Le temps des généraux : Pompée

Guerre contre César

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Mort de Pompée

Ptolémée décide la mort

LUCAIN : M. Annaeus Lucanus est le fils de M. Annaeus Méla, le frère cadet de Sénèque. Né à Cordoue en 39, il vint à Rome avec sa famille dès 40. Parmi ses maîtres on trouve le philosophe stoïcien Cornutus. Parmi ses condisciples figurait le poète Perse, un peu plus âge que lui.
Son milieu social et sa précocité littéraire aidant, Lucain devint vite un protégé de Néron qui lui accorder la questure avant l'âge légal ainsi que l'augurat. Lors de sa première apparition en public, le poète obtint le premier prix aux Neronia de 60, en présentant un éloge de l'empereur.
Mais la disgrâce n'allait pas tarder, provoquée par la jalousie de Néron, qui se croyait des talents littéraires, ou peut-être par des raisons politiques, puisqu'on assiste alors à la mise à l'écart de Sénèque et de tout le clan des Annaei. Impliqué dans la conjuration de Pison en 65, Lucain fut contraint au suicide : il avait 26 ans.  Son oeuvre se confond pour nous avec une épopée dont il nous reste dix livres (le dixième est incomplet ou inachevé) : la Pharsale. Ce titre est incorrect et résulte d'une mauvaise interprétation du vers 9,985, où figure l'expression Pharsalia nostra ; Lucain avait intitulé son poème Bellum civile. Mais nous continuons, par habitude, à l'appeler la Pharsale.

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Ptolémée suit l'avis de ses conseillers.

Adsensere omnes sceleri. Laetatur honore
rex puer insueto, quod iam sibi tanta iubere
permittant famuli. Sceleri delectus Achillas,
perfida qua tellus Casiis excurrit harenis
et vada testantur iunctas Aegyptia Syrtes,
exiguam sociis monstri gladiisque carinam
instruit. O superi, Nilusne et barbara Memphis
et Pelusiaci tam mollis turba Canopi
hos animos! Sic fata premunt civilia mundum?
sic Romana iacent? Ullusne in cladibus istis
est locus Aegypto, Phariusque admittitur ensis?
Hanc certe servate fidem, civilia bella:
cognatas praestate manus externaque monstra
pellite, si meruit tam claro nomine Magnus
Caesaris esse nefas. Tanti, Ptolomaee, ruinam
nominis haut metuis caeloque tonante profanas
inseruisse manus, inpure ac semivir, audes?
Non domitor mundi nec ter Capitolia curru
invectus regumque potens vindexque senatus
victorisque gener: Phario satis esse tyranno
quod poterat, Romanus erat. Quid viscera nostra
scrutaris gladio? Nescis, puer inprobe, nescis,
quo tua sit fortuna loco; iam iure sine ullo
Nili sceptra tenes; cecidit civilibus armis,
qui tibi regna dedit.

VIII, 536 - 560

  vocabulaire

Tous se mettent d’accord pour le crime. Le jeune roi se réjouit de cet honneur inaccoutumé : ses esclaves lui donnent la permission d’ordonner une su grande entreprise. Achillas est choisi pour accomplir le crime. A l’endroit où la terre perfide se prolonge dans les sables du mont Capsus et où les bas-fonds de l’Egypte attestent la frontière avec les Syrtes, il remplit un petit bateau de complices de cette monstruosité et de soldats en armes. Dieux suprêmes, est-ce que le Nil, la barbare Memphis et la foule si indolente de Canope et de Péluse ont un tel courage ? Est-ce ainsi que les destins de Rome sont renversés ? N’y a-t-il pas d’autre lieu en Egypte pour ce désastre, fait-il que ce soit l’épée de Pharos qui l’accueille ? Soyez logiques avec vous-mêmes, guerres civiles, chassez les monstres étrangers si vous considérez que Pompée, avec son nom si célèbre, mérite ce sacrilège de César. Est-ce que tu ne crains pas, Ptolémée, la mort d’un tel homme ? Est-ce que tu oses, demi-homme impur, alors que le ciel tonne, porter tes mains profanes sur Pompée ? Ce n’est pas le dompteur du monde, ni celui qui par trois fois sur son char monta le Capitole, ce n’est pas le maître des rois, ce n’est pas le vengeur du sénat ni le gendre du vainqueur, c’est un romain : cela aurait du être une raison suffisante pour un tyran de Pharos. Pourquoi sonder nos viscères de ton glaive ? Tu ne sais pas, enfant malhonnête, tu ne sais pas en quel endroit est ta fortune : tu tiens encore le sceptre du Nil alors que tu n’y as déjà plus droit. Celui qui t’a donné ton royaume est tombé lors des guerres civiles.

VIII, 536 - 560

Corneille, la mort de Pompée (1642)

Ptolomée.
N' examinons donc plus la justice des causes,
et cédons au torrent qui roule toutes choses.
Je passe au plus de voix, et de mon sentiment
je veux bien avoir part à ce grand changement.
Assez et trop longtemps l' arrogance de Rome
a cru qu' être Romain c' étoit être plus qu' homme.
Abattons sa superbe avec sa liberté ;
dans le sang de Pompée éteignons sa fierté ;
tranchons l' unique espoir où tant d' orgueil se fonde,
et donnons un tyran à ces tyrans du monde :
secondons le destin qui les veut mettre aux fers,
et prêtons-lui la main pour venger l' univers.
Rome, tu serviras ; et ces rois que tu braves,
et que ton insolence ose traiter d' esclaves,
adoreront César avec moins de douleur,
puisqu' il sera ton maître aussi bien que le leur.
Allez donc, Achillas, allez avec Septime
Qu' il plaise au ciel ou non, laissez-m' en le souci.
Je crois qu' il veut sa mort, puisqu' il l' amène ici.
Achillas.
Seigneur, je crois tout juste alors qu' un roi l' ordonne.
Ptolomée.
Allez, et hâtez-vous d' assurer ma couronne,
et vous ressouvenez que je mets en vos mains
le destin de l' égypte et celui des Romains.

Acte I, Scène I

 

Plutarque, vie de Pompée

LXXXIV. Tout le conseil adopta cet avis; et Achillas, ayant été chargé de l'exécution, prit avec lui deux Romains, nommés Septimius et Salvius, qui avaient été autrefois l'un chef de bande, et l'autre centurion sous Pompée, y joignit trois ou quatre esclaves et se rendit avec cette suite à la galère de Pompée, où les principaux d'entre ceux qui l'avaient accompagné s'étaient rassemblés pour voir quel serait le succès de son message. Lorsqu'au lieu d'une réception magnifique et digne d'un roi, telle que Théophane en avait donné l'espérance, ils ne virent que ce petit nombre d'hommes qui venaient dans un bateau de pêcheur, ce mépris affecté leur parut suspect, et ils conseillèrent à Pompée de gagner le large, pendant qu'ils étaient encore hors de la portée du trait. Cependant le bateau s'étant approché, Septimius se leva le premier, et, saluant Pompée en sa langue, il lui donna le titre d'imperator. Achillas, l'ayant salué en langue grecque, l'invita à passer dans sa barque, parce que la côte était trop vaseuse, et que la mer, hérissée de bancs de sable, n'avaient pas de profondeur pour sa galère. On voyait en même temps armer des vaisseaux du roi et des soldats se répandre sur le rivage; ainsi la fuite devenait impossible à Pompée, quand même il aurait changé d'avis; d'ailleurs, montrer de la défiance, c'était fournir aux assassins l'excuse de leur crime. Après avoir embrassé Cornélie, qui pleurait déjà sa mort, il ordonna à deux centurions de sa suite, à Philippe, un de ses affranchis, et à un de ses esclaves, nommé Scythès, de monter les premiers dans la barque; et, voyant Achillas lui tendre la main de dessus le bateau, il se retourna vers sa femme et son fils, et leur dit ces vers de Sophocle : 

Dans la cour d'un tyran quiconque s'est jeté,
    
Quelque libre qu'il soit, y perd sa liberté.
 

Ce furent les dernières paroles qu'il dit au siens, et il passa dans la barque.  

ac, conj. : et, et aussi
Achillas, ae
, m. Achillas
admitto, is, ere, misi, missum
: 1. laisser aller 2. laisser venir, admettre, permettre
adsentio, is, ere, sensi, sensum
: être d'accord
Aegyptius, a, um
: égyptien
Aegyptus, i
, f. : l'Egypte
animus, i
, m. : le coeur, la sympathie, le courage, l'esprit
arma, orum
, n. : les armes
audeo, es, ere, ausus sum
: oser
barbarus, a, um
: barbare
bellum, i
, n. : la guerre
cado, is, ere, cecidi, casum
: tomber
caelum, i
, n. : le ciel
Caesar, aris
, m. : César, empereur
Canopus, i
, m. : Canope (ville de Basse-Egypte)
Capitolium, ii
, n. : le Capitole
carina, ae
, f. : la carène, la coque, le navire
Casius, ,a, um
: du Cassius (le mont Cassius (Syrie ou Egypte)
certe
, adv. : certainement, sûrement
civilis, e
: civil
clades, is
, f. : la blessure, la perte, le dommage, le désastre militaire, la grave défaite
clarus, a, um
: célèbre
cognatus, a, um
: lié (par le sang) (cognatus, i, m. : le parent)
currus, us
, m. : le char
dedo, is, ere, dedidi, deditum
: livrer, remettre
deligo, is, ere, legi, lectum
: choisir
do, das, dare, dedi, datum
: donner
domitor, oris
, m. : le dompteur
ensis, is
, m. : l'épée, le glaive
et
, conj. : et. adv. aussi
excurro, is, ere, curri, cursum
: 1. courir hors, sortir en courant 2. s'étendre hors, s'avancer
exiguus, a, um
: exigu, petit
externus, a, um
: 1 - extérieur, externe, du dehors; extrinsèque. - 2 - étranger, du dehors; importé, exotique. - 3 - de l'étranger, de l'ennemi.
famulus, i
, m. : le serviteur
fatum, i
, n. : 1 - la prédiction, l'oracle, la prophétie. - 2 - le destin, la destinée, la fatalité, la volonté des dieux. - 3 - le sort, la condition, la fortune. - 4 - la durée de la vie. - 5 - l'accident, le malheur, la calamité, la disgrâce. - 6 - la ruine, la destruction, la perte, le fléau, la peste. - 7 - la mort naturelle, la mort.
fides, ei,
f. : 1. la foi, la confiance 2. le crédit 3. la loyauté 4. la promesse, la parole donnée 5. la protection (in fide : sous la protection)
fortuna, ae
, f. : la fortune, la chance
gener, eri
, m. : le gendre, le beau-fils
gladius, i
, m. : le glaive, l'épée
harena, ae
, f. : le sable
haut
, adv. : ne pas (renforcé)
hic, haec, hoc
: adj. : ce, cette, ces, pronom : celui-ci, celle-ci
honos, oris,
m. : l'honneur, l'hommage, la charge, la magistrature, les honoraires
hos
, accusatif masculin pluriel de hic, haec, hoc : ceux-ci, ceux, ...
iaceo, es, ere, cui, citurus :
1 - être étendu, être couché, être alité, être gisant (blessé ou mort), être malade. - 2 - géographiquement : jacere = esse, situm esse : être situé, s’étendre. - 3 - être abattu, être démoralisé. - 4 - rester dans l’oubli, être négligé, être abandonné. - 5 - végéter, être en ruines. - 6 - être bas (---> prix). - 7 - être calme (---> mer).
iam
, adv. : déjà, à l'instant
improbus, a, um
: de mauvais aloi, mauvais - méchant, malhonnête - démesuré, extravagant
in
, prép. : (acc. ou abl.) dans, sur, contre
inpurus, a, um : impur
, corrompu
insero, is, ere, serui, sertum
: insérer, introduire, mêler, intercaler - is, ere, sevi, situm : semer, planter - implanter, inculquer
instruo, is, ere, struxi, structum
: assembler, bâtir, dresser, disposer, outiller, équiper, instruire.
insuetus, a, um
: inhabituel
inveho, is, ere, vexi, vectum
: faire entrer (en charriant) dans (in et acc.), importer, amener. - invehi, moyen - passif: se précipiter sur, attaquer (pr. et fig.) ; entrer dans (in et acc., qqf. acc. seul). - se invehere : se porter en avant
iste, a, um
: ce, celui-ci (péjoratif)
iubeo, es, ere, iussi, iussum
: 1. inviter à, engager à 2. ordonner
iungo, is, ere, iunxi, iunctum
: joindre
ius, iuris
, n. : le droit, la justice
laetor, aris, atus sum
: se réjouir, éprouver de la joie
locus,
i, m. : le lieu, l'endroit; la place, le rang; la situation
magnus, a, um
: grand (Magnus, i, m. : Pompée)
manus, us
, f. : la main, la petite troupe
Memphis, is
, f. : Memphis (capitale de l'Egypte)
mereo, es, ere, rui, ritum (mereri, eor, itus sum)
: mériter, gagner; merere ou mereri (stipendia) : toucher la solde militaire, faire son service militaire
metuo, is, ere, ui, utum
: craindre
mollis, e
: mou, fluide, souple, flexible
monstrum, i
, n. : tout ce qui sort de la nature, le monstre, la monstruosité
mundus, i
, m. : le monde, le firmament; les objets de toilettes, les ornements, les instruments (mundus, a, um : propre)
nec
, adv. : et...ne...pas
nefas
, inv. : criminel, sacrilège
nescio, is, ire, ivi, itum
: ignorer
Nilus, i
, m. : le Nil
nomen, inis
, n. : 1. le nom, la dénomination 2. le titre 3. le renom, la célébrité (nomine = par égard pour, à cause de, sous prétexte de)
non, neg. : ne...pas
noster, tra, trum
: adj. notre, nos pronom : le nôtre, les nôtres
o
, inv. : ô, oh (exclamation)
omnis, e
: tout
pello, is, ere, pepuli, pulsum
: chasser
Pelusiacus, a, um
: de Péluse (ville de Basse-Egypte)
perfidus, a, um
: perfide, sans foi
permitto, is, ere, misi, missum
: permettre, lâcher entièrement, remettre, abandonner, confier
Pharius, a, um
: de Pharos
possum, potes, posse, potui
: pouvoir
potens, entis,
m. : puissant
praesto, as, are
: l'emporter sur, être garant, fournir (praestat : imp. : il vaut mieux) - ut : faire en sorte que
premo, is, ere, pressi, pressum
: presser, accabler, écraser
profano, as, are
: profaner, souiller
Ptolomaeus, i
, m. : Ptolémée
puer, pueri
, m. l'enfant, le jeune esclave
qua
, 1. ablatif féminin singulier du relatif. 2. Idem de l'interrogatif. 3. après si, nisi, ne, num = aliqua. 4. faux relatif = et ea 5. adv. = par où?, comment?
qui
, 1. nominatif masculin singulier ou nominatif masculin pluriel du relatif 2. idem de l'interrogatif 3. après si, nisi, ne, num = aliqui 4. faux relatif = et ei 5. interrogatif = en quoi, par quoi
quid
, 1. Interrogatif neutre de quis : quelle chose?, que?, quoi?. 2. eh quoi! 3. pourquoi? 4. après si, nisi, ne num = aliquid
quo
, 1. Abl. M. ou N. du pronom relatif. 2. Abl. M. ou N. du pronom ou de l'adjectif interrogatif. 3. Faux relatif = et eo. 4. Après si, nisi, ne, num = aliquo. 5. Adv. =où ? (avec changement de lieu) 6. suivi d'un comparatif = d'autant 7. conj. : pour que par là
quod
, 1. pronom relatif nom. ou acc. neutre singulier : qui, que 2. faux relatif = et id 3. conjonction : parce que, le fait que 4. après si, nisi, ne, num = aliquod = quelque chose 5. pronom interrogatif nom. ou acc. neutre sing. = quel?
regnum,
i, n. : le pouvoir royal, le trône, le royaume
rex, regis
, m. : le roi
Romanus, a, um
: Romain (Romanus, i, m. : le Romain)
ruina, ae
, f. : la chute, l'écroulement, l'effondrement, la catastrophe, la ruine
satis
, adv. : assez, suffisamment
scelus, eris
, n. : le crime, l'attentat, les intentions criminelles, le malheur, le méfait, le scélérat
sceptrum, i
, n. : le sceptre
scrutor, aris, ari
: explorer, rechercher, fouiller
se
, pron. réfl. : se, soi
semivir, iri
, m. : le demi-homme
senatus, us
, m. : le sénat
servo, as, are
: veiller sur, sauver
si
, conj. : si
sic
, adv. : ainsi ; sic... ut : ainsi... que
sine
, prép. : + Abl. : sans
socius, a, um
: associé, en commun, allié (socius, ii : l'associé, l'allié)
sum, es, esse, fui
: être
superus, a, um
: qui est au dessus ; Superi : les dieux; supera, orum : les corps supérieurs, célestes
Syrtes, um
: les Syrtes (deux bas-fonds sur la côte nord de l'Afrique entre Cyrène et Carthage)
tam
, adv. : si, autant
tantus, a, um
: si grand ; -... ut : si grand... que
tellus, uris
, f. : la terre, le sol, le terrain, le pays
teneo, es, ere, ui, tentum
: 1. tenir, diriger, atteindre 2. tenir, occuper 3. tenir, garder 4. maintenir, soutenir, retenir 5. lier 6. retenir, retarder, empêcher
ter
, inv. : trois fois
testor, aris, ari
:1. témoigner 2. prendre à témoin, attester, démontrer 3. faire son testament
tono, as, are, ui, -
tonner, faire un grand bruit
tu, tui
: tu, te, toi
turba, ae,
f. : la foule, le désordre, le trouble, l'émoi
tuus, a, um
: ton
tyrannus, i
, m. : le tyran
ullus, a, um
: un seul ; remplace nullus dans une tournure négative
vadum, i,
n. : le bas-fond
victor, oris,
m. : le vainqueur
vindex, icis
, m. : le défenseur, le justicier
viscus, eris
, n. : la chair, les entrailles
texte
texte
texte
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