Metellus a fait bâtir par Hermodus autour du temple de Jupiter Stator, et à celui que Mutius a ajouté au temple de l'Honneur et de la Vertu, bâtis par Marius, sans posticum.

6. Le pseudodiptère est disposé de manière à avoir huit colonnes à la façade de devant, et autant à celle de derrière, et quinze de chaque côté, en comptant celles des angles. Les murs de la cella doivent correspondre aux quatre colonnes qui s'élèvent au milieu des deux façades, antérieure et postérieure, de sorte qu'il reste l'espace de deux entre-colonnements et l'épaisseur du bas d'une colonne entre les murailles et le rang des colonnes qui les entourent. Rome ne possède point de monument de cette espèce; mais à Magnésie il s'en trouve un bâti à Diane par Hermogène Alabandin, et un autre à Apollon par Ménesthée.

7. Le diptère a huit colonnes de front, tant à la partie antérieure qu'à la partie postérieure. Il est entouré d'une double rangée de colonnes, comme est celui de Quirinus, d'ordre dorique, et celui de Diane d'Éphèse, d'ordre ionique, bâti par Chersiphron.

8. L'hypètre a dix colonnes devant et autant derrière. Tout le reste est comme pour le diptère ; mais, à l'intérieur, il règne tout autour une rangée de colonnes de moitié moins grosses que les autres, et assez écartées des murs pour qu'on puisse circuler comme sous les portiques des péristyles. Le milieu est ouvert, sans couverture. Cette espèce de temple dont les deux extrémités sont garnies de portes, ne se trouve point à Rome ; mais Athènes en possède un, celui de Jupiter Olympien, qui n'a que huit colonnes à la façade.

 

III.  De quinque aedium speciebus

1. Species autem (39) aedium (40) sunt quinque, quarum ea sunt vocabula : pycnostylos (41), id est crebris columnis; systylos, paulo remissioribus;  diastylos amplius spatiis intercolumniorum patentibus; rarius quam oportet inter se diductis, araeostylos; eustylos intervallorum iusta distributione.

2. Ergo pycnostylos est, cuius intercolumnio unius et dimidiatae columnae crassitudo (42) interponi potest : quemadmodum est divi Iuli et in Caesaris foro Veneris (43), et si quae aliae sic sunt compositae. Item systylos (44) est, in qua duarum columnarum crassitudo in intercolumnio poterit collocari, et spirarum plinthides (45) aeque magnae sint (46) ei spatio, quod fuerit inter duas plinthides; quemadmodum est Fortunae Equestris (47) ad Theatrum lapideum (48), et reliquae, quae eisdem rationibus sunt compositae.

3. Haec utraque genera vitiosum habent usum. Matres enim familiarum, quum ad supplicationem gradibus ascendunt (49), non possunt per intercolumnia (50) amplexae adire, nisi ordines fecerint, Item valvarum aspectus abstruditur columnarum crebritate, ipsaque signa obscurantur, Item circa aedem propter angustias inpediuntur ambulationes.

4. Diastyli autem (51) haec erit compositio, quum trium columnarum crassitudinem intercolumnio interponere possumus, tamquam est Apollinis (52) et Dianae aedis. Haec dispositio hanc habet difficultatem, quod epistylia propter intervallorum magnitudinem franguntur.

5. In araeostylis (53) autem nec lapideis nec marmoreis epistyliis uti datur, sed inponendae de materia trabes perpetuae; et ipsarum aedium species barycae barycephalae (54), humiles, latae; ornantque signis fictilibus aut aereis inauratis earum fastigia, Tuscanico more, uti est ad Circum Maximum Cereris (55), et Herculis Pompeiani (56), item Capitolii (57).

6. Reddenda nunc est eustyli ratio (58), quae maxime probabilis, et ad usum et ad speciem et ad firmitatem rationes habet explicatas : namque facienda sunt in intervallis spatia duarum columnarum et quartae partis columnae crassitudinis, mediumque intercolumnium unum, quod erit in fronte, alterum quod in postico, trium columnarum crassitudine. Sic enim habebit et figuratio aspectum venustum, et aditus usum sine inpeditionibus, et circa cellam ambulatio auctoritatem.

7. Huius autem rei ratio explicabitur sic : frons loci, quae in aede constituta fuerit, si tetrastylos facienda fuerit, dividatur in partes undecim semis, praeter crepidines (59) et proiecturas spirarum; si sex erit columnarum, in partes decem et octo; si octastylos constituetur, dividatur in quatuor et viginti et semissem. Item ex his partibus sive tetrastyli sive hexastyli sive octastyli una pars sumatur eaque erit modulus, cuius moduli unius erit crassitudo columnarum. Intercolumnia singula, praeter mediana, modulorum duorum et moduli quartae partis; mediana in fronte et postico singula ternum modulorum. Ipsarum columnarum altitudo modulorum octo et dimidiae moduli partis. Ita ex ea divisione intercolumnia altitudinesque columnarum habebunt iustam rationem.

8. Huius exemplar Romae nullam habemus, sed in Asia Teo hexastylon (60) Liberi Patris (61). Eas autem symmetrias constituit Hermogenes, qui etiam primus octastylon pseudodipterive invenit rationem. Ex dipteri enim aedis symmetria distulit interiores ordines columnarum quatuor et triginta (62), eaque ratione sumptus operasque compendii fecit. Is in medio ambulationi laxamentum egregie circa cellam fecit, de aspectuque nihil inminuit, sed sine desiderio supervacuorum conservavit auctoritatem totius operis distributione.

9. Pteromatos enim ratio et columnarum circum aedem dispositio ideo est inventa, ut aspectus propter asperitatem (63) intercolumniorum habeat auctoritatem; praeterea si ex imbribus aquae vis occupaverit et intercluserit hominum multitudinem, ut habeat in aede circaque cellam cum laxamento liberam moram. Haec autem ita explicantur in pseudodipteris aedium dispositionibus. Quare videtur acuta magnaque sollertia effectus operum Hermogenes fecisse, reliquisseque fontes, unde posteri possent haurire disciplinarum rationes.

10. Aedibus araeostylis (64) columnae sic sunt faciendae, uti crassitudines earum sint partis octavae ad altitudines; item in diastylo dimetienda est altitudo columnae in partes octo et dimidiam, et unius partis columnae crassitudo collocetur. In systylo altitudo dividatur in novem et dimidiam partem, et ex eis una ad crassitudinem columnae detur : item in pycnostylo dividenda est altitudo in partem decem, et eius una pars facienda est columnae crassitudo. Eustyli autem aedis columnae uti systyli in novem partes altitudo dividatur et dimidiam (65),et eius una pars constituatur in crassitudine imi scapi : ita habebitur pro rata parte intercolumniorum ratio.

11. Quemadmodum enim crescunt spatia (66) inter columnas, proportionibus adaugendae sunt crassitudines scaporum : namque si in araeostylo nona aut decima pars crassitudini fuerit, tenuis et exilis apparebit, ideo quod per latitudinem intercolumniorum aer consumit et imminuit aspectus scaporum crassitudinem (67). Contra vero pycnostylis si octava pars crassitudini fuerit, propter crebritatem et angustias intercolumniorum, tumidam et invenustam efficiet speciem. Itaque generis operis oportet persequi symmetrias. Etiamque angulares columnae crassiores faciendae sunt ex sua diametro quinquagesima parte (68), quod eae ab aere circumciduntur, et graciliores videntur esse aspicientibus. Ergo quod oculus fallit, ratiocinatione est exaequandum.

12. Contracturae autem in summis columnarum hypotracheliis (69) ita faciendae videntur, uti si columna sit ab minimo ad pedes quindenos, ima crassitudo dividatur in partes sex, et earum partium quinque summa constituatur; item quae erit ab quindecim pedibus ad pedes viginti, scapus imus in partes sex et semissem dividatur, ex earumque partium quinque et semisse superior crassitudo columnae fiat; item quae erit a pedibus viginti ad pedes triginta, scapus imus dividatur in partes septem, earumque sex summa contractura perficiatur; quae autem ab triginta pedibus ad quadraginta alta erit, ima dividatur in partes septem et dimidiam, ex his sex et dimidiam in summo habeat contracturae ratione. Quae erunt ab quadraginta pedibus ad quinquaginta, item dividendae sunt in octo partes, et earum septem in summo scapo sub capitulo contrahantur; item si quae altiores erunt (70), eadem ratione pro rata constituantur contracturae.

13. Haec autem, propter altitudinis intervallum scandentis oculi speciem, adiiciuntur crassitudinis temperaturae; venustatem enim persequitur visus; cuius si non blandimur voluptati proportione et modulorum adiectionibus, uti, quod fallitur, temperatione id augeatur, vascus et invenustus conspicientibus remittetur aspectus. De adiectione, quae adiicitur in mediis columnis (71), quae apud Graecos ἔντασις appellatur, in extremo libro erit forma et ratio eius, quemadmodum mollis et conveniens efficiatur, subscripta.

III. Des cinq espèces de temples.

1. Il y a cinq espèces de temples, dont voici les noms : le pycnostyle, c'est-à-dire à colonnes serrées ; le systyle, à colonnes un peu moins rapprochées ; le diastyle, à colonnes qui offrent entre elles plus d'espace ; l'aréostyle, à colonnes trop éloignées les unes des autres ; l'eustyle, à colonnes bien espacées.

2. Le temple pycnostyle est celui dont l'entre-colonnement comprend un diamètre et demi de la colonne à sa base : tel est le temple du divin Jules, celui de Vénus, construit dans le forum de César, et plusieurs autres. Le systyle est celui dont l'entre-colonnement est de deux fois le diamètre d'une colonne ; les plinthes des bases des colonnes doivent avoir une largeur égale à l'espace qui se trouve entre deux plinthes : tel est le temple de la Fortune Équestre, auprès du Théâtre de pierres, et tous ceux qui ont été construits d'après les mêmes règles.

3. Ces deux espèces sont défectueuses en ce que les femmes qui montent au temple pour faire leur prière, ne peuvent passer en se donnant le bras, par les entreco­lonnements; il faut qu'elles se mettent à la file les unes des autres. La vue des portes est encore cachée par le rapprochement des colonnes, qui empêchent aussi de voir les statues des dieux. Outre cela, il y a si peu d'espace autour du temple, qu'il est impossible de s'y promener.

4. Le diastyle est celui dont l'entre-colonnement est de trois fois le diamètre d'une colonne : telle est l'ordonnance du temple d'Apollon et de Diane. L'inconvénient de cette disposition est que les architraves peuvent se rompre à cause de la grandeur des intervalles.

5. Dans l'aréostyle, il est impossible de se servir d'architraves de pierres ni de marbre ; on ne peut employer que des poutres d'une seule pièce, ce qui donne à ces sortes de temples une forme lourde, pesante, basse, écrasée. On orne leurs frontons de bas-reliefs en terre à potier, ou en cuivre doré, à la manière des Toscans. Tel est, auprès du Grand Cirque, le temple de Cérès, celui d'Hercule, bâti par Pompée, le Capitole.

6. Il faut maintenant rendre compte de l'eustyle. Cette sorte de temple mérite le plus notre approbation ; elle renferme toutes les conditions possibles de commodité, de beauté, de solidité Ses entre-colonnements doivent avoir deux fois et quart le diamètre d'une colonne. Toutefois un seul entre-colonnement, celui du milieu de la façade antérieure et de la façade postérieure, doit avoir la largeur de trois fois le diamètre d'une colonne. Cette disposition embellit l'aspect du temple, en dégage l'en­trée, et facilite la promenade autour de la cella.

6. Voici les proportions qu'on doit suivre : la façade qu'on voudra faire à l'édifice, s'il est question d'un tétrastyle, sera divisée en onze parties et demie, sans compter la saillie que forment les bases des colonnes ; en dix-huit, si l'on veut avoir un hexastyle ; si ce doit être un octostyle, en vingt-quatre parties et demie. Qu'on veuille donc élever un tétrastyle, un hexastyle ou un octostyle, on prendra une de ces parties pour en faire le module, qui ne sera autre chose que la grosseur d'une colonne. Chaque entre-colonnement, excepté celui du milieu, aura deux modules un quart ; ceux du milieu, devant et derrière, auront chacun trois modules. La hauteur des colonnes sera de huit modules et demi. Cette division établira un juste rapport entre les entre-colonnements et la hauteur des colonnes.

8. Nous n'avons point à Rome de modèle de ce temple; mais en Asie, à Téos, on voit un hexastyle consacré à Bacchus. Ces proportions sont dues à Hermogène, qui a inventé l'hexastyle et l'ordonnance du pseudodiptère, en faisant disparaître du plan du diptère la rangée intérieure des colonnes au nombre de trente-quatre, ce qui a diminué le travail et la dépense. L'espace destiné à la promenade s'est trouvé par là admirablement agrandi autour de la cella ; et, sans rien faire perdre au temple de sa dignité, sans rien sacrifier de nécessaire, l'architecte a su conserver à son ouvrage toutes les qualités d'un modèle.

9. Les ailes et les colonnes ainsi disposées autour de l'édifice n'ont été inventées que pour donner plus de majesté a sa forme extérieure, en rompant par les entre-colonnements l'uniformité des lignes que présente une simple muraille. Un autre avantage, c'est que si la pluie vient à tomber avec violence et à empêcher la foule de sortir, la multitude trouve dans le temple et autour de la cella un abri large et spacieux. Cette disposition du pseudodiptère fait connaître avec quelle intelligence, avec quelle habileté Hermogène exécutait ses ouvrages, qui sont devenus la source où la postérité a pu puiser les règles de l'art.

10. Dans l'aréostyle, les colonnes doivent avoir en grosseur la huitième partie de leur hauteur. A l'égard du diastyle, il faut diviser la hauteur de la colonne en huit parties et demie, et en donner une à la grosseur de cette colonne. Pour le systyle, la hauteur de la colonne doit être divisée en neuf parties et demie, dont une est don-née à la grosseur. Quant au pycnostyle, il faut diviser la hauteur en dix parties, et en donner une à la grosseur de la colonne. Les colonnes de l'eustyle doivent être divisées, comme celles du systyle, en neuf parties et demie, pour faire d'une de ces parties la grosseur du bas du fût de la colonne. Ces règles bien observées donneront aux entre-colonnements les proportions qu'ils doivent avoir.

11. Plus on donne de largeur aux entre-colonnements, plus, proportion gardée, on doit donner de grosseur à la tige des colonnes : car si, dans l'aréostyle, la grosseur des colonnes était de la neuvième ou de la dixième partie de leur hauteur, elles paraîtraient grêles et menues, parce que l'air qui remplit le large espace des entre­colonnements, diminue et dérobe à la vue la grosseur du fût des colonnes. Si, au contraire, la grosseur des colonnes du pycnostyle n'avait que la huitième partie de sa hauteur, les entre-colonnements étroits et resserrés les feraient paraître enflées et disgracieuses. Aussi faut-il donner à chaque genre d'ouvrage les proportions qui lui conviennent ; il est même nécessaire de grossir les colonnes qui se trouvent aux angles, d'une cinquantième partie de leur diamètre, parce qu'étant entourées d'une plus grande masse d'air, elles paraissent plus petites à l'oeil. L'art doit donc remédier à cette erreur de la vue.

12. Les colonnes doivent être plus menues par le haut de leur tige que par le bas. Si elles sont longues de quinze pieds, on divisera le diamètre d'en bas en six parties, dont cinq seront données au bout opposé ; si elles sont de quinze à vingt pieds, le bas du fût sera divisé en six parties et demie, dont cinq et demie constitueront le diamètre du haut des colonnes ; pour celles qui ont de vingt à trente pieds, le bas de la tige sera divisé en sept parties, pour que six fassent le diamètre du haut. A l'égard de celles dont la hauteur sera de trente à quarante pieds, le diamètre d'en bas sera divisé en sept parties et demie, pour que six parties et demie soient données à celui d'en haut. Celles qui seront hautes de quarante à cinquante pieds seront divisées en huit parties, dont sept formeront la grosseur du fût de la colonne, sous le chapiteau. S'il en est de plus hautes encore, le rétrécissement devra se faire dans la même proportion.

13. Telle est la gradation qu'il faut suivre pour la grosseur des colonnes, à cause de l'illusion dans laquelle tombe l'oeil, en parcourant ces différents degrés d'élévation : car l'oeil recherche le beau ; et si l'on ne parvient pas à le flatter par la justesse des proportions et l'augmentation des modules, si par là on ne remédie pas à l'erreur dans laquelle jette l'éloignement des objets, un ouvrage paraîtra toujours disproportionné et sera désagréable à la vue. Quant au renflement du milieu des colonnes, appelé par les Grecs ἔντασις, j'en donnerai une figure à la fin de ce livre, en indiquant en même temps la manière d'en tracer un profil doux et gracieux.

 

IV. De fundationibus tam in locis solidis quam in congestitiis

1. Fundationes eorum operum fodiantur, si queat inveniri, ad solidum, et in solido, quantum ex amplitudine operis pro ratione videbitur; extruaturque structura per totum solum quam solidissima; supraque terram parietes extruantur sub columnas, dimidio crassiores quam columnae sunt futurae (72), uti firmiora sint inferiora superioribus; quae stereobatae appellantur (73), nam excipiunt onera. Spirarumque proiecturae non procedant extra solidum. item supra parietis ad eundem modum crassitudo servanda est : intervalla autem concamaranda aut solidanda festucationibus (74), uti distineantur.

2. Sin autem solidum non invenietur, sed locus erit congestitius ad imum aut paluster, tunc is locus fodiatur exianiaturque (75), et palis alneis aut oleagineis, aut robusteis ustilatis configatur, sublicaeque machinis adigantur (76) quam creberrimae, carbonibusque expleantur intervalla palorum (77), et tunc structuris solidissimis fundamenta impleantur (78). Extructis autem fundamentis ad libramentum stylobatae sunt colnlocandi (79).

3. Supra stylobatas columnae disponendae, quemadmodum supra scriptum est, sive in pycnostylo, quemadmodum pycnostyla, sive systylo aut diastylo aut eustylo, quemadmodum supra scriptae sunt et constituae. In araeostylis enim libertas est, quantum cuique libet constituendi; sed ita columnae in peripteris (80) collocentur, uti quot intercolumnia (81) sunt in fronte, totidem bis intercolumnia fiant in lateribus : ita enim erit duplex longitudo operis ad latitudinem. Namque qui columnarum duplicationes fecerunt, erravisse videntur, quod unum intercolumnium in longitudine plus quam oportet procurrere videtur.

4. Gradus in fronte (82) constituendi sunt, uti sint semper impares : namque cum dextro pede primus gradus ascendatur, item in summo primus erit ponendus. Crassitudines autem eorum graduum (83) ita finiendas censeo, ut neque crassiores dextante nec tenuiores dodrante (84) sint collocatae : sic enim durus non erit ascensus. Retractiones autem graduum nec minus quam sesquipedales nec plus quam bipedales faciendae videntur. Item si circa aedem gradus futuri sunt, ad eumdem modum fieri debent.

5. Sin autem circa aedem ex tribus lateribus podium faciendum erit (85), ad id constituatur, uti quadrae, spirae, trunci, coronae, lysis (86) ad ipsum stylobatam, qui erit sub columnarum spiris, conveniant. Stylobatam ita oportet exaequari, uti habeat per medium adiectionem per scamillos impares (87). Si enim ad libellam dirigetur, alveolatus oculo videbitur. Hoc autem ut scamilli ad id convenientes fiant, item in extremo libro forma et demonstratio erit descripta.

IV. Des fondements à faire, sot dans des terrains solides, soit dans des terres rapportées.

1. Les fondements des colonnes doivent être creusés jusqu'à la partie solide du terrain, s'il est possible d'y arriver, et, dans ce terrain solide, jusqu'à une profondeur proportionnée à l'importance de l'édifice. Il faut qu'ils soient maçonnés avec la plus grande solidité sur le plan de la tranchée. Élevés hors de terre, ils devront avoir une largeur de moitié plus grande que celles des colonnes qu'ils supportent, afin que la partie inférieure soit plus forte que celle qui sera posée dessus on l'appelle stéréobate, à cause de la charge qu'elle reçoit. La saillie des bases ne doit point excéder la largeur de ces murs. Que si la partie qui est hors de terre devait être une muraille, il faudrait en régler l'épaisseur d'après la même proportion ; mais pour que les intervalles soient parfaitement solides, il faut y faire des arcs de voûte ou les affermir à l'aide des instruments avec lesquels on enfonce les pilotis.

2. Mais si le terrain ne se trouve pas solide, si dans cet endroit il n'y a que des terres rapportées ou marécageuses, alors il faut les creuser et les sonder, y ficher des pilotis en bois d'aune, d'olivier ou de chêne durcis au feu, les enfoncer avec des machines le plus près possible les uns des autres, en remplir les intervalles avec du charbon, et combler ensuite la tranchée par une maçonnerie très solide. Une fois les fondements achevés, il faut placer de niveau les stylobates.

3. Au-dessus des stylobates doivent s'élever les colonnes d'après les proportions indiquées plus haut, et, soit qu'on fasse le pycnostyle, ou le systyle, ou le diastyle, ou l'eustyle, on aura recours aux règles établies dans le chapitre précédent. Quant à l'aréostyle, liberté pleine et entière de le construire comme on voudra ; mais dans les périptères il faut que les colonnes soient disposées de telle sorte que les entre-colonnements de la façade soient deux fois aussi nombreux dans les côtés; ce qui donnera à l'édifice une longueur double de sa largeur. Et ceux qui ont doublé le nombre des colonnes se sont évidemment trompés, en ce qu'ils ont donné à la longueur un entre-colonnement de plus que ne l'exigent les proportions.

4. Les degrés de la façade doivent être en nombre impair, afin que si le pied droit se pose sur la première marche, ce soit encore lui qui se retrouve sur la dernière. L'épaisseur de ces degrés doit être telle, à mon avis, qu'elle n'ait pas plus de dix pouces, ni moins de neuf ; de cette manière la montée ne sera point difficile. Pour leur largeur, elle ne doit point être de moins d'un pied et demi, ni de plus de deux pieds ; et si le temple doit être entouré de degrés, il faut leur donner partout la même largeur.

5. Si l'on veut faire une balustrade de trois côtés du temple, il faut s'y prendre de manière que le socle, la base, le dé, la corniche, la cymaise correspondent avec le stylobate qui sera sous les bases des colonnes. Le stylobate doit être parfaitement de niveau, de manière toutefois que perpendiculairement à chaque colonne il présente une saillie en forme d'escabeau qui en rompe la continuité : car s'il offrait une ligne continue, il ressemblerait à un canal. Pour faciliter l'exécution de ces stylobates en forme d'escabeau, j'en tracerai à la fin de ce livre une figure accompagnée de sa démonstration.

V. De columnis Ionicis atque earum ornatu

1. His perfectis in suis locis spirae collocentur, eaeque ad symmetriam sic perficiantur, uti crassitudo cum plintho sit columnae ex dimidia crassitudine proiecturamque, quam Graeci ἐκφορὰν vocitant, habeant quadrantem (88). ita tum lata et longa erit columnae crassitudinis unius et dimidiae.

2. Altitudo eius, si atticurges (89) erit, ita dividatur, ut superior pars tertia parte sit crassitudinis columnae (90), reliquum plintho relinquatur : dempta plintho (91), reliquum dividatur  in partes quatuor, fiatque superior torus quartae (92), reliquae tres aequaliter dividantur (93), et una sit inferior torus, altera pars cum suis quadris (94) scotia (95), quem Graeci τρόχιλον dicunt.

3. Sin autem Ionicae erunt faciendae, symmetriae earum sic erunt constituendae uti latitudo spirae quoqueversus sit columnae crassitudinis, adiecta crassitudinis quarta et octava (96); altitudo uti Atticurgis; ita et eius plinthus; reliquumque praeter plinthon, quod erit tertia pars crassitudinis columnae dividatur in partes septem (97). Inde trium partium torus, qui est in summo; reliquae quatuor partes dividendae sunt aequaliter, et una pars fiat cum suo astragalo et supercilis superior trochilus (98), altera pars inferiori trochilo relinquatur; sed inferior maior apparebit (99) ideo, quod habebit ad extremam plinthum proiecturam. Astragali faciendi sunt octavae partis trochili (100); proiectura erit spirae pars octava et sexta decuma pars crassitudinis columnae (101).

4. Spiris perfectis et collocatis, columnae sunt medianae (102) in pronao et postico ad perpendiculum medii centri collocandae; angulares autem quaeque e regione earum futurae sunt in lateribus aedis dextra ac sinistra, uti partes interiores quae ad parietes cellae spectant, ad perpendiculum latus habeant collocatum (103), Exteriores autem partes uti dictum ante de earum contractura. Sic enim erunt figurae compositionis aedium contracturae iusta ratione exactae.

5. Scapis columnarum statutis, capitulorum ratio (104), si pulvinata erunt (105), his symmetriis conformabuntur, uti quam crassus imus scapus fuerit, addita octava decuma parte scapi, abacus (106) habeat longitudinem et latitudinem, crassitudinem cum volutis eius dimidiam (107). Recedendum autem est ab extremo abaco in interiorem partem frontibus volutarum (108) parte duodevicgesima (109), et eius dimidia; et secundum abacum in quatuor partibus volutarum (110) secundum extremi abaci quadram (111) lineae demittendae, quae catheti dicuntur. Tunc crassitudo dividenda est in partes novem et dimidiam (112);   ex novem partibus et dimidia una pars et dimidia abaci crassitudo relinquatur, reliquae octo volutis constituantur.

6. Tunc ab linea, quae secundum abaci extremam partem demissa erit (113), in interiorem partem <alia> recedat unius et dimidiatae partis latitudine. Deinde eae lineae dividantur ita, ut quatuor partes et dimidia sub abaco relinquantur (114). Tunc in eo loco, qui locus dividit quatuor et dimidiam et tres et dimidiam partem, centrum oculi signetur, ducaturque ex eo centro rotunda circinatio, terram magna in diametro, quam una pars ex octo partibus est; ea erit oculi magnitudo, et in ea catheto respondens diametros agatur (115). Tunc ab summo sub abaco incepto in singulis tetrantorum anconibus (116) dimidiatum oculi spatium minuatur (117), donicum in eundem tetrantem, qui est sub abaco, veniat.

7. Capituli autem crassitudo sic est facienda, ut ex novem partibus et dimidia, tres partes praependeant infra astragalum (118) summi scapi; cymatio (119), adempto (120) abaco et canali, reliqua sit pars. Proiectura autem cymatii (121) habeat extra abaci quadram oculi magnitudinem. Pulvinorum baltei (122) ab abaco hanc habeant proiecturam, uti circini centrum (123) unum quum sit positum in capituli tetrante et alterum diducatur ad extremum cymatium, circumactum balteorum extremas partes tangat. Axes volutarum (124) ne crassiores sint quam oculi magnitudo (125), volutaeque ipsae sic caedantur (126), uti altitudines habeant latitudinis suae duodecimam partem. Hae erunt symmetriae capitulorum, quum columnae (127) futurae sunt ab minimo ad pedes qindecim; quae supra erunt reliquae, habebunt ad eumdem modum symmetrias. Abacus autem erit longus et latus, quam crassa columna est ima, adiecta parte nona, uti quo minus habuerit altior columna contractum, eo ne minus habeat capitulum suae symmetriae proiecturam et in latitudine rat0ae partis adiectionem.

8. De volutarum descriptionibus, uti ad circinum sint recte involutae, quemadmodum describantur, in extremo libro forma et ratio earum erit subscripta. Capitulis perfectis (128), deinde in summis columnarum scapis, non ad libellam, sed ad aequalem modulum, collocatis, ut quae adiectio in stylobatis facta fuerit, in superioribus membris respondeat, epistyliorum ratio (129) sic est habenda, ut si columnae fuerint a minimo duodecim pedum ad quindecim pedes, epistylii sit altitudo dimidia crassitudinis imae columnae; item ab quidecim pedibus ad viginti, columnae altitudo dimetiatur in partes tredecim, et unius partis altitudo epistylii fiat; item si a viginti ad quinque et viginti pedes, dividatur altitudo in partes duodecim et semissem, et eius una pars altitudo fiat; item si a quinque et viginti pedibus ad  triginta, dividatur in partes duodecim, et eius una pars altitudo fiat; item rata parte ad eumdem modum ex altitudine columnarum expediendae sunt altitudines epistyliorum.

9. Quo altius enim scandit oculi species (130), non facile persecat aeris crebritatem; dilapsa itaque altitudinis spatio et viribus exsucta incertam modulorum renuntiat sensibus quantitatem. Quare semper adiiciendum est rationis supplementum in symmetriarum membris, quum fuerint aut altioribus locis opera, aut etiam ipsa colossicotera, habeant magnitudinum rationem. Epistylii latitudo in imo quod supra capitulum erit, quanta crassitudo summae columnae sub capitulo erit, tanta fiat; summum, quantum imus scapus (131).

10. Cymatium epistylii (132) septima parte suae altitudinis est faciendum, et in proiectura tantundem; reliqua pars praeter cymatium dividenda est in partes duodecim, et earum trium (133) ima fascia est facienda, secunda quattuor, summa quique. Item zophorus supra epistylium (134) quarta parte minus, quam epistylium; sin autem sigilla designari oportuerit, quarta parte altior, quam epistylium, uti auctoritatem habeant scalpturae. Cymatium suae altitudinis (135) partis septimae; proiectura cymatii quantum crassitudo.

11. Supra zophorum denticulus est faciendus (136) tam altus, quam epistylii media fascia; proiectura eius, quantum altitudo. Intersectio, quae Graece μετόπη dicitur, sic est dividenda, uti denticulus altitudinis suae dimidiam partem habeat in fronte, cavum autem intersectionis huius frontis e tribus duas partes; huius cymatium (137) altitudinis eius sextam partem. Corona (138)  cum cymatio, praeter simam (139) quantum media fascia epistylii, Proiectura coronae cum denticulo facienda est, quantum erit altitudo a zophoro ad summum coronae cymatium; et omnino omnes ecphorae (140) venustiorem habent speciem, quae quantum altitudinis, tantundem habeant proiecturae.

12. Tympani autem (141), quod est in fastigio, altitudo sic est facienda, uti frons coronae ab extremis cymatiis (142) tota dimetiatur in partes novem, et ex eis una pars in medio cacumine tympani constituatur, dum contra epistylia columnarumque hypotrachelia ad perpendiculum respondeat. Coronae quae supra tymphanum fiunt (143), aequaliter imis praeter simas sunt collocandae; insuper coronas simae, quas Graeci ἐπωτίδας dicunt (144), faciendae sunt altiores octava parte (145) coronarum altitudinis. Acroteria (146) angularia tam alta, quantum est tympanum medium (147); mediana altiora octava parte, quam angularia.

13. Membra omnia, quae supra capitula (148) columnarum sunt futura, id est epistylia, zophori, coronae, tympana, fastigia, acroteria, inclinanda sunt in fronte suae cuiusque altitudinis parte duodecim, ideo quod quum steterimus contra frontes, ab oculo lineae duae si extensae fuerint, et una tetigerit imam operis partem, altera summam, quae summam tetigerit longior fiet. Ita quo longior visus lineae in superiorem partem procedit, resupinatam facit eius speciem. Quum autem, uti supra scriptum est, in fronte inclinata fuerint, tunc in aspectu videbuntur esse ad perpendiculum et normam.

14. Columnarum striae (149) faciendae sunt quatuor et viginti, ita excavatae, uti norma in cavo striae quum fuerit coniecta, circumacta anconibus (150), striarum dextra ac sinistra angulos tangat, cacumenque normae circum rotundationem tangendo pervagari possit. Crassitudines striarum faciendae sunt, quantum adiectio in media columna (151) ex descriptione invenietur.

15. In simis, quae supra coronam in lateribus sunt aedium, capita leonina (152) sunt scalpenda ita posita,uti contra columnas singulas primum sint designata, cetera autem aequali modo disposita, uti singula singulis mediis tegulis (153) respondeant : haec autem, quae erunt contra columnas, perterebrata sint ad canalem, qui excipit e tegulis aquam caelestem; mediana autem sint solida, uti quae cadit vis aquae per tegulas in canalem, ne deiiciatur per intercolumnia, neque transeuntes perfundat, sed quae sunt contra columnas videantur emittere vomentia ructus aquarum ex ore.
Aedium Ionicarum, quam apertissime potui, dispositiones hoc volumine descripsi; Doricarum autem et Corinthiarum quae sint proportiones in sequenti libro explicabo.

V. Des colonnes ioniques et de leurs ornements.

1. Toutes ces parties une fois terminées, on s'occupera de mettre les bases à leur place, et de leur donner des proportions telles que leur épaisseur, y compris la plinthe, soit de la moitié du diamètre de la colonne, et que sa saillie, appelée par les Grecs ἐκφορά, soit d'un quart; ce qui donnera à chaque face de la base la largeur d'un diamètre et demi de la colonne.

2. Sa hauteur, s'il s'agit d'une base atticurge, doit être ainsi divisée : la partie supérieure aura le tiers du dia-mètre de la colonne ; le reste sera pour la plinthe. Ce tiers de diamètre qui se trouve au-dessus de la plinthe qu'on laisse à part, sera divisé en quatre parties dont la plus haute formera le tore supérieur; les trois autres seront divisées en deux, l'une pour le tore inférieur, l'autre pour la nacelle que les Grecs appellent τρόχιλον, et ses deux listeaux.

3. Si l'on veut faire une base ionique, les proportions en devront être telles que sa largeur présente en tous sens le diamètre de la colonne, plus la quatrième et la huitième partie; que sa hauteur soit celle de la base atticurge, et que la plinthe soit pareille à celle de l'atticurge : ce qui se trouvera au-dessus de la plinthe, formant la troisième partie du diamètre de la colonne, sera divisé en sept. Le tore supérieur en comprendra trois ; les quatre autres parties seront divisées en deux parties égales : l'une pour la nacelle supérieure, son astragale et ses filets ; l'autre pour la nacelle inférieure, qui paraîtra plus grande à cause de sa prolongation jusqu'au bord de la plinthe. Les astragales seront de la huitième partie de la nacelle, et la saillie de la base aura la huitième et la seizième partie du diamètre de la colonne.

4. Après avoir placé et achevé les bases, il faudra que les colonnes du milieu de la façade et de la partie postérieure du temple soient posées à plomb sur leur centre; quant aux colonnes qui sont aux angles et à celles qui doivent les suivre aux deux côtés du temple, à droite et à gauche, elles auront parfaitement à plomb le côté intérieur qui regarde les murs de la cella ; le côté extérieur aura la diminution dont il a été parlé, et cette diminution donne à l'édifice un aspect fort agréable.

5. Une fois que le fût des colonnes aura été dressé, la disposition des chapiteaux, si on leur donne la forme d'un coussin, sera réglée d'après les proportions suivantes : le diamètre du bas de la colonne, plus une dix-huitième partie, formera le carré de l'abaque, dont la moitié sera la hauteur du chapiteau, y compris les volutes. Il faut s'éloigner de l'extrémité de l'abaque d'une dix-huitième partie et demie pour revenir vers la partie intérieure, afin de déterminer la place des faces des volutes ; puis le long de l'abaque, du haut du listel qui le couronne, on fait tomber d'aplomb, pour les quatre volutes, les lignes appelées cathètes. On divise ensuite l'épaisseur du chapiteau en neuf parties et demie ; de ces neuf parties et demie, on laisse une partie et demie pour l'épaisseur de l'abaque; les huit autres seront pour les volutes.

6. Alors, à côté des lignes qu'on aura abaissées à l'extrémité de l'abaque, on en fera descendre d'autres en dedans qui se trouveront éloignées des premières d'une partie et demie. Que ces lignes soient ensuite divisées de manière qu'il reste sous l'abaque quatre parties et demie. A ce point, qui laisse pour le haut quatre parties et demie, et pour le bas trois et demie, on marquera le centre de l'oeil, et de ce centre on décrira un cercle dont le diamètre représentera une des huit parties : telle sera la grandeur de l'oeil, dans lequel la ligne perpendiculaire sera coupée par une diamétrale. Alors, du point supérieur qui est sous l'abaque, on commencera à tracer la volute, et diminuant chaque quart de cercle d'un demi-diamètre de l'oeil, on continuera de quart en quart, jusqu'à ce qu'on soit revenu à celui d'en haut.

7. L'épaisseur du chapiteau doit être telle que des neuf parties et demie qui la composent, il y en ait trois qui pendent au-dessous de l'astragale qui couronne le fût de la colonne; le reste, après en avoir retranché le tailloir et le canal, sera consacré à l'ove. La saillie de l'ove dépassera le carré de l'abaque de la grandeur de l'oeil de la volute. La ceinture de la partie latérale du chapiteau qui a la forme d'un coussin, avancera hors de l'abaque de manière que, mettant une branche du compas à l'endroit où le chapiteau est divisé en quatre, et conduisant l'autre jusqu'à l'extrémité de l'ove, on puisse décrire ainsi la circonférence de la ceinture. L'axe des volutes ne doit pas être plus gros que la grandeur de l'oeil, et il faut tailler les volutes de façon qu'elles n'aient de profondeur que la douzième partie de leur largeur. Telles doivent être les proportions des chapiteaux pour les colonnes qui n'auront pas plus de quinze pieds; si elles doivent en avoir davantage, les chapiteaux seront proportionnés à leur hauteur. Le tailloir aura la longueur et la largeur du diamètre du bas de la colonne, plus une neuvième partie, afin que la colonne, qui doit être d'autant moins diminuée par en haut qu'elle est plus élevée, ait un chapiteau dont la saillie augmente à proportion, et un renflement qui soit en rapport avec la hauteur.

8. Quant à la manière de tracer les volutes, et de les bien tourner avec le compas, il suffira, pour réussir, d'examiner à la fin de ce livre la figure qui s'y trouvera avec l'explication. Après avoir achevé les chapiteaux, et les avoir posés sur le haut des fûts des colonnes, non en ligne droite avec le devant de leur tige, mais à des distances égales, de manière qu'ils répondent aux saillies des stylobates et aux parties supérieures de l'entable­ment, voici les proportions qu'on suivra pour les architraves : si les colonnes ont de douze à quinze pieds, l'architrave devra avoir la hauteur du demi-diamètre du bas de la colonne ; si elles sont de quinze à vingt pieds, la hauteur de la colonne se divisera en treize parties, dont une sera donnée à l'architrave ; si elles vont de vingt à vingt-cinq pieds, la hauteur sera divisée en douze parties et demie, dont une formera aussi l'architrave ; si elles sont de vingt-cinq à trente pieds, on les divisera en douze parties, afin d'en donner une à l'architrave. C'est d'après ces proportions que la hauteur des colonnes déterminera celle des architraves.

9. Car plus haut l'oeil étend son rayon visuel, plus il a de peine à pénétrer la masse d'air ; cet organe, affaibli par la distance du point élevé qu'il observe, n'a plus assez de force pour saisir avec précision la grandeur des mesures. Voilà pourquoi il faut suppléer avec méthode aux proportions des membres, lorsqu'ils sont trop élevés, ou d'une grandeur trop considérable pour qu'ils paraissent avoir leurs justes proportions. Le bas de l'architrave qui pose sur le chapiteau, doit avoir la même largeur que le haut de la colonne qui se trouve sous le chapiteau, et le haut de l'architrave doit être aussi large que le bas de la colonne.

10 La cymaise de l'architrave doit occuper la septième partie de la hauteur de l'architrave, et sa saillie doit être égale à sa hauteur. Il faut diviser les six autres parties en douze, dont trois seront données à la fasce d'en bas, quatre à la seconde, cinq à celle d'en haut. La frise qui est au-dessus de l'architrave doit être plus petite qu'elle d'une quatrième partie; mais dans le cas où on voudrait y représenter quelques petites figures en relief, elle devrait être plus grande que l'architrave d'une quatrième partie, pour donner plus de développement à ces sculptures. La cymaise de la frise aura la septième partie de sa hauteur, avec une saillie de même grandeur.

11. Sur la frise il faudra faire un denticule de la hauteur de la fasce du milieu de l'architrave avec une saillie de même étendue. La coupure des denticules, que les Grecs appellent μετόπη, doit être divisée de manière que chaque denticule ait de largeur la moitié de sa hauteur, et la cavité de la coupure deux parties des trois qui font la largeur du denticule. Sa cymaise aura la sixième par­tie de sa hauteur. Le larmier avec sa cymaise, moins la doucine, doit être aussi haut que la fasce du milieu de l'architrave. La saillie du larmier avec le denticule doit être égale à l'espace compris entre la frise et le haut de la cymaise du larmier; et, en général, toutes les saillies ont plus de grâce quand elles sont égales à la hauteur du membre saillant.

12. La hauteur du tympan qui est au fronton doit être telle que toute la largeur du larmier, d'une des extrémités de la cymaise à l'autre, étant divisée en neuf parties, une de ces parties fasse la hauteur de la pointe du tympan qui devra être perpendiculairement à plomb de l'architrave et de la gorge des colonnes. Les corniches qui couronnent le tympan doivent être pareilles à celles de dessous, qui manquent pourtant de doucine; mais au-dessus de ces corniches il faut faire une doucine que les Grecs appellent ἐπωτίδες, et lui donner de hauteur une huitième partie de plus qu'au larmier. Les acrotères des angles doivent avoir la hauteur du milieu du tympan ; celui du milieu doit être plus haut d'un huitième que ceux des angles.

13. Tous les membres qu'on met au-dessus des chapiteaux des colonnes, c'est-à-dire les architraves, les frises, les corniches, les tympans, les faîtes, les acrotères doivent être inclinés en avant chacun d'une douzième partie de leur hauteur. En voici la raison : lorsque nous nous plaçons vis-à-vis de la façade d'un édifice, si nous faisons partir de notre oeil deux lignes, dont l'une en touche le bas et l'autre le haut, celle qui touche le haut sera la plus longue. Ainsi plus une ligne visuelle s'étend vers un objet élevé, plus elle le fait paraître renversé en arrière; mais lorsque, comme je viens de le dire, les membres supérieurs d'une façade auront été inclinés en avant, ils paraîtront à l'oeil parfaitement d'aplomb.

14. Il faut creuser dans les colonnes vingt-quatre cannelures. On les taille de telle sorte qu'une équerre qui est placée dans la cavité, et à laquelle on imprime un mouvement circulaire, touche de ses branches les angles des deux pleins qui se trouvent à droite et à gauche de la cannelure, et que la pointe de l'équerre en puisse parcourir toute la cavité. La largeur du plein qui est entre les cannelures doit être pareille au renflement du milieu de la colonne dont je vais donner la description.

15. Aux doucines qui terminent les corniches sur les côtés des temples, il faut sculpter des têtes de lion disposées de telle sorte que d'abord il y en ait une au-dessus de chaque colonne, et ensuite d'autres qui soient également distribuées de manière que chaque tête réponde au mi-lieu de chacune des tuiles qui forment la couverture : celles qui sont au droit des colonnes doivent être percées le long de la gouttière qui reçoit les eaux de pluie qui découlent du toit; les autres ne le seront point, afin que l'eau qui tombe avec tant de force de la couverture dans la gouttière ne puisse être précipitée entre les colonnes, et se répandre sur ceux qui passent ; il suffit que celles qui sont au-dessus des colonnes vomissent de leur gueule par gorgées l'eau qui descend avec impétuosité.
Je viens de traiter dans ce livre, avec toute l'exactitude dont je suis capable, de l'ordonnance des temples ioniques; je vais expliquer dans le suivant quelles sont les proportions des temples doriques et corinthiens.

NOTES DU LIVRE TROISIÈME.

01. - Pectora fenestrata. - Voyez Lucien, Vie d'Hermotime, qui attribue cette idée à Momus critiquant une oeuvre de Vulcain.

02. - Aedium compositio constat ex symmetria. Pline dit que de son temps la langue latine n'avait point de terme propre pour exprimer le mot grec summetrÛa, bien que Cicéron se soit servi du verbe commetiri, d'où vient le commensus que Vitruve emploie dans ce chapitre, et qui contient toute la signification du mot grec : car commensus, comme συμμετρία, signifie le concours de plusieurs mesures qui, dans diverses parties, ont entre elles une proportion qui convient à l'ensemble. Voir le ch. 8 de la 3° partie du Cours d'antiquités monum. de M. de Caumont.

03. - Corpus enim hominis ita natura composuit. Le principal objet de l'étude du sculpteur, c'est le nu. Les fondements de cette étude sont l'ostéologie, l'anatomie extérieure et l'imitation assidue de toutes les parties et de tous les mouvements du corps humain. Voyez M. Étienne FALCONNET, Réflexions sur la sculpture, 1761, in-8°.

04. - Uti os capitis a mento ad frontem summum. Huit longueurs de tête ne peuvent donner dix longueurs de visage, c'est-à-dire dix fois la hauteur de l'espace compris entre le bas du menton et le haut du front, la racine des cheveux : car que l'on divise la hauteur de la tête en quatre parties égales, comme l'enseigne Vitruve, qui en cela est d'accord avec les mesures des meilleures statues, qu'on multiplie ensuite 4 par 8, et 3 par 10, on obtient des nombres différents, 32 et 30. Bien qu'il ne paraisse point s'être glissé de faute dans le texte, dit Stratico, il y a pourtant là défaut d'exactitude.

05. - Ab sunmmo pectore ad iman radices capilloram sextae; ad  summum verticem quartae. Si depuis le haut de la poitrine, c'est-à-dire depuis les clavicules jusqu'au haut du front, c'est-à-dire jusqu'à la racine des cheveux, il y a une sixième partie du corps entier, il est impossible qu'il n'y en ait qu'une quatrième depuis ces mêmes clavicules jusqu'au sommet de la tête ; autrement l'espace compris entre la racine des cheveux et le sommet de la tête serait presque aussi grand que tout le visage. C'est donc avec raison que Philander soupçonne qu'il y a faute dans le texte, et qu'il veut qu'on lise, au lieu d'une quatrième partie, une cinquième avec une fraction. Selon la proportion d'Albert Durer, l'espace qui est depuis le haut de la poitrine jusqu'au sommet de la tête, est les trois dixièmes de tout le corps.

06. - Pes vero altitudinis corporis sextae. Cette proportion est inexacte : il ne se trouve point qu'un corps bien fait dont la tête est la huitième partie de tout le corps, ait le pied plus grand que la septième. L. B. Alberti tombe dans l'excès opposé, en ne donnant au pied que la huitième partie de tout le corps.

07. - Cubitus quartae ; pentus item quartae. Il y a de l'exactitude dans cette proportion du coude, c'est-à-dire dans la proportion de l'espace compris entre le pli du bras et l'extrémité des doigts; mais la longueur qu'il donne à la poitrine est disproportionnée, à moins que Vitruve, par la poitrine, n'entende l'espace qui se mesure de l'extrémité d'une épaule à l'autre. Il n'est pas, du reste, aisé de saisir ce que Vitruve comprend par la poitrine, vu la grandeur qu'il lui donne. Car, comme le fait observer Perrault, si la poitrine est prise depuis les clavicules jusqu'au cartilage xiphoïde, appelé vulgairement le creux de l'estomac, elle n'a tout au plus qu'une septième partie ; et si on la prend d'une extrémité des côtes à l'autre, elle n'en a qu'une cinquième. Peut-être y a-t-il là une erreur de texte. Poleni pense que, par le mot poitrine, Vitruve a désigné la partie antérieure depuis le haut de la poitrine jusqu'au-dessus du nombril ; ce qui forme la quatrième partie du corps.

08. - Umbilicus. Le nombril est-il bien au milieu du corps ? Cette observation, tout ancienne qu'elle est, a rencontré des contradicteurs ; et Varron (de la Langue lat., liv. VII, ch. 17) trouve que c'est une erreur de croire que le nombril soit le centre du corps.

09. - Manibus et pedibus pansis. Dans un corps bien proportionné, l'extrémité des doigts des pieds dépasse d'une vingt-huitième partie le cercle dont le centre est au nombril. Il y a donc apparence, malgré la précision du texte, que par l'extrémité des doigts des pieds, Vitruve a entendu simplement l'extrémité des jambes, les talons.

10. - Nam si a pedibus imis ad summum caput mensum erit. On a observé, dit Pline (Hist. Nat., liv. VII, ch. 17), que la hauteur du corps est égale à la distance qui se trouve de l'extrémité d'une main à l'extrémité de l'autre, lorsque les bras sont étendus. Mais l'application de cette observation n'est pas générale.

11. - Namque ex manibus denarius digitorum numerus. Vitruve nous apprend dans ce chapitre que l'arithmétique doit son origine aux dix doigts de nos mains. Cette manière de compter était la plus simple, et semblait dictée par la nature. Voilà pourquoi Platon trouvait que le nombre dix était le plus parfait ; cependant en divisant le nombre dix, on ne trouve pas ces rapports de proportion entre les différentes quantités qui le divisent, et la totalité qu'on trouve dans d'autres nombres.

12.  Perfectum esse dixerunt numerum qui sex dicitur. Les mathématiciens trouvèrent plus parfaits les nombres dont les divisions proportionnées entre elles et avec le tout, formaient ces proportions qu'on nomme harmoniques, où le premier nombre est au troisième comme la différence du second est au troisième. Tel est le nombre 6 dont les diviseurs 1, 2, 3 sont en proportion harmonique entre eux et avec lui, puisque ce nombre 6, comme on voit, se compose de la somme de tous ses diviseurs.

13. - Sic sextantem unum. Les Romains divisaient l'as, qui était la livre d'airain, en douze onces; l'once était dite uncia du mot unum; les deux onces sextans, la sixième partie des douze onces qui composaient l'as ou la livre, etc.

La division de l'as par Vitruve en 6 onces fait que l'once est le sextans, qui est le plus petit nombre compris dans son as ; les 2 sont triens, qui font la troisième partie de 6; les 3 font le semis, qui est la moitié du tout ; 4 sont bes, qui contient deux tiers de 6 ; 5 sont le quintarium ; 6, l'as entier ; 7 est appelé ἔφεκτον, qui est 1 au-dessus de 6; 8 tertiarium, qui est la troisième partie de 6, c'est-à-dire 2 ajoutés au nombre 6 ; 9 sesquialtera, qui est un demi ajouté au tout, composé de deux parties, dont la première est un entier, et la seconde un demi ; 10, bes alterum, qui est le bes valant 4, ajouté à 6 ; 11, quintarium alterum, qui est le 5 ajouté à 6 ; et 12, diplasion, qui est le double de 6.

14. - Quum ad supputationem crescat, supra sex adjecto asse, ἔφεκτον. Je pense avec Philander, contre l'avis de Barbaro et de Perrault, qu'au lieu de adjecto asse il faut lire adjecto sextante car, comme le fait observer de Bioul, si on lisait adjecto asse, qui signifie un second as ajouté au premier, Vitruve ne ferait pas connaître la raison pour laquelle le nombre 2 est nommé ἔφεκτον, chose qu'il observe si exactement pour les autres nombres.

15. - Non minus etiam quod pes hominis altitudinis sextam habet partem. Cette proportion du pied est encore mal établie, puisque Vitruve lui donne une longueur égale à la sixième partie de toute la hauteur de l'homme, tandis que dans un corps bien fait dont la tête fait la huitième partie, le pied n'en fait que la septième.

16. E cubito enim quum dempti suas palmi duo. Il y avai, selon Philander, trois sortes de coudées la grande, qui était de neuf pieds ; la moyenne, qui en avait deux ; et la petite, celle dont parle apparemment Vitruve, qui était d'un pied et demi. Il y avait aussi deux sortes de palmes : le grand qui était de douze doigts, et le petit de quatre.

Pour mieux comprendre l'évaluation des mesures romaines, il en faut voir le tableau comparatif dans les Antiquités grecques de Robinson.

17. - Palmus autem habet quatuor digitos. Les Romains mesuraient la longueur ou la distance en pieds, coudées, pas, stades et milles.

Le pied (dix pouces sept lignes un quart métriques) se divisait en quatre palmes (palmi), ou largeurs de main, en douze pouces (pollices), ou largeurs de pouces, et en seize doigts (digiti), ou largeurs de doigt.

La coudée (cubitus) était égale à un pied et demi (sesquipes), à six palmes, à dix-huit pouces, à vingt-quatre doigts.

Le pas (passus) répondait à cinq pieds.

Le stade (stadium) avait une longueur de cent vingt-cinq pas ou six cent vingt-cinq pieds.

Le mille (milliarium) se composait de huit stades, ou mille pas, ou cinq mille pieds.

18. - Et totidern asses aereos denarius. Les dix as,dont Vitruve a d'abord composé le denier, sembleraient ici, on il lui en donne seize, le mettre en contradiction avec lui-même. Anciennement, à Rome, les as, dont dix faisaient un denier, pesaient chacun douze onces ; ensuite, au temps de la première guerre punique, Pline et Festus nous apprennent qu'à cause des dettes de la république, on jugea à propos de rabaisser les monnaies, en réduisant les as à deux onces, et même à une pendant les guerres d'Annibal ; mais qu'en même temps on réforma aussi la valeur du denier en le faisant de seize as, au lieu de dix que valait l'ancien.

19. - Aedium autem principia sunt. Après avoir parlé dans le chapitre précédent, qui n'en fait ordinairement qu'un avec celui-ci, des mesures et des proportions qui ont servi de règles pour les temples et les autres édifices, Vitruve traite ici de sept différents genres de temples, bien qu'il y en ait un huitième, le pseudo­périptère, dont il est question à la fin du septième chapitre du quatrième livre. Ces temples sont : le temple à antes, le prostyle, l'amphiprostyle, le périptère, le pseudodiptère, le diptère et l'hypètre. A l'exception du premier et du dernier, ils tirent leurs noms de deux mots grecs, de στύλος, colonne, ou de πτέρον, aile, et non, comme l'a pensé Volaterranus Raphaël, de θύρα, porte. Le mot στύλος ne termine que les noms des temples qui n'ont d'autres colonnes que celles qui sont au frontispice de devant, comme dans le prostyle, ou aux deux frontispices, comme dans l'amphiprostyle. Tous les autres sont terminés parπτέρον, pour désigner les ailes latérales que forment les rangs des colonnes qui sont sur les côtés. On donne, en général, le nom de périptère à tous les temples qui sont entourés de colonnes, bien qu'il ne désigne proprement qu'un temple qui est entouré d'un seul rang de colonnes. On nomme diptère celui qui est entièrement entouré de deux rangs, et pseudodiptère (faux diptère) celui qui n'ayant qu'un rang de colonnes parait néanmoins en avoir deux.

PLAN DU TEMPLE A ANTES (fig. 25)

A. Cella, cella, nef, intérieur du temple ;
B. Pronaum, pronaos, vestibule;
C. Ostium, porte;
D. Antae parietum qui cellam circumcludunt, antes des murs;
E. Columae duae in medio inter antas, les deux colonnes entre les antes.

20. - Primum in antis. Les antes, d'où cette espèce de temple a pris sa dénomination, sont des sortes de colonnes carrées qui ont les mêmes proportions, bases, chapiteaux et autres ornements que les colonnes de l'ordre avec lequel on les emploie. Ils terminent quelquefois les murs latéraux des cella, qui se prolongent jusqu'à l'entrée du pronaos. D'autres, terminant aussi les murs des cella, sont placés vis-à-vis des colonnes qui forment l'entrée du pronaos ; c'est presque toujours là la place qu'ils occupent ; de là leur nom d'antes, parce que ἀντί, ante, signifie devant, opposé. Alors ils ont la forme d'un gros pilier carré, ayant presque toujours autant de largeur par le haut que par le bas. Quelquefois ils sont diminués par le haut comme les colonnes, lorsqu'ils ne terminent pas un mur. Ils sont ordinairement engagés dans la muraille, n'ayant de saillie que le tiers ou le quart, ou le cinquième, ou le sixième de leur épaisseur ; ils prennent alors le nom de pilastres.

La figure que Galiani a donnée du temple à antes est préférable à celles de Perrault, de Barbaro, de Rusconi et autres, parce qu'elle paraît plus conforme au texte de Vitruve. Pourquoi suppriment-ils le pronaos ? Pourquoi ont-ils placé au milieu du frontispice deux colonnes qui soutiennent un petit fronton autre que celui qui termine tout le temple ? Ce petit fronton, dit de Rioul, n'a jamais existé que dans leur imagination. S'ils avaient été conséquents, ils auraient mis un pareil fronton au prostyle, puisque Vitruve dit que cette espèce de temple a toutes les parties dit temple à antes, et le même entablement. Le prostyle ne diffère du temple à antes qu'en ce qu'il a de plus deux colonnes vis-à-vis des antes des coins : à l'exception de ces deux colonnes, ils devaient donner la même figure au prostyle.

 

21. - Quum habebit in fronte antas. Perrault fait un fronton à part pour les deux colonnes seules, et Poleni, qui ne veut pas être plus difficile que lui, approuve, parce que dans cette sorte de temple les colonnes et les antes ne doivent pas être sur la même ligne, dit-il : autrement ce ne serait plus un temple à antes. Ce double fronton semble une chose trop importante pour que Vitruve n'en eût point parlé. Il ne doit point exister. Vitruve dit positivement que les deux colonnes du milieu doivent être placées entre les deux antes, et le texte indique suffisamment qu'il ne doit y avoir qu'un seul fronton posé sur les antes et sur les colonnes. Blondel veut, comme Galiani, que le temple in astis soit disposé de telle sorte que les murailles latérales s'avancent de manière à former les ailes du pronaos.

22. - Hujus autem exemplar erit ad tres Fortunas. Il ne reste aucune ruine, aucun vestige de ces temples, dont aucun auteur, du reste, ne parle. Quant à la porte Colline, elle se trouvait au nord de Rome, près du mont Quirinal.

 

23. - Prostylos omnia habet. Le mot prostyle est dérivé des deux mots prñ, devant, et στύλος, colonne. C'était un temple qui n'avait de colonnes qu'à la façade antérieure. Le fameux temple d'Éleusis, consacré à Cérès, était de ce genre. Le temple prostyle différait du temple à antes, en ce que, outre les deux colonnes qui se trouvaient au milieu de la façade, il y en avait deux autres qui se mettaient à la place des antes qu'on faisait reculer jusqu'aux angles du mur de la cella.

PLAN DU TEMPLE PROSTYLE  (fig. 26) :

A. Cella ;
B. Pronaos;
C. Porte ;
D. Antae angulares, antes angulaires;
E. Columnae contra antas angulares, colonnes en face des antes angulaires de la cella.

24. - Hujus exemplar est in insula Tiberina, in aede lovis et Fauni. Ce temple de Jupiter se trouvait auprès de celui d'Esculape, dans une île du Tibre ; celui de Faune était au commencement de l’île. « Voici cependant, dit Ovide (Fastes, liv. n, v.88), ce qu'il m'a été permis d'apprendre dans les fastes mêmes, en ce jour nos pères consacrèrent deux temples. Esculape, né de Phébus et de la nymphe Coronis, fut reçu dans l'île que le Tibre entoure de ses deux bras. Jupiter y réside aussi, et dans ce séjour que ces deux divinités se partagent, le temple de l'aïeul et celui du petit-fils s'élèvent à côté l'un de l'autre. » Il dit encore (Ibid., liv. n, v. 193). « Aux ides de ce mois fument les autels de Faune, dieu champêtre, dans cette île qui force le Tibre à l'embrasser de ses ondes partagées.» Il ne reste aucune trace des deux temples dont parle Vitruve. Les antiquaires ont reconnu les vestiges de celui d'Esculape.

 

25. - Amphipmstylos omnia habet ea quae prostylos. L'amphiprostyle, ou double prostyle, ne différait du prostyle qu'en ce qu'il avait quatre colonnes derrière comme devant.

PLAN DU TEMPLE AMPHIPROSTYLE (fig. 27) :

A. Les quatre colonnes qu'on voit au prostyle ;

B. Antes, comme les entend Perrault;

C. Posticum, posticum, vestibule de derrière.

Saumaise fait remarquer que cette espèce de temple a été particulière aux païens, et que jamais les chrétiens n'ont fait de portes à l'abside de leurs églises, avec un porche semblable à celui de la façade.

26. - Peripteros autem. Le temple périptère (fig. 28) avait six colonnes à la face de devant, et autant à celle de derrière, et onze de chaque côté, en comptant celles des coins. Il était donc entouré de colonnes, comme l'indique son nom composé de perÛ, à l'entour, et de pterñn, aile, Dans le troisième chapitre de ce livre, Vitruve dit que les côtés des temples doivent être moitié plus larges que les frontispices, c'est-à-dire qu'ils doivent avoir deux fois autant d'entre-colonnements : quot intercolumnia sunt in fronte, totidem bis intercolumnia fiant in lateribus. Si donc il y a six colonnes au frontispice, et par conséquent cinq entre-colonnements, il doit y avoir onze colonnes de chaque côté, et conséquemment dix entre-colonnements.
Il y a encore une espèce de périptère rond dont un rang de colonnes forme le porche circulaire qui environne une rotonde, comme le temple de Vesta, à Rome, celui de la Sibyle, à Tivoli, et une petite chapelle, près Saint-Pierre in montorio, à Rome, bâtie par le fameux architecte Bramante.

27. - In porticu Metelli Jovis Statoris. Le surnom de Stator fut donné à Jupiter pour avoir arrêté les Romains qui fuyaient devant les Sabins : Te Jupiter Stator.... Ce temple ne fut bâti que sous le consulat de Posthumius Metellus et de Marcus Atilius Regulus. Tite-Live dit qu'il fut dédié à Jupiter Stator par Posthumnius Megellus ; ce qui indiquerait ou qu'il y avait deux temples de Jupiter Stator, ou, ce qui est bien plus probable, que le copiste de Tite-Live a mis Megellus au lieu de Metellus.

28. - Hermodi. Les commentateurs lisent Hermodorus au lieu de Hermodus, suivant la correction de Turnèbe, qui croit que cet architecte du temple de Jupiter Stator était le même qui ordonna le temple de Mars dans le cirque de Flaminius, et qui eut une contestation avec l'architecte Philon au sujet de la construction d'un grand arsenal. Voyez CICÉRON, de l'Orateur, liv. 1, ch. 144.Cependant Cl. Ortiz fait remarquer que le Philon, qui vainquit Hermodore par son éloquence, vivait au temps de Demetrius de Phalère, trois siècles à peu près avant l'ère vulgaire. Or, si ce fut Hermodore de Salamine qui construisit le temple de Mars dans le cirque de Flaminius, comme le rapporte C. Nepos, ce ne fut point lui qui eut la fameuse contestation avec Philon ; car ce cirque fut construit à une époque bien postérieure à celle de Demetrius.

29. - Ad Mariana. C. Marius, sous son consulat, confia à l'architecte C. Mutius la construction d'un temple qu'il dédia à l'Honneur et à la Vertu (VITRUVE, liv. VII, introd.). Ce monument se trouvait entre le mont Esquilin et le mont Viminal. Il avait deux cella entourées d'un portique qui, suivant la définition de Vitruve, constitue le caractère du temple périptère. ( Les Grecs avaient plusieurs temples de ce genre, au rapport de Pausanias.) Mais il est plus probable qu'il n'y avait qu'une seule cella divisée en deux parties, l'une consacrée à la Vertu, l'autre à l'Honneur. Plusieurs monuments, du reste, portèrent le nom de Marius. Les trophées de Marius étaient un grand bouclier en marbre sur lequel, après sa victoire sur les Cimbres, Marius fit graver des armes, des étendards, des casques. Détruits par Sylla, ils furent rétablis par J- César.

30. - Honoris et Virtutis. L'exemple que Vitruve donne du périptère est le temple bâti à la Vertu et à l'Honneur. Saint Augustin parle de ce temple, et fait entendre, dit Perrault, que la première partie était dédiée à la Vertu, et la seconde à l'Honneur, pour fonder une belle moralité à laquelle Vitruve donne encore matière par une particularité qu'il en rapporte, et dont saint Augustin ne parle pas : c'est que ce temple n'avait pas de porte de derrière, comme la plupart des autres ; car cela veut dire que non seulement il faut passer par la vertu pour parvenir à l'honneur, mais que l'honneur oblige encore à repasser par la vertu.

Ce temple pourrait être mis au nombre des meilleurs ouvrages, s'il avait été fait de marbre, et que la matière eût répondu à la grandeur du dessin. Ce fut là que s'assembla le sénat lorsqu'on voulut rappeler Marius de son exil.

31. - Pseudodipteros autem. Le cinquième genre de temple est appelé pseudodiptére (fig. 29), c'est-à-dire faux diptère, ou diptère imparfait, parce qu'il n'a pas les deux rangs de colonnes qui sont audiptère. Hermogène, en laissant subsister la colonnade extérieure qui faisait le tour du temple, imagina de supprimer celles qui étaient entre ce rang de colonnes, et les murailles de la cella, sans rien changer aux proportions. ce qui donna un portique plus spacieux pour se promener autour du temple, puisqu'il a la largeur de deux entre-colonnements, et de plus celle de l'épaisseur d'une colonne.

32. - Magnesiae Dianae. « Le temple de Diane Leucophriène, à Magnésie, qui, par la grandeur de l'édifice, est inférieur à celui d'Éphèse, le surpasse de beaucoup par l'art avec lequel il est construit ; et même, sous le rapport de la grandeur, excepté le temple d'Éphèse et celui des Didymes, il l'emporte sur tous les temples de l'Asie.» (STRABON, liv. XIV, ch. 1.)

33. - Hermogenis Alabandi. Entre les peuples de la Grèce, les Cariens étaient réputés les moins polis ; comme entre les Cariens, les Alabandins passaient pour si stupides, qu'on en avait fait des proverbes. Leurs architectes commettaient les fautes les plus grossières dans leurs bâtiments publics; et il se trouve qu'un Alabandin est le père de la plus belle arch­tecture, qui lui doit non seulement l'invention du pseudodiptère, mais encore celle de la plupart des autres genres dans lesquels la rudesse et la simplicité que cet art avait à sa naissance furent remplacées par des formes riches et élégantes.

 

34. - Dipteros autem. Lediptère, comme l'indique son nom δίπτερος (qui a deux ailes), avait deux rangs de colonnes isolées dans son pourtour. Dans la fig. 30, l'entre-colonnement du milieu est un peu plus large que de coutume, à cause de la grandeur extraordinaire que Pline donne à l'architrave du temple de Diane d'Éphèse. Des escaliers ont aussi été représentés sur te plan, parce que Pline dit qui on montait au-dessus du temple par un escalier de bois de vigne qui était tout d'une pièce, et fait d'un seul cep.

 

35. - Uti est aedes Quirini Dorica. Quelques auteurs pensent que Quirinus eut deux temples. Il est certain qu'il y en a eu un bâti par Numa Pompilius, ou, selon Tite-Live et Pline, par le consul L. Papyrius, et reconstruit par Auguste. Il existait encore à demi ruiné en 1348. L'autre temple de Quirinus était, dit-on, hors de Rome, sur la voie Appienne.

36. - Ephesiae Dianae. Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI . ch. 21 parle de ce temple magnifique, à la construction duquel avait contribué l'Asie entière.

 

37. - Hypaetros vero. Ce temple doit son nom à la partie intérieure qui était à découvert, ainsi que l'indique le mot hypétre, dérivé du grec ìpaiyrow, qui signifie découvert. L'autel sur lequel on immolait les victimes était toujours arrosé de sang; c'était aussi sur l'autel qu'on brûlait les membres réservés de ces victimes. Pour que l'odeur et la fumée des chairs pussent s'échapper librement, et que le sang n'infectât pas l'intérieur du temple, on en construisit quelques-uns sans toit, ou dont le toit était percé : tel était celui du dieu Terme (Voyez OVIDE, Fastes, liv. II, v. 611). L'exemple que donne Vitruve de l'hypètre est le temple de Jupiter Olympien, qu'il dit, dans l''introduction du VIIe livre avoir été bâti à Athènes par Cossutius, architecte romain. Nous voyons dans Pausanias qu'il avait en dedans des colonnes qui formaient un péristyle ; ce qui est essentiel à l'hypètre. Les colonnes placées autour d'un temple ne constituent point un péristyle; il faut que les portiques qui le composent aient les colonnes en dedans et les murs en dehors. Cette disposition des colonnes et du mur (fig. 31) empêche les périptères et les monoptères d'être péristyles, parce que les monoptères n'ont point de murs, et que ceux des périptères sont en dedans.

 

38. - In templo Jovis Olympii. Ce temple fut un des deux plus beaux que l'antiquité païenne éleva au maître des dieux. Il était, selon Pausanias, le fruit des dépouilles que les Éléens avaient remportées sur les Pisans, quand ils saccagèrent la ville de Pise. Il était d'ordre dorique, et avait été construit par l'architecte Liban, originaire du pays. On avait employé à cet édifice des pierres d'une nature particulière et d'une beauté remarquable. La hauteur de ce temple, depuis le rez-de-chaussée jusqu'à la couverture, était de soixante-huit pieds, sa largeur de quatre-vingt-quinze, et sa longueur de deux cent trente. La couverture était d'un beau marbre tiré du mont Pentélique, et taillé en forme de tuiles. Consulter PAUSANIAS, liv. 1, ch. 18, ou, si on l'aime mieux, les Marbres d'Arundel de Prideaux.

C'est assez de remarquer que ce temple, le plus grand de ceux dont on ait connaissance, excepté le seul temple de Belus à Babylone, pouvait passer pour une des merveilles du monde. Il avait été entrepris par Pisistrate, et continué par ses enfants Hippias et Hipparque ; mais la grandeur du dessin de ce temple fut cause qu'il demeura imparfait plus de sept cents ans, quoique de puissants princes, tels que Persée, roi de Macédoine, Antiochus Épiphane, roi de Syrie, eussent contribué par des sommes considérables à le finir.

Ce fut l'empereur Adrien qui eut cette gloire. Il lui en coûta pour l'achever plus de dix-huit millions de notre monnaie. Ce temple avait au delà de cinq cents pas géométriques de circuit, et tout cet espace était orné de statues plus admirables encore pour la délicatesse de l'ouvrage que pour l’or et l'ivoire qu'on y avait prodigués.

39.- Species autem. Dans le chapitre précédent, Vitruve a expliqué les différents noms qu'on a donnés à sept genres de temples, à cause de leurs différentes formes, et du nombre de colonnes qui s'y trouvent ; dans celui-ci, il distingue leurs différentes espèces par l'espace plus ou moins grand des entre-colonnements.

Genre désigne ce qui est commun à diverses espèces, ce qui embrasse plusieurs espèces différentes ; et bien que plusieurs espèces de temples conviennent à différents genres, elles ne conviennent cependant pas indistinctement à tous. Le pycnostyle, par exemple, ne convient pas pour le temple à antes : il serait beaucoup trop étroit; et l'aréostyle ne pourrait être employé pour le diptère et le pseudodiptère : il serait beaucoup trop large.

40. - Aedium. - Aedes ne signifie temple que lorsqu'il est accompagné du mot sacrae, et bien que, dans ce chapitre, Vitruve traite de la construction des temples, les règles qu'il établit peuvent parfaitement s'appliquer à toute espèce d'édifice. Comme le fait observer Palladio, ces différentes manières d'espacer les colonnes sont communes à toutes sortes de bâtiments.

 

41. - Pycnortylos. Le pycnostyle, des mots grecs πύκνος (serré) et στύλος (colonne), est le plus petit des entre-colonnements de Vitruve. Les proportions de l'ordre corinthien où les colonnes sont moins fortes, parce qu'elles sont plus grêles, conviennent mieux au pycnostyle, où les colonnes ont plus de force, parce qu'elles sont plus serrées (fig. 32).

 

42. - Columnae crassitudo. Le diamètre d'une colonne est la ligne qui, passant par le centre, mesure l'espace compris entre deux extrémités de sa circonférence, à l'endroit où elle a le plus de grosseur.

43. - Divi Julii, et, in Caesaris foro, Veneris. J. César avait son temple auprès de son forum, qui servait comme de parvis au magnifique temple de Vénus. Il semblerait, d'après les termes d'Appien, que le forum n'aurait été fait que pour le temple. « César, dit-il, ajouta au temple de Vénus une place consacrée, tem¡now, dont il fit un forum. Voyez SUÉTONE, Vie de J. César, ch. LXXXVIII, et PLINE, Hist. Nat., liv. ch. 23. Peut-être est-ce ce temple qui se voit sur une médaille de J. César, qualifié IMP. IV, avec celte légende VENERI VICTRICI VOTA : Il est à six colonnes; la statue de la déesse paraît au milieu tenant à la main une Victoire.

Le culte de Vénus Génitrix s'étendit dans les provinces avec celui de J. César; une inscription d'Ebora en Espagne nous montre les décurions de la ville érigeant un monument à César, et les dames portant un présent à sa mère.  

DIVO IVLIO                             Au divin Jules,
LIB. IVL. EBORA Ebora,            Libéralité de César,
OB. ILLIUS. IN. MVN. ET MVN.   en mémoire de sa munificence envers la ville municipale et ses habitants,
LIBERALITATEM                       d'après un décret des décurions,
EX. D.D.D.                              [a érigé ce monument].
QVOIVS. DEDICATIONE           A sa dédicace,
VENERI GENITRICI                  les matrones
CAESTVM MATRONAE              ont offert un ceste en présent
DONVM TVLERYNT                   à Vénus Génitrix.

 

44. - Item systylos. Le systyle (σύν, avec, et στύλος, colonne) diffère des autres édifices, en ce que les colonnes sont espacées de manière que chaque entre-colonnement comprenne le diamètre de deux colonnes. On donne l'ordre ionique, où les colonnes sont un peu plus fortes, au systyle, où les entre-colonnements sont un peu plus larges (fig. 33).

45. - Spirarum plinthides. La partie inférieure de la base d'une colonne est appelée plinthe, du mot grec plÛnyon, brique, parce qu'elle ressemble aux briques des anciens, qui étaient carrées. La partie supérieure du chapiteau toscan, son tailloir, porte le même nom, à cause de sa forme également carrée. Les Latins appelaient les tores ou anneaux des bases spirae, mot qui signifie les replis d'un serpent, quand il est couché en rond, ou ceux d'un câble de navire qui est plié. Ces parties ont fait donner le nom de spirae à la base entière.

 

46. Aeque magnae sint. Supposons une grosseur de colonne bd (fig. 34), des plinthes rz, st, et leurs saillies op, ne, me, ux, chacune de ces saillies aura la quatrième partie du diamètre de la colonne, et chaque plinthe, un diamètre et demi; si de l'entre-colonnement ab ou ne, qui comprend deux diamètres, on ôte les deux quarts ne, em, l'espace cm restera égal au diamètre d'une colonne et demie : aussi les deux plinthes rz, st auront chacun le même espace que cm. Perrault désapprouve la saillie de la base qui, prise de chaque côté, égale la moitié du diamètre d'une colonne ; ce qui ne se trouve point pratiqué, dit-il, dans les restes que nous voyous de l'antiquité, où la saillie des bases ionique et corinthienne ne va que jusqu'à la troisième partie du diamètre ; mais cette raison, dit Poleni, sera de peu de poids pour celui qui considérera combien de monuments antiques ont péri, combien il y a de sortes de bases, outre la base ionique. Et Philander se plaint avec amertume de voir que tous les jours on convertisse en chaux, on dénature, on brise de précieux restes antiques.

47. - Fortunae Equestris. Ceux qui ne veulent pas que Vitruve ait vécu du temps d'Auguste, allèguent un passage de Tacite (Ann., liv. III, ch. .71) dont ils semblent inférer que le temple de la Fortune Équestre dont parle notre auteur, ayant été bâti depuis Tibère, Vitruve a dû venir plus tard. Mais, dit Perrault, tous les critiques demeurent d'accord qu'il y avait à Rome un temple de la Fortune Équestre du temps d'Auguste (Voyez TITE-LIVE, liv. XLII, ch. 3). Aussi Perrault et Poleni, avec Gruter et Gronovius, attachant peu d'importance à la conjecture de Julien Pichon, annotateur de Tacite, qui pencherait à croire que ce vieux temple de la Fortune Équestre avait sans doute été détruit sans qu'il en restât aucun vestige au temps de Tibère, pensent-ils qu'il y a faute dans Tacite, auteur dont le texte est presque aussi corrompu que celui de Vitruve, et qu'au lieu de Fortuna Equestris, il faut lire Fortuna Sequestris, c'est-à-dire quae media est inter bonam et malam Fortunam; de même que pax sequestra, dans Virgile (Aen., liv. XI, v. 133), signifie inducias quae mediae sunt inter pacem et bellum.

48.- Ad theatrum lapideum. Il est sans doute question du théâtre permanent que Pompée substitua le premier à ces constructions passagères qu'on n'élevait que pour le moment des jeux. Tacite (Ann., liv. XIV, ch. 20) fait remarquer qu'il eu fut blâmé par le sénat. La manière dont Vitruve parle de ce théâtre, qu'il appelle simplement le théâtre de pierres, est encore, dit Perrault, un témoignage qu'il vivait au temps d'Auguste. Ce monument fut restauré par Tibère, par C. Caligula, puis par Claude, et enfin par Théodoric, roi des Goths.

49. - Gradibus ascendant. Il importe assurément beaucoup à la majesté d'un temple qu'il soit élevé de plusieurs degrés au-dessus du sol. On montait autrefois par sept degrés au Panthéon; dans lequel on descend aujourd'hui par plusieurs marches.

50. - Per intercolumnia. Cela n'est exact qu'autant que la hauteur des colonnes est médiocre, car, si on laisse entre les plinthes un espace de quatre pieds et demi, ce qui suffit pour le passage de deux dames qui marchent côte à côte, elles ne seront pas obligées de passer l'une après l'autre ; et pour cela il faudra des colonnes de trois pieds de diamètre, mesure proportionnée à des colonnes de vingt et un pieds de hauteur. Mais que les colonnes ne soient hautes que de douze à quinze pieds, alors se rencontrent les inconvénients signalés par Vitruve. C'est ce qui explique pourquoi tout en déclarant vicieux le pycnostyle et le systyle, Vitruve ne laisse pas de les proposer. On peut remédier à ce défaut en donnant aux colonnes plus de développement.

 

51. - Diastyli autem. Le mot diastyle est le nom que l'on donne généralement aux entrecolonnements de trois diamètres. L'ordre ionique, où les colonnes ont un peu plus de force, a été donné au diastyle, où les entre-colonnements out un peu plus de largeur (fig. 35).

52. - Tanquam est Apollinis. Apollon eut des temples sans nombre dans toute la Grèce, surtout à Delphes, à Claros, à Ténédos et à Milet. Ce dernier faisait l'admiration de Vitruve. Il était d'ordre ionique. Le premier et le plus renommé de l'Italie, était celui qu'Auguste consacra au dieu sur le mont Palatin, après la victoire d'Actium. Il était orné des ouvrages des plus célèbres artistes qui avaient été enlevés des temples de la Grèce.

 

53. - In aerostylis. Le mot aréostyle vient de ἀραιός  (rare) et de στύλος (colonne), parce qu'il n'y avait point d'ordre d'architecture où les colonnes fussent plus éloignées les unes des autres. La proportion de l'entre-colonnement n'est point déterminée par Vitruve. Barbaro lui donne trois diamètres, Perrault quatre, Rusconi plus de cinq. Suivant la progression des autres genres, l'aréostyle ne devrait avoir son entre-colonnement que de trois diamètres et demi. Perrault fait l'entre-colonnement de quatre diamètres, parce qu'il lui attribue l'ordre dorique ; Rusconi de plus de cinq, parce qu'il se sert de l'ordre ionique; Poleni de cinq, parce qu'il em­ploie l'ordre toscan.

 

54. - Species baryacae, bacycephalae. Lorsqu'on place les colonnes à de grandes distances les unes des autres, elles doivent avoir plus de grosseur et moins de hauteur, ce qui rend nécessairement les édifices moins élevés ; ils paraissent plus lourds (barycae), et les frontons qui en sont comme les têtes, semblent par leur grosseur, leur longueur, écraser les colonnes de leur poids (barycephalae).

55. - Uti ad Circum Maximum Cereris. - Voyez PLINE, Hist. Nat., liv. XXXV, ch. 45.

56. - Et Herculis Pompeiani. Il est ici question du temple bâti auprès du Grand Cirque par Pompée, à Hercule, dont la statue avait été faite par Myron. La ville de Pompéies n'est pour rien dans ce passage.

57. - Item Capitolii. Le Capitole était composé de trois parties : un vaste bâtiment ou temple, au milieu, consacré à Jupiter, et deux ailes dédiées l'une à Junon, l'autre à Minerve. Le frontispice et les côtés étaient environnés de galeries ou portiques, dans lesquelles les vainqueurs qui avaient obtenu l'honneur du triomphe, donnaient au sénat un repas splendide, après avoir sacrifié aux dieux. C'était au Capitole que les triomphateurs terminaient leur marche. Les dedans et les dehors de cet édifice étaient extrêmement ornés, surtout le temple, où brillait la statue de Jupiter avec la foudre, le sceptre et la couronne d'or. On voyait encore dans le Capitole un temple de Jupiter Gordien, l'hôtel de la monnaie. Sur la pente de la montagne étaient le temple de la Concorde, et plus de cinquante autres moins importants, consacrés à différentes divinités.

 

58. - Eustyli ratio. Dans les deux premières manières d'espacer les colonnes, les entre-colonnements sont trop étroits ; les deux dernières ont le défaut contraire : l'espace entre les colonnes est si grand, qu'il faut faire les entablements avec de grosses poutres, si l'on ne veut les voir exposés à se rompre. L'eustyle (εὐ, bien, στύλος, colonne ), inventé par Hermogène, lient un juste milieu entre les autres. Ses belles proportions lui méritent la préférence. Dans les premiers temps de l'architecture, dit de Bioul, on laissait très peu d'intervalle entre les colonnes. Les entre-colonnements du temple de Jupiter, à Girgenti, en Sicile,n'ont qu'un diamètre et demi, et ceux du grand temple de Pestum n'ont guère plus d'un diamètre. La variété d'ombres et de lumières produites les unes par la multitude des colonnes, et les autres par les ouvertures des entre-colonnements, avait quelque chose de gracieux qui plaisait aux anciens. Ceux qui se sont promenés entre les colonnes qui entourent la place de la Basilique du Vatican, peuvent s'en faire une idée. La largeur de l'entre-colonnement du milieu contribue de deux manières à rendre l'aspect de l'eustyle plus agréable. D'abord l'entrée du milieu n'est pas serrée comme dans les autres temples, où cet entre-colonnement est toujours beaucoup plus étroit que l'ouverture de la porte. Ensuite la largeur du temple, augmentée par un entrecolonnement plus grand, ajoute à la beauté de ses proportions ; ce qu'on peut remarquer au frontispice de la Rotonde, à Rome.

59. - Praeter crepidines. Il ne s'agit ici que des saillies qui sont aux angles des édifices ; les autres comptent pour les entre-colonnements. On néglige donc à chaque façade la moitié d'un diamètre de colonne : car, si des onze parties et demie qui divisent le frontispice, quatre sont données à l'épaisseur des quatre colonnes, quatre et demie aux deux entre-colonnements, de deux diamètres un quart chacun, et trois à l'entre-colonnement du milieu, ou aura pour total onze et demie, non compris les deux saillies des plinthes qui sont aux angles. On suit la même règle pour l'hexastyle et l'octostyle. On trouvera également, d'après la même progression, que dans un frontispice décastyle, le module est une des trente et une parties qui le composent. Vitruve, comme on le voit, prend ici pour module le diamètre entier de la colonne. Dans le ch. 3 du liv, IV, où il traite de l'ordre dorique, il se sert pour module du rayon ou du demi-diamètre de la colonne. C'est là le seul module qu'un emploie aujourd'hui pour éviter toute confusion.

60. - Teo hexastylon. C'est assurément par erreur que quelques manuscrits portent theohexastylon en un seul mot. Téos était une ville d'Ionie, sur la côte méridionale de l'isthme, vis-à-vis de Clazomènes, qui était sur la côte septentrionale.

Si Joconde s'est plu le premier à remplacer dans le texte hexastylon par octastylon, c'est apparemment parce qu'il avait fait l'observation qu'un temple hexastyle ne pouvait être pseudodiptère. Mais il est évident que Vitruve veut parler de deux choses différentes, de l'hexastyle et du pseudorliptére.

61. - Liberi Patris. Bacchus eut des temples dans toute la Grèce. Il était aussi fort honoré dans les Gaules, ainsi que le prouvent plusieurs monuments trouvés en différents endroits. Il l'était surtout, dit Strabon (liv. IV), dans une petite île située à l'embouchure de la Loire. Le temple dont parle Vitruve au liv, IV, ch. 3, était hexastyle à la façade antérieure et à la postérieure, comme il est facile de le voir dans l'introduction du livre VII. où l'auteur lui donne le nom du temple monoptère, c'est-à-dire entouré d'un seul rang de colonnes, et conséquemment hexastyle.

62. - Interiores ondines columarum quatuor et triginta. Toutes les éditions portent XXXVIII ; mais c'est avec raison que Philander lit XXXIV, puisque le rang extérieur des colonnes est de quarante-deux. Cette erreur est du reste facile à comprendre. Le nombre des colonnes a dû âtre marqué de cette manière en chiffres romains, XXXVIII ; le premier après les x étant incliné, le copiste l'aura pris pour l'une des branches d'un v.

63. - Propter asperitatem. Cette expression représente assez bien l'inégalité de superficie qu'un grand nombre de colonnes donne aux côtés d'un temple, lorsqu'on les regarde des angles. L'effet de cet aspect est de faire paraître les colonnes serrées l'une contre l'autre. Il plaisait aux anciens, qui faisaient construite moins de diastyles et d'eustyles que de pycnostyles et de systyles. Hermogène, dans l'eustyle, élargit l'entre-colonnement du milieu, et dégageant le diptère d'un rang de colonnes, en fit le pseudodiptère. A son exemple, Perrault trouva moyen, et c'est, selon de Bioul, la plus belle invention des architectes modernes, d'élargir tous les entre-colonnements sans rien ôter à l'édifice de sa solidité. Ce que le premier fit en ôtant un rang de colonnes dans chaque aile, l'autre le fit dans chaque rang, en ôtant une colonne du milieu des deux autres où elle était, pour la ranger contre une de ses voisines. Cette manière offre en quelque sorte l'âpreté et le serrement des colonnes que les anciens aimaient, et le dégagement que cherchent les modernes, sans que la solidité en souffre. C'est avec le plus grand succès que Perrault a ainsi exécuté les deux portiques qui sont à la façade du Louvre, un des plus beaux morceaux d'architecture qui existent.

64. - Aedibus araeostylis. Vitruve établit en principe qu'il faut donner aux colonnes de l'aréostyle huit diamètres de hauteur; au diastyle, huit et demi ; au systyle, neuf et demi ; au pycnostyle, dix ; à l'eustyle, neuf et demi, comme au systyle. La précision avec laquelle Vitruve détermine la hauteur des colonnes, pour chaque espèce d'entre-colonnements, nous fait voir que tous les ordres ne conviennent pas également pour chacune de ces espèces. Elle n'est cependant pas invariable, et Vitruve s'en écarte dans plus d'un endroit. Dans l'alinéa suivant il parle des changements nécessités par les règles de l'optique, et au ch. 9 du liv. V, où il traite des portiques à construire derrière la scène, il nous apprend que les proportions des colonnes ne sont pas les mêmes que pour les temples. Il ne faut donc pas s'étonner que dans les ruines des anciens monuments on rencontre dans les colonnes des proportions qui varient, et qui s'écartent de celles qui sont établies par Vitruve. Il a suivi Hermogène dans les proportions des colonnes de l'eustyle, et toutes les fois, dit Stratico, que la hauteur des colonnes est autrement déterminée, sans observation particulière, il veut parler d'une colonne en général, sans avoir égard à l'entre-colonnement ou au lieu, soit parce que les règles n'ont pu être observées pour quelque raison que ce soit, ou parce que la colonne devait être seule ou à peu près; mais quand il s'agit de la façade des édifices, des péristyles, etc., il faut toujours avoir recours au principe d'après lequel la hauteur des colonnes est déterminée par la largeur des entre­colonnements.

65. - Eustyli autem aedis columnae ut systyli in novem partes altitudo dividatur et dimidiam. Telle est la leçon adoptée dans presque tous les manuscrits, dans presque toutes les éditions. C'est à tort que Perrault a suivi celle-ci : Eustyli autem aedis columnae ut diastyli in octo partes dividatur et dimidiam. La raison elle-même la condamne, dit Poleni. L'entre-colonnement de l'eustyle est de deux diamètres un quart, celui du diastyle de trois dia-mètres ; il y a donc trois quarts de diamètre de différence entre l'eustyle et le diastyle. Or, l'entre-colonnement du systyle est de deux diamètres; la différence entre l'eustyle et le systyle n'est donc que d'une quatrième partie. Ne valait-il pas mieux rapprocher l'eustyle de l'espèce de laquelle il différait le moins, c'est-à-dire du systyle, et donner neuf parties et demie ?

66. - Quemadmodum enfin crescunt spatia. Plus il y a d'air libre autour d'une colonne, plus elle doit paraître mince, dit Vitruve, pour la même raison qui lui fait dire plus loin (liv. VII, ch. 11 ), qu'un objet semble différent, s'il est placé dans un lieu fermé, ou en plein air. Perrault, contre l'expérience et les règles de l'optique, soutient que plus les colonnes seront pressées, plus elles paraîtront minces. D'après ce principe, dit de Bioul, il aurait dû également corriger Vitruve, lorsque, dans le chapitre 4 du IVe livre, il dit que les colonnes qui sont dans l'intérieur du pronaos doivent être plus minces que celles du dehors, d'une neuvième ou d'une huitième partie, parce que n'étant pas en plein air, on ne s'apercevra pas qu'elles sont plus minces.

67. - Aer consumit et imminuit aspectus scaporum crassitudinem. Il est certain que dans l'appréciation de la grandeur des objets par le coup d'oeil, la comparaison sert beaucoup. L'oeil en effet ne juge pas seulement d'un objet séparé; il juge de tous ceux qu'il peut saisir à la fois. Or, en considérant en même temps et les colonnes et l'air, c'est-à-dire l'espace des eutre-colonnernents qui est beaucoup plus grand que ne sont grosses les colonnes, il croira voir, par la comparaison, que la colonne est moins, grosse qu'elle ne l'est réellement.

68. - Etiamsi angulares columnae crassiores faciendae sunt ex sue diametro quinquagesima parte. Cette augmentation de la grosseur des colonnes, qui fait l'objet de la note 66, ne doit pas être toutefois fort considérable, puisqu'elle est fixée pour les colonnes des angles à une cinquantième partie de leur diamètre. La solidité de l'édifice réclame aussi que les colonnes des angles soient plus grosses que les autres, parce qu'elles ont besoin de plus de force, à cause qu'elles sont aux extrémités. C'est une règle que les anciens ne manquaient jamais d'observer pour les encoignures de toutes leurs constructions. C'est presque toujours par la faiblesse des angles que manque un bâtiment.

69. - Contracturae autem summis hypotracheliis. Par le mot hypotrachelium, il faut entendre le gorgerin, c'est-à-dire la partie la plus étroite du chapiteau dorique, qui est entre l'astragale du haut du fût de la colonne et les annelets. Les anciens variaient cette diminution suivant la grandeur ou la petitesse des colonnes ; ce qui prouve clairement combien ils faisaient usage des règles de l'optique pour la construction de leurs édifices. C'est la hauteur naturelle de la colonne qui doit régler ce rétrécissement, et non pas celle qu'elle a proportionnément à l'édifice. Aussi Vitruve se sert-il du pied, qui est une mesure déterminée et précise, et non du module.

70. - Item si quae altiores erunt. De Bioul dit que plus la colonne est grande, moins on doit l'atténuer par le haut, parce que, à mesure qu'un objet s'éloigne de l'oeil, il paraît plus délicat : c'est pourquoi on ne les atténue plus lorsqu'elles ont au delà de cinquante pieds, la grande distance les faisant paraître à la vue telles qu'elles doivent être. Cette opinion partagée par Galiani, où l'a-t-il puisée ? Ce n'est pas dans Vitruve, qui exprime le contraire. ll reste une colonne dans le temple de la Paix, commencé par l'empereur Claude, et achevé par Vespasien ; c'est la plus haute qu'on connaisse ; elle a quatre-vingt-huit pieds et quart. Le bas du fût a cinq pieds et demi de diamètre, le haut cinq. La colonne Trajane a cent seize palmes de hauteur ; le haut du fût est égal aux sept huitièmes du diamètre dit bas.

 

71. - De adjectione quae adjicitur in mediis columnis. Cet accroissement appelé ¦ntasiw en grec, et renflement en français, est fait, à ce qu'on dit, pour imiter la figure du corps de l'homme, qui est plus large au ventre que vers la tête et les pieds. La plu-part des auteurs désapprouvent ce renflement à l'égard du rétrécissement par en bas, et ils opposent à la comparaison du corps de l'homme celle du troue des arbres, qui ont été le premier et le plus naturel modèle de la tige des colonnes, comme l'enseigne Vitruve au ch. 1er du liv, V. Et la raison veut, dit Perrault, que les colonnes qui sont faites pour soutenir, aient une forme qui les rende plus solides, comme celle qui d'une base plus large va toujours en se rétrécissant. La plupart des architectes n'ont ni enseigné ni pratiqué ce renflement; il n'y a qu'Alberti qui l'a fait avec un tel excès, que c'est une des raisons pour lesquelles Scamozzi lui reproche d'avoir été un des premiers qui aient gâté l'architecture des anciens. Bien que ce que dit Vitruve dans ce chapitre, et à la fin du chapitre suivant, ne nous permette pas de douter que ce renflement n'ait été pratiqué, il ne s'en trouve aucun exemple dans les ouvrages antiques qui sont à Rome, où la plus grande partie des colonnes commencent même à avoir leur diminution dès le bas. Or, la figure que Vitruve promet de donner pour faciliter le moyen de faire ce renflement, et qui est perdue, a été suppléée par les architectes de différentes manières. La plus ordinaire est de diviser en trois la tige de la colonne marquée AB. Au tiers de la colonne, pris par le bas, on ajoute de chaque côté le gonflement qu'on veut lui donner; sur le diamètre EF on décrit ensuite un cercle du point G, puis on tire la ligne de rétrécissement CD pour avoir sur la circonférence du cercle la portion DF. On divise cette portion en quatre parties égales, aussi bien que les deux autres tiers supérieurs de la tige de la colonne AG. Des points 1, 2, 3, 4 de la circonférence, on élève autant de lignes perpendiculaires au diamètre, et l'on marque autant de points où les lignes se rencontrent avec les lignes horizontales 11, 22, 33, 44 ; ensuite, du point F on tire une curviligne qui passe par les points 1, 2, 3, 4, et va jusqu'en C, et une autre pour le tiers inférieur jusqu'en O, ce qui donne le trait du profil de la colonne. Par le milieu des colonnes (in mediis columnis), il ne faut point entendre un point également distant de deux extrémités ; ici le milieu comprend tout l'espace qui est entre les extrémités. La pratique ordinaire, fondée sur l'observation des monuments antiques, est de faire ce renflement au droit du tiers de la colonne vers le bas. L. B. Alberti le met plus haut. Selon lui, la colonne se divise en sept parties, et le renflement se place à la troisième ; ce qui le rapproche beaucoup du milieu, suivant le texte de Vitruve pris à la lettre.

72. - Supraque terram parietes exstruantur sub columnis dimidio crassiores quam columnae sunt futurae. Comme Vitruve parle ici de l'ordre ionique, c'est avec raison qu'il donne au mur qui porte les colonnes un diamètre et demi de largeur, parce que les deux quarts de diamètre pour les saillies et le diamètre font justement la largeur du socle de la base de la colonne qui doit être égale à la largeur du mur.

73. - Quae stereobatae appellantur, Ce mur, élevé au-dessus du sol, et destiné à porter les colonnes, les Grecs le nomment sté­réobate, mot qui signifie toute structure solide faite pour soutenir une autre partie de l'édifice moins massive. Il est tout uni, sans aucun ornement (fig. 39, 1, p. 306). Le stylobate, mot formé de στύλος(colonne) et de βαίνω (être appuyé), c'est le piédestal, l'appui, le soutien d'une colonne ; c'est le stéréobate proportionné avec les colonnes, orné de bases, de corniches, divisé par des piédestaux (fig. 39, 2),

74. - Aut solidanda fitucationibus. La nature de cette opération semble plutôt exiger la hie que le mouton. Le mouton me parait une machine d'un trop grand appareil, bonne seulement pour enfoncer les pilotis. La hie, au contraire, appelée aussi demoiselle à cause de ses anses qui représentent des bras, est plus facile à manier, tout en offrant de grandes ressources. Les paveurs s'en servent ordinairement pour enfoncer leurs pavés, et l'on conçoit que les coups redoublés de cet instrument puissent donner au terrain une grande compacité.

75. - Is locus fodiatur exinamaturque. Il ne faut creuser toutefois que jusqu'à une certaine profondeur, comme le remarque Galiani ; car si l'on fouillait jusqu'à la partie solide, les pilotis deviendraient inutiles, et le sens ne répondrait plus au reste du texte.

76. - Sublicaeque machinis adigantur. Perrault croit que les pilotis sont inutiles dans les terrains marécageux, et que de grosses pièces de bois couchées sur terre suffisent, et même sont meilleures que des pilotis ; qu'en remplissant de libages les entre-deux de ces pièces de bois auxquelles on donne autant de largeur qu'en ont les pièces elles-mêmes, qu'en mettant en travers d'autres pièces également remplies de libages, et qu'en recouvrant ces dernières de madriers, on peut bâtir dessus avec assurance. Ce moyen n'est point usité. Les édifices vastes et élevés de Venise, bâtis sur le sol le moins ferme qu'on puisse trouver, ne doivent leur solidité qu'à des pilotis serrés et profonds.

77. - Carbonibusque expleantur intervalla palorum. Théodore de Samos, architecte du temple de Junon de la même ville, fut le premier qui, avec le moellon et le mortier, employa le charbon dans la construction des fondements du temple de Diane d'Éphèse bâti, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 21), sur un sol marécageux, pour être mis à l'abri des tremblements de terre et des crevasses qu'ils occasionnent. C'est un moyen dont de nombreuses expériences ont fait voir l'efficacité pour éloigner l'humidité des murs et des pavés.

78. - Structuras solidissimis fundamenta irnpleantur. Vitruve appelle ici fundamenta les tranchées dans lesquelles se font les massifs de maçonnerie, comme au liv. I, ch. 5, et au liv. V, ch. 11 .

79. - Ad libramentum stylobatae sunt collocandi. On plaçait de niveau les stylobates, soit qu'on y désignât chaque piédestal par une saillie, soit qu'il ne formât qu'un long piédestal, tout d'une venue. Les anciens, dit de Bioul, ne faisaient ordinairement qu'un seul piédestal continu sur lequel portaient toutes les colonnes, quelle que fût l'étendue du bâtiment ; néanmoins lorsque Vitruve parle des piédestaux des colonnes, ou stylobate, c'est toujours au pluriel, parce que sans doute ce stylobate servant à plusieurs colonnes, représentait une suite de piédestaux qui semblaient avoir été placés les uns à côté des autres. On ne peut douter de cela, après les exemples que nous offrent divers monuments antiques, et d'après le texte même de Vitruve : car il indique les différentes manières d'espacer les colonnes, et ne dit rien à cet égard pour les piédestaux, parce qu'on ne faisait qu'un seul piédestal continu, qui était le même pour toutes les espèces d'entre-colonnements. Cependant, d'après le texte même, il paraît qu'on désignait dans ce stylobate chaque piédestal par une saillie ; il semble du moins qu'on ne peut interpréter autrement le passage où il dit qu'il faut faire saillir chaque stylobate en forme d'escabeau, parce que s'ils étaient tous d'une venue, ils ressem­bleraient à un canal.

80. - Sed ita columnae in peripteris. Ici Perrault fait une longue note où il commence par dire que le périptère est le nom d'un genre qui comprend toutes les espèces de temples qui ont des portiques de colonnes qui tournent tout autour, mais qu'il est mis ici pour la première espèce, celle où il y a seulement un rang de colonnes tout à l'entour, distantes du mur seulement de la largeur d'un entre-colonnement. Il faut remarquer, dit-il encore, qu'il y a beaucoup de temples anciens où la règle prescrite par Vitruve n'est point observée, comme au temple de Pallas, et à celui de Thésée, anciennement construits à Athènes, où le nombre des colonnes latérales ne répond pas à celui qu'indique notre auteur. Mais il est probable que Vitruve a voulu établir pour règle générale celle qu'il jugeait la meilleure, et s'en tenir à celle-là.

81. - Uti quot intercolumnia. Vitruve répète ici que la longueur des temples périptères doit toujours être double de leur largeur, et reprend les architectes qui ont doublé le nombre des colonnes latérales au lieu de doubler les entre-colonnements, puisque par là ils ont mis un entre-colonnement de plus. D'après son principe, il faut compter deux fois les colonnes des angles, une fois pour les frontispices, et une fois pour les côtés. Cette manière de mesurer ne donnera pas précisément à la longueur du temple le double de sa largeur; il manquera le diamètre d'une colonne dans le systyle, le pycnostyle, le diastyle et l’aréostyle; il en manquera deux dans l'eustyle : mais ces différences sont peu sensibles dans un monument aussi considérable que l'est un temple.

82. - Gradus in fronte. Quelques temples étaient entièrement entourés de degrés; d'autres n'en avaient qu'au frontispice ; ce qui formait une espèce de perron. Quelquefois les stylobates s'allongeaient en devant, et faisaient comme des ailes aux côtés des marches (fig. 32, p. 291, et fig. 33, p. 292).

83. - Crassitudines autem eorum graduum. Les proportions que Vitruve assigne tant à la hauteur qu'à la largeur des degrés des escaliers par lesquels on montait dans les temples, diffèrent un peu de celles que nous leur donnons ordinairement. Si ces escaliers nous paraissent incommodes, les nôtres probablement ne l'auraient pas paru moins aux anciens : c'était sans doute une affaire d'habitude, comme le pense Galiani. C'est ce à quoi n'a pas réfléchi Perrault, qui, pour faire correspondre les paroles du texte avec nos usages, a compris que les mots retractationes graduum signifiaient les paliers de repos qu'on fait de distance en distance dans un long escalier, et non la largeur de chaque degré appelée giron. Son erreur se prouve d'abord par la signification naturelle du mot retractatio; eu second lieu, est-il probable que dans un escalier de quelques degrés, comme sont ceux des temples, on allât pratiquer des paliers de repos, chose qu'on fait seulement dans les grands escaliers, de sept en sept marches, ou de neuf en neuf ? En troisième lieu, il est tout naturel de croire qu'immédiatement après avoir parlé de la hauteur des degrés, Vitruve en indique la largeur. Il est vrai cependant que Vitruve, dans le ch. 2 du liv. IX, établit pour règle que la largeur des degrés doit être égale à leur hauteur plus un tiers de cette même hauteur, c'est-à-dire que s'ils ont neuf pouces de haut, il faut qu'ils aient douze pouces de large, partant beaucoup moins que ceux dont il vient de parler pour les temples. Mais dans ce deuxième chapitre il est question des escaliers de maisons particulières, dans lesquelles on ne cherche que ce qui est commode ; au lieu que pour les temples, outre la commodité, on recherche la majesté et la grandeur. Les marches des temples de Pestum et d'Agrigente sont d'une hauteur extraordinaire et, par conséquent, très difficiles à monter ; mais c'est qu'ils servaient en même temps de gradins au peuple pour s'y asseoir, comme nous l'apprenons de Pausanias et de Cicéron.

84. - Ut neque crassiores dextante neque tenuiores dodrante. On peut supposer, dit de Bioul, d'après l'autorité de Columelle et de Budée, que dextans et dodrans étaient des parties du pied, et non du palme; et, comme le pied se divisait en seize pouces, que Vitruve entend par dodrans les trois quarts de seize, c'est-à-dire douze pouces, et non huit ; et par dextans les quatre cinquièmes de seize, c'est-à-dire douze pouces et quatre cinquièmes, et non dix. D'après cette explication, la hauteur des marches n'est plus disproportionnée avec leur largeur : il n'y aurait rien d'étonnant qu'il fixât leur hauteur à douze pouces ou à douze pouces et quatre cinquièmes d'un pied divisé en seize parties.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

85. - Ex tribus lateribus podium faciendum exit. Il se trouvait des temples qui n'avaient de balustrades que des deux côtés. lorsqu'ils avaient des portes par devant et par derrière, ayant chacune leur escalier. Souvent les piédestaux ou stylobates posaient immédiatement sur la terre, et s'élevaient aussi haut que l'escalier jusqu'à la plate-forme ou pavé du temple, tellement que les colonnes posaient sur les piédestaux et sur le pavé. Souvent aussi le pavé était porté par un socle simple de la grandeur du temple, AAA, fig. 39, 1. Si l'on voulait alors élever les colonnes sur des piédestaux, ces derniers étaient posés sur le pavé, et dans l'intervalle d'un piédestal à l'autre, se trouvait la balustrade ou parapet (podium), qui avait exactement les mêmes parties et proportions que le piédestal.

86. - Uti quadrae, spirae, trunci, coronae, lysis. Le socle est appelé quadra, parce que c'est un membre carré, marqué C dans la fig. 39, 2. Il sert comme de plinthe à la base du piédestal.

Les autres membres qui sont au droit de D. et posés immédiatement sur le socle, sont appelés spirae, du même nom que la base de la colonne ; la partie B s'appelle le dé, à cause de sa forme carrée et truncus, parce qu'elle est posée sur une base, comme le tronc ou fit de la colonne l'est sur la sienne. La corniche FE, s'appelle aussi corona, et son talon F lysis.

On ne peut douter que le mot lysis ne désigne ici le dernier membre d'une corniche, et l'on peut croire qu'il est ainsi appelé à cause de la séparation qu'il fait d'une partie d'architecture d'avec une autre, par exemple du piédestal d'avec une colonne, de la tige d'une colonne d'avec le chapiteau, du chapiteau d'avec l'architrave, de l'architrave d'avec la frise, et de la grande cymaise d'avec ce qu'elle soutient. On l'appelle généralement cymaise en français, parce qu'elle est à la cime, au haut de chaque partie. Les Grecs l'appelaient kum‹tion, pour sa figure, parce qu'en grec kèma signifie onde, et qu'il se trouve que la plupart des espèces de cymaises sont comme ondulées, la doucine B (fig. 40) et le talon D ayant une double courbure en onde, et le cavet C, de même que l'échine ou quart de rond L, et l'astragale N, étant aussi courbés.

 

 

 

87. - Per scamillos impares. Rien ne ressemble mieux à des escabeaux que les piédestaux particuliers marqués III, dans la fig. 41. Ces escabeaux sont dits impares, c'est-à-dire faisant des inégalités. De même aussi le piédestal général et continu B (fig. 42) représente un long banc sur lequel plusieurs colonnes sont assises. La saillie de sa corniche NN, et celle de sa base LL, qui enferment son tronc BB enfoncé au milieu de ces deux parties, lui donnent la forme d'un canal (alveolatus). Il n'en est pas de même pour les piédestaux recoupés ; l'interruption empêche que cette cavité puisse ressembler à un canal. Le Colisée, à Rome, en offre un bel exemple. Toutes les colonnes ont leurs piédestaux qui font saillie, dit de Bioul, et l'entablement est tout d'une venue sans aucune interruption. Il est assez étonnant que tous ceux qui ont écrit sur ce passage, après avoir vu le Colisée, n'en aient point fait la remarque. On voit encore la même chose au mausolée de Plantia, entre Rome et Tivoli, près du pont Lucano : les piédestaux de six colonnes qui ornaient le frontispice, formaient autant de saillie ; mais la plus grande partie de l'entablement est totalement ruinée.

88. -Projecturamque, quam Graeci ἐκφορὰν vocitant, habeant quadrantem. La version ordinaire donne au bas de la base attique une saillie égale au diamètre de la colonne. Perrault a aussi suivi cette version ; mais, comme il trouve que les bases attiques des monuments anciens n'ont pas une projection aussi forte, il prétend, sur l'autorité d'un vieux manuscrit, qu'au lieu de quadrantem il faudrait lire sexantem. Cette correction donne à ces bases une proportion conforme à celle que nous offrent les monuments anciens, dit de Bioul, mais ne s'accorde pas du tout avec la suite du texte, où il est dit que la largeur de la base doit être d'un diamètre et demi, et il n'y a certainement rien d'exorbitant dans cette saillie (fig. 43). Ce que Vitruve dit ensuite de la base ionique confirme qu'il a entendu qu'il fallait que la projection de la base attique fût d'un quart de diamètre. Le diamètre du bas de la base qui n'a pas de tore inférieur, comme la base attique, doit avoir, suivant lui, un diamètre trois huitièmes, comme on peut le voir dans la fig. 44 (p. 310) : il est tout naturel que n'ayant pas de tore, sa saillie soit moindre que celle de la base attique; tandis que si on lisait sexantem, comme le prétend Perrault, il arriverait que la base ionique, sans tore, aurait une saillie plus forte que la base attique avec le sien.

 

 

89 - Altitudo eius, si atticurges. La base atticurge qui est décrite ici est celle dont on se sert, dit Perrault, quand on en met dans l'ordre dorique. Atticurge, au commencement du ch. 6 du liv. IV, désigne l'ordre corinthien ; mais ordinairement on appelle atticurges les colonnes carrées. Le mot grec signifie athénien. Cette base et ses proportions sont représentées dans la figure 43.

A. La plinthe.
B. Le tore inférieur.
C. La scolie avec ses deux listels ; elle s'appelle encore cavet, nacelle, trochille.
D. Le tore supérieur.

 

90. - Ut superior pars tertia parte sit crassitudinis columnae. Il faut supposer que la hauteur de toute la base, comme il a été dit, est de la moitié du diamètre de la colonne, et, par conséquent, que cette troisième partie du diamètre de la colonne comprend les deux tiers de la hauteur de la base qui n'est que le demi-diamètre de la colonne. Or, puisque la hauteur de la base aN est la moitié du diamètre de la colonne, sa partie supérieure aF doit être le tiers de tout le diamètre ; ainsi aF sera égal aux deux tiers de la hauteur aN (fig. 43).

91. - Dempta plinthe. Si aN est la moitié de tout le diamètre de la colonne, et qu'on en retranche aF, qui est le tiers de ce même diamètre, il restera FN pour la hauteur de la plinthe, et cette hauteur FN sera égale à la sixième partie de tout le diamètre de la colonne. Divisez aF, c'est-à-dire le tiers du diamètre, en quatre parties ae, en, nrn, mF (fig. 43), chacune de ces parties sera la douzième de tout le diamètre de la colonne.

92. - Fiatque superior torius quartae. Le tore, en latin torus, signifie un lit, ou matelas, ou bourrelet ; les gros anneaux des bases sont ainsi appelés à cause de la ressemblance qu'ils ont avec le bord d'un matelas ou bourrelet. Les tores sont marqués BD. Le tore supérieur désigné dans la figure 43 par les lettres aeD, a sa hauteur ae égale à la douzième partie du diamètre entier de la colonne.

93. - Reliquae tres aequaliter dividantur. Otez la quatrième partie ae, qui appartient au tore supérieur, restent les trois autres parties en, nm, mF. Ces trois parties sont divisées par la ligne pointée S en deux parties égales eS, SF; chacune de ces deux parties est la huitième partie du diamètre entier de la colonne. De ces deux parties, l'inférieure SF appartient au tore inférieur SFB, et ainsi la hauteur de ce tore SF est égale à la huitième partie du diamètre de la colonne.

Cette manière de prescrire les grandeurs des membres d'architecture, dit Perrault, est plus certaine et plus facile que celle dont les modernes ont accoutumé d'user car ils partagent le module en un certain nombre de petites parties qu'ils appellent minutes, dont ils prennent ce qu'il faut pour chaque membre ; mais cela est incommode en ce qu'il arrive souvent qu'il faut subdiviser ces minutes en beaucoup d'autres particules : par exemple, ayant divisé la hauteur de la base atticurge, qui est un module, en trente minutes. on en donne dix à la hauteur de la plinthe, qui doit avoir le tiers de toute la hase; au tore supérieur cinq, qui sont le quart des vingt qui restent ; au tore d'en bas sept et demie, qui sont la moitié des quinze qui restent ; mais pour donner aux filets de la scotie la septième partie qu'ils doivent avoir des sept et demie qui restent, il faut partager la demi-minute en sept, afin que chaque filet ait une minute et un quatorzième de minute, ou quinze quatorzièmes. Il suit de là que, pour ne point faire de fraction, il faudrait partager le module en quatre cent vingt minutes, pour en donner cent quarante à la plinthe, cent cinq au tore d'en bas, soixante-dix au tore d'en haut, soixante-quinze à la scotie, et quinze à chaque filet.

94. - Cum suis quadris. Les filets, appelés aussi listels, listeaux, carrés, sont de petites moulures carrées qui servent à en couronner de plus grandes. Elles sont indiquées dans la fig. 43 (p. 308) par les petites lignes ponctuées bd. Vitruve n'en a point déterminé la grandeur, à cause de leur petitesse ; il s'est contenté d'établir que la scotie avec ses filets était égale à la huitième partie du diamètre de la colonne. Cependant, dit Stratico, la hauteur de la cymaise que remplace le filet est la huitième partie de la hauteur du membre auquel il appartient, à l'exception de l'architrave et de la frise ioniennes, et de la fasce dorique. Le filet qui est sous la scotie appartient au tore inférieur, celui qui est dessus à la scotie elle-même. Le tore supérieur n'a point de filet qui lui soit propre; l'apophygis du bas de la colonne lui en tient lieu. Chaque listel doit être égal à la sixième partie de la hauteur du membre auquel il appartient. Telles sont les proportions que Cl. Ortiz a observées dans un grand nombre de bases atticurges antiques.

95. - Scotia. La scotie, du mot grec skñtow (obscurité), est une moulure concave, en forme de demi-canal ; on lui donne aussi les noms de trñxilow, trochilus, qui signifient une poulie, parce que cette partie en a la figure. On la nomme nacelle en français, à cause de sa cavité ; elle est marquée G dans la fig. 43 (p. 308).

 

 

96. - Adjecta crassitudine quarta et octava. C'est-à-dire que si l'on divise le diamètre de la colonne en huit parties, on donne à la saillie de la base trois de ces huit parties, ce qui rend la largeur de la base égale à onze parties, de huit que contient le diamètre de la colonne. Vous faites descendre une perpendiculaire du point G (fig. 44) sur le point I de la dernière ligne NR de la base, et si la partie NI représente la moitié du diamètre de la colonne, le reste IR sera égal aux trois seizièmes du diamètre de la colonne, c'est-à-dire à la moitié de la saillie de la base ionique, ou, pour parler comme Vitruve, à une huitième, plus une seizième partie du diamètre de la colonne. Qu'on additionne, en effet, l'étendue des deux côtés opposés avec le diamètre de la colonne, on trouvera que le diamètre du bas de la base est d'un diamètre et trois huitièmes, comme il l'a dit plus haut.

 

97. - Dividatur in partes septem. C'est la portion au de la hauteur de la base qui doit se diviser en sept parties ac, ce, cm, mn, nr, rt, tu. Or, puisque cette portion au est la troisième partie du diamètre de la colonne, il suit que chacune de ces sept parties est la vingt et unième du même diamètre. Les trois parties supérieures ac, ce, em, appartiennent au tore B ; on peut supposer les quatre autres divisées en deux parties égales mr, ru.

98. - Et una pars fiat cum suo astragale et superciliis superior trochilus. L'astragale est une petite moulure ronde qui environne le chapiteau ou la base d'une colonne. Quand cette moulure est ailleurs, on l'appelle baguette, et lorsqu'on y taille des grains ronds ou oblongs, comme des perles ou des olives, elle est nommée chapelet. Elles sont indiquées dans la fig. 44 par les lettres EF.
La scotie est une moulure concave et terminée par deux petits filets ou carrés. Ailleurs il donne à ces petites moulures le nom de quadrae (carrés), à cause de leur forme. Ici il les appelle supercilia (sourcils), à cause de la place qu'elles occupent toujours sur un autre membre d'architecture, de même que le sourcil s'avance sur le creux de l'orbite de l'oeil. Ainsi, dans la fig. 44, le filet b est placé sur la scotie C ; le filet z, sur les deux astragales EF ; le filet x, sur la scotie D ; le filet p, sur la plinthe.

99. - Sed inferior major apparebit. La scotie inférieure doit être égale et semblable à la scotie supérieure, et Vitruve n'aurait point expliqué pourquoi elle paraît plus grande, si elle l'eût été réellement. Il est facile de comprendre que ces deux parties mr, ru, que nous avons vues être égales, doivent aussi être semblables. D'où il suit que toutes deux doivent se composer d'une scotie, d'un astragale et de deux filets, la partie supérieure de la scotie C, de l'astragale E et des deux filets bz, et la partie inférieure de la scotie D, de l'astragale F et des deux filets xp ; mais l'inférieure paraîtra plus grande, parce qu'elle s'allongera vers la plinthe jusqu'en o (fig. 44).
Cette base ionique a été rarement exécutée par les anciens. On n'en a trouvé d'exemple que dans le temple construit par Pythius à Priène, et découvert il y a quelques années. La disproportion des parties qui la composent et leur situation peu raisonnable la rendent peu gracieuse, parce que la grosseur du tore qui est sur des scoties et des astragales fort petits, les fait paraître trop faibles pour les soutenir.

100. - Astragali faciendi sunt octavae, partis trochili. Par scotie il faut entendre ici toute cette moitié mr, de ce qui reste ru, après que le grand tore am a été pris (fig. 44, p. 310).

101. - Projectura erit spirae pars octava et sexta decima crassitudinis columnae. Cette saillie qui est pour chaque côté, confirme ce qui a déjà été dit, que toute la base est plus large que la colonne d'un quart et d'une huitième partie de son diamètre. Il est assez étonnant que Vitruve n'ait point parlé de la saillie des autres membres des bases. Il a laissé au bon goût des architectes de les déterminer.

 

 

 

102. - Columnae sunt medianae. La taille des colonnes n'était pas la même pour tout l'édifice. Dans le deuxième chapitre de ce livre, Vitruve nous enseigne comment on doit amincir les colonnes depuis le tiers de leur hauteur jusqu'au haut. Les seules colonnes du milieu des deux frontispices AA (fig. 45) doivent être posées à plomb sur leur centre rb, et leur rétrécissement doit être égal de tous côtés ; quant aux colonnes latérales B, cette diminution doit être tout à l'extérieur, et la partie qui regarde l'intérieur doit être absolument d'aplomb.

103. - Ad perpendiculum latus habeant collocatum. Ce qui précède fait assez comprendre que c'est le côté intérieur de la colonne eNF qui doit être perpendiculaire. On obtient ce résultat en portant à l'extérieur tout le rétrécissement. Si, par exemple, le diamètre du bas de la colonne est de dix parties, et celui du haut de huit, le rétrécissement sera de deux parties. Que du centre de la base con élève une perpendiculaire can, cF comprendra cinq parties aussi bien que ne; le reste no en comprend trois. Donc la quantité dont ne surpassera na sera égale à deux parties, c'est-à-dire à tout le rétrécissement de la colonne.

 

 

 

104. - Capitulorum ratio. Le chapiteau ionique est la partie de tout l'ordre où il règne le plus d'invention, et qui en marque le plus vivement le caractère. Un astragale, un ove, une écorce qui se replie en volute par ses extrémités, et qui est surmontée d'un talon et d'un tailloir carré, en font toutes les richesses. La grande beauté de ce chapiteau vient des deux volutes qui se contournent d'une manière infiniment gracieuse.
On ne saurait croire combien les amateurs d'architecture se sont donné de peine pour arriver à découvrir la manière de tracer la volute représentée dans la ligure que Vitruve annonce la lin de ce livre, et qui est perdue comme toutes les autres. Les interprètes ont cherché, par tous les moyens possibles, à la remplacer ; quelques-uns même, comme Goldrnanu et Talviati, ont écrit des traités entiers sur ce sujet, et tous, selon de Rioul, se sont écartés du vrai sens de-Vitruve. Toutes leurs inventions pour tracer la volute sont fort belles et on ne peut plus ingénieuses ; mais elles ne ressemblent pas à celle qu'enseigne l'auteur latin, ce qui est assez prouvé par toutes les corrections qu'ils sont obligés de faire au texte qu'ils croient falsifié, pour le forcer de dire comme eux, Toute leur erreur vient de ce qu'ils ont tracé des volutes d'après les monuments antiques, ou d'après les règles de la géométrie, et de ce qu'ils ont voulu y appliquer les paroles de Vitruve. La règle établie par Galiani est entièrement tirée du texte, où, dit-il, il n'a pas changé une virgule. C'est d'après elle qu'a été tracée la figure 46 (p. 314) qui représente la moitié du chapiteau. Tirez une ligne horizontale dont la longueur A, 18 soit égale au diamètre du bas de la colonne (et nous disons ici de la moitié de ce diamètre ce que Vitruve dit du diamètre entier) ; divisez-la en neuf parties qui représenteront chacune un dix-huitième du diamètre entier ; menez le prolongement eV, qui est la moitié de 17, 18, et vous aurez pour l'abaque une longueur égale au diamètre du bas de la colonne, plus un dix-huitième. La hauteur du chapiteau 17, x, y compris les volutes, sera égale à la moitié de la longueur de l'abaque, c'est-à-dire aux dix-neuf trente-sixièmes du diamètre du bas de la colonne. De l'extrémité de l'abaque g, il faut se retirer vers le dedans d'une dix-huitième partie et demie t7, pour déterminer la place des volutes 8zxh6, et du haut du listel V qui termine l'abaque, dans les quatre endroits oit l'ou doit tracer les volutes, on tire des lignes Vq, qu'un appelle enthètes, ou perpendiculaires. Ensuite on divise toute l'épaisseur du chapiteau 17, x en neuf parties et demie, dont on laisse une demi-partie, c'est-à-dire 17, 8 pour l'épaisseur de l'abaque, afin de faire les volutes avec les huit qui restent. Alors, à coté des lignes Vq qu'on a fait descendre d'aplomb à l'extrémité des angles de l'abaque, on en trace d'autres 17, x en dedans, sur les faces, éloignées des premières d'une partie et demie. Ensuite des lignes 17, x, divisées en neuf parties et demie, on prend sous l'abaque quatre parties et demie, depuis 8 jusqu'au centre •, et on coupe horizontalement les deux cathètes 17, x et Vq par la ligne ponctuée hz que l'on fait passer par le centre •, et qui sépare les quatre parties et demie supérieures des trois et demie inférieures. De ce centre •, qui est celui de l'oeil de la volute, on décrit un cercle qui a de diamètre une des huit parties ; voilà pour la grandeur de l'oeil dans lequel on a déjà tiré un diamètre hz qui coupe la cathète 17, x, en formant des angles droits. Alors commençant sous l'abaque, au haut de la volute, il faudra, en la traçant, aller par le centre de ces quatre parties aine, jusqu'à ce que l'on soit revenu à celle d'en haut, immédiatement sous l'abaque. x3 sont les trois parties qui déterminent la grandeur que prend la volute au-dessous de l'astragale du haut de la colonne.
MN
indiquent la moitié du côté du chapiteau appelé le balustre.

 

105. - Si pulvinata erunt. L'ordre ionique, comme nous l'apprend Vitruve dans le premier chapitre du livre suivant, fut employé pour la première fois au temple de Diane à Éphèse, bâti par Chersiphron, vers le temps des premières olympiades. Son chapiteau n'avait alors que deux de ses faces parallèles ornées de volutes. Les deux autres faces ressemblaient à une espèce de coussin ou d'oreiller (pulvinatus) en usage chez les anciens, ou à deux montants de balustre, réunis par une pomme intermédiaire qu'on nomme ceinture ou baudrier. Cette diversité de faces n'avait aucun inconvénient, dit de Bioul, quand les faces à volutes se pré-sentaient de front ; mais au premier angle saillant, au premier retour du portique, le chapiteau de la colonne angulaire ne pouvait manquer de présenter de front sa face à balustre, d'où il résultait deux inconvénients inévitables : il fallait ou que les chapiteaux de toute une rangée de colonnes présentassent de front leurs faces à balustres, comme on les voyait au portail d'un temple près de l'église Saint-Nicolas in carcere à Rome, dont Raphaël a donné le dessin, ce qui produisait un mauvais effet ; ou que les chapiteaux des deux colonnes angulaires présentassent une face différente de tous les autres chapiteaux, ce qui se pratiquait plus ordinairement, quoique cela ne pût manquer de grimacer d'une manière étrange. Les Grecs se sont longtemps servis de ce chapiteau sans trouver le moyen d'obvier à ces inconvénients. Dans la dernière époque de l'antiquité, on inventa d'en faire les quatre faces pareilles, et toutes à volutes, comme ou peut le voir au temple de là Concorde à Rome, bâti sous le consulat de Furius Camillus, après le rétablissement de la paix entre le peuple et le sénat. Vitruve connaissait certainement ce chapiteau, quoiqu'il n'en donne aucun détail, puisque les colonnes du temple de la Concorde existaient de son temps, telles que nous les voyons aujourd'hui, et l'expression dont il se sert, si pulvinati erunt, prouve qu'il connaissait d'autres chapiteaux ioniques que ceux qui étaient en forme d'oreiller. C'est donc une erreur de croire, gomme quelques auteurs modernes l'ont cru, que Michel-Ange, ou Scamozzi, ait inventé le nouveau chapiteau ionique. Ce chapiteau, ainsi perfectionné, n'offre plus d'inconvénient; c'est pourquoi on le préfère à l'ancien, que les architectes modernes emploient très-rarement.

106. - Abacus. L'abaque est la partie supérieure, ou le couronnement d'un chapiteau ; il est carré aux ordres toscan, dorique et ionique ancien, et échancré sur les faces aux chapiteaux corinthien, composite et ionique moderne. Il est désigné dans la fig. 46 (p. 314) par les lettres GgfF . Vitruve détermine la longueur et la largeur de l'abaque qui sont les mêmes entre elles, et égales chacune au diamètre du bas de la colonne auquel on ajoute un dix-huitième.

107. - Crassitudinem cum volutis ejus dimidiam. Les mots longitudo et latitudo ont rapport à l'abaque AV, le mot crassitudo au chapiteau entier, y compris les volutes, dont la hauteur 17, x est égale à la moitié de l'abaque, plus un trente-sixième. La volute est cet ornement qui imite en quelque sorte les enroulements de la coquille du limaçon, et qui fait partie du chapiteau ionique, corinthien et composite. La forme de la volute est suffisamment indiquée, dans la figure 46 (p. 314), par les caractères 8zxfa624. Il est facile de voir que ce membre qui commence sous l'abaque au point 8, va finir, après un triple enroulement, au point 4.

108. - Recedendum autem est ab extrema abaca in interiorem partem frontibus voluturum. Par ces mots, Vitruve détermine le point à partir duquel il faut se retirer vers le dedans, c'est-à-dire l'extrémité de l'abaque g, et indique les faces dont il s'agit car les chapiteaux avaient deux faces où se trouvaient les volutes dont l'une est marquée 8zxh6u4, et ces deux faces sont désignées par les mots frontes voluturum, qui les distinguent des deux autres qui ressemblaient à une espèce de coussin marqué MN.

109. - Parte duodevigesima. Il est étonnant de voir combien peu les auteurs s'accordent sur l'explication de cet endroit. Perrault fait observer qu'Alberti Palladio, de Lorme, Bullant, Vignole et Goldmann prennent cette dix-huitième partie du bas de la colonne, et ne font la retraite que de cette dix-huitième partie sans parler de la demie. Serlio entend aussi que cette dix-huitième partie doit être prise dans le diamètre du bas de la colonne; mais il ajoute la demie, ce qui donne à la cymaise de l'abaque une taille énorme. Scamozzi, sans se mettre en peine d'expliquer le texte, fait la retraite d'une dix-huitième partie un quart. Barbaro la fait un peu plus petite que celle de Scamozzi, en interprétant le mot duodevigesima, comme s'il était formé de trois mots séparés, ou plutôt, comme s'il y avait duabus de viginti (partibus). Et cette proportion, bien que raisonnable et conforme aux ouvrages les plus approuvés, ne se trouve pas dans le texte. Perrault lui-même suppose que le texte a été corrompu en cet endroit, comme en beaucoup d'autres, et qu'un copiste a écrit duodevigesima pour duodecima. Poleni, Serlio et Salviati ont raison de penser qu'il est inutile de faire violence au texte de Vitruve, et que cette retraite, qui n'excède pas la hauteur dc l'abaque, ne présente rien d'énorme.

110, - In quatuor partibus volutarum. Ces quatre parties des volutes ne peuvent que signifier les quatre endroits où doivent être les quatre volutes des chapiteaux, puisque les chapiteaux ont deux faces dans chacune desquelles sont tracées les deux volutes.

111. - Secundum extremi abaci quadram. Le point où doit commencer la cathète est clairement déterminé par ces mots. Ils font voir évidemment que c'est de l'extrémité du listeau qu'il faut la faire descendre. Elle est marquée Vq dans la figure 46 (p. 314). Ainsi ont fait Joconde, Bertani et Barbaro ; et, selon l'avis de Poleni, c'est à tort que Salviati, Goldmann et Perrault se sont retirés vers l'intérieur de l'abaque pour tracer ces lignes.

112. - Tunc crassitudo dividenda est in partes novem et dimidiam. La hauteur du chapiteau 17, x est égale à la moitié de la longueur de l'abaque, plus un trente-sixième, comme on l'a vu plus haut. lci Vitruve recommande de diviser cette hauteur en neuf parties et demie, d'en donner une et demie à l'épaisseur de l'abaque 17, 8, et de consacrer les huit autres 8x à la volute, comme on le voit dans la figure 46 (p. 314 ).

113. - Tunc ab linea, quae secundurn abaci extremam partem demissa erit. Vitruve nous a déjà appris que sur les faces des volutes il fallait se retirer de l'extrémité de l'abaque d'une dix-huitième partie et demie, c'est-à-dire jusqu'au point 17. Il veut maintenant qu'on porte à ce point la cathète V, ou plutôt qu'on tire une nouvelle cathète parallèle à la première. C'est sur cette seconde cathète 17, x que sont tracées les divisions de la hauteur du chapiteau. C'est une erreur, selon Poleni, d'avoir tracé la tangente T. Goldmann et Perrault, qui, en faisant disparaître la particule et, ont préféré unius dimidiatae à unius et dimidiatae, se sont imaginé que Vitruve ne voulait parler que de la moitié T, 17 d'une dix-huitième partie. C'est plutôt une faute qu'une correction qu'ils ont faite au texte.

114. - Deinde eae lineae dividantur ita, ut quatuor partes et dimidia sub abaco relinquantur. Comme cette seconde cathète 17, x doit passer par toutes les volutes, Vitruve a écrit eae lineae. Si sur cette ligne on descend jusqu'au point 8, le premier qui se trouve sous l'abaque, et que de ce point on commence à prendre les quatre parties 87, 76, 65, 54, et une moitié 4•, on aura le point • cherché par Vitruve ; or, le reste de la ligne •x se com­posera des trois parties et demie, •3, 32, 21, 1x; le signé • est donc le point intermédiaire, le centre de l'oeil de la volute. L'oeil de la volute, c'est-à-dire le cercle dont le diamètre 43 est la huitième partie de la hauteur du chapiteau 8x, est marqué, dans la figure 46 (p. 314), 4t3v.

115. - Et in ea catheto respondens diametros agatur. Vitruve entend ici, par diamètre, la ligne horizontale hz qui divise en deux parties égales l'oeil et la volute, et par le mot respondens, cette même ligne horizontale qui correspond par angles droits avec la perpendiculaire 17, x.

116. - In singulis tetrantorum anconibus. Une fois que le centre de l'oeil est déterminé, et que de ce centre on a décrit un cercle, d'un diamètre égal à la huitième partie de la hauteur de la volute, formez au milieu de ce cercle un carré de la moitié de son diamètre dont les deux côtés ai et eo soient parallèles à la ligne horizontale hz, et les deux autres ae et io, parallèles à la cathète 17, x. Puis, 1° mettez la pointe immobile du compas sur le point a (anco), et ouvrant l'autre jusqu'au point sr, sous l'abaque, décrivez avec cette ouverture qui comprend quatre parties et demie, le quart de cercle eb (tetrans) le plus extérieur et le plus grand de la volute.2°. Diminuez l'ouverture du compas de la moitié du diamètre de l'oeil, en ramenant la pointe immobile du compas à l'angle i du carré, et de l'ouverture ib, qui ne comprend plus que quatre parties, décrivez le quart de cercle bm. 3°. Portez la peinte du compas au point o, et de l'intervalle de trois parties et demie, om, décrivez le quart de cercle mb.4°. Du point e, comme centre, avec une ouverture de compas égale à ep, comprenant trois parties, décrivez le quart de cercle pv, qui achève la première circonvolution de la volute.

Pour avoir la seconde circonvolution, il faut répéter l'opération que nous venons de faire pour la première, passant par les mêmes centres, et rapprochant à chaque quart de cercle les deux branches du compas de la grandeur d'un des côtés du carré qui est dans l'oeil de la volute.
Cette volute à deux contours me semble être celle de Vitruve.

 

 

 Si l'on veut avoir une volute avec trois contours, voici la marche à suivre :

Dans le carré 1, 2,3, 4 (fig. 47), que renferme l'oeil de la volute, tirez les lignes diagonales 1, 3 et 2, 4; divisez-les chacune en six parties égales pour avoir les points 1, 5, 9, 13, 11, 7, 3, sur la ligne 1, 3, et les points 4, 8, 12, 13, 10, 6, 2, sur la ligne 4, 2 qui coupe l'autre à angles droits; ces points donneront douze centres, sans compter celui du milieu de l'oeil 13. Posez successivement sur ces douze centres la jambe immobile du compas dans l'ordre indiqué par les chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, etc. ; et en allant ainsi de point en point dans le même ordre, vous tracerez les douze quartiers qui font les trois contours extérieurs de la volute.

Pour en décrire le contour intérieur, nommé listel, divisez chaque partie 15, 59, 913, etc., en quatre parties égales, et en plaçant la pointe du compas sur la première qui est au-dessous du point qui a servi à tracer le contour extérieur, comme au point r qui est sous le point i, vous tracerez l'un après l'autre tous les quarts de cercle, comme vous l'avez fait pour la volute extérieure, n'y ayant de différence pour celle-ci que dans la grandeur des carrés, qui est plus petite.

 

117. - Dimidiatum oculi spatium minuatur. Les auteurs ont généralement estimé que le carré, qui doit avoir la moitié du diamètre de l'oeil de la volute, devait être placé au milieu même de l'oeil. Ce carré ainsi placé sera dimidiatum oculi spatium, aussi bien que celui de Goldmann qui est à côté; et la volute sera mieux tournée, et ira plus également en diminuant.

118. - Tres partes praependeant infra astragalum. L'astragale est la moulure ronde qu'indique la lettre E dans la figure 46 (p. 314 ). Barbaro, Palladio et Perrault prétendent que l'astragale appartient à la colonne. Le texte est exprès, disent-ils : astragalum summi scapi. Serlio, Poleni et d'autres auteurs veulent qu'il fasse partie du chapiteau. Ils se fondent sur ce que dit Vitruve au chapitre I du IVe livre, que le chapiteau ionique est de la troisième partie du diamètre de la colonne ce qui ne serait pas, si l'on n'y comprenait l'astragale. J'adopte d'autant plus volontiers cette opinion, que l'expression praependeant infra astragalum indique clairement, ce me semble, que l'astragale est la derrnière limite du chapiteau que la volute qui en fait aussi partie, peut franchir des trois parties 3x.

119. - Cymatio. Par ce mot, Vitruve entend certainement ici l'ove, puisque, à la ligne suivante, il lui assigne une saillie hors de l'abaque, égale au diamètre de l'oeil de la volute, saillie qui ne peut convenir qu'à l'ove, c'est-à-dire à cette moulure ronde D, figure 46 (p. 314) dont le profil représente ordinairement un quart de cercle, ce qui lui a fait aussi donner le nom de quart de rond.

120. - Adempto. Quelques manuscrits et certaines éditions portent addito. C'est à tort ; Vitruve, dit Poleni, veut partager la hauteur 17, x, qui se compose de neuf parties et demie. Il en prend (adempto) trois pour la partie de la volute qui se déroule au-dessous de l'astragale 32, 21, 1x; un pour l'astragale 43; un et demi pour l'abaque 17, 8; deux pour le listel et le canal de la volute 87, 76; le reste 64 détermine la hauteur de l'ove.

121. - Projectura autem cymatii. La partie du chapiteau qui est entre le canal Y et l'astragale E forme l'ove D. La cathète Vq, tombe de l'extrémité V du carré de l'abaque Gg; au delà de cette cathète s'avance l'ove, de la quantité nr égale à la grandeur de l'oeil, c'est-à-dire à son diamètre 43.

L'ove, autrement quart de rond, à cause de sa figure, est quelquefois appelé échine, du mot grec ¤xÝnow, qui signifie un hérisson, parce que ce membre, lorsqu'il est taillé de sculpture, a quelque chose qui approche de la forme d'une châtaigne à demi enfermée dans son écorce piquante, qui ressemble à un hérisson.

Bien que cymatium ne puisse signifier ici autre chose que l'ove, Il y a sujet de s'étonner, dit Perrault, que Vitruve appelle toujours ce membre d'architecture echinos, dans les chapiteaux dorique et toscan où ils sont rarement taillés, et par conséquent ressemblant peu à des châtaignes ou à des hérissons, et qu'il ne l'appelle que cymatium dans le chapiteau ionique oit il est toujours taillé. On y distingue quatre sortes d'ornements : les oeufs, qui dans la figure 46 (p. 314), sont marqués sss ; les écorces dont les oeufs sont enveloppés, désignées par les lettres llll; les dards dd; les espèces de cosses uuu qui s'échappent de la partie supérieure de la volute.

122. - Pulvinorum baltei. Cette ceinture de la partie latérale du chapiteau qui est en forme d'oreiller, doit être ss, vu que c'est par cette moulure que se termine la partie de l'oreiller RRR (fig. 46).

123. - Uti circinii centrum. Ce que disent Cesariano, Caporali, Philander, Salviati sur ce passage de Vitruve, n'est pas digne de remarque ; et il est bien difficile de se ranger de l'avis de Goldmann et de Perrault, qui prétendent que tetrans signifiant l'endroit où une chose est partagée en quatre, par des lignes qui se croisent, il faut mettre une branche du compas sur le point où la volute est divisée en quatre, c'est-à-dire au centre • de l'oeil de la volute, et allonger l'autre jusqu'au haut de l'ove ; ils ne veulent pourtant pas laisser là le compas pour tracer la ceinture : on doit meure une pointe du compas ainsi ouvert sous le tailloir, à l'endroit marqué 8 (fig. 46) et l'autre sur la cathète, où elle se rencontrera, c'est-à-dire au point Q, la tenir immobile sur ce point, faire tourner l'autre qui viendra passer sous l'astragale au point 3, et tracer la ligne 8L3. L'explication de Bertani, adoptée par Poleni, vaut mieux que tout cela : Circini centrum unum signifie la branche du compas qui tourne sur elle-même au centre du cercle ; l'autre branche, celle qui est mobile, décrit la circonférence.

 

 

Par capituli tetrante, il faut entendre la pointe F de l'angle rectangle ZFm, d'où l'on part pour tracer le quart de cercle Zm (fig. 48). Voici donc comment on peut expli-quer ce passage : circini centram unum est la branche du compas qui reste immobile au centre du cercle F; quum sit positum in capitali tetrante, à l'extrémité de l'angle droit F, d'où l'on trace le quart du chapiteau Zm ; et alterum deducatur ad extremum cymatium, du point central F on étendra l'autre branche du compas jusqu'au point z qui est à l'extrémité de l'ove; circumactum balteorum extremas partes tangat, cette branche mobile du compas est mise en mouvement pour décrire la partie du cercle Zm, c'est-à-dire les contours de l'ove Ze, et l'extrémité de la ceinture am.

124. - Axes votutarum. Barbaro croit que c'est l'oeil même, bien que Vitruve ait dit que l'axe doit être grand comme l'oeil; ce qui fait bien voir que l'axe n'est pas l'oeil. Goldmann prend pour l'axe le rebord (listel) que la volute a par devant, marqué B (fig. 46, p. 314) ; mais ce rebord ne doit avoir que la moitié de l'oeil. Ce rebord, il est vrai, à deux faces, l'une qui est au-devant de la volute, l'autre qui est à son côté. Il faut croire, avec les autres interprètes, que Vitruve, après avoir suffisamment parlé du devant des chapiteaux, s'occupe maintenant des côtés ; que cette largeur ne doit pas s'entendre de la partie antérieure, qui n'est que la moitié de l'oeil, et qui va toujours en diminuant à mesure qu'elle approche de l'oeil, mais qu'elle doit s'entendre de la partie latérale, qui en effet approche beaucoup de la largeur de l'oeil dans les ouvrages antiques, et qui conserve dans toute sa longueur la même largeur marquée N dans la fig. 46.

125. - Ne crassiores sint quam oculi magnitude. Si la moitié de l'abaque SA (fig. 48, p. 321) se divise en neuf parties et demie, dont une soit TI, cette partie sera égale au diamètre de l'oeil, ou, comme dit Vitruve, à l'oeil. Or, il recommande ici de ne point donner au côté latéral du listel de la volute DEVG une largeur ty plus grande que celle de l'oeil TI. Au reste, le balteus aussi bien que le volutarurn axis a singulièrement exercé l'esprit des commentateurs.

126. - Volutaeque ipsae sic caedantur. Poleni et Barbaro pensent que la hauteur de la volute 8x (fig. 46) doit être divisée en douze parties, et que la profondeur du canal Y doit être égale à l'une d'elles. Perrault entend, lui, que la largeur de chaque écorce ou canal qui compose la volute soit divisée en douze parties, depuis 6 jusqu'à 8, et que ce canal ne soit pas plus creux que cette douzième partie, en sorte qu'à mesure que le canal s'étrécit, il soit aussi moins creux, étant toujours de la douzième partie.

127. - Quum columnae. Nous avons vu, dit de Bioul, que c'était sur la largeur de l'abaque qu'on réglait toutes les proportions du chapiteau ; aussi Vitruve commence-t-il par en déterminer la mesure. Comme il faut que sa saillie soit proportionnée à la grosseur de la colonne, comme la colonne paraît d'autant plus mince par le haut qu'elle est plus élevée, chose à laquelle nous avons vu qu'on remédie facilement en proportionnant la diminution du haut de la colonne à sa longueur, on doit aussi augmenter la largeur de l'abaque, tellement qu'ayant donné à l'abaque des colonnes qui ont moins de quinze pieds, la grandeur d'un diamètre et un dix-huitième, il donne à celui des colonnes qui sont plus hautes un diamètre et un neuvième, partant un dix-huitième de plus qu'aux autres. Conséquemment, toutes les proportions des différents membres du chapiteau sont augmentées, et deviennent plus fortes à proportion de leur élévation.

 

 

128. - Capitulis perfectis. Des commentateurs ont pensé que lorsque les chapiteaux des colonnes nn (fig. 49) étaient terminés et mis en place, les architraves ee ne devaient point être tout d'une venue, si le stylobate BD était interrompu, si les piédestaux pp étaient faits en forme d'escabeaux ; qu'ils devaient avoir des saillies de même que les piédestaux, pour que la symétrie fût observée, et que, conséquemment, les membres supérieurs aa devaient suivre le même arrangement. Perrault dit qu'il se voit peu d'exemples de ce recoupement des architraves, même quand les piédestaux sont interrompus, si ce n'est quand les colonnes sont seules et fort éloignées les unes des autres, comme aux arcs de triomphe, où un entablement continu qui passerait sur les arcades aurait mauvaise grâce, étant mal soutenu, et ayant une trop grande portée. De Bioul croit que Vitruve n'a voulu parler que des chapiteaux, et qu'il a entendu que leur face devait faire deux saillies égales des deux côtés de la colonne, et les volutes répondre aux angles des stylobates. Je préfère le premier sentiment, d'autant plus que le mot symétrie signifie ici un rapport de parité, et non un rapport de proportion ou de raison car le sens est que les architraves auront des saillies de même que les piédestaux, afin que la symétrie soit observée car, dit Perrault, pour ce qui est des proportions que doivent avoir les architraves relativement aux différentes grandeurs des colonnes, Vitruve l'explique par le mot ratio, en disant epistyliorum ratio sic est habenda.

129. - Epistyliorum ratio. Vitruve ne parle point des autres parties de l'entablement, parce que les anciens les supprimaient souvent lorsqu'elles étaient inutiles ; quand, par exemple, les colonnes ne soutenaient pas l'entablement de la couverture, connue on le voit au ch. 1er du livre V, où Vitruve décrit les places publiques aux portiques desquelles il ne met que des architraves sur les colonnes d'en bas, parce qu'elles soutenaient des galeries, et que la corniche était réservée pour les colonnes de second ordre qui soutenaient l'entablement de la couverture.

130. - Quo altius enim scandit oculi species. Les architectes grecs et romains, persuadés que la beauté des édifices dépendait surtout de l'harmonie des proportions, s'attachaient à les observer exactement, et, pour obvier à la diminution apparente qui résulte de l'éloignement des objets, ils ont donné moins de diminution au haut des colonnes lorsqu'elles étaient très élevées, et ont augmenté la grosseur du chapiteau pour que ces objets parussent avoir la grosseur qu'ils auraient eue, s'ils n'avaient pas été si élevés.
Deux causes contribuent à ce qu'un objet éloigné paraisse plus petit à la vue qu'il n'est réellement l'une est le rétrécissement de l'angle visuel ; l'autre est la masse intermédiaire de l'air, dont le volume augmente avec la distance ; sa densité, quoi qu'en dise Perrault, dérobe à l'oeil les contours et l'extrémité des objets, et conséquemment les fait paraître plus petits.

131. - Summum, quantum imus scapus. Cette saillie du haut de l'architrave est bien petite, et Perrault prétend qu'il ne s'en voit point d'exemple dans les ouvrages approuvés : on comprendrait difficilement quelle pourrait être la saillie des diverses bandes de l'architrave, lorsque les colonnes auraient plus de cinquante pieds d'élévation. Il semblerait donc que le haut de l'architrave devrait s'entendre de la face supérieure, sans comprendre la cymaise qui doit avoir la saillie qu'il indique immédiatement dans la phrase suivante. L'élargissement du haut de l'architrave doit être bien plus considérable que ne le dit ici Vitruve, étant d'abord produit par la saillie des parties supérieures sur les inférieures, et ensuite par l'inclinaison que doit avoir toute la face de l'entablement.

 

 

 132. - Cymatium epistylii. La hauteur br de l'architrave (fig. 50 ) se divise en sept parties. La première bn forme la hauteur de la cymaise de l'architrave. La saillie iA de cette cymaise a la même grandeur.

133. - Et earum trium. L'espace compris entre n et r (fig. 50) se divise en douze parties, dont trois sont occupées par la fasce d'en bas rE, quatre par la deuxième fasce oD, et cinq par la fasce supérieure eB.

134. - Zophorus supra epistylium. La frise est une grande face plate pzib (fig. 50) qui sépare l'architrave de la corniche. Elle est souvent ornée de sculptures en bas-relief de peu de saillie, qui représentent des animaux; d'où le nom zophorus, ou qui imitent la broderie; d'on le mot frise, du latin phrygio, qui signifie un brodeur.

135. - Cymatiurn suae altitudinis. L'adjectif possessif suae se rapporte à la frise c'est donc la hauteur pb de la frise qui, divisée ensept parties, en donne une pour celle de la cymaise C dont la saillie cK est égale à la hauteur cz (fig. 50).La cymaise de l'architrave, aussi bien que celle de la frise, a de hauteur la septième partie du membre qu'elle couronne; elle n'a que la sixième partie des autres membres. Ce mot, à en consulter l'étymologie, signifie onde, et c'est en effet ce qu'elle représente par la sinuosité de son contour. La cymaise est une moulure concave par le haut et convexe par le bas. On l'appelle ordinairement gueule renversée. Celle de l'architrave ionique est particulièrement appelée échine par Vitruve.
Le membre appelé gueule droite ne prend jamais le nom de cymaise. Dans les édifices antiques, les petits membres d'architecture ont un filet qui remplace la cymaise. Les proportions en sont trop petites pour qu'on puisse lui donner la forme d'une onde.

 

136. - Denticules est faciendus. Le denticule S a la même hauteur que la deuxième fasce de l'architrave D, et sa saillie KX est égale à sa hauteur yX. La coupure est la cavité I qui se trouve entre les denticules hh (fig. 50).

137. - Hujus cymatium. Cette cymaise qui doit être posée sur le denticule, est si petite qu'il est impossible, dit Perrault, de ne pas soupçonner cet endroit d'être corrompu ; et il est aisé de juger que le nombre étant écrit en chiffres, un copiste ait pris facilement III écrit \II, pour VI. Poleni a conservé VI. On doit remarquer que l'expression altitudinis ejus signifie qu'il faut que la cymaise soit entièrement hors des trois parties occupées par le dentelet ; elle diffère eu cela de la cymaise de l'architrave. La hauteur de celle-ci est comprise dans celle de l'architrave dont elle occupe la septième partie ; c'est pourquoi il dit alors septima parte suae (non ejus) altitudinis.

138. - Corona. Ce mot signifie eu général une corniche, bien qu'il n'en désigne que le partie appelée couronne, larmier, mouchette, ou gouttière, parce que l'eau de pluie en tombe par gouttes ou larmes. C'est le plus fort membre carré d'une corniche dont le plafond est souvent creusé pour que l'eau ne puisse couler le long des murs. Dans la fig. 50 (p. 325) la corniche est désignée par les lettres YVXF, et le larmier par la lettre R.

139. - Praeter simam. La grande cymaise est marquée YVL dans la figure 50 (p. 325). On ajoute le mot grande pour la distinguer de la petite cymaise m qui pose sur le larmier. Le profil de la grande cymaise B est concave par le haut et convexe par le bas; la hauteur de la partie concave est égale à celle de la partie convexe. La saillie de la grande cymaise est égale à sa hauteur. On. l'appelle aussi doucine, gorge ou gueule droite. La petite cymaise m, dans la fig. 50, et D dans la fig. 40 (p. 306) dont la partie convexe occupe le haut, et la partie concave le bas, s'appelle aussi gueule renversée. Les filets plus ou moins hauts qui la surmontent en sont comme le complément.

Dans la grande corniche ne se rencontrent pas toujours les deux cymaises qui sont l'une sur l'autre, et dont la dernière, ordinairement la plus grand est la doucine B, et la petite, le talon D (fig. 40). Quelquefois, au lieu de ce talon D, on met l'astragale N (même fig.) ; quelquefois, comme au portique du Panthéon, à Rome, il n'y a qu'un filet qui, avec son congé, tient lieu de la petite cymaise.

140. - Et omnino omnes ecphorae. Cette égalité de saillie et de hauteur ne se trouve point pratiquée dans tous les membres d'architecture : car il est constant que les saillies des fasces d'une architrave et celle d'un denticule sont beaucoup moindres que leur hauteur.

 

 

141. - Tympani autem. Le mot tympan a différentes significations. Ici il signifie le dedans du fronton, c'est-à-dire cette partie triangulaire qui se trouve enfermée par les deux corniches qui s'élèvent des cieux côtés, et forment une pointe à leur réunion, et un triangle avec la corniche de l'entablement.
Le tympan nau ( fig. 51) est posé sur la corniche de l'entablement pq, et recouvert de deux autres corniches en pente bC, Cd. Il est tantôt nu et uni, tantôt taillé et orné de figures. Le faîte du fronton est bcd. Cet ornement couronne les ordonnances, et termine les façades, les portes, les fenêtres, les autels, les niches, etc. Les anciens ne firent que des frontons triangulaires. Parmi les nombreuses formes que leur ont données les modernes, il n'y a que la circulaire qui soit vraiment digne d'être approuvée.

 

 

 

142. - Uti frons coronae ab extremis cymatiis. Vitruve parle ici de la longueur du larmier du frontispice bd (fig. 51) ; nous l'avons divisée en neuf parties, dont une forme la hauteur du tympan ae. Mais, dit Perrault, il y a peu d'exemples de frontons aussi abaissés : car, si l'on en croit Scamozzi, celui que décrit Vitruve l'est trop de moitié ; de sorte qu'au lieu d'une des neuf parties, il voudrait en mettre deux. Considérons pourtant que Scamozzi entend que Vitruve parle de la hauteur de tout le fronton, tandis qu'il ne parle que de celle du tympan, à laquelle il faut ajouter l'épaisseur de la corniche pour faire le fronton entier, dont Scamozzi forme la hauteur avec les deux neuvièmes dont il s'agit ; encore cela n'est vrai que des frontons faits depuis Vitruve : car on peut juger par ceux qu'on voit dans la plupart des ruines de la Grèce, que du temps de Vitruve ils avaient la proportion qui est ici prescrite.
Serlio a inventé une méthode pour prendre la hauteur des frontons, qui est de tracer un cercle ABCD (fig. 52, p. 397) dont le diamètre AC soit la largeur du fronton ; ensuite, du point D, où ce cercle coupe la ligne BE qui descend par le milieu du fronton, de décrire, comme d'un centre, un autre cercle AGCE ; le point G, où ce second cercle coupe la perpendiculaire BE, est la hauteur du fronton.

 

143. - Coronae quae supra tympanum fiunt. Le mot corona s'emploie quelquefois pour désigner la corniche entière, quelquefois aussi pour désigner un membre particulier, le dernier de la corniche. C'est dans ce dernier sens qu'il faut l'entendre ici. Les Grecs ne formaient les corniches latérales des frontons que d'une couronne et d'une cymaise, ce qui concorde avec les préceptes de Vitruve. La corniche horizontale manquait de la cymaise qu'on mettait aux corniches obliques, c'est-à-dire aux côtés du faîte.

144. - Insuper coronas simae quas Grceci έπωτίδας dicunt. Cette cymaise doit être celle qui termine le fronton sur les deux petits côtés du triangle. Il dit que les Grecs les appelaient έπωτίδες, c'est-à-dire mis au-dessus et au plus haut, parce que les cymaises, qu'il appelle cymatia, n'étaient point au-dessus d'autres cymaises, mais seulement au haut de la corniche du piédestal, au haut de l'architrave, et dans la grande corniche au-dessous de la grande cymaise.

145. - Altiores octava parte. Dans cette hauteur est compris le réglet. Cette cymaise est droite et ne diffère de celle qui est aux côtés du faite qu'en ce que celle-ci est posée obliquement. La cymaise droite se joint dans les angles à celle qui est oblique, ce qui n'offre aucune difficulté dans l'exécution, quoi qu'en ait pensé Galiani.

146. - Acroteria. Le mot acrotère, qui signifie le faite le sommet, et en général les extrémités d'un objet, désigne plus particulièrement dans les édifices, des piédestaux mis au milieu et aux côtés des frontons, pour soutenir des statues. Ils sont in­iqués par les lettres ABG, dans la fig. 51 (p. 327).

147. - Angularia tam alla, quantum est tympanum medium. On dirait par les mots tympanum medium que Vitruve entend qu'il faut donner aux acrotères des angles une hauteur égale à celle de la plus grande hauteur du tympan, qui est celle du milieu ; mais comme cette hauteur serait disproportionnée, il faut entendre le medium comme indiquant le milieu o (fig 51, p. 327) entre le summum a et l'imum e, par conséquent la moitié de la hauteur du tympan.

148. - Membra simula, quae supra capitula. Vitruve veut que toutes les parties qui sont au-dessus des chapiteaux des colonnes, c'est-à-dire l'entablement et le fronton, soient inclinés en avant de la douzième partie de leur hauteur, parce que des deux lignes qui partent de l'oeil, lorsqu'on regarde un édifice, celle qui s'étend vers le haut est beaucoup plus longue que celle qui touche le bas, et fait que les objets élevés paraissent renversés en arrière.C'est assez mal à propos que Perrault veut faire ici la leçon à Vitruve. e La raison que Vitruve apporte ici, qui est la longueur des lignes, n'est point vraie, dit-il, parce que, quelles que soient les lignes visuelles, tant qu'elles feront un même angle, elles représenteront toujours à l'oeil une même grandeur. » Vitruve sa­vait comme lui, répond de Bioul, que la longueur plus ou moins grande des lignes visuelles qui forment un angle n'apporte aucun changement dans l'inclinaison de l'angle : aussi ce n'est point là ce qu'il a voulu dire ; il entend que, quand ou regardé un édifice, surtout si c'est d'un peu près, les objets qui sont élevés paraissent renversés en arrière ; et c'est pour obvier en quelque sorte à ce mauvais effet qu'il veut que tous les membres élevés soient un peu inclinés en avant, c'est-à-dire de la douzième partie de leur hauteur; la ligne visuelle étant par ce moyen un peu raccourcie, et la partie supérieure du frontispice, avancée, ils paraissent moins renversés en arrière. Et non-seulement on obvie par là à ce qu'ils paraissent renversés; mais, en raccourcissant la ligne visuelle, on fait paraître l'objet plus grand ; et toutes les parties supérieures étant inclinées, les parties saillantes ne cachent pas autant les parties enfoncées qui sont immédiatement au-dessus d'elles.

 

 

149. - Columnarum striae. Ces cannelures sont des demi-canaux creusés du haut en bas, le long et autour des colonnes, au nombre de vingt-quatre, et quelquefois davantage. Striges, en latin, signifie proprement les cannelures, dit Philander, et striae les listels qui les séparent; mais ces deux mots semblent avoir été employés dans le même sens par Vitruve. Poleni distingue trois sortes de cannelures, décrites par Vitruve les cannelures à bosses, les cannelures à pans, les cannelures à vive arête. La richesse de la première sorte. qui offre des cannelures creusées en autant de demi-cercles eno, et séparées les unes des autres par des plains qui forment autant de plates-bandes oc (fig. 53),faitqu'on l'a destinée aux ordres ionique et corinthien ; c'est de celle-là qu'il est ici question. Vitruve parle des deux autres espèces à la fin du ch. 4 du IVe livre.
Il y a des cannelures avec rudentures, c'est-à-dire des cannelures remplies de roseaux ou de câbles, jusqu'au tiers du fût de la colonne ; des cannelures torses, c'est-à-dire qui tournent en vis ou en lignes spirales autour du fût d'une colonne ; des cannelures ornées, c'est-à-dire qui ont dans la longueur du fût, ou par intervalles, ou depuis le tiers d'en bas, des ornements tels que de petites branches ou des bouquets de laurier, de lierre ou de chêne, des fleurons, des roseaux, etc.

150. - Uti norma in cavo striae quum fuerit conjecta, circumacta anconibus. Le mot ancon signifie proprement le pli du coude, et généralement tout ce qui fait un angle par la rencontre de deux lignes. On peut donc, dans le mot ancon, considérer les lignes ou branches qui se rencontrent, et le point de l'angle. Ce point seul était désigné plus haut par de anconibus tetrantorum; ici il n'est question que des deux branches de l'équerre. Poser l'équerre a (fig. 53) dans les cannelures, de manière que les deux branches touchent les angles des listels qui les séparent, c'est leur donner en profondeur la moitié de leur largeur, parce que l'angle formé dans un demi-cercle est droit, d'après la trente et unième pro-position du livre IIIe d'Euclide.

 151. - Crassitudines striarum faciendae sunt, quantum adjectio in media columna. Si l'on admet la distinction de strix et de stria, strix sera la cavité du demi canal, stria l'éminence carrée qui est à chaque côté de la cavité. Stria vient de stringere, qui signifie resserrer, parce qu'il semble qu'il soit comme un pli qui fait élever une étoffe à l'endroit où elle est serrée, dit Perrault ; et, en effet, on dit que l'origine de cette invention a été prise sur les plis des vêtements des femmes.

Cette largeur de l'entre-deux des cannelures, qui doit être pareille au renflement (entasi) fait au milieu de la colonne, prouve bien que le renflement des colonnes était d'un usage bien établi du temps de Vitruve.

152. - Capita leonina. Il reste quelques modèles antiques de ces têtes de lion qui semblent n'avoir été faites que pour servir d'ornement : c'est au temple de la Fortune Virile, à la Maison carrée de Nîmes, au temple de Minerve, à Athènes, dans les ruines de Palmyre et de Balbeck (Héliopolis). Vitruve dit que ces têtes de lion doivent être sur les côtés, parce qu'elles sont destinées à l'écoulement des eaux de pluie qui tombent sur les toits ; partant il ne doit point y en avoir au frontispice, d'après le principe établi au ch. 2 du livre Ier, où l'auteur parle de la bienséance qui veut que tous les ornements qui se trouvent dans un édifice représentent quelques parties nécessaires.

153. - Mediis tegulis. Perrault ne veut point que le mot tegulae signifie tuile, et l'interprète par pierre plate, lame de métal, etc. Galiani prétend qu'il faut lire mediis canalibus. Mais les mots mediis tegulis n'ont rien d'absurde aux yeux de Newton, qui affirme que les anciens se servaient de tuiles assez grandes pour couvrir l'espace compris entre les têtes de lion ; qu'on en construit encore de semblables aujourd'hui dans une partie de l'Italie, et que la tour des Vents, à Athènes, fournit un exemple de tuiles qui ont deux pieds onze pouces de largeur, et la distance d'une tête de lion à une autre n'est que de trois pieds huit pouces. Supposons deux têtes de lion placées dans des entre-colonnements de six, de sept, de huit pieds de largeur pour les temples pycnostyles ou systyles : des tuiles moins grandes même que celles dont nous venons de parler, pourront parfaitement remplir les conditions exigées par Vitruve.

FIN DU LIVRE III