Aristote : Premiers analytiques

ARISTOTE

 

PREMIERS ANALYTIQUES

LIVRE PREMIER

SECTION TROISIÈME ANALYSE DES SYLLOGISMES EN FIGURES ET EN MODES

CHAPITRE XLIV

chapitre XLIII - chapitre XLV

 

 

 

PREMIERS ANALYTIQUES

 

 

 

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CHAPITRE XLIV

L'Analyse est inapplicable aux Syllogismes par réduction à l'absurde et à tous les Syllogismes hypothétiques.

1 Ἔτι δὲ τοὺς ἐξ ὑποθέσεως συλλογισμοὺς οὐ πειρατέον ἀνάγειν· οὐ γὰρ ἔστιν ἐκ τῶν κειμένων ἀνάγειν. Οὐ γὰρ διὰ συλλογισμοῦ δεδειγμένοι εἰσίν, ἀλλὰ διὰ συνθήκης ὡμολογημένοι πάντες. Οἷον εἰ ὑποθέμενος, ἂν δύναμίς τις μία μὴ ᾖ τῶν ἐναντίων, μηδ´ ἐπιστήμην μίαν εἶναι, εἶτα διαλεχθείη ὅτι οὐκ ἔστι πᾶσα δύναμις τῶν ἐναντίων, οἱονεὶ τοῦ ὑγιεινοῦ καὶ τοῦ νοσώδους· ἅμα γὰρ ἔσται τὸ αὐτὸ ὑγιεινὸν καὶ νοσῶδες. τι μὲν οὖν οὐκ ἔστι μία πάντων τῶν ἐναντίων δύναμις, ἐπιδέδεικται, ὅτι δ´ ἐπιστήμη οὐκ ἔστιν, οὐ δέδεικται. Καίτοι ὁμολογεῖν ἀναγκαῖον· ἀλλ´ οὐκ ἐκ συλλογισμοῦ, ἀλλ´ ἐξ ὑποθέσεως. Τοῦτον μὲν οὖν οὐκ ἔστιν ἀναγαγεῖν, ὅτι δ´ οὐ μία δύναμις, ἔστιν· οὗτος γὰρ ἴσως καὶ ἦν συλλογισμός, ἐκεῖνο δ´ ὑπόθεσις. 2 Ὁμοίως δὲ καὶ ἐπὶ τῶν διὰ τοῦ ἀδυνάτου περαινομένων· οὐδὲ γὰρ τούτους οὐκ ἔστιν ἀναλύειν, ἀλλὰ τὴν μὲν εἰς τὸ ἀδύνατον ἀπαγωγὴν ἔστι (συλλογισμῷ γὰρ δείκνυται), θάτερον δ´ οὐκ ἔστιν· ἐξ ὑποθέσεως γὰρ περαίνεται. Διαφέρουσι δὲ τῶν προειρημένων ὅτι ἐν ἐκείνοις μὲν δεῖ προδιομολογήσασθαι, εἰ μέλλει συμφήσειν, οἷον ἂν δειχθῇ μία δύναμις τῶν ἐναντίων, καὶ ἐπιστήμην εἶναι τὴν αὐτήν· ἐνταῦθα δὲ καὶ μὴ προδιομολογησάμενοι συγχωροῦσι διὰ τὸ φανερὸν εἶναι τὸ ψεῦδος, οἷον τεθείσης τῆς διαμέτρου συμμέτρου τὸ τὰ περιττὰ ἴσα εἶναι τοῖς ἀρτίοις. 3 Πολλοὶ δὲ καὶ ἕτεροι περαίνονται ἐξ ὑποθέσεως, οὓς ἐπισκέψασθαι δεῖ καὶ διασημῆναι καθαρῶς. Τίνες μὲν οὖν αἱ  [51] διαφοραὶ τούτων, καὶ ποσαχῶς γίνεται τὸ ἐξ ὑποθέσεως, ὕστερον ἐροῦμεν· νῦν δὲ τοσοῦτον ἡμῖν ἔστω φανερόν, ὅτι οὐκ ἔστιν ἀναλύειν εἰς τὰ σχήματα τοὺς τοιούτους συλλογισμούς. Καὶ δι´ ἣν αἰτίαν, εἰρήκαμεν.  

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1 Il ne faut pas non plus essayer d'analyser les syllogismes hypothétiques; car on ne le pourrait avec les données initiales, puisqu'ils concluent, non point par syllogisme, mais seulement par suite d'une convention admise des deux côtés. Par exemple, si après avoir supposé que, la puissance des contraires n'étant pas unique, la notion qu'on en acquiert n'est pas unique non plus, l'on démontre qu'il y a plus d'une puissance des contraires, du salubre et de l'insalubre par exemple, parce que, autrement, une seule et même chose pourrait être à la fois salubre et insalubre; on a bien démontré que la puissance des contraires n'est pas unique; mais on n'a pas encore démontré que leur notion ne l'est pas; et, cependant, il y a nécessité d'en convenir: mais ce n'est pas par syllogisme; c'est seulement. par hypothèse. On ne peut donc résoudre ce dernier syllogisme : mais on peut résoudre l'autre syllogisme, concluant qu'il n'y a pas une puissance unique des contraires; car c'est bien là un syllogisme réel, tandis que l'autre n'est qu'une hypothèse. 2 Même raisonnement pour les syllogismes qui concluent par réduction à l'absurde; on ne peut davantage les résoudre. Seulement on peut résoudre la conclusion elle-même qui est absurde, parce quelle est démontrée par un syllogisme: mais on ne peut le faire pour l'autre conclusion, qui n'est obtenue qu'hypothétiquement. 3 Ces syllogismes diffèrent des précédents en ce que, dans ceux-ci, il faut faire une convention à l'avance pour tomber ensuite d'accord; on convient, par exemple, que si l'on démontre qu'il n'y a qu'une puissance des contraires, on aura démontré qu'il n'y a non plus, pour eux, qu'une notion. Mais, dans les autres syllogismes, on s'accorde sans même avoir rien convenu préalablement, parce que l'erreur est de toute évidence; et que, si, par exemple, l'on suppose le diamètre commensurable, il en résulte que l'impair est égal au pair. 4 Il est encore beaucoup d'autres syllogismes qui concluent par hypothèse, et qu'il faut examiner et expliquer nettement. Nous dirons plus loin quelles en sont les différences et quelles sont toutes les manières dont les syllogismes hypothétiques peuvent se former. Pour le moment, bornons-nous à savoir qu'il n'est pas possible de résoudre cette espèce de syllogisme; nous en avons dit le motif.

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§ 1. La conclusion d'un syllogisme hypothétique ne s'obtient pas ostensivement; elle s'appuie uniquement sur une convention préliminaire, par laquelle on suppose que si telle chose est démontrée, telle autre le sera également. Par exemple, voici une convention préliminaire: SI les contraires ont une seule et même qualité, la notion des contraires sera unique (c'est-à-dire, qu'on en acquerra la connaissance en une seule et même fois). Ceci posé, on prouve, par syllogisme ostensif, que certains contraires n'ont pas une seule et même qualité, et prenant pour moyen terme les contraires salubre et insalubre, on démontre qu'ils ont des qualités toutes différentes. Le syllogisme est alors en Darapti; Le salubre et l'insalubre n'ont pas les mêmes qualités; or, salubre et insalubre sont ces contraires : Donc quelques contraires n'ont pas les mêmes qualités. La supposition a été démontrée; et par cela seul d'après la convention, la conclusion principale l'est aussi : la notion des contraires n'est pas unique. Mais cette démonstration ne résulte pas d'un syllogisme; elle résulte uniquement de l'hypothèse, et elle ne peut être ramenée à aucune figure par l'analyse. - On prouverait du reste la majeure: Le salubre et l'insalubre n'ont pas les mêmes qualités, par réduction à l'absurde; car la contradictoire mènerait à cette conclusion, évidemment inadmissible, que le salubre et l'insalubre sont identiques. La proposition initiale serait alors vraie.

§ 2. La règle précédente s'applique aux syllogismes concluant par réduction à l'absurde, qui ne sont, comme on l'a vu, ch. 23, § 3, qu'une partie des syllogismes hypothétiques. La conclusion absurde s'obtient par syllogisme, et ce syllogisme peut alors être soumis à l'analyse : mais la contradictoire vraie, c'est-à-dire, la conclusion première ne peut être analysée, puisqu'elle n'est obtenue que par hypothèse.

§ 3. La différence des syllogismes par réduction à l'absurde et des syllogismes hypothétiques, c'est que dans ceux-ci il y a une condition préliminaire, une convention, placée ordinairement dans la majeure, tandis que pour les premiers, il n'est pas besoin de convention antérieure. La conclusion qu'on obtient en prenant, soit pour majeure, soit pour mineure, la contradictoire de celle qu'on nie, est si évidemment impossible qu'on doit en reconnaître l'absurdité, et admettre par cela seul la vérité de la contradictoire. - Il en résulte que l'impair est égal au pair. Voir cette démonstration, ch. 24, § 1.

§ 4. Plus loin, Cette partie du travail d’ Aristote a sans doute péri, elle n'existait déjà plus au temps d'Alexandre; mais peut-être aussi n'a-t-elle jamais été composée. Voir plus haut, ch. 29, § 7. Ce chapitre suffit à prouver qu'Aristote a distingué très  nettement les syllogismes par l'absurde, des syllogismes hypothétiques. Cette dernière, dénomination est tout à fait pour lui ce qu'elle est pour nous. Quelques logiciens modernes ont cru à tort que les syllogismes par hypothèse, d'hypothèse étaient uniquement, dans Aristote, les syllogismes concluant par réduction à l'absurde; il n'en est rien. - Pour ce chapitre, comme pour les précédents, j'ai cru devoir suivre la division généralement admise par les éditeurs; mais une simple lecture suffit évidemment pour convaincre que cette division n'est pas à l'abri de toute critique. Il est plusieurs de ces petits chapitres, bien que le sujet en soit distinct, qui auraient pu sans aucun inconvénient être réunis. Mais ce chapitre XLIV doit être distingué des précédents; il forme un tout à part, ainsi que les deux derniers.

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