RETOUR À L’ENTRÉE DU SITE       RETOURNER A LA TABLE DES MATIERES DE VITRUVE

ATTENTION : police Athenian pour le grec.

 

VITRUVE

LIVRE QUATRIÈME.

INTRODUCTION.

A LA vue des nombreux ouvrages qui ont été écrits sur l'architecture, et dont la plupart n'offrent qu'un amas confus de principes sans ordre et sans suite, j'ai regardé, illustre empereur, comme chose honorable et utile de faire entrer clans un seul traité tout ce qui avait rapport à la science architecturale, et de classer dans chaque livre ce qui était relatif à chaque espèce de matière. Voilà pourquoi, César, j'ai traité, dans le premier livre, des devoirs de l'architecte, et des connaissances qu'il doit avoir ; dans le second, des différents matériaux qui servent à la construction des édifices, et, dans le troisième, de la forme des temples, de leurs différents genres, de leurs espèces, et de la distribution qu'il convient de donner à chaque ordre.
Parmi les trois ordres qui offrent le plus de délicatesse dans leurs parties, à cause de la proportion de leurs modules, j'ai fait connaître l'ordre ionique avec ses caractères. Je vais, dans le livre suivant, parler des qualités et des règles des ordres dorique et corinthien, et en faire voir les différences et les particularités.

I. Des trois ordres de colonnes, de leur origine et de la proportion du chapiteau corinthien.

Les colonnes corinthiennes ont les mêmes proportions que les colonnes ioniques, à l'exception du chapiteau dont la grandeur fait qu'elles sont, à proportion, plus hautes et plus déliées, puisque la hauteur du chapiteau ionique n'est que de la troisième partie du diamètre de la colonne, tandis que celle du chapiteau corinthien en a le diamètre tout entier. Cette différence en plus de deux parties de diamètre donne à la colonne corinthienne une hauteur qui la fait paraître plus délicate.
Les autres membres qui portent sur les colonnes corinthiennes empruntent leurs proportions et leur ordonnance à l'ordre dorique ou ionique. C'est que l'ordre corinthien n'a point de règles qui soient particulières à sa corniche, ni à ses autres ornements : l'ordre dorique prête à sa corniche les mutules qui conviennent aux triglyphes, et des gouttes à son architrave, et il doit à l'ordre ionique sa frise ornée de sculptures, et sa corniche avec des denticules.
Des deux ordres on a donc formé un troisième, n'ayant que le chapiteau qui lui appartienne. La forme des colonnes a fait naître trois ordres nommés dorique, ionique et corinthien : la première et la plus ancienne est la colonne dorique. L'Achaïe et tout le Péloponnèse furent gouvernés par Dorus, fils de Hellen et de la nymphe Orséide, et ce roi fit bâtir dans l'ancienne ville d'Argos, dans un lieu consacré à Junon, un temple qui se trouva par hasard être dans le genre qu'on appela dorique. On suivit ce modèle dans les autres villes d'Achaïe, à une époque où l'architecture n'était point encore une science.
Après avoir consulté l'oracle d'Apollon, à Delphes, les Athéniens, de concert avec toutes les villes de la Grèce, envoyèrent d'une seule fois, en Asie, treize colonies, ayant chacune son chef particulier. Le commandement général fut confié au fils de Xuthus et de Créuse, à Ion qu'Apollon de Delphes avait, par son oracle, reconnu pour son propre fils. Ce fut lui qui conduisit les colonies en Asie, et qui, après s'être emparé de la Carie, y fonda treize villes fameuses : Éphèse, Milet, Myonte, qui fut un jour engloutie par la mer, et dont les Ioniens transférèrent tous les droits aux Milésiens ; Priène, Samos, Téos, Colophon, Chios, Érythrée, Phocée, Clazomène, Lébédos et Mélite. L'arrogance des habitants de cette dernière ville provoqua la vengeance des autres cités, qui, lui ayant déclaré la guerre, la ruinèrent d'un commun accord. Elle fut remplacée dans la suite, grâce au roi Attale et à Arsinoé, par la ville de Smyrne, qui fit partie de la confédération ionienne.
Après l'expulsion des Cariens et des Lélèges, ces treize villes appelèrent le pays Ionie, en l'honneur d'Ion, leur chef, et se mirent à bâtir des temples aux dieux immortels dans les lieux qu'ils avaient consacrés. Le premier qu'elles construisirent fut dédié à Apollon Panionius. On le bâtit dans le genre de ceux qu'on avait vus en Achaïe, et ce genre, fut appelé dorique, parce que les villes des Doriens leur en avaient présenté de pareils.
Lorsqu'il fut question d'élever les colonnes de ce temple, comme on ne savait pas bien quelles proportions il fallait leur donner, on chercha les moyens de les rendre assez solides pour qu'elles pussent supporter le fardeau de l'édifice, sans rien perdre de la beauté du coup d'oeil. Pour cela on eut recours à la longueur du pied de l'homme qui fut comparée à la hauteur de son corps. C'est sur cette proportion que fut formée la colonne ; la mesure du diamètre qu'on donna au bas du fût, on la répéta six fois pour en faire la hauteur, y compris le chapiteau. Ainsi commença à paraître, dans les édifices, la colonne dorique offrant la proportion, la force et la beauté du corps de l'homme.
Plus tard ils élevèrent un temple à Diane, et, cherchant pour les colonnes quelque nouvel agrément, ils leur donnèrent, d'après la même méthode, toute la délicatesse du corps de la femme. Ils prirent d'abord la huitième partie de leur hauteur pour en faire le diamètre, afin qu'elles s'élevassent avec plus de grâce. On les plaça sur des bases en forme de spirale, qui figuraient la chaussure ; le chapiteau fut orné de volutes qui représentaient la chevelure dont les boucles tombent en ondoyant à droite et à gauche; des cymaises et des festons, semblables à des cheveux ajustés avec art, vinrent parer le front des colonnes, et du haut de leur tige jusqu'au bas descendirent des cannelures, à l'imitation des plis que l'on voit aux robes des dames. Ainsi furent inventés ces deux genres de colonnes : l'un emprunta au corps de l'homme sa noblesse et sa simplicité, l'autre à celui de la femme, sa délicatesse, ses ornements, sa grâce.
Dans la suite le goût et le jugement se perfectionnèrent ; l'élégance des petits modules eut de la vogue, et l'on donna à la hauteur de la colonne dorique sept de ses diamètres, et huit et demi à la colonne ionique. Cette colonne, dont les Ioniens furent les inventeurs, fut appelée ionique. La troisième, qu'on nomme corinthienne, représente toute la grâce d'une jeune fille, à laquelle un âge plus tendre donne des formes plus déliées, et dont la parure vient encore augmenter la beauté.
Voici l'anecdote que l'on raconte au sujet de l'invention du chapiteau de cette colonne. Une jeune fille de Corinthe, arrivée à l'âge nubile, fut atteinte d'une maladie qui l'emporta ; après sa mort, de petits vases qu'elle avait aimés pendant sa vie, furent recueillis par sa nourrice, arrangés dans une corbeille, et déposés sur sa tombe, et pour qu'ils se conservassent plus longtemps au grand air, elle les recouvrit d'une tuile. Cette corbeille avait été par hasard placée sur une racine d'acanthe. Pressée par le poids qui pesait en plein sur elle, cette racine d'acanthe poussa vers le printemps des tiges et des feuilles. Ces tiges grandirent tout autour de la corbeille, puis rencontrant aux angles de la tuile une résistance qui les comprimait, elles furent forcées à leur extrémité de se recourber en forme de rouleau.
Le sculpteur Callimaque, que l'élégance et la délicatesse de son ciseau firent nommer chez les Grecs
Kat‹texnow (01), passant auprès de ce tombeau, aperçut ce panier et les feuilles qui l'entouraient d'une manière si gracieuse. Charmé de cette forme nouvelle, il l'adopta pour les colonnes qu'il éleva à Corinthe. Ce fut d'après ce modèle qu'il établit et régla les proportions de l'ordre corinthien.
Or, voici quelles doivent être les proportions du chapiteau corinthien : le diamètre du bas de la colonne donnera la hauteur du chapiteau, y compris le tailloir, et la largeur du tailloir sera telle que la diagonale qui le coupe depuis un de ses angles jusqu'à l'autre, comprendra deux fois la hauteur du chapiteau. Cette extension donnera aux quatre faces du tailloir une grandeur convenable. Ces faces seront courbées en dedans, et cette courbure sera de la neuvième partie d'un côté, en mesurant d'un angle à l'autre. Le bas du chapiteau aura la même largeur que le haut de la colonne, sans le congé et l'astragale. L'épaisseur de tailloir sera de la septième partie de la hauteur du chapiteau.
Cette hauteur, moins l'épaisseur du tailloir, sera divisée en trois parties, dont une sera donnée à la feuille d'en bas ; la seconde feuille sera placée au milieu; et le même espace restera pour les caulicoles d'où naissent les troisièmes feuilles, du milieu desquelles sortent les volutes qui s'étendent jusqu'à l'extrémité des angles du chapiteau ; d'autres volutes plus petites seront sculptées au-dessous des roses qui se trouvent au milieu des faces du tailloir. Ces roses, figurées aux quatre côtés, seront aussi grandes que le tailloir est épais. Telles sont les proportions que doivent avoir les chapiteaux corinthiens pour être réguliers. Sur ces mêmes colonnes se placent d'autres chapiteaux qui portent différents noms ; mais les colonnes, conservant les mêmes proportions, ne doivent point changer celui qu'elles ont. Et ces chapiteaux n'ont reçu une nouvelle dénomination que parce qu'ils ont emprunté quelques parties à ceux des ordres corinthien, ionique et dorique, dont les proportions ont servi à en faire sculpter de nouveaux qui n'ont pas moins d'élégance.

II. Des ornements des colonnes.

Après avoir parlé ci-dessus de l'origine des différents genres de colonnes, je ne pense pas qu'il soit, non plus, hors de propos de faire connaître comment en ont été découverts les ornements, et à quelle causé on doit en rapporter l'origine. Dans tous les édifices, les parties supérieures sont faites en charpente. Les différentes pièces qui les composent prennent des noms qui varient selon l'usage auquel elles sont destinées. Les poitrails portent sur les colonnes, sur les piédroits et sur les pilastres; dans les contignations, servent les solives et les planches ; sous les toits, s'il y a beaucoup d'espace, on place, pour soutenir le faîtage, le columen (d'où les colonnes ont pris leur nom), les entraits et les contrefiches; si l'espace n'est pas considérable, on fait usage du poinçon et des forces qui s'avancent jusqu'au bord de l'entablement. Sur les forces sont placées les pannes, et ensuite, pour porter les tuiles, les chevrons, dont la saillie est telle qu'elle met les murailles à couvert.
Ainsi chaque chose, dans un édifice, doit occuper la place que lui assigne l'usage auquel elle est propre. Toutes ces différentes pièces de bois que les charpentiers font entrer dans leurs ouvrages, les architectes, dans l'édification des temples de pierre et de marbre, en ont reproduit la disposition par des ornements sculptés, et ont cru devoir en conserver l'invention. Les anciens ouvriers, dans leurs constructions, après avoir placé les poutres de manière que de l'intérieur des murs elles passassent a l'extérieur en faisant une saillie, remplissaient de maçonnerie l'espace compris entre chaque poutre, et élevaient au-dessus les corniches et les frontons qu'un habile ciseau embellissait des ornements les plus délicats ; le bout des poutres qui dépassait le niveau du mur était ensuite coupé à plomb ; mais comme le résultat de cette opération leur paraissait peu gracieux, ils taillaient de petites planches auxquelles ils donnaient la forme de nos triglyphes, et les clouaient au bout des poutres coupées ; puis ils les couvraient de cire bleue pour cacher ces coupures qui auraient choqué la vue. C'est cette manière de couvrir les bouts de poutres qui donna l'idée d'introduire, dans les ouvrages doriques, la disposition des triglyphes et les intervalles des métopes.
Quelques-uns ensuite, dans d'autres édifices, prolongèrent au droit des triglyphes le bout des forces, dont ils recourbèrent la saillie. Il en est résulté que, comme la disposition des poutres a donné les triglyphes, de même la saillie des forces a fait naître les mutules qui soutiennent les corniches. Souvent il arrive que, dans les édifices de pierre et de marbre, les mutules reçoivent du ciseau une forme inclinée, ce qui n'est qu'une imitation des forces dont l'inclinaison est nécessaire pour l'écoulement des eaux. C'est donc à ces imitations que l'ordre dorique doit l'invention des triglyphes et des mutules.
On a dit que les triglyphes représentaient des fenêtres ; c'est une erreur, il ne peut en être ainsi : les triglyphes se placent aux angles et sur le milieu des colonnes, et ce n'est point là qu'il peut y avoir des fenêtres. Ne verrait-on pas les angles d'un édifice se disjoindre, si l'on y pratiquait des ouvertures de fenêtres ?
Et si l'endroit où se voient les triglyphes était considéré comme l'emplacement des fenêtres, il faudrait dire, par la même raison, que les denticules, dans l'ordre ionique, occupent la place des fenêtres : car les intervalles qui se trouvent entre les denticules, aussi bien que ceux qu'on voit entre les triglyphes, se nomment métopes, et les Grecs appellent
ôp¡w les trous dans lesquels on fait entrer les bouts des poutres et des chevrons; nous leur avons donné, nous, le nom de columbaria : voilà pourquoi l'espace compris entre deux opes a été appelé par eux métope.
Telle est dans l'ordre dorique l'origine des triglyphes et des mutules, et dans l'ordre ionique celle des denticules, dont on retrouve la disposition dans les charpentes. Les mutules représentent l'extrémité saillante des forces; et de la saillie des chevrons ont été imités les denticules ioniques. Voilà pourquoi, dans leurs édifices, les Grecs n'ont jamais mis de denticules au-dessous des mutules ; les chevrons ne peuvent en effet se trouver sous les forces. Si ce qui doit réellement être posé sur les forces et sur les pannes vient, dans l'imitation, à être placé au-dessous, il y aura évidemment incorrection dans le travail. C'est par la même raison que les anciens n'ont point mis de mutules ni de denticules aux frontons ; ils n'y voulaient avoir que de simples corniches : ce qui est facile à concevoir, puisque ni les forces ni les chevrons ne sont disposés dans le sens des frontons, où ils ne peuvent faire saillie, et qu'ils ont, au contraire, leurs pentes vers les gouttières. Ce qui ne peut exister en réalité, ils ont pensé qu'ils ne pouvaient avec raison le représenter dans leurs imitations.
Aucune des parties de leurs ouvrages ne représente une chose impropre : toutes sont fondées sur la nature, dont ils ne s'écartent jamais; jamais ils n'ont approuvé ce dont la raison et la vérité ne pouvaient soutenir l'explication. C'est d'après ces principes qu'ils ont établi pour chaque ordre les proportions qu'ils nous ont laissées. J'ai puisé dans leurs leçons les explications que je viens de donner pour l'ordre ionique et le corinthien ; je vais maintenant dire quelques mots de l'ordre dorique, et de tout ce qui le concerne.

III. De l'ordre dorique.

Quelques anciens architectes ont dit que l'ordre dorique ne convenait point pour les édifices sacrés, à cause de ses proportions vicieuses et incommodes. Tel fut le sentiment de Tarchesius, de Pytheus et d'Hermogène. Celui-ci avait beaucoup de marbre de préparé pour construire un temple d'ordre dorique ; mais il changea d'idée, et ses matériaux furent employés à la construction d'un temple d'ordre ionique, qui fut consacré à Bacchus. Ce n'est pourtant pas que l'ordre dorique manque de grâce dans son aspect et dans son genre, ou de majesté dans ses formes ; mais il y a gêne et embarras pour la distribution des triglyphes et des plafonds ou larmiers.
En effet, dans la distribution de ces ornements, il est nécessaire que les triglyphes correspondent avec le milieu des colonnes, et que les métopes qui se font entre les triglyphes soient aussi longues que larges : cependant les triglyphes qui se trouvent aux extrémités, au-dessus des colonnes placées aux angles, ne se rapportent pas au milieu des colonnes, et les métopes les plus rapprochées des triglyphes destinés aux angles ne conservent plus la forme carrée : elles sont plus longues de la moitié de la largeur du triglyphe. Si l'on veut avoir des métopes de même grandeur, le dernier entre-colonnement devra être plus étroit que les autres de la moitié de la largeur du triglyphe ; mais, soit qu'on élargisse les métopes, soit qu'on rétrécisse les entre-colonnements, il y aura toujours quelque chose d'incorrect. Voilà sans doute pourquoi les anciens ne se sont point servis de l'ordre dorique pour les édifices sacrés.
Nous ne laissons point d'en donner ici les proportions telles que nos maîtres nous les ont transmises, afin que si on veut les observer avec exactitude, les règles en soient si clairement expliquées, qu'on puisse élever des temples d'ordre dorique qui ne laissent rien à reprendre ni à corriger. La façade du temple dorique, à l'endroit où sont placées les colonnes, doit être divisée, si l'on veut un tétrastyle, en vingt-sept parties ; en quarante-deux, si c'est un hexastyle. Une de ces parties sera le module, appelé par les Grecs
¤mb‹thw. Ce module une fois déterminé, c'est d'après lui qu'il faut régler les distributions de l'édifice.
Le diamètre des colonnes doit être de deux modules ; la hauteur, compris le chapiteau, de quatorze; la hauteur du chapiteau, d'un module, et sa largeur, de deux modules et demi. La hauteur du chapiteau doit être divisée en trois parties, une pour la plinthe et la doucine, une autre pour le quart de rond et les annelets, une autre pour la gorge du chapiteau. La diminution de la colonne doit être semblable à celle que nous avons indiquée dans le troisième livre pour la colonne ionique. La hauteur de l'architrave, avec la plate-bande et les gouttes, doit être d'un module ; la plate-bande, de la septième partie d'un module ; les gouttes qui sont sous la plate-bande, au droit des triglyphes, y compris la tringle, doivent pendre de la sixième partie du module ; la largeur du bas de l'architrave doit correspondre à celle de la gorge du haut de la colonne. Sur l'architrave doivent être placés les triglyphes et les métopes, dont la hauteur sera d'un module et demi, et la largeur, d'un module. Telle doit être la disposition des triglyphes, qu'il y en ait un de placé aussi bien au-dessus des colonnes angulaires qu'au-dessus de celles du milieu, correspondant parfaitement au droit de ces colonnes, deux dans les entre-colonnements, et trois dans les entre-colonnements du milieu, tant à l'entrée qu'à la sortie; ce qui donnera à cette dernière partie assez de largeur pour qu'on puisse, sans difficulté, se diriger vers les statues des dieux.
La largeur des triglyphes doit se diviser en six parties, cinq pour le milieu ; la sixième formera les deux demi-parties placées l'une à droite et l'autre à gauche. On tracera au milieu une règle que nous appelons fémur, et les Grecs
mhrñw . De chaque côté de ce fémur on tracera deux petits canaux, creusés selon la carne de l'équerre ; à la droite de l'un de ces canaux et à la gauche de l'autre se trouvera un autre fémur ; aux extrémités, enfin, il y aura deux demi-canaux tournés en dehors. Les triglyphes une fois placés, que les métopes, qui sont entre les triglyphes, soient aussi hautes que larges, et qu'aux angles, il y ait des demi-métopes auxquelles on fasse perdre la largeur d'un demi-module. C'est par ce moyen qu'on remédiera à tous les défauts des métopes, des entre-colonnements et des plafonds, dont les divisions seront égales.
Les chapiteaux des triglyphes doivent avoir la sixième partie du module ; au-dessus de ces chapiteaux doit se placer le larmier avec une saillie d'un demi-module et d'une sixième partie de module, comprenant la cymaise dorique qui est au-dessous, et l'autre cymaise qui est au-dessus ; le larmier, y compris les cymaises, aura de hauteur la moitié d'un module. Au plafond du larmier, il faut creuser des chemins droits, au-dessus des triglyphes, et au droit du milieu des métopes. Les gouttes doivent être disposées de telle sorte qu'il y en ait six sur la longueur, et trois sur la profondeur ; le reste de l'espace, qui est plus grand au-dessus des métopes qu'au-dessus des triglyphes, doit rester sans ornements ou ne recevoir que des foudres; vers le bord du larmier, il faudra tailler une moulure concave, qu'on appelle scotie. Tous les autres membres, comme tympans, cymaises, corniches, doivent être semblables à ceux dont on a donné la description pour l'ordre ionique.
Telles sont les proportions établies pour les édifices diastyles ; mais si l'on veut avoir un temple systyle et monotriglyphe, sa façade, si elle est tétrastyle, devra être divisée en vingt-deux parties, ou en trente-deux, si elle est hexastyle ; une de ces parties sera le module d'après lequel, comme nous l'avons dit plus haut, tout l'ouvrage sera mesuré. Au-dessus de chaque entre-colonnement doivent se trouver deux métopes et un triglyphe ; aux angles il doit y avoir l'espace d'un demi-triglyphe seulement, et à l'entre-colonnement, qui est sous la pointe du fronton, la place de trois triglyphes et de quatre métopes, afin que cet espace offre un passage plus large à ceux qui montent au temple, et que les images des dieux puissent être vues dans toute leur majesté.
Sur les chapiteaux des triglyphes doit se mettre la corniche, qui aura, comme nous l'avons dit, une cymaise dorique au-dessous, et une autre cymaise au-dessus ; cette corniche avec les cymaises sera haute d'un demi-module. Il faudra aussi sous la corniche, au-dessus des triglyphes et au droit du milieu des métopes, creuser des chemins droits, disposer les gouttes et faire les autres ornements, comme on l'a prescrit pour le diastyle.
Les colonnes devront avoir vingt cannelures. Si elles doivent être à pans, il faudra qu'elles présentent vingt angles ; si l'on veut que les cannelures soient creusées, voici de quelle manière il faudra procéder : on tracera un carré dont les côtés seront égaux à la largeur de la cannelure ; au milieu du carré se placera le centre d'un compas ; puis on décrira une ligne courbe qui passera par les angles du carré ; l'espace compris entre la ligne courbe et les côtés du carré indiquera 1a forme qu'il faudra donner à la cannelure. La colonne dorique se trouvera ainsi ornée de la cannelure qui lui est particulière.
Quant au renflement qui doit exister au milieu de la colonne, il se fera d'après les règles établies au troisième livre pour la colonne ionique.
Après avoir décrit les proportions des colonnes corinthiennes, doriques et ioniques, et ce qui concerne l'extérieur des temples, il reste à expliquer la disposition intérieure des cella et du pronaos.

IV. De l'intérieur des cella, et de la distribution du pronaos.

Voici les dimensions que l'on donne à un temple : sa largeur doit être de la moitié de sa longueur, et la cella, y compris la muraille où se trouve la porte, doit être d'un quart plus longue que large. Les trois parties que comprend le pronaos doivent s'étendre jusqu'aux pilastres qui terminent les murs, et ces pilastres doivent avoir la grosseur des colonnes. Quand le temple a plus de vingt pieds de large, on met entre les deux pilastres deux colonnes qui ferment l'espace compris entre les deux ailes, c'est-à-dire le pronaos. Les trois entre-colonnements qui sont entre les pilastres et les colonnes seront fermés par une balustrade de marbre ou de menuiserie ; on y ménagera des portes pour donner entrée dans le pronaos.
Si la largeur du temple est de plus de quarante pieds, il faudra mettre alors en dedans des colonnes sur la ligne de celles de devant ; mais voici dans quelle proportion leur grosseur devra être diminuée : si celles de devant sont grosses de la huitième partie de leur hauteur, celles du dedans le seront de la neuvième ; si les premières n'étaient grosses que de la neuvième ou de la dixième partie, il faudrait diminuer les secondes dans la même proportion. L'obscurité du lieu empêchera qu'on ne s'aperçoive de ce rétrécissement ; si pourtant elles paraissaient trop grêles, il faudrait leur faire vingt-huit ou trente-deux cannelures, en supposant que les colonnes du devant en eussent vingt ou vingt-quatre. Par ce moyen , ce qu'on aura enlevé à la tige de la colonne sera compensé par l'augmentation du nombre des cannelures qui fera moins remarquer cette diminution, et la grosseur paraîtra la même dans ces différentes colonnes.
Or, voici la cause de cet effet : l'oeil en parcourant des faces plus nombreuses et plus serrées, semble errer sur une plus vaste circonférence. Car si vous mesurez avec un fil deux colonnes d'égale grosseur, mais dont l'une soit cannelée, et l'autre sans cannelures, et que vous promeniez ce fil dans les cavités et sur les angles des cannelures, bien que ces colonnes soient de même grosseur, le fil don vous vous serez servi n'aura point la même dimension, le chemin qu'on lui aura fait faire dans les cannelures et sur le plein qui les sépare, devant le rendre plus long. Cela posé, rien n'empêche que, dans des lieux étroits, dans une espace resserré, on ne mette des colonnes plus minces, sans qu'elles paraissent l'être, puisque nous trouvons un remède dans le nombre des cannelures.
Quant à l'épaisseur des murs de la cella, elle doit être proportionnée à leur grandeur. Il suffit toutefois de donner à leurs pilastres la largeur du diamètre des colonnes. S'ils doivent être construits avec des pierres ordinaires, il faudra employer les plus petites ; si on les veut en marbre ou en pierre de taille, on prendra de préférence des quartiers médiocres et égaux, afin que les jointures des pierres du rang supérieur correspondent avec le milieu des pierres du rang inférieur, ce qui donnera à l'ouvrage plus de solidité et de durée ; de plus, les intervalles où la chaux fait saillie, à cause de la compression qui a lieu entre les joints montants et les joints des assises, donneront à l'édifice un aspect agréable.

V. De l'orientation des temples.

Les demeures sacrées des dieux immortels doivent être orientées de manière que, si rien ne s'y oppose, si l'on peut à son gré en fixer la position, la statue du dieu qui aura été placée dans la cella, regarde l'occident, afin que ceux qui viennent déposer des victimes sur l'autel ou faire des sacrifices, aient en même temps le visage tourné vers l'orient et vers l'image qui est dans le temple, et puissent, eu adressant leurs voeux, regarder et le temple et l'orient, et pour que les statues elles-mêmes paraissent se lever avec le soleil et regarder ceux qui les prient et qui leur offrent des sacrifices. Il paraît donc nécessaire que tous les autels des dieux soient tournés du côté du levant.
Si toutefois la nature du terrain ne le permet pas, il faut alors placer le temple de manière qu'il puisse avoir vue sur la plus grande partie de la ville, ou bien s'il est bâti auprès d'un fleuve, comme en Égypte où l'on construit les temples sur les bords du Nil, il importe qu'il soit tourné vers la rive du fleuve. De même, s'il doit être bâti auprès d'un grand chemin, il faudra le construire de manière que les passants puissent en regarder et saluer la façade.

VI. Portes et chambranles des temples ; leurs proportions.

Avant de s'occuper des proportions des portes et de leurs chambranles, il faut arrêter le genre qu'on veut leur donner ; car il y a trois espèces de portes, la dorique, l'ionique, l'atticurge. Les proportions de la porte dorique sont telles, que le haut de la couronne qui est placée au. dessus de la partie supérieure du chambranle soit parfaitement de niveau avec le haut des chapiteaux des colonnes qui sont au pronaos. Pour déterminer la hauteur de l'ouverture de la porte, il faut que l'espace compris entre le pavé et le plafond soit divisé en trois parties et demie, dont on doit donner deux à la hauteur de l'ouverture de la porte. Cette hauteur devra être subdivisée en douze parties, dont cinq et demie formeront la largeur du bas de la porte. Le haut devra être plus étroit de la troisième partie du chambranle, si l'ouverture de la porte, depuis le bas jusqu'en haut, est de seize pieds ; de la quatrième, si elle est de seize à vingt-cinq pieds ; de la huitième, si elle est de vingt-cinq à trente pieds. Plus elles seront élevées, plus elles devront se rapprocher de la ligne perpendiculaire.
La largeur des parties du chambranle qui font les jambages sera de la douzième partie de la hauteur de l'ouverture de la porte, et ces jambages seront rétrécis par le haut de la quatorzième partie de leur largeur. La partie du chambranle qui traverse sera aussi large que le haut des jambages. La cymaise doit avoir la sixième partie du chambranle, et sa saillie la même largeur. Cette cymaise doit être lesbienne avec un astragale. Au-dessus de la cymaise qui est à la partie du chambranle qui traverse, il faut placer l'hyperthyron, dont la largeur sera égale à celle du linteau, et lui faire une cymaise dorique avec un astragale lesbien. Enfin il faut poser la couronne plate avec sa cymaise. Elle aura en saillie la largeur du linteau qui porte sur les jambages. A droite et à gauche, les saillies doivent être telles que les extrémités des cymaises débordent et aillent se joindre exactement.
Si la porte doit être ionique, on en fera l'ouverture d'après les proportions de la porte dorique. Afin d'en avoir la largeur, on divisera la hauteur en deux parties et demie pour en donner une à la largeur d'en bas ; le rétrécissement du haut se fera comme pour la porte dorique. La largeur du chambranle sera de la quatorzième partie de la hauteur de l'ouverture de la porte ; sa cymaise, de la sixième partie de sa largeur ; le reste de cette largeur, sans la cymaise, sera divisé en douze parties dont trois seront données à la première fasce, y compris son astragale, quatre à la seconde, cinq à la troisième ; ces fasces avec leurs astragales, régneront tout le long du chambranle.
L'hyperthyron aura les mêmes proportions que celui de la porte dorique. Les consoles appelées prothyrides, taillées à droite et à gauche,, descendront jusqu'au niveau de la partie inférieure du linteau, sans comprendre la feuille qui les termine. Leur largeur par le haut sera des deux tiers de celle du chambranle, et par le bas d'un quart plus étroite que par le haut. Le bois des portes doit être assemblé de manière que les montants où sont les gonds soient larges de la douzième partie de la largeur de l'ouverture de la porte. Les panneaux qui se trouvent entre les montants auront trois de ces douze parties.
Les traverses seront disposées de telle sorte que la hauteur de la porte, ayant été divisée en cinq parties, deux soient assignées à la partie supérieure, les trois autres à la partie inférieure. Sur la ligne qui partage ces deux parties sera placée la traverse du milieu ; les autres seront assemblées l'une en haut et l'autre en bas ; la largeur de la traverse devra être de la troisième partie du panneau ; la cymaise, de la sixième partie de la traverse ; la largeur des montants, de la moitié de la traverse ; le châssis des panneaux sera large de la moitié de cette traverse et d'une sixième partie. Les montants qui sont devant le deuxième assemblage doivent avoir la moitié de la traverse. Si les portes sont à deux battants, ces hauteurs n'auront besoin d'aucun changement ; il n'y aura qu'à doubler la largeur ; dans le cas où elles seraient à deux battants brisés, il faudrait ajouter à la hauteur.
Les portes atticurges se font d'après les mesures établies pour les portes doriques ; seulement les chambranles sont entourés, sous les cymaises, de plates-bandes dont la proportion est des deux septièmes des chambranles, moins la cymaise. Ces portes ne sont point, non plus, ornées de marqueterie ; elles ne sont point à deux battants ; elles n'en ont qu'un qui s'ouvre en dehors.
Je viens de traiter des proportions qu'il c
onvient de donner aux temples bâtis selon l'ordre dorique, ionique et corinthien : je l'ai fait suivant les règles que j'ai jugées les plus raisonnables ; je vais maintenant parler de l'ordre toscan et des principes qui le constituent. 

VII. De l’ordre Toscan

Après avoir divisé en six parties la longueur de l'emplacement destiné à la construction du temple, on en déterminera la largeur en retranchant l'une d'elles. Il faudra encore partager la longueur en deux parties, dont celle du fond sera réservée aux cella, et celle du devant à la disposition des colonnes.
La largeur sera aussi divisée en dix parties: trois à droite et trois à gauche seront consacrées aux petites chapelles ou aux ailes, si l'on en fait ; les quatre autres formeront le milieu du temple. L'espace qui est en avant de la cella, le pronaos, sera disposé pour recevoir les colonnes, de manière que celles des angles soient placées dans la direction des antes qui terminent les murs. Devant les murs qui sont entre les antes, et le milieu du temple, il y aura deux colonnes disposées de telle sorte qu'elles se trouvent entre les antes, tandis que deux autres encore seront élevées au milieu des premières colonnes, et sur la même ligne : leur diamètre par le bas doit être de la septième partie de leur hauteur, et leur hauteur de la troisième partie de la largeur du temple ; le haut des colonnes sera d'une quatrième partie moins gros que le bas.
Leurs bases auront en hauteur la moitié du diamètre de la tige : elles auront une plinthe arrondie dont l'épaisseur répondra à la moitié de leur hauteur, et le tore avec le congé sera aussi haut que la plinthe. La hauteur du chapiteau sera de la moitié de la grosseur de la colonne, et l'on donnera à la largeur du tailloir tout le diamètre du bas de la colonne. La hauteur du chapiteau sera divisée en trois parties, une pour la plinthe qui tient lieu de tailloir, une autre pour l'ove, la troisième pour la gorge et le congé.
Sur les colonnes il faudra mettre des pièces de bois jointes ensemble, dont la hauteur répondra au module qu'exigera la grandeur de l'ouvrage ; l'assemblage de ces pièces de bois sera tel qu'il représentera, dans son épaisseur, la largeur du diamètre rétréci du haut de la colonne, et que, fait à l'aide de tenons et de queues d'aronde, il laissera entre chaque pièce un vide de la largeur de deux doigts. Autrement, si elles se touchaient, si l'air, par son souffle, ne venait les rafraîchir, elles s'échaufferaient et ne tarderaient pas à se pourrir.
Au-dessus de ces pièces de bois il y aura un mur, qui supportera les mutules, dont la saillie sera du quart de la largeur de la colonne. Sur ces mutules il faudra clouer les membres de la corniche qui sera de bois ; puis au-dessus on élèvera le fronton, dont l'intérieur se fera en maçonnerie ou en charpente. Ce fronton soutiendra le faîtage, les chevrons et les pannes, de manière que la saillie du toit représente le tiers du toit entier.

VIII. Des temples ronds et de ceux qui présentent d'antres dispositions.

Il se fait aussi des temples ronds ; les uns ne sont soutenus que par des colonnes, sans avoir de cella : on les appelle monoptères; les autres prennent le nom de périptères. Ceux qui n'ont point de cella ont un tribunal et des degrés qui doivent avoir la troisième partie du diamètre du temple. Les piédestaux portent des colonnes dont la hauteur est égale à la longueur de la, ligne diamétrale conduite de la partie extérieure d'un piédestal à celle d'un autre. Leur grosseur est de la dixième partie de toute la colonne, y compris le chapiteau et la base. La hauteur de l'architrave est de la moitié du diamètre de la colonne. La frise et les autres parties qui se trou-vent au-dessus, ont les proportions que j'ai établies dans le troisième livre.
Si le temple doit être périptère, il faudra établir deux degrés sur lesquels poseront les piédestaux ; la muraille de la cella sera éloignée des piédestaux de la cinquième partie environ de la largeur du temple ; on laissera au milieu un espace pour la porte d'entrée. Le diamètre de cette cella sera dans oeuvre égal à la hauteur de la colonne, moins le piédestal. Les colonnes qui doivent entourer le temple auront les proportions de celles du monoptère.
Telle doit être la proportion de la couverture que le dôme, moins le fleuron, ait de hauteur la moitié du diamètre du temple. La grandeur du fleuron sera la même que celle des chapiteaux des colonnes, moins la pyramide. Le reste semble devoir être fait selon les proportions qui ont été déterminées ci-dessus.
Il existe encore d'autres espèces de temples. Bien qu'ils aient les mêmes proportions, ils diffèrent cependant par la disposition de leur plan : tel est celui de Castor dans le cirque de Flaminius ; celui de Véjovis, placé entre deux bois sacrés ; celui de Diane, dans la forêt Aricine, qui a des colonnes ajoutées à droite et à gauche, aux côtés du pronaos. Or, le plan d'après lequel on a bâti dans le Cirque le temple de Castor, avait d'abord servi pour le temple de Minerve, dans la citadelle d'Athènes, et pour celui de Pallas, au cap Sunium, dans l'Attique. Leurs proportions sont absolument les mêmes : car la cella est deux fois aussi longue que large, et tout ce qui se trouve ordinairement aux façades a été exactement transporté aux côtés.
Quelques architectes, empruntant à l'ordre toscan la disposition de ses colonnes, l'ont adoptée pour des temples corinthiens et ioniques, et pour ceux où les côtés du pronaos sont fermés par des murs qui avancent avec leurs antes ; plaçant deux colonnes au droit des murs qui séparent le pronaos de la cella, ils font un mélange de l'ordre toscan et des ordres grecs.
D'autres en éloignant les murs du temple, et en leur faisant franchir l'espace de l'entre-colonnement, agrandissent la cella de toute la largeur du portique qui disparaît , et ne changeant rien aux proportions des autres parties du temple, lui donnent un autre plan et un autre nom, celui de pseudopériptère. Ces changements ont été introduits pour la commodité des sacrifices. Tous les dieux, en effet, ne peuvent avoir des temples construits dans les mêmes proportions, à cause de la différence que produit, dans les cérémonies, la diversité des sacrifices.
J'ai décrit tontes les espèces de temples, telles qu'elles me sont connues, et j'en ai distingué les ordres et les proportions d'après, les caractères qui leur sont propres. Les différences que présentent leurs plans, les particularités qui les diversifient, je les ai expliquées, autant qu'il m'a été possible de le faire. Je vais maintenant parler des autels des dieux immortels, et de la manière de les disposer pour la commodité des sacrifices.

IX. De la disposition des autels des dieux.

Les autels des dieux doivent être tournés vers l'orient. Il faut qu'ils soient toujours moins élevés que les statues qui sont dans les temples, afin que ceux qui adressent à une divinité leurs voeux et leurs sacrifices, reconnaissent, à la différence de leur hauteur, le degré de dignité qui appartient à chaque dieu. Or, le développement de leur hauteur doit être tel que Jupiter et les autres dieux du ciel en aient de fort hauts, Vesta et les divinités de la terre et de la mer de plus bas. C'est d'après ces règles que devront être établies les proportions des autels placés au milieu des temples.
Après avoir traité dans ce livre de l'ordonnance des édifices sacrés, nous allons, dans le suivant, nous occuper de la distribution des édifices publics.

(01) Premier ouvrier.

NOTES DU LIVRE QUATRIÈME.

1. - De earum generum varietate. Après avoir traité des genres qui appartiennent particulièrement aux temples, dont Vitruve a fait sept espèces, en établissant leurs différences sur les diverses dispositions de leurs parties, qui sont le dedans du temple, le pronaos, le posticum et les colonnes, sans avoir égard soit à leurs proportions, soit à leurs ornements ; après avoir parlé des genres communs aux temples et aux autres édifices, dont les différences sont prises de la disposition, ou de la proportion des colonnes (de la disposition des colonnes, suivant laquelle il a fait cinq espèces d'édifices ; de la proportion des colonnes et de leurs ornements, suivant lesquels il a fait trois ordres, le dorique, l'ionique et le corinthien), il va établir des règles pour la proportion des colonnes, et pour le caractère et la figure de certaines parties qui leur conviennent. La proportion des colonnes prend ses différences de leur grossièreté ou de leur délicatesse; et la figure des membres particuliers qui leur conviennent suivant leur proportion, prend ses différences de la simplicité ou de la richesse des ornements de leurs chapiteaux, de leurs bases, de leurs, cannelures et de leurs modillons ou mutules.

2. - Columnae Corinthicae. On distingue quatre ordres de colonnes, dit Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI , ch. 56). Celles qui ont en hauteur six fois le diamètre de leur partie inférieure, s'appellent colonnes doriques ; neuf diamètres caractérisent les ioniques ; sept diamètres les toscanes. Les colonnes d'ordre corinthien ont les mêmes proportions que les ioniques ; mais elles en diffèrent en ce que la hauteur du chapiteau égale le diamètre de la base, ce qui les fait paraître plus sveltes. La hauteur du chapiteau ionique, au contraire, n'est que le tiers du diamètre de la base. L'ancien rapport entre la largeur du temple et la hauteur des colonnes, était de trois à un. C'est dans le temple de Diane Ephésienne que se virent les premiers chapiteaux et les premiers piédestaux. Là aussi, on régla que la hauteur égalerait huit fois le diamètre de la base ; que les piédestaux auraient en hauteur moitié de ce même diamètre ; enfin, que celui de l'extrémité supérieure aurait un septième de moins que celui de l'extrémité inférieure. On distingue de plus les colonnes attiques, qui sont quadrangulaires et partout d'égal diamètre.

3. - Quod Ionici capituli altitude tertia pars est crassitudinis columnarum. Cette hauteur ne comprend pas ce qui pend des volutes au-dessous de l'astragale, mais seulement ce qui est au-dessus, parce que, dit Perrault, il s'agit ici de comparer la hauteur du chapiteau avec la hauteur du fût de la colonne ; ce qu'on ne pourrait faire si l’on prenait la hauteur du chapiteau entier dont une partie anticipe sur le fût ; encore ne faut-il voir dans la proportion de Vitruve qu'un à peu près ; car, sans les volutes, le chapiteau a encore quelque chose de plus que le tiers du diamètre du bas de la colonne.

4. - Corinthii tota crassitudo scapi. Serlio dit que dans tous les chapiteaux corinthiens qu'il a mesurés, il n'en a point trouvé où le tambour, sans le tailloir, ne fût plus haut que le diamètre du bas de la colonne ; ce qui le porterait à croire que le texte de Vitruve est ici corrompu. Toutefois, Vitruve déclare un peu plus loin, dans le même chapitre, que le tailloir est compris dans cette grandeur du chapiteau, comparée au diamètre du bas de la colonne.

5. - Duae partes e crassitudine Corinthiarum adjiciuntur. Toute cette hauteur ne va qu'à neuf diamètres et un sixième, parce que le chapiteau corinthien qui avait de hauteur le diamètre tout entier ne pouvait donner à la colonne corinthienne, de plus qu'à la colonne ionique, que deux tiers de diamètre, qui, joints à huit et demi, font neuf un sixième.

6. - Cetera membra. Ces autres membres sont l'architrave, la frise et la corniche. Je ne sache point, dit Perrault, que personne ait fait réflexion sur cet endroit de Vitruve où il est dit, ce me semble, assez clairement, que les anciens mettaient indifféremment sur les colonnes corinthiennes des entablements tantôt doriques, tantôt ioniques. Il ne reste point d'exemple de colonnes corinthiennes qui aient un entablement dorique, comme il en est resté qui en ont un ionique, au Panthéon, au temple de Faustine et au portique de Septimius.

7. - Sed aut e triglyphorum rationibus mutuli in coronis, et in epistyliis guttae Dorico more disponuntur. Les mutules sont des espèces de modillons carrés qui servent de couronnement aux triglyphes. Vitruve, dans la description qu'il donne de la corniche dorique, n'en fait aucune mention, dit Perrault ; il met seulement au droit des triglyphes, à la place des mutules, trois rangs de gouttes attachées sous le plafond du larmier ; néanmoins, dans le chapitre qui suit, de même qu'ici, il joint les triglyphes avec les mutules. La vérité est que les corniches où il y a des mutules ont plus de grâce que les autres qui sont trop petites : car les mutules augmentent beaucoup la saillie et la hauteur de cette corniche.

8. - Zophori scalpturis ornati cum denticulis. De même que la moulure appelée échine, à cause des espèces de châtaignes qui y sont taillées, ne laisse pas de porter le même nom dans le chapiteau dorique, bien qu'elle ne soit pas taillée, de même il y a apparence que le membre carré, qui d'ordinaire est recoupé dans l'ordre ionique, peut être appelé denticule, lors même qu'il n'est pas recoupé ; et on peut croire, dit Perrault, que Vitruve a entendu qu'il ne doit point l'être dans la corniche corinthienne quand elle a des modillons, puisqu'il déclare au chapitre suivant qu'on n'a jamais vu dans les ouvrages des Grecs de denticules au-dessous des modillons, c'est-à-dire des denticules taillés. Or, quand il dit que la corniche corinthienne n'a rien de particulier, il, faut l'entendre de celle qui est sans modillons, dans laquelle le membre carré du denticule est coupé et taillé comme à la corniche ionique.

9. - Dorus. Bien que les Doriens, une des quatre tribus helléniques, eussent pour héros Éponyme Dorus, fils d'Hellen, ils ne descendaient pas de lui, puisqu'ils existaient déjà sous Deucalion (1635 avant J.-C.).

10.- Argos. On voit à Argos des ruines nombreuses : une citadelle dont les assises sont de construction cyclopéenne, un amphithéâtre, des vestiges de temples, etc.

11.- Junonis templo aedificavit ejus generis fortuito formae fanum. Galiani fait remarquer que le mot templum, dans son origine, voulait dire un lieu consacré et destiné à la construction d'un temple, et le mot fanum le temple même. En effet, on trouve un peu plus loin dans le texte, templa constituentes coperunt fana aedificare, c'est-à-dire qu'ils consacrèrent d'abord un lieu choisi (templum), et qu'ils y bâtirent ensuite un temple (fanum), ce qui confirme l'observation de Galiani. Il n'en est pas moins certain que ces deux mots ont été indistinctement employés par les auteurs latins pour exprimer la même chose.

12. - Et summum imperii potestatem Ioni, Xuthi et Creusae filio, dederunt. Selon Pausanias (liv. VII , ch. 1, 2, 3,4 ) , Vitruve ferait, à l'égard de cet établissement, un anachronisme assez considérable, quand il dit qu'Ion, fils de Xuthus, conduisit dans l'Asie Mineure les colonies qui construisirent le temple de Diane d'Éphèse. Ces colonies ne s'y transportèrent que quatre cents ans après lui, sous la conduite de Nylée et des autres fils de Codrus, mécontents de leur frère Médan, à qui la Pythie avait adjugé le royaume d'Athènes.

13. - Ephesum. Éphèse est surtout célèbre par le temple magnifique de Diane, qui fut incendié par Erostrate, et rebâti depuis avec plus de magnificence encore.

14 - Myunta. Bien que Pausanias (liv. VII , ch. 2) ne raconte pas de la même manière la ruine de Myonte, il dit néanmoins que les eaux furent la première cause de l'abandon de cette ville par les habitants, qui se réfugièrent à Milet, à cause de la quantité prodigieuse de cousins produites par des eaux stagnantes.

15.- Idem in columnam transtulerunt. L'analogie que Vitruve établit entre le corps de l'homme et une colonne, est un peu forcée. Quelle conformité y a-t-il, en effet, entre le rapport de la longueur du pied à la hauteur de l'homme, entre celui du diamètre du bas de la colonne à la longueur. On ne laisse pas toutefois de l'admettre à cause de la perfection du corps humain pris pour modèle. On ne trouve, non plus, rien de ridicule dans la comparaison de la colonne dorique avec la vigueur mâle et robuste de l'homme, de la colonne corinthienne avec la taille souple et gracieuse d'une jeune fille, de la colonne ionienne avec le corps d'un jeune homme qui n'a ni la vigueur de celui de d'homme fait, ni la délicatesse de celui de la jeune fille. C'est peut-être trop caresser l'idée de cette analogie, que de comparer la base d'une colonne à des chaussures , et les volutes à des boucles de cheveux.

16. - Et qua crassitudine fecerunt basim scapi. Le mot basis signifie ici, non la base, mais le bas du fût de la colonne car dans les anciens temps, la colonne dorique n'avait point de base, comme on le voit dans les monuments qui nous restent encore de cette architecture, particulièrement dans les temples de Pestum, de Girgenti et d'Athènes, où les colonnes posent immédiatement sur un piédestal. Cet ancien ordre n'était qu'une copie de quelque morceau de l'architecture égyptienne, que les colonies amenées en Grèce par Cécrops leur avaient sans doute fait connaître. Les proportions n'étaient pas les mêmes que celles qu'on leur donna ensuite. Il n'y eut pas d'autre architecture en Grèce que ce dorique massif, jusqu'à l'époque où elle envoya des colonies en Asie.

17. - Et cymatiis et encarpis. Par le mot cymaise, Vitruve entend sans doute le tailloir du chapiteau ionique. Quant au mot encarpi, dont Vitruve se sert pour désigner les festons de fleurs ou de fruits qui ornent la volute ionique, il a singulièrement exercé les commentateurs. Philander croit qu'il signifie ces guirlandes de fleurs et de fruits (karpñw, fruit) qui ornent quelquefois la frise ionique. Perrault l'a rendu par gousse, croyant que c'était cet ornement du chapiteau ionique, formé de trois gousses de fèves uuu, qu'on voit sortir de l'angle où la volute rencontre l'ove (fig. 46, p. 314). Ces deux opinions peuvent être admises, puisqu'on voit dans les chapiteaux antiques de ces gousses et de ces festons. Cependant Galiani croit, avec beaucoup de vraisemblance, que le mot encarpi désigne cet ornement contourné, formé de feuilles ou d'autres choses que les anciens mettaient dans le creux ou enfoncement de la volute. Il a suivi ce sentiment, dit de Bioul, parce qu'il trouve que l'expression encarpis pro crinibus ne peut se rapporter ni aux gousses ni aux festons, qui ont peu de rapport avec une chevelure. Je ne sais, dit Perrault, si Michel-Ange, qui a mis des festons dans le chapiteau ionique qu'il a inventé, s'est fondé sur cet endroit de Vitruve ; mais il est certain qu'il n'y en avait point dans le chapiteau antique...

18. - Strias.... demiserunt. Sponius, dans sa relation d'Athènes, avait écrit qu'il était persuadé que les cannelures n'avaient été en usage qu'après le siècle de Néron. Puis, dans son Voyage d'Italie, t. II, il chante la palinodie, soutenant toutefois que les cannelures ne sont pas aussi anciennes qu'on le pense ordinairement. Mais ce passage de Vitruve montre assez que leur invention date de celle de l'ordre ionien.

19. - Septem crassitudinis diametros in altitudinem columnae Doricae. D'après Perrault, les proportions des membres d'architecture n'ont point une beauté qui ait un fondement tellement positif, qu'il soit de la condition dès choses naturelles, et pareil à celui de la beauté des accords de la musique qui plaisent à cause d'une proportion certaine et immuable qui ne dépend point de la fantaisie : car la proportion qui fut premièrement donnée à la colonne dorique et à l'ionique, a été changée ensuite, et pourrait encore l'être sans choquer ni le bon sous ni la raison.

20. - Ionicae novem. Joconde, Perrault, Ortiz, de Bioul, en dépit des manuscrits et des éditions de Vitruve, ont traduit comme s'il y avait dans le texte lonicae octo semis. C'est une erreur qui est repoussée et par Pline, qui a dit (Hist. Nat., liv. XXXIV, ch. 51) : « Columnae quae sextam partem altitudinis in crassitudine ima habent, Doricae vocantur, quae nonam lonicae; » et par M. de Chanibray, qui, dans son Parallèle d'architecture, assure que les colonnes ioniques du théâtre de Marcellus et du temple de la Fortune Virile ont de hauteur dix-huit modules, c'est-à-dire neuf fois leur diamètre.

21. - Poculis delectabatur. Sauntaise trouve ridicule la version poculis, comme s'il n'y avait que de petits vases qui pussent servir de joujoux à des petites filles, et veut qu'on mette joculis à la place de ce mot. Poleni trouve le mot pocula admissible, et Galiani n'y voit rien à reprendre; seulement il explique que ces petits vases n'étaient point vides ; qu'après les avoir remplis de mets, on les recouvrait de tuiles, pour que le contenu fût conservé, précaution inutile, s'ils avaient été vides. Je ne sais trop où j'ai lu que de jeunes mères allaient mêler leur lait aux larmes qu'elles versaient sur la tombe de leur enfant.

22. - Monumentum. Il est ici question non d'un tombeau , comme l'ont cru quelques commentateurs, mais de ce simple tumulus qu'on voit dans nos cimetières.

23. - Supra acanthi radicem. Il y a deux espèces d'acanthe, l'une petite, à feuilles piquantes et frisées (acanthes spinosus), l'autre lisse et unie (acanthes mollis). Presque tous les poètes ont parlé de l'acanthe, dit un annotateur de Pline, et l'on sait quelle célébrité elle a acquise en architecture pour avoir fourni le principal ornement du chapiteau corinthien (fig. 54). Les sculpteurs gothiques avaient aussi adapté l'acanthe dans leurs ornements d'architecture ; mais au lieu de prendre l'acanthe cultivée, comme les anciens, ils avaient adopté l'acanthe épineuse , dont les formes sont beaucoup moins gracieuses. Virgile (Égl. III, v. 45) entoure de cette feuille les coupes destinées à récompenser les vainqueurs du chant.

 

 

 

Il est à remarquer, dit Perrault, que les architectes romains n'ont pas imité les ouvrages de Callimaque dans leur chapiteau corinthien : car ils y ont mis le plus souvent des feuilles qui sont fort différentes de celles de l'acanthe, qu'ils ont réservées pour l'ordre composite, comme on le voit à l'arc de Titus. Ces feuilles sont bien plus profondément refendues, et ou les appelle feuilles d'olivier ou de laurie r; et le chapiteau composite dont les volutes ne naissent pas des feuillages, mais qui sortent du vase, pouvait avec plus de raison admettre ces feuilles de laurier (fig. 55) . Villalpande prétend que les feuilles d'acanthe n'ont jamais été mises dans les chapiteaux corinthiens par les anciens; on remarque néanmoins le contraire dans plusieurs chapiteaux qu'on retrouve encore dans la Grèce, et même aux colonnes des Tutelles à Bordeaux.

 

24. - Animadvertit eum calathum. Philander a vu à Rome, bien qu'en petit nombre, des chapiteaux dont le travail assez grossier représentait parfaitement la corbeille (fig. du titre de ce volume) qui avait donné l'idée du chapiteau corinthien. Il a vu aussi, sur le mont Quirinal, un chapiteau dont la figure était celle d'une corbeille avec toutes les baguettes entrelacées dont elle est faite, et ayant un tailloir en place de tuile.

25. - Corinthii generis distribuit rationes. Il y a des personnes qui prennent pour une fable l'anecdote de Vitruve, et qui pensent qu'il n'y eut jamais en Grèce d'ordre corinthien, parce que les ruines des anciens monuments grecs n'en offrent aucun modèle. On dit que les Romains donnèrent à ce genre le nom de corinthien, peut-être parce que les chapiteaux auxquels on donna d'abord cette forme, furent composés de ce métal mêlé qu'on avait l'habitude de nommer corinthien ; on ajoute que, quoique la lanterne, dite de Démosthène, et la tour des Vents eussent été construites d'après les règles de cet ordre, cela ne prouverait rien autre chose, sinon que ces édifices ont été construits après l'invention du genre corinthien par les Romains. Ainsi, Vitruve aurait enlevé à sa nation la gloire de cette invention pour l'attribuer aux Grecs, et aurait fait à Auguste un mensonge public, dans un moment où le souvenir de la ruine de Corinthe était encore tout récent. Mais pouvait-on ignorer alors l'histoire de la découverte de ce genre de colonne ? C'est probable ; et faut-il s'en étonner, surtout si nous considérons que la plupart du temps nous ignorons les noms des inventeurs, et l'époque des inventions auxquels on rattache souvent une fable ? Ceux qui défendent l'opinion que l'invention de l'ordre corinthien appartient aux Romains, s'appuient sur un passage de Pline (Hist. Nat., liv. XXXIV, ch. 7), où cet auteur dit que le préteur Cn. Octavius, celui qui fut décoré du triomphe naval pour avoir vaincu Persée, éleva dans le cirque Flaminius un double portique, que ses colonnes à chapiteaux d'airain firent appeler portique corinthien. Ce ne fut point assurément parce qu'ils auraient été faits avec cet alliage renommé dont on dut la découverte au hasard, lors de l'incendie qui suivit la prise de Corinthe par L. Mummius, l'an de Rome 608, puisque le triomphe de Cn. Octavius eut lieu en l'année 586. Ajoutons encore que le temple de Jupiter Olympien à Athènes était d'ordre corinthien, et qu'il fut bâti par Cossutius, architecte romain, un siècle avant l'incendie de Corinthe. D'ailleurs les chapiteaux corinthiens qu'on remarque dans les ruines de la Grèce et de Palmyre, sont bien antérieurs au temps de la domination romaine. Pausanias (liv. VIII) fait mention d'un temple qui est orné à l'intérieur de colonnes doriques, au-dessus desquelles il y en a de corinthiennes ; les colonnes extérieures sont ioniques.

 

26. - Abaci latitudo. Le plan du chapiteau (fig. 56, p. 384) est conforme, je crois, à la description qu'en a donnée Vitruve. Chaque côté du carré ADCB est d'un module et demi ; les diagonales AB, CD, ont deux fois la hauteur du chapiteau ; la courbure de l'abaque mi est la neuvième partie du côté du Carré AC, la petite face r ne va pas jusqu'à B, comme cela se fait aux chapiteaux qui ont une hauteur plus grande que le diamètre du bas de la colonne, et dont le plan se trace d'une autre manière : car AED est un triangle équilatéral dont le côté AD étant divisé en dix parties, une de ces parties est égale à l'enfoncement no, suivant lequel en traçant une ligne du centre E, on a les coins du tailloir aux endroits où cette ligne courbe coupe la ligne xu qui touche l'extrémité de la diagonale CD, et qui est parallèle à l'autre diagonale AB.

 

27. - Sinuentur introrsus. C'est-à-dire que la ligne de la face du tailloir CB, qui se développe entre les angles CB, doit être conduite à l'intérieur de manière à former une courbe dont le plus grand éloignement de la droite soit mi.
Vitruve ne dit pas qu'il faille recouper les quatre angles de l'abaque de ce chapiteau, comme on le fait ordinairement aujourd'hui : ce qui porterait à croire qu'il n'aurait voulu parler que des abaques terminés par des angles aigus ; il y a, en effet, plusieurs exemples de chapiteaux ainsi terminés dans les monuments antiques, entre autres ceux du temple de Vesta à Rome.

28. - Praeter apothesin. Le congé, nommé aussi apophige et escape, est la retraite qui se fait en dedans par un trait concave e (fig. 40, p. 306), depuis le filet a jusqu'au nu de la colonne e.

29. - Quae ex cauliculis notae. Les caulicoles sont de petites tiges, ordinairement cannelées et quelquefois torses A l'endroit où elles commencent à jeter les feuilles qui produisent et soutiennent les volutes, elles ont un lien en forme d'une double couronne. Il faut remarquer, dit Perrault, que sous le nom de caulicoles, Vitruve comprend ici non seulement les tiges cannelées, mais encore les feuilles qui en naissent, et les volutes qui sortent des feuilles.
Ce ne sont point les feuilles des caulicoles qui soutiennent le tailloir, ce sont les volutes qui sont immédiatement sous le tailloir ; et les extrémités des feuilles recourbées soutiennent les volutes.

30. - Minoresque helices. Ces volutes, appelées par Vitruve heures, à cause de leur forme entortillées sont qualifiées de petites, par opposition à celles des coins, qui sont beaucoup plus grandes Les vrilles de la vigne sont nommées en grec §likew.

31. - Sunt autem , quae iisdem columnis imponantur capitulorum genera. Vitruve semble parler ici du chapiteau de l'ordre composite, qui est fait de l'assemblage des parties des autres chapiteaux, comme de celles de l'ionique, dont il emprunte l'échine et les volutes, et de celles du corinthien, dont il a les feuillages. Ceux qui prétendent avec Philander que Vitruve n'a point parlé de l'ordre composite, dit Perrault, se fondent sur ce qu'il a dit, que la diversité des ornements du chapiteau ne change point l'espèce de la colonne, comme si la différence spécifique des colonnes consistait dans la proportion de leur hauteur comparée à leur grosseur ; malgré cette raison, on peut dire sans erreur que Vitruve a traité de l'ordre composite aussi bien que du corinthien, puisque, selon lui, l'ordre corinthien n'est différent de l'ionique que par le chapiteau , et qu'il est vrai que le seul changement des ornements du chapiteau peut faire un ordre différent, bien que la proportion de toute la colonne ne soit en rien changée : car les ordres composites qui nous restent des anciens, tels que sont ceux de l'arc de Titus et de celui de Vérone, n'ont rien dans leurs colonnes qui soit différent de l'ordre corinthien, que les ornements du chapiteau. Cependant Philander dit que l'ordre composite n'a été introduit que longtemps après Vitruve, bien que l'on croie que le baptistère de Constantin, qui est d'ordre composite, ait été bâti des ruines d'édifices très anciens, et que le temple de la Concorde, dont on voit encore des restes à Rome , ait été fait par Camillus, qui vivait longtemps avant Vitruve : or, les colonnes de ce temple tiennent de l'ionique et du dorique, ce qui peut les faire passer pour composites; à moins que Philander n'entende par ordre composite un certain ordre réglé, qui est celui qu'on appelle autrement italique, et non pas tout ce qui participe de plusieurs autres ordres : ce qui fait que quelques-uns nomment composés les ordres qui peuvent être infinis, et les distinguent du composite, qui est un ordre fixé, et qui a une figure et des proportions certaines et établies dans un grand nombre de fameux édifices.
Ces différents chapiteaux qu'on avait coutume de placer sur les colonnes corinthiennes, et que les ornements seuls distinguent du chapiteau corinthien, ne suffisaient point, selon Vitruve, pour former un ordre particulier, ce qui fait croire à de Bioul, malgré l'opinion de Perrault, que ce n'est point de l'ordre que nous avons appelé composite que l'auteur latin parle ici ; on ne le connaissait probablement pas alors. Il parle donc de ces chapiteaux qui sont semblables au chapiteau corinthien, et en ont toutes les proportions, mais qui en différent par la bizarrerie des emblèmes dont ils étaient ornés. C'étaient des symboles qui faisaient allusion à la divinité du temple, ou à la destination de l'édifice. J. B, Montano a publié un recueil considérable de dessins qui représentent une infinité de ces chapiteaux antiques, remarquables parleurs singularités. Celui de la figure de la 13e planche est du nombre il représente un des chapiteaux du temple de Jupiter Tonnant, au Capitole ; on le voit encore à Rome aujourd'hui. Dans les uns ce sont des cornes d'abondance qui tiennent lieu de volutes : c'est pour un temple de Cérès ; dans d'autres ce sont des aigles c'est pour un temple de Jupiter ; pour un temple de Neptune, ce sont des tridents qui remplacent les fleurs. Si l'on réfléchit bien aux paroles du texte, ce n'est que de ces chapiteaux qu'il est question.

32. - De ornamentis eorum. Ces ornements sont l'architrave, la frise et la corniche, ce qu'on appelle en français entablement ou couronnement. Ce nom d'ornement est assez impropre pour désigner des parties si essentielles dans les bâtiments, et au soutien même desquelles sont destinées les colonnes. Il ne devrait s'entendre que de choses ajoutées aux membres essentiels, comme les sculptures taillées dans tes frises, les moulures des architraves, des corniches, des bases, des tailloirs, etc.

33. In aedificiis omnibus. Cela ne doit s'entendre que des bâtiments ordinaires, et non des grands et magnifiques édifices où l'entablement est de pierre, mais dont toutes les parties sont faites à l'imitation de ceux qui sont composés de plusieurs pièces de bois. Dans quelques temples, les architraves qui servaient de travées au dedans des péristyles étaient de bois : l'historien Josèphe rapporte qu'au superbe temple qu'Hérode fit bâtir à Jérusalem, les architraves étaient de bois de cèdre.

34 . - Supra columnas et parastaticas et antas. Les antes que nous avons déjà appelées pilastres, dit Perrault, et les parastaticae, que nous appelons ici piédroits, ne sont le plus souvent qu'une même chose ; on y peut pourtant mettre cette différence que le mot antae convient mieux aux pilastres plats, quine montrent que la partie de devant, et celui de parastaticae aux piédroits, qui sont des piliers carrés, ou qui sortent du mur de la moitié ou des deux tiers du carré.

35. - In contignationibus ligna et axes. Les contignations, ou planchers, pourraient, si elles étaient inclinées, servir pour les toits, puisqu'un toit se compose de forces, d'entraits, de pannes, de chevrons, de tuiles, et le plancher de poutres, de soliveaux de lattes, de carreaux.
On dit aussi asses, au lieu de axes. Ces mots qui ont formé coaxatio et coassatio, signifient des planches de bois divisées. Quant au mot asseres, il se traduit par celui de chevrons, c'est-à-dire pièces de bois de sciage de trois ou quatre pouces d'équarrissage, sur, lesquelles sont attachées les lattes qui portent les tuiles et les ardoises (z, fig. 57; zz, fig. 58 , p. 389).

 

36. - Columen in summo fastigio culminis. Tous les interprètes, dit Perrault, ont cru que le mot columen signifiait faîtage, sans considérer que Vitruve le distingue de culmen. Les grammairiens, il est vrai, prennent ces deux mots indifféremment l'un pour l'autre, bien qu'ici ils signifient des choses différentes : car le culmen ou faîtage est une longue pièce de bois e (fig. 57),qui se pose à niveau au haut du toit, qui porte le sommet d'un comble, et où vont se terminer les chevrons ; et le columen ou poinçon est une autre pièce de bois ii qui se pose à plomb, à la quelle sont assemblés les forces an et le faîtage e (culmen) qu'il soutient. Voilà pourquoi Vitruve dit que le mot columnae vient de columen. Il y a deux choses ici qui font voir que, bien que Vitruve emploie quelquefois columen pour exprimer le faîtage, comme au ch. 7 de ce livre, il est pourtant certain qu'il le prend dans ce passage pour désigner le poinçon :la première est que le faîtage ne fait point l'office d'une colonne comme le poinçon ; la seconde, que le texte dit que columen et cantherii sunt aliquando prominentes ad extremum subgrundationem, c'est-à-dire que le columen et les forces descendent quelquefois, jusqu'au droit de l'entablement, ce que ne peut faire le faîtage.

 

37. - Transtra. L'entrait est une maîtresse pièce de bois dont les deux bouts xx (fig. 57, p. 387) s'appuient sur des murs, et dans laquelle s'assemble le pied des forces. Les hauts combles ont deux entraits, dont le premier se nomme grand ou maître-entrait, et celui de dessus petit entrait, dont les deux extrémités vont se lier aux deux forces.

38. - Capreoli. Les contre fiches sont des pièces de bois assemblées avec le poinçon et les forces, et en décharge des pans de bois ss (fig. 57). Les Latins les ont sans doute nommées capreoli à cause de la ressemblance qu'elles ont avec des cornes de chèvre, qui, s'écartant à droite et à gauche sont assez bien représentées par les contrefiches qui, sortant de çà et de là du poinçon, vont soutenir les forces.

39. - Cantherii. Les forces nn sont deux poutres qui s'élèvent diagonalement des deux côtés, s'unissent en pointe en se rencontrant dans le milieu, et forment un triangle avec l'entrait (fig. 57). L'assemblage d'une charpente composée au moins de deux forces, d'un entrait et d'un poinçon, s'appelle ferme.

40. - Supra cantherios templa. Les pannes sont des pièces de bois oo (fig. 57), qui s'assemblent sur les forces d'un comble, et servent à soutenir les chevrons. Souvent elles sont portées sur des tasseaux et des chantignoles.
Un tasseau est un petit morceau de bois arrêté par tenon et mortaise sur les forces.
Une chantignole est un petit corbeau de bois sous un tasseau, entaillé et chevillé sur les forces.

41. - Tigna prominentia. Ce bout de poutre b (fig. 58,) est représenté sortant du niveau du mur, marqué par le plomb ru de la partie bqq.

42. - Inter ligna struxerunt. Cet espace vide qui est marqué h dans la fig. 58, et qui se trouve entre les poutres b et d, fut rempli de maçonnerie g. Il sera bientôt appelé métope.

 

43. - Projecturas tignorum. Le plomb ru placé au niveau de la muraille, détermine la ligne qq. C'est la saillie qqb qui était coupée ; d représente la poutre coupée.

44. - Quae species quasi invenusta. Vitruve dit qu'on clouait comme un ornement, des triglyphes v (fig. 58) sur le bout des poutres; mais ce n'est, selon de Bioul, qu'une pure conjecture: car de son temps il ne subsistait plus de ces anciens temples, et il ne donne aucune raison de cette espèce d'ornements.

45. - Uti nunc fiunt triglyphi. Les triglyphes sont donc placés à l'endroit où, dans les plus anciens temps, les poutres du plafond intérieur des temples avançaient au dehors et passaient sur une poutre de bois, laquelle portait immédiatement sur les colonnes. Dans les triglyphes se trouvent deux rainures et deux demi-rainures qu'on faisait à l'extrémité des poutres, pour en rendre l'aspect plus agréable : puisqu'on les peignait avec de la cire teinte eu bleu, façon de peindre des anciens dont il sera parlé dans le VIIe livre. Il semble aussi qu'on faisait au bout des poutres des entailles, afin que l'eau des pluies ne pût pénétrer par les pores du bois, et pourrir l'extrémité des poutres; réunie dans ces rainures, elle ne pouvait y séjourner; elle coulait de suite par dessous et s'y formait en gouttes p ( fig. 58). Ce sont ces gouttes que les architectes ont imitées avec le marbre.

 

 

46. - Cantherios prominentes projecerunt. Cette saillie est marquée re, rc, dans les forces xx de la fig. 58, p. 389. Perrault, qui s'est imaginé que Vitruve voulait dans ce passage décrire l'espèce de toit qu'on emploie aujourd'hui en France, comprend difficilement que les forces puissent avoir des saillies en dehors, parce que leur principal usage étant de porter toute la couverture, il est impossible qu'elles aient la force qui leur est nécessaire pour cela, si elles ne sont solidement appuyées sur les poutres ou sur les plates-formes ; ce qui ne saurait être avec ces saillies. Il aurait dû, pour faire disparaître toutes ces difficultés, s'en tenir à l'idée qu'il développe lui-même sur la disposition des toits des anciens qui était différente de celle des nôtres, et qui faisait que les forces, les pannes et les chevrons pouvaient produire d'autres effets : car les toits des anciens étant bas, sans pente droite comme les nôtres, les forces étaient couchées de telle sorte qu'appuyant presque également sur le faîtage et sur l'entablement, et non pas sur des poutres ou tirants, de même que dans nos toits, elles pouvaient sortir hors de l'entablement et descendre, comme lé dit Vitruve, usque ad extremum subgrandationem, sans être en danger de glisser, pour peu qu'elles fussent attachées au faîtage ; et ainsi elles pouvaient faire le même effet que les chevrons, et produire les mutules dans l'ordre dorique, et les modillons dans le corinthien, de même que les bouts des chevrons produisent les denticules dans l'ordre ionique. Si l'on objectait que les modillons sont trop près à près pour représenter les forces qui sont beaucoup plus espacées que les chevrons, et que les triglyphes sont bien plus serrés que les poutres qui ne portent que sur les colonnes, puisqu'il y a deux et quelquefois trois triglyphes entre chaque colonne, il n'y aurait qu'une chose à répondre : c'est que les modillons qui sont au droit des colonnes sont les seuls qui représentent les bouts des forces, et que ceux qui sont entre deux y sont ajoutés. pour la-bienséance, de même que les triglyphes.

 

47. - Proiecturas sinuaverunt. Nous ne voyons pas trop clairement, dit de Bioul, quel était l'espèce de contour dont les anciens embellissaient l'extrémité des forces; je crois néanmoins que Vitruve entend par là cette sinuosité dont le contour agréable ressemble à une gorge droite, comme elle est représentée (fig. 59) , mm.

 

48. - Mutulorum sub coronis. Le mot mutule signifie généralement en latin un membre d'architecture qui a une saillie , et qui soutient la corniche, quelle qu'en soit la forme. Perrault dit que ces mutules ne furent connus qu'après Vitruve. Le Panthéon cependant, qui date du temps de Vitruve, est orné de ces sortes de mutules.

 

49. - Mutuli inclinatis scalpturis. Le mot inclinati, qui se trouve dans quelques éditions, semblerait faire entendre que les mutules et les forces sont inclinées de la même manière ; ce qu'il n'est pas possible de croire. Car, si telle devait être l'inclinaison des mutules, telle serait celle non seulement du larmier, mais encore celle des autres membres du haut de la corniche ; or, il n'est personne qui voulût prêter cette idée à Vitruve, qui a dit d'ailleurs clairement que tous les membres qui doivent être au-dessus des chapiteaux des colonnes, comme les épistyles, les frises, les corniches, les tympans, les faîtes, les acrotères doivent pencher en avant de la douzième partie de leur hauteur. Ce n'est donc point l'inclinaison des forces qui doit régler celle des mutules. Et puis la correction introduite par Poleni, inclinatis scalpturis, est justifiée par l'inclinaison des gouttes (guttis inclinatis), qui ornent le dessous du larmier de la corniche d'ordre dorique du théâtre de Marcellus, acne (fig. 6o) ; voilà bien certainement l'inclinaison recommandée par Vitruve pour les mutules. Perrault est le seul, dit Poleni, qui ait fait remarquer cette inclinaison des gouttes; mais il ajoute que ces gouttes ne passent point dans cette corniche pour des mutules je ne veux point dire qu'elles en soient ; mais je pense qu'on peut faire pour les mutules ce qu'on a fait pour les gouttes. Selon Perrault, il ne nous reste point d'exemple de ces mutules inclinées, et Philander assure qu'il ne s'en trouve point. Cependant tout en convenant de leur extrême rareté, Stratifia assure qu'on en voit a Agrigente et à Athènes.

50. - Fenestrarum imagines esse triglyphos. Jamais les triglyphes n'ont représenté des fenêtres, dit de Bioul ; si quelques personnes l'ont cru, c'est qu'elles ont confondu les triglyphes avec les métopes. Ces deux parties composaient les frises de l'ordre dorique. Les triglyphes, comme nous l'avons vu, représentent les extrémités des poutres, et les métopes l'intervalle qui se trouve entre deux poutres, ce qui fait que Vitruve appelle ici les métopes intertignia, et le triglyphe opa, parce que opa signifie en grec, le lit ou la place de la poutre. L'intervalle qui se trouve entre deux poutres, appelé métope, était revêtu de maçonnerie, comme le fait remarquer l'architecte romain ; mais il parait que dans les plus anciens temps cet espace restait vide, ce qui donnait du jour à l'entablement. C'est un passage d'Euripide qui me donne cette idée : car au moment où Oreste et Pylade concertent ensemble les moyens d'entrer dans le temple de Diane, en Tauride, pour enlever la statue de cette déesse, Pylade propose à son ami de passer entre les triglyphes, à l'endroit où il y a une ouverture ; ainsi que je crois devoir l'interpréter
÷ra d' ¤g' eàstv triglæfvn, ÷poi kenòn
d¡maw kayeÛnai.

(Iphigénie en Tauride, v,113.)

51. - Contraque tetrantes columnarum. Tetr‹w, en grec, comme tetrans, en latin , signifie non le quart d'une chose, mais la chose divisée en quatre par le moyen d'une croix.

52. - Dissolvantes enim angulorum in aedificiis juncturae. Les plus beaux édifices de Venise ont le défaut d'avoir des fenêtres aux angles. C'est cependant aux angles que doit être la construction la plus solide ; qu'un des angles vienne à manquer, sa chute entraînera celle de l'édifice. Aussi voyons-nous dans les édifices anciens que les angles ont beaucoup plus d'épaisseur que le reste des murailles.

53. - Ita uti ante in Doricis. Quel que soit le genre des colonnes, quels qu'en soient les ornements , la construction du toit et des contignations sera toujours la même ; et partout, même mode d'ornementation, mêmes pièces de bois dans la charpente ; mais ces pièces ne présentent pas toujours la même position. Ainsi le côté du toit qui laisse voir l'extrémité des poutres horizontales et des forces, doit avoir dans l'ordre dorique des triglyphes et des mutules, et non des denticules qui représentent le bout des chevrons, et qui forment pour l'ordre ionique un genre d'ornement qui lui est particulier ; et jamais au-dessous des forces et des pannes ne doivent paraître les chevrons qui sont toujours placés au-dessus.

54. - Itaque in Graecis operibus nemo sub mutulo denticules constituit. Le denticule, dans l'ordre ionique, représente, comme nous l'avons vu, l'extrémité des chevrons qui ne peuvent jamais être placés sous les forces ; aussi Vitruve loue-t-il les Grecs de ce qu'ils ne les employaient pas en même temps que les mutules. Aujourd'hui personne n'oserait en cela suivre l'exemple des Grecs, parce que parmi les monuments antiques qui nous sont restés, il se trouve plusieurs belles corniches qui toutes ont des denticules sous les modillons ; et l'usage a prévalu sur la raison. Il en est de même de l'usage de placer des modillons et des denticules dans la corniche des frontons, parce que, comme le croit de Bioul, ces corniches auraient eu mauvaise grâce, si elles n'avaient pas ressemblé à celles qui formaient le tour du reste de l'édifice.
Vitruve n'explique point, dit Perrault, comment les Grecs s'abstenaient de mettre des denticules sous les modillons, si c'était en ne taillant point de denticules dans un membre qui pouvait recevoir ces entailles, comme on a fait au Panthéon, où la règle des Grecs est religieusement observée partout, tant au portique qu'au dedans. Il y a apparence que quand ils mettaient des denticules, ils ne mettaient point de modillons; mais je crois que l'on ne taillait point les denticules dans les corniches où il y avait des modillons, parce que les modillons étant taillés de feuillages et de volutes, on était obligé de tailler aussi le quart de rond et les autres membres de moulure, au milieu desquels est le membre carré du denticule, qui avait meilleure grâce n'étant pas taillé , pour éviter la confusion que tant d'ornements de suite pouvaient causer. Il en est ainsi au Panthéon.

55. - Neque instituerunt in fastigiis mututos aut denticules fieri. Les forces nn (fig. 57, p. 387) et les chevrons z sont en effet inclinés vers la gouttière. Mais cette règle, dit Perrault, a encore été négligée par les Romains et par les modernes, qui ont presque toujours fait les corniches des frontons avec des modillons, comme celles de dessous. Il y a un exemple de la manière des Grecs dans la ville de Schisi, rapporté par Palladio, où les autres, qui sont à niveau, en aient, et où la corniche de dessous est sans denticules. A la place des modillons du fronton, il y a une grande cymaise en doucine recouverte de feuillage.
Il y a encore, ajoute-t-il, une chose qui se pratique contre cette raison d'imitation , c'est de faire dans les frontons des modillons taillés perpendiculairement à l'horizon , et non pas à la corniche qu'ils soutiennent. La fig. 61. Représente un fronton où l'on voit la moitié a, qui , selon Vitruve, a ses modillons perpendiculaires au tympan, et le membre carré du denticule non taillé, tandis que l'antre moitié n a, selon les modernes, ses modillons perpendiculaires à l'horizon , et ses denticules taillés. Or, cela est contraire à ce que ces choses représentent : car les modillons du fronton représentant le bout des pannes qui sont les seules pièces de bois qui puissent sortir de la couverture en cet endroit, ils doivent suivre la position de ces pièces de bois qui sont sur le tympan qui est en pente, et, par conséquent, ne peuvent être posés droits et perpendiculaires à l'horizon. Quelques-uns de nos architectes modernes ont exécuté avec succès ces modillons perpendiculaires au tympan.

56. - Ita quod non potest in veritate fieri. Vitruve a raison sans doute ; mais il ne faut pas être trop rigoureux dans l'application de ce principe. Si dans les arts on doit désapprouver une trop grande licence, il ne faut pas cependant , par trop de scrupule, arrêter l'essor de l'imagination.
Qu'aurait dit Vitruve, s'écrie de Bioul, s'il avait vu construire des frontons sur la longueur des bâtiments, comme cela se pratique de nos jours. Puisque le fronton n'est que la représentation du pignon du toit, il doit être placé conformément à l'objet qu'il représente. Que nos architectes réfléchissent un peu sur ce raisonnement qui est de la plus grande simplicité; et il ne leur arrivera pas de placer au milieu d'une longue façade des frontons postiches qui ne signifient rien. Ils pensent donner plus d'agrément, en interrompant ainsi l'uniformité; mais qu'ils sachent que, dans tous les arts, c'est pécher contre les règles que de mettre des inutilités.
Puisque les frontons représentent les toits, ils doivent toujours couvrir la partie la plus élevée du bâtiment, et ne jamais se trouver dans le milieu de leur hauteur.
C'est encore un grand défaut de faire des frontons qui ne soient point triangulaires. Le toit se termine toujours en une pointe plus ou moins aiguë; le fronton, qui en est la représentation, doit imiter servilement cette forme donc les frontons cintrés sont coutre nature, donc les frontons brisés et à volutes sont détestables.
Rien n'est plus absurde encore que de mettre des frontons les uns sur les autres, que d'en mettre au-dessous de l'entablement. Quoi qu'en dise de Bioul, il est certains frontons qui surmontent avec élégance des portes et des fenêtres.

57. - De Ionicis et Corinthiis institutionibus. Dans plusieurs endroits Vitruve nous apprend que l'ordre corinthien ne diffère de l'ionique que par la forme du chapiteau et par les mutules ; de sorte que si, pour une colonnade ionique, on employait le chapiteau corinthien, ce serait du corinthien, quoiqu'il n'y eût pas de mutules. Ce serait se tromper, que de croire que Vitruve a voulu établir des proportions particulières pour l'ordre corinthien.

58. - Tarchesius. Le nom de cet architecte, dont Vitruve n'a parlé qu'une fois, ne se trouve point, que je sache, dans un autre écrivain ancien.

59. - Pytheus. Quel est ce Pythée ? Est-il le même que le Pythius dont Vitruve a déjà parlé au liv. I, ch. 1 et 12 ? Serait-il ce Pythie qui sculpta un quadrige de marbre pour le sommet du tombeau de Mausole ? Ce nom se rencontre fréquemment dans Hérodote et dans Pausanias.

60. - Eam Ionicam Libero Patri fecit. On ne saurait trop pourquoi Hermogène élève à Bacchus un temple d'ordre ionique plutôt que d'ordre dorique ou corinthien, si Vitruve ne nous l'avait appris au ch. 2 du liv. I.

61. Impedita est distributio. Les difficultés qu'offre l'ordre dorique ne se rencontrent pas dans les autres ordres. Ce mélange alternatif de triglyphes et de métopes qui en décorent la frise, en rend l'exécution très gênante car il faut ou plier un triglyphe en mutilant les deux métopes voisines, ou joindre deux métopes ensemble sans aucun triglyphe intermédiaire. L'ordre dorique dont Vitruve donne ici les proportions, ne convient qu'aux temples ; il est grossier et massif, dit Perrault. Il y en a un autre pour les portiques des théâtres, plus léger et plus délicat, qui est décrit au ch. 9 du liv. V.

62. - Et lacunariorum distributione. Par le mot lacunaria, qui signifie proprement les entre-deux des solives d'un plancher, ou tous les enfoncements qui sont dans les plafonds , on entend ici le dessous du larmier de la corniche. On verra à la fin de ce chapitre, où il est parlé de la distribution des parties qui composent les plafonds de la corniche dorique, dans quel embarras cette distribution peut jeter.

63. - Contra medios tetrantes. Imaginez une ligne droite qui passe par le centre de plusieurs colonnes formant une suite ; supposez le diamètre de chaque colonne coupé à angle droit par une autre ligne diamétrale, la colonne se trouvera divisée en quatre . parties égales. C'est sur les deux parties antérieures que doivent être disposés les triglyphes, et comme la largeur de ces triglyphes est d'un module ou de la moitié du diamètre du bas de la colonne, elle ne dépassera pas la moitié de chacune de ces deux parties antérieures. Je ne compte pour rien ici la diminution du haut de la colonne.

64. - Contraque in angulares columnas trigtyphi in extremis partibus constituantur. C'est-à-dire qu'au lieu de porter également sur les deux parties antérieures de la colonne, comme aux colonnes médianes, le triglyphe ne s'appuie que sur la partie extérieure des colonnes angulaires, auquel cas la métope voisine s'élargit de la moitié du triglyphe.

65. - Dimidia latitudine. Perrault et Galiani font observer que toutes les fois qu'on trouve dans ce chapitre dimidius ou semitriglyphus, on ne doit pas entendre exactement la moitié d'un triglyphe, mais un à peu près, parce que dans le fait, disent-ils, il manque quelque chose à cette grandeur, pour qu'elle soit précisément égale à un demi-triglyphe, ce qui vient de l'atténuation des colonnes qui varie à proportion de leur hauteur. Mais je demanderai avec Stratico pourquoi ils ne veulent donner à ce triglyphe que la moitié du diamètre du haut de la colonne, qui est plus petit que celui du bas. C'est avec raison que Newton recommande de faire avancer le triglyphe au delà de l'angle de la frise auquel les Grecs l'arrêtaient, de manière qu'un plomb fixé à l'angle du triglyphe touche en descendant la circonférence du bas de la colonne. La largeur du triglyphe devient par là égale au demi-diamètre du bas de la colonne, et non à celui du haut, ce qui donne à la métope voisine une largeur d'un demi-module de plus qu'aux autres.
Tous les exemplaires portent oblongiores triglyphis dimidia altitudine. Ce texte doit être corrigé ; il faut lire oblongiores triglyphis dimidia latitudine. L'une et l'autre version ont un sens, mais celui des exemplaires ne saurait être le véritable. Que veut dire Vitruve ? Que quand on met un triglyphe dans un des coins, la métope voisine est plus large que les autres d'un demi-triglyphe, parce que le triglyphe A, qui est au coin, sans porter sur le milieu de la colonne comme les antres, s'éloigne du triglyphe B de la moitié d'un triglyphe de plus que le triglyphe B n'est éloigné du triglyphe C (fig. 62, p. 399).

66. - Extrema contrahunt. Les anciens tenaient tant à donner aux métopes la forme carrée, et aux métopes voisines des triglyphes angulaires la forme oblongue, que, plutôt que d'y manquer, ils aimaient mieux rétrécir le dernier entre-colonnement. Antoine Labacco et autres nous ont conservé des dessins de temples doriques avec les triglyphes placés sur les coins ; dans ces dessins la métope voisine de ces triglyphes n'est pas élargie, mais l'entre-colonnement est rétréci. Parmi les temples de Pestum qui se sont conservés presque intacts jusqu'à présent, on remarque des triglyphes qui sont également placés à l'extrémité des angles.
Je ne puis comprendre, dit de Bioul, pourquoi, sans nécessité, les anciens élargissaient ainsi la dernière métope pour placer, à l'extrémité de l'angle, le triglyphe ; tandis que, s'ils avaient donné à la métope sa vraie grandeur, le triglyphe serait naturellement tombé au milieu de la colonne. Pourquoi, d'un autre côté, rétrécissaient-ils le dernier entre-colonnement pour placer le triglyphe à l'extrémité de l'angle ; tandis qu'il serait tombé précisément au milieu de la colonne, si l'entre-colonnement avait eu sa juste grandeur ? Le passage où Vitruve veut qu'on rétrécisse le dernier entre-colonnement de la largeur d'un demi-triglyphe, ne se trouve pas de même dans les anciennes éditions ; au lieu de latitudine, on lit altitudine, ce qui est une faute manifeste de copiste, comme l'a remarqué Philander et tous les autres. Il n'est pas difficile de s'en apercevoir, parce qu'il est évident que cette moitié de la largeur d'un triglyphe que la métope aurait de trop, est la même grandeur qu'il faudrait ôter au dernier entrecolon­nement pour rendre la métope égale.

67. - Antiqui vitare nixi sunt. Les triglyphes se rencontraient rarement dans les angles rentrants des temples; aussi Vitruve ne parle-t-il ici que des inconvénients qui résultaient des triglyphes placés à l'extérieur contre les angles saillants. De son temps on avait déjà. commencé à y remédier en plaçant ce triglyphe comme les autres, perpendiculairement au-dessus du milieu de la colonne, et en ajoutant au delà une partie de métope qui terminait la frise. Cette correction a fait disparaître le plus grand des inconvénients qui empêchait les anciens d'employer l'ordre dorique pour les temples.

68. - Dividatur, si tetrastylos erit, in partes septem et viginti, si hexastylos, in duas et quadraginta. Bien que dans les éditions antérieures à celle de Philander, et dans les manuscrits qu'il dit avoir vus. il y ait XXVIII pour les tétrastyles et XXXIV pour les hexastyles, la faute est si visible, qu'il est impossible d'en douter. Car si sur chaque colonne se trouve un triglyphe, dans chacun des entre-colonuements angulaires deux triglyphes et trois métopes , et dans l'entre-colonnement du milieu quatre métopes et trois triglyphes ; si les métopes sont d'un module et demi, et les triglyphes d'un module ; s'il y a à chaque extrémité un demi-module, il y aura onze triglyphes, dix métopes et deux demi-modules, en tout vingt-sept modules.
Les mêmes éditions et manuscrits, en parlant des temples doriques hexastyles, disent qu'il faut diviser leur façade en quarante-quatre parties, au lieu de quarante-deux qu'il faut mettre, d'après la correction de Philander et des autres auteurs, correction nécessaire, puisque dans le nombre quarante-deux se trouve exactement le compte de tous les modules contenus dans la largeur des triglyphes et des métopes. Perrault nous apprend qu'il avait entre les mains un manuscrit où ces deux nombres étaient indiqués conformément à la correction de Philander.

69. - Qui Graece ¤mb‹thw dicitur. Ce mot grec est fort ambigu, puisqu'il exprime à la lettre une chose qui entre ou qui marche, ce qui n'a point de rapport avec la signification de module, que Vitruve lui donne ; mais on peut dire que ¤mb‹thw signifie le module, parce que le module est la mesure des membres de l'architecture, de même que le pied l'est de toutes les autres choses, ou bien parce qu'on mesure les distances en marchent.
La proportion d'un édifice dépend de la correspondance de mesure que les parties qui le composent ont entre elles ; elle se connaît et se règle par le module qui se prend sur un des membres : c'est ordinairement le diamètre ou le demi-diamètre de la colonne. Jusqu'à présent Vitruve s'est servi du diamètre; mais ici, pour l'ordre dorique, il emploie le demi-diamètre.

70.-Altitudo cum capitilo quatuordecim .Il y a des manuscrits qui , au lieu de XIV modules en portent XVII et XV.
Vitruve (liv. IV, ch 1, p. 336) dit, en parlant de la colonne dorique: « Qua crassitudine fecrrunt basim scapi, tantam sexies cum capitulo in altitudinem extulerunt » et un peu plus loin il semble lui avoir donné sa véritable hauteur : « Posteri vero elegantia subtilitateque judiciorum progressi et gracilioribus modulis delectati , septem crassitudinis diametros in altitudinem columnae Doricae,Ionicae novem constituerunt, » y compris bien certainement le chapiteau : or, sept dia-mètres font XIV modules. Ce qui confirme encore cette opinion, c'est que Vitruve (liv. V, ch. 9) dit, au sujet des portiques qui terminent la scène : « Columnarum autem proportiones et symmetriae non erunt iisdem rationibus, quibus in aedibus sacris scripsi. » Et deux lignes plus bas il ajoute : « Itaque si Dorici generis erunt columnae, dimetiantur earum altitudines cum capitulis in partes quindecim.» Dans le temple dont il s'agit ici, la hauteur pouvait donc bien être de quatorze modules.

 

71. - Capituli crassitudo unius moduli. Cette hauteur du chapiteau est, dans la fig. 62, eo. Perrault fait remarquer que dans les ouvrages doriques qui nous sont restés, et qui se réduisent presque tous au théâtre de Marcellus et au Colisée, les proportions du chapiteau dorique sont bien différentes de celles que Vitruve lui donne : la hauteur de tout le chapiteau, au théâtre de Marcellus, est plus grande qu'un module; au Colisée, elle est plus petite. Dans l'un et l'autre de ces édifices, le tailloir a beaucoup plus que le tiers du chapiteau.

72. - Latitude duorum et moduli sextae partis. Serlio tout en adoptant les proportions de Vitruve, trouve néanmoins que la saillie des parties supérieures du chapiteau est bien pauvre, bien étroite, et qu'elle ne répond pas à celle des anciens chapiteaux doriques qui nous restent. Perrault croit qu'il y a corruption dans le texte, et que dans le manuscrit dont on s'est servi pour imprimer la première fois Vitruve, après le mot moduli il y avait un s avec en point, et qu'au lieu de lui faire signifier semissis, on l'avait mal à propos interprété par sextae partis. Le peu de largeur qu'on donne ici au chapiteau, a fait supposer une erreur ; mais il est plus naturel de croire que les proportions qu'on employait du temps de Vitruve, différaient de celles que les Romains employèrent ensuite, lorsqu'il furent plus perfectionnés dans les arts.

73. - Crassitudo capituli dividatur in partes tres. Ces trois parties égales sont (fig. 62 , p. 399) dm , mn, np. Cette division, dit Perrault, est méthodique et facile à retenir. Les autres parties dont ces trois premières se composent peuvent aussi se diviser et se subdiviser en trois. La première partie dm, qui est pour le tailloir, étant divisée en trois, on en donne une à la cymaise, qui se subdivise en trois, dont deux sont données au talon, et la troisième au filet ; la deuxième partie mn, qui est pour le quart de rond et les annelets, étant divisée en trois parties, on en donne deux au quart de rond, et la troisième se subdivise encore en trois, dont chacune est pour chacun des annelets ; il est bon de savoir que les bords de cet trois annelets ne sont pas perpendiculaires, mais que, semblables à des fasces, ils font saillie les uns sur les autres, celui d'en haut sur celui du milieu, et celui-ci sur celui d'en bas. Nous voyons cependant des monuments antiques, et des édifices modernes où, au lieu de ces trois annelets, on a placé une gorge et un listel ou d'autres moulures semblables ; la troisième partie enfin, np, comprend la gorge du chapiteau.

74. - Epistylii altitudo. L'architrave est marquée (fig. 62, p. 399) GDFI, dont la hauteur GD est d'un module. Dans cette hauteur sont comprises la plate-bande GF et les gouttes r, s. Telle est la mesure de l'architrave dorique du théâtre de Marcellus. Celles qu'on observe en Grèce, à Pestum et à Agrigente, sont plus hautes d'un module et demi.

75. - Taenia moduli septima. En grec et en latin le mot taenia signifie un ruban ou bandelette. La plate-bande est à l'architrave dorique ce que la cymaise est aux autres. Quelques architectes donnent ce même nom à la partie qui. est au-dessus des triglyphes, et que Vitruve appelle leur chapiteau. Sa saillie, selon la règle générale de Vitruve, est égale à sa hauteur ; elle est nécessaire pour les gouttes et le réglet.

76. - Guttarum longitude. Il n'est point dit quelle doit être la longueur des gouttes, quelle doit être celle du réglet ; mais Poleni a trouvé dans l'architrave du théâtre de Marcellus que cette proportion est à peu près comme deux est à trois.

77.- Quinque partes in medio. Ces cinq parties 1, 2, 3, 4, 5, qui ont une largeur égale , sont chacune de la sixième partie de la largeur du triglyphe (fig. 62, p. 399).

78. - Deforrnetur femur, quod Graece mhròw dicitur. Le mot latin femur et le mot grec mhròw signifient une cuisse. Il y a trois parties dans les triglyphes qui sont ainsi appelées, parce qu'elles sont droites comme trois pieds, jambes ou cuisses. Elles sont marquées 1, 3, 5, dans la fig. 62. Les deux petits canaux sont 2, 4.

79. - Metopae, quae sunt inter triglyphos, aeque altae sint quam longae; item in extremis angulis semimetopia sint. Ainsi, la métope hx (fig. 62, p. 399), qui est entre les triglyphes BC, présente une forme carrée. Ce que Vitruve appelle ici demi-métope aux extrémités, ne représente que la moitié d'un module, comme il le dit plus loin : « In angularibus non amplius quam quantum est spatium hemitriglyphi ». Ici, Philander fait remarquer que ce demi-module doit être pris non par le bas de la colonne, mais par le haut. Aussi Poleni pense-t-il que l'espace que Vitruve nomme demi-métope doit être à peu près égal à un demi-module, c'est-à-dire un demi-module qui a perdu la moitié de la diminution qui s'opère au haut de la colonne, opinion confirmée par Vitruve lui-même lorsqu'il dit : « epistylii latitudo ima respondeat hypotrachelio summae columnae ». Aussi Perrault me semble-t-il être dans le vrai, lorsqu'il croit qu'il faut corriger le texte et lire : In extremis angulis semimetopia sint, suppressa (au lieu de impressa) dimidia contracturae latitudine : car outre que le mot impressa n'a point ici de sens, celui de suppressa en a un qui établit la proportion de la métope dont il s'agit avec une entière exactitude.

80. - Triglyphi capitula. La partie du membre z, qui est immédiatement sur le triglyphe (fig. 62, p. 399) , et qu'on appelle plate-bande, est prise pour son chapiteau, parce qu'il a une saillie sur chaque triglyphe, quoique, en réalité, selon Perrault, il doive être attribué à la corniche et non à la frise, la frise n'ayant point de moulure. Toutes les moulures d'un entablement appartiennent à l'architrave ou à la corniche.

81. - Sexta parte moduli. Cette mesure n'a point été suivie dans les ouvrages antiques, pas plus que dans les modernes; dans les uns ce chapiteau du triglyphe a jusqu'à la cinquième partie d'un module, dans les autres il n'en a que la dixième.

82. - In projectura dimidia et sexta parte. Cette saillie paraît bien petite à Perrault. Aussi pense-t-il que Vitruve , par cette mesure, n'a voulu indiquer que la saillie de la sofite du larmier, à la prendre depuis la cymaise dorique qui est au-dessous du larmier, jusqu'à l'extrémité du larmier appelé mouchette. Cette saillie, dans la fig. 62 (p. 399) est marquée 7, 6. Poleni ne la trouve pas trop petite, et fait observer que M. de Chatnbray, dans son Parallèle d'architecture, donne la figure d'un fragment de larmier des Thermes de Dioclétien appartenant au genre dorique, dont la saillie, loin de dépasser la mesure donnée par Vitruve ,est au contraire plus petite.
La saillie du larmier du théâtre de Marcellus est deux fois plus grande, ce que ne comprend pas Philander, bien qu'elle n'ait pas déplu à Sangalle, qui l'a suivie pour le palais Farnèse.

83.- Habens cymatium Doricum in imo. Les auteurs ne sont pas bien d'accord sur la signification générale de la cymaise : Philander dit qu'elle est faite de la moitié d'une scotie, appelée cavet, marquée u dans la fig. 62, (p. 399). Telle est aussi l'opinion de Palladio, de Perrault, de Poleni.

84. - Alterum in summo. Puisque Vitruve vient d'écrire cymatium Doricum in imo, et qu'il ajoute immédiatement après alterum in summo, il est évident que cette autre cymaise est aussi une cymaise dorique. C'est pourquoi au-dessus du larmier j'ai fait une cymaise dorique marquée t, comme celle de dessous, qui est indiquée par la lettre u. Poleni pense que c'est s'écarter du précepte de Vitruve que de faire deux cymaises différentes, comme l'a fait Perrault, qui a mis une cymaise dorique sous le larmier, et une gueule renversée au-dessus.

85. - Item cum cymatiis corona crassa ex dimidia moduli. Galiani ajoute à ce demi-module une sixième partie, pour deux raisons, la première parce que, au liv. III, ch. 3, l'auteur établit la règle générale que la saillie des membres doit être égale à leur hauteur omnino omnes ecphorae venustiorem habent speciem quae quantum altitudinis tantumdem habeant profecturae; or, puisqu'il a dit plus haut que la saillie du larmier doit être d'un demi-module et d'une sixième partie, dimidia et sexta parte, sa hauteur doit être égale, d'autant plus qu'en parlant de cette hauteur, il commence la phrase parle mot item, qui indique similitude ; c'est la seconde raison.

 

86. - Ad medias metopas. Cette disposition des chemins et des espaces du plafond de la corniche dorique de Vitruve, dit Perrault, est fort différente de ce qui était dans l'ordre dorique du théâtre de Marcellus, et qui se voit dans le Parallèle de M. de Chambray : car il ne reste presque plus rien à Rome de cette corniche. La différence de ces corniches vient du peu de saillie que Vitruve donne à la sienne ; car la grandeur de la saillie de celle du théâtre de Marcellus fait que les espaces qui sont au droit des métopes sont plus petits entre, les chemins que ceux qui sont au droit des triglyphes. Tout au contraire, dans la corniche de Vitruve , les espaces qui sont au droit des métopes sont plus grands que ceux qui sont au droit des triglyphes. En voici la raison : c'est qu'au théâtre de Marcellus les trois gouttes étant fort grandes à cause de l'espace que la grande saillie leur donne, il s'ensuit que les six gouttes occupent aussi un fort grand espace. Au con-traire, les trois gouttes de l'ordre de Vitruve étant petites et serrées à cause du peu d'espace que la petitesse de la saillie de la corniche leur donne, il arrive que les six gouttes sont serrées à proportion, et cela fait que l'espace qui est au droit des métopes est si grand, qu'il a fallu le partager en deux par le moyeu du chemin qui est au droit du milieu des métopes - La fig. 63 fait voir le plafond de la corniche dorique. La corniche n'a de saillie qu'autant qu'il en faut pour faire que les dix-huit gouttes laissent assez d'espace au droit du triglyphe A, pour y placer les chemins 11, et pour abandonner tout l'espace de la métope C aux carrés DD et au chemin 22 qui est au droit du milieu de la métope.

87. - Uti guttae sex in longitudinern, tres in latitudinem pateant. Les gouttes qui sont sculptées sous le plafond du larmier de la corniche, au droit des triglyphes, au nombre de dix-huit, Philander dit qu'elles diffèrent de celles de l'architrave, en ce que celles de la corniche sont coupées carrément par-dessous, et que celles des architraves sont rondes comme la tête d'une toupie ; mais cela manque d'exactitude , en ce que les unes et les autres sont coupées carrément par-dessous. On pourrait les distinguer par une autre différence qui est que celles des architraves sont quelquefois carrées en pyramide, et que celles des corniches sont toujours coniques.
Alberti croit que ce qu'on appelle des gouttes, représente des clous ; mais cette pensée lui est particulière.
Les trois gouttes sculptées dans la largeur du plafond du larmier sont ane (fig. 63, p. 403) , et dans le rectangle tracé au droit de la lettre A sont les six gouttes sculptées dans la longueur du larmier.

88. - Pura relinquantur, aut fulmina scalpantur. Philander n'a vu nulle part, dans les monuments antiques, de foudres sculptées aux plafonds des larmiers. Ces espaces laissés vides sont marqués DDBBB dans la fig. 63 (p. 403). Parmi les membres d'architecture, il en est, selon Perrault, où la sculpture est essentielle, tels que les chapiteaux corinthiens et ioniques, les triglyphes, les modillons, etc. Il en est d'autres où elle n'est pas absolument nécessaire, comme au quart de rond des grandes corniches, où l'on n'est point obligé de tailler des oves ; au denticule de la corniche corinthienne où l'on peut s'abstenir de faire des découpures ; aux frises corinthiennes et ioniques qu'on est libre de laisser pures, ou d'enrichir de figures ; aux métopes de l'ordre dorique, où l'on ne taille ni têtes de boeuf, ni trophées, si l'on veut. Vitruve fait entendre ici que dans le plafond de la corniche dorique, il n'y a de sculpture essentiellement nécessaire que celle des gouttes. Ces foudres de Vignole, ces feuillages de Serlio, ces roses de Palladio et de Scamozzi ne semblent pas bien convenir à la simplicité de l'ordre dorique.

89. - Ad ipsumque mentum coronae incidatur linea, quae scotia dicitur. Le petit rebord o qui se trouve entre le creux de la scotie r (fig. 63 , p. 403) et l'extrémité du larmier, s'appelle mouchette. Il est fait pour arrêter l'eau : car, pour aller plus loin, il faudrait qu'elle montât vers r pour descendre vers a.

90. - Simae. Presque tous les monuments antiques, dit Perrault, ont la cymaise, qui est au haut de la corniche dorique, différente de celle de la corniche ionique. La cymaise ionique est toujours la doucine v (fig. 62, p. 399) et la dorique est formée comme les cavets, ta. Parmi les architectes modernes, Vignole et Viola ont mis le cavet au lieu de la doucine, à leur ordre dorique, conformément à l'ordre dorique du théâtre de Marcellus.

91. - Haec ratio in operibus diastylis erit constituta. C'est en effet du diastyle que les entre-colonnements de ce temple approchent le plus, selon de Bioul ; ils ne sont pas précisément semblables, puisqu'ils sont d'un quart de diamètre plus grands que les entre-colonnements diastyles, dont il est parlé dans le ch. 2 du liv. III, auxquels il veut qu'on donne trois diamètres, tandis que ceux-ci ont six modules et demi, partant trois diamètres et quart, le module n'étant ici que de demi-diamètre. On a dû augmenter ainsi cet entre-colonnement diastyle à cause du compartiment des triglyphes et des métopes dont on ne peut s'écarter. De plus l'en­tre-colonnernent du milieu, à cause de sa grande largeur, approche de l'aréostyle, ce qui n'empêche pas qu'on ne nomme cette espèce de temple diastyle, comme on dit qu'un temple est eustyle, quoique l'entre-colonnement du milieu ait la largeur de celui du diastyle.

92. - Si vero pycnostylon et monotriglyphon. Dans la plupart des éditions de Vitruve, au lieu de pycnostylon, que Barbaro a introduit dans son édition latine, on lit systylon, ce qui est évidemment une faute : car, comme on le voit au ch, 2 du liv. III, la largeur d'un entre-colonnement pycnostyle est d'un diamètre et demi, cc qui est l'espace nécessaire à ces sortes de temples qui n'ont qu'un triglyphe au-dessus du milieu de l'entre-colonnement, tandis que l'entre-colonnemeut du systyle qui , dans l'ordre dorique, serait de deux diamètres qui font quatre modules, ne pourrait pas s'accorder avec les monotriglyphes qui n'en demandent que trois. Philander dit que dans l'ordre dorique les proportions peuvent se prendre de l'entre-colonnement des triglyphes, au lieu que dans les autres ordres, ils se prennent de l'entre-deux des colonnes ; de sorte que, au lieu de intercolumnium, il voudrait qu'on dit monotriglyphium :cela étant, ne faudrait-il pas des noms particuliers au genre des temples doriques, et les appeler pycnotriglyphes, syntriglyphes, diatriglyphes, etc., au lieu de pycnostyles, systyles, etc.? Perrault repousse l'observation de Philander.

93.- Frons aedis, si tetrastylos erit, dividatur in partes duas et viginti, si herastylos erit, dividatur in partes duas et triginta. Dans l'indication du nombre des parties qui doivent se trouver dans la façade de ces sortes de temples, il s'est glissé une faute à peu près semblable à celle qui a été relevée au commencement du chapitre 3, où il s'agit aussi de la même division. On lit ordinaire-ment XXIII, au lieu de XXII, et XXXV au lieu de XXXII. On peut aisé-ment en faire le compte; il suffit de se rappeler que le triglyphe occupe la largeur d'un module, et la métope celle d'un module et demi, et que l'entre-colonnement du milieu est diastyle, c'est à-dire qu'il contient, comme le dit Vitruve lui-même , trois triglyphes et quatre métopes. Philender et Barbaro n'ont point songé à cela, lorsqu'ils ont donné à l'entre-colonnernent du milieu seule-ment deux triglyphes et trois métopes, et ont voulu qu'on lût XIXS , c'est-à-dire dix-neuf et demi , au lieu de XXIII, et XXIXS au lieu de XXXV. Cependant le temple de la Piété, dont parle Palladio, est monotriglyphe, et il n'a que deux triglyphes à l'entre-colon­nement du milieu.

94.- Ita supra singula epistylia. Que le mot epistylium désigne, si l'on veut, chacun des morceaux d'architrave qui sont entre les deux colonnes sur lesquelles posent leurs extrémités, aussi bien que la suite de tous ces morceaux sur toute l'étendue de la colonnade, soit : mais Perrault me semble remplacer avec raison epistylia par intercolumnia, parce qu'il ne serait pas vrai que chaque architrave n'eût au-dessus de soi que deux métopes et un triglyphe, comme le dit le texte ; parce que, selon Perrault, il y aurait encore eu, à chaque côté, la moitié du triglyphe qui est au droit du milieu de la colonne qui soutient les deux bouts des pierres qui font l'architrave.

95.- Culumnas autem striari. Vitruve termine ce qui concerne l'ordre dorique par expliquer les différentes manières de canneler les colonnes de cet ordre. La première (Voir la note 149 du liv. III, ci-dessus, p. 329) consiste à changer la forme circulaire des colonnes en un polygone qui représente vingt faces plates (fig. 53, vxz, p. 330). La seconde diffère de celle-ci en ce qu'on fait dans toute la longueur de ces faces un creux circulaire vs. Comme ces cannelures ne sont séparées l'une de l'autre par aucun plein, et qu'elles forment autant d'angles, on ne peut pas les creuser beaucoup Si elles formaient un demi-cercle, les angles qui les séparaient, deviendraient si aigus que le moindre choc les briserait. Ces deux manières devaient, par leur simplicité, être réservées à l'ordre dorique.

 

96. - Distribuitur autem longitude aedis. Les commentateurs modernes ne sont pas d'accord sur l'explication de ce passage. Galiani et avec lui Newton et Ortiz disent que Vitruve traite dans ce chapitre des proportions intérieures des mêmes temples dont précédemment il a donné les proportions extérieures, et à ce sujet Perrault fait une récapitulation des différentes espèces de temples dont les uns sont avec colonnes, les autres sans colonnes.
Son opinion est partagée par Poleni. Cependant comment rapporter aux temples doriques tétrastyles et hexastyles, et aux temples ioniques dont Vitruve a parlé dans le chapitre précédent, ces mots : reliquae tres partes pronai ad antas parietum procurrant, quae antre columnarum crassitudinem habere debent? Comment reconnaître qu'il veuille parler des périptères ou des pseudodiptères, quand il dit un peu plus bas columnae duae inter antas interponantur, et : intercolumnia tria quae erunt inter entas et columnas. D'après ces observations il paraîtrait évident que Vitruve veut parler ici des temples à antes, de ceux dans lesquels les murs avancent jusqu'à l'entrée du pronaos, ou s'arrêtent au mur qui contient la porte de la cella. D'un autre côté, il est certain que les proportions de la cella et du pronaos que donne ici Vitruve, sont celles des cella des périptères, de sorte que, d'après Stratico, les deux interprétations peuvent être admises. Mais de Bioul prétend que Perrault et les autres commentateurs, avant Galiani, n'ont pas compris, et que les cella dont il est parlé dans ce chapitre ne sont autres que celles des temples entourés de colonnes, dont il a été question précédemment.

 

97. - Uti latitudo sit longitudinis dimidiae partis, Dans la fig. 64, la largeur ai comprend la moitié de la longueur ae; mais il faut remarquer que cette règle n'est point applicable à tous les temples : ceux qui sont entourés de colonnes ne peuvent avoir, comme nous l'avons vu (liv. III, p. 304, note 81), une longueur double de leur largeur.
Par le mot latitudo, de Bioul a entendu la largeur de tout le temple, et non celle de la cella ; la phrase prouve assez, dit-il, que c'est de cette première largeur que Vitruve e voulu parler, et non de l'autre : car, en dessinant les plans de ces temples avec leur cella, il faut naturellement que la cella seule soit d'au quart plus longue que la largeur de tout le temple.

98. - Ipsaque cella parte quarta longior sit, quam est latitudo, cum pariete. La moitié ab de la longueur ae est égale à la largeur oi, comme l'autre moitié be ; aussi ab peut être pris pour la largeur tout aussi bien que be. Or, be est divisé en quatre parties bd, df, fg, ge. Vitruve dit donc que la cella hklq, y compris l'épaisseur du mur tt, dans lequel se trouve la porte rd, a une longueur égale à la moitié ab, plus la quatrième partie bd de l'autre moitié ; de sorte que la longueur de la cella est ad.

99. - Reliquae tres partes pronai ad antas parietum procurrant. Ces trois parties df, fg, ge s'étendent jusqu'à l'extrémité des antes uv du mur du pronaos, c'est-à-dire que la limite du pronaos est fixée à la ligne ponctuée, marquée e.
Beaucoup de temples n'avaient qu'un pronaos ; d'autres avaient un pronaos et un posticum ; ils avaient conséquemment deux portes. Il est clair d'après cela que ne pouvant rien ôter ni ajouter tant à la longueur du temple qu'à celle de la cella , lorsqu'il n'y avait qu'un pronaos, cc pronaos était deux fois plus long que ceux des temples qui avaient les deux parties, parce que le même espace restant toujours, on le consacrait tout entier au pronaos.

100. - Quia aliter columnarum crassitudinem habere debent. Cependant cette première sorte de temple n'a point de colonnes ; mais le texte vent dire que les antes ou pilastres doivent être faites de même que si elles avaient des colonnes devant elles, et qu'elles doivent servir de colonnes, puisque des colonnes ne sont point nécessaires dans un temple aussi petit que celui qui a moins de vingt pieds antiques, qui ne font guère plus de dix-huit des nôtres.

101. - Et si aedes erit latitudine major grata pedes viginti, duae columnae inter duas antas interponantur. Dans la fig. 64 (p. 407), ces deux colonnes entre les antes nr, sont 1, 2. Pour ne point multiplier des figures dont les proportions sont les mêmes , nous nous servirons encore de la fig. 64.

102. - Quæ disjungant pteromatos et pronai spatium. Galiani, Newton et Ortiz croient que le mot pteroma signifie dans Vitruve la suite des colonnes qui entourent un temple, puisqu'il y est employé pour désigner les espèces de temples entourés de colonnes, tels que le périptère, le diptère et le pseudodiptère ; et, dit de Bioul, si l'on veut réfléchir sur cette phrase : pteromatos enim ratio et columnarum circum aedem dispositio, etc:, on en sera encore convaincu davantage, puisque la seconde période, colunmnarum circa aedem dispositio, explique la première pteromatos ratio. Mais Perrault prétend que pteroma n'est autre chose que les deux murailles, terminées par des antes qui s'élèvent comme deux ailes de chaque côté du pronaos, entre lesquelles se trouvent les deux colonnes 1, 2, dont parle Vitruve. Quant au mot disjungant, Poleni le traduit par terminer ; son opinion est la plus probable. Ici , dit Stratico, pteromatos et pronai ont la même signification, et cet espace qui est devant la cella se nomme pteroma, d'après la manière dont il est construit, et pronaum, d'après la position qu'il occupe.

103. - Si major erit latitudo, quam pedes quadraginta. Stratico s'est imaginé que, puisque Vitruve fait mettre deux colonnes entre les antes d'un temple qui présente plus de vingt pieds de largeur, on doit, dans un temple qui en présente plus de quarante, doubler les colonnes de face, et ne pas se contenter d'en élever deux à l'intérieur, mais y en placer quatre, autant qu'il y en a sur la ligne des antes. C'est une erreur ; le texte de Vitruve est trop clair, trop précis pour laisser croire qu'il faille plus de deux colonnes (1, 2, fig. 64, p. 407) entre les antes, plus de deux colonnes (3, 4) dans l'intérieur du pronaos, et au droit des colonnes qui sont entre les antes.
Ce que Barbaro dit obscurément dans son commentaire est encore plus mal exprimé dans sa figure, dans laquelle il n'y a point de colonnes qui soient au dedans du pronaos, ce qui est contre le sentiment de Vitruve.

104 - Altitudinem habeant aeque quam quae sunt in fronte. Cette règle semblerait faire croire que Vitruve suppose que les colonnes du dedans et celles du dehors ne sont pas ordinairement d'une même hauteur ; et, en effet, M. de Monceaux a remarqué qu'au temple de Thésée à Athènes, il y a ainsi des colonnes de différentes hauteurs. Vitruve lui-même en donne un exemple (liv. V, ch. 9), à l'occasion des portiques qui étaient au fond de la scène, dans lesquels il y avait des colonnes, non seulement de différentes hauteurs, mais même de différents ordres. Cette hauteur égale, si expressément indiquée ici pour les colonnes, signifie tout simplement que les poutres intérieures du pronaos devaient être de niveau avec celles de l'extérieur.

105. - Si octava parte erunt, quae sunt in fronte, hae fiant decem partes. Telle est la version de plusieurs manuscrits et de plusieurs éditions. On trouve aussi novem ; mais Vitruve dit que la diminution des colonnes intérieures se trouve compensée par le nombre des cannelures. Or, si le diamètre des colonnes extérieures est par rapport aux colonnes intérieures comme huit est à dix, ou comme quatre est à cinq, et que le nombre des cannelures des premières soit au nombre de celles des colonnes intérieures, comme vingt-quatre est à trente-deux, ou comme trois est à quatre, il est facile de voir que le nombre des cannelures est encore plus augmenté que les diamètres ne sont diminués.

106. - Oculus plura et crebriora signa tangendo, majore visus circuitione pervagatur. L'expérience prouve qu'une chose composée de parties les unes hors des autres, paraît plus grande qu'une autre qui est tout unie. Or, une colonne n'ayant rien qui distingue les différents espaces qui composent toute sa circonférence, ne paraît pas aussi grosse que celle qui, ayant plusieurs cannelures, présente distinctement à l'oeil le nombre des espaces que l'on ne manque point d'apercevoir, quoique l'esprit n'y attache point de réflexion expresse.

107. - Dum antae eorum crassitudinibus columnarum sint aequales. C'est-à-dire pourvu qu'on fasse les antes de la grosseur des colonnes. Ces paroles semblent prévenir ce qu'on pourrait dire au sujet des antes qui sont aux coins, et qu'on croirait devoir déterminer l'épaisseur du mur ; mais, dit Perrault, parce qu'il peut souvent arriver que les murs soient plus épais que les colonnes ne sont larges (car un grand et un petit temple, tels que sont un tétrastyle et un décastyle peuvent avoir des colonnes de pareille grosseur), Vitruve veut dire que, bien que les antes soient faites de même largeur dans des temples différemment grands, on ne laisse pas de faire aussi les murs de différente grandeur, quoique les antes demeurent d'une pareille largeur.

108. - Quam minutissimis caementis struantur. Vitruve recommande de donner à la largeur des antes des murailles le diamètre des colonnes, de faire les colonnes intérieures plus minces, sans qu'elles le paraissent, grâce aux cannelures : aurait-il voulu, demande Stratico, obtenir le même effet avec ces petites pierres, c'est-à-dire faire que l'oeil en parcourant des faces plus nombreuses et plus serrées, supposât une plus grande épaisseur aux murs, en voyant ces dehors solides. Mais Vitruve n'a certainementeu en vue que la solidité : car la vérité est que les petites pierres entretiennent bien mieux la bonté du mortier qui les lie plus fortement ; et l'on voit que la plupart des anciens édifices sont bâtis de très grosses pierres, ou de très petites comme de sept à huit pouces en carré.

109. - Quod media coagmenta medii lapides continentes. Perrault pense que Vitruve a mis media medii pour mediocria mediocres, parce que les pierres médiocres conservent au mortier sa bonté, de même que les joints médiocres, c'est-à-dire où il y a suffisamment de mortier, entretiennent la liaison des pierres. Mais Perrault semble chercher des difficultés dans une chose bien simple ; et en laissant à ce mot sa signification naturelle, la phrase est bien claire : toute pierre de dessus pose par le milieu sur la ligne d'assemblage des deux pierres du rang de dessous, c'est ainsi que doivent être placées alternativement les pierres dans toute l'étendue du parement de la muraille.

110. - Item circum coagmenta et cubilia eminentes expressiones . - Expressio vient de exprimere, terme qui appartient proprement aux liquides : exprimantur aquae (liv. VIII, ch. 7). De Bioul a donc cru avec raison que expressiones signifiait ici ces filets de chaux qui paraissent entre les joints montants et ceux des assises, le mortier comprimé entre les pierres formant naturellement des saillies, d'autant plus que le texte dit circum coagmenta, qui sont les jointures verticales, et cubilia, les jointures horizontales. Si ces filets sont proprement tirés et bien disposés, on peut dire qu'ils rendent l'aspect de l'édifice tracé d'une manière agréable, graphicoteram delectationem. Pline qui parle de cette manière de bâtir, nous apprend ( Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 22) qu'on voit à Cyzique un temple tout en pierres lisses, dont les jointures sont liées par un filet d'or. Perrault a cru que le mot expressiones signifiait des pierres taillées en bossages ; mais pour cela il fallait altérer le texte : aussi sa pensée est-elle que Vitruve a écrit circum cubilia et coagmenta depressa, eminentiae. Il avait pourtant eu l'idée que le texte semblait dire qu'à l'endroit où les pierres se joignent, elles sont plus élevées qu'autre part, ce qui se pratiquait aux joints des pierres dont les degrés des théâtres étaient faits, pour empêcher que l'eau n'entrât dans les joints.

111. - Signum quod erit in cella collocatum. La façade des temples était tournée du même côté que les statues des dieux, c'est-à-dire vers l'occident. C'est ce que nous lisons aussi dans Hygin : Antiqui architecti in occidentem templa spectare recte scripserunt ; postea placuit omnem religionem eo convertere , ex qua parte coeli terra illuminatur.

112. - Spectet ad vespertinam coeli regionem. La façade de la plus grande partie de nos églises, comme celle des temples anciens, regarde l'occident. La discipline de l'Église varia à ce sujet à différentes époques ; la façade des églises fut quelquefois tournée vers l'orient pour qu'elles ne ressemblassent point aux temples des païens.

113. - Ostiorurn autem.... rationes. Le mot ostium s'emploie pour exprimer la porte d'un édifice, l'embouchure d'une rivière. Le mot porta désigne particulièrement l'entrée d'une ville, d'un endroit fortifié ; il désigne encore la porte d'une maison ou d'un lieu quelconque, sa racine est porto. Le mot janua diffère du mot porta, en ce qu'il désigne particulièrement une porte de mur ordinaire, de maison. Foris est une porte extérieure, mobile, qui s'ouvre en dehors. Valva est la porte à deux battants. Cependant la racine de ces mots ne leur donne pas une signification tellement propre que les auteurs latins ne les aient pas employés indistincte-ment les uns pour les autres. Vitruve a remplacé le mot latin ostium par le mot grec yærvma.
Philander fait remarquer avec raison que les anciens donnaient à leurs portes la forme quadrangulaire , excepté aux portes des villes, et que les portes et les fenêtres ne prirent le plein cintre que lorsque l'architecture s'éloigna de sa pureté originaire. Cependant les meilleurs architectes modernes ayant généralement adopté cette forme, on tolère cette licence qu'il n'y a pas d'espoir, dit Philander, de voir corriger. Mais pourquoi des architectes distingués, du reste, ont-ils adopté ce plein cintre ? Cela vient sans doute de ce que donnant plus de largeur que les anciens aux entre-colonnements, ils les rattachent par des arcs dont les extrémités viennent s'appuyer sur les antes ou pilastres, ce qui produit un fort bel effet dans les édifices. Ou ces arcs sont fermés, et alors ils servent uniquement d'ornement, ou ils sont ouverts , et alors ils peuvent faire et font ordinairement office de portes. Philander repousse celte forme, s'il n'y a pas d'entre-colonnements.

114. - Et eorum antepagmentorum.... rationes. Perrault a cru devoir traduire par chambranle le mot antepagmentum, que tous les interprètes prennent pour un piédroit, un jambage; ces termes ne sont pas, à son avis, assez généraux pour exprimer le sens de antepagmentum, qui ne signifie pas seulement les deux côtés de la porte, mais qui comprend encore le dessus , que Vitruve appelle particulièrement antepagmentum superius; ce qui fait voir que antepagmentum doit s'entendre du chambranle qui embrasse les trois parties de la porte, les deux piédroits DD (fig. 65, p. 416), et le linteau C. Saumaise croit que les antae et les antepagmenta différaient en ce que les antae étaient de pierre, et les antepagmenta de bois, c'est-à-dire que ces antepagmenta étaient un assemblage qui s'attachait sur la pierre, comme on fait à plusieurs de nos cheminées, et aux portes des chambres, lorsque leurs chambranles sont en placard.

115 - Genera sunt enim thyromaton haec. Les anciens employaient trois sortes de portes pour les temples. Les deux premières, la porte dorique et la porte ionique , correspondaient aux deux sortes de colonnes grecques du même nom. On a dit que la porte attique correspondait avec l'ordre corinthien, ce qui n'est pas absolument exact. L'ordre corinthien ne forme pas proprement un ordre particulier, puisqu'il ne diffère de l'ordre ionique que par le chapiteau, comme nous l'avons vu dans le premier chapitre de ce livre. On lui a donné le nom de chapiteau corinthien, parce qu'il a été inventé à Corinthe, comme on a nommé base attique, celle qui a été inventée à Athènes ; on aura de même nommé cette porte, porte attique, parce qu'elle a été inventée dans cette ville.
Il n'existait donc que deux ordres de colonnes, et ils avaient chacun leur porte : c'était le dorique et l'ionique ; mais l'on employait quelquefois l'ordre ionique avec le chapiteau corinthien, et d'autres fois avec le chapiteau ionique. Il en était de même pour la porte ; on plaçait quelquefois dans cet ordre la porte attique, et d'autre fois la porte ionique.

116.- Atticurges. Tous les interprètes entendent ici par atticurge l'ordre corinthien, parce qu'il leur a semblé qu'à la fin de ce chapitre, Vitruve faisait comme une récapitulation de ce qu'il avait traité en disant : « Quas rationes aedium sacrarurn in formationibus oporteat fieri Doricis, Ionicis, Corinthiisque operibus.... Nunc de Tuscanicis.... » Mais, selon Perrault, cette récapitulation se rapporte à tout ce qui a été traité, non seulement dans le chapitre, mais même dans le reste du livre et dans la plus grande partie du livre précédent, et les manières de bâtir ne se rapportent pas aux portes dont il est parlé dans ce chapitre, mais à tout le temple. De plus, la description qui est faite ici de la porte atticurge ne saurait convenir à l'ordre corinthien, parce que cette parte a quelque chose de moins orné que celle de l'ionique, la seule différence de l'ordre ionique et du corinthien se trouvant aux chapiteaux.

117. - Horum symmetriae Dorici generis conspiciuntur. Les portes doriques un peu plus étroites par le haut que par le bas, telles que les décrit Vitruve, sont aussi anciennes que l'ordre même, dit de Bioul. La fermeture des portes dans quelques temples des plus anciens temps, tels que ceux de Girgenti en Sicile, et de Pesturn dans le royaume de Naples, a été enlevée ; mais on ne peut douter qu'elles n'aient été de ce genre, puisque dans un autre petit temple de Girgenti, auquel les habitants ont donné le nom de chapelle de Phalaris, et qui est d'une antiquité aussi haute que les premières, la porte a cette espèce de fermeture. Je crois même que cette sorte de porte est plus ancienne que l'ordre dorique des plus anciens temps, puisqu'elle était en usage chez les Égyptiens, comme on peut s'en convaincre par la porte qu'on voit sur la table isiaque, et sur plusieurs autres pierres égyptiennes gravées. Pococke, à cause de leur forme , les appelle portes pyramidales. La solidité était le motif qui leur faisait donner cette forme : car le poids et le fardeau de l'édifice ne portent pas seulement sur l'architrave de la porte, mais encore sur les deux montants des côtés placés de biais.
Quoique cette espèce de porte paraisse avoir été pendant très longtemps particulière aux temples doriques, comme on le dirait en voyant la porte du temple de Cori, faite de cette manière, bien que ce temple ne semble pas fort ancien, on les a employées par la suite aux temples corinthiens ; tel est celui de Tivoli. Dans des temps plus modernes, on a employé ces portes à des ouvrages de fortification, et aux châteaux dont les murs vont en talus. Ce rétrécissement, toutefois, ne doit pas être considérable; il ne doit pas dépasser le tiers de la largeur du chambranle, et n'a jamais été égal aux deux tiers de cette largeur, comme l'a représenté Perrault.

 

118. - Uti corona summa. Perrault traduit le mot corona par couronne, et non par corniche, parce qu'ici corona ne peut passer que pour le membre d'une corniche ; il ne le traduit pas, non plus, par celui de larmier, qui est le vrai nom du membre de la corniche à la place duquel cette corona est placée, parce que la proportion est tout à lait éloignée de celle du larmier d'une corniche, occupant tout l'espace qui est depuis l'hyperthyron ou frise qui est surie chambranle, jusque sous l'architrave, ce qui l'a fait appeler un peu après corona plana. La hauteur de cette couronne parait exorbitante; on ne peut cependant la placer autrement que d'alignement avec les chapiteaux , premièrement parce que le texte dit clairement : aeque librata sit capitulis summis; secondement parce que la hauteur de l'hyperthyron, de la corniche supérieure et des autres moulures est indiquée, à l'exception de celle d'une seule qu'il nomme corona plana, couronne plate ou unie. Cette couronne doit donc occuper à elle seule l'espace laissé vide par les autres parties dans la hauteur qui est au-dessus de la porte; ainsi elle offre une grande superficie plate, à laquelle la nouvelle épithète de plana, que Vitruve emploie cette seule fois en parlant de cymaise, convient à merveille comme on peut le voir dans la fig. 65 (p. 416), où elle est marquée B. Vitruve veut que la saillie de toutes les moulures soit égale à leur hauteur ; mais il dit ici que celle de la cymaise plate doit être égale à la hauteur de la partie supérieure du chambranle. Il donne cette autre dimension à la saillie de cette couronne, parce qu'il serait impossible de la rendre égale à sa hauteur qui est trop considérable. Si l'on veut savoir, dit de Bioul, pourquoi cette cymaise est si grande, et pourquoi ce dessus de porte occupe un si grand espace dans la hauteur de l'édifice, il faut se reporter au temps de la plus ancienne architecture, lorsque la colonne dorique n'avait pas cinq diamètres de haut, comme celles des temples de Pestum. La hauteur de l'ouverture de la porte occupait probablement alors, comme du temps de Vitruve, quatre septièmes de la hauteur du temple, prise depuis le pavé jusqu'au plafond ; mais dans ces temps-là l'architrave et la frise, c'est-à-dire la partie de l'entablement qui s'étend depuis les chapiteaux des colonnes jusqu'au plafond (lacunaria), occupait deux septièmes de cette hauteur, tellement que tout le dessus de porte ne comprenait alors qu'un septième. On a donné par la suite sept diamètres et demi de hauteur à la colonne dorique, et l'on n'a rien ajouté à la hauteur de l'architrave ni de la frise : de sorte que ces deux parties n'ont ensemble qu'environ un diamètre et demi de haut, comme elles avaient dans les plus anciens temps, avec cette différence qu'anciennement la hauteur de la frise et de l'architrave occupait deux septièmes de la hauteur depuis le pavé jusqu'au plafond, et qu'a présent ces parties n'en occupent plus qu'un et peu de chose en sus, d'où il résulte qu'il reste un espace bien plus considérable depuis le haut de la porte jusqu’à la cymaise supérieure qui doit être de niveau avec les chapiteaux des colonnes ; et au lieu d'occuper un septième de la hauteur, depuis le pavé jusqu'au plafond, cet espace en occupe maintenant près de deux. La couronne plate (corona, plana), devant embrasser tout l'espace qui se trouve depuis la cymaise de l'hyperthyron jusqu'à la corniche supérieure, qui est restée de niveau avec le haut des chapiteaux des colonnes, s'est trouvée par là considérablement augmentée. Le dessus de la porte du petit temple de Girgenti, qui est de la plus haute antiquité, offre toutes ces proportions : la cymaise supérieure y est de niveau avec les chapiteaux ; mais la cymaise plate n'y est guère aussi forte que dans les portes doriques décrites par Vitruve.

119. - Aeque librata sit capitulis. Le haut de la couronne, qui doit être de niveau avec le haut R des chapiteaux des colonnes qui sont au pronaos, est marqué g (fig. 65).

120. - Lumen autem hypothyri. L'ouverture ou vide de la porte est marqué (fig. 65) par les lettres pqbd. Ces deux mots lumen hypothyri signifient la même chose le premier désigne, parmi les architectes, l'ouverture qui donne le jour, laquelle comprend les portes et les fenêtres ; le second ne signifie rien autre chose que le dessous de la porte.

121. - Uti quae altitudo aedis a pavimento ad lacunaria fuerit. Les commentateurs sont loin d'être d'accord sur la fixation du point que Vitruve indique par le mot lacunaria. Bertani le met au sommet de l'angle du fronton ; Blondel au haut du chapiteau qui orne les triglyphes ; Perrault au-dessous de ce chapiteau ; Barbaro à l'extrémité du haut de la corniche ; Poleni et Ortiz aux chapiteaux des triglyphes. Newton fait observer qu'il a vu la sur-face de ce plafond de l'intérieur du portique de niveau avec le plafond du larmier, au temple de Thésée à Athènes, à celui de la Sibylle à Tivoli, à celui de Vesta à Rome, et à quelques autres. C'est à ce dernier sentiment qu'il est raisonnable de se ranger. Ce plafond n'était pas toujours plat ; il formait quelquefois une voûte qui s'élevait au-dessus du niveau du larmier. Comme on prenait alors cette hauteur, qui règle toutes les proportions de la porte, depuis ce pavé jusqu'au faite de la voûte, les proportions des portes doriques variaient entre deux temples de même grandeur, quand le plafond du pronaos de l'un était plat, et celui du pronaos de l'autre en voûte.

122. - Dividatur in partes tres semis. De ces trois parties et demie, dont trois sont indiquées sur la ligne ponctuée N. deux N2 sont données à l'ouverture de la porte, la troisième s'élève jusqu'au-dessus de la couronne, et la moitié de la quatrième partie monte jusqu'au-dessous du larmier de la corniche. Ces deux parties qu'on donnait à la hauteur de l'ouverture de la porte, formaient les quatre septièmes de toute la hauteur jusqu'au plafond ; il restait trois septièmes, dont les deux tiers à peu près étaient occupés par le dessus du chambranle, par l'hyperthyron, la cymaise plate et la cymaise supérieure.

123. - Haec autem dividatur in partes duodecim. La hauteur de l'ouverture de la porte est marquée 2N sur la ligne ponctuée N de la fig. 65 (p. 416). La ligne M,12 égale à N2, est divisée en douze parties.

124.- Et in summo contrahatur. Ce rétrécissement doit avoir lieu aussi bien aux portes ioniques et corinthiennes qu'aux portes doriques. Winckelmann croit que Vitruve ne le recommande que pour les portes doriques. Pocoke raconte qu'il a vu en Égypte des portes avec cette forme, qu'il appelle pyramidale. La table isiaque en présente une semblable. La porte du temple dorique de Cori est rétrécie par le haut, aussi bien que celle du temple de la sibylle à Tivoli. Quelques architectes modernes ont adopté cette forme. La porte du château Saint-Ange à Rome, les fenêtres intérieures du palais Farnèse construit par Saint-Gall et perfectionné par Buonarotti, ont cette forme, que Palladio a répandue dans de magnifiques palais. Perrault dit qu'il se trouve peu d'exemples de ce rétrécissement, et il n'en veut pas. Peut-être cette antipathie vient-elle de ce qu'il a trop resserré ses portes par le haut, en leur ôtant deux tiers de la largeur du chambranle, au lieu d'au tiers seulement. Cl. Ortiz, soit parce que les architectes modernes ont exagéré ce rétrécissement, soit pour toute autre cause, dit que la forme de ces portes est tombée en désuétude, et que ne présentant rien de beau à l'oeil, elle ne doit point être imitée.

125. - Crassitudo supercilii. Le linteau, c'est-à-dire la partie du chambranle qui, posée horizontalement sur les piédroits DD, ferme la porte par en haut, est marqué C (fig. 65, p. 416). Sa hauteur uz est égale à la largeur qy des piédroits.

126. - Cymatium faciendurn est antepagmenti parte sexta. Perrault trouve cette largeur insuffisante, et croit qu'il s'est glissé une erreur dans le texte, et qu'au lieu de VI on doit lire III. Cette critique est peu conséquente, puisque dans ce même chapitre, en parlant de la cymaise du chambranle de la porte ionique, il convient avec Vitruve que la cymaise ne doit avoir que la sixième partie de la largeur du chambranle. Si la sixième partie convient à l'une, elle doit être suffisante pour l'autre, vu l'analogie de leurs proportions. Poleni, Galiani, Newton ne sont point de l'avis de Perrault.

127. - Cymatiurn Lesbium. Les interprètes ne s'accordent pas pour déterminer, ce que c'était que cette cymaise lesbienne. Vitruve, dans ce chapitre, nomme deux sortes de cyrnaises, la cymaise dorique et la cymaise lesbienne. Baldi a cru qu'elles correspondaient aux deux moulures nommées gueule droite et gueule renversée; mais il ne spécifie pas laquelle est la lesbienne. Il semble que Vitruve la détermine ici : car autour du chambranle des portes, il ne peut y avoir que des gueules renversées, et jamais de droites. Il est clair, d'après cela, que cymatium Lesbium signifie une gueule renversée, et cymatium Doricum une gueule droite. Philander a cru que la cymaise dorique acquérait le nom de lesbienne lorsqu'il s'y trouvait quelque sculpture.

128. - Cum astragalo. Philander a pensé que Vitruve entendait que cet astragale fût lesbien de même que la cymaise, et il donne la figure de l'astragale lesbien, qui est proprement l'échine ou quart de rond ; mais Perrault ne croit point que Vitruve ait voulu parler d'un autre astragale que de celui qui est décrit pour la base ionique qu'on appelle vulgairement baguette ou chapelet ; et cet astragale joint à la cymaise appelée talon, se trouve dans l'antiquité au haut des architraves.

129. - Collocandum est hyperthyrum. Ce mot grec, que Pline traduit par superliminare, signifie ce qui est au-dessus de la porte, et pourrait convenir, comme Philander l'a cru, au linteau appelé supercilium; mais il est évident que ce doit être autre chose, savoir cette partie qui est comme une frise posée sur le linteau C, qui lui tient lieu d'architrave. Cette partie est marquée oo (fig. 65, p. 416).

130. - Et in eo scalpendum est cymatium Doricum, astragalum Lesbium. - In eo, c'est-à-dire dans l'hyperthyron, et non dessus, comme l'ont voulu Perrault et Blondel. Dans la fig. 65 (p. 416), la cymaise dorique est marquée ee, et l'astragale lesbien, qui est un quart de rond très petit, nn.

131. - Summa scalptura. Au lieu de sima sculpture qui terminait la phrase précédente, Poleni, regardant cette version comme fautive, a mis summa scalptura, dont il commence la phrase suivante : car si, comme l'ont cru Philander, Barharo et Perrault, on doit traduire sima scalptura par moulure qui a peu de relief, ce membre aura une saillie moins grande que sa hauteur ; ce qui serait contraire au principe posé par Vitruve lui-même. Le summa scalptura signifiera le membre le plus élevé de la porte, le dernier membre.

132. - Corona plana cum cymatio. Dans la fig. 65 (p. 416), cette couronne plate est marquée B, et la cymaise g. Poleni a dessiné cette cymaise de manière que les membres qui la composent répondissent exactement, non seulement aux cymaises, mais encore aux abaques entiers des chapiteaux des colonnes ; autrement cette partie eût été trop mesquine ; son dessin d'ailleurs n'est point en opposition avec les paroles de Vitruve. Plusieurs commentateurs ont jugé cette couronne trop haute; d'autres, comme Barbaro, Perrault, Ortiz, l'ont trouvée pleine de noblesse et de majesté. Il est vrai qu'on a vu des architectes modernes donner à cette couronne des proportions si exagérées, qu'elle paraissait énorme et sans grâce.

133. - Projecturn autem ejus. Newton, dans l'explication de sa figure, dit qu'on trouve dans les ouvrages antiques de nombreux exemples de cette saillie, aux fenêtres d'un temple ionien à Athènes, au temple de la Sibylle à Tivoli, à la porte du temple de Cori. Perrault fait observer qu'il faut nécessairement comprendre dans cette saillie, non seulement celle de la couronne et de sa dernière cymaise, mais même la saillie de la cymaise dorique et de l'astragale lesbien ; qu'autrement on ne trouverait pas assez d'espace entre les tailloirs des chapiteaux contre lesquels la dernière cymaise de la couronne plate touche, quand il n'y a pas de portique, et que la colonne est attachée au mur : car, alors même qu'il y aurait un portique, et que la couronne serait éloignée du mur, pour laisser à cette cymaise de la couronne plate la liberté de passer l'alignement de la cymaise du tailloir du chapiteau, il ne serait pas raisonnable de lui donner tant de saillie, parce qu'il ne faut pas que les proportions soient différentes, que ces colonnes fassent ou non un portique.

134. - Uti crepidines excurrant, et in ungue ipso cymatio conjungantur. Que signifie in ungue conjungi? Barbaro et Durantinu traduisent par se joindre ensemble. Cesariano et Caporali n'ont point traduit ces mots, tout en conservant le latin. Mais, dans leurs commentaires, ils donnent â entendre que cela signifie une jointure subtile de deux extrémités qui sont minces comme des ongles ; ce qui ne semble pas bien expliquer la chose, parce que cette jointure subtile est particulière à la menuiserie d'assemblage, où les retours et les angles sont formés de deux pièces, ce qui ne se rencontre pas aux ouvrages de pierre. Nos ouvriers font deux espèces de retour des moulures l'un est appelé simplement à angle ; il est commun à toutes les moulures des corniches qui, dans leur retour, conservent le même niveau ; l'autre est appelé à onglet ; c'est le retour des moulures des chambranles ou des cadres ; et on aurait pu dire que ce mot d'onglet des ouvriers vient de l'in ungue de Vitruve, s'il s'agissait ici du retour des moulures des chambranles. C'est pourquoi je n'ai point traduit in ungue par à onglet, comme J. Martin, mais par exactement, supposant que Vitruve a mis in ungue pour ad unguem. Et puis, quelles sont les cymaises qui doivent être jointes exactement? Si la fig. 65 (p. 416), si celles que Barbaro et J. Bullant ont faites de la porte dorique sont exactes, je crois que Vitruve veut parler de la cymaise qui est sur la couronne plate, et de celle du tailloir du chapiteau soit des colonnes, dont l'une est marquée R, soit des pilastres qui sont aux deux côtés de la porte : car les extrémités de ces deux cymaises se touchent et se joignent de si près et d'une manière si particulière, au point L, que ce D'est pas sans raison qu'il dit qu'elles se joignent exactement ; et si cette jointure eût dû s'entendre des angles et des retours d'une moulure, il aurait été inutile de dire qu'elle doit être juste, parce que cela est commun à tous les angles que font les moulures ; mais il est tout à fait particulier aux deux extrémités de ces cymaises de se toucher comme elles font.
Comme Galiani, de Bioul entend qu'il faut que l'architrave du chambranle fasse à droite et à gauche les petites saillies indiquées par les lignes ponctuées rr, et que ces saillies, avancent autant que les pieds des chambranles. On en voit à beaucoup de chambranles dans les anciens édifices, entre autres à ceux des fenêtres du dedans du temple de la Sibylle à Tivoli. Cependant je crois que la période de ce chapitre qui terminé l'article de la porte dorique a rapport à la grande cymaise plate, dont il était question alors, et non au chambranle.

135. - Lumen altum ad eumdem modum, quemadmodum in Doricis. C'est-à-dire que la hauteur comprise entre, le pavé et le plafond se divise en trois parties et demie, dont on donne deux à l'ouverture de la porte.

 

136. - Latitudo constituatur, ut altitude dividatur in partes duas et dimidiam, ejusque partis unius ima luminis fiat latitudo. On lisait : eiusque partis unius semis ima luminis latitude fiat. Si cette division était exacte, s'il n'y avait pas là corruption dans le texte, eu égard aux proportions prescrites antérieurement pour les entre-colonnenments, l'ouverture de la porte serait plus large par le bas que l'entre-colonnement du milieu, ce qui serait un grand défaut ; aussi Philander croit-il plus purs les manuscrits qui n'ont point le mot semis. Et Scammozzi pense aussi qu'il y a corruption dans cet endroit du texte. Voici comment il le prouve si l'on donnait à la porte ionique autant de largeur qu'en porte le texte, elle serait plus large que la porte dorique, ce qui n'est point admissible dans un ordre dont les formes sont si élégantes ; de plus ces proportions jureraient avec celles que nous offrent les pertes antiques, qui ont toujours plus de deux largeurs de hauteur. Scamozzi continue : Dans la porte dorique on divise la hauteur en douze parties dont on donne cinq et demie à la largeur ; la hauteur est donc comme 24 est à 11, ou comme 120 est à 55. Si dans la porte ionique la hauteur se divise en deux parties et-demie, et qu'on en donne une et demie à la largeur, la hauteur sera à la largeur comme 5 est à 3, ou comme 120 est à 72 la différence entre 55 et 72 sera de 17 ; mais si de ces deux parties et demie une seulement est prise pour la largeur, la hauteur de la porte sera à la largeur cantine 5 est à 2 , ou comme 120 est à 48 ; différence 7, entre 48 et 55. Cela considéré, il est plus probable que la différence doive être plutôt de 7 que de 17, et que conséquemment, des deux parties et demie de la hauteur de la porte, Vitruve en assigne une à sa largeur plutôt que une et demie. Remarquons encore que quand Vitruve décrit les trois portes dorique, ionique et aticurge, il donne aux portes dorique et atticurge deux fois plus de hauteur que de largeur ; il est tout à fait vraisemblable que Vitruve a destiné à la hauteur de la porte ionique plus de deux fois sa largeur. Mais, dira-t-on, si, après la correction, le texte porte deux largeurs et demie pour la hauteur, il arrivera que, proportion gardée, cette porte ionique sera un peu plus haute que les deux autres. Ces mesures appartenaient sans doute à l'ancienne forme même de cet ordre ionique. Et puis remarquons qu'au haut de la porte ionique on mettait deux consoles qui semblaient ajouter à la largeur de celte partie. Poleni ne peut être de l'opinion de Blondel, qui pense que si la largeur de la porte ionique était à sa hauteur comme 2 est à 5, il y aurait là quelque chose de disgracieux. Voici, du reste, les va-riantes que présente ce passage : « Ejusque partis unius sima luminis fiat altitudo.- Ejusque partis unius si malum in his fiat latitudo. - Ejusque partis unius simulam in his fiat latitudo. - Ejus partis unius una luminis fiat latitudo.- Ejusque partis uniusima luminis fiat latitudo. » Poleni rejette donc le mot semis. Cependant Cesariano, Barbaro, Perrault, Gahani, Ortiz, Newton ont adopté la version de unius semis.
Dans la fig. 66, la hauteur de l'ouverture de la porte est Ae, divisée en deux parties et demie, ou cinq demi-parties.

 

137. - Harum trium prima corsa fiat cum astragalo. Personne ne doute que corsa ne soit cette face ou plate-bande qui tourne autour du chambranle dans la fig. 66, et qui est marquée cc ; mais on ne sait pas au juste doit vient ce mot. Baldi croit qu'il est pris du mot grec korñh, qui signifie la joue. Il y aurait néanmoins plus d'apparence, dit Perrault, qu'il vint du mot korsñv, qui signifie raser, parce que cet endroit, dans les chambranles et dans les architraves, n'a que fort rarement des ornements, et est toujours poli et dénué dé tout ce qui peut rendre la pierre comme velue et hérissée. Il s'en voit un exemple aux trois colonnes de Campo Vaccino, où la face du haut de l'architrave qui répond à la première face du chambranle dont il agit, est sans sculpture ordinairement, tandis que la seconde est taillée et ornée.

 

138. - Ancones sive prothyrides vocentur. Les consoles n o (fig. 66, p. 423) sont des ornements en saillie sur la clef d'une arcade, et qui ailleurs servent à porter de petites corniches, des figures, des bustes, des vases, etc. Ici elles ont des volutes en haut et en bas; elles descendent de dessous la corniche jusqu'au niveau de la partie inférieure du linteau b. On les a appelées ancones, sans doute à cause de la ressemblance que ancon, qui est une équerre marquée A (fig. 67) a avec la console B, ou plutôt à cause de lar essemblance qu'il y a entre l'usage de l'équerre A, qui soutient une tablette, et celui de la console B qui soutient la corniche placée au-dessus d'une porte ou d'une fenêtre. Les consoles sont appelées prothyrides, du mol yæra, porte, à cause qu'elles étaient aux côtés des portes.

139. - Praeterfolium. Le feuillage commence à la ligne b qui termine le supercilium, et descend jusqu'à la lettre o (fig. 66). Le sens est que dans la longueur de la console ne se trouve pas compris le feuillage.

140.- Eae habeant in fronte crassitudinern ex antepagmenti tribus partibus duarum. On lisait : crassitudinem ex antepagmenti tribus partibus unam in imo. Le mot unam ne se trouve point avant l'édition de Joconde. Quant au nombre qu'on doit lire après les mots tribus partibus, il faut consulter les meilleurs auteurs et les monuments anciens. Auteurs : Perrault trouve que la largeur des consoles, égale au tiers de la largeur du chambranle, est bien mince et bien étroite; il la désapprouve. Blondel la trouve ridicule. Scamoezi dit qu'il lui paraît convenable qu'on divise le chambranle en cinq parties, pour en donner trois à la largeur des consoles. Serlio veut que la largeur des consoles et celle des chambranles soient les mêmes. Monuments anciens : Perrault dit que Palladio a dessiné aux côtés de la porte du temple de la Concorde des consoles dont la largeur était le tiers de celle du chambranle; mais Poleni ne sait pas où Perrault a vu ce qu'il avance ; Palladio traite du temple de la Concorde au liv. IV, ch. 30, où il ne nomme pas même les consoles, encore moins en donne-t-il une figure. Palladio, dans le même livre (ch. 28), où il décrit un ancien temple de Nîmes, appelé la maison carrée, donne la figure d'une console qui a un peu plus du tiers de la largeur du chambranle. On y trouve encore une autre porte ancienne dans laquelle la largeur des consoles est presque la même que celle du chambranle. Dans les ruines antiques, la largeur des consoles est toujours de plus du tiers de celle du chambranle, et même il se trouve bien quelques exemples qui présentent les deux largeurs presque égales. On peut donc croire qu'après ex tribus partibus, Vitruve n'a écrit ni unam, ni tres, mais bien duarum.

141. - Gracilliorern. Dans la fig. 66 (p. 4a3) , la partie supérieure n de la console est à la partie inférieure finissant à la ligne ponctuée b comme 4 est à 3. Telles sont aussi les proportions de la console que Palladio a dessinée à la porte du temple de Nîmes.

142. - Fores ita compingantur, uti scapi cardinales sint. La description de cette menuiserie présente de l'obscurité, des difficultés, à cause des contradictions que présente le texte. Perrault croit les avoir toutes levées en supposant qu'il y a parte duo-de­vigesima, au lieu de parte duodecima, et Poleni veut qu'on mette ex latitudine à la place de altitudine. Sans entrer dans les longues explications de Galiani, de Newton, d'Ortiz, nous nous contenterons de traduire le texte par les figures, le plus raisonnablement possible.
Les portes des anciens, comme le fait observer de Bioul, ne roulaient point sur des gonds ; mais elles se mouvaient par le bas dans le seuil, et par le haut dans le linteau, sur ce qu'on nomme un pivot de porte, ou crapaudine. Le montant de la porte mobile, placé le plus près du mur, portait à ses deux extrémités une emboîture de bronze qui y était encastrée, et à laquelle était appliquée en dedans une pointe saillante pour l'arrêter et la fixer sur le bois. Cette emboîture était ordinairement formée en cylindre ; niais on en trouve aussi de carrées, d'où naissent sur chaque côté des bandes de fer allongées qui s'avancent, et qui fortifient, dans toute leur longueur, les planches dont les portes sont construites; sur quoi je remarquerai que ces portes extrêmement épaisses étaient intérieurement creuses. Je crois que ce sont les doubles montants de ces portes que Vitruve indique par ces mots : scapi qui sunt ante secundum pagmentum.
L'emboîture était établie, tant par le haut que par le bas, sur une plaque épaisse de bronze, ayant la forme d'un coin, soudée en plomb, et elle roulait sur cette plaque, de ma­nière que, quand l'emboîture présentait un mamelon, il y avait dans la plaque un creux ou renfoncement, dans lequel roulait ce mamelon, comme on le voit à la porte du Panthéon, et lorsque le renfoncement se trouvait dans l'emboîture, alors la plaque portait le mamelon saillant qui s'ajustait exactement dans l'ouverture de l'emboîture. Cette emboîture avec la plaque se nommait cardo. On en trouve quelques-unes dans le cabinet du roi de Naples, à Portici, dont le diamètre est d'un palme ; ce qui fait juger de la grandeur que devaient avoir les portes. Leur poids est de vingt, trente et quarante livres. Cette notice peut éclaircir plusieurs passages des anciens auteurs qu'on avait peine à entendre, parce qu'on s'était fait une idée fausse ou obscure de cette partie des portes. Lorsque les portes des anciens étaient à deux battants (bivalvae), chaque battant était ajusté, comme je viens de le dire, sur des pivots, ainsi qu'on le voit au Panthéon à Rome ; mais lorsque les battants composés chacun de deux parties formaient ce que nous nommons une porte brisée qui ne tourne que sur un des côtés, ces deux parties étaient liées ensemble par le moyen de gonds de bronze, avec pentures, dont les charnières étaient placées dans l'épaisseur du bois. Ces observations sont clairement prouvées par un gond de cette espèce sur les deux côtés duquel on voit encore du bois que le temps a pétrifié.
Les montants où sont les gonds sont marqués par II (fig. 66, p. 423). Ce sont ces membrures disposées perpendiculairement et voisines du chambranle.

143. - Ex latitudine luminis totius duodecima parte. On lisait altiludine ; mais ces parties que Vitruve donne aux montants cardinales, aux cymaises, aux châssis, aux panneaux , ne se rapportent pas aux longueurs de ces membrures : il faut qu'elles se rapportent à leurs largeurs, et c'est ce qui a lieu; bien entendu que ce sont les deux montants pris ensemble qui ont cette largeur.

144. - Inter duos scapos tympana ex duodecim partibus habeant ternas partes. Ces panneaux sont ( fig. 66, p. 423) DD, MM. Perrault prétend que cet endroit n'a point de sens : car cette mesure, dit-il, ne saurait être pour la largeur des panneaux qui sont entre les montants, parce qu'ils n'en ont point de certaine, allant toujours en s'étrécissant depuis le bas jusqu'en haut, de même que l'ouverture de la porte. Perrault se trompe, connue il est facile de s'en convaincre par l'inspection de la fig. 66.

145. - Impagibus distributiones. Les traverses sont les pièces horizontales aV, aa, qui s'assemblent avec les montants cardinales. L'étymologie, selon Sextus, vient de pangere, qui signifie ficher, clouer, de sorte que compages fit ex impagibus.

146. - Uti, divisis altitudinibus in partes quinque, duae supe­riori, tres inferiori designentur. Ces paroles de Vitruve nous apprennent que la hauteur de l'ouverture de la porte se subdivise en deux autres hauteurs. Aussi veut-il que la hauteur entière Ae soit divisée eu cinq parties, dont deux sont données à la partie supérieure D ou er, et trois à la partie inférieure M ou rA.

147. - Super medium medii impages collocentur. La traverse du milieu ara se place sur la ligne ponctuée qui partage les deux parties supérieure et inférieure DM (fig. 66, p. 423). Barbaro s'est certainement trompé en traduisant medii impages par demi-traverses, c'est-à dire traverses qui sont la moitié plus étroites que les autres. Ces deux mots doivent se traduire par traverses du milieu, c'est-à-dire placées entre les deux autres qui sont aux extrémités, sans être pour cela également distantes de l'une et de l'autre, ce que semblerait faire entendre super medium.

148. - Latitude impagis fiat tympani tertia parte. Vitruve a dit plus haut que les panneaux comprenaient trois des douze parties qui forment la largeur de la porte. S'il donne à cette traverse du milieu le tiers de la largeur du panneau, il est évident que la largeur de cette traverse sera de la douzième partie de la largeur de la porte ; rien d'étonnant donc que plus tard Vitruve se serve, comme de module, de la largeur de cette traverse.

149. - Cymatium tertia parte impagis. Ou lisait sexta parte. Mais Poleni, d'après un manuscrit, a corrigé ce passage, et mis tertia. Il n'est pas probable, en effet, que Vitruve ait donné aux cymaises une largeur assez petite pour n'être que la sixième partie de la traverse du milieu, qui n'est déjà elle-même que la douzième partie de la largeur de l'ouverture de la porte. Cette troisième partie, du reste, répond parfaitement à la répartition limite entre les différents membres des portes, des douze parties que comprend la largeur entière des portes.

150. - Item replum de impage dimidia et sexta parte. Turnèbe confesse qu'il ne sait ce que c'est que replum. Saumaise croit qu'il est dit comme replicatum. Philander veut que ce soit une corniche placée au-dessus de la traverse, se fondant sur un passage du ch. II du liv. X, où Vitruve dit replum quod est operimentum. Bertani, dans son livre De obscuris locis in opere Ionico, prend replum pour le poteau du milieu, qui est commun aux deux battants, et qui en couvre la jointure. Baldi croit que c'est la partie marquée par ! (fig. 66, p. 423), qui est autour du panneau, et qui l'enferme comme un châssis. C'est l'opinion la plus probable.

151.- Scapi qui sunt ante secundum pagmentum. Ce passage est difficile. Perrault voudrait qu'on remplaçât les mots qui sunt ante par faciunt ; mais Poleni fait remarquer avec raison que le mot pagmenta n'a point été employé par Vitruve dans le sens de scapi. Les montants cardinales, que Poleni appelle montants premiers, forment les bords latéraux des portes, et touchent aux chambranles; ils sont désignés (fig. 66, p. 423) par les caractères aII , VII. Aux bords opposés à ceux qui se joignent au milieu de la porte, quand elle se ferme, doivent être deux autres montants semblables aux premiers ; c'est une chose raisonnable et que nous voyons à toutes nos portes. Ces montants appelés seconds par Poleni sont marqués 22, 22. Il semble clair que ce sont là les montants dont Vitruve veut parler. Il est aussi très vraisemblable que par le mot pagmentum, il a indiqué les membrures voisines des montants, c'est-à-dire les cymaises :: et les châssis !! qui sont assemblés avec les montants et les panneaux. Et comme auprès des premiers moulants il y aussi d'autres cymaises et d'autres châssis, ces membrures peuvent être regardées comme le premier assemblage, et celles qui sont auprès des seconds montants comme le second assemblage (secundum pagmentum). Le tableau suivant va représenter les diverses membrures dont se compose la porte avec leur largeur déterminée. Suivie sur la fig. 66 (p. 423) :
II.
Deux montants cardinales, comprenant chacun la largeur de la moitié d'une des douze parties qui divisent la largeur de la porte ...... 1
::::
Quatre cymaises ayant chacune le tiers d'une douzième partie...... 1 1/3

!!!!
. Quatre châssis, chacun avec la largeur des deux tiers d'une douzième partie .................. 2 2/3
DD.
Deux panneaux larges chacun de trois douzièmes................ 6
22.
Deux seconds montants dont les deux largeurs font une douzième partie .................. 1
Total ............... 12

 152. - Sin autem valvatae erunt. Une porte (foris) est généralement cet assemblage de menuiserie qui ferme l'hypothyron ou l'ouverture d'une porte (ostium). On la conçoit divisée en deux parties dont chacune s'appelle battant. La fig. 66 (p. 423) représente une porte dont la menuiserie aa,VV qui bouche l'entrée, se forme de deux battants séparés par la ligne eA. Les lettres ae, aA désignent un de ces battants dont le montant cardinalis, aI, Ia, est attaché au chambranle, à gauche. Les lettres uV, uV désignent l'autre battant dont le montant VI, IV est attaché au chambranle à droite. Une porte est à un battant quand elle occupe à elle seule toute la largeur de l'ouverture de la porte. Telle est celle représentée dans la fig. 65 (p. 416) et désignée par les lettres pbdq. Elle n'a qu'un montant cardinalis, pb, qui est attaché au chambranle D, par ses gonds tt. Valvata foris est une porte à un battant brisé, c'est-à-dire une porte composée de deux parties liées ensemble par le moyen de gonds, avec pentures. Biforis foris est la porte à deux battants. Quadriforis foris signifie indifféremment et les portes à deux battants dont chacun est brisé de haut en bas, que les Latins appelaient conduplicabiles; et celles dont chaque battant était coupé en travers, que les Grecs appelaient diklÛdew, c'est-à-dire à deux clefs, parce que les deux battants ou volets d'en haut étaient fermés par une serrure, et les deux battants d'en bas par une autre.

153. - Praeterea corsae sub cymatiis in antepagmentis circumdantur. Ces plates-bandes sont désignées par les lettres ccc, et les cymaises qui les entourent par les lettres aaa (fig. 68, p. 430).

 

154. - Antepagmenta praeter cymatium ex partibus septem habeant duas partes. C'est-à dire que, sans compter la cymaise qui doit occuper la sixième partie de la largeur du chambranle, le reste de la largeur se divise en six parties, dont deux sont données à la largeur de la plate-bande ccc (fig. 68, p. 430). Perrault fait remarquer que la plate-bande qui est mise sous la cymaise est bien petite, et laisse un grand espace qui rend ce chambranle nu, et bien plus simple qu'il ne l'est dans l'ordre ionique, où il y a trois plates-bandes : ce qui fait croire raisonnablement que cette porte appelée par Vitruve atticurge, n'est point pour l'ordre corinthien ; mais que cet atticurge était un ordre particulier, ainsi que le témoigne Pline, qui, outre les ordres toscan, dorique, ionique et corinthien, en met un cinquième qu'il appelle attique, et dont il dit que les colonnes étaient carrées. Et il y a apparence que cet ordre attique était moyen entre le dorique et l'ionique :car sa base qui a été décrite précédemment est plus simple que l'ionique, n'ayant que quatre membres, une plinthe, deux tores et une scolie, tandis que l'ionique en a six, une plinthe, deux scolies, deux astragales et un tore. On voit encore dans les ruines d'Argos quelques restes de cet ordre attique. Les chapiteaux qui sont aux colonnes carrées de la fig. 68 de la porte attique, ont été dessinés sur le lieu, et communiqués à Perrault par M. de  Monceaux. Bien qu'on lise dans Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 56) : « On distingue de plus, les colonnes attiques qui sont quadrangulaires, et partout d'égal diamètre », il n'en est pas moins certain qu'il dit au commencement du même chapitre, en parlant des colonnes : « On en distingue de quatre ordres, les doriques, les ioniques, les toscanes, les corinthiennes. « sans qu'il soit question d'un cinquième ordre de colonnes attiques. Aussi Poleni pense-t-il qu'on doit rejeter ce nouveau genre attique que Perrault voudrait faire entrer dans l'architecture de Vitruve.

155. - Ipsaeque fores non fiunt cerostrotae. Le mot cerostrota a souvent exercé la verve des commentateurs. Pline emploie le même mot en parlant des ouvrages en marqueterie que l'on faisait avec la corne de buffle teinte de différentes couleurs. C'est d'après l'explication que Pline donne de ce mot que de Bioul, Perrault, Barbaro et Philander l'ont rendu par ouvrage en marqueterie. Barbaro, tout en préférant cerostrotae, dit avoir vu un manuscrit où, au lieu de ce mut, se trouvait clatharatae:; ce qui signifierait peut-être, selon Poleni, qu'indépendamment de la partie mobile des portes, il y aurait eu une partie supérieure immobile, à jour, défendue par des barreaux. Et cette opinion ne parait pas déraisonnable, surtout quand on sait que les temples carrés n'avaient pas en général de fenêtres, et ne recevaient de jour que par la porte, pour qu'ils eussent un air plus auguste, étant éclairés par des lampes. Lucien dit d'une manière expresse (de domo) que les temples n'étaient éclairés que par la porte. Quelques temples ronds, tels que le Panthéon à Rouie, recevaient le jour d'en haut, par une ouverture circulaire, laquelle n'y a point été percée par les chrétiens, comme le prétendent quelques écrivains ; le contraire est prouvé par le rebord curieux de métal qu'on y voit encore maintenant, et qui n'est point un ouvrage des temps barbares. Lorsque, sous le pape Urbain VIII, on pratiqua un grand cloaque pour l'écoulement des immondices jusqu'au Tibre, on trouva , à quinze palmes au-dessous du pavé intérieur de la rotonde, une grande ouverture circulaire pour l'écoulement des eaux qui pouvaient se rassembler dans le temple par l'ouverture du comble. Ce temple n'était pas le seul qui prît ainsi le jour. Celui de Mercure, que de Bioul a vu dans les ruines de Baïes, dont la voûte parfaitement conservée est absolument semblable à celle du Panthéon, reçoit aussi le jour par une ouverture circulaire qui se trouve au sommet, pareille à celle du temple de Rome ; il y avait néanmoins des temples ronds qui n'avaient pas cette ouverture.

156. - Et aperturas habent in exteriores partes. Les portes des Grecs, dit Winckelmann dans ses Remarques sur l'architecture des anciens, ne s'ouvraient pas comme les nôtres, en dedans ; elles s'ouvraient en dehors : voilà pourquoi les personnages des comédies de Plaute et de Térence qui veulent sortir des maisons, donnent en dedans un signe à la porte, comme le fait observer le critique Muret (car iil faut se ressouvenir que les comédies de ces auteurs latins sont pour la plupart imitées ou traduites du grec). La cause de ce signe qu'on donnait en dedans des maisons, avant d'en sortir, était pour avertir ceux qui , dans la rue, passaient le long des maisons, qu'ils eussent à éviter d'être heurtés par la porte qu'on voulait ouvrir. Dans les premiers temps de la république, M. Valerius, frère de Publicola, obtint comme une marque singulière d'honneur, la permission d'ouvrir sa porte en dehors, comme celles des Grecs ; et l'on assure que c'était la seule porte à Rome qui fût faite de cette manière. On voit cependant sur quelques urnes funéraires de marbre qui sont dans la villa Mattei (Montfaucon, Antiq. expliq., t. V, p. 122), et dans la villa Ludovisi, que la porte qui y marque l'entrée des Champs-Élysées s'ouvre en dehors ; et dans le Virgile du Vatican, la porte d'un temple est faite comme celle de la boutique des marchands ou des artisans. D'ailleurs des portes qui s'ouvrent ainsi ne peuvent pas être forcées ni enfoncées aussi facilement que celles qui s'ouvrent en dedans. On trouve néanmoins des exemples de portes qui s'ouvrent ainsi ; il y en a une pareille représentée sur un des plus beaux bas-reliefs de l'antiquité, qui est dans la villa Negroni.
Ceux qui cherchent à épiloguer, dit de Bioul, prétendent et soutiennent que les portes de bronze de la Rotonde n'ont pas été faites pour ce temple, mais qu'on les a enlevées d'ailleurs ; et c'est ce que Keyssler s'est laissé persuader aussi, sans dire pourquoi il y a une grille au-dessus de cette porte. Suivant eux, cette grille devrait aller jusqu'aux poutres d'en haut. Les personnes qui ont sous la main les peintures d'Herculanum, verront sur le tableau de la mort de Didon une pareille porte, au haut de laquelle une pareille grille est attachée. Elle y sert pour donner du jour à l'intérieur de l'édifice, Dans quelques temples il y avait, suspendu devant la porte, un épais rideau, lequel, dans le temple de Diane, à Éphèse, se levait de bas en haut. Mais dans le temple de Jupiter, à Élis, on le faisait descendre de haut en bas. Pendant l'été les portes des maisons particulières étaient fermées avec du crêpe.

157. - In longitudine sex partes. La longueur du temple OP se divise en six parties, dont on donne cinq à la largeur OZ (fig. 69). La partie intérieure du temple est abcd, et la partie extérieure voisine de la façade ePQh. Cette partie extérieure comprend les deux murs du pronaos (pteromata) eFGh.

 

 

158. - Latitude dividatur in partes decem. La largeur AB se divise eu dix parties, dont on laisse trois à droite pour la petite cella gmcd, et trois à gauche pour l'autre petite cella abri,. Vitruve les appelle petites pour les distinguer de l'intérieur entier de l'édifice. Et chaque petite cella ne doit avoir que ces trois parties, lors même qu'on voudrait les subdiviser en plusieurs autres cella. Ce qui pouvait se faire, dit Sournoise : car on construisait ordinairement plusieurs cella dans la même enceinte, surtout si le même temple était dédié à plusieurs divinités. Je préfère néanmoins la version sive ibi alae futurae sint, à celle de quelques manuscrits et éditions sive ibi aliae futurae sint. Ces trois parties formaient alors ces bas-côtés qui se trouvent souvent dans nos églises. Poleni a pensé que dans le plan de la partie intérieure abcd, il était inutile d'indiquer la place des murs ou des colonnes, et qu'il suffisait de séparer les trois parties Au, Bu, des quatre autres uu (fig. 69) qui restent pour le milieu du temple.

 

 

159.- Spatium quod erit ante cellas in pronao. La description de ce temple Toscan, dit de Bioul, est pour tous les commentateurs de Trophonius; ils y trouvent la même obscurité que dans cette célèbre caverne, où tous ceux qui y descendaient voyaient une infinité de choses, fruits de leur imagination ; personne ne voyait ce qu'un autre avait vu. Il en est de même pour les interprètes qui ont cherché à pénétrer le sens de ce passage. Tous y ont vu des temples dont pas un ne se ressemble. Dans tous ces plans, j'ai pris ce qui m'a paru le plus conforme au texte que j'interprète ainsi : l'espace qui est en avant de la cella , le pronaos sera disposé pour recevoir les colonnes, de manière que les angulaires DN (fig. 69, p. 433) soient placées dans la direction des ante FG qui terminent les murs OF, ZG. Devant les murs eV, hV qui sont entre les antes FG, et le milieu du temple H , il y aura deux colonnes MM , disposées de telle sorte qu'elles se trouvent entre les antes FG, tandis que deux autres encore EE seront, élevées au milieu des premières colonnes DN , et sur la même ligne. Perrault, d'accord avec Barbaro, conduit les murs latéraux qui sont terminés par des antes jusqu'au milieu de la largeur du pronaos, et place entre les deux antes, si la largeur est suffisante, deux colonnes au droit des deux autres qui sont sur la même ligne que les angulaires. Un côté de la cella H est coupé par un mur partant du pilastre f, et se terminant par une ante qui est sur la même ligne que les antes nr ; l'autre côté a, en place de mur, une colonne placée sur la ligne gm, au droit du pilastre k.
La fig. 69 (p. 433), qui est celle de Poleni, ressemble à celle de Perrault quant aux antes FG , aux deux colonnes MM de l'intérieur du pronaos, et aux quatre colonnes DEEN de la façade. Elle en diffère en ce que Perrault conduit un mur du point f au milieu de la ligne nr, et que de l'autre côté, il dresse une colonne sur la ligne gm, à égale distance de ces deux lettres. Barbaro, lui, en place de ce mur qui vient aboutir à la ligne nr, élève une colonne au milieu de cette même ligne. Galiani fait parcourir les lignes nr, gm par deux murs qu'il perce chacun d'une porte au milieu. Ortiz est d'accord avec Galiani ; seulement en place de ces deux murs, il met de chaque côté trois colonnes qui divisent la cella en trois nefs, la médiane étant plus large que les latérales. Newton, comme Galiani, trace deux murs dans la direction de rn et de mg, mais les portes sont placées entre eV et Vb. Si par le mot cella, dit Stratico, il faut entendre un lieu fermé, les figures de Newton et de Galiani sont les meilleures; s'il faut entendre les espaces latéraux que nous appelons chapelles, la figure d'Ortiz , et surtout celle de Cesariano, seront préférables. Quand à celles de Perrault, de Barbaro, de Poleni, elles ne rem-plissent point les conditions posées par Vitruve. De plus, Newton ne prolonge pas les murs Zc, Ob jusqu'à la moitié de la largeur du pronaos FG, met deux antes aux points e et h, et deux colonnes aux points FG.

 

160. - Eaeque sint ima crassitudine altitudine parte septima. Philander et Perrault s'étonnent de cette proportion de la colonne toscane ; elle devrait, selon eux, étant plus grossière dans ses ornements que toutes les autres, être plus courte quels dorique, qui n'a également que sept diamètres de hauteur. Mais la colonne trajane, qui est d'ordre toscan , est encore plus disproportionnée, dit Perrault, puisqu'elle a plus de huit de ses diamètres de hauteur. Il est vrai, ajoute-t-il, que les colonnes doriques employées dans les théâtres, derrière la scène, avaient huit diamètres et demi (liv. V, ch. 9).Le toscan n'est qu'un dorique grossier apporté en Italie par les Pélages, à l'époque où les Grecs ne connaissaient d'autre architecture que celle dont les temples de Pestum nous ont donné une idée. La gêne que cause la distribution des triglyphes et des métopes dans la construction, fit qu'on les supprima ; alors la frise et l'architrave se trouvèrent sans ornements. Ce fut sans doute là l'origine de l'ordre étrusque et toscan. Il est probable qu'alors la colonne toscane, ainsi que l'ancienne colonne dorique, n'avait que quatre ou cinq diamètres. Les Étrusques et les autres colonies grecques d'Italie n'ayant jamais cessé de correspondre avec leur mère patrie, connurent par la suite les nouvelles proportions qu'on y avait données aux colonnes. Ces peuples, attachés à leurs anciens usages, ne changèrent pas la forme de leurs temples ; mais, à l'exemple des Grecs, ils tirent les colonnes plus sveltes, et en augmentèrent la hauteur en lui donnant sept fois la mesure du diamètre, comme ceux-ci avaient fait à la colonne dorique. Ces proportions plurent aux Toscans, et Vitruve les a conservées dans son traité aussi bien que Pline (Hist. Nat., liv. XXXVI, ch. 56). La colonne toscane, décrite par Vitruve, ressemble encore aux colonnes des temples de Pestum et des édifices de l'antique architecture, par sa grande atténuation, qui doit, dit-il, égaler le quart du diamètre du bas de la colonne. Il ne dit pas que cette diminution doive être moindre, à proportion de leur grandeur, comme il l'enseigne dans le ch. 3 du liv. III, pour celles des autres ordres. Les Étrusques n'avaient pas sans doute, poussé l'attention aussi loin. Les principes dont Vitruve se sert pour la distribution de l'ordre toscan, sont tout différents de ceux qu'il emploie pour les autres ordres. Il a sans doute tiré les derniers des auteurs grecs qui ont écrit sur l'architecture, et les premiers, de quelque traité particulier sur l'ordre toscan, écrit à Rome, où cet ordre a été connu avant les autres, puisque, comme il le dit lui-même dans l'introduction de ce livre, il a réuni dans son traité les principes épars dans tous ceux de ses prédécesseurs.

161. - Altitudo tertia parte latitadinis templi. Chez les anciens, les proportions de l'ensemble de l'édifice étaient l'objet principal, tandis que celles des parties n'étaient qu'accessoires. Nous voyons effectivement dans ce chapitre que la hauteur des colonnes toscanes se réglait sur la largeur du temple, dont elles devaient avoir le tiers. C'était la plus ancienne proportion de la hauteur des colonnes, celle que Pline indique en général pour les temples (Hist. Nat., 66. XXXVI, ch. 56) : Antiqua ratio erat columnarum altitudine tertia pars latitudinum delubri.

162. - Spirae earum. La base de la colonne toscane décrite ici par Vitruve, diffère de celle des autres colonnes que nous voyons dans les monuments anciens, en ce que le socle en est rond, tandis que celai des autres est carré, et en ce que le listel placé sur le tore fait eu quelque sorte partie de la base même de la colonne toscane, puisqu'on en comprend l'épaisseur dans le demi-diamètre qu'on assigne à la hauteur de la base, tandis que dans les autres elle est comptée pour la longueur du fût dont elle fait partie.
Dans la fig. 72, la base comprend aBC, dont la hauteur bu est la moitié du diamètre de la colonne RS. La plinthe arrondie est C sa hauteur, nu, comprend la moitié de la base bu. Le tore est B, le congé a ; et leur hauteur en, be réunies, c'est-à-dire bn, sont égales à la hauteur de la plinthe nu.

 

 

163. - Capitulique crassitudo. Dans la fig. 71, les lettres GDvNr désignent les parties du chapiteau dont la hauteur aq est égale à la moitié du diamètre de la colonne. Cette hauteur aq se divise en trois parties égales, au, un, nq. La première au est pour la plinthe G, c'est-i-dire pour ce membre qui ressemble, une plinthe, et qui tient lieu de tailloir, ce qui l'a fait appeler plinthe et tailloir. La largeur de ce tailloir est eP, la même que celle du bas de la colonne RS. La seconde un est pour l'ove D et sou annelet v. Le mot annelet ne se trouve pas dans le texte ; Philander et Poleni pensent qu'il est sous-entendu. Un annelet a été aussi placé entre l'ove et le gorgerin par Serlio, Barocci et Palladio. Scamozzi et Perrault ont mieux aimé y mettre deux petits membres que désapprouve Poleni.

164.- Tertia hypotrachelio cum apophygi. Les commentateurs ont sur cette troisième partie des opinions très variées. Philander fait remarquer que, bien que dans la plupart des exemplaires on lise cum apophygi, il a ajouté astragalo: curn astragalo et apophygi. Perrault et plusieurs autres ont cru qu'ici Vitruve ne parle pas de l'astragale et du listel qui sont au haut du fût de la colonne, mais d'autres parties semblables qui seraient placées immédiatement sous l'ove du chapiteau. Une des raisons qui ont déterminé Perrault à adopter ce sentiment, c'est que parmi le peu d'exemples que nous avons de l'ordre toscan des anciens, la colonne trajane, qui est un des plus illustres, a cet astragale et ce listel sous l'ove (échine ou quart de rond) du chapiteau, en sorte qu'il n'y aurait que le congé qui appartiendrait au fût de la colonne, l'astragale faisant manifestement partie du chapiteau, puisqu'il est taillé de sculpture de même que le quart de rond; ce qui ne se fait pas au fût d'une colonne. Galiani avoue qu'il a partagé pendant quelque temps cette opinion. Il est vrai, dit il, que apophygis paraît signifier ici le listel ; cependant ce mot, tiré du verbe grec Žpofeægv, s'échapper, fuir, signifie proprement, en architecture, l'adoucissement qui naît du bord du listel, au haut et au bas du fût d'une colonne, ce que nous avons nommé le congé. Il ne signifie ici le listel que parce que ces, deux parties tiennent immédiatement ensemble; cette réflexion lui a fait abandonner l'opinion de Perrault, et adopter celle des commentateurs qui croient que apophygi et astragalo signifient ici les deux membres qui terminent le fût de la colonne ; mais Ortiz prenant pour exemple la colonne trajane, qui n'a qu'un annelet au haut du fût, un autre au bas, assure que l'annelet d'en haut appartient au chapiteau comme celui d'en bas fait partie de la base. Newton dit que l'apophygis est l'annelet ou réglet qui entoure le haut et le bas du fût de la colonne. Or, Poleni avoue que, n'ayant trouvé dans aucun manuscrit le mot astragalo, il est convaincu que les Toscans n'ont jamais placé d'astragale sur l'annelet supérieur de la colonne, et que ce mot a été arbitrairement introduit dans le texte. Il partage l'opinion d'Ortiz.

 

165. Trabes compactiles. Dans un temple toscan, distribué comme l'est celui-ci, l'entre-colonnement aréostyle est beaucoup trop grand pour qu'on puisse faire les architraves avec des pierres ou du marbre, puisqu'ils ont plus de quatre diamètres et demi : il faut y employer de grosses poutres, comme le dit Vitruve au commencement du ch. 3 du liv. III, eu parlant de cette espèce d'entre­colonnement. Si les édifices sont considérables, comme l'étaient ceux des Étrusques, il était impossible qu'une seule pièce de bois suffit pour les taire d'un module proportionné au reste de l'ouvrage; il fallait en joindre plusieurs ensemble, AB (fig. 73, p. 437), pour que ces architraves eussent l'épaisseur et la largeur nécessaires. L'auteur a la sage précaution de recommander que ces pièces de bois ne se touchent pas; il veut qu'on laisse entre elles un espace égal à l'épaisseur de deux doigts, pour que l'air puisse y circuler, et que l'eau n'y séjourne pas. Cet assemblage doit se faire par le moyen de chevilles et de tenons à queue d'aronde I. La lettre D indique la gorge du chapiteau dont le diamètre détermine la largeur de l'architrave.

166 - Subscudibus et securiclis. Il serait difficile de préciser la différence des deux choses que ces mots signifient, à moins que ceruriclae, qui a pour racine securis, ne soit les deux parties ee, qui ressemblent effectivement au fer d'une hache, et subscudes les deux parties réunies, placées en opposition l'une à l'autre, comme elles sont représentées dans, la fig. 73 (p. 437).

167. - Concalefaciuntur. Ce mot est mis pour concalefiunt. Rappelons-nous que Vitruve prie César et ceux qui le liront, ut si quid parum ad artis grammaticae regulam esset explicatum, ignosceretur.

168. - Supra trabes et supra parietes. Par le mot trabes Vitruve désigne l'architrave KMRL (fig. 71, p. 437), et par le mot parietes la frise FHIO. qui, dans l'ordre toscan, se construisait avec des pierres. Au-dessus de la frise on plaçait les mutules. Leur saillie devait être égale au quart du diamètre de la colonne. La correction de Galiani, qui a substitué le mot latitudinis à celui de altitudinis, qui se trouve dans les autres éditions, me semble bonne. Quelle apparence, en effet, que les mutules eussent une saillie égale au quart de la hauteur d'une colonne ? Il est plus naturel de supposer dans le texte cette faute légère que nous avons déjà rencontrée plus d'une fois. Les interprétations qui ont conservé le mot altitudinis laissent toutes quelque chose à désirer ; Perrault avoue que la sienne peut être regardée comme une espèce d'énigme. Cette saillie du mutule bd ( fig. 71), qui est égale au quart du diamètre de la colonne RS (fig. 72, p. 437) , ne peut en aucune manière égaler le quart de la hauteur de la colonne. J. Martin, Barbaro, Poleni ont adopté cette correction. Entre les mutules et la frise, Poleni ne pose que le filet, yx, comme chose plus convenable à la simplicité de l'ordre toscan, au lieu du filet et de la cymaise lesbienne, qu'y place Perrault.

169. - Frontibus antepagmenta figantur. Le mot antepagmenta, suivant son étymologie, signifie une chose clouée sur une autre, et Philander, Perrault, de Bioul, clouent des ais, des ornements sur les bouts des poutres qui sont aux faces. Poleni pense que par le mot antepagmenta Vitruve a voulu, désigner la corniche ACQB (fig., 71, p. 437), dont les membres faits de bois, comme l'indique, suivant Stratico, le mot figantur, étaient cloués au-dessus des mutules, qui sont à la corniche comme le visage est au front de l'homme. Tout entablement se compose d'une architrave, d'une frise et d'une corniche. Vitruve a bien désigné l'architrave et la frise par des mots qu'il n'emploie pas ordinairement, trabes et parietes ; le mot antepagmenta désigne évidemment la corniche dont il n'aurait pas parlé, si telle n'était la signification de ce mot.

170. - Tympanum fastigii. Vitruve devant parler du fronton nbu (fig. 70, p. 433), qui se compose du tympan saz, et des corniches nbas, ubaz, et ne voyant pas la nécessité de décrire ces corniches, puisqu'il l'avait déjà fait pour la corniche ex, n'a ajouté que ce qui avait absolument rapport au tympan saz, tympanum fastigii.

171. - Ut stillicidium tecti absoluti tertiario respondeat. Barbaro, Philander et Laët dans son supplément au Dictionnaire de Baldi, donnent que explication très probable du mot tertiarium, quand ils disent qu'il signifie le fronton. Mais Perrault croit que cette explication est incomplète, et qu'il y a autre chose dans la signification de ce mot : car il serait inutile de dire que le toit doit répondre au fronton, puisque cela est commun à tous les ordres, du moins dans les monuments antiques. Il lui semble donc que Vitruve a voulu donner au fronton de l'ordre toscan une proportion particulière, c'est-à-dire que l'ordre toscan étant plus solide et plus durable que les autres par les proportions de ses colonnes, il demandait à avoir aussi dans son toit une disposition avantageuse à la solidité, par cette élévation du faîtage qui diminue la poussée des forces par lesquelles tout le toit est soutenu et qui donne une grande facilité à l'écoulement des eaux. Turnèbe, qui a entendu, comme Perrault, par tertiarium une chose dont une partie est le tiers du tout, applique ce mot à la saillie du toit qui devait être la troisième partie de tout le toit ; ce qui est sans raison, ce lui semble, parce que ce n'est pas aux toits que la grandeur des saillies est proportionnée, mais bien à la hauteur du mur, qui exige une saillie d'autant plus grande qu'il est plus élevé ; ce qui n'est point nécessaire à un toit, qui, plus il est grand, plus loin il jette ses eaux, parce que la quantité qu'il en amasse et la longueur de son cours font qu'elle tombe avec assez d'impétuosité pour qu'il ne soit pas besoin d'une grande saillie. Galiani et Ortiz ont trouvé qu'il signifiait un toit qui a trois cotés, et que nous nommons toit à trois égouts ou à trois pans.

172. - Fiunt autem aedes rotundae. Les temples ronds n'étaient pas communs dans la Grèce, puisque Pausanias n'en indique que six, un au Prytanée, à Athènes ; un autre à Épidaure, le temple d'Esculape, bâti par le célèbre sculpteur Polyclète , et achevé par Pausanias : ses voûtes lui avaient fait donner le nom de tholas ; le troisième, à Sparte il renfermait les statues de Jupiter et de Vénus ; le quatrième à Élis; le cinquième, à Mantinée : il s'appelait le commun foyer, koin¯ ¥stÛa; cette dénomination appartenait aussi au temple de Rhodes, et à celui de Cannus, dans la Carie ; le sixième enfin était le trésor de Mynias, à Orchomène. On sait que sur les vaisseaux des anciens il y avait des tours rondes avec des toits en voûtes ou des coupoles, ainsi que des tours carrées d'une forte maçonnerie. L'ancien architecte San Gallo, dans son livre de dessins sur vélin, qui est dans la bibliothèque du palais Barberin, parle d'un temple rond de Delphes consacré à Apollon. On ne peut pas assurer que le temple que Périclès fit construire à Éleusis ait eu une forme circulaire ; mais quand il aurait été d'une forme carrée, il n'est pas moins certain qu'il était couronné par une coupole et une espèce de lanterne. On voit cette lanterne et une coupole sur le tambour d'un temple carré représenté sur le plus grand sarcophage qu'on ait conservé de l'antiquité. Il se trouve à Rome, dans la villa Moirani, prés de la porte Saint-Sébastien. Le tambour ou dôme n'est donc point d'une invention moderne. Les temples ronds étaient plus communs chez les Romains que chez les Grecs : quelques-uns devaient cette forme à un motif allégorique, tel que le temple de Vesta , bâti par Romulus, comme celui de Mantinée semble avoir dû le sien au foyer du feu. Un temple circulaire de la Thrace, dédié au soleil, avait pour objet le symbole du disque de Cet astre.

 

173. - Monopterae. Les temples ronds s'appelaient monoptères, lorsque le dôme était porté sur un seul rang de colonnes, sans avoir de muraille qui formât l'enceinte d'une cella au milieu.

 

174. - Tribunal habent. Le tribunal était placé au milieu du temple. On y montait par des degrés. Il contenait l'autel et le piédestal de la statue de la divinité à laquelle le temple était dédié. Dans la fig. 74, le tribunal est marqué nu ; au milieu se distingue la place du piédestal de la statue et en avant celle de l'autel. Dans la fig. 75 (p. 442), le tribunal est indiqué par ii, la statue qui est sur son piédestal par e, et l'autel par a.
Les commentateurs sont loin de donner la même explication du mot tribunal. Barbaro dit qu'on doit entendre par ce mot les degrés qui sont autour du temple, et qui l'élèvent comme un tribunal. Baldi croit qu'il n'est autre chose que les degrés qui sont au dedans du temple autour de l'autel, et Galiani est persuadé que c'est la plate-forme qui s'élève au-dessus ses degrés.

 

175. - Ex sua diametro tertiae partis. Le diamètre du temple pris en dehors des stylobates est marqué ad (fig. 74, p. 44 i) ; On le divise en trois parties égalés ab, bc, cd, et dans l'espace intermédiaire be se trouve compris le tribunal et les degrés qui y conduisaient. Galiani voudrait que le diamètre se prît en dedans des colonnes, et fût eo.

176. - Tam altae quanta ab extremis partibus. Nul doute que le diamètre du temple ne doive être pris en dehors des stylobates, d'après la signification des mots ab extremis. Perrault et Poleni prennent, en dedans des colonnes, ce diamètre qui sert de mesure à leur hauteur ; et dans cette hauteur ils comprennent aussi celle des piédestaux. Si c'eût été l'intention de Vitruve, n'eût-il pas mis plutôt cum stylobatis, que insuper stylobatas? Ce qu'il dit ensuite prouve encore davantage que Perrault est hors du sens. Le diamètre de la colonne doit être, dit-il, de la dixième partie de sa hauteur y compris la hase et le chapiteau, altitudinis suae cum capitulis et spiris decimae partis, sans parler du piédestal, qu'il n'entend pas comprendre dans la hauteur qu'il assigne à la colonne. Perrault trouve encore que dix diamètres seraient trop pour la colonne corinthienne, à laquelle il n'en donne que neuf au premier chapitre de ce livre, et qu'il y a faute dans le texte ; cependant, comme le fait observer Galiani, n'arrive-t-il pas trop fréquemment à Vitruve de changer les proportions particulières qu'il assigne à chaque ordre, afin de suivre les proportions générales de quelque édifice, pour qu'on puisse croire que le texte ait été altéré?

177. - Diametros stylobatarum. La description que Vitruve fait des temples ronds est fort obscure, dit Perrault, parce qu'il ne nous reste rien de cette espèce d'édifices qui nous puisse instruire suffisamment des particularités qui sont ici exposées. Le temple rond qui est à Tivoli ressemble en beaucoup de choses au périptère rond de Vitruve; mais il n'a point de piédestaux qui se rapportent à ceux dont parle notre auteur ; il n'y a qu'un piédestal continu qui forme un massif sur lequel les colonnes sont posées, en sorte que le pied des colonnes est au niveau du pavé du temple, ainsi qu'à tous les temples qui sont sans podium, c'est-à-dire sans cette sorte de piédestaux qui sont continués par un appui ou balustrade. Mais la description de Vitruve fait comprendre que les colonnes des temples ronds étaient posées chacune sur son piédestal particulier, comme aux temples qui ont un podium, et que néanmoins ces piédestaux n'avaient ni la base ni la corniche de ceux qui formaient un podium, ainsi qu'ils sont décrits au ch. 4 du liv . III, car il est ici parlé de piédestaux au pluriel : insuper stylobatas comumnae constituuntur; il n'est fait aucune mention ni des bases ni des corniches de ces piédestaux ; et ils sont appelés simplement parietes stylobatarum, dans les monoptères ; enfin dans le périptère qui avait un temple en dedans, il est parlé de recessu ejus a stylobata, ce qui fait voir que dans ces sortes de temples les colonnes étaient posées sur des piédestaux tout à fait différents du piédestal unique et continu qui soutenait les colonnes et même tout le temple de Tivoli. J'ai représenté ces piédestaux en forme de socles cubiques (fig. 75), et non avec des bases et des corniches, comme Barbaro les représente dans sa figure ; et je suppose que, pour ne pas embarrasser par la saillie des bases et des corniches le passage qui devait être entre eux, ils devaient être ainsi, par la même raison qui fait dire à Palladio que les colonnes du temple de Tivoli ont été faites sans plinthes ; et même ce dégagement semble moins nécessaire dans le temple de Tivoli que dans les temples ronds de Vitruve, qui out des degrés tout à l'entour, afin qu'on puisse entrer par tous les côtés dans le milieu du monoptère, au lieu que cette entrée n'est dans le temple de Tivoli qu'au droit de la porte.
Et quant à ces degrés, les commentateurs ne les ont point placés de la même manière : ainsi Galiani croit que l'escalier était compris dans le diamètre du temple, c'est-à-dire en dedans des colonnes, et non en dehors, comme l'a cru Perrault. De sorte que, d'après lui, la plus grande partie du plan intérieur du monoptère était remplie par les degrés, qui, à partir du bord intérieur des piédestaux , occupaient tout autour une portion de rayon égale au tiers du diamètre, et que dans le centre, au-dessus de tous ces degrés, s'élevait une plate-forme que Vitruve appelle le tribunal, qui occupait le tiers du diamètre du plan du temple, tandis que les degrés de chaque côté occupaient les deux autres tiers.
Perrault place en dehors du diamètre du temple une suite de degrés auxquels il donne le tiers de ce diamètre, ce qui forme un diamètre général de cinq troisièmes dont les deux extrêmes sont occupés par ces degrés, et celui du milieu par le tribunal auquel on montait par trois degrés compris dans ce tiers.
Poleni distribue comme Perrault le plan de son temple; seulement il ne met que cinq degrés en dehors du diamètre ad (fig. 74, p. 441), là où Perrault en a placé onze.

178. - Epistylium altum. La hauteur de l'architrave des temples d'ordre ionique doit avoir la moitié du diamètre de la colonne, si les colonnes out de douze à quinze pieds. Si elles sont plus hautes, la hauteur de l'architrave augmente en proportion. Puisque pour le reste de l'entablement du monoptère, Vitruve renvoie au liv. III, ch. 5, où il traite de l'ordre ionique, il est évident que c'est là qu'il faut aller chercher les proportions des colonnes du monoptère. Il ne reste aucun monoptère antique. Le temple de Sérapis dont ou voit les ruines à Pouzzol, présente dans son plan les colonnes attiques placées à droite et à gauche des colonnes rondes. Il était rond, et entouré de trois degrés placés en dehors du diamètre, par lesquels on montait au temple dans quatre endroits.

179. - Duo gradus et stylobatae ab imo constituantur. Telle est la version la plus ordinaire ; cependant on trouve stylobata, au singulier, dans plusieurs manuscrits et dans plusieurs éditions. Vitruve se sert plus loin deux fois, et toujours au singulier, de ce mot, par lequel il a certainement voulu désigner ce stylobate qui s'étend sans interruption sous toutes les colonnes. Cette opinion est confirmée par les ruines du temple de la Sibylle qu'on voit à Tivoli, sur les bords de l'Anio, et qui était un périptère rond.

180. - Cellae paries collocetur cum recessu ejus a stylobata circa partent latitudinis quintam. La longueur entière du stylobate est ad (fig. 76, p. 446) et RA (fig. 77, p. 447). La distance de l'extrémité du stylobate u jusqu'au mur de la cella q, est aq (fig. 76, p. 446) et bA (fig. 77, p. 447) ; c'est cette distance aq qui est à peu près la cinquième partie de la largeur du stylobate ad.
Dans le temple de la Sibylle, à Tivoli, et dans un autre de Vesta, à Rome, qui sont les seuls modèles de ce genre qui nous restent, la distance du mur de la cella à la partie antérieure du stylobate est égale à la troisième partie de la hauteur de la colonne ; de sorte que comme le diamètre de la cella, y compris les murs, est égal à la hauteur des colonnes, comme au temple de Vesta , cette distance est égale à la cinquième partie de tout le diamètre.

181. - Medioque valvarum locus ad aditus relinquatur. Dans le stylobate ad (fig. 76, p. 446) on ménage l'espace n, garni de gradins, en face de la porte, pour qu'on puisse entrer dans le temple.

182. - Cella tantam habeat diametron, praeter parietes et cuitionem, quantam altitudinem columna supra stylobatam. Dans la fig. 76 (p. 446), le diamètre entier de la cella, y compris les murs, est ie, l'épaisseur des murs ib, te; le diamètre, non compris les murs, est bt, lequel diamètre bt doit être égal à la hauteur un des colonnes qui s'élèvent sur le stylobate ad.

 

 

183. - Columnae circum cellam. La description de ce temple par Vitruve a été diversement interprétée par les commentateurs. Perrault place deux degrés extérieurs autour du temple. Les colonnes, au nombre de vingt, sont portées par des piédestaux, ou plutôt par des cubes tout unis. Il n'y a qu'une seule entrée. Pour les colonnes il e adopté l'ordre corinthien, auquel il a aussi emprunté l'entablement, moins les ornements de sculpture. Le mur de la cella s'élève perpendiculairement au-dessus de l'entablement, et à une égale hauteur au-dessus de ce mur s'élève le dôme. La mesure de ces deux parties réunies est égale au demi-diamètre d'un cercle dont la ligne passerait par l'extrémité de la première marche inférieure gf (fig. 76, p. 446). Le fleuron placé sur le dôme est égale à la hauteur du chapiteau des colonnes.
Galiani place deux degrés extérieurs. Les colonnes, également au nombre de vingt, disposées en cercle, s'élèvent sur un stylobate continu, dans lequel quatre ouvertures diamétralement opposées, comprenant chacune trois entre-colonnements, donnent accès au temple par le moyen des degrés qui les garnissent. La cella n'a qu'une porte avec une fenêtre de chaque côté. Le mur de la cella s'élève perpendiculairement au-dessus de l'entablement des colonnes qui sont corinthiennes, et est terminé par une corniche, au-dessus de laquelle s'élèvent trois demi-degrés, puis le dôme. La hauteur de ces deux parties est égale à la moitié du diamètre d'un cercle dont la ligne passerait à la surface extérieure des piédestaux des colonnes.
La figure d'Ortiz nous fait voir vingt-quatre colonnes disposées en cercle sur des piédestaux qui n'ont ni base ni corniche. A l'extérieur se trouvent deux degrés. Les colonnes sont corinthiennes. Pour la cella une seule porte surmontée d'une couronne plate avec la proportion donnée par Vitruve (liv. IV, ch. 6). Le mur de la cella s'élève perpendiculairement au-dessus de l'entablement, et se, termine par une corniche au-dessus de laquelle sont trois degrés qui montent en diminuant de largeur, puis le dôme. Le hauteur de ce mur au-dessus de l'entablement , réunie à celle du dôme, est égale à la hauteur qui est comprise entre la corniche do l'entablement et la partie supérieure du stylobate.

 

 

Newton donne une figure qui l'emporte sur toutes les autres, non seulement parce qu'elle explique plus exactement le texte, mais encore parce qu'elle sent le maître. Deux degrés à l'extérieur, au-dessus desquels s'élève un stylobate continu orné d'une hase et d'une corniche; un escalier dans entre-colonne­ment du milieu, en face de la porte, une fenêtre de chaque côté de la porte ; des colonnes corinthiennes avec une frise ornée. Le portique qui est entre les colonnes et la cella est couvert d'un toit qui se rattache au mur perpendiculaire de la cella; le tout couronné par un dôme hémisphérique. La hauteur du mur qui est au-dessus de l'entablement, jointe à celle du dôme , est égale au demi-diamètre d'un cercle dont la ligue passerait par la surface extérieure des stylobates. C'est la figure que je donne pour modèle. Le mot tholus ne signifie pas toujours un toit hémisphérique; il signifie encore quelquefois une clef de voûte, ou l'ornement placé au sommet du dôme. Cette voûte hémisphérique n'existe plus au temple de Tivoli ; mais il reste une partie du mur de la cella qui s'élève au-dessus de la corniche de l'entablement ; cependant on n'aperçoit aucune inclinaison d'où l'on puisse conclure que ce mur se soit jamais arrondi en voûte, de sorte que le commencement de la voûte, si jamais il yen a eu, a dû se trouver plus haut. Quel est ce fleuron dont il est ici parlé ? Mais puisque sa hauteur doit être égale à la hauteur des chapiteaux, il faut croire qu'il devait avoir la forme de celui que Stuart a observé au temple des Vents, à Athènes. Au reste, le temple de la Sibylle, à Tivoli, et celui de Vesta, à Rome , concordent avec la description donnée par Newton, avec cette différence pourtant, que dans le temple de Vesta, le diamètre de la cella, y compris l'épaisseur du mur, est égal à la hauteur des colonnes, et que dans celui de la Sibylle, le diamètre de la cella ne comprenait pas l'épaisseur du mur ; et l'épaisseur du mur, selon le précepte de Vitruve, est égal au diamètre des colonnes

184. - Tecti ratio ita habeatur, uti quanta diametros. Si l'on retranche la saillie cD et rK, cr sera le diamètre de tout l'ouvrage, dit Poleni, qui pense que le diamètre gf adopté par Perrault est trop grand et tout à fait contraire à l'esprit de Vitruve. Dans la fig. 76 (p 446) je décris un demi-cercle cmr, dont le milieu mA désigne la hauteur du dôme. SmB indiquent, la partie extérieure du dôme, NmM la partie intérieure. Cette hauteur intérieure semblerait peut-être trop grande au premier coup d'oeil : cependant elle ne dépasse pas de beaucoup deux fois la grandeur dn diamètre de l'intérieur ; et il est bon de remarquer que le fameux architecte Bramante a construit sur le mont Aurélien un petit temple périptère dédié à saint Pierre, dont la hauteur interne a plus de deux fois la grandeur du diamètre interne. Serlio, qui a donné la figure de ce temple, ajoute que cette hauteur ne déplaît point du tout à l'oeil, parce que la vue se promène au loin par l'ouverture des fenêtres, et que de doubles corniches semblent diminuer cette hauteur. Et pourquoi ne pas croire que dans l'antiquité on a su trouver aussi pour ces sortes de temples le moyen d'empêcher que ces hauteurs ne déplussent?

185. - Flos autem tantam haheat magnitudinem. Le fleuron était un ornement placé au milieu de la partie supérieure du dôme. Dans la fig. 76 (p. 446), le fleuron et la pyramide sont indiqués par les lettres Ex. La hauteur du fleuron, sans la pyramide, est de la grandeur du chapiteau des colonnes.

186. - Praeter pyrarnidem. C'est-à-dire sans la pyramide. Poleni croit que cette pyramide n'est autre chose que l'espèce de petit piédestal sur lequel porte le fleuron. Galiani et Ortiz ont dessiné au haut du dôme un fleuron d'où sort une pyramide droite. Barbara veut que ce soit une lanterne cylindrique qui s'élèverait au haut du dôme, et soutiendrait à l'intérieur une rose renversée à laquelle on suspendait les ex voto. Tout bien considéré, il faut s'en tenir à l'interprétation de Poleni qui est approuvée par Stratico.

187- Vejovis. C'était un dieu à qui les Romains bâtissaient des temples et faisaient des sacrifices, afin qu'il ne leur fît point de mal. Il était représenté tenant une flèche qu'il était prêt à décocher.

188. - Aricino nemori Dianae. Telle est la version de Budée et de Turnèbe, adoptée par Perrault. On lisait argutius nemori Dianae.

 

189. - De Tuscanicis generibus. Par la disposition des colonnes, il faut entendre, selon Perrault, la proportion que les entrecolonne­ments ont avec le diamètre des colonnes, par laquelle sont établis les différents genres de disposition, tels que sont le pycnostyle, le systyle, etc. ; et ainsi il semble que Vitruve veuille dire que quelquefois, dans des temples d'ordre corinthien ou ionique, qui demanderaient que les entre-colonnements fussent serrés et étroits, les anciens les ont faits larges, ainsi qu'ils doivent être dans l'ordre toscan.

190 - Alti vero remo­ventes parietes aedis, et applicantes ad intercolumnia.Vitruve traite ici de ce genre de temple qu'il appelle un peu plus loin pseudopériptére. Pour donner plus de clarté à l'explication de Vitruve, Poleni a emprunté à Desgodets le plan de l'ancien temple de la Fortune Virile, à Rome. Supposons un périptère avec une cella, dont les murs soient ee, nn (fig. 78 , p. 449), les ailes depuis le mur jusqu'au rang des colonnes sont bb, dd. Cela posé, imaginons que nous puissions éloigner les murs ee, nn, ils auront franchi l'entre-colonnement de l'aile, et occuperont la moitié de toutes les colonnes. Le périptère a les ailes libres par l'éloignement des colonnes, qui sont distantes du mur de la largeur d'un entre­colonnement, taudis que le pseudopériptère n'a point d'ailes, toutes les colonnes, à la réserve des six qui font le pronaos, étant engagées dans les murs de la cella.

 

191. - Arae. L'autel antique représenté par la fig. 79, se trouve placé en a, au-devant du piédestal qui porte la statue e, au mi-lieu du tribunal ii (fig. 75,p. 442).

192. - Ad sui cujusque dei decorem. L'autel de Jupiter Olympien, au rapport de Pausanias, était placé sur des degrés dont le premier avait cent vingt-cinq pieds de circonférence. La forme et la hauteur des autels variaient beaucoup. Ceux des divinités célestes étaient les plus élevés ; on les appelait spécialement altaria. Ceux des divinités terrestres étaient très bas, et s'appelaient arae :

... En quatuor aras :
Ecce duas tibi, Daphni, duas, altaria Phoebo.
(VIRGILIUS, Egl. V. v.65.)

Et l'on creusait des fosses pour sacrifier aux dieux infernaux.
Ovide ( Métamorphoses, liv. VII , v. 240) dit, en parlant de Médée :

Statuitque aras e cespite binas
Dexteriore Hecates, at laeva parte Juventae.
Quas ubi verbenis, silvaque incinxit agresti;
Haud procul egesta scrobibus tellure duabus
Sacra fecit; cultrosque in guttura velleris atri
Conjicit; et patulas perfundit sanguine fossas.

 

 193. - Terrae Marique. Poleni préfère la version matrique terrae; mais je crois que Vitruve a voulu parler ici moins de la terre que des divinités de la terre et de la mer.