Polybe, traduit par félix Bouchot Tome I

POLYBE

HISTOIRE GÉRALE

TOME PREMIER : LIVRE IIΙ. ΠΟΛΥΒΙΟΥ ΙΣΤΟΡΙΩΝ ΤΡΙΤΗ

Traduction française : Félix BOUCHOT.

autres traductions : Thuillier - Waltz

livre II - livre IV

 

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HISTOIRE GÉNÉRALE.

LIVRE III.

SOMMAIRE.

I, II. Avec le troisième livre commence l'histoire proprement dite de Polybe.— II-VI. Résumé des principaux faits depuis l'origine de la seconde guerre punique, jusque la prise de Carthage. — Vl-VIII. Guerre d'Annibal. Différence à établir entre les mots principe, cause et prétexte. Exemples. — VIII, IX. Examen des causes données par l'historien Fabius. — IX-XIII. Causes véritables. — XIII-XV. Premiers exploits d'Annibal en Espagne. — XV, XVI. Les Sagontins inquiets envoient des députes à Rome, et celle-ci par ambassadeurs somme Annibal de rester fidèle au traité signé par Hasdrubal. Ces ambassadeurs repoussés se rendent a Carthage. — XVI, XVII. Excursion en Illyrie. — XVII, XVIII. Siège et prise de Sagonte. XVIII - XX. Expédition en Illyrie. Triomphe du consul Êmilius. — XX, XXI. Rome à la nouvelle de la ruine de Sagonte adresse des députés à Carthage. — XXI, XXII. Discussion sur le traité d'Annibal entre les commissaires romains et les Carthaginois. — XXII-XXVIII. Polybe rappelle les traités conclus antérieurement entre les deux républiques. — XXVIII-XXXI. Opinion de l'auteur sur la légitimité de l'intervention de Rome en Sicile et en Espagne. — XXXI-XXXIII. Pourquoi il insiste sur ces détails. Avantages de l'histoire universelle. — XXXIII-XXXVI. Annibal fait ses préparatifs pour passer en Italie. Il franchit les Pyrénées. — XXXVI-XXXIX. Excursion géographique. — XXXIX, XL. Etendue des possessions carthaginoises.— XL, XLI. Pub. Cornélius et Tibérius sont envoyés en Afrique. Les Cisalpins se révoltent. — XLI-XLIV. Publius s'arrête à Marseille. Annibal passe le Rhône, et demeure sur la rive. — XLI V-XLVII. Magilus, chef gaulois, se rend au camp des Carthaginois et leur promet l'assistance des Cisalpins. Transport des éléphants au delà du fleuve. — XLVII-L. Annibal se met en route; il atteint le pied des Alpes. Scipion regagne l'Italie. L-LVI. Différents épisodes du passage des Alpes. — LVI, LVII. Publius surpris sur les bords du Pô. — LVII-LX. Digression sur certaines questions relatives à l'histoire. — LX-LXII. Annibal et Scipion s'étonnent de se retrouver en présence, tant leur course avait été rapide. Sempronius est rappelé de Sicile en Italie. — LXII-LXIV. Annibal harangue ses soldats- Scène imposante d'où il tire son discours. — LXIV, LXV. Scipion à son armée. — LXV, LXYI. Combat de cavalerie du Tessin. Scipion est vaincu. — LXVI-LXVIII. Annibal franchit le Pô. Les Gaulois s'unissent à lui. — LXVIII, LXIX. Scipion se retire sur la Trébie, la passe, et réunit ses forces à celles de Sempronius. — LXIX-LXXII. Clastidium est prise par les Carthaginois. Engagement de cavalerie. Le succès en est douteux. Annibal attire Sempronius à une seconde bataille. — LXXII-LXXV. Ordonnance des deux armées. Sempronius est vaincu, — LXXV, LXXVl. Nouveaux pré- 176 paratifs des Romains. — LXXVI, LXXVII. Victoires de Cnéius Scipion en Espagne. — LXXVII-LXXX. Annibal en Cisalpine. Mesures de sûreté qu'il prend. Il gagne par les marais l'Étonné. — LXXX, LXXXI. Il étudie le caractère du consul Flaminius. — LXXXI, LXXXII. Utilité de cette étude. — LXXXII, LXXXIII. Annibal ravage la campagne pour exciter l'ardeur de son adversaire, et s'avance jusqu'au lac Trasimèiie. — LXXXIII-LXXXV. État des lieux. - Bataille. Les Romains sont défaits. — LXXXV, LXXXVI. Annibal garde les prisonniers romains et renvoie les autres sans rançon. Le sénat, sans se laisser abattre par ces revers, prend les mesures nécessaires afin de continuer la lutte. — LXXXVI-LXXXVIII. Centénius, envoyé au secours de Flaminius, est détruit par Mabarbal. Annibal, vainqueur, arrive sur les bords de l'Adriatique. Il refait son armée épuisée et l'arme à la manière des Romains. Quintus Fabius Maximus est nommé dictateur, et Minucius, maître de la cavalerie. — LXXXVIIl-XCI. Annibal ravage l'Apulie, et s'établit près d'Oecas, à cinquante stades de l'ennemi. Fabius temporise. Sagesse de cette conduite. Cependant les Carthaginois passent dans le Samnium. — XCI, XCII. Richesse de la Campanie. — XCII-XCIV. Cette province est en vain dévastée. Fabius ne s'y oppose qu'avec une extrême réserve. Il tend dans un défilé des embûches à Annibal, qui lui échappe par un stratagème. — XCIV, XCV. On blâme les lenteurs de Fabius. Celui-ci néanmoins en quittant l'armée recommande à Minucius de ne rien risquer. — XCV-XCVIII. Succès de Cnéius Scipion en Espagne. Une flotte carthaginoise, destinée à rejoindre Annibal, retourne à Carthage sans avoir rien fait. Servilius la poursuit. P. Scipion, envoyé en Espagne, agit de concert avec Cnéius. Les deux généraux passent l'Èbre. — XCVIII-C. Trahison d'Abylix, noble espagnol, qui livre aux Romains les otages remis entre les mains des Carthaginois. — C-CIV. Annibal s'établit près de Géranium. Minucius, chargé du commandement des troupes en l'absence de Fabius, le harcèle et remporte quelque avantage. Orgueil et joie de Minucius. Rome le nomme dictateur avec Fabius. Ils se partagent l'armée. — CIV-CVI. Le désaccord des deux généraux romains favorise les desseins d'Annibal. Annibal prépare une embûche, et le dictateur force à en venir aux mains Minucius, qui n'est sauvé que par Fabius. — CVI-CVIII. On nomme Lucius Émilius et L. Tércntius consuls. Cn. Servilius et M. Régulus proconsuls. Annibal s'empare de Cannes. Le sénat décrète de livrer bataille. On lève huit légions, et Émilius, jusqu'alors resté à Rome, part pour l'armée avec Térentius. — CVIII-CX. Harangue d'Êmilius. — CX, CXI. Dissidences entre Emilius et Terentius. Ils établissent un double camp sur les rives de l'Aufide. - CXI, CXÏI. Discours d'Annibal à ses soldats. — CXII-CXV. Émilius évite, à cause de la nature des lieux, tout engagement. Térentius, au contraire, ne songe qu'à se mesurer avec Annibal. Il profite du jour où il commande pour ranger ses troupes dans la plaine. Annibal en fait autant. — CXV-CXVIII. Il remporte la bataille de Cannes. — CXVIII. Effets de cette bataille. Constance des Romains.

 

I. Ὅτι μὲν ἀρχὰς ὑποτιθέμεθα τῆς αὑτῶν πραγματείας τόν τε συμμαχικὸν καὶ τὸν Ἀννιβιακόν, πρὸς δὲ τούτοις τὸν περὶ Κοίλης Συρίας πόλεμον, ἐν τῇ πρώτῃ μὲν τῆς ὅλης συντάξεως, τρίτῃ δὲ ταύτης ἀνώτερον βύβλῳ δεδηλώκαμεν· ὁμοίως δὲ καὶ τὰς αἰτίας, δι´ ἃς ἀναδραμόντες τοῖς χρόνοις πρὸ τούτων τῶν καιρῶν συνεταξάμεθα τὰς πρὸ ταύτης βύβλους, ἐν αὐτῇ ´κείνῃ διεσαφήσαμεν. Νῦν δὲ πειρασόμεθα τοὺς προειρημένους πολέμους καὶ τὰς αἰτίας, ἐξ ὧν ἐγένοντο καὶ δι´ ἃς ἐπὶ τοσοῦτον ηὐξήθησαν, μετ´ ἀποδείξεως ἐξαγγέλλειν, βραχέα προειπόντες ὑπὲρ τῆς αὑτῶν πραγματείας. Ὄντος γὰρ ἑνὸς ἔργου καὶ θεάματος ἑνὸς τοῦ σύμπαντος, ὑπὲρ οὗ γράφειν ἐπικεχειρήκαμεν, τοῦ πῶς καὶ πότε καὶ διὰ τί πάντα τὰ γνωριζόμενα μέρη τῆς οἰκουμένης ὑπὸ τὴν Ῥωμαίων δυναστείαν ἐγένετο, τούτου δ´ ἔχοντος καὶ τὴν ἀρχὴν γνωριζομένην καὶ τὸν χρόνον ὡρισμένον καὶ τὴν συντέλειαν ὁμολογουμένην, χρήσιμον ἡγούμεθ´ εἶναι καὶ τὸ περὶ τῶν μεγίστων ἐν αὐτῷ μερῶν, ὅσα μεταξὺ κεῖται τῆς ἀρχῆς καὶ τοῦ τέλους, κεφαλαιωδῶς ἐπιμνησθῆναι καὶ προεκθέσθαι. Μάλιστα γὰρ οὕτως ὑπολαμβάνομεν τοῖς φιλομαθοῦσι παρασκευάσειν ἱκανὴν ἔννοιαν τῆς ὅλης ἐπιβολῆς. Πολλὰ μὲν γὰρ προλαμβανούσης τῆς ψυχῆς ἐκ τῶν ὅλων πρὸς τὴν κατὰ μέρος τῶν πραγμάτων γνῶσιν, πολλὰ δ´ ἐκ τῶν κατὰ μέρος πρὸς τὴν τῶν ὅλων ἐπιστήμην, ἀρίστην ἡγούμενοι τὴν ἐξ ἀμφοῖν ἐπίστασιν καὶ θέαν ἀκόλουθον τοῖς εἰρημένοις ποιησόμεθα τὴν προέκθεσιν τῆς αὑτῶν πραγματείας. Τὴν μὲν οὖν καθόλου τῆς ὑποθέσεως ἔμφασιν καὶ τὴν περιγραφὴν ἤδη δεδηλώκαμεν. Τῶν δὲ κατὰ μέρος ἐν αὐτῇ γεγονότων ἀρχὰς μὲν εἶναι συμβαίνει τοὺς προειρημένους πολέμους, καταστροφὴν δὲ καὶ συντέλειαν τὴν κατάλυσιν τῆς ἐν Μακεδονίᾳ βασιλείας, χρόνον δὲ τὸν μεταξὺ τῆς ἀρχῆς καὶ τοῦ τέλους ἔτη πεντήκοντα τρία, περιέχεσθαι δ´ ἐν τούτῳ τηλικαύτας καὶ τοιαύτας πράξεις, ὅσας οὐδεὶς τῶν προγεγονότων καιρῶν ἐν ἴσῳ περιέλαβε διαστήματι. Περὶ ὧν ἀπὸ τῆς ἑκατοστῆς καὶ τετταρακοστῆς ὀλυμπιάδος ἀρξάμενοι τοιάνδε τινὰ ποιησόμεθα τὴν ἔφοδον τῆς ἐξηγήσεως.

II. Ὑποδείξαντες γὰρ τὰς αἰτίας, δι´ ἃς ὁ προδεδηλωμένος συνέστη Καρχηδονίοις καὶ Ῥωμαίοις πόλεμος, ὁ προσαγορευθεὶς Ἀννιβιακός, ἐροῦμεν ὡς εἰς Ἰταλίαν ἐμβαλόντες Καρχηδόνιοι καὶ καταλύσαντες τὴν Ῥωμαίων δυναστείαν εἰς μέγαν μὲν φόβον ἐκείνους ἤγαγον περὶ σφῶν καὶ τοῦ τῆς πατρίδος ἐδάφους, μεγάλας δ´ ἔσχον αὐτοὶ καὶ παραδόξους ἐλπίδας, ὡς καὶ τῆς Ῥώμης αὐτῆς ἐξ ἐφόδου κρατήσοντες. Ἑξῆς δὲ τούτοις πειρασόμεθα διασαφεῖν ὡς κατὰ τοὺς αὐτοὺς καιροὺς Φίλιππος μὲν ὁ Μακεδὼν διαπολεμήσας Αἰτωλοῖς καὶ μετὰ ταῦτα συστησάμενος τὰ κατὰ τοὺς Ἕλληνας ἐπεβάλετο κοινωνεῖν Καρχηδονίοις τῶν αὐτῶν ἐλπίδων, Ἀντίοχος δὲ καὶ Πτολεμαῖος ὁ Φιλοπάτωρ ἠμφισβήτουν, τέλος δ´ ἐπολέμησαν ὑπὲρ Κοίλης Συρίας πρὸς ἀλλήλους, Ῥόδιοι δὲ καὶ Προυσίας ἀναλαβόντες πρὸς Βυζαντίους πόλεμον ἠνάγκασαν αὐτοὺς ἀποστῆναι τοῦ παραγωγιάζειν τοὺς πλέοντας εἰς τὸν Πόντον. Στήσαντες δ´ ἐπὶ τούτων τὴν διήγησιν τὸν ὑπὲρ τῆς Ῥωμαίων πολιτείας συστησόμεθα λόγον, ᾧ κατὰ τὸ συνεχὲς ὑποδείξομεν ὅτι μέγιστα συνεβάλετ´ αὐτοῖς ἡ τοῦ πολιτεύματος ἰδιότης πρὸς τὸ μὴ μόνον ἀνακτήσασθαι τὴν Ἰταλιωτῶν καὶ Σικελιωτῶν δυναστείαν, ἔτι δὲ τὴν Ἰβήρων προσλαβεῖν καὶ Κελτῶν ἀρχήν, ἀλλὰ τὸ τελευταῖον καὶ πρὸς τὸ κρατήσαντας τῷ πολέμῳ Καρχηδονίων ἔννοιαν σχεῖν τῆς τῶν ὅλων ἐπιβολῆς. Ἅμα δὲ τούτοις κατὰ παρέκβασιν δηλώσομεν τὴν κατάλυσιν τῆς Ἱέρωνος τοῦ Συρακοσίου δυναστείας. Οἷς ἐπισυνάψομεν τὰς περὶ τὴν Αἴγυπτον ταραχὰς καὶ τίνα τρόπον Πτολεμαίου τοῦ βασιλέως μεταλλάξαντος τὸν βίον συμφρονήσαντες Ἀντίοχος καὶ Φίλιππος ἐπὶ διαιρέσει τῆς τοῦ καταλελειμμένου παιδὸς ἀρχῆς ἤρξαντο κακοπραγμονεῖν καὶ τὰς χεῖρας ἐπιβάλλειν Φίλιππος μὲν τοῖς κατ´ Αἴγαιον καὶ Καρίαν καὶ Σάμον, Ἀντίοχος δὲ τοῖς κατὰ Κοίλην Συρίαν καὶ Φοινίκην.

III. Μετὰ δὲ ταῦτα συγκεφαλαιωσάμενοι τὰς ἐν Ἰβηρίᾳ καὶ Λιβύῃ καὶ Σικελίᾳ πράξεις Ῥωμαίων καὶ Καρχηδονίων μεταβιβάσομεν τὴν διήγησιν ὁλοσχερῶς εἰς τοὺς κατὰ τὴν Ἑλλάδα τόπους ἅμα ταῖς τῶν πραγμάτων μεταβολαῖς. Ἐξηγησάμενοι δὲ τὰς Ἀττάλου καὶ Ῥοδίων ναυμαχίας πρὸς Φίλιππον, ἔτι δὲ τὸν Ῥωμαίων καὶ Φιλίππου πόλεμον, ὡς ἐπράχθη καὶ διὰ τίνων καὶ τί τὸ τέλος ἔσχεν, τούτῳ συνάπτοντες τὸ συνεχὲς μνησθησόμεθα τῆς Αἰτωλῶν ὀργῆς, καθ´ ἣν Ἀντίοχον ἐπισπασάμενοι τὸν ἀπὸ τῆς Ἀσίας Ἀχαιοῖς καὶ Ῥωμαίοις ἐξέκαυσαν πόλεμον. Οὗ δηλώσαντες τὰς αἰτίας καὶ τὴν Ἀντιόχου διάβασιν εἰς τὴν Εὐρώπην διασαφήσομεν πρῶτον μὲν τίνα τρόπον ἐκ τῆς Ἑλλάδος ἔφυγεν, δεύτερον δὲ πῶς ἡττηθεὶς τῆς ἐπὶ τάδε τοῦ Ταύρου πάσης ἐξεχώρησε, τὸ δὲ τρίτον τίνα τρόπον Ῥωμαῖοι καταλύσαντες τὴν Γαλατῶν ὕβριν ἀδήριτον μὲν σφίσι παρεσκεύασαν τὴν τῆς Ἀσίας ἀρχήν, ἀπέλυσαν δὲ τοὺς ἐπὶ τάδε τοῦ Ταύρου κατοικοῦντας βαρβαρικῶν φόβων καὶ τῆς Γαλατῶν παρανομίας. Μετὰ δὲ ταῦτα θέντες ὑπὸ τὴν ὄψιν τὰς Αἰτωλῶν καὶ Κεφαλλήνων ἀτυχίας ἐπιβαλοῦμεν τοὺς Εὐμένει συστάντας πρός τε Προυσίαν καὶ Γαλάτας πολέμους, ὁμοίως δὲ καὶ τὸν μετ´ Ἀριαράθου πρὸς Φαρνάκην. Οἷς ἑξῆς ἐπιμνησθέντες τῆς παρὰ Πελοποννησίων ὁμονοίας καὶ καταστάσεως, ἔτι δὲ τῆς αὐξήσεως τοῦ Ῥοδίων πολιτεύματος, συγκεφαλαιωσόμεθα τὴν ὅλην διήγησιν ἅμα καὶ τὰς πράξεις, ἐπὶ πᾶσιν ἐξηγησάμενοι τὴν Ἀντιόχου στρατείαν εἰς Αἴγυπτον τοῦ κληθέντος Ἐπιφανοῦς καὶ τὸν Περσικὸν πόλεμον καὶ τὴν κατάλυσιν τῆς ἐν Μακεδονίᾳ βασιλείας. Δι´ ὧν ἅμα θεωρηθήσεται πῶς ἕκαστα χειρίσαντες Ῥωμαῖοι πᾶσαν ἐποιήσαντο τὴν οἰκουμένην ὑπήκοον αὑτοῖς.

IV. Εἰ μὲν οὖν ἐξ αὐτῶν τῶν κατορθωμάτων ἢ καὶ τῶν ἐλαττωμάτων ἱκανὴν ἐνεδέχετο ποιήσασθαι τὴν διάληψιν ὑπὲρ τῶν ψεκτῶν ἢ τοὐναντίον ἐπαινετῶν ἀνδρῶν καὶ πολιτευμάτων, ἐνθάδε που λήγειν ἂν ἡμᾶς ἔδει καὶ καταστρέφειν ἅμα τὴν διήγησιν καὶ τὴν πραγματείαν ἐπὶ τὰς τελευταίας ῥηθείσας πράξεις κατὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς πρόθεσιν. Ὅ τε γὰρ χρόνος ὁ πεντηκοντακαιτριετὴς εἰς ταῦτ´ ἔληγεν, ἥ τ´ αὔξησις καὶ προκοπὴ τῆς Ῥωμαίων δυναστείας ἐτετελείωτο· πρὸς δὲ τούτοις ὁμολογούμενον ἐδόκει τοῦτ´ εἶναι καὶ κατηναγκασμένον ἅπασιν ὅτι λοιπόν ἐστι Ῥωμαίων ἀκούειν καὶ τούτοις πειθαρχεῖν ὑπὲρ τῶν παραγγελλομένων. Ἐπεὶ δ´ οὐκ αὐτοτελεῖς εἰσιν οὔτε περὶ τῶν κρατησάντων (οὔτε περὶ τῶν) ἐλαττωθέντων αἱ ψιλῶς ἐξ αὐτῶν τῶν ἀγωνισμάτων διαλήψεις, διὰ τὸ πολλοῖς μὲν τὰ μέγιστα δοκοῦντ´ εἶναι τῶν κατορθωμάτων, ὅταν μὴ δεόντως αὐτοῖς χρήσωνται, τὰς μεγίστας ἐπενηνοχέναι συμφοράς, οὐκ ὀλίγοις δὲ τὰς ἐκπληκτικωτάτας περιπετείας, ὅταν εὐγενῶς αὐτὰς ἀναδέξωνται, πολλάκις εἰς τὴν τοῦ συμφέροντος περιπεπτωκέναι μερίδα, προσθετέον ἂν εἴη ταῖς προειρημέναις πράξεσι τήν τε τῶν κρατούντων αἵρεσιν, ποία τις ἦν μετὰ ταῦτα καὶ πῶς προεστάτει τῶν ὅλων, τάς τε τῶν ἄλλων ἀποδοχὰς καὶ διαλήψεις, πόσαι καὶ τίνες ὑπῆρχον περὶ τῶν ἡγουμένων, πρὸς δὲ τούτοις τὰς ὁρμὰς καὶ τοὺς ζήλους ἐξηγητέον, τίνες παρ´ ἑκάστοις ἐπεκράτουν καὶ κατίσχυον περί τε τοὺς κατ´ ἰδίαν βίους καὶ τὰς κοινὰς πολιτείας. Δῆλον γὰρ ὡς ἐκ τούτων φανερὸν ἔσται τοῖς μὲν νῦν οὖσιν πότερα φευκτὴν ἢ τοὐναντίον αἱρετὴν εἶναι συμβαίνει τὴν Ῥωμαίων δυναστείαν, τοῖς δ´ ἐπιγενομένοις πότερον ἐπαινετὴν καὶ ζηλωτὴν ἢ ψεκτὴν γεγονέναι νομιστέον τὴν ἀρχὴν αὐτῶν. Τὸ γὰρ ὠφέλιμον τῆς ἡμετέρας ἱστορίας πρός τε τὸ παρὸν καὶ πρὸς τὸ μέλλον ἐν τούτῳ πλεῖστον κείσεται τῷ μέρει. Οὐ γὰρ δὴ τοῦτ´ εἶναι τέλος ὑποληπτέον ἐν πράγμασιν οὔτε τοῖς ἡγουμένοις οὔτε τοῖς ἀποφαινομένοις ὑπὲρ τούτων, τὸ νικῆσαι καὶ ποιήσασθαι πάντας ὑφ´ ἑαυτούς. Οὔτε γὰρ πολεμεῖ τοῖς πέλας οὐδεὶς νοῦν ἔχων ἕνεκεν αὐτοῦ τοῦ καταγωνίσασθαι τοὺς ἀντιταττομένους, οὔτε πλεῖ τὰ πελάγη χάριν τοῦ περαιωθῆναι μόνον, καὶ μὴν οὐδὲ τὰς ἐμπειρίας καὶ τέχνας αὐτῆς ἕνεκα τῆς ἐπιστήμης ἀναλαμβάνει· πάντες δὲ πράττουσι πάντα χάριν τῶν ἐπιγινομένων τοῖς ἔργοις ἡδέων ἢ καλῶν ἢ συμφερόντων. Διὸ καὶ τῆς πραγματείας ταύτης τοῦτ´ ἔσται τελεσιούργημα, τὸ γνῶναι τὴν κατάστασιν παρ´ ἑκάστοις, ποία τις ἦν μετὰ τὸ καταγωνισθῆναι τὰ ὅλα καὶ πεσεῖν εἰς τὴν τῶν Ῥωμαίων ἐξουσίαν ἕως τῆς μετὰ ταῦτα πάλιν ἐπιγενομένης ταραχῆς καὶ κινήσεως. Ὑπὲρ ἧς διὰ τὸ μέγεθος τῶν ἐν αὐτῇ πράξεων καὶ τὸ παράδοξον τῶν συμβαινόντων, τὸ δὲ μέγιστον, διὰ τὸ τῶν πλείστων μὴ μόνον αὐτόπτης, ἀλλ´ ὧν μὲν συνεργὸς ὧν δὲ καὶ χειριστὴς γεγονέναι, προήχθην οἷον ἀρχὴν ποιησάμενος ἄλλην γράφειν.

V. Ἦν δ´ ἡ προειρημένη κίνησις, ἐν ᾗ Ῥωμαῖοι μὲν πρὸς Κελτίβηρας καὶ Οὐακκαίους ἐξήνεγκαν πόλεμον, Καρχηδόνιοι δὲ τὸν πρὸς Μασαννάσαν βασιλέα τῶν Λιβύων· περὶ δὲ τὴν Ἀσίαν Ἄτταλος μὲν καὶ Προυσίας πρὸς ἀλλήλους ἐπολέμησαν, ὁ δὲ τῶν Καππαδοκῶν βασιλεὺς Ἀριαράθης ἐκπεσὼν ἐκ τῆς ἀρχῆς ὑπ´ Ὀροφέρνους διὰ Δημητρίου τοῦ βασιλέως αὖθις ἀνεκτήσατο δι´ Ἀττάλου τὴν πατρῴαν ἀρχήν. Ὁ δὲ Σελεύκου Δημήτριος κύριος γενόμενος ἔτη δώδεκα τῆς ἐν Συρίᾳ βασιλείας ἅμα τοῦ βίου καὶ τῆς ἀρχῆς ἐστερήθη, συστραφέντων ἐπ´ αὐτὸν τῶν ἄλλων βασιλέων. Ἀποκατέστησαν δὲ καὶ Ῥωμαῖοι τοὺς Ἕλληνας εἰς τὴν οἰκείαν τοὺς ἐκ τοῦ Περσικοῦ πολέμου καταιτιαθέντας, ἀπολύσαντες τῆς ἐπενεχθείσης αὐτοῖς διαβολῆς. Οἱ δ´ αὐτοὶ μετ´ οὐ πολὺ Καρχηδονίοις ἐπέβαλον τὰς χεῖρας, τὸ μὲν πρῶτον μεταναστῆσαι, μετὰ δὲ ταῦτα πάλιν ἄρδην αὐτοὺς ἐξαναστῆσαι προθέμενοι διὰ τὰς ἐν τοῖς ἑξῆς ῥηθησομένας αἰτίας. Οἷς κατάλληλα Μακεδόνων μὲν ἀπὸ τῆς Ῥωμαίων φιλίας, Λακεδαιμονίων δὲ τῆς τῶν Ἀχαιῶν συμπολιτείας ἀποστάντων, ἅμα τὴν ἀρχὴν καὶ τὸ τέλος ἔσχε τὸ κοινὸν ἀτύχημα πάσης τῆς Ἑλλάδος. Τὰ μὲν οὖν τῆς ἐπιβολῆς ἡμῶν τοιαῦτα· προσδεῖ δ´ ἔτι τῆς τύχης, ἵνα συνδράμῃ τὰ τοῦ βίου πρὸς τὸ τὴν πρόθεσιν ἐπὶ τέλος ἀγαγεῖν. Πέπεισμαι μὲν γάρ, κἄν τι συμβῇ περὶ ἡμᾶς ἀνθρώπινον, οὐκ ἀργήσειν τὴν ὑπόθεσιν οὐδ´ ἀπορήσειν ἀνδρῶν ἀξιόχρεων, διὰ (δὲ) τὸ κάλλος πολλοὺς κατεγγυηθήσεσθαι καὶ σπουδάσειν ἐπὶ τέλος ἀγαγεῖν αὐτήν. Ἐπεὶ δὲ τὰς ἐπιφανεστάτας τῶν πράξεων ἐπὶ κεφαλαίου διεληλύθαμεν, βουλόμενοι καὶ καθόλου καὶ κατὰ μέρος εἰς ἔννοιαν ἀγαγεῖν τῆς ὅλης ἱστορίας τοὺς ἐντυγχάνοντας, ὥρα μνημονεύοντας τῆς προθέσεως ἐπαναγαγεῖν ἐπὶ τὴν ἀρχὴν τῆς αὑτῶν ὑποθέσεως.

I. Nous avons établi dans le premier livre de cet ouvrage que nous prendrions pour point de départ de notre histoire proprement dite la guerre sociale, celle d'Annibal et la guerre de Célésyrie. Nous y avons aussi indiqué pour quels motifs, remontant à une époque an- 177  térieure, nous ferions précéder de deux livres préliminaires celui auquel nous sommes parvenus. Raconter maintenant ces luttes fameuses, en rappeler l'origine et comment elles devinrent si considérables, est ce que nous tenterons de faire après avoir dit toutefois quelques mots au sujet de celte nouvelle partie de notre travail. Un seul fait, un seul spectacle, pour ainsi parler, la remplit tout entière, et c'est ce fait que nous voulons expliquer ici; je veux dire montrer à quelle époque et par quelles, causes tout l'univers tomba au pouvoir des Romains. Le commencement de cette révolution étant suffisamment déterminé, la durée précise et le succès reconnu de tous, nous croyons utile de résumer ici les événements les plus importants qui ont pu avoir lieu entre le début et la fin de la conquête, peut-être sera-ce le meilleur moyeu de donner aux esprits studieux une idée complète de notre œuvre. Comme la connaissance préalable de l'ensemble aide l'âme à apprécier les détails, et celle des détails à en bien juger l'ensemble ; convaincu que la vue la plus nette des choses nous est donnée par la méthode qui concilie les deux procédés, nous tracerons d'abord un aperçu rapide de toute la suite de notre histoire. Le plan, l'étendue de cet ouvrage sont choses que nous avons suffisamment montrées. Quant aux faits particuliers qui doivent y trouver place, le commencement s'en rattache aux guerres que je viens de citer, la fin à la chute du royaume de Macédoine. Enfin, le temps écoulé entre le début et le terme de cette période est de cinquante-trois ans, espace de temps qui renferme des événements plus considérables et plus nombreux qu'il ne s'en est jamais rencontré dans un même intervalle. Voici l'ordre, qu'en partant de la CXIe olympiade , nous suivrons dans le cours de notre narration (01).

178  II. Après avoir marqué les causes qui amenèrent entre Rome et Carthage la guerre qu'on appelle celle d'Annibal , nous dirons de quelle manière les Carthaginois, par leur descente en Italie, brisèrent la puissance des Romains, les firent craindre pour eux et leur patrie, et eurent grandement l'étonnant espoir de prendre Rome elle-même. Nous essayerons ensuite de retracer comment à cette époque, la guerre avec les Étoliens achevée, et les affaires de la Grèce réglées, Philippe de Macédoine songea à partager les desseins de Carthage. Nous verrons Antiochus et Ptolémée Philopator prétendre tous deux à la Célésyrie, et se la disputer en suite les armes à la main ; puis les Rhodiens et Prusias, réunis contre Byzance, l'obliger de ne plus rançonner les vaisseaux qui se rendaient dans le Pont. Nous interromprons un instant notre récit, afin de dire quelque chose du gouvernement de Rome, et de faire conséquemment ressortir tous les avantages que les Romains en tirèrent pour recouvrer l'Italie et la Sicile, pour réduire sous leurs lois l'Espagne et la Cisalpine, et aspirer enfin à l'empire du monde, Carthage une fois vaincue. Nous dirons en passant la chute du trône d'Hiéron à Syracuse. Nous rattacherons à ces faits l'histoire des troubles de l'Egypte, celle des manœuvres d'Antiochus et de Philippe, ligués après la mort de Ptolémée Philopator pour le partage de l'empire laissé au roi mineur; et enfin l'occupation de l'Egypte, de la Carie, et de Samos par Philippe, et celle de la Célésyrie et de la Phénicie par Anthiochus.

III. Lorsque nous aurons résumé les hostilités des Romains et des Carthaginois en Afrique, en Espagne et en Sicile, nous transporterons sans retard notre récit en Grèce, nouveau théâtre ouvert à de grands événements, Nous dirons les batailles navales d'Attale et des Rhodiens contre Philippe, la guerre des Romains et de Philippe, les phases, les chefs, le dénouement de cette lutte; et, suivant l'ordre chronologique, nous rappelle-  179 rons la colère des Étoliens, qui, tout entiers à leur ressentiment, firent venir Antiochus des bords de l'Asie, et suscitèrent la guerre contre Rome et contre l'Achaïe. Après quelques détails sur la cause des hostilités et sur la descente d*Antiochus en Europe, nous montrerons comment d'abord ce prince quitta la Grèce et abandonna vaincu toute l'Asie jusqu'au Taurus. Notre récit fera connaître encore par quels moyens les Romains abattirent l'orgueil des Galates, acquirent en Asie un pouvoir sans partage, et délivrèrent à jamais les peuples en deçà du Taurus des alarmes que leur causaient l'audace effrénée des Barbares. Nous mettrons aussi sous les yeux du lecteur les malheurs des Étoliens et des Céphalléniens, la guerre d'Eumènes contre Pru-sias et contre les Galates, et celle d'Ariarathe contre Pharnace. Nous n'oublierons pas l'union de tout le Pé-loponèse, les progrès de la puissance des Rhodiens ; puis, en quelques lignes, nous donnerons le résumé de tous ces faits, et nous finirons notre œuvre par l'expédition d'Antiochus Épiphanes en Egypte, par la guerre contre Persée, et l'extinction de la maison royale en Macédoine. On verra, par ces nombreux détails, comment Rome s'y prit pour mettre la plus grande partie de l'univers sous ses lois.

IV. Si, des succès ou des revers, il était permis de tirer des conséquences suffisantes sur les qualités ou sur les défauts des hommes et des gouvernements, nous devrions nous arrêter ici, et terminer notre ouvrage après les événements dont nous venons de parler. Le cadre que nous nous sommes tracé, serait ainsi rempli, puisque ces faits sont la limite où s'arrêtent les cinquante-trois années, et que la grandeur de la puissance des Romains n'a plus de progrès à faire. De plus, l'univers entier reconnaît alors, d'un commun accord, la nécessité de se soumettre sans murmure à leurs volontés. Mais, comme les jugements, qui ne sont rendus que d'après le sort des combats, ne sauraient être plus décisifs pour 180 le vainqueur que pour le vaincu ; que souvent, les victoires les plus éclatantes ont tourné, faute d'en savoir profiter, en terribles catastrophes, et que, fréquemment aussi, des revers accablants d'abord, mais noblement supportés, sont devenus la source de précieux avantages, nous joindrons à l'histoire des faits quelques aperçus sur les principes de conduite que les vainqueurs, la victoire une fois obtenue, observèrent, et sur la manière dont ils usèrent de la conquête du monde ; puis nous verrons quels étaient les sentiments et l'esprit des nations vaincues envers leurs maîtres ; quelles inclinations dominantes, et quels forts penchants remportaient chez les particuliers, soit dans la vie privée, soit dans la discussion des affaires. Cet examen fera évidemment connaître à nos contemporains , s'il faut fuir ou rechercher l'empire de Rome ; à nos descendants, si cette domination a droit à leur éloge et à leur sympathie, ou mérite leur blâme. Or, c'est là que résidera, surtout pour le présent et pour l'avenir, l'intérêt de notre histoire. Ni les conquérants ni ceux qui retracent leurs hauts faits, ne doivent voir, dans la victoire et dans la soumission matérielle des peuples , la fin dernière des choses. Un homme intelligent ne combat pas seulement pour vaincre ; il ne s'élance pas au delà des mers, pour le vain plaisir de les traverser, comme on ne recherche pas les arts et les sciences pour le seul amour de l'étude. Les mobiles de tous ces efforts sont, ou le plaisir, ou l'honneur, ou l'utilité qu'on en peut recueillir. Aussi, nous n'estimerons notre histoire achevée, qu'après avoir mis en pleine lumière l'état de toutes les nations du monde, depuis le moment où l'univers entier soumis tomba au pouvoir des Romains, jusqu'à celui où de nouveaux troubles excitèrent et remuèrent les peuples. L'importance même des faits, le caractère particulier de ces étonnantes révolutions , la pensée, enfin, que je fus témoin de la plupart de ces événements, que j'y jouai un rôle, 181 que souvent même je les conduisis, tout cela m'a poussé, dussé-je placer une nouvelle histoire dans une autre, à raconter ces soudains changements.

V. Cette époque de troubles est celle où les Romains portèrent la guerre chez les Celtibériens, et les Vaccéens ; les Carthaginois chez Massinissa, roi de Libye ; où Attale et Prusias se disputèrent l'Asie ; où le roi de Cappadoce Ariarathe, dépossédé par Oropherne, que soutenait Démétrius, reconquit sa couronne; où Démétrius, fils de Séleucus, après avoir été maître de la Syrie, pendant douze ans, fut privé à la fois de la vie et du trône par les autres rois conjurés contre lui ; où les Romains, enfin, renvoyèrent dans leurs foyers les Grecs qui avaient été compromis dans la guerre de Persée, mais dont ils reconnurent plus tard l'innocence. Peu après, ils dirigèrent leurs armes contre les Carthaginois, d'abord afin de les forcer à changer de demeure; et ensuite pour les anéantir, par certaines raisons que nous dirons plus tard. Puis, s'ouvre cette période où, les Macédoniens ayant rompu avec Rome, les Lacédémoniens avec les Achéens , commença et s'acheva bientôt la ruine de toute la Grèce ! Tel est le sujet que nous nous sommes proposé de traiter. Puisse la fortune m'être favorable et me donner assez de jours pour le conduire à fin. Mais, quand bien même quelque coup du sort attaché à la faiblesse humaine viendrait me surprendre, cette grande œuvre, j'en suis convaincu, ne serait point interrompue, et ne manquerait pas de dignes continuateurs : combien s'en présenterait-il, qui, séduits par la beauté de l'entreprise, s'en chargeraient avec plaisir, et s'empresseraient de l'achever! Maintenant que nous avons dit en résumé les faits les plus considérables dont nous aurons à nous occuper, et donné ainsi au lecteur une idée particulière et générale à la fois de notre histoire, il est temps, sans nous écarter davantage de notre sujet, de revenir à ceux qu'il nous faut d'abord raconter.

VI. Ἔνιοι δὲ τῶν συγγεγραφότων τὰς κατ´ Ἀννίβαν πράξεις βουλόμενοι τὰς αἰτίας ἡμῖν ὑποδεικνύναι, δι´ ἃς Ῥωμαίοις καὶ Καρχηδονίοις ὁ προειρημένος ἐνέστη πόλεμος, πρώτην μὲν ἀποφαίνουσι τὴν Ζακάνθης πολιορκίαν ὑπὸ Καρχηδονίων, δευτέραν δὲ τὴν διάβασιν αὐτῶν παρὰ τὰς συνθήκας τοῦ προσαγορευομένου παρὰ τοῖς ἐγχωρίοις Ἴβηρος ποταμοῦ· ἐγὼ δὲ ταύτας ἀρχὰς μὲν εἶναι τοῦ πολέμου φήσαιμ´ ἄν, αἰτίας γε μὴν οὐδαμῶς ἂν συγχωρήσαιμι. Πολλοῦ γε δεῖν, εἰ μὴ καὶ τὴν Ἀλεξάνδρου διάβασιν εἰς τὴν Ἀσίαν αἰτίαν εἶναί τις φήσει τοῦ πρὸς τοὺς Πέρσας πολέμου καὶ τὸν Ἀντιόχου κατάπλουν εἰς Δημητριάδα τοῦ πρὸς Ῥωμαίους· ὧν οὔτ´ εἰκὸς οὔτ´ ἀληθές ἐστιν οὐδέτερον. Τίς γὰρ ἂν νομίσειε ταύτας αἰτίας ὑπάρχειν, ὧν πολλὰ μὲν Ἀλέξανδρος πρότερον, οὐκ ὀλίγα δὲ Φίλιππος ἔτι ζῶν ἐνήργησε καὶ παρεσκευάσατο πρὸς τὸν κατὰ τῶν Περσῶν πόλεμον, ὁμοίως δὲ πάλιν Αἰτωλοὶ πρὸ τῆς Ἀντιόχου παρουσίας πρὸς τὸν κατὰ Ῥωμαίων; ἀλλ´ ἔστιν ἀνθρώπων τὰ τοιαῦτα μὴ διειληφότων ἀρχὴ τί διαφέρει καὶ πόσον διέστηκεν αἰτίας καὶ προφάσεως, καὶ διότι τὰ μέν ἐστι πρῶτα τῶν ἁπάντων, ἡ δ´ ἀρχὴ τελευταῖον τῶν εἰρημένων. Ἐγὼ δὲ παντὸς ἀρχὰς μὲν εἶναί φημι τὰς πρώτας ἐπιβολὰς καὶ πράξεις τῶν ἤδη κεκριμένων, αἰτίας δὲ τὰς προκαθηγουμένας τῶν κρίσεων καὶ διαλήψεων· λέγω δ´ ἐπινοίας καὶ διαθέσεις καὶ τοὺς περὶ ταῦτα συλλογισμοὺς καὶ δι´ ὧν· ἐπὶ τὸ κρῖναί τι καὶ προθέσθαι παραγινόμεθα. Δῆλον δ´ οἷον τὸ προειρημένον ἐκ τῶν ἐπιφερομένων. Τίνες γὰρ ἀληθῶς ἦσαν αἰτίαι, καὶ πόθεν φῦναι συνέβη τὸν πρὸς τοὺς Πέρσας πόλεμον, εὐμαρὲς καὶ τῷ τυχόντι συνιδεῖν. Ἦν δὲ πρώτη μὲν ἡ τῶν μετὰ Ξενοφῶντος Ἑλλήνων ἐκ τῶν ἄνω σατραπειῶν ἐπάνοδος, ἐν ᾗ πᾶσαν τὴν Ἀσίαν διαπορευομένων αὐτῶν πολεμίαν ὑπάρχουσαν οὐδεὶς ἐτόλμα μένειν κατὰ πρόσωπον τῶν βαρβάρων· δευτέρα δ´ ἡ τοῦ Λακεδαιμονίων βασιλέως Ἀγησιλάου διάβασις εἰς τὴν Ἀσίαν, ἐν ᾗ ´κεῖνος οὐδὲν ἀξιόχρεων οὐδ´ ἀντίπαλον εὑρὼν ταῖς σφετέραις ἐπιβολαῖς ἄπρακτος ἠναγκάσθη μεταξὺ διὰ τὰς περὶ τὴν Ἑλλάδα ταραχὰς ἐπανελθεῖν. Ἐξ ὧν Φίλιππος κατανοήσας καὶ συλλογισάμενος τὴν Περσῶν ἀνανδρίαν καὶ ῥᾳθυμίαν καὶ τὴν αὑτοῦ καὶ Μακεδόνων εὐεξίαν ἐν τοῖς πολεμικοῖς, ἔτι δὲ καὶ τὸ μέγεθος καὶ τὸ κάλλος τῶν ἐσομένων ἄθλων ἐκ τοῦ πολέμου πρὸ ὀφθαλμῶν θέμενος, ἅμα τῷ περιποιήσασθαι τὴν ἐκ τῶν Ἑλλήνων εὔνοιαν ὁμολογουμένην, εὐθέως προφάσει χρώμενος ὅτι σπεύδει μετελθεῖν τὴν Περσῶν παρανομίαν εἰς τοὺς Ἕλληνας, ὁρμὴν ἔσχε καὶ προέθετο πολεμεῖν καὶ πάντα πρὸς τοῦτο τὸ μέρος ἡτοίμαζε. Διόπερ αἰτίας μὲν τὰς πρώτας ῥηθείσας ἡγητέον τοῦ πρὸς τοὺς Πέρσας πολέμου, πρόφασιν δὲ τὴν δευτέραν, ἀρχὴν δὲ τὴν Ἀλεξάνδρου διάβασιν εἰς τὴν Ἀσίαν.

VII. Καὶ μὴν τοῦ κατ´ Ἀντίοχον καὶ Ῥωμαίους δῆλον ὡς αἰτίαν μὲν τὴν Αἰτωλῶν ὀργὴν θετέον. Ἐκεῖνοι γὰρ δόξαντες ὑπὸ Ῥωμαίων ὠλιγωρῆσθαι κατὰ πολλὰ περὶ τὴν ἔκβασιν τὴν ἐκ τοῦ Φιλίππου πολέμου, καθάπερ ἐπάνω προεῖπον, οὐ μόνον Ἀντίοχον ἐπεσπάσαντο, πᾶν δὲ καὶ πρᾶξαι καὶ παθεῖν ὑπέστησαν διὰ τὴν ἐπιγενομένην ὀργὴν ἐκ τῶν προειρημένων καιρῶν. Πρόφασιν δ´ ἡγητέον τὴν τῶν Ἑλλήνων ἐλευθέρωσιν, ἣν ἐκεῖνοι περιπορευόμενοι μετ´ Ἀντιόχου τὰς πόλεις ἀλόγως καὶ ψευδῶς κατήγγελλον, ἀρχὴν δὲ τοῦ πολέμου τὸν Ἀντιόχου κατάπλουν εἰς Δημητριάδα. Ἐγὼ δὲ τὴν ἐπὶ πλεῖον διαστολὴν πεποίημαι περὶ τούτων οὐχ ἕνεκα τῆς τῶν συγγραφέων ἐπιτιμήσεως, χάριν δὲ τῆς τῶν φιλομαθούντων ἐπανορθώσεως. Τί γὰρ ὄφελος ἰατροῦ κάμνουσιν ἀγνοοῦντος τὰς αἰτίας τῶν περὶ τὰ σώματα διαθέσεων; τί δ´ ἀνδρὸς πραγματικοῦ μὴ δυναμένου συλλογίζεσθαι πῶς καὶ διὰ τί καὶ πόθεν ἕκαστα τῶν πραγμάτων τὰς ἀφορμὰς εἴληφεν; οὔτε γὰρ ἐκεῖνον εἰκὸς οὐδέποτε δεόντως συστήσασθαι τὰς τῶν σωμάτων θεραπείας, οὔτε τὸν πραγματικὸν οὐδὲν οἷόν τε κατὰ τρόπον χειρίσαι τῶν προσπιπτόντων ἄνευ τῆς τῶν προειρημένων ἐπιγνώσεως. Διόπερ οὐδὲν οὕτω φυλακτέον καὶ ζητητέον ὡς τὰς αἰτίας ἑκάστου τῶν συμβαινόντων, ἐπειδὴ φύεται μὲν ἐκ τῶν τυχόντων πολλάκις τὰ μέγιστα τῶν πραγμάτων, ἰᾶσθαι δὲ ῥᾷστόν ἐστιν παντὸς τὰς πρώτας ἐπιβολὰς καὶ διαλήψεις.

VIII. Φάβιος δέ φησιν ὁ Ῥωμαϊκὸς συγγραφεὺς ἅμα τῷ κατὰ Ζακανθαίους ἀδικήματι καὶ τὴν Ἀσδρούβου πλεονεξίαν καὶ φιλαρχίαν αἰτίαν γίνεσθαι τοῦ κατ´ Ἀννίβαν πολέμου. Ἐκεῖνον γὰρ μεγάλην ἀνειληφότα τὴν δυναστείαν ἐν τοῖς κατ´ Ἰβηρίαν τόποις, μετὰ ταῦτα παραγενόμενον ἐπὶ Λιβύην ἐπιβαλέσθαι καταλύσαντα τοὺς νόμους εἰς μοναρχίαν περιστῆσαι τὸ πολίτευμα τῶν Καρχηδονίων· τοὺς δὲ πρώτους ἄνδρας ἐπὶ τοῦ πολιτεύματος προϊδομένους αὐτοῦ τὴν ἐπιβολὴν συμφρονῆσαι καὶ διαστῆναι πρὸς αὐτόν· τὸν δ´ Ἀσδρούβαν ὑπιδόμενον, ἀναχωρήσαντ´ ἐκ τῆς Λιβύης τὸ λοιπὸν ἤδη τὰ κατὰ τὴν Ἰβηρίαν χειρίζειν κατὰ τὴν αὑτοῦ προαίρεσιν, οὐ προσέχοντα τῷ συνεδρίῳ τῶν Καρχηδονίων. Ἀννίβαν δὲ κοινωνὸν καὶ ζηλωτὴν ἐκ μειρακίου γεγονότα τῆς ἐκείνου προαιρέσεως καὶ τότε διαδεξάμενον τὰ κατὰ τὴν Ἰβηρίαν τὴν αὐτὴν ἀγωγὴν Ἀσδρούβᾳ ποιεῖσθαι τῶν πραγμάτων. Διὸ καὶ νῦν τὸν πόλεμον τοῦτον ἐξενηνοχέναι κατὰ τὴν αὑτοῦ προαίρεσιν Ῥωμαίοις παρὰ τὴν Καρχηδονίων γνώμην. Οὐδένα γὰρ εὐδοκεῖν τῶν ἀξιολόγων ἀνδρῶν ἐν Καρχηδόνι τοῖς ὑπ´ Ἀννίβου περὶ τὴν Ζακανθαίων πόλιν πραχθεῖσιν. Ταῦτα δ´ εἰπών φησιν μετὰ τὴν τῆς προειρημένης πόλεως ἅλωσιν παραγενέσθαι τοὺς Ῥωμαίους, οἰομένους δεῖν ἢ τὸν Ἀννίβαν ἐκδιδόναι σφίσι τοὺς Καρχηδονίους ἢ τὸν πόλεμον ἀναλαμβάνειν. Εἰ δέ τις ἔροιτο τὸν συγγραφέα ποῖος ἦν καιρὸς οἰκειότερος τοῖς Καρχηδονίοις ἢ ποῖον πρᾶγμα τούτου δικαιότερον ἢ συμφορώτερον, ἐπείπερ ἐξ ἀρχῆς δυσηρεστοῦντο, καθάπερ οὗτός φησιν, τοῖς ὑπ´ Ἀννίβου πραττομένοις, τοῦ πεισθέντας τότε τοῖς ὑπὸ Ῥωμαίων παρακαλουμένοις ἐκδοῦναι μὲν τὸν αἴτιον τῶν ἀδικημάτων, ἐπανελέσθαι δ´ εὐλόγως δι´ ἑτέρων τὸν κοινὸν ἐχθρὸν τῆς πόλεως, περιποιήσασθαι δὲ τῇ χώρᾳ τὴν ἀσφάλειαν, ἀποτριψαμένους τὸν ἐπιφερόμενον πόλεμον, δόγματι μόνον τὴν ἐκδίκησιν ποιησαμένους, τί ἂν εἰπεῖν ἔχοι πρὸς αὐτά; δῆλον γὰρ ὡς οὐδέν. Οἵ γε τοσοῦτον ἀπέσχον τοῦ πρᾶξαί τι τῶν προειρημένων ὡς ἑπτακαίδεκ´ ἔτη συνεχῶς πολεμήσαντες κατὰ τὴν Ἀννίβου προαίρεσιν οὐ πρότερον κατελύσαντο τὸν πόλεμον, ἕως οὗ πάσας ἐξελέγξαντες τὰς ἐλπίδας τελευταῖον εἰς τὸν περὶ τῆς πατρίδος καὶ τῶν ἐν αὐτῇ σωμάτων παρεγένοντο κίνδυνον.

IX. Τίνος δὴ χάριν ἐμνήσθην Φαβίου καὶ τῶν ὑπ´ ἐκείνου γεγραμμένων; οὐχ ἕνεκα τῆς πιθανότητος τῶν εἰρημένων, ἀγωνιῶν μὴ πιστευθῇ παρά τισιν— ἡ μὲν γὰρ {παρὰ} τούτων ἀλογία καὶ χωρὶς τῆς ἐμῆς ἐξηγήσεως αὐτὴ δι´ αὑτῆς δύναται θεωρεῖσθαι παρὰ τοῖς ἐντυγχάνουσιν — ἀλλὰ τῆς τῶν ἀναλαμβανόντων τὰς ἐκείνου βύβλους ὑπομνήσεως, ἵνα μὴ πρὸς τὴν ἐπιγραφὴν ἀλλὰ πρὸς τὰ πράγματα βλέπωσιν. Ἔνιοι γὰρ οὐκ ἐπὶ τὰ λεγόμενα συνεπιστήσαντες ἀλλ´ ἐπ´ αὐτὸν τὸν λέγοντα καὶ λαβόντες ἐν νῷ διότι κατὰ τοὺς καιροὺς ὁ γράφων γέγονε καὶ τοῦ συνεδρίου μετεῖχε τῶν Ῥωμαίων, πᾶν εὐθέως ἡγοῦνται τὸ λεγόμενον ὑπὸ τούτου πιστόν. Ἐγὼ δὲ φημὶ μὲν δεῖν οὐκ ἐν μικρῷ προσλαμβάνεσθαι τὴν τοῦ συγγραφέως πίστιν, οὐκ αὐτοτελῆ δὲ κρίνειν, τὸ δὲ πλεῖον ἐξ αὐτῶν τῶν πραγμάτων ποιεῖσθαι τοὺς ἀναγινώσκοντας τὰς δοκιμασίας. Οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ τοῦ γε Ῥωμαίων καὶ Καρχηδονίων πολέμου — τὴν γὰρ παρέκβασιν ἐντεῦθεν ἐποιησάμεθα  — νομιστέον πρῶτον μὲν αἴτιον γεγονέναι τὸν Ἀμίλκου θυμὸν τοῦ Βάρκα μὲν ἐπικαλουμένου, πατρὸς δὲ κατὰ φύσιν Ἀννίβου γεγονότος. Ἐκεῖνος γὰρ οὐχ ἡττηθεὶς τῷ περὶ Σικελίας πολέμῳ τῇ ψυχῇ τῷ δοκεῖν αὐτὸς μὲν ἀκέραια διατετηρηκέναι τὰ περὶ τὸν Ἔρυκα στρατόπεδα ταῖς ὁρμαῖς ἐφ´ ὧν αὐτὸς ἦν, διὰ δὲ τὴν ἐν τῇ ναυμαχίᾳ τῶν Καρχηδονίων ἧτταν τοῖς καιροῖς εἴκων πεποιῆσθαι τὰς συνθήκας, ἔμενεν ἐπὶ τῆς ὀργῆς, τηρῶν ἀεὶ πρὸς ἐπίθεσιν. Εἰ μὲν οὖν μὴ τὸ περὶ τοὺς ξένους ἐγένετο κίνημα τοῖς Καρχηδονίοις, εὐθέως ἂν ἄλλην ἀρχὴν ἐποιεῖτο καὶ παρασκευὴν πραγμάτων, ὅσον ἐπ´ ἐκείνῳ. Προκαταληφθεὶς δὲ ταῖς ἐμφυλίοις ταραχαῖς ἐν τούτοις καὶ περὶ ταύτας διέτριβε τὰς πράξεις.

X. Ῥωμαίων δὲ μετὰ τὸ καταλύσασθαι Καρχηδονίους τὴν προειρημένην ταραχὴν ἀπαγγειλάντων αὐτοῖς πόλεμον, τὸ μὲν πρῶτον εἰς πᾶν συγκατέβαινον, ὑπολαμβάνοντες αὑτοὺς νικήσειν τοῖς δικαίοις, καθάπερ ἐν ταῖς πρὸ ταύτης βύβλοις περὶ τούτων δεδηλώκαμεν, ὧν χωρὶς οὐχ οἷόν τ´ ἦν συμπεριενεχθῆναι δεόντως οὔτε τοῖς νῦν λεγομένοις οὔτε τοῖς μετὰ ταῦτα ῥηθησομένοις ὑφ´ ἡμῶν. Πλὴν οὐκ ἐντρεπομένων τῶν Ῥωμαίων, εἴξαντες τῇ περιστάσει καὶ βαρυνόμενοι μέν, οὐκ ἔχοντες δὲ ποιεῖν οὐδὲν ἐξεχώρησαν Σαρδόνος, συνεχώρησαν δ´ εἰσοίσειν ἄλλα χίλια καὶ διακόσια τάλαντα πρὸς τοῖς πρότερον ἐφ´ ᾧ μὴ τὸν πόλεμον ἐκείνοις ἀναδέξασθαι τοῖς καιροῖς. Διὸ καὶ δευτέραν, μεγίστην δὲ ταύτην θετέον αἰτίαν τοῦ μετὰ ταῦτα συστάντος πολέμου. Ἀμίλκας γὰρ προσλαβὼν τοῖς ἰδίοις θυμοῖς τὴν ἐπὶ τούτοις ὀργὴν τῶν πολιτῶν, ὡς θᾶττον τοὺς ἀποστάντας τῶν μισθοφόρων καταπολεμήσας ἐβεβαίωσε τῇ πατρίδι τὴν ἀσφάλειαν, εὐθέως ἐποιεῖτο τὴν ὁρμὴν ἐπὶ τὰ κατὰ τὴν Ἰβηρίαν πράγματα, σπουδάζων ταύτῃ χρήσασθαι παρασκευῇ πρὸς τὸν κατὰ Ῥωμαίων πόλεμον. ἣν δὴ καὶ τρίτην αἰτίαν νομιστέον, λέγω δὲ τὴν εὔροιαν τῶν κατ´ Ἰβηρίαν πραγμάτων Καρχηδονίοις. Ταύταις γὰρ ταῖς χερσὶ πιστεύσαντες εὐθαρσῶς ἐνέβησαν εἰς τὸν προειρημένον πόλεμον. Ὅτι δ´ Ἀμίλκας πλεῖστα μὲν συνεβάλετο πρὸς τὴν σύστασιν τοῦ δευτέρου πολέμου, καίπερ τετελευτηκὼς ἔτεσι δέκα πρότερον τῆς καταρχῆς αὐτοῦ, πολλὰ μὲν ἂν εὕροι τις εἰς τοῦτο· σχεδὸν δὲ πρὸς πίστιν ἀρκοῦν ἔσται τὸ λέγεσθαι μέλλον.

182 VI. Quelques-uns des historiens qui ont écrit l'histoire d'Annibal, voulant nous exposer les causes de la guerre entre Rome et Carthage, citent d'abord le siège de Sagonte par les Carthaginois, et ensuite le passage d'un fleuve que les indigènes appellent Èbre, et qui fut franchi au mépris des traités. Pour moi, je veux bien voir dans ces incidents les commencements de cette lutte, mais ils n'en sauraient être les motifs. Non : autant vaudrait dire que le passage d'Alexandre en Asie causa la guerre des Macédoniens contre les Perses, et la descente d'Antiochus à Démétriade, celle de ce prince contre les Romains : double hypothèse également fausse, également invraisemblable» Comment croire que telles aient été les causes des préparatifs importants que Philippe commença et qu'Alexandre continua avec plus d'énergie encore, et de ceux que les Étoliens à leur tour avaient faits pour combattre les Romains avant l'arrivée d'Antiochus ? De pareilles erreurs sont bonnes pour des hommes qui ne saisissent pas la différence qui existe entre les mots commencement, cause et prétexte  et qui ne voient pas que la cause et le prétexte sont antérieurs au commencement, qui n'arrive qu'en troisième lieu. Qu'est-ce que te commencement ? le premier acte, le premier effet de la résolution, tandis que la cause précède le jugement et la décision. Par cause j'entends les pensées, les dispositions de l'esprit, les raisonnements qui portent l'homme à juger et à prendre une détermination. Quelques exemples feront mieux comprendre ce que je viens de dire. Rien de plus simple, de plus aisé que de reconnaître les causes véritables de la guerre des Grecs contre les Perses. La première est cette retraite des Grecs ramenés par Xénophon des provinces de la haute Asie, durant laquelle de tous ces peuples de l'Asie soulevée, dont ils traversèrent le pays, pas un seul n'osa leur tenir tête. La seconde est la descente en Asie d'Agésilas, roi de Lacédémone, qui ne rencontra aucune sérieuse résistance à ses armes, et de qui la campagne ne fut in- 183 fructueuse que parce qu'il fut obligé de revenir à cause des troubles de la Grèce. En effet, Philippe eut ainsi la mesure de la lâcheté et de la mollesse des Perses : considérant dès lors, d'un côté son expérience et celle des Macédoniens dans l'art militaire, de l'autre la grandeur des récompenses attachées à une expédition contre de tels peuples, il prit son essor après s'être assuré de la bienveillance de tous les Grecs, et sous le prétexte de venger les anciennes injures faites à la Grèce par les Perses, il ne songea plus qu'à combattre, et fit tous les préparatifs nécessaires. La guerre contre les Perses eut donc pour causes les deux circonstances que nous avons d'abord citées ; pour prétexte, la vengeance ; pour commencement, le passage d'Alexandre en Asie.

VII. Même chose pour la lutte d'Antiochus et des Romains : la cause en fut la colère des Étoliens. Irrités du dédain que Rome victorieuse de Philippe semblait avoir pour eux, non-seulement ils appelèrent, comme nous l'avons dit, Antiochus, mais encore animés par leur ressentiment, ne reculèrent, pour se venger, devant aucune entreprise, devant aucune épreuve. Le prétexte fut l'affranchissement des Grecs, que les Etoliens, dans leur langage trompeur, allaient follement avec Antiochus promettre dans toutes les villes, et le commencement fut l'arrivée d'Antiochus à Démétriade, Du reste, en insistant ainsi sur ces questions, je n'ai pas voulu faire la critique des historiens mes devanciers , mais fournir au lecteur les lumières nécessaires, De quelle utilité serait pour son malade un médecin qui pe connaîtrait pas les causes des affections du corps, et pour son pays, un homme d'État incapable d'apprécier où et comment les événements dont il est témoin ont pris naissance? De même qu'un tel médecin ne saurait probablement pas prescrire les remèdes nécessaires, un ministre, sans les connaissances premières que nous avons dites, est incapable de diriger les affaires. Aussi n'est-il rien qui mérite plus d'attention et d'exa- 184 men que la recherche des causes. Une cause assez mince engendre souvent de gros événements ; mais en tout rien de plus facile que de remédier au mal quand on l'attaque dès l'origine dans son principe.

VIII. L'historien romain Fabius assigne comme cause première de la guerre d'Annibal, outre l'injure faite à Sagonte, l'ambition démesurée et l'avarice d'Hasdrubal. Il prétend que ce général, après avoir acquis une grande autorité en Espagne, voulut à son retour en Afrique renverser les lois établies, et changer en monarchie le gouvernement des Carthaginois ; mais, ajoute Fabius, les premiers personnages de l'État ayant pénétré ses desseins, s'entendirent entre eux pour lui résister ; et Hasdrubal, qui prévoyait cette résistance , quitta l'Afrique pour aller à sa fantaisie diriger les affaires d'Espagne, sans s'inquiéter du sénat de Carthage. Annibal, mêlé dès sa jeunesse aux conseils d'Hasdrubal, et élevé dans ses maximes, fut à peine à la tête de la province d'Espagne, qu'il suivit la même conduite que son oncle ; et c'est ainsi que de sa propre autorité Annibal porta la guerre aux Romains, contre le gré de Carthage. Car il n'y eut pas, dit l'auteur latin, dans cette ville un seul citoyen considérable qui approuvât les procédés d'Annibal à l'égard de Sagonte. Enfin il raconte qu'après la prise de cette ville, les Romains envoyèrent une ambassade en Afrique pour prier les Carthaginois de leur livrer Annibal, sinon pour leur déclarer la guerre. Or, demandez à ce même historien si jamais pour les Carthaginois il y eut occasion de complaire aux Romains plus favorable à saisir, chose plus juste et plus utile à faire, puisqu'à l'entendre la conduite d'Annibal leur avait déplu dès le principe, que de céder à leurs prières, et que de livrer l'auteur de tant d'injures, alors que par là ils détruisaient, avec toutes les apparences de la justice et sous le nom d'autrui, l'ennemi de l'État ; qu'ils assuraient l'existence de Carthage en éloignant une guerre menaçante, et se 185 vengeaient enfin d'un sujet rebelle au prix d'un seul décret ? Que répondrait Fabius ? Rien. C'est que les Carthaginois furent si loin d'avoir les idées qu'il leur prête, qu'après avoir soutenu continuellement la guerre pendant dix-sept ans, suivant les vues d'Annibal, ils ne cessèrent pas de combattre qu'ils n'eussent épuisé toutes leurs ressources, et vu leurs personnes et leur patrie exposées au plus grand péril.

IX. Pourquoi parlé-je de Fabius et de ses écrits? Ce n'est point crainte qu'il ne fasse ici illusion, par un certain air de vérité et de justesse ; et en effet, l'invraisemblance de ses assertions est assez sensible par elle-même sans qu'il soit besoin de mes écrits ; mais c'est pour avertir ceux qui voudront lire ses ouvrages, de ne pas s'arrêter au nom seul de l'auteur, sans aller jusqu'aux faits. Il y a des gens qui regardent moins à la nature du récit qu'à la personne de l'historien , et qui trouvant en Fabius le contemporain des événements qu'il raconte, et un membre du sénat, ne font pas difficulté d'accepter comme authentique tout ce qu'il avance. Pour moi, je prétends que s'il est juste de ne point dédaigner son autorité, il ne faut pas non plus la considérer comme absolue, et que le lecteur doit établir son opinion d'après les événements mêmes. La guerre des Romains et des Carthaginois (c'est à ce point qu'à commencé notre digression ), eut pour première cause le ressentiment d'Hamilcar Barca, père d'Annibal. La guerre de Sicile n'avait pas abattu son courage. Sûr d'avoir dans ces troupes qu'il avait conservées à Éryx, des soldats animés des mêmes sentiments que lui, et en homme qui avait seulement cédé aux circonstances lorsqu'il avait signé la paix, après la défaite des Carthaginois sur mer, il nourrissait en secret sa colère et attendait l'heure de nouveaux combats. Sans la révolte des mercenaires contre Carthage, il eût certainement renouvelé les hostilités ; mais arrêté par les troubles civils, il avait passé tout son temps à les apaiser.

186 X. Lorsque Rome, peu après la fin de cette révolte, déclara la guerre aux Carthaginois, ceux-ci tout d'abord se soumirent complaisamment à ses exigences, espérant bien remporter par la justice de leurs droits. C'est un fait dont nous avons parlé dans les livres qui précèdent, et sans lesquels on ne pourrait en vérité suffisamment comprendre ni ce que nous disons maintenant ni ce que nous dirons plus tard, Mais les Romains ne tinrent aucun compte de leurs légitimes réclamations, et les Carthaginois, outrés de dépit, mais incapables de résister, se virent contraints d'évacuer la Sardaigne et d'ajouter au tribut que déjà ils payaient, douze cents talents, afin d'éviter la guerre en ces tristes conjonctures. Ce fut la seconde cause, et sans doute la plus forte de la lutte qui bientôt éclata ; car Hamilcar, de qui l'indignation publique venait favoriser le ressentiment particulier, eut à peine, par son triomphe sur les mercenaires, rendu à Carthage sa tranquillité, qu'il ne songeai plus qu'à l'Espagne, où il comptait trouver des secours pour renouveler la guerre contre Rome. On peut considérer comme le troisième motif de la guerre punique les progrès continus de Carthage en Espagne ; comptant sur ses troupes victorieuses, elle se jeta hardiment dans cette terrible lutte. Hamilcar eut donc, je le répète, une immense influence sur la rupture entre Rome et Carthage, bien que mort douze ans avant le commencement des hostilités : mille preuves pourraient l'attester , il suffit d'un seul exemple.

XI. Καθ´ οὓς γὰρ καιροὺς καταπολεμηθεὶς Ἀννίβας ὑπὸ Ῥωμαίων τέλος ἐκ τῆς πατρίδος ἐξεχώρησε καὶ παρ´ Ἀντιόχῳ διέτριβε, τότε Ῥωμαῖοι συνθεωροῦντες ἤδη τὴν Αἰτωλῶν ἐπιβολὴν ἐξαπέστειλαν πρεσβευτὰς πρὸς Ἀντίοχον, βουλόμενοι μὴ λανθάνειν σφᾶς τὴν τοῦ βασιλέως προαίρεσιν. Οἱ δὲ πρέσβεις ὁρῶντες τὸν Ἀντίοχον προσέχοντα τοῖς Αἰτωλοῖς καὶ πρόθυμον ὄντα πολεμεῖν Ῥωμαίοις, ἐθεράπευον τὸν Ἀννίβαν, σπουδάζοντες εἰς ὑποψίαν ἐμβαλεῖν πρὸς τὸν Ἀντίοχον. Ὃ καὶ συνέβη γενέσθαι. Προβαίνοντος γὰρ τοῦ χρόνου, καὶ τοῦ βασιλέως ὑπόπτως ἔχοντος ἀεὶ καὶ μᾶλλον πρὸς τὸν Ἀννίβαν, ἐγένετό τις καιρὸς ὡς ἐπὶ λόγον ἀχθῆναι τὴν ὑποικουρουμένην ἀτοπίαν ἐν αὐτοῖς. Ἐν ᾧ καὶ πλείους ἀπολογισμοὺς ποιησάμενος Ἀννίβας τέλος ἐπὶ τὸ τοιοῦτο κατήντησε, δυσχρηστούμενος τοῖς λόγοις. Ἔφη γάρ, καθ´ ὃν καιρὸν ὁ πατὴρ αὐτοῦ τὴν εἰς Ἰβηρίαν ἔξοδον μέλλοι στρατεύεσθαι μετὰ τῶν δυνάμεων, ἔτη μὲν ἔχειν ἐννέα, θύοντος δ´ αὐτοῦ τῷ Διὶ παρεστάναι παρὰ τὸν βωμόν. Ἐπεὶ δὲ καλλιερήσας κατασπείσαι τοῖς θεοῖς καὶ ποιήσαι τὰ νομιζόμενα, τοὺς μὲν ἄλλους τοὺς περὶ τὴν θυσίαν ἀποστῆναι κελεῦσαι μικρόν, αὐτὸν δὲ προσκαλεσάμενον ἐρέσθαι φιλοφρόνως εἰ βούλεται συνεξορμᾶν ἐπὶ τὴν στρατείαν. Ἀσμένως δὲ κατανεύσαντος αὐτοῦ καί τι καὶ προσαξιώσαντος παιδικῶς, λαβόμενον τῆς δεξιᾶς προσαγαγεῖν αὐτὸν πρὸς τὸν βωμὸν καὶ κελεύειν ἁψάμενον τῶν ἱερῶν ὀμνύναι μηδέποτε Ῥωμαίοις εὐνοήσειν. Ταῦτ´ οὖν εἰδότα σαφῶς ἠξίου τὸν Ἀντίοχον, ἕως μὲν ἄν τι δυσχερὲς βουλεύηται κατὰ Ῥωμαίων, θαρρεῖν καὶ πιστεύειν, αὐτὸν συνεργὸν ἕξειν νομίζοντ´ ἀληθινώτατον. Ἐπὰν δὲ διαλύσεις ἢ φιλίαν συντίθηται πρὸς αὐτούς, τότε μὴ προσδεῖσθαι διαβολῆς, ἀλλ´ ἀπιστεῖν καὶ φυλάττεσθαι· πᾶν γάρ τι πρᾶξαι κατ´ αὐτῶν ὃ δυνατὸς εἴη.

XII. Ὁ μὲν οὖν Ἀντίοχος ἀκούσας καὶ δόξας αὐτοπαθῶς ἅμα δ´ ἀληθινῶς εἰρῆσθαι, πάσης τῆς προϋπαρχούσης ὑποψίας ἀπέστη. Τῆς μέντοι γε δυσμενείας τῆς Ἀμίλκου καὶ τῆς ὅλης προθέσεως ὁμολογούμενον θετέον εἶναι τοῦτο μαρτύριον, ὡς καὶ δι´ αὐτῶν φανερὸν ἐγένετο τῶν πραγμάτων. Τοιούτους γὰρ ἐχθροὺς παρεσκεύασε Ῥωμαίοις Ἀσδρούβαν τε τὸν τῆς θυγατρὸς ἄνδρα καὶ τὸν αὑτοῦ κατὰ φύσιν υἱὸν Ἀννίβαν ὥστε μὴ καταλιπεῖν ὑπερβολὴν δυσμενείας. Ἀσδρούβας μὲν οὖν προαποθανὼν οὐ πᾶσιν ἔκδηλον ἐποίησε τὴν αὑτοῦ πρόθεσιν· Ἀννίβᾳ δὲ παρέδωκαν οἱ καιροὶ καὶ λίαν ἐναποδείξασθαι τὴν πατρῴαν ἔχθραν εἰς Ῥωμαίους. Διὸ καὶ τοὺς ἐπὶ πραγμάτων ταττομένους χρὴ τῶν τοιούτων οὐδενὸς μᾶλλον φροντίζειν ὡς τοῦ μὴ λανθάνειν τὰς προαιρέσεις τῶν διαλυομένων τὰς ἔχθρας ἢ συντιθεμένων τὰς φιλίας, πότε τοῖς καιροῖς εἴκοντες καὶ πότε ταῖς ψυχαῖς ἡττώμενοι ποιοῦνται τὰς συνθήκας, ἵνα τοὺς μὲν ἐφέδρους νομίζοντες εἶναι τῶν καιρῶν ἀεὶ φυλάττωνται, τοῖς δὲ πιστεύοντες ὡς ὑπηκόοις ἢ φίλοις ἀληθινοῖς πᾶν τὸ παραπῖπτον ἐξ ἑτοίμου παραγγέλλωσιν. Αἰτίας μὲν (οὖν) τοῦ κατ´ Ἀννίβαν πολέμου τὰς προειρημένας ἡγητέον, ἀρχὰς δὲ τὰς μελλούσας λέγεσθαι.

XIII. Καρχηδόνιοι γὰρ βαρέως μὲν ἔφερον καὶ τὴν ὑπὲρ Σικελίας ἧτταν, συνεπέτεινε δ´ αὐτῶν τὴν ὀργήν, καθάπερ ἐπάνω προεῖπον, τὰ κατὰ Σαρδόνα καὶ τὸ τῶν τελευταῖον συντεθέντων χρημάτων πλῆθος. Διόπερ ἅμα τῷ τὰ πλεῖστα κατ´ Ἰβηρίαν ὑφ´ αὑτοὺς ποιήσασθαι πρὸς πᾶν ἑτοίμως διέκειντο τὸ κατὰ Ῥωμαίων ὑποδεικνύμενον. Προσπεσούσης οὖν τῆς Ἀσδρούβου τελευτῆς, ᾧ μετὰ τὸν Ἀμίλκου θάνατον ἐνεχείρισαν τὰ κατὰ τὴν Ἰβηρίαν, τὸ μὲν πρῶτον ἐκαραδόκουν τὰς τῶν δυνάμεων ὁρμάς· ἀφικομένης δὲ τῆς ἀγγελίας ἐκ τῶν στρατοπέδων ὅτι συμβαίνει τὰς δυνάμεις ὁμοθυμαδὸν ᾑρῆσθαι στρατηγὸν Ἀννίβαν, παραυτίκα συναθροίσαντες τὸν δῆμον μιᾷ γνώμῃ κυρίαν ἐποίησαν τὴν τῶν στρατοπέδων αἵρεσιν. Ἀννίβας δὲ παραλαβὼν τὴν ἀρχὴν εὐθέως ὥρμησεν ὡς καταστρεψόμενος τὸ τῶν Ὀλκάδων ἔθνος· ἀφικόμενος δὲ πρὸς Ἀλθαίαν τὴν βαρυτάτην αὐτῶν πόλιν κατεστρατοπέδευσεν. Μετὰ δὲ ταῦτα χρησάμενος ἐνεργοῖς ἅμα καὶ καταπληκτικαῖς προσβολαῖς ταχέως ἐκράτησε τῆς πόλεως. Οὗ συμβάντος οἱ λοιποὶ γενόμενοι καταπλαγεῖς ἐνέδωκαν αὑτοὺς τοῖς Καρχηδονίοις. Ἀργυρολογήσας δὲ τὰς πόλεις καὶ κυριεύσας πολλῶν χρημάτων ἧκε παραχειμάσων εἰς Καινὴν πόλιν. Μεγαλοψύχως δὲ χρησάμενος τοῖς ὑποταττομένοις καὶ τὰ μὲν δοὺς τῶν ὀψωνίων τοῖς συστρατευομένοις τὰ δ´ ὑπισχνούμενος πολλὴν εὔνοιαν καὶ μεγάλας ἐλπίδας ἐνειργάσατο ταῖς δυνάμεσι.

XIV. Τῷ δ´ ἐπιγινομένῳ θέρει πάλιν ὁρμήσας ἐπὶ τοὺς Οὐακκαίους Ἑλμαντικὴν μὲν ἐξ ἐφόδου ποιησάμενος προσβολὰς κατέσχεν, Ἀρβουκάλην δὲ διὰ τὸ μέγεθος τῆς πόλεως καὶ τὸ πλῆθος, ἔτι δὲ τὴν γενναιότητα τῶν οἰκητόρων μετὰ πολλῆς ταλαιπωρίας πολιορκήσας κατὰ κράτος εἷλε. Μετὰ δὲ ταῦτα παραδόξως εἰς τοὺς μεγίστους ἦλθε κινδύνους ἐπανάγων, συνδραμόντων ἐπ´ αὐτὸν τῶν Καρπησίων, ὃ σχεδὸν ἰσχυρότατόν ἐστιν ἔθνος τῶν κατ´ ἐκείνους τοὺς τόπους, ὁμοίως δὲ καὶ τῶν ἀστυγειτόνων ἁθροισθέντων ἅμα τούτοις, οὓς ἠρέθισαν μάλιστα μὲν οἱ τῶν Ὀλκάδων φυγάδες, συνεξέκαυσαν δὲ καὶ τῶν ἐκ τῆς Ἑλμαντικῆς οἱ διασωθέντες. Πρὸς οὓς εἰ μὲν ἐκ παρατάξεως ἠναγκάσθησαν οἱ Καρχηδόνιοι διακινδυνεύειν, ὁμολογουμένως ἂν ἡττήθησαν. Νῦν δὲ πραγματικῶς καὶ νουνεχῶς ἐξ ὑποστροφῆς ἀναχωρήσαντος Ἀννίβου καὶ πρόβλημα ποιησαμένου τὸν Τάγον καλούμενον ποταμὸν καὶ περὶ τὴν τοῦ ποταμοῦ διάβασιν συστησαμένου τὸν κίνδυνον, ἅμα δὲ συγχρησαμένου συναγωνιστῇ τῷ ποταμῷ καὶ τοῖς θηρίοις οἷς εἶχε περὶ τετταράκοντα τὸν ἀριθμόν, συνέβη τὰ ὅλα παραδόξως καὶ κατὰ λόγον αὐτῷ χωρῆσαι. Τῶν γὰρ βαρβάρων ἐπιβαλομένων κατὰ πλείους τόπους βιάζεσθαι καὶ περαιοῦσθαι τὸν ποταμόν, τὸ μὲν πλεῖστον αὐτῶν μέρος διεφθάρη περὶ τὰς ἐκβάσεις, παραπορευομένων τῶν θηρίων παρὰ τὸ χεῖλος καὶ τοὺς ἐκβαίνοντας ἀεὶ προκαταλαμβανόντων· πολλοὶ δὲ κατ´ αὐτὸν τὸν ποταμὸν ὑπὸ τῶν ἱππέων ἀπώλοντο διὰ τὸ κρατεῖν μὲν μᾶλλον τοῦ ῥεύματος τοὺς ἵππους, ἐξ ὑπερδεξίου δὲ ποιεῖσθαι τὴν μάχην τοὺς ἱππέας πρὸς τοὺς πεζούς. Τέλος δὲ τοὔμπαλιν ἐπιδιαβάντες οἱ περὶ τὸν Ἀννίβαν ἐπὶ τοὺς βαρβάρους ἐτρέψαντο πλείους ἢ δέκα μυριάδας ἀνθρώπων. ὧν ἡττηθέντων οὐδεὶς ἔτι τῶν ἐντὸς Ἴβηρος ποταμοῦ ῥᾳδίως πρὸς αὐτοὺς ἀντοφθαλμεῖν ἐτόλμα πλὴν Ζακανθαίων. Ταύτης δὲ τῆς πόλεως ἐπειρᾶτο κατὰ δύναμιν ἀπέχεσθαι, βουλόμενος μηδεμίαν ἀφορμὴν ὁμολογουμένην δοῦναι τοῦ πολέμου Ῥωμαίοις, ἕως τἄλλα πάντα βεβαίως ὑφ´ αὑτὸν ποιήσαιτο κατὰ τὰς Ἀμίλκου τοῦ πατρὸς ὑποθήκας καὶ παραινέσεις.

XV. Οἱ δὲ Ζακανθαῖοι συνεχῶς ἔπεμπον εἰς τὴν Ῥώμην, ἅμα μὲν ἀγωνιῶντες περὶ σφῶν καὶ προορώμενοι τὸ μέλλον, ἅμα δὲ βουλόμενοι μὴ λανθάνειν Ῥωμαίους τὴν γινομένην εὔροιαν Καρχηδονίοις τῶν κατ´ Ἰβηρίαν πραγμάτων. Ῥωμαῖοι δὲ πλεονάκις αὐτῶν παρακηκοότες τότε πρεσβευτὰς ἐξαπέστειλαν τοὺς ἐπισκεψομένους ὑπὲρ τῶν προσπιπτόντων. Ἀννίβας δὲ κατὰ τοὺς αὐτοὺς καιροὺς πεποιημένος ὑφ´ αὑτὸν οὓς προέθετο παρῆν αὖθις μετὰ τῶν δυνάμεων παραχειμάσων εἰς Καινὴν πόλιν, ἥτις ὡσανεὶ πρόσχημα καὶ βασίλειον ἦν Καρχηδονίων ἐν τοῖς κατὰ τὴν Ἰβηρίαν τόποις. Καταλαβὼν δὲ τὴν παρὰ τῶν Ῥωμαίων πρεσβείαν καὶ δοὺς αὑτὸν εἰς ἔντευξιν διήκουε περὶ τῶν ἐνεστώτων. Ῥωμαῖοι μὲν οὖν διεμαρτύροντο Ζακανθαίων ἀπέχεσθαι — κεῖσθαι γὰρ αὐτοὺς ἐν τῇ σφετέρᾳ πίστει — καὶ τὸν Ἴβηρα ποταμὸν μὴ διαβαίνειν κατὰ τὰς ἐπ´ Ἀσδρούβου γενομένας ὁμολογίας. Ὁ δ´ Ἀννίβας, ἅτε νέος μὲν ὤν, πλήρης δὲ πολεμικῆς ὁρμῆς, ἐπιτυχὴς δ´ ἐν ταῖς ἐπιβολαῖς, πάλαι δὲ παρωρμημένος πρὸς τὴν κατὰ Ῥωμαίων ἔχθραν, πρὸς μὲν ἐκείνους, ὡς κηδόμενος Ζακανθαίων, ἐνεκάλει Ῥωμαίοις διότι μικροῖς ἔμπροσθεν χρόνοις, στασιαζόντων αὐτῶν, λαβόντες τὴν ἐπιτροπὴν {εἰς τὸ διαλῦσαι} ἀδίκως ἐπανέλοιντό τινας τῶν προεστώτων· οὓς οὐ περιόψεσθαι παρεσπονδημένους· πάτριον γὰρ εἶναι Καρχηδονίοις τὸ μηδένα τῶν ἀδικουμένων περιορᾶν· πρὸς δὲ Καρχηδονίους διεπέμπετο, πυνθανόμενος τί δεῖ ποιεῖν, ὅτι Ζακανθαῖοι πιστεύοντες τῇ Ῥωμαίων συμμαχίᾳ τινὰς τῶν ὑφ´ αὑτοὺς ταττομένων ἀδικοῦσι. Καθόλου δ´ ἦν πλήρης ἀλογίας καὶ θυμοῦ βιαίου· διὸ καὶ ταῖς μὲν ἀληθιναῖς αἰτίαις οὐκ ἐχρῆτο, κατέφευγε δ´ εἰς προφάσεις ἀλόγους· ἅπερ εἰώθασι ποιεῖν οἱ διὰ τὰς προεγκαθημένας αὐτοῖς ὁρμὰς ὀλιγωροῦντες τοῦ καθήκοντος. Πόσῳ γὰρ ἦν ἄμεινον οἴεσθαι δεῖν Ῥωμαίους ἀποδοῦναι σφίσι Σαρδόνα καὶ τοὺς ἐπιταχθέντας ἅμα ταύτῃ φόρους, οὓς τοῖς καιροῖς συνεπιθέμενοι πρότερον ἀδίκως παρ´ αὐτῶν ἔλαβον· εἰ δὲ μή, φάναι πολεμήσειν; νῦν δὲ τὴν μὲν οὖσαν αἰτίαν ἀληθινὴν παρασιωπῶν, τὴν δ´ οὐχ ὑπάρχουσαν περὶ Ζακανθαίων πλάττων, οὐ μόνον ἀλόγως, ἔτι δὲ μᾶλλον ἀδίκως κατάρχειν ἐδόκει τοῦ πολέμου. Οἱ δὲ τῶν Ῥωμαίων πρέσβεις, ὅτι μὲν εἴη πολεμητέον σαφῶς εἰδότες, ἀπέπλευσαν εἰς Καρχηδόνα, τὰ παραπλήσια θέλοντες ἐπιμαρτύρασθαι κἀκείνους· οὐ μὴν ἐν Ἰταλίᾳ γε πολεμήσειν ἤλπισαν, ἀλλ´ ἐν Ἰβηρίᾳ, χρήσεσθαι δὲ πρὸς τὸν πόλεμον ὁρμητηρίῳ τῇ Ζακανθαίων πόλει.

XI. A l'époque où Annibal, vaincu par les Romains, quitta sa patrie et se retira chez Antiochus, les Romains , qui pénétraient les desseins de l'Étolie, envoyèrent une ambassade à Antiochus, afin de connaître les intentions positives du roi. Les députés, à la vue de ce prince livré aux conseils des Étoliens et disposé à combattre les Romains, caressèrent Annibal pour éveiller sur le compte du proscrit quelques soupçons chez Antiochus ; cette manœuvre réussit. Plus le temps 187 marchait, et plus grandissait la défiance d'Antiochus. Enfin s'offrit à eux l'occasion de s'expliquer sur leur aigreur jusqu'alors concentrée. Annibal, dans la discussion , avait épuisé tous les raisonnements pour se défendre ; alors, ne sachant plus quelle preuve invoquer, il dit au roi qu'au moment où son père devait passer en Espagne avec ses troupes, il avait neuf ans; qu'un jour, où il se tenait debout près de l'autel sur lequel Hamilcar sacrifiait à Jupiter, celui-ci après avoir, sous d'heureux auspices, fait les libations solennelles et accompli les cérémonies accoutumées, ordonna à ceux, qui avaient pris part au sacrifice de s'éloigner un peu, et l'appelant, lui demanda avec douceur s'il voulait être de l'expédition. J'acceptai, ajouta Annibal, et le suppliai même avec l'ardeur d'un enfant de me faire cette grâce ; alors il me saisit la main, m'approcha de l'autel et me fit jurer sur les offrandes saintes de n'être jamais l'ami des Romains, Annibal finit par prier Antiochus, après une telle révélation, de compter sur sa fidélité et de croire qu'il aurait en lui un allié sincère tant qu'il préparerait quelques coups contre Rome ; mais que du jour où il songerait à faire une trêve ou la paix avec elle, sans même prêter l'oreille aux rapports de l'envie, il ferait bien de lui retirer sa confiance, de se tenir même en garde contre lui, car il voulait faire aux Romains tout le mal qui serait en son pouvoir.

XII. A la suite de cet entretien, convaincu de la sincérité du langage d'Annibal, Antiochus fit taire tous ses soupçons. C'est là, ce semble, une incontestable preuve du ressentiment qui animait Hamilcar et de ses desseins cachés, ainsi que plus tard les événements le rendirent manifeste. Il prépara dans Hasdrubal, son gendre, et dans son propre fils Annibal, des ennemis à Rome si ardents, que jamais haine ne put être poussée plus loin. Hasdrubal, par une mort prématurée, ne laissa pas connaître tous ses projets. Mais les circonstances livrèrent à Annibal cet héritage et le soin 188 de faire éclater d'une manière terrible la colère que son père lui avait léguée. On voit par là combien tous les hommes d'État doivent se faire une sérieuse étude de connaître la pensée secrète des peuples qui font trêve à leur haine par un traité, ou qui sollicitent une alliance, et de bien examiner s'ils cèdent seulement aux circonstances ou bien s'ils écoutent leur cœur en faisant la paix, afin de se défier des premiers comme d'hommes qui n'attendent qu'une occasion pour courir aux armes, et de disposer des autres comme de sujets ou d'amis dévoués, et de réclamer hardiment leurs services ; telles furent les causes de la guerre d'Annibal. En voici le commencement.

XIII. Les Carthaginois souffraient impatiemment la perte de la Sicile ; mais ce qui augmenta encore leur colère, je l'ai dit, ce fut l'affaire de Sardaigne et l'énormité de la somme ajoutée au premier tribut. Aussi, dès qu'ils furent maîtres de la plus grande partie de l'Espagne, ils se tinrent prêts à saisir toute occasion offerte contre les Romains. Lors de la mort d'Hasdrubal, successeur d'Hamilcar dans la province d'Espagne, ils attendirent d'abord pour le remplacer que le camp se prononçât ; mais à la première nouvelle que les troupes, d'une commune voix, avaient nommé pour général Annibal, les magistrats convoquèrent aussitôt le peuple, qui fut unanime, et ils confirmèrent le choix fait par les soldats. A peine revêtu du commandement, Annibal s'occupa de soumettre les Olcades. Il alla placer son camp sous les murs d'Althaea, la plus forte de leurs places, et ses attaques furent si vives, si pressantes, qu'il l'eut bientôt prise. Les autres peuplades, frappées de terreur, se livrèrent aux Carthaginois. Annibal rançonna bon nombre de villes , et chargé d'or, se rendit à Carthagène pour y passer l'hiver. Sa bienveillance à l'égard des vaincus, ses largesses envers ses soldats, et aussi ses promesses flatteuses inspirèrent à tous un vif amour pour leur général, et de grandes espérances.

189 XIV. Au retour du printemps, Annibal, attaquant les Vaccéens, enleva d'emblée Elmantique. Arbucala, par son étendue, par sa population et par le courage des habitants, lui coûta beaucoup de peine ; il s'en empara de vive force. Comme il revenait de cette expédition, l'attaque soudaine des Carpétans, peuplade qu'on peut considérer comme la plus puissante de ce pays, lui fit courir de très-grands dangers. Aux Carpétans s'étaient unis leurs voisins, excités déjà par les exilés Olcades, et échauffés encore par quelques citoyens d'Elmanti-que échappés à l'ennemi. Si les Carthaginois avaient été forcés de combattre contre eux en bataille rangée, ils eussent été infailliblement vaincus» Mais Annibal, en mettant, par une retraite savamment combinée, le Tage entre eux et lui, et en ne les attaquant qu'au passage du fleuve, fit si bien, que, protégé parle Tage et par ses éléphants, qui s'élevaient au nombre de quarante, tout, contre l'attente générale, réussit au gré de ses désirs. Lorsque les Carpétans essayèrent, par une attaque simultanée en plusieurs endroits de franchir le fleuve, ils furent pour la plupart écrasés au moment où ils touchaient la terre, sous les pieds des éléphants qui parcouraient la rive et qui tuaient tout ce qui se présentait : beaucoup aussi périrent dans les flots, exterminés par la cavalerie, qui avait l'avantage de résister mieux au courant par la vigueur de ses chevaux, et de combattre de haut des hommes à pied. Enfin, Annibal traversa le Tage à son tour, et mit en fuite plus de cent mille Barbares. Après cette victoire, il n'y eut plus de peuple en deçà de l'Èbre qui osât tenir tête aux Carthaginois, à l'exception des Sagontins (02). Mais Annibal, autant qu'il lui fut possible, s'abstint de toute attaque contre ce peuple, afin de ne fournir aux Romains aucun motif plausible de guerre avant d'avoir solidement établi son 190 autorité partout ailleurs : il suivait en cela les maximes et les avis de son père Hamilcar.

XV. Cependant les Sagontins ne cessaient d'envoyer à Rome des députés ; ils voyaient leur existence compromise, songeaient avec inquiétude à l'avenir, et d'ailleurs ne voulaient pas que Rome ignorât les succès de Carthage en Espagne. Les Romains, après avoir plus d'une fois négligé leurs prières, finirent par faire partir quelques commissaires chargés d'examiner l'état des affaires. Annibal, vainqueur de toutes les nations dont il désirait faire la conquête, se trouvait alors dans ses quartiers d'hiver avec ses troupes à Carthagène, qui était comme là capitale et la résidence principale des Carthaginois en Espagne. Il y reçut les envoyés romains, et dans cette entrevue, reçut communication de leur message. Les Romains le conjurèrent, au nom des dieux, d'épargner Sagonte, qui était sous leur protection , et de ne pas franchir l'Ebre, d'après les conventions conclues avec Hasdrubal. Mais, emporté par sa jeunesse et par son ardeur guerrière, confiant d'ailleurs en sa fortune, et depuis longtemps désireux d'assouvir sa haine contre Rome, Annibal, prenant tout d'un coup le rôle de protecteur des Sagontins, reprocha aux Romains d'avoir, lors de récentes dissensions, où ils avaient été choisis pour arbitres, fait périr quelques-uns des premiers citoyens, et déclara qu'il n'abandonnerait pas les victimes de cette injure, car les Carthaginois avaient pour maxime de défendre les opprimés. En môme temps il envoya à Carthage demander ce qu'il y avait à faire, parce que les Sagontins, forts de l'alliance romaine, osaient attaquer quelques peuplades soumises à la république. Ainsi l'emportaient, dans Annibal, la colère et l'irréflexion. Laissant de côté les griefs véritables, il invoqua de frivoles prétextes par une de ces erreurs ordinaires aux hommes qui, égarés par la passion, négligent ce qui est juste et vrai. Combien en effet, il était plus raisonnable d'exiger des Romains 191 de remettre la Sardaigne à Carthage, et de livrer le tribut qu'ils lui avaient injustement imposé à la faveur de tristes circonstances, ou de les menacer de la guerre en cas de refus ! Mais Annibal aima mieux taire le motif réel de sa vengeance et imaginer je ne sais quel faux grief au sujet de Sagonte , si bien qu'il passa plus tard pour avoir commencé la guerre au mépris de toute justice et de toute raison. Les ambassadeurs romains, qui dès lors regardaient comme inévitable une rupture entre les deux peuples, se rendirent d'Espagne à Carthage pour faire entendre les mêmes protestations qu'auprès d'Annibal. Du reste, ils ne pensaient pas encore qu'on dût combattre en Italie : ils faisaient de l'Espagne le théâtre futur de la guerre , et de Sagonte leur point d'attaque contre les Carthaginois.

XVI. Διὸ καὶ πρὸς ταύτην ἁρμοζόμενοι τὴν ὑπόθεσιν ἡ σύγκλητος ἔκρινεν ἀσφαλίσασθαι τὰ κατὰ τὴν Ἰλλυρίδα πράγματα, προορωμένη διότι μέγας ἔσται καὶ πολυχρόνιος καὶ μακρὰν ἀπὸ τῆς οἰκείας ὁ πόλεμος. Συνέβαινε γὰρ κατ´ ἐκείνους τοὺς καιροὺς Δημήτριον τὸν Φάριον, ἐπιλελησμένον μὲν τῶν προγεγονότων εἰς αὐτὸν εὐεργετημάτων ὑπὸ Ῥωμαίων, καταπεφρονηκότα δὲ πρότερον μὲν διὰ τὸν ἀπὸ Γαλατῶν τότε δὲ διὰ τὸν ἀπὸ Καρχηδονίων φόβον περιεστῶτα Ῥωμαίους, πάσας δ´ ἔχοντα τὰς ἐλπίδας ἐν τῇ Μακεδόνων οἰκίᾳ διὰ τὸ συμπεπολεμηκέναι καὶ μετεσχηκέναι τῶν πρὸς Κλεομένη κινδύνων Ἀντιγόνῳ, πορθεῖν μὲν καὶ καταστρέφεσθαι τὰς κατὰ τὴν Ἰλλυρίδα πόλεις τὰς ὑπὸ Ῥωμαίους ταττομένας, πεπλευκέναι δ´ ἔξω τοῦ Λίσσου παρὰ τὰς συνθήκας πεντήκοντα λέμβοις καὶ πεπορθηκέναι πολλὰς τῶν Κυκλάδων νήσων. Εἰς ἃ βλέποντες Ῥωμαῖοι καὶ θεωροῦντες ἀνθοῦσαν τὴν Μακεδόνων οἰκίαν ἔσπευδον ἀσφαλίσασθαι τὰ πρὸς ἕω τῆς Ἰταλίας πεπεισμένοι καταταχήσειν διορθωσάμενοι μὲν τὴν Ἰλλυριῶν ἄγνοιαν, ἐπιτιμήσαντες δὲ καὶ κολάσαντες τὴν ἀχαριστίαν καὶ προπέτειαν τὴν Δημητρίου. Διεψεύσθησαν δὲ τοῖς λογισμοῖς· κατετάχησε γὰρ αὐτοὺς Ἀννίβας, ἐξελὼν τὴν Ζακανθαίων πόλιν. Καὶ παρὰ τοῦτο συνέβη τὸν πόλεμον οὐκ ἐν Ἰβηρίᾳ, πρὸς αὐτῇ δὲ τῇ Ῥώμῃ καὶ κατὰ πᾶσαν γενέσθαι τὴν Ἰταλίαν. Οὐ μὴν ἀλλὰ τούτοις χρησάμενοι τοῖς διαλογισμοῖς Ῥωμαῖοι μὲν ὑπὸ τὴν ὡραίαν Λεύκιον τὸν Αἰμίλιον ἐξαπέστειλαν μετὰ δυνάμεως ἐπὶ τὰς κατὰ τὴν Ἰλλυρίδα πράξεις κατὰ τὸ πρῶτον ἔτος τῆς ἑκατοστῆς καὶ τετταρακοστῆς ὀλυμπιάδος.

XVII. Ἀννίβας δὲ μετὰ τῆς δυνάμεως ἀναζεύξας ἐκ τῆς Καινῆς πόλεως προῆγε, ποιούμενος τὴν πορείαν ἐπὶ τὴν Ζάκανθαν. Ἡ δὲ πόλις αὕτη κεῖται μὲν ἐπὶ τῷ πρὸς θάλατταν καθήκοντι πρόποδι τῆς ὀρεινῆς τῆς συναπτούσης τὰ πέρατα τῆς Ἰβηρίας καὶ Κελτιβηρίας, ἀπέχει δὲ τῆς θαλάττης ὡς ἑπτὰ στάδια. Νέμονται δὲ χώραν οἱ κατοικοῦντες αὐτὴν πάμφορον καὶ διαφέρουσαν ἀρετῇ πάσης τῆς Ἰβηρίας. ᾗ τότε παραστρατοπεδεύσας Ἀννίβας ἐνεργὸς ἐγίνετο περὶ τὴν πολιορκίαν, πολλὰ προορώμενος εὔχρηστα πρὸς τὸ μέλλον ἐκ τοῦ κατὰ κράτος ἑλεῖν αὐτήν. Πρῶτον μὲν γὰρ ὑπέλαβε παρελέσθαι Ῥωμαίων τὴν ἐλπίδα τοῦ συστήσασθαι τὸν πόλεμον ἐν Ἰβηρίᾳ· δεύτερον δὲ καταπληξάμενος ἅπαντας εὐτακτοτέρους μὲν ἐπέπειστο παρασκευάσειν τοὺς ὑφ´ αὐτὸν ἤδη ταττομένους, εὐλαβεστέρους δὲ τοὺς ἀκμὴν αὐτοκράτορας ὄντας τῶν Ἰβήρων, τὸ δὲ μέγιστον, οὐδὲν ἀπολιπὼν ὄπισθεν πολέμιον ἀσφαλῶς ποιήσεσθαι τὴν εἰς τοὔμπροσθεν πορείαν. Χωρίς τε τούτων εὐπορήσειν μὲν χορηγιῶν αὐτὸς ὑπελάμβανεν πρὸς τὰς ἐπιβολάς, προθυμίαν δ´ ἐνεργάσεσθαι ταῖς δυνάμεσιν ἐκ τῆς ἐσομένης ἑκάστοις ὠφελείας, προκαλέσεσθαι δὲ τὴν εὔνοιαν τῶν ἐν οἴκῳ Καρχηδονίων διὰ τῶν ἀποσταλησομένων αὐτοῖς λαφύρων. Τοιούτοις δὲ χρώμενος διαλογισμοῖς ἐνεργῶς προσέκειτο τῇ πολιορκίᾳ, τοτὲ μὲν ὑπόδειγμα τῷ πλήθει ποιῶν αὑτὸν καὶ γινόμενος αὐτουργὸς τῆς ἐν τοῖς ἔργοις ταλαιπωρίας, ἔστι δ´ ὅτε παρακαλῶν τὰ πλήθη καὶ παραβόλως διδοὺς αὑτὸν εἰς τοὺς κινδύνους. Πᾶσαν δὲ κακοπάθειαν καὶ μέριμναν ὑπομείνας τέλος ἐν ὀκτὼ μησὶ κατὰ κράτος εἷλε τὴν πόλιν. Κύριος δὲ γενόμενος χρημάτων πολλῶν καὶ σωμάτων καὶ κατασκευῆς τὰ μὲν χρήματ´ εἰς τὰς ἰδίας ἐπιβολὰς παρέθετο κατὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς πρόθεσιν, τὰ δὲ σώματα διένειμε κατὰ τὴν ἀξίαν ἑκάστοις τῶν συστρατευομένων, τὴν δὲ κατασκευὴν παραχρῆμα πᾶσαν ἐξέπεμψε τοῖς Καρχηδονίοις. Ταῦτα δὲ πράξας οὐ διεψεύσθη τοῖς λογισμοῖς οὐδ´ ἀπέτυχε τῆς ἐξ ἀρχῆς προθέσεως, ἀλλὰ τούς τε στρατιώτας προθυμοτέρους ἐποίησε πρὸς τὸ κινδυνεύειν, τούς τε Καρχηδονίους ἑτοίμους παρεσκεύασε πρὸς τὸ παραγγελλόμενον, αὐτός τε πολλὰ τῶν χρησίμων μετὰ ταῦτα κατειργάσατο διὰ τῆς τῶν χορηγιῶν παραθέσεως.

XVIII. Κατὰ δὲ τοὺς αὐτοὺς καιροὺς Δημήτριος ἅμα τῷ συνεῖναι τὴν ἐπιβολὴν τῶν Ῥωμαίων παραυτίκα μὲν εἰς τὴν Διμάλην ἀξιόχρεων φρουρὰν εἰσέπεμψε καὶ τὰς ἁρμοζούσας ταύτης χορηγίας, ἐκ δὲ τῶν λοιπῶν πόλεων τοὺς μὲν ἀντιπολιτευομένους ἐπανείλετο, τοῖς δ´ αὑτοῦ φίλοις ἐνεχείρισε τὰς δυναστείας, αὐτὸς δ´ ἐκ τῶν ὑποτεταγμένων ἐπιλέξας τοὺς ἀνδρωδεστάτους ἑξακισχιλίους συνέστησε τούτους εἰς τὴν Φάρον. Ὁ δὲ στρατηγὸς τῶν Ῥωμαίων ἀφικόμενος εἰς τὴν Ἰλλυρίδα μετὰ τῶν δυνάμεων καὶ θεωρῶν τοὺς ὑπεναντίους θαρροῦντας ἐπὶ τῇ τῆς Διμάλης ὀχυρότητι καὶ ταῖς παρασκευαῖς, ἔτι δὲ τῷ δοκεῖν αὐτὴν ἀνάλωτον ὑπάρχειν, ταύτῃ πρῶτον ἐγχειρεῖν ἔκρινε, βουλόμενος καταπλήξασθαι τοὺς πολεμίους. Παρακαλέσας δὲ τοὺς κατὰ μέρος ἡγεμόνας καὶ προσαγαγὼν ἔργα κατὰ πλείους τόπους ἤρξατο πολιορκεῖν. Λαβὼν δὲ κατὰ κράτος ἐν ἡμέραις ἑπτὰ παραχρῆμα πάντας ἥττησε ταῖς ψυχαῖς τοὺς ὑπεναντίους. Διόπερ εὐθέως παρῆσαν ἐκ πασῶν τῶν πόλεων ἐπιτρέποντες καὶ διδόντες αὑτοὺς εἰς τὴν τῶν Ῥωμαίων πίστιν. Ὁ δὲ προσδεξάμενος ἑκάστους ἐπὶ ταῖς ἁρμοζούσαις ὁμολογίαις ἐποιεῖτο τὸν πλοῦν εἰς τὴν Φάρον ἐπ´ αὐτὸν τὸν Δημήτριον. Πυνθανόμενος δὲ τήν τε πόλιν ὀχυρὰν εἶναι καὶ πλῆθος ἀνθρώπων διαφερόντων εἰς αὐτὴν ἡθροῖσθαι, πρὸς δὲ καὶ ταῖς χορηγίαις ἐξηρτῦσθαι καὶ ταῖς ἄλλαις παρασκευαῖς, ὑφεωρᾶτο μὴ δυσχερῆ καὶ πολυχρόνιον συμβῇ γενέσθαι τὴν πολιορκίαν. Διὸ προορώμενος ἕκαστα τούτων ἐχρήσατο παρ´ αὐτὸν τὸν καιρὸν τοιῷδέ τινι γένει στρατηγήματος. Ποιησάμενος γὰρ τὸν ἐπίπλουν νυκτὸς ἐπὶ τὴν νῆσον παντὶ τῷ στρατεύματι τὸ μὲν πλεῖον μέρος τῆς δυνάμεως ἀπεβίβασεν εἴς τινας ὑλώδεις καὶ κοίλους τόπους, εἴκοσι δὲ ναυσὶν ἐπιγενομένης ἡμέρας ἔπλει προδήλως ἐπὶ τὸν ἔγγιστα τῆς πόλεως λιμένα. Συνορῶντες δὲ τὰς ναῦς οἱ περὶ τὸν Δημήτριον καὶ καταφρονοῦντες τοῦ πλήθους ὥρμησαν ἐκ τῆς πόλεως ἐπὶ τὸν λιμένα, κωλύσοντες τὴν ἀπόβασιν τῶν ὑπεναντίων.

XIX. Ἅμα δὲ τῷ συμμῖξαι γινομένης ἰσχυρᾶς τῆς συμπλοκῆς προσεβοήθουν ἀεὶ πλείους τῶν ἐκ τῆς πόλεως· τέλος δὲ πάντες ἐξεχύθησαν εἰς τὸν κίνδυνον. Τῶν δὲ Ῥωμαίων οἱ τῆς νυκτὸς ἀποβάντες εἰς τὸν καιρὸν τοῦτον συνῆψαν, διὰ τόπων ἀδήλων ποιούμενοι τὴν πορείαν. Καὶ καταλαβόμενοι μεταξὺ τῆς πόλεως καὶ τοῦ λιμένος λόφον ἐρυμνὸν διέκλεισαν ἀπὸ τῆς πόλεως τοὺς ἐκβεβοηθηκότας. Οἱ δὲ περὶ τὸν Δημήτριον συννοήσαντες τὸ γεγονὸς τοῦ μὲν διακωλύειν τοὺς ἀποβαίνοντας ἀπέστησαν, συναθροίσαντες δὲ σφᾶς αὐτοὺς καὶ παρακαλέσαντες ὥρμησαν, κρίναντες ἐκ παρατάξεως διακινδυνεύειν πρὸς τοὺς ἐπὶ τὸν λόφον. Οἱ δὲ Ῥωμαῖοι θεωροῦντες τὴν ἔφοδον τῶν Ἰλλυριῶν ἐνεργὸν καὶ συντεταγμένην ἀντέπεσαν ταῖς σπείραις καταπληκτικῶς. Ἅμα δὲ τοῖς προειρημένοις οἱ πεποιημένοι τὴν ἀπόβασιν ἀπὸ τῶν πλοίων, συνορῶντες τὸ γινόμενον, προσέκειντο κατόπιν· καὶ πανταχόθεν προσπίπτοντες θόρυβον καὶ ταραχὴν οὐ μικρὰν ἐν τοῖς Ἰλλυριοῖς κατεσκεύαζον. Ἐξ οὗ τῶν μὲν κατὰ πρόσωπον τῶν δὲ κατὰ νώτου πονούντων, τέλος οἱ περὶ τὸν Δημήτριον ἐτράπησαν· καὶ τινὲς μὲν αὐτῶν ἔφυγον ὡς πρὸς τὴν πόλιν, οἱ δὲ πλείους ἀνοδίᾳ κατὰ τῆς νήσου διεσπάρησαν. Ὁ δὲ Δημήτριος ἔχων ἑτοίμους λέμβους πρὸς τὸ συμβαῖνον ἔν τισι τόποις ἐρήμοις ὑφορμοῦντας ἐπὶ τούτους ἐποιήσατο τὴν ἀποχώρησιν. Εἰς οὓς ἐμβὰς ἐπιγενομένης τῆς νυκτὸς ἀπέπλευσε καὶ διεκομίσθη παραδόξως πρὸς τὸν βασιλέα Φίλιππον, παρ´ ᾧ τὸ λοιπὸν διέτριβε τοῦ βίου μέρος, ἀνὴρ θράσος μὲν καὶ τόλμαν κεκτημένος, ἀλόγιστον δὲ ταύτην καὶ τελέως ἄκριτον. Διὸ καὶ τὴν καταστροφὴν παραπλησίαν αὐτῷ συνέβη γενέσθαι τῇ κατὰ τὸν ὅλον βίον προαιρέσει. Καταλαβέσθαι γὰρ ἐγχειρήσας μετὰ τῆς Φιλίππου γνώμης τὴν τῶν Μεσσηνίων πόλιν εἰκῇ καὶ παραβόλως ἐν αὐτῷ τῷ τῆς πράξεως καιρῷ διεφθάρη· περὶ ὧν ἡμεῖς τὰ κατὰ μέρος, ὅταν ἐπὶ τοὺς καιροὺς ἔλθωμεν, διασαφήσομεν. Ὁ δὲ στρατηγὸς τῶν Ῥωμαίων Αἰμίλιος τὴν μὲν Φάρον εὐθέως ἐξ ἐφόδου παραλαβὼν κατέσκαψε, τῆς δὲ λοιπῆς Ἰλλυρίδος ἐγκρατὴς γενόμενος καὶ πάντα διατάξας κατὰ τὴν αὑτοῦ προαίρεσιν μετὰ ταῦτα ληγούσης ἤδη τῆς θερείας εἰς τὴν Ῥώμην ἐπανῆλθεν καὶ τὴν εἴσοδον ἐποιήσατο μετὰ θριάμβου καὶ τῆς ἁπάσης εὐδοξίας. Ἐδόκει γὰρ οὐ μόνον ἐπιδεξίως, ἔτι δὲ μᾶλλον ἀνδρωδῶς κεχρῆσθαι τοῖς πράγμασιν.

XX. Οἱ δὲ Ῥωμαῖοι, προσπεπτωκυίας αὐτοῖς ἤδη τῆς τῶν Ζακανθαίων ἁλώσεως, οὐ μὰ Δία περὶ τοῦ πολέμου τότε διαβούλιον ἦγον, καθάπερ ἔνιοι τῶν συγγραφέων φασί, προσκατατάττοντες ἔτι καὶ τοὺς εἰς ἑκάτερα ῥηθέντας λόγους, πάντων ἀτοπώτατον πρᾶγμα ποιοῦντες. Πῶς γὰρ οἷόν τ´ ἦν Ῥωμαίους τοὺς ἐνιαυτῷ πρότερον ἐπηγγελκότας πόλεμον Καρχηδονίοις, ἐὰν ἐπιβαίνωσι τῆς Ζακανθαίων χώρας, τούτους κατὰ κράτος ἑαλωκυίας αὐτῆς τῆς πόλεως τότε βουλεύεσθαι συνελθόντας πότερα πολεμητέον ἢ τοὐναντίον; πῶς δὲ καὶ τίνα τρόπον ἅμα μὲν τὴν στυγνότητα τοῦ συνεδρίου παρεισάγουσι θαυμάσιον, ἅμα δὲ τοὺς υἱοὺς ἀπὸ δώδεκ´ ἐτῶν ἄγειν φασὶ τοὺς πατέρας εἰς τὸ συνέδριον, οὓς μετέχοντας τῶν διαβουλίων οὐδὲ τῶν ἀναγκαίων οὐδενὶ προΐεσθαι τῶν ἀπορρήτων οὐδέν; ὧν οὔτ´ εἰκὸς οὔτ´ ἀληθές ἐστι τὸ παράπαν οὐδέν, εἰ μὴ νὴ Δία πρὸς τοῖς ἄλλοις ἡ τύχη καὶ τοῦτο προσένειμε Ῥωμαίοις, τὸ φρονεῖν αὐτοὺς εὐθέως ἐκ γενετῆς. Πρὸς μὲν οὖν τὰ τοιαῦτα τῶν συγγραμμάτων οἷα γράφει Χαιρέας καὶ Σωσύλος οὐδὲν ἂν δέοι πλέον λέγειν· οὐ γὰρ ἱστορίας, ἀλλὰ κουρεακῆς καὶ πανδήμου λαλιᾶς ἔμοιγε δοκοῦσι τάξιν ἔχειν καὶ δύναμιν. Ῥωμαῖοι δέ, προσπεσόντος σφίσι τοῦ γεγονότος κατὰ τοὺς Ζακανθαίους ἀτυχήματος, παραχρῆμα πρεσβευτὰς ἑλόμενοι κατὰ σπουδὴν ἐξαπέστειλαν εἰς τὴν Καρχηδόνα, δύο προτείνοντες αὐτοῖς, ὧν τὸ μὲν αἰσχύνην ἅμα καὶ βλάβην ἐδόκει φέρειν δεξαμένοις τοῖς Καρχηδονίοις, τὸ δ´ ἕτερον πραγμάτων καὶ κινδύνων ἀρχὴν μεγάλων. ἢ γὰρ τὸν στρατηγὸν Ἀννίβαν καὶ τοὺς μετ´ αὐτοῦ συνέδρους ἐκδότους διδόναι Ῥωμαίοις ἐπέταττον, ἢ προήγγελλον τὸν πόλεμον. Παραγενομένων δὲ τῶν Ῥωμαίων καὶ παρελθόντων εἰς τὸ συνέδριον καὶ διασαφούντων ταῦτα, δυσχερῶς ἤκουον οἱ Καρχηδόνιοι τὴν αἵρεσιν τῶν προτεινομένων. Ὅμως δὲ προστησάμενοι τὸν ἐπιτηδειότατον ἐξ αὑτῶν ἤρξαντο περὶ σφῶν δικαιολογεῖσθαι.

XVI. Le sénat, conformant aussi sa politique à cette pensée, et convaincu que la lutte serait longue, acharnée et lointaine, résolut d'abord de régler solidement les affaires d'Illyrie. Démétrius, insensible aux anciens bienfaits de Rome , et affectant même de la mépriser à la vue des périls où la jetaient les Gaulois et les Carthaginois , avait mis toutes ses espérances en la maison royale de Macédoine, à cause des secours qu'il avait prêtés à Antigone contre Cléomène. Il avait attaqué, saccagé quelques villes soumises aux Romains, navigué, au mépris des traités, au delà du Lissus, avec cinquante vaisseaux, et ravagé plusieurs des Cyclades. Les Romains donc, préoccupés de ces hostilités inattendues, et frappés de l'état florissant de la maison royale de Macédoine, songèrent d'abord à s'assurer des provinces situées à l'orient de l'Italie : ils se flattaient de pouvoir châtier les Illyriens de leur trahison et tirer une éclatante vengeance de l'ingratitude et de la témérité de Démétrius, avant d'avoir affaire à Annibal. Mais ils se trompèrent dans leurs calculs : Annibal les prévint par la prise de Sagonte, d'où il résulta que la guerre eut pour théâtre, non plus l'Espagne, mais toute l'Ita- 192 lie, jusqu'aux portes de Rome. Cependant les Romains , par la raison que j'ai dite, envoyèrent à l'entrée de l'été Lucius Émilius en Illyrie ; c'était la première année de la CXLe olympiade.

XVII. Annibal, avec toutes ses troupes, marcha de Carthagène sur Sagonte. Cette ville, située au pied d'une chaîne de montagnes qui s'étend depuis les frontières de la Celtibérie et de l'Espagne jusqu'à la mer, est enfoncée dans les terres, à une distance de sept stades. Les environs sont fertiles en fruits de toute espèce , et qui l'emportent en qualité sur les productions de toutes les autres provinces. Annibal plaça son camp sous les murs de la ville, et poussa le siège avec une extrême vigueur, à cause des nombreux avantages qu'il comptait tirer de la prise de cette ville. D'abord il tenait pour certain qu'il enlèverait par là aux Romains l'espoir de faire la guerre au sein même de l'Espagne : ensuite, en frappant un tel coup, il devait rendre les peuples soumis à Carthage plus dociles, et ceux qui étaient encore indépendants, plus circonspects. Ajoutez (et c'était là le résultat le plus considérable) qu'il ne laissait derrière lui aucun ennemi, et pouvait sans danger continuer sa marche. Enfin il disposerait dès lors de nombreuses ressources, animerait le zèle de ses soldats par la richesse du butin, et forcerait la bienveillance des Carthaginois par l'envoi de dépouilles magnifiques. Plein de ces pensées, il pressait le siège, tantôt donnant à tous l'exemple de la valeur, et participant en personne aux fatigues des travaux, tantôt excitant l'armée par ses paroles, et s'exposant au péril avec une grande audace. Après huit mois de fatigues et de peines il prit Sagonte. Maître alors d'un riche butin en argent, en captifs et en meubles, il réserva l'argent pour l'exécution de ses futurs desseins, suivant ses premières intentions, partagea les prisonniers entre les soldats , d'après le mérite de chacun, et envoya le reste des dépouilles à Carthage. Du reste, il vit tous ses 193 calculs se vérifier, et ne manqua pas d'obtenir les conséquences qu'il avait prévues: Grâce à son habile conduite, ses soldats se montrèrent plus dévoués, et Carthage plus prête aux sacrifices; enfin, au moyen des munitions de guerre qu'il avait conquises, il put exécuter une grande partie des choses utiles à ses projets.

XVIII.. Cependant Démétrius, instruit des conseils de Rome, avait envoyé une imposante garnison à Dimale, avec les provisions nécessaires, et chassé des autres villes tous ses ennemis politiques pour remettre le pouvoir aux mains de ses créatures. Il avait aussi choisi parmi ses sujets six mille des plus braves, et les avait établis dans Pharos. À peine arrivé en Illyrie, avec ses troupes, le général romain, à la vue des ennemis, confiants en leurs préparatifs et en la force de Dimale , qu'ils croyaient imprenable, résolut d'attaquer tout d'abord cette place, afin d'effrayer les populations illyriennes. Il exhorta donc les officiers à bien faire leur devoir, éleva des ouvrages à plusieurs endroits, et assiégea la ville; il la prit après sept jours de siège, et ce succès découragea ses adversaires. De toutes parts accoururent des ambassadeurs qui abandonnèrent leurs cités à la foi de Rome. Lucius accueillit leurs demandes à des conditions convenables, et fit voile pour Pharos, où était Démétrius. Mais informé que la ville était solidement fortifiée, que derrière ses murs étaient réunis des soldats d'élite, qu'elle renfermait enfin toutes les provisions et munitions nécessaires en grande quantité, il craignit que le siège n'en fût long et difficile ; et, dans cette prévision, il eut recours à un stratagème. Pendant la nuit, il se rendit avec son armée vers l'île de Pharos (03), où il fit débarquer une bonne part de ses troupes dans des fonds boisés ; et au jour, avec vingt vaisseaux, il se dirigea ouvertement vers le port le plus 194 voisin de la ville. Démétrius et ses soldats, à la vue de cette flotte, dont ils méprisaient le faible nombre, volèrent des murailles au port, afin d'empêcher le débarquement de l'ennemi.

XIX. On en vint aux mains, et comme l'action était chaude, de nouveaux combattants descendaient sans cesse de Pharos. Bientôt toute la garnison se trouva dehors. Les Romains, qui pendant la nuit avaient débarqué , arrivèrent en ce moment, après avoir, par des lieux couverts, caché leur marche, et en s'emparant d'une colline naturellement fortifiée, qui s'élevait entre le port et la ville, coupèrent aux soldats accourus au secours de leurs frères tout retour vers la place. Démétrius, témoin de cette manœuvre, ne songea plus dès lors à s'opposer au débarquement ; il réunit autour de lui ses troupes, les anima par quelques paroles, et s'élança en avant pour livrer bataille aux Romains placés sur la hauteur. Mais ceux-ci eurent à peine aperçu les colonnes illyriennes qui s'avançaient en ordre et résolument , qu'ils se précipitèrent contre elles avec fougue, tandis que, par un mouvement simultané, les Romains qui venaient de quitter leurs vaisseaux, attaquant les Illyriens par derrière, répandirent dans les rangs des ennemis, de tous côtés cernés, le désordre et le trouble. Pressée de front et en queue, l'armée de Démétrius prit enfin la fuite ; quelques soldats se retirèrent dans la ville, d'autres errèrent à l'aventure dans l'île. Quant à Démétrius, il s'enfuit sur un des esquifs qu'en des lieux écartés il tenait tout prêts pour l'occasion. A la nuit tombante, il s'embarqua, et se fit conduire chez le roi Philippe, auprès de qui il passa le reste de sa vie. Démétrius était un prince d'une audace, d'un courage à l'épreuve, mais de ce courage que ne réglaient ni la raison, ni le jugement ; aussi rencon-tra-t-il plus tard une mort digne de sa vie. Il tomba sur le champ de bataille dans un coup de main que, sur l'avis de Philippe, il tenta témérairement contre Messène,  195 Quand il en sera temps, nous reprendrons ce fait avec quelques détails (05). Le général romain s'empara d'emblée de Pharos, et la détruisit. Maître du reste de l'Illyrie, il y régla toutes les affaires à son gré ; et, vers la fin de l'été, retourna à Rome, où il fit son entrée dans tout l'éclat du triomphe : on trouva qu'il avait fait preuve d'autant d'adresse que de valeur dans cette expédition.

XX. Les Romains, à la nouvelle de la chute de Sagonte, ne se demandèrent pas s'ils devaient déclarer la guerre à Carthage, quoi qu'en aient dit quelques historiens qui, dans leurs récits , n'ont pas manqué d'insérer les discours prononcés alors pour ou contre. Quoi de plus ridicule qu'une telle invention ? Comment croire en effet que les Romains qui, l'année précédente, avaient menacé de la guerre Annibal, si ses troupes passaient sur le territoire de Sagonte, aient fait alors de cette guerre un sujet de délibération ? Que veut dire de nous montrer les sénateurs accablés de tristesse, amenant au sein de l'assemblée leurs fils âgés de douze ans, et ces enfants, admis à la délibération, assez discrets pour ne rien révéler à leur famille? Ces anecdotes sont autant dénuées de vérité que de vraisemblance, à moins que la fortune n'ait donné aux Romains, sans parler de ses autres faveurs, le privilège d'être sages en naissant. Mais c'est assez parler de toutes ces ridicules imaginations d'un Sosile et d'un Chœréas; de telles fables n'ont ni la valeur ni la dignité de l'histoire ; ce n'est que le bavardage insignifiant d'une boutique de barbier. Les Romains donc, informés du malheur de Sagonte, nommèrent des députés qu'ils envoyèrent en toute hâte en Afrique avec ordre de signifier à Carthage deux conditions également rudes : l'une, si elle y consentait, devait lui causer bonté et dommage ; l'autre , devenir pour elle le signal de terribles dangers et 196 de cruels embarras. En un mot, ils étaient chargés de demander qu'on livrât à Rome Annibal et ses conseillers , sinon de déclarer la guerre. Les députés introduits dans le sénat carthaginois exposèrent l'objet de leur venue , et on accueillit tout d'abord assez mal leur langage. Le sénat cependant confia le soin de défendre les droits de Carthage à celui de ses membres qui lui semblait le plus capable de le faire.

XXI. Τὰς μὲν οὖν πρὸς Ἀσδρούβαν ὁμολογίας παρεσιώπων, ὡς οὔτε γεγενημένας, εἴ τε γεγόνασιν, οὐδὲν οὔσας πρὸς αὑτοὺς διὰ τὸ χωρὶς τῆς σφετέρας πεπρᾶχθαι γνώμης. Ἐχρῶντο δ´ ἐξ αὐτῶν Ῥωμαίων εἰς τοῦτο παραδείγματι. Τὰς γὰρ ἐπὶ Λυτατίου γενομένας συνθήκας ἐν τῷ πολέμῳ τῷ περὶ Σικελίας, ταύτας ἔφασαν ἤδη συνωμολογημένας ὑπὸ Λυτατίου μετὰ ταῦτα τὸν δῆμον τῶν Ῥωμαίων ἀκύρους ποιῆσαι διὰ τὸ χωρὶς τῆς αὑτοῦ γενέσθαι γνώμης. Ἐπίεζον δὲ καὶ προσαπηρείδοντο παρ´ ὅλην τὴν δικαιολογίαν ἐπὶ τὰς τελευταίας συνθήκας τὰς γενομένας ἐν τῷ περὶ Σικελίας πολέμῳ. Ἐν αἷς περὶ μὲν Ἰβηρίας οὐκ ἔφασαν ὑπάρχειν ἔγγραφον οὐδέν, περὶ δὲ τοῦ τοῖς ἑκατέρων συμμάχοις τὴν παρ´ ἀμφοῖν ἀσφάλειαν εἶναι ῥητῶς κατατετάχθαι. Ζακανθαίους δὲ παρεδείκνυον οὐκ ὄντας τότε Ῥωμαίων συμμάχους καὶ παρανεγίνωσκον πρὸς τοῦτο πλεονάκις τὰς συνθήκας. Ῥωμαῖοι δὲ τοῦ μὲν δικαιολογεῖσθαι καθάπαξ ἀπεγίνωσκον, φάσκοντες ἀκεραίου μὲν ἔτι διαμενούσης τῆς τῶν Ζακανθαίων πόλεως ἐπιδέχεσθαι τὰ πράγματα δικαιολογίαν καὶ δυνατὸν εἶναι λόγῳ περὶ τῶν ἀμφισβητουμένων διεξάγειν· ταύτης δὲ παρεσπονδημένης ἢ τοὺς αἰτίους ἐκδοτέον εἶναι σφίσι, δι´ οὗ φανερὸν ἔσται πᾶσιν ὡς οὐ μετεσχήκασι τῆς ἀδικίας, ἀλλ´ ἄνευ τῆς αὑτῶν γνώμης πεπρᾶχθαι τοῦτο τοὔργον, ἢ μὴ βουλομένους τοῦτο ποιεῖν, ὁμολογοῦντας δὲ κοινωνεῖν (τῆς ἀδικίας καὶ συναναδέχεσθαι τὸν πόλεμον. Οἱ μὲν) οὖν καθολικώτερόν πως ἐχρήσαντο τοῖς λόγοις. Ἡμῖν δ´ ἀναγκαῖον εἶναι δοκεῖ τὸ μὴ παραλιπεῖν ἄσκεπτον τοῦτο τὸ μέρος, ἵνα μήθ´ οἷς καθήκει καὶ διαφέρει τὸ σαφῶς εἰδέναι τὴν ἐν τούτοις ἀκρίβειαν, παραπαίωσι τῆς ἀληθείας ἐν τοῖς ἀναγκαιοτάτοις διαβουλίοις, μήθ´ οἱ φιλομαθοῦντες περὶ τούτων ἀστοχῶσι, συμπλανώμενοι ταῖς ἀγνοίαις καὶ φιλοτιμίαις τῶν συγγραφέων, ἀλλ´ ᾖ τις ὁμολογουμένη θεωρία τῶν ἀπὸ τῆς ἀρχῆς ὑπαρξάντων δικαίων Ῥωμαίοις καὶ Καρχηδονίοις πρὸς ἀλλήλους ἕως εἰς τοὺς καθ´ ἡμᾶς καιρούς.

XXII. Γίνονται τοιγαροῦν συνθῆκαι Ῥωμαίοις καὶ Καρχηδονίοις πρῶται κατὰ Λεύκιον Ἰούνιον Βροῦτον καὶ Μάρκον Ὡράτιον, τοὺς πρώτους κατασταθέντας ὑπάτους μετὰ τὴν τῶν βασιλέων κατάλυσιν, ὑφ´ ὧν συνέβη καθιερωθῆναι καὶ τὸ τοῦ Διὸς ἱερὸν τοῦ Καπετωλίου. Ταῦτα δ´ ἔστι πρότερα τῆς Ξέρξου διαβάσεως εἰς τὴν Ἑλλάδα τριάκοντ´ ἔτεσι λείπουσι δυεῖν. ἃς καθ´ ὅσον ἦν δυνατὸν ἀκριβέστατα διερμηνεύσαντες ἡμεῖς ὑπογεγράφαμεν. Τηλικαύτη γὰρ ἡ διαφορὰ γέγονε τῆς διαλέκτου καὶ παρὰ Ῥωμαίοις τῆς νῦν πρὸς τὴν ἀρχαίαν ὥστε τοὺς συνετωτάτους ἔνια μόλις ἐξ ἐπιστάσεως διευκρινεῖν. Εἰσὶ δ´ αἱ συνθῆκαι τοιαίδε τινές· ἐπὶ τοῖσδε φιλίαν εἶναι Ῥωμαίοις καὶ τοῖς Ῥωμαίων συμμάχοις καὶ Καρχηδονίοις καὶ τοῖς Καρχηδονίων συμμάχοις· μὴ πλεῖν Ῥωμαίους μηδὲ τοὺς Ῥωμαίων συμμάχους ἐπέκεινα τοῦ Καλοῦ ἀκρωτηρίου, ἐὰν μὴ ὑπὸ χειμῶνος ἢ πολεμίων ἀναγκασθῶσιν· ἐὰν δέ τις βίᾳ κατενεχθῇ, μὴ ἐξέστω αὐτῷ μηδὲν ἀγοράζειν μηδὲ λαμβάνειν πλὴν ὅσα πρὸς πλοίου ἐπισκευὴν ἢ πρὸς ἱερά, (ἐν πέντε δ´ ἡμέραις ἀποτρεχέτω.) τοῖς δὲ κατ´ ἐμπορίαν παραγινομένοις μηδὲν ἔστω τέλος πλὴν ἐπὶ κήρυκι ἢ γραμματεῖ. Ὅσα δ´ ἂν τούτων παρόντων πραθῇ, δημοσίᾳ πίστει ὀφειλέσθω τῷ ἀποδομένῳ, ὅσα ἂν ἢ ἐν Λιβύῃ ἢ ἐν Σαρδόνι πραθῇ. Ἐὰν Ῥωμαίων τις εἰς Σικελίαν παραγίνηται, ἧς Καρχηδόνιοι ἐπάρχουσιν, ἴσα ἔστω τὰ Ῥωμαίων πάντα. Καρχηδόνιοι δὲ μὴ ἀδικείτωσαν δῆμον Ἀρδεατῶν, Ἀντιατῶν, Λαρεντίνων, Κιρκαιιτῶν, Ταρρακινιτῶν, μηδ´ ἄλλον μηδένα Λατίνων, ὅσοι ἂν ὑπήκοοι· ἐὰν δέ τινες μὴ ὦσιν ὑπήκοοι, τῶν πόλεων ἀπεχέσθωσαν· ἂν δὲ λάβωσι, Ῥωμαίοις ἀποδιδότωσαν ἀκέραιον. Φρούριον μὴ ἐνοικοδομείτωσαν ἐν τῇ Λατίνῃ. Ἐὰν ὡς πολέμιοι εἰς τὴν χώραν εἰσέλθωσιν, ἐν τῇ χώρᾳ μὴ ἐννυκτερευέτωσαν.“

XXIII. Τὸ μὲν οὖν Καλὸν ἀκρωτήριόν ἐστι τὸ προκείμενον αὐτῆς τῆς Καρχηδόνος ὡς πρὸς τὰς ἄρκτους· οὗ καθάπαξ ἐπέκεινα πλεῖν ὡς πρὸς μεσημβρίαν οὐκ οἴονται δεῖν οἱ Καρχηδόνιοι τοὺς Ῥωμαίους μακραῖς ναυσὶ διὰ τὸ μὴ βούλεσθαι γινώσκειν αὐτούς, ὡς ἐμοὶ δοκεῖ, μήτε τοὺς κατὰ τὴν Βυσσάτιν μήτε τοὺς κατὰ τὴν μικρὰν Σύρτιν τόπους, ἃ δὴ καλοῦσιν Ἐμπόρια, διὰ τὴν ἀρετὴν τῆς χώρας. Ἐὰν δέ τις ὑπὸ χειμῶνος ἢ πολεμίων βίᾳ κατενεχθεὶς δέηταί του τῶν ἀναγκαίων πρὸς ἱερὰ καὶ πρὸς ἐπισκευὴν πλοίου, ταῦτα, πάρεξ δὲ μηδὲν οἴονται δεῖν λαμβάνειν, (καὶ) κατ´ ἀνάγκην ἐν πένθ´ ἡμέραις ἀπαλλάττεσθαι τοὺς καθορμισθέντας. Εἰς δὲ Καρχηδόνα καὶ πᾶσαν τὴν ἐπὶ τάδε τοῦ Καλοῦ ἀκρωτηρίου τῆς Λιβύης καὶ Σαρδόνα καὶ Σικελίαν, ἧς ἐπάρχουσι Καρχηδόνιοι, κατ´ ἐμπορίαν πλεῖν Ῥωμαίοις ἔξεστι, καὶ τὸ δίκαιον ὑπισχνοῦνται βεβαιώσειν οἱ Καρχηδόνιοι (δημοσίᾳ) πίστει. Ἐκ δὲ τούτων τῶν συνθηκῶν περὶ μὲν Σαρδόνος καὶ Λιβύης ἐμφαίνουσιν ὡς περὶ ἰδίας ποιούμενοι τὸν λόγον· ὑπὲρ δὲ Σικελίας τἀναντία διαστέλλονται ῥητῶς, ὑπὲρ αὐτῶν τούτων ποιούμενοι τὰς συνθήκας, ὅσα τῆς Σικελίας ὑπὸ τὴν Καρχηδονίων πίπτει δυναστείαν. Ὁμοίως δὲ καὶ Ῥωμαῖοι περὶ τῆς Λατίνης αὐτῆς χώρας ποιοῦνται τὰς συνθήκας, τῆς δὲ λοιπῆς Ἰταλίας οὐ μνημονεύουσι διὰ τὸ μὴ πίπτειν ὑπὸ τὴν αὐτῶν ἐξουσίαν.

XXIV. Μετὰ δὲ ταύτας ἑτέρας ποιοῦνται συνθήκας, ἐν αἷς προσπεριειλήφασι Καρχηδόνιοι Τυρίους καὶ τὸν Ἰτυκαίων δῆμον. Πρόσκειται δὲ καὶ τῷ Καλῷ ἀκρωτηρίῳ Μαστία Ταρσήιον· ὧν ἐκτὸς οἴονται δεῖν Ῥωμαίους μήτε λῄζεσθαι μήτε πόλιν κτίζειν. Εἰσὶ δὲ τοιαίδε τινές· ἐπὶ τοῖσδε φιλίαν εἶναι Ῥωμαίοις καὶ τοῖς Ῥωμαίων συμμάχοις καὶ Καρχηδονίων καὶ Τυρίων καὶ Ἰτυκαίων δήμῳ καὶ τοῖς τούτων συμμάχοις. Τοῦ Καλοῦ ἀκρωτηρίου, Μαστίας Ταρσηίου, μὴ λῄζεσθαι ἐπέκεινα Ῥωμαίους μηδ´ ἐμπορεύεσθαι μηδὲ πόλιν κτίζειν. Ἐὰν δὲ Καρχηδόνιοι λάβωσιν ἐν τῇ Λατίνῃ πόλιν τινὰ μὴ οὖσαν ὑπήκοον Ῥωμαίοις, τὰ χρήματα καὶ τοὺς ἄνδρας ἐχέτωσαν, τὴν δὲ πόλιν ἀποδιδότωσαν. Ἐὰν δέ τινες Καρχηδονίων λάβωσί τινας, πρὸς οὓς εἰρήνη μέν ἐστιν ἔγγραπτος Ῥωμαίοις, μὴ ὑποτάττονται δέ τι αὐτοῖς, μὴ καταγέτωσαν εἰς τοὺς Ῥωμαίων λιμένας· ἐὰν δὲ καταχθέντος ἐπιλάβηται ὁ Ῥωμαῖος, ἀφιέσθω. Ὡσαύτως δὲ μηδ´ οἱ Ῥωμαῖοι ποιείτωσαν. ἂν ἔκ τινος χώρας, ἧς Καρχηδόνιοι ἐπάρχουσιν, ὕδωρ ἢ ἐφόδια λάβῃ ὁ Ῥωμαῖος, μετὰ τούτων τῶν ἐφοδίων μὴ ἀδικείτω μηδένα πρὸς οὓς εἰρήνη καὶ φιλία ἐστὶ (Καρχηδονίοις. Ὡσαύτως δὲ μηδ´ ὁ) Καρχηδόνιος ποιείτω. Εἰ δέ, μὴ ἰδίᾳ μεταπορευέσθω· ἐὰν δέ τις τοῦτο ποιήσῃ, δημόσιον γινέσθω τὸ ἀδίκημα. Ἐν Σαρδόνι καὶ Λιβύῃ μηδεὶς Ῥωμαίων μήτ´ ἐμπορευέσθω μήτε πόλιν κτιζέτω, - - - εἰ μὴ ἕως τοῦ ἐφόδια λαβεῖν ἢ πλοῖον ἐπισκευάσαι. Ἐὰν δὲ χειμὼν κατενέγκῃ, ἐν πένθ´ ἡμέραις ἀποτρεχέτω. Ἐν Σικελίᾳ ἧς Καρχηδόνιοι ἐπάρχουσι καὶ ἐν Καρχηδόνι πάντα καὶ ποιείτω καὶ πωλείτω ὅσα καὶ τῷ πολίτῃ ἔξεστιν. Ὡσαύτως δὲ καὶ ὁ Καρχηδόνιος ποιείτω ἐν Ῥώμῃ.“ Πάλιν ἐν ταύταις ταῖς συνθήκαις τὰ μὲν κατὰ Λιβύην καὶ Σαρδόνα προσεπιτείνουσιν ἐξιδιαζόμενοι καὶ πάσας ἀφαιρούμενοι τὰς ἐπιβάθρας Ῥωμαίων, περὶ δὲ Σικελίας τἀναντία προσδιασαφοῦσι, περὶ τῆς ὑπ´ αὐτοὺς ταττομένης. Ὁμοίως δὲ καὶ Ῥωμαῖοι περὶ τῆς Λατίνης· οὐκ οἴονται δεῖν τοὺς Καρχηδονίους ἀδικεῖν Ἀρδεάτας, Ἀντιάτας, Κιρκαιίτας, Ταρρακινίτας. Αὗται δ´ εἰσὶν αἱ πόλεις αἱ περιέχουσαι παρὰ θάλατταν τὴν Λατίνην χώραν, ὑπὲρ ἧς ποιοῦνται τὰς συνθήκας.

XXV. Ἔτι τοιγαροῦν τελευταίας συνθήκας ποιοῦνται Ῥωμαῖοι κατὰ τὴν Πύρρου διάβασιν πρὸ τοῦ συστήσασθαι τοὺς Καρχηδονίους τὸν περὶ Σικελίας πόλεμον· ἐν αἷς τὰ μὲν ἄλλα τηροῦσι πάντα κατὰ τὰς ὑπαρχούσας ὁμολογίας, πρόσκειται δὲ τούτοις τὰ ὑπογεγραμμένα. Ἐὰν συμμαχίαν ποιῶνται πρὸς Πύρρον ἔγγραπτον, ποιείσθωσαν ἀμφότεροι, ἵνα ἐξῇ βοηθεῖν ἀλλήλοις ἐν τῇ τῶν πολεμουμένων χώρᾳ· ὁπότεροι δ´ ἂν χρείαν ἔχωσι τῆς βοηθείας, τὰ πλοῖα παρεχέτωσαν Καρχηδόνιοι καὶ εἰς τὴν ὁδὸν καὶ εἰς τὴν ἄφοδον, τὰ δὲ ὀψώνια τοῖς αὑτῶν ἑκάτεροι. Καρχηδόνιοι δὲ καὶ κατὰ θάλατταν Ῥωμαίοις βοηθείτωσαν, ἂν χρεία ᾖ. Τὰ δὲ πληρώματα μηδεὶς ἀναγκαζέτω ἐκβαίνειν ἀκουσίως.“ Τὸν δ´ ὅρκον ὀμνύειν ἔδει τοιοῦτον, ἐπὶ μὲν τῶν πρώτων συνθηκῶν Καρχηδονίους μὲν τοὺς θεοὺς τοὺς πατρῴους, Ῥωμαίους δὲ Δία λίθον κατά τι παλαιὸν ἔθος, ἐπὶ δὲ τούτων τὸν Ἄρην καὶ τὸν Ἐνυάλιον. Ἔστι δὲ τὸ Δία λίθον τοιοῦτον· λαβὼν εἰς τὴν χεῖρα λίθον ὁ ποιούμενος τὰ ὅρκια περὶ τῶν συνθηκῶν, ἐπειδὰν ὀμόσῃ δημοσίᾳ πίστει, λέγει τάδε· εὐορκοῦντι μέν μοι εἴη τἀγαθά· εἰ δ´ ἄλλως διανοηθείην τι ἢ πράξαιμι, πάντων τῶν ἄλλων σῳζομένων ἐν ταῖς ἰδίαις πατρίσιν, ἐν τοῖς ἰδίοις νόμοις, ἐπὶ τῶν ἰδίων βίων, ἱερῶν, τάφων, ἐγὼ μόνος ἐκπέσοιμι οὕτως ὡς ὅδε λίθος νῦν.“ καὶ ταῦτ´ εἰπὼν ῥίπτει τὸν λίθον ἐκ τῆς χειρός.

XXI. L'orateur laissa de côté le traité d'Hasdrubal comme n'ayant jamais existé ; d'ailleurs, eût-il été réellement conclu, qu'importait à la république , puisqu'il l'avait été sans son agrément? Carthage en cela invoquait un exemple donné par Rome elle-même. Lors de la guerre de Sicile, dans des négociations au sujet de la paix, Lutatius avait consenti à quelques conditions que le peuple déclara non valables, comme acceptées sans son autorisation. Pendant toute la discussion, les Carthaginois ne cessèrent pas d'insister et de s'appuyer sur le traité conclu à la fin de la guerre de Sicile, traité dans lequel ils prétendaient ne trouver absolument rien concernant l'Espagne : il y a seulement, disaient-ils dans le texte, la garantie d'une entière sûreté pour les alliés réciproques des deux républiques; or les Sagontins n'étaient pas encore à cette époque les alliés de Rome. Lecture du traité fut faite à plusieurs reprises pour vider cette difficulté, mais les Romains refusèrent absolument de répondre: discuter, disaient-ils, était possible, tant que Sagonte était debout; des paroles alors pouvaient vider la querelle; maintenant qu'elle était tombée victime d'une infâme perfidie, il ne restait plus aux Carthaginois qu'à livrer à Rome les coupables, seul moyen de montrer qu'ils étaient étrangers à ce crime, et qu'il avait été commis sans leur aveu , sinon à se reconnaître complices d'Annibal. Telles étaient les généralités où se renfermaient les députés dans leur réponse. Nous croyons, nous, devoir insister sur ce point, afin d'éviter aux hommes pour qui c'est un devoir 197 et une nécessité d'avoir en cela des idées précises, de s'écarter du vrai dans des délibérations solennelles, et au lecteur curieux de telles recherches, de se perdre parmi les erreurs d'histoires ignorantes ou partiales ; afin aussi de fournir des renseignements précis sur tous les traités passés entre Rome et Carthage jusqu'à nos jours.

XXII. Le plus ancien eut lieu à l'époque de ce Lucius Junius et de ce Marcus Horatius qui furent les deux premiers consuls élus après l'abolition de la royauté, et qui consacrèrent le temple de Jupiter Capitolin. Ce double fait se rattache à la vingt-huitième année avant l'invasion de Xerxès en Grèce. Nous allons donner la traduction de ce traité aussi fidèle qu'il nous a été possible de le faire. Car telle est la différence de l'ancienne langue latine de la langue moderne, que les plus habiles ne peuvent qu'avec peine y comprendre quelque chose. Voici donc les clauses du premier traité : «Amitié est conclue entre Rome et ses alliés, Carthage et ses alliés, à ces conditions : Les Romains et leurs alliés ne navigueront point au delà du Beau-Promontoire, à moins qu'ils n'y soient forcés par la tempête ou par la poursuite de quelque ennemi : en ce cas, il ne leur sera permis de rien acheter et de rien prendre que ce qui leur sera nécessaire pour radouber leurs vaisseaux ou faire leurs sacrifices. Ils seront tenus de s'éloigner après cinq jours. Les marchands qui se rendront à Carthage ne pourront achever aucune affaire commerciale sans le concours du crieur public et du greffier. Tout ce qui sera vendu en Afrique ou en Sardaigne en présence de ces deux témoins, sera garanti au vendeur par la foi publique. Les Romains qui viendront dans la partie de la Sicile soumise à Carthage trouveront bonne justice. Les Carthaginois s'engagent à respecter les Ardéates, les Antiates, les Laurentins, les Circéens, les Terraci-niens, enfin tous les peuples latins sujets de Rome; à s'abstenir même de toute attaque contre les villes non soumises aux Romains, et, s'ils en prenaient quel- 198 qu'une , à la rendre. Ils promettent de n'élever aucun fort dans le Latium , et, s'ils descendent dans le pays à main armée, de ne pas y demeurer la nuit. »

XXIII. Le Beau-Promontoire est celui qui borne Carthage au nord. Les Carthaginois ne veulent pas que les Romains poussent au delà vers le midi sur de grands vaisseaux, afin de les empêcher, sans doute, de connaître les campagnes voisines de Byzace et de la petite Syrte, campagnes qu'ils appellent Empories (06) par allusion à leur fertilité. Remarquons encore que si quelque navire forcé par la tempête ou les ennemis franchit cette barrière, Carthage permet à l'équipage de ne prendre que les choses nécessaires pour la réparation du vaisseau, ou pour les sacrifices, et le contrainte quitter ces parages dans l'espace de cinq jours. Mais Carthage, mais la côte d'Afrique en deçà du Beau-Promontoire, la Sardaigne, la Sicile carthaginoise, tous ces pays enfin sont ouverts aux Romains pour le commerce. Et les Carthaginois promettent, sous la garantie de l'État, de rendre justice à qui de droit. Seulement les Carthaginois parlent en maîtres de la Sardaigne et de l'Afrique, tandis que dès qu'il s'agit de la Sicile ils établissent une distinction expresse et ne déclarent le traité valable que pour la portion de la Sicile soumise à leurs lois. De même les Romains ne parlent dans leurs conventions que du Latium et ne disent pas un mot du reste de l'Italie : c'est qu'elle était encore indépendante.

XXIV. Le second traité fut celui où Carthage fit comprendre Tyr et Utique. Le Beau-Promontoire n'est plus la ligne de démarcation, on y ajoute Mastié et Tarseion, au delà desquelles défense est faite aux Romains de faire du butin ou de bâtir une ville. En voici les clauses : « Amitié est conclue entre Rome et ses alliés, Carthage, Utique, Tyr et leurs alliés, aux conditions suivantes ; Les Romains s'abstiendront de tout  199 trafic, de tout pillage, de toute fondation de villes au delà du Beau-Promontoire, de Mastié et de Tarseion. Si les Carthaginois prennent une ville latine non soumise aux Romains, ils garderont pour eux les biens et les personnes, mais ils rendront la ville. S'ils font prisonniers quelques hommes des peuples unis à Rome par une alliance sans être sous ses lois, ils ne seront pas tenus de les conduire dans un port romain; mais s'ils y abordent et qu'un Romain mette la main sur les captifs, ceux-ci seront désormais libres. Même chose pour les Romains (07), S'ils tirent de quelque domaine de Carthage de l'eau ou des vivres, ils n'useront de ces ressources contre aucun des peuples avec qui Carthage entretient alliance et amitié; et les Carthaginois s'engagent à en faire autant. Toute infraction à cette clause n'entraînera pas réparation particulière, mais elle sera considérée comme injure publique. Que nul Romain ne trafique ni ne bâtisse de ville en Sardaigne ou en Afrique , et ne séjourne en ces pays si ce n'est pour y faire des vivres et réparer les vaisseaux. Si la tempête pousse quelque navire vers ces rivages, qu'il s'en éloigne en cinq jours. Dans la partie de la Sicile qui appartient à Carthage, comme dans l'intérieur de Carthage même, tout Romain aura pour ses actions et son commerce même liberté qu'un citoyen. A Rome, tout Carthaginois jouira de privilèges identiques. » On voit encore dans ce traité les Carthaginois constater leurs droits absolus sur l'Afrique, sur la Sardaigne, et fermer aux Romains tout accès en ce pays. Mais en Sicile, ils désignent spécialement la partie qui leur appartient. Les Romains procèdent de même pour le Latium. Ils interdisent aux Carthaginois toute entreprise sur Ardée, Antium (08), 200 Circée, Terracine, villes maritimes qui bordent ce pays latin, au sujet duquel ils font le traité.

XXV. Le dernier traité que Carthage et Rome firent entre eux est de l'époque où Pyrrhus descendit en Italie, quelque temps avant la guerre de Sicile. Dans ce traité, toutes les clauses antérieures sont respectées. On y ajouta seulement quelques conditions nouvelles : « Si l'une ou l'autre république fait alliance par écrit avec Pyrrhus, ce ne sera qu'à la condition que les deux pays auront le droit de se secourir en cas d'invasion, quel que soit le peuple qui ait besoin de secours. Les Carthaginois fourniront la flotte pour le combat et pour le transport, mais la solde sera payée par chaque république à ses soldats. Les Carthaginois prêteront assistance aux Romains même sur mer, s'il est utile. Les équipages ne seront pas contraints de quitter leurs vaisseaux malgré eux. » Voici par quel serment on sanctionna ces traités. Pour les deux premiers, les Carthaginois prirent à témoin les dieux nationaux , et les Romains Jupiter Pierre, suivant un antique usage; pour le dernier, ils invoquèrent Mars et Quirinus. Voici ce que c'est que jurer par le Jupiter Pierre : le fécial qui doit prêter serment au traité prend une pierre en ses mains, et, après avoir invoqué la foi publique, dit : « Si je garde ma promesse, que le ciel me soit propice; mais si je songe à faire ou si je fais quelque chose qui y soit contraire, que tous les autres hommes jouissent sains et saufs de leur patrie , de leurs lois, de leurs richesses, de leur culte, de leurs tombeaux, tandis que moi je serai brisé comme cette pierre ; » et en même temps on lançait la pierre avec force.

XXVI. Τούτων δὴ τοιούτων ὑπαρχόντων, καὶ τηρουμένων (τῶν) συνθηκῶν ἔτι νῦν ἐν χαλκώμασι παρὰ τὸν Δία τὸν Καπετώλιον ἐν τῷ τῶν ἀγορανόμων ταμιείῳ, τίς οὐκ ἂν εἰκότως θαυμάσειεν Φιλίνου τοῦ συγγραφέως, οὐ διότι ταῦτ´ ἠγνόει — τοῦτο μὲν γὰρ οὐ θαυμαστόν, ἐπεὶ καθ´ ἡμᾶς ἔτι καὶ Ῥωμαίων καὶ Καρχηδονίων οἱ πρεσβύτατοι καὶ μάλιστα δοκοῦντες περὶ τὰ κοινὰ σπουδάζειν ἠγνόουν — ἀλλὰ πόθεν ἢ πῶς ἐθάρρησε γράψαι τἀναντία τούτοις, διότι Ῥωμαίοις καὶ Καρχηδονίοις ὑπάρχοιεν συνθῆκαι, καθ´ ἃς ἔδει Ῥωμαίους μὲν ἀπέχεσθαι Σικελίας ἁπάσης, Καρχηδονίους δ´ Ἰταλίας, καὶ διότι ὑπερέβαινον Ῥωμαῖοι τὰς συνθήκας καὶ τοὺς ὅρκους, ἐπεὶ ἐποιήσαντο τὴν πρώτην εἰς Σικελίαν διάβασιν, μήτε γεγονότος μήθ´ ὑπάρχοντος παράπαν ἐγγράφου τοιούτου μηδενός. Ταῦτα γὰρ ἐν τῇ δευτέρᾳ λέγει βύβλῳ διαρρήδην. Περὶ ὧν ἡμεῖς ἐν τῇ παρασκευῇ τῆς ἰδίας πραγματείας μνησθέντες εἰς τοῦτον ὑπερεθέμεθα τὸν καιρὸν κατὰ μέρος περὶ αὐτῶν ἐξεργάσασθαι διὰ τὸ καὶ πλείους διεψεῦσθαι τῆς ἀληθείας ἐν τούτοις, πιστεύσαντας τῇ Φιλίνου γραφῇ. Οὐ μὴν ἀλλ´ εἰ κατὰ τοῦτό τις ἐπιλαμβάνεται Ῥωμαίων περὶ τῆς εἰς Σικελίαν διαβάσεως, ὅτι καθόλου Μαμερτίνους προσέλαβον εἰς τὴν φιλίαν καὶ μετὰ ταῦτα δεομένοις ἐβοήθησαν, οἵτινες οὐ μόνον τὴν Μεσσηνίων πόλιν ἀλλὰ καὶ τὴν Ῥηγίνων παρεσπόνδησαν, εἰκότως ἂν δόξειεν δυσαρεστεῖν. Εἰ δὲ παρὰ τοὺς ὅρκους καὶ τὰς συνθήκας ὑπολαμβάνει τις αὐτοὺς πεποιῆσθαι τὴν διάβασιν, ἀγνοεῖ προφανῶς.

XXVII Συντελεσθέντος τοίνυν τοῦ περὶ Σικελίας πολέμου ποιοῦνται συνθήκας ἄλλας, ἐν αἷς τὰ συνέχοντα τῶν ἐγγράπτων ἦν ταῦτα· ἐκχωρεῖν Καρχηδονίους (καὶ Σικελίας ἁπάσης καὶ) τῶν νήσων ἁπασῶν τῶν κειμένων Ἰταλίας μεταξὺ καὶ Σικελίας. Τὴν ἀσφάλειαν ὑπάρχειν παρ´ ἑκατέρων τοῖς ἑκατέρων συμμάχοις. Μηδετέρους ἐν ταῖς ἀλλήλων ἐπαρχίαις μηδὲν ἐπιτάττειν μηδ´ οἰκοδομεῖν δημοσίᾳ μηδὲ ξενολογεῖν μηδὲ προσλαμβάνειν εἰς φιλίαν τοὺς ἀλλήλων συμμάχους. Ἐξενεγκεῖν Καρχηδονίους ἐν ἔτεσιν δέκα δισχίλια καὶ διακόσια τάλαντα, παραυτίκα δὲ δοῦναι χίλια. Τοὺς αἰχμαλώτους χωρὶς λύτρων ἀποδοῦναι πάντας Καρχηδονίους τοῖς Ῥωμαίοις.“ μετὰ δὲ ταῦτα πάλιν, λήξαντος τοῦ Λιβυκοῦ πολέμου, Ῥωμαῖοι Καρχηδονίοις πόλεμον ἐξενέγκαντες ἕως δόγματος ἐπισυνθήκας ἐποιήσαντο τοιαύτας· ἐκχωρεῖν Καρχηδονίους Σαρδόνος καὶ προσεξενεγκεῖν ἄλλα χίλια καὶ διακόσια τάλαντα,“ καθάπερ ἐπάνω προείπαμεν. Ἐπὶ δὲ τοῖς προειρημένοις τελευταῖαι πρὸς Ἀσδρούβαν ἐν Ἰβηρίᾳ γίνονται διομολογήσεις, ἐφ´ ᾧ μὴ διαβαίνειν Καρχηδονίους ἐπὶ πολέμῳ τὸν Ἴβηρα ποταμόν.“ ταῦθ´ ὑπῆρχε τὰ δίκαια Ῥωμαίοις καὶ Καρχηδονίοις ἀπὸ τῆς ἀρχῆς ἕως εἰς τοὺς κατ´ Ἀννίβαν καιρούς.

XXVIII. Ὥσπερ οὖν τὴν εἰς Σικελίαν διάβασιν Ῥωμαίων οὐ παρὰ τοὺς ὅρκους εὑρίσκομεν γεγενημένην, οὕτως ὑπὲρ τοῦ δευτέρου πολέμου, καθ´ ὃν ἐποιήσαντο τὰς περὶ Σαρδόνος συνθήκας, οὔτε πρόφασιν οὔτ´ αἰτίαν εὕροι τις ἂν εὔλογον, ἀλλ´ ὁμολογουμένως τοὺς Καρχηδονίους ἠναγκασμένους παρὰ πάντα τὰ δίκαια διὰ τὸν καιρὸν ἐκχωρῆσαι μὲν Σαρδόνος, ἐξενεγκεῖν δὲ τὸ προειρημένον πλῆθος τῶν χρημάτων. Τὸ μὲν γὰρ ὑπὸ Ῥωμαίων περὶ τούτων λεγόμενον ἔγκλημα, διότι τοὺς παρὰ σφῶν πλοϊζομένους ἠδίκουν κατὰ τὸν Λιβυκὸν πόλεμον, ἐλύθη καθ´ οὓς καιροὺς κομισάμενοι παρὰ Καρχηδονίων ἅπαντας τοὺς κατηγμένους ἀντεδωρήσαντο χωρὶς λύτρων ἐν χάριτι τοὺς παρὰ σφίσιν ὑπάρχοντας αἰχμαλώτους. Ὑπὲρ ὧν ἡμεῖς τὰ κατὰ μέρος ἐν τῇ πρὸ ταύτης βύβλῳ δεδηλώκαμεν. Τούτων δὴ τοιούτων ὑπαρχόντων, λοιπὸν διευκρινῆσαι καὶ σκέψασθαι περὶ τοῦ κατ´ Ἀννίβαν πολέμου ποτέροις αὐτῶν τὴν αἰτίαν ἀναθετέον.

XXIX. Τὰ μὲν οὖν ὑπὸ Καρχηδονίων τότε ῥηθέντα δεδηλώκαμεν, τὰ δ´ ὑπὸ Ῥωμαίων λεγόμενα νῦν ἐροῦμεν· οἷς τότε μὲν οὐκ ἐχρήσαντο διὰ τὸν ἐπὶ τῇ Ζακανθαίων ἀπωλείᾳ θυμόν· λέγεται δὲ πολλάκις καὶ ὑπὸ πολλῶν παρ´ αὐτοῖς. Πρῶτον μὲν ὅτι τὰς πρὸς Ἀσδρούβαν γενομένας ὁμολογίας οὐκ ἀθετητέον, καθάπερ οἱ Καρχηδόνιοι λέγειν ἐθάρρουν· οὐ γὰρ προσέκειτο, καθάπερ ἐπὶ τοῦ Λυτατίου, κυρίας εἶναι ταύτας, ἐὰν καὶ τῷ δήμῳ δόξῃ τῶν Ῥωμαίων·“ ἀλλ´ αὐτοτελῶς ἐποιήσατο τὰς ὁμολογίας Ἀσδρούβας, ἐν αἷς ἦν, τὸν Ἴβηρα ποταμὸν μὴ διαβαίνειν ἐπὶ πολέμῳ Καρχηδονίους.“ καὶ μὴν ἐν ταῖς περὶ Σικελίαν συνθήκαις ἦν ἔγγραπτον, καθάπερ κἀκεῖνοί φασιν, ὑπάρχειν τοῖς ἀμφοτέρων συμμάχοις τὴν παρ´ ἑκατέρων ἀσφάλειαν,“ οὐκ αὐτοῖς μόνον τοῖς τότε συμμαχοῦσι, καθάπερ ἐποιοῦντο τὴν ἐκδοχὴν οἱ Καρχηδόνιοι· προσέκειτο γὰρ ἂν ἤτοι τὸ μὴ προσλαμβάνειν ἑτέρους συμμάχους παρὰ τοὺς ὑπάρχοντας ἢ τὸ μὴ παραλαμβάνεσθαι τοὺς ὕστερον προσληφθέντας τούτων τῶν συνθηκῶν. Ὅτε δὲ τούτων οὐδέτερον ἐγράφη, προφανὲς ἦν ὅτι πᾶσι τοῖς ἑκατέρων συμμάχοις, καὶ τοῖς οὖσι τότε καὶ τοῖς μετὰ ταῦτα προσληφθησομένοις, τὴν παρ´ ἀμφοῖν ἀσφάλειαν ἀεὶ δέον ἦν ὑπάρχειν. Ὃ δὴ καὶ πάντως ἂν εἰκὸς εἶναι δόξειεν. Οὐ γὰρ δήπου τοιαύτας ἔμελλον ποιήσεσθαι συνθήκας δι´ ὧν ἀφελοῦνται τὴν ἐξουσίαν σφῶν αὐτῶν τοῦ προσλαμβάνειν κατὰ καιρούς, ἄν τινες ἐπιτήδειοι φανῶσιν αὐτοῖς φίλοι καὶ σύμμαχοι, οὐδὲ μὴν προσλαβόντες εἰς τὴν σφετέραν πίστιν περιόψεσθαι τούτους ὑπό τινων ἀδικουμένους· ἀλλ´ ἦν ἀμφοτέρων τὸ συνέχον τῆς ἐννοίας τῆς ἐν ταῖς συνθήκαις τῶν μὲν ὑπαρχόντων ἀμφοτέροις τότε συμμάχων ἀφέξεσθαι καὶ κατὰ μηδένα τρόπον τοὺς ἑτέρους παρὰ τῶν ἑτέρων ἐπιδέξεσθαί τινας τούτων εἰς συμμαχίαν, περὶ δὲ τῶν μετὰ ταῦτα προσληφθησομένων αὐτὸ τοῦτο, μήτε ξενολογεῖν μήτ´ ἐπιτάττειν μηδετέρους μηδὲν ἐν ταῖς ἀλλήλων ἐπαρχίαις καὶ συμμαχίαις, ὑπάρχειν τε τὴν ἀσφάλειαν πᾶσι τὴν παρ´ ἀμφοῖν.

XXX. Τούτων δὴ τοιούτων ὑπαρχόντων, ὁμολογούμενον ἦν κἀκεῖνο διότι Ζακανθαῖοι πλείοσιν ἔτεσιν ἤδη πρότερον τῶν κατ´ Ἀννίβαν καιρῶν ἐδεδώκεισαν αὑτοὺς εἰς τὴν τῶν Ῥωμαίων πίστιν. Σημεῖον δὲ τοῦτο μέγιστον καὶ παρ´ αὐτοῖς τοῖς Καρχηδονίοις ὁμολογούμενον ὅτι στασιάσαντες Ζακανθαῖοι πρὸς σφᾶς οὐ Καρχηδονίοις ἐπέτρεψαν, καίπερ ἐγγὺς ὄντων αὐτῶν καὶ τὰ κατὰ τὴν Ἰβηρίαν ἤδη πραττόντων, ἀλλὰ Ῥωμαίοις καὶ διὰ τούτων ἐποιήσαντο τὴν κατόρθωσιν τῆς πολιτείας. Διόπερ εἰ μέν τις τὴν Ζακάνθης ἀπώλειαν αἰτίαν τίθησι τοῦ πολέμου, συγχωρητέον ἀδίκως ἐξενηνοχέναι τὸν πόλεμον Καρχηδονίους κατά τε τὰς ἐπὶ τοῦ Λυτατίου συνθήκας, καθ´ ἃς ἔδει τοῖς ἑκατέρων συμμάχοις τὴν ὑφ´ ἑκατέρων ὑπάρχειν ἀσφάλειαν, κατά τε τὰς ἐπ´ Ἀσδρούβου, καθ´ ἃς οὐκ ἔδει διαβαίνειν τὸν Ἴβηρα ποταμὸν ἐπὶ πολέμῳ Καρχηδονίους· εἰ δὲ τὴν Σαρδόνος ἀφαίρεσιν καὶ τὰ σὺν ταύτῃ χρήματα, πάντως ὁμολογητέον εὐλόγως πεπολεμηκέναι τὸν κατ´ Ἀννίβαν πόλεμον τοὺς Καρχηδονίους· καιρῷ γὰρ πεισθέντες ἠμύνοντο σὺν καιρῷ τοὺς βλάψαντας.

XXVI. En présence de ces traités, encore aujourd'hui conservés sur des tables d'airain, auprès de Jupiter Capitolin, dans le trésor des édiles, qui ne s'étonnerait justement de voir Philénus, je ne dis pas ignorer ces pièces (il n'y aurait rien de surprenant dans cette igno- 201 rance , partagée de nos jours par de vieux Romains et par de vieux Carthaginois, qui passaient cependant pour fort versés dans les affaires de leur pays ), mais avancer, je ne sais à quel titre et de quel droit, le contraire de ce qu'elles contiennent, et dire, par exemple, qu'il existait entre Rome et Carthage un pacte aux termes duquel toute la Sicile était fermée aux Romains, et aux Carthaginois l'Italie, et que les Romains foulèrent aux pieds les traités et leurs serments, en passant en Sicile, quand il n'y a jamais eu, et qu'il n'y a pas aujourd'hui trace d'une telle convention ? Cependant Philénus le prétend formellement dans son second livre. Du reste, dans notre préface, alors que nous vantions ces faits, nous nous étions réservé de revenir en détail sur cette question à propos de cette circonstance, parce que bon nombre de lecteurs, pour avoir ajouté foi à Philénus, ont eu à ce sujet de très-fausses idées. Que Ton reproche aux Romains leur descente en Sicile, qu'on les blâme d'avoir accepté l'amitié des Mamertins, d'avoir même accordé des secours à la prière de ces brigands qui s'étaient traîtreusement emparés de Messine et de Rhégium, rien de plus légitime ; mais dire que ce fut au mépris des serments et des traités qu'ils pénétrèrent en Sicile, c'est tomber dans une grossière erreur.

XXVII. Après la guerre de Sicile, fut fait un nouveau traité dont les principales clauses étaient : « Les Carthaginois évacueront la Sicile et toutes les îles situées entre la Sicile et l'Italie : sûreté est garantie par les deux républiques contractantes à leurs mutuels alliés ; toutes deux promettent de ne prétendre à aucun empire sur leurs possessions réciproques, de ne bâtir aucun monument public, de ne lever aucune troupe de mercenaires, de ne rechercher jamais l'amitié des peuples alliés à l'une d'elles. Les Carthaginois, en dix ans, payeront deux mille deux cents talents, mille comptant. Enfin ils rendront aux 202 Romains tous leurs prisonniers sans rançon. » Un peu plus tard, après la révolte des mercenaires, les Romains décrétèrent, on le sait, la guerre contre Carthage, et alors fut ajouté au traité comme appendice : « Les Carthaginois sortiront de la Sardaigne et payeront en outre deux cents autres talents. » Nous avons déjà donné plus haut ce détail. Enfin, le dernier traité fut celui d'Hasdrubal en Espagne, par lequel il promettait que les Carthaginois ne porteraient pas la guerre au delà de l'Èbre. Telles furent toutes les conventions conclues entre Rome et Carthage depuis les plus anciens temps jusqu'à l'époque d'Annibal,

XXVIII. La conséquence de tout ceci est que si nous ne pouvons accorder que la descente en Sicile ait été contraire aux serments, on ne saurait non plus donner aucune cause solide, aucun motif valable de la seconde guerre qui suivit le traité concernant la Sardaigne. Les Carthaginois ne cédèrent évidemment qu'à la force des circonstances, lorsqu'au mépris de toute justice ils durent abandonner cette île, et payer l'énorme tribut dont nous avons parlé. Quant à ce grief invoqué par les Romains, que les Carthaginois, durant la guerre des mercenaires, maltraitèrent plus d'une fois quelques-uns de leurs marchands, cette injure ne fut-elle pas effacée alors que Rome reçut de Carthage tous les équipages conduits dans les ports africains, et que par reconnaissance elle lui rendit tous les captifs sans rançon ? Reste maintenant à décider, après mûr examen, sur qui doit retomber la responsabilité de la guerre d'Annibal.

XXIX. Nous avons exposé les raisons fournies pour leur défense par les Carthaginois. Voyons maintenant la réponse des Romains, non pas qu'ils en aient fait une alors, irrités qu'ils étaient de la destruction de Sagonte ; mais à Rome, bien des gens discutent encore souvent cette question. D'abord, dit-on, il ne fallait pas déclarer nulles les conventions conclues avec Hasdrubal, comme les Carthaginois avaient osé le faire , car il n'y avait pas 203 dans ce traité comme dans celui de Lutatius cette clause spéciale : « Que le traité ne serait valable qu'avec l'assentiment du peuple romain. » Hasdrubal avait positivement signé des conditions parmi lesquelles était celle-ci : « Les Carthaginois ne feront pas la guerre au delà de l'Èbre. » Dans le traité concernant la Sicile, on lisait, de l'aveu même des Carthaginois, cette convention toute particulière : « Sûreté est garantie par les deux républiques contractantes à leurs mutuels alliés. » Or, il ne s'agissait pas seulement des alliés actuels, comme le prétendaient les Carthaginois : sans cela, n'aurait-on pas ajouté au texte quelques lignes comme celles-ci : « Défense est faite aux deux parties d'ajouter de nouvelles alliances aux anciennes, » ou bien encore : « Les alliés qu'on fera après le traité n'y seront pas compris. » Mais rien de semblable ne s'y trouve, et par là il est manifeste que cette promesse de sûreté était faite, non pas seulement aux alliés que ces républiques pouvaient avoir alors, mais aussi à ceux qu'elles pourraient plus tard acquérir. La vraisemblance, d'ailleurs, est pour cette opinion. Jamais ni Rome ni Carthage n'auraient souscrit à un traité qui leur eût enlevé la faculté d'attacher à leur cause, suivant les circonstances, les peuples qui pouvaient se donner à elles comme d'utiles alliés et de fidèles amis, ou qui les eût contraintes, après avoir accepté leurs services, de négliger le soin de leurs injures. La pensée dominante des deux peuples dans le traité était qu'ils respectassent mutuellement leurs alliés, et que par aucune manœuvre l'un ne cherchât à attirer à soi les alliés de l'autre. Les alliances avenir étaient prévues par cet article spécial : « Les deux parties contractantes s'engagent à de lever aucune troupe de mercenaires, à n'exercer aucun empire sur leurs possessions réciproques et celles de leurs alliés : à tous est garantie sûreté pleine et entière. »

XXX. Tel est l'état exact des choses, et il n*est pas moins incontestable que les Sagontins, plus de vingt 204 ans avant qu'Annibal ne parût, se mirent sous la protection des Romains. Une preuve imposante de ce fait, et reconnue par les Carthaginois eux-mêmes , c'est que les Sagontins, tourmentés par quelques dissensions intestines , ne s'adressèrent point aux Carthaginois, leurs voisins, et déjà maîtres de l'Espagne, mais aux Romains, et rétablirent par leur intervention le calme dans leur république. Si donc on regarde la destruction de Sagonte comme la cause de la guerre, avouons que les Carthaginois ont commencé les hostilités contre toute justice, au mépris du traité de Lutatius, qui promettait sûreté pleine et entière aux alliés des deux républiques , au mépris de celui d'Hasdrubal, par lequel ils s'engageaient à ne pas faire la guerre au delà de l'Èbre. Veut-on imputer la guerre à l'occupation de la Sardaigne par les Romains, et à l'augmentation du tribut imposé à Carthage? Dès lors il faut dire que les Carthaginois coururent justement aux armes sous les ordres d'Annibal ; ils ne faisaient que, l'occasion se présentant, en profiter pour se venger d'une ancienne injure.

XXXI.  Ἔνιοι δὲ τῶν ἀκρίτως τὰ τοιαῦτα θεωμένων τάχ´ ἂν φήσαιεν ἡμᾶς οὐκ ἀναγκαίως ἐπὶ πλεῖον ἐξακριβοῦν τοὺς ὑπὲρ τῶν τοιούτων λόγους. Ἐγὼ δ´, εἰ μέν τις ὑπείληφεν πρὸς πᾶσαν περίστασιν αὐτάρκης ὑπάρχειν, καλὴν μέν, οὐκ ἀναγκαίαν δ´ ἴσως φήσαιμ´ ἂν εἶναι τὴν τῶν προγεγονότων ἐπιστήμην· εἰ δὲ μηδεὶς ἂν μήτε περὶ τῶν κατ´ ἰδίαν μήτε περὶ τῶν κοινῶν τολμήσαι τοῦτ´ εἰπεῖν ἄνθρωπος ὢν διὰ τό, κἂν κατὰ τὸ παρὸν εὐτυχῇ, τήν γε περὶ τοῦ μέλλοντος ἐλπίδα μηδὲν ἂν ἐκ τῶν νῦν παρόντων εὐλόγως βεβαιώσασθαι μηδένα τῶν νοῦν ἐχόντων, οὐ μόνον καλήν, ἔτι δὲ μᾶλλον ἀναγκαίαν εἶναί φημι διὰ ταῦτα τὴν τῶν παρεληλυθότων ἐπίγνωσιν. Πῶς γὰρ ἂν εἴτ´ αὐτὸς ἀδικούμενός τις ἢ τῆς πατρίδος ἀδικουμένης βοηθοὺς εὕροι καὶ συμμάχους, εἴτε κτήσασθαί τι καὶ προκατάρξασθαι σπουδάζων τοὺς συνεργήσοντας αὐτῷ παρορμήσαι πρὸς τὰς ἐπιβολάς; πῶς δ´ ἂν εὐδοκούμενος τοῖς ὑποκειμένοις τοὺς βεβαιώσοντας τὴν αὐτοῦ προαίρεσιν καὶ διαφυλάξοντας τὴν κατάστασιν παροξύναι δικαίως, εἰ μηδὲν εἰδείη τῆς τῶν προγεγονότων περὶ ἑκάστους ὑπομνήσεως; πρὸς μὲν γὰρ τὸ παρὸν ἀεί πως ἁρμοζόμενοι καὶ συνυποκρινόμενοι τοιαῦτα καὶ λέγουσι καὶ πράττουσι πάντες ὥστε δυσθεώρητον εἶναι τὴν ἑκάστου προαίρεσιν καὶ λίαν ἐν πολλοῖς ἐπισκοτεῖσθαι τὴν ἀλήθειαν. Τὰ δὲ παρεληλυθότα τῶν ἔργων, ἐξ αὐτῶν τῶν πραγμάτων λαμβάνοντα τὴν δοκιμασίαν, ἀληθινῶς ἐμφαίνει τὰς ἑκάστων αἱρέσεις καὶ διαλήψεις καὶ δηλοῖ παρ´ οἷς μὲν χάριν, εὐεργεσίαν, βοήθειαν ἡμῖν ὑπάρχουσαν, παρ´ οἷς δὲ τἀναντία τούτων. Ἐξ ὧν καὶ τὸν ἐλεήσοντα καὶ τὸν συνοργιούμενον, ἔτι δὲ τὸν δικαιώσοντα, πολλάκις καὶ ἐπὶ πολλῶν εὑρεῖν ἔστιν. Ἅπερ ἔχει μεγίστας ἐπικουρίας καὶ κοινῇ καὶ κατ´ ἰδίαν πρὸς τὸν ἀνθρώπινον βίον. Διόπερ οὐχ οὕτως ἐστὶ φροντιστέον τῆς αὐτῶν τῶν πράξεων ἐξηγήσεως οὔτε τοῖς γράφουσιν οὔτε τοῖς ἀναγινώσκουσιν τὰς ἱστορίας, ὡς τῶν πρότερον καὶ τῶν ἅμα καὶ τῶν ἐπιγινομένων τοῖς ἔργοις. Ἱστορίας γὰρ ἐὰν ἀφέλῃ τις τὸ διὰ τί καὶ πῶς καὶ τίνος χάριν ἐπράχθη τὸ πραχθὲν καὶ πότερον εὔλογον ἔσχε τὸ τέλος, τὸ καταλειπόμενον αὐτῆς ἀγώνισμα μὲν μάθημα δ´ οὐ γίνεται, καὶ παραυτίκα μὲν τέρπει, πρὸς δὲ τὸ μέλλον οὐδὲν ὠφελεῖ τὸ παράπαν.

XXXII. Ἧι καὶ τοὺς ὑπολαμβάνοντας δύσκτητον εἶναι καὶ δυς(ανά)γνωστον τὴν ἡμετέραν πραγματείαν διὰ τὸ πλῆθος καὶ τὸ μέγεθος τῶν βύβλων ἀγνοεῖν νομιστέον. Πόσῳ γὰρ ῥᾷόν ἐστι καὶ κτήσασθαι καὶ δια(να)γνῶναι βύβλους τετταράκοντα καθαπερανεὶ κατὰ μίτον ἐξυφασμένας καὶ παρακολουθῆσαι σαφῶς ταῖς μὲν κατὰ τὴν Ἰταλίαν καὶ Σικελίαν καὶ Λιβύην πράξεσιν ἀπὸ τῶν κατὰ Πύρρον {καὶ Τίμαιον συγγραφέων καὶ καιρῶν ἐξηγήσεως} εἰς τὴν Καρχηδόνος ἅλωσιν, ταῖς δὲ κατὰ τὴν ἄλλην οἰκουμένην ἀπὸ τῆς Κλεομένους τοῦ Σπαρτιάτου φυγῆς κατὰ τὸ συνεχὲς μέχρι τῆς Ἀχαιῶν καὶ Ῥωμαίων περὶ τὸν Ἰσθμὸν παρατάξεως, ἢ τὰς τῶν κατὰ μέρος γραφόντων συντάξεις ἀναγινώσκειν ἢ κτᾶσθαι; χωρὶς γὰρ τοῦ πολλαπλασίους αὐτὰς ὑπάρχειν τῶν ἡμετέρων ὑπομνημάτων, οὐδὲ καταλαβεῖν ἐξ αὐτῶν βεβαίως οὐδὲν οἷόν τε τοὺς ἀναγινώσκοντας, πρῶτον μὲν διὰ τὸ τοὺς πλείστους μὴ ταὐτὰ περὶ τῶν αὐτῶν γράφειν, εἶτα διὰ τὸ τὰς καταλλήλους τῶν πράξεων παραλείπειν, ὧν ἐκ παραθέσεως συνθεωρουμένων καὶ συγκρινομένων ἀλλοιοτέρας ἕκαστα τυγχάνει δοκιμασίας τῆς κατὰ μέρος διαλήψεως, τῶν δὲ κυριωτάτων μηδὲ ψαύειν αὐτοὺς δύνασθαι τὸ παράπαν. Ἀκμὴν γάρ φαμεν ἀναγκαιότατα μέρη τῆς ἱστορίας εἶναι τά τ´ ἐπιγινόμενα τοῖς ἔργοις καὶ τὰ παρεπόμενα καὶ μάλιστα (τὰ) περὶ τὰς αἰτίας. Θεωροῦμεν δὲ τὸν μὲν Ἀντιοχικὸν πόλεμον ἐκ τοῦ Φιλιππικοῦ τὰς ἀφορμὰς εἰληφότα, τὸν δὲ Φιλιππικὸν ἐκ τοῦ κατ´ Ἀννίβαν, τὸν δ´ Ἀννιβιακὸν ἐκ τοῦ περὶ Σικελίαν, τὰ δὲ μεταξὺ τούτων πολλὰς καὶ ποικίλας ἐσχηκότα διαθέσεις, πάσας δὲ συννευούσας πρὸς τὴν αὐτὴν ὑπόθεσιν. Ταῦτα δὴ πάντα διὰ μὲν τῶν γραφόντων καθόλου δυνατὸν ἐπιγνῶναι καὶ μαθεῖν, διὰ δὲ τῶν τοὺς πολέμους αὐτούς, οἷον (τὸν) Περσικὸν ἢ τὸν Φιλιππικόν, ἀδύνατον, εἰ μὴ καὶ τὰς παρατάξεις τις ἀναγινώσκων αὐτὰς ἐξ ὧν ἐκεῖνοι γράφουσιν ὑπολαμβάνει σαφῶς ἐπεγνωκέναι καὶ τὴν τοῦ πολέμου τοῦ σύμπαντος οἰκονομίαν καὶ διάθεσιν. Ἀλλ´ οὐκ ἔστι τούτων οὐδέν, ἀλλ´ ὅσῳ διαφέρει τὸ μαθεῖν τοῦ μόνον ἀκοῦσαι, τοσούτῳ καὶ τὴν ἡμετέραν ἱστορίαν ὑπολαμβάνω διαφέρειν τῶν ἐπὶ μέρους συντάξεων.

XXXIII. Οἱ δὲ παρὰ τῶν Ῥωμαίων πρέσβεις — τὴν γὰρ παρέκβασιν ἐντεῦθεν ἐποιησάμεθα — διακούσαντες τὰ παρὰ τῶν Καρχηδονίων ἄλλο μὲν οὐδὲν εἶπαν, ὁ δὲ πρεσβύτατος αὐτῶν δείξας τοῖς ἐν τῷ συνεδρίῳ τὸν κόλπον ἐνταῦθα καὶ τὸν πόλεμον αὐτοῖς ἔφη καὶ τὴν εἰρήνην φέρειν· ἐκβαλὼν οὖν, ὁπότερον ἂν κελεύσωσιν, ἀπολείψειν. Ὁ δὲ βασιλεὺς τῶν Καρχηδονίων, ὁπότερον αὐτοῖς φαίνεται, τοῦτ´ ἐκβαλεῖν ἐκέλευσε. Τοῦ δὲ Ῥωμαίου φήσαντος τὸν πόλεμον ἐκβαλεῖν, ἀνεφώνησαν ἅμα καὶ πλείους τῶν ἐκ τοῦ συνεδρίου, δέχεσθαι φάσκοντες. Οἱ μὲν οὖν πρέσβεις καὶ τὸ συνέδριον ἐπὶ τούτοις ἐχωρίσθησαν. Ἀννίβας δὲ παραχειμάζων ἐν Καινῇ πόλει πρῶτον μὲν διαφῆκε τοὺς Ἴβηρας ἐπὶ τὰς ἑαυτῶν πόλεις, βουλόμενος ἑτοίμους καὶ προθύμους παρασκευάζειν πρὸς τὸ μέλλον. Δεύτερον δ´ Ἀσδρούβᾳ τἀδελφῷ διέταξε πῶς δεήσει τῇ τε τῶν Ἰβήρων ἀρχῇ καὶ δυναστείᾳ χρῆσθαι ταῖς τε πρὸς Ῥωμαίους παρασκευαῖς, ἐὰν αὐτὸς χωρίζηταί που. Τρίτον ὑπὲρ τῆς ἀσφαλείας τῶν ἐν Λιβύῃ προυνοεῖτο πραγμάτων. Πάνυ δ´ ἐμπείρως καὶ φρονίμως ἐκλογιζόμενος ἐκ μὲν Λιβύης εἰς Ἰβηρίαν, ἐκ δ´ Ἰβηρίας εἰς Λιβύην διεβίβαζε στρατιώτας, ἐκδεσμεύων τὴν ἑκατέρων πίστιν εἰς ἀλλήλους διὰ τῆς τοιαύτης οἰκονομίας. Ἦσαν δ´ οἱ διαβάντες εἰς τὴν Λιβύην Θερσῖται, Μαστιανοί, πρὸς δὲ τούτοις Ὀρῆτες Ἴβηρες, Ὀλκάδες, οἱ δὲ σύμπαντες ἀπὸ τούτων τῶν ἐθνῶν ἱππεῖς μὲν χίλιοι διακόσιοι, πεζοὶ δὲ μύριοι τρισχίλιοι ὀκτακόσιοι πεντήκοντα, πρὸς δὲ τούτοις Βαλιαρεῖς (ὀκτακόσιοι ἑβδομήκοντα), οὓς κυρίως μὲν καλοῦσι σφενδονήτας, ἀπὸ δὲ τῆς χρείας ταύτης συνωνύμως καὶ τὸ ἔθνος αὐτῶν προσαγορεύουσι καὶ τὴν νῆσον. Τῶν δὲ προειρημένων τοὺς μὲν πλείους εἰς τὰ Μεταγώνια τῆς Λιβύης, τινὰς δ´ εἰς αὐτὴν Καρχηδόνα κατέταξεν. Ἀπὸ δὲ τῶν πόλεων τῶν Μεταγωνιτῶν καλουμένων ἀπέστειλεν ἄλλους εἰς Καρχηδόνα πεζοὺς τετρακισχιλίους, ὁμηρείας ἔχοντας καὶ βοηθείας ἅμα τάξιν. Ἐπὶ δὲ τῆς Ἰβηρίας ἀπέλιπεν Ἀσδρούβᾳ τἀδελφῷ πεντήρεις μὲν πεντήκοντα, τετρήρεις δὲ δύο καὶ τριήρεις πέντε· τούτων ἐχούσας πληρώματα πεντήρεις μὲν τριάκοντα δύο, τριήρεις δὲ πέντε. Καὶ μὴν ἱππεῖς Λιβυφοινίκων μὲν καὶ Λιβύων τετρακοσίους πεντήκοντα, Λεργητῶν δὲ τριακοσίους, Νομάδων δὲ Μασυλίων καὶ Μασαισυλίων καὶ Μακκοίων καὶ Μαυρουσίων τῶν παρὰ τὸν Ὠκεανὸν χιλίους ὀκτακοσίους, πεζοὺς δὲ Λιβύων μυρίους χιλίους ὀκτακοσίους πεντήκοντα, Λιγυστίνους τριακοσίους, Βαλιαρεῖς πεντακοσίους, ἐλέφαντας εἴκοσι καὶ ἕνα. Οὐ χρὴ δὲ θαυμάζειν τὴν ἀκρίβειαν τῆς ἀναγραφῆς, εἰ τοιαύτῃ κεχρήμεθα περὶ τῶν ὑπ´ Ἀννίβου κατ´ Ἰβηρίαν πεπραγμένων οἵᾳ μόλις ἂν χρήσαιτό τις αὐτὸς κεχειρικὼς τὰς κατὰ μέρος πράξεις, οὐδὲ προκαταγινώσκειν, εἰ πεποιήκαμεν παραπλήσιον τοῖς ἀξιοπίστως ψευδομένοις τῶν συγγραφέων. Ἡμεῖς γὰρ εὑρόντες ἐπὶ Λακινίῳ τὴν γραφὴν ταύτην ἐν χαλκώματι κατατεταγμένην ὑπ´ Ἀννίβου, καθ´ οὓς καιροὺς ἐν τοῖς κατὰ τὴν Ἰταλίαν τόποις ἀνεστρέφετο, πάντως ἐνομίσαμεν αὐτὴν περί γε τῶν τοιούτων ἀξιόπιστον εἶναι· διὸ καὶ κατακολουθεῖν εἱλόμεθα τῇ γραφῇ ταύτῃ.

XXXIV. Ἀννίβας δὲ πάντα προνοηθεὶς περὶ τῆς ἀσφαλείας τῶν τε κατὰ Λιβύην πραγμάτων καὶ τῶν ἐν Ἰβηρίᾳ λοιπὸν ἐκαραδόκει καὶ προσεδέχετο τοὺς παρὰ τῶν Κελτῶν πρὸς αὐτὸν ἀποστελλομένους· σαφῶς γὰρ ἐξητάκει καὶ τὴν ἀρετὴν τῆς ὑπὸ τὰς Ἄλπεις καὶ περὶ τὸν Πάδον ποταμὸν χώρας καὶ τὸ πλῆθος τῶν κατοικούντων αὐτήν, ἔτι δὲ τὴν πρὸς τοὺς πολέμους τῶν ἀνδρῶν τόλμαν, καὶ τὸ μέγιστον, τὴν ὑπάρχουσαν δυσμένειαν αὐτοῖς ἐκ τοῦ προγεγονότος πολέμου πρὸς Ῥωμαίους, ὑπὲρ οὗ διήλθομεν ἡμεῖς ἐν τῇ πρὸ ταύτης βύβλῳ χάριν τοῦ συμπεριφέρεσθαι τοὺς ἐντυγχάνοντας τοῖς νῦν μέλλουσι λέγεσθαι. Διόπερ εἴχετο ταύτης τῆς ἐλπίδος καὶ πᾶν ὑπισχνεῖτο, διαπεμπόμενος ἐπιμελῶς πρὸς τοὺς δυνάστας τῶν Κελτῶν καὶ τοὺς ἐπὶ τάδε καὶ τοὺς ἐν αὐταῖς ταῖς Ἄλπεσιν ἐνοικοῦντας, μόνως ἂν ὑπολαμβάνων ἐν Ἰταλίᾳ συστήσασθαι τὸν πρὸς Ῥωμαίους πόλεμον, εἰ δυνηθείη διαπεράσας τὰς πρὸ τοῦ δυσχωρίας εἰς τοὺς προειρημένους ἀφικέσθαι τόπους καὶ συνεργοῖς καὶ συμμάχοις χρήσασθαι Κελτοῖς εἰς τὴν προκειμένην ἐπιβολήν. Ἀφικομένων δὲ τῶν ἀγγέλων καὶ τήν τε τῶν Κελτῶν βούλησιν καὶ προσδοκίαν ἀπαγγειλάντων τήν τε τῶν Ἀλπεινῶν ὀρῶν ὑπερβολὴν ἐπίπονον μὲν καὶ δυσχερῆ λίαν, οὐ μὴν ἀδύνατον εἶναι φασκόντων, συνῆγε τὰς δυνάμεις ἐκ τῆς παραχειμασίας ὑπὸ τὴν ἐαρινὴν ὥραν. Προσπεπτωκότων δὲ προσφάτως αὐτῷ καὶ τῶν ἐκ τῆς Καρχηδόνος, ἐπαρθεὶς τῷ θυμῷ καὶ πιστεύων τῇ τῶν πολιτῶν εὐνοίᾳ παρεκάλει τὰς δυνάμεις φανερῶς ἤδη πρὸς τὸν κατὰ Ῥωμαίων πόλεμον, ἐμφανίζων μὲν ὃν τρόπον ἔκδοτον αὐτὸν ἐγχειρήσαιεν αἰτεῖσθαι Ῥωμαῖοι καὶ πάντας τοὺς τοῦ στρατοπέδου προεστῶτας, ὑποδεικνύων δὲ τὴν τῆς χώρας ἀρετήν, εἰς ἣν ἀφίξονται, καὶ τὴν τῶν Κελτῶν εὔνοιαν καὶ συμμαχίαν. Εὐθύμως δὲ τῶν ὄχλων αὐτῷ συνεξισταμένων, ἐπαινέσας καὶ παραγγείλας τακτὴν ἡμέραν, ἐν ᾗ ποιήσεται τὴν ἔξοδον, τότε μὲν διέλυσε τὴν ἐκκλησίαν.

XXXV. Ἐπιτελέσας δὲ τὰ προειρημένα κατὰ τὴν παραχειμασίαν καὶ παρασκευάσας ἱκανὴν ἀσφάλειαν τοῖς τε κατὰ τὴν Λιβύην καὶ τοῖς ἐν Ἰβηρίᾳ πράγμασι, παραγενομένης τῆς ταχθείσης ἡμέρας, προῆγε, πεζῶν μὲν ἔχων εἰς ἐννέα μυριάδας, ἱππεῖς δὲ περὶ μυρίους καὶ δισχιλίους. Καὶ διαβὰς τὸν Ἴβηρα ποταμὸν κατεστρέφετο τό τε τῶν Ἰλουργητῶν ἔθνος καὶ Βαργουσίων ἔτι δὲ τοὺς Αἰρηνοσίους καὶ τοὺς Ἀνδοσίνους μέχρι τῆς προσαγορευομένης Πυρήνης. Ποιησάμενος δὲ πάντας ὑφ´ ἑαυτὸν καί τινας πόλεις κατὰ κράτος ἑλών, ταχέως μὲν καὶ παρ´ ἐλπίδα, μετὰ πολλῶν δὲ καὶ μεγάλων ἀγώνων ἔτι δὲ πολλῆς καταφθορᾶς ἀνδρῶν, ἡγεμόνα μὲν ἐπὶ πάσης κατέλιπε τῆς ἐπὶ τάδε τοῦ ποταμοῦ χώρας Ἄννωνα, τῶν δὲ Βαργουσίων καὶ δεσπότην· μάλιστα γὰρ τούτοις ἠπίστει διὰ τὴν πρὸς Ῥωμαίους εὔνοιαν. Ἀπεμέρισε δὲ καὶ τῆς δυνάμεως ἧς εἶχε τῷ μὲν Ἄννωνι πεζοὺς μυρίους ἱππεῖς δὲ χιλίους καὶ τὰς ἀποσκευὰς ἀπέλιπε τούτῳ τῶν αὐτῷ συνεξορμώντων. Εἰς δὲ τὴν οἰκείαν ἀπέλυσε τοὺς ἴσους τοῖς προειρημένοις, βουλόμενος αὐτούς τε τούτους εὔνους ἀπολιπεῖν, τοῖς τε λοιποῖς ὑποδεικνύων ἐλπίδα τῆς εἰς οἶκον ἐπανόδου καὶ τοῖς μεθ´ ἑαυτοῦ μὲν στρατευομένοις, οὐχ ἧττον δὲ καὶ τοῖς ἐν οἴκῳ μένουσι τῶν Ἰβήρων, ἵνα προθύμως ἐξορμῶσι πάντες, ἄν ποτέ τις ἐπικουρίας χρεία γένηται παρ´ αὐτῶν. Τὴν δὲ λοιπὴν στρατιὰν ἀναλαβὼν εὔζωνον πεζοὺς μὲν πεντακισμυρίους ἱππεῖς δὲ πρὸς ἐννακισχιλίους ἦγεν διὰ τῶν Πυρηναίων λεγομένων ὀρῶν ἐπὶ τὴν τοῦ Ῥοδανοῦ καλουμένου ποταμοῦ διάβασιν, ἔχων οὐχ οὕτως πολλὴν δύναμιν ὡς χρησίμην καὶ γεγυμνασμένην διαφερόντως ἐκ τῆς συνεχείας τῶν κατὰ τὴν Ἰβηρίαν ἀγώνων.

XXXI. Peut-être quelques lecteurs, appréciant mal la valeur de telles questions, diront-ils qu'il n'était pas fort utile d'entrer en de si petits détails. Sans doute, s'il est un homme qui croie avoir en lui, pour tenir bon dans toutes les circonstances de la vie, des ressources suffisantes, l'étude des événements passés, en restant belle encore, n'est plus essentielle. Mais comme il n'est personne qui, étant de ce monde, ait le droit de tenir un tel langage pour ses propres affaires ou pour celles de l'État, parce que, quelle que soit la prospérité présente dont on jouisse, on ne peut sagement bâtir là-dessus de solides espérances pour l'avenir, l'histoire n'est pas seulement belle, elle est surtout nécessaire. Comment , pour réparer les injustices faites à notre patrie ou à nous-mêmes, trouver des alliés, des soutiens ? Comment, pour faire quelques conquêtes nouvelles, 205  pour tenter quelques desseins, nous procurer des hommes prêts à nous secourir et à agir ? comment enfin , si nous nous estimons heureux de la condition où nous sommes , exciter de généreux appuis à nous conserver ce bonheur, et à nous en assurer la jouissance, sans la connaissance préalable des événements accomplis chez chacun d'eux? En effet, les hommes savent si bien accommoder leur humeur aux circonstances présentes, et dans leur langage comme dans leurs actions sont hypocrites si habiles qu'il est difficile de pénétrer leurs pensées, et que chez la plupart un voile épais couvre la vérité. Mais l'histoire des faits passés, qu'on peut apprécier par leurs résultats mêmes, met dans toute leur lumière les idées, les sentiments de chacun, et marque bien chez qui nous devons rencontrer bienveillance, secours, protection, ou trouver des dispositions contraires. Par elle encore il nous est donné d'apprécier où il y aura pitié pour nos malheurs, sympathie pour nos colères, désir de venger nos injures : appréciation si utile pour les particuliers comme pour les républiques. Aussi, l'attention de l'écrivain comme du lecteur doit en histoire moins porter sur le récit des faits eux-mêmes que sur les circonstances qui les ont précédés, ou accompagnés ou suivis. Retranchez de l'histoire l'étude des causes, des moyens, du but des entreprises humaines , et le soin d'examiner si chacune a eu le succès que l'on devait attendre, que reste-t-il ? un exercice littéraire, non plus un enseignement ; c'est un jeu d'esprit fait pour flatter un instant l'oreille, mais sans résultat pour l'avenir.

XXXII. Quant à supposer qu'il sera difficile de se procurer et de lire notre histoire à cause du nombre et de l'étendue des livres, c'est là une erreur évidente. Combien, en effet, il sera plus commode d'acheter et de lire quarante livres, je dirai presque ourdis d'une seule trame, et y suivre sans interruption, d'un côté, l'histoire de l'Italie, de la Sicile et de l'Afrique, depuis 206 l'époque de Pyrrhus, où s'arrête Timée, jusqu'à la prise de Carthage, et de l'autre, celle du monde entier, depuis la défaite de Cléomène, roi de Sparte, jusqu'à la bataille des Romains et des Grecs, près de l'Isthme, que d'acquérir et de lire les œuvres consacrées à chacune de ces époques isolément ? Outre que cette collection est beaucoup plus volumineuse que notre ouvrage, le lecteur est de plus condamné à n'en tirer aucune notion positive. D'abord , la plupart de ces écrivains ne s'accordent pas sur les mêmes choses, puis ils passent sous silence des faits de même date et par la comparaison et le parallèle de ces faits entre eux, on arrive à une appréciation tout autre que celle où nous conduit un récit partiel. Enfin ces écrivains ne peuvent abonder ce qu'il y a de plus important dans l'histoire. Nous disions tout à l'heure que l'étude la plus essentielle de l'historien était de connaître au juste les suites, les circonstances et surtout les causes des faits. C'est ainsi que nous voyons la guerre d'Antiochus naître de la guerre de Philippe, celle-ci venir de la guerre d'Annibal, et cette dernière sortir de la guerre de Sicile ; que nous voyons les événements intermédiaires, quels qu'en soient le nombre et la diversité, se rapporter à la même fin. Or, ce sont des idées que l'on peut puiser et recueillir dans les histoires générales, mais que ne sauraient fournir ceux qui écrivent séparément quelques guerres, telles que celle de Persée ou de Philippe, à moins qu'en lisant le seul récit qu'ils nous font des batailles , on ne se flatte de savoir la suite et l'économie de la guerre. Non , il n'en est rien : et autant la science est supérieure à de vagues données, autant, je l'espère, mon œuvre l'est à des histoires particulières.

XXXIII. Les ambassadeurs romains, après avoir entendu l'apologie des Carthaginois (c'est là que nous avons commencé notre digression), ne répondirent rien; mais le plus âgé d'entre eux, montrant aux sénateurs un des plis de sa robe, leur dit qu'il apportait là  207 pour eux la paix ou la guerre, et qu'il en ferait tomber l'une ou l'autre, suivant leur désir. Le suffète des Carthaginois répondit qu'il n'avait qu'à faire tomber celle que Rome voulait : le Romain déclara que c'était la guerre, et alors la plupart des sénateurs s'écrièrent qu'il l'acceptaient; après quoi le sénat et les députés se séparèrent. Cependant Annibal était en quartier d'hiver à Carthagène. Il commença par renvoyer tous les Espagnols dans leurs villes, afin de s'assurer de leur zèle et de leur dévouement pour l'avenir; puis il traça à son frère Hasdrubal comment il devait gouverner l'Espagne , et user de ses moyens de défense contre les Romains, s'il arrivait qu'il se séparât de lui. Enfin, il pourvut à la sûreté de l'Afrique. Par une adroite et intelligente combinaison, il fit passer les soldats d'Afrique en Espagne, et ceux d'Espagne en Afrique ; et ainsi enchaîna les deux peuples dans les liens d'une mutuelle fidélité. Les peuplades envoyées en Afrique furent les Tbersites, les Mastiens, les Ibères montagnards et les Olcades, Elles formaient en tout douze cents cavaliers et treize mille huit cent cinquante fantassins. Ajoutons à cela les Baléares, proprement dits frondeurs, à qui l'usage de la fronde a mérité ce nom, aussi bien qu'à leur ile. Ces troupes pour la plupart furent cantonnées dans la Métagonie, en Afrique ; les autres furent envoyées à Carthage, Des villes mêmes de la Métagonie Annibal fit partir pour Carthage quatre mille fantassins, comme auxiliaires et comme otages à la fois. Enfin, il laissa en Espagne, à son frère Hasdrubal, cinquante vaisseaux à cinq rangs, deux à quatre, et cinq à trois. Les équipages n'étaient complets que sur trente-deux quinquérèmes et sur les cinq trirèmes. De plus il lui donna en cavalerie trois cent cinquante Libyens ou Libypbéniciens, trois cents Ilergètes, dix-huit cents hommes levés chez les Numides, les Massyliens, les Massesyliens, les Maccéens, les Mauritaniens, peuple situé sur les bords de l'Océan; et en infanterie, onze mille huit 208 cent cinquante Libyens ; trois cents Liguriens et cinq cents Baléares, vingt et un éléphants. Qu'on ne s'étonne pas de nous voir apporter dans ces détails, sur ce que fit Annibal en Espagne, une exactitude qu'on pourrait à peine attendre de celui même qui aurait mis la main à toutes ces affaires ; qu'on ne nous condamne pas enfin d'avance, si nous semblons faire ici le métier de ces historiens qui donnent à leurs mensonges toutes les couleurs de la vérité. Ayant trouvé à Licinium, sur une table d'airain, cette énumération rédigée par les ordres d'Annibal à l'époque où il était en Italie, nous avons cru pouvoir la considérer comme authentique et pris le parti de nous y conformer.

XXXIV. Annibal, après avoir ainsi pourvu en tout à la sûreté de l'Afrique et de l'Espagne, attendit avec impatience l'arrivée des courriers qui devaient lui venir de la Gaule ; car il avait demandé des détails positifs sur la fertilité des campagnes situées aux pieds des Alpes et autour du Pô, sur la population de ces contrées, sur l'ardeur guerrière des habitants, et avant tout sur la haine qu'ils nourrissaient contre les Romains depuis cette guerre dont nous avons parlé dans le livre précédent, afin de disposer nos lecteurs aux événements qui vont suivre. C'est surtout de ce côté que se portait l'espérance d'Annibal. Aussi n'était-il rien qu'il ne promît par ses ambassades empressées auprès des chefs gaulois qui habitaient en deçà et au milieu des Alpes, tant il était convaincu de ne pouvoir soutenir la guerre contre Rome en Italie, que si, après avoir triomphé des difficultés d'une marche périlleuse, il parvenait dans les pays que nous avons nommés et avait les Gaulois pour alliés et pour appuis dans sa vaste entreprise. Enfin arrivèrent les courriers, qui l'informèrent du bon vouloir des Gaulois, empressés de le voir, et lui dirent que si le passage des Alpes, à cause de leur immense hauteur, devait être rude et pénible, il n'était pas du moins impossible. Aussi, aux premiers jours du printemps, 209 il fit sortir les troupes de leurs quartiers d'hiver. Exalté encore par les nouvelles qu'il reçut de Carthage, et certain dès lors de la bienveillance de ses concitoyens, il excita ouvertement ses soldats à la guerre contre Rome, tantôt leur racontant de quelle manière les Romains avaient demandé qu'on le livrât lui-même et tous leurs chefs à leur fureur, tantôt leur rappelant la fertilité du pays où ils allaient, et l'amitié et l'alliance des Gaulois. L'armée accueillit avec enthousiasme ses paroles, et Annibal, après avoir loué cette généreuse ardeur et fixé le jour du départ, congédia l'assemblée.

XXXV. Quand donc il eut ainsi tout préparé dans ses quartiers d'hiver, et que la sûreté de l'Afrique et de l'Espagne fut suffisamment garantie, Annibal, au jour marqué, se mit en marche à la tête de quatre-vingt-dix mille fantassins et d'environ douze mille cavaliers ; il franchit l'Èbre et soumit les Ilergètes, les Bargu-siens, les Érénosiens, les Andosiniens, tous les peuples enfin jusqu'aux pieds des Pyrénées. Après avoir établi partout son empire et pris de vive force quelques villes avec une rapidité qu'il n'espérait pas, mais non pas sans avoir livré bien des combats sanglants et fait de terribles pertes, il nomma Hannon gouverneur de tout le pays en deçà de l'Èbre, et lui donna une autorité absolue sur les Bargusiens, de qui il se défiait à cause de leur amour pour les Romains. Il détacha de son armée, pour Hannon, dix mille fantassins et mille cavaliers, et lui confia en outre tous les bagages des soldats qui devaient faire avec lui l'expédition. Enfin il renvoya dans leurs foyers autant d'hommes qu'il en avait remis à Hannon. Il laissait ainsi derrière lui des amis dévoués, et faisait entrevoir aux Espagnols qu'il avait dans son camp, comme à ceux qui demeuraient encore dans leur patrie, une espérance de retour propre à les faire partir avec moins de crainte, si par hasard il avait besoin plus tard de réclamer leur 210 secours, Son armée ainsi allégée, il franchit à la tête de cinquante mille fantassins et de neuf mille cavaliers la chaîne des Pyrénées, pour se diriger vers le Rhône. Ses troupes n'étaient pas nombreuses, mais solides et merveilleusement formées aux combats par des luttes continuelles soutenues en Espagne,

XXXVI.  Ἵνα δὲ μὴ τῶν τόπων ἀγνοουμένων παντάπασιν ἀσαφῆ γίνεσθαι συμβαίνῃ τὴν διήγησιν, ῥητέον ἂν εἴη πόθεν ὁρμήσας Ἀννίβας καὶ τίνας καὶ πόσους διελθὼν τόπους εἰς ποῖα μέρη κατῆρε τῆς Ἰταλίας. ῥητέον (δ´) οὐκ αὐτὰς τὰς ὀνομασίας τῶν τόπων καὶ ποταμῶν καὶ πόλεων, ὅπερ ἔνιοι ποιοῦσι τῶν συγγραφέων, ὑπολαμβάνοντες ἐν παντὶ πρὸς γνῶσιν καὶ σαφήνειαν αὐτοτελὲς εἶναι τοῦτο τὸ μέρος. Οἶμαι δ´, ἐπὶ μὲν τῶν γνωριζομένων τόπων οὐ μικρὰ μεγάλα δὲ συμβάλλεσθαι πεποίηκε πρὸς ἀνάμνησιν ἡ τῶν ὀνομάτων παράθεσις· ἐπὶ δὲ τῶν ἀγνοουμένων εἰς τέλος ὁμοίαν ἔχει τὴν δύναμιν ἡ τῶν ὀνομάτων ἐξήγησις ταῖς ἀδιανοήτοις καὶ κρουσματικαῖς λέξεσι. Τῆς γὰρ διανοίας ἐπ´ οὐδὲν ἀπερειδομένης οὐδὲ δυναμένης ἐφαρμόττειν τὸ λεγόμενον ἐπ´ οὐδὲν γνώριμον, ἀνυπότακτος καὶ κωφὴ γίνεθ´ ἡ διήγησις. Διόπερ ὑποδεικτέος ἂν εἴη τρόπος, δι´ οὗ δυνατὸν ἔσται περὶ τῶν ἀγνοουμένων λέγοντας κατὰ ποσὸν εἰς ἀληθινὰς καὶ γνωρίμους ἐννοίας ἄγειν τοὺς ἀκούοντας. Πρώτη μὲν οὖν καὶ μεγίστη γνῶσις, ἔτι δὲ κοινὴ πᾶσιν ἀνθρώποις ἐστὶν ἡ τοῦ περιέχοντος ἡμᾶς διαίρεσις καὶ τάξις, καθ´ ἣν πάντες, ὧν καὶ μικρὸν ὄφελος, ἀνατολάς, δύσεις, μεσημβρίαν, ἄρκτον γνωρίζομεν· δευτέρα δέ, καθ´ ἣν ἑκάστῃ διαφορᾷ τῶν προειρημένων τοὺς ἐπὶ τῆς γῆς τόπους ὑποτάττοντες καὶ φέροντες ἀεὶ τῇ διανοίᾳ τὸ λεγόμενον ἐπί (τι) τῶν προειρημένων εἰς γνωρίμους καὶ συνήθεις ἐπινοίας ἐμπίπτομεν ὑπὲρ τῶν ἀγνώστων καὶ ἀοράτων τόπων.

XXXVII. Τούτων δὲ περὶ τῆς ὅλης γῆς ὑποκειμένων, ἀκόλουθον ἂν εἴη τὸ καὶ περὶ τῆς καθ´ ἡμᾶς οἰκουμένης ἀνὰ τὸν αὐτὸν λόγον διελομένους εἰς ἐπίστασιν ἀγαγεῖν τοὺς ἀκούοντας. Ταύτης διῃρημένης εἰς τρία μέρη καὶ τρεῖς ὀνομασίας, τὸ μὲν ἓν μέρος αὐτῆς Ἀσίαν, τὸ δ´ ἕτερον Λιβύην, τὸ δὲ τρίτον Εὐρώπην προσαγορεύουσι. Τὰς δὲ διαφορὰς ταύτας ὁρίζουσιν ὅ τε Τάναϊς ποταμὸς καὶ Νεῖλος καὶ τὸ καθ´ Ἡρακλέους στήλας στόμα. Νείλου μὲν οὖν καὶ Τανάιδος μεταξὺ τὴν Ἀσίαν κεῖσθαι συμβέβηκε, πίπτειν δὲ τοῦ περιέχοντος ὑπὸ τὸ μεταξὺ διάστημα θερινῶν ἀνατολῶν καὶ μεσημβρίας. Ἡ δὲ Λιβύη κεῖται μὲν μεταξὺ Νείλου καὶ στηλῶν Ἡρακλείων, τοῦ δὲ περιέχοντος πέπτωκεν ὑπό τε τὴν μεσημβρίαν καὶ κατὰ τὸ συνεχὲς ὑπὸ τὰς χειμερινὰς δύσεις ἕως τῆς ἰσημερινῆς καταφορᾶς, ἣ πίπτει καθ´ Ἡρακλείους στήλας. Αὗται μὲν οὖν αἱ χῶραι καθολικώτερον θεωρούμεναι τὸν πρὸς τὴν μεσημβρίαν τόπον ἐπέχουσι τῆς καθ´ ἡμᾶς θαλάττης ἀπὸ τῶν ἀνατολῶν ὡς πρὸς τὰς δύσεις. Ἡ δ´ Εὐρώπη ταύταις ἀμφοτέραις ὡς πρὸς τὰς ἄρκτους ἀντιπαράκειται, κατὰ τὸ συνεχὲς ἀπὸ τῶν ἀνατολῶν παρήκουσα μὲν ἄχρι πρὸς τὰς δύσεις, κεῖται δ´ αὐτῆς τὸ μὲν ὁλοσχερέστερον καὶ βαθύτερον μέρος ὑπ´ αὐτὰς τὰς ἄρκτους μεταξὺ τοῦ τε Τανάιδος ποταμοῦ καὶ τοῦ Νάρβωνος, ὃς οὐ πολὺν ἀπέχει τόπον ὡς πρὸς δύσεις ἀπὸ Μασσαλίας καὶ τῶν τοῦ Ῥοδανοῦ στομάτων, δι´ ὧν εἰς τὸ Σαρδόνιον πέλαγος ἐξίησιν ὁ προειρημένος ποταμός. Ἀπὸ δὲ τοῦ Νάρβωνος καὶ τὰ περὶ τοῦτον Κελτοὶ νέμονται μέχρι τῶν προσαγορευομένων Πυρηναίων ὀρῶν, ἃ διατείνει κατὰ τὸ συνεχὲς ἀπὸ τῆς καθ´ ἡμᾶς θαλάττης ἕως εἰς τὴν ἐκτός. Τὸ δὲ λοιπὸν μέρος τῆς Εὐρώπης ἀπὸ τῶν προειρημένων ὀρῶν τὸ συνάπτον πρός τε τὰς δύσεις καὶ πρὸς Ἡρακλείους στήλας περιέχεται μὲν ὑπό τε τῆς καθ´ ἡμᾶς καὶ τῆς ἔξω θαλάττης, καλεῖται δὲ τὸ μὲν παρὰ τὴν καθ´ ἡμᾶς παρῆκον ἕως Ἡρακλείων στηλῶν Ἰβηρία, τὸ δὲ παρὰ τὴν ἔξω καὶ μεγάλην προσαγορευομένην κοινὴν μὲν ὀνομασίαν οὐκ ἔχει διὰ τὸ προσφάτως κατωπτεῦσθαι, κατοικεῖται δὲ πᾶν ὑπὸ βαρβάρων ἐθνῶν καὶ πολυανθρώπων, ὑπὲρ ὧν ἡμεῖς μετὰ ταῦτα τὸν κατὰ μέρος λόγον ἀποδώσομεν.

XXXVIII. Καθάπερ δὲ καὶ τῆς Ἀσίας καὶ τῆς Λιβύης, καθὸ συνάπτουσιν ἀλλήλαις περὶ τὴν Αἰθιοπίαν, οὐδεὶς ἔχει λέγειν ἀτρεκῶς ἕως τῶν καθ´ ἡμᾶς καιρῶν πότερον ἤπειρός ἐστι κατὰ τὸ συνεχὲς τὰ πρὸς τὴν μεσημβρίαν ἢ θαλάττῃ περιέχεται, τὸν αὐτὸν τρόπον τὸ μεταξὺ Τανάιδος καὶ Νάρβωνος εἰς τὰς ἄρκτους ἀνῆκον ἄγνωστον ἡμῖν ἕως τοῦ νῦν ἐστιν, ἐὰν μή τι μετὰ ταῦτα πολυπραγμονοῦντες ἱστορήσωμεν. Τοὺς δὲ λέγοντάς τι περὶ τούτων ἄλλως ἢ γράφοντας ἀγνοεῖν καὶ μύθους διατιθέναι νομιστέον. Ταῦτα μὲν οὖν εἰρήσθω μοι χάριν τοῦ μὴ τελέως ἀνυπότακτον εἶναι τοῖς ἀπείροις τῶν τόπων τὴν διήγησιν, ἀλλὰ κατά γε τὰς ὁλοσχερεῖς διαφορὰς συνεπιβάλλειν καὶ φέρειν ἐπί (τι) τῇ διανοίᾳ τὸ λεγόμενον, τεκμαιρομένους ἐκ τοῦ περιέχοντος. Καθάπερ γὰρ ἐπὶ τῆς ὁράσεως εἰθίσμεθα συνεπιστρέφειν ἀεὶ τὰ πρόσωπα πρὸς τὸ κατὰ τὴν ἔνδειξιν ὑποδεικνύμενον, οὕτως καὶ τῇ διανοίᾳ χρὴ συνδιανεύειν καὶ συρρέπειν ἐπὶ τοὺς τόπους ἀεὶ τοὺς διὰ τοῦ λόγου συνεπιδεικνυμένους.

XXXIX. Ἀφέμενοι δὲ τούτων τρεψόμεθα πρὸς τὸ συνεχὲς τῆς προκειμένης ἡμῖν διηγήσεως. Καρχηδόνιοι γὰρ ἐν τούτοις τοῖς καιροῖς τῆς μὲν Λιβύης ἐκυρίευον πάντων τῶν ἐπὶ τὴν ἔσω θάλατταν νευόντων μερῶν ἀπὸ τῶν Φιλαίνου βωμῶν, οἳ κεῖνται κατὰ τὴν μεγάλην Σύρτιν, ἕως ἐφ´ Ἡρακλέους στήλας. Τοῦτο δὲ τὸ μῆκός ἐστι τῆς παραλίας ὑπὲρ τοὺς ἑξακισχιλίους καὶ μυρίους σταδίους. Διαβάντες δὲ τὸν καθ´ Ἡρακλείους στήλας πόρον ὁμοίως ἐκεκρατήκεισαν καὶ τῆς Ἰβηρίας ἁπάσης ἕως τῆς ῥαχίας, ὃ πέρας ἐστὶ πρὸς τῇ καθ´ ἡμᾶς θαλάττῃ τῶν Πυρηναίων ὀρῶν, ἃ διορίζει τοὺς Ἴβηρας καὶ Κελτούς. Ἀπέχει δὲ τοῦ καθ´ Ἡρακλείους στήλας στόματος οὗτος ὁ τόπος περὶ ὀκτακισχιλίους σταδίους. Ἐπὶ μὲν γὰρ Καινὴν πόλιν ἀπὸ στηλῶν εἶναι συμβαίνει τρισχιλίους, ὅθεν ἐποιεῖτο τὴν ὁρμὴν Ἀννίβας τὴν εἰς Ἰταλίαν· {τὴν δὲ Καινὴν πόλιν ἔνιοι Νέαν Καρχηδόνα καλοῦσιν}· ἀπὸ δὲ ταύτης εἰσὶν ἐπὶ μὲν τὸν Ἴβηρα ποταμὸν ἑξακόσιοι στάδιοι πρὸς δισχιλίοις, ἀπὸ δὲ τούτου πάλιν εἰς Ἐμπόριον χίλιοι σὺν ἑξακοσίοις, (ἀπὸ δ´ Ἐμπορίου πόλεως εἰς - - - περὶ ἑξακοσίους), καὶ μὴν ἐντεῦθεν ἐπὶ τὴν τοῦ Ῥοδανοῦ διάβασιν περὶ χιλίους ἑξακοσίους· {ταῦτα γὰρ νῦν βεβημάτισται καὶ σεσημείωται κατὰ σταδίους ὀκτὼ διὰ Ῥωμαίων ἐπιμελῶς·} ἀπὸ δὲ τῆς διαβάσεως τοῦ Ῥοδανοῦ πορευομένοις παρ´ αὐτὸν τὸν ποταμὸν ὡς ἐπὶ τὰς πηγὰς ἕως πρὸς τὴν ἀναβολὴν τῶν Ἄλπεων τὴν εἰς Ἰταλίαν χίλιοι τετρακόσιοι. Λοιπαὶ δ´ αἱ τῶν Ἄλπεων ὑπερβολαί, περὶ χιλίους διακοσίους· ἃς ὑπερβαλὼν ἔμελλεν ἥξειν εἰς τὰ περὶ τὸν Πάδον πεδία τῆς Ἰταλίας. Ὥστ´ εἶναι τοὺς πάντας ἐκ Καινῆς πόλεως σταδίους περὶ ἐννακισχιλίους, οὓς ἔδει διελθεῖν αὐτόν. Τούτων δὴ τῶν τόπων κατὰ μὲν τὸ μῆκος ἤδη σχεδὸν τοὺς ἡμίσεις διεληλύθει, κατὰ δὲ τὴν δυσχέρειαν τὸ πλέον αὐτῷ μέρος ἀπελείπετο τῆς πορείας.

XL. Ἀννίβας μὲν οὖν ἐνεχείρει ταῖς διεκβολαῖς τῶν Πυρηναίων ὀρῶν, κατάφοβος ὢν τοὺς Κελτοὺς διὰ τὰς ὀχυρότητας τῶν τόπων. Ῥωμαῖοι δὲ κατὰ τοὺς αὐτοὺς καιροὺς διακούσαντες μὲν τῶν ἐξαποσταλέντων εἰς Καρχηδόνα πρεσβευτῶν τὰ δεδογμένα καὶ τοὺς ῥηθέντας λόγους, προσπεσόντος δὲ θᾶττον ἢ προσεδόκων Ἀννίβαν διαβεβηκέναι τὸν Ἴβηρα ποταμὸν μετὰ τῆς δυνάμεως, προεχειρίσαντο πέμπειν μετὰ στρατοπέδων Πόπλιον μὲν Κορνήλιον εἰς Ἰβηρίαν, Τεβέριον δὲ Σεμπρώνιον εἰς Λιβύην. Ἐν ὅσῳ δ´ οὗτοι περὶ τὰς καταγραφὰς ἐγίνοντο τῶν στρατοπέδων καὶ τὴν ἄλλην παρασκευήν, ἔσπευσαν ἐπὶ τέλος ἀγαγεῖν τὰ κατὰ τὰς ἀποικίας, οἳ δὴ πρότερον ἦσαν εἰς Γαλατίαν ἀποστέλλειν προκεχειρισμένοι. Τὰς μὲν οὖν πόλεις ἐνεργῶς ἐτείχιζον, τοὺς δ´ οἰκήτορας ἐν ἡμέραις τριάκοντα παρήγγειλαν ἐπιτόπους γίνεσθαι, τὸν ἀριθμὸν ὄντας εἰς ἑκατέραν τὴν πόλιν εἰς ἑξακισχιλίους· ὧν τὴν μὲν μίαν ἔκτιζον ἐπὶ τάδε τοῦ Πάδου ποταμοῦ, προσαγορεύσαντες Πλακεντίαν, τὴν δ´ ἄλλην ἐπὶ θάτερα, κατονομάσαντες Κρεμώνην. ἤδη δὲ τούτων συνῳκισμένων, οἱ Βοῖοι καλούμενοι Γαλάται, πάλαι μὲν οἷον λοχῶντες τὴν πρὸς Ῥωμαίους φιλίαν, οὐκ ἔχοντες δὲ τότε καιρόν, μετεωριζόμενοι καὶ πιστεύοντες ἐκ τῶν διαπεμπομένων τῇ παρουσίᾳ τῶν Καρχηδονίων ἀπέστησαν ἀπὸ Ῥωμαίων, ἐγκαταλιπόντες τοὺς ὁμήρους, οὓς ἔδοσαν ἐκβαίνοντες ἐκ τοῦ πολέμου τοῦ προγεγονότος, ὑπὲρ οὗ τὴν ἐξήγησιν ἡμεῖς ἐν τῇ προτέρᾳ βύβλῳ ταύτης ἐποιησάμεθα. Παρακαλέσαντες δὲ τοὺς Ἴνσομβρας καὶ συμφρονήσαντες κατὰ τὴν προγεγενημένην ὀργὴν κατέσυραν τὴν κατακεκληρουχημένην χώραν ὑπὸ Ῥωμαίων καὶ τοὺς φεύγοντας συνδιώξαντες εἰς Μοτίνην, ἀποικίαν ὑπάρχουσαν Ῥωμαίων, ἐπολιόρκουν. Ἐν οἷς καὶ τρεῖς ἄνδρας τῶν ἐπιφανῶν συνέκλεισαν τοὺς ἐπὶ τὴν διαίρεσιν τῆς χώρας ἀπεσταλμένους· ὧν εἷς μὲν ἦν Γάιος Λυτάτιος ὁ τὴν ὕπατον ἀρχὴν εἰληφώς, οἱ δὲ δύο τὴν ἑξαπέλεκυν. Οἰομένων δὲ δεῖν τούτων εἰς λόγους σφίσι συνελθεῖν, ὑπήκουσαν οἱ Βοῖοι. Τῶν δ´ ἀνδρῶν ἐξελθόντων, παρασπονδήσαντες συνέλαβον αὐτούς, ἐλπίσαντες διὰ τούτων κομιεῖσθαι τοὺς αὑτῶν ὁμήρους. Λεύκιος δὲ Μάλιος ἑξαπέλεκυς ὑπάρχων καὶ προκαθήμενος ἐπὶ τῶν τόπων μετὰ δυνάμεως, ἀκούσας τὸ γεγονός, ἐβοήθει κατὰ σπουδήν. Οἱ δὲ Βοῖοι συνέντες αὐτοῦ τὴν παρουσίαν, ἔν τισι δρυμοῖς ἑτοιμάσαντες ἐνέδρας ἅμα τῷ παρελθεῖν εἰς τοὺς ὑλώδεις τόπους πανταχόθεν ἅμα προσπεσόντες πολλοὺς ἀπέκτειναν τῶν Ῥωμαίων. Οἱ δὲ λοιποὶ τὰς μὲν ἀρχὰς ὥρμησαν πρὸς φυγήν· ἐπεὶ δὲ τῶν ψιλῶν ἥψαντο χωρίων, ἐπὶ ποσὸν συνέστησαν οὕτως ὥστε μόλις εὐσχήμονα ποιήσασθαι τὴν ἀποχώρησιν. Οἱ δὲ Βοῖοι κατακολουθήσαντες συνέκλεισαν καὶ τούτους εἰς τὴν Τάννητος καλουμένην κώμην. Τοῖς δ´ ἐν τῇ Ῥώμῃ προσπεσόντος ὅτι τὸ τέταρτον στρατόπεδον περιειλημμένον ὑπὸ τῶν Βοίων πολιορκεῖται κατὰ κράτος, τὰ μὲν τῷ Ποπλίῳ προκεχειρισμένα στρατόπεδα κατὰ σπουδὴν ἐξαπέστελλον ἐπὶ τὴν τούτων βοήθειαν, ἡγεμόνα συστήσαντες ἑξαπέλεκυν, ἄλλα δὲ συνάγειν καὶ καταγράφειν ἐκ τῶν συμμάχων αὐτῷ παρήγγειλαν.

XXXVI. De peur que, sans une connaissance suffisante des localités, notre récit ne soit fort obscur, disons d'où partit Annibal, quels pays il franchit et combien, en quel endroit de l'Italie il parvint Du reste, je ne veux pas dire seulement les noms des pays, des fleuves et des villes, comme quelques écrivains qui croient que c'est assez pour donner de tout objet une notion claire. Lorsqu'il s'agit de lieux bien connus, la citation du nom seul est un puissant secours ; mais s'il est question de pays ignorés, le nom n'est qu'un mot sans signification qui s'arrête à l'oreille. Comme alors l'esprit ne s'appuie sur rien et qu'il ne peut rattacher le signe à aucun objet perçu, la connaissance qu'on lui veut donner est pour lui vague et confuse. Il faut donc indiquer ici quelque moyen de ramener le lecteur de l'inconnu à des notions déjà familières et solidement acquises. La première donnée, en fait de géographie la plus importante, la plus universelle , est cette division de la voûte déleste en quatre parties : est, ouest, sud et nord, que comprennent les intelligences même les plus simples, et l'appréciation exacte de leur place respective. La seconde opération consiste à placer sous chacun de ces points les différentes parties de la terre, à rattacher successivement par la pensée à quelqu'une de ces divisions les pays indiqués, et à nous retrouver ainsi, à propos de lieux quo nous n'avons jamais ni connus ni vus, en face d'objets dont nous avons déjà une vieille expérience.

XXXVII. Ces principes une fois établis pour la topographie de l'univers, il ne nous reste plus qu'à entretenir le lecteur de la terre telle que nous la connais- 311 sons, eu la divisant d'après le même système. Elle se compose de trois parties désignées par trois noms différents ; l'Asie, l'Afrique et l'Europe. Les limites de ces trois parties sont le Tanais, le Nil et les colonnes d'Hercule, Entre le Nil et le Tanais s'étend l'Asie, qui par sa position astronomique occupe l'intervalle entre le levant d'été et le midi. L'Afrique est située entre le Nil et les colonnes d'Hercule, c'est-à-dire au midi et ensuite au couchant d'hiver jusqu'au couchant équinoxial, vers le détroit de Gadès. Ces deux régions, à les considérer d'une manière générale, embrassent la partie méridionale de notre mer, de l'est à l'ouest. L'Europe, placée au nord, leur est opposée et court du levant au couchant. La partie la plus importante et la plus vaste de ce continent est au septentrion , comprise entre le Tanais et le Narbonne, fleuve situé à peu de distance de Marseille et des bouches par où le Rhône se jette dans la mer de Sardaigne. On ne rencontre que des Gaulois depuis le Narbonne et les campagnes voisines jusqu'aux Pyrénées, dont la chaîne va de notre mer à la mer extérieure. Le reste de l'Europe, depuis les Pyrénées jusqu'au couchant et aux colonnes d'Hercule est entouré par la Méditerranée et par l'Océan. Le pays que baigne la mer intérieure jusqu'au détroit s'appelle Espagne, mais ceux qui sont situés sur le grand Océan n'ont pas de dénomination commune, parce que la découverte en est toute récente. Ils sont habités par des peuplades nombreuses et barbares, dont nous aurons plus tard à parler en détail. (09).

XXXVIII. Personne ne saurait dire au juste si à partir de l'endroit où l'Asie et l'Afrique se réunissent vers l'Ethiopie, les régions qui tendent vers le midi forment un continent ou sont entourées d'eau. De même tout l'espace qui s'étend depuis le Narbonne et le Tanais jus- 212 qu'au nord nous est complètement inconnu jusqu'ici. Peut-être d'activés recherches nous en apprendront-elles plus tard quelque chose ; quant à ceux qui parlent de ces régions ou en écrivent, nous déclarons hautement qu'ils n'en savent pas plus que nous-mêmes, et qu'ils ne font que débiter des fables. Tels sont les détails que j'ai cru devoir donner pour que mon récit ne fût pas complètement obscur aux yeux de qui n'a pas connaissance de ces lieux. Mes lecteurs pourront désormais, par la pensée, rattacher aux divisions générales du globe ce qu'on leur dira, en se réglant sur celles des régions célestes. Quand nous voulons percevoir nettement un objet, nous tournons notre visage vers l'endroit désigné ; de même il faut que la pensée nous transporte vers le lieu où le récit nous appelle.

XXXIX. Quittons ce sujet, revenons à la suite de notre narration. Les Carthaginois, à l'époque où nous en sommes, étaient maîtres de toutes les côtes der l'Afrique, baignée par notre mer depuis les autels de Phi-lène, voisins de la grande Syrte, jusqu'aux colonnes d'Hercule. L'étendue de ces rivages dépasse seize mille stades. Par delà le détroit, ils possédaient toute l'Espagne jusqu'aux rochers (10) où s'arrêtent près de notre merles Pyrénées, frontière naturelle de l'Espagne et de la Gaule. Ces rochers sont à une distance de huit mille stades environ des colonnes d'Hercule. Trois mille stades séparent ces colonnes de la ville Nouvelle, d'où partit Annibal pour l'Italie, et que quelques personnes appellent Carthagène (11). De cette même place jusqu'à l'Èbre, on compte deux mille six cents stades, et de l'Èbre à Emporium seize cents, d'Emporium au Rhône même distance. Les Romains ont maintenant mesuré cette route par pieds et soigneusement élevé des 213 bornes de huit en huit stades. Depuis le Rhône, en se dirigeant le long du fleuve, vers son embouchure, jusqu'a l'entrée des Alpes qui mènent en Italie, il y a encore quatorze cents stades. Le passage même des Alpes est de douze cents. Annibal, après avoir franchi ces montagnes, devait se trouver dans la plaine du Pô. Ainsi, le total des stades qu'il avait à fournir depuis Carthagène s'élevait à neuf mille (12). A ne voir que la longueur matérielle de la route, il avait déjà achevé à peu près la moitié de sa course ; mais à considérer les obstacles, il lui restait encore à parcourir la partie la plus longue.

XL. Annibal s'occupait de franchir les Pyrénées, malgré les craintes que les Gaulois, retranchés dans leurs montagnes, lui inspiraient, quand les Romains, déjà instruits par leurs ambassadeurs de ce qui s'était dit et fait dans le sénat de Carthage, à la nouvelle inattendue du passage de l'Èbre, résolurent d'envoyer avec des légions Publius Cornélius en Espagne, Tibérius Sempronius en Afrique. Au milieu des levées et des préparatifs, les deux consuls s'empressèrent de mener à fin l'affaire des colonies qu'on se proposait depuis longtemps d'établir en Gaule. On entoura avec ardeur les villes de murailles, et ordre de se rendre sous trente jours dans leurs nouvelles résidences fut donné aux colons, qui s'élevaient au nombre de six mille, pour chacune des colonies. L'une, en deçà du Pô, était Plaisance ; l'autre, au delà, Crémone. Mais à peine ces établissements étaient-ils formés, que les Boïens, qui depuis longtemps travaillaient à trahir l'amitié des Romains, sans avoir jusqu'alors trouvé aucune occasion favorable, confiants, sur la foi des émissaires d'Annibal, en sa prochaine arrivée, et excités par cet espoir, se -déclarèrent contre eux. Peu leur importa d'abandonner les otages qu'à la fin de la guerre dont nous avons parlé 214 dans le livre précédent ils avaient remis & Rome, lia firent un appel aux Insubriens qui, fidèles à leur vieille colère, s'unirent à eux, et les deux peuples, de concert, ravagèrent tout le pays que déjà les Romains avaient partagé. Ils poursuivirent les fuyards jusqu'à Modène, autre colonie romaine qu'ils assiégèrent, et tinrent enfermés dans cette ville trois personnages considérables que Rome avait envoyés pour la répartition des terres. C'étaient un consulaire, Gaïus Lutatius, et deux anciens préteurs. Ils demandèrent à conférer avec les Barbares; les Boïens y consentirent, et dès que les Romains furent hors des murs, ils s'emparèrent de leurs personnes dans l'espoir d'obtenir ainsi la restitution de leurs otages. À la première nouvelle de ce qui te passait, le préteur Lucius Maulius, qui était dans le voisinage avec une armée, vola au secours de ses compatriotes. Mais les Boïens, dès qu'ils le surent en marche, se bâtèrent de lui dresser des embûches dans les bois, et quand l'armée romaine s'y fut engagée, tombant à l'improviste sur elle de tous les côtés, ils lui tuèrent beaucoup de monde. Le reste des soldats ne songea d'abord qu'à la fuite. Lorsqu'ils eurent gagné les hauteurs, ils se rallièrent et purent, bien qu'avec peine, opérer une retraite honorable. Toutefois, les Boïens qui les suivaient les enfermèrent dans un bourg nommé Tannés. Rome n'eut pas plutôt appris que la quatrième légion était investie et vivement pressée par les Gaulois, qu'on envoya sous les ordres d'un préteur, afin de la délivrer, les légions préparées pour Publius; celui-ci reçut l'ordre de faire de nouvelles levées, et de rassembler pour lui une armée chez les alliés.

XLI. Τὰ μὲν οὖν κατὰ Κελτοὺς ἀπὸ τῆς ἀρχῆς ἕως εἰς τὴν Ἀννίβου παρουσίαν ἐν τούτοις ἦν καὶ τοιαύτην εἰλήφει διέξοδον, οἵαν ἔν τε τοῖς πρὸ τοῦ καὶ νῦν διεληλύθαμεν. Οἱ δὲ στρατηγοὶ τῶν Ῥωμαίων ἑτοιμασάμενοι τὰ πρὸς τὰς ἰδίας ἐπιβολάς, ἐξέπλεον ἐπὶ τὴν ὡραίαν ἐπὶ τὰς προκειμένας πράξεις, Πόπλιος μὲν οὖν εἰς Ἰβηρίαν ἑξήκοντα ναυσί, Τεβέριος δὲ Σεμπρώνιος εἰς Λιβύην ἑκατὸν ἑξήκοντα σκάφεσι πεντηρικοῖς. (οἷς) οὕτως καταπληκτικῶς ἐπεβάλετο πολεμεῖν καὶ τοιαύτας ἐποιεῖτο παρασκευὰς ἐν τῷ Λιλυβαίῳ, πάντας καὶ πανταχόθεν ἁθροίζων, ὡς εὐθέως ἐκ κατάπλου πολιορκήσων αὐτὴν τὴν Καρχηδόνα. Πόπλιος δὲ κομισθεὶς παρὰ τὴν Λιγυστίνην ἧκε πεμπταῖος ἀπὸ Πισῶν εἰς τοὺς κατὰ Μασσαλίαν τόπους, καὶ καθορμισθεὶς πρὸς τὸ πρῶτον στόμα τοῦ Ῥοδανοῦ, τὸ Μασσαλιωτικὸν προσαγορευόμενον, ἀπεβίβαζε τὰς δυνάμεις, ἀκούων μὲν ὑπερβάλλειν ἤδη τὰ Πυρηναῖα τὸν Ἀννίβαν ὄρη, πεπεισμένος δ´ ἔτι μακρὰν ἀπέχειν αὐτὸν διά τε τὰς δυσχωρίας τῶν τόπων καὶ διὰ τὸ πλῆθος τῶν μεταξὺ κειμένων Κελτῶν. Ἀννίβας δὲ παραδόξως τοὺς μὲν χρήμασι πείσας τῶν Κελτῶν τοὺς δὲ βιασάμενος ἧκε μετὰ τῶν δυνάμεων, δεξιὸν ἔχων τὸ Σαρδόνιον πέλαγος, ἐπὶ τὴν τοῦ Ῥοδανοῦ διάβασιν. Ὁ δὲ Πόπλιος, διασαφηθέντος αὐτῷ παρεῖναι τοὺς ὑπεναντίους, τὰ μὲν ἀπιστῶν διὰ τὸ τάχος τῆς παρουσίας, τὰ δὲ βουλόμενος εἰδέναι τὴν ἀκρίβειαν, αὐτὸς μὲν ἀνελάμβανε τὰς δυνάμεις ἐκ τοῦ πλοῦ καὶ διενοεῖτο μετὰ τῶν χιλιάρχων ποίοις χρηστέον τῶν τόπων καὶ συμμικτέον τοῖς ὑπεναντίοις· τριακοσίους δὲ τῶν ἱππέων ἐξαπέστειλε τοὺς ἀνδρωδεστάτους, συστήσας μετ´ αὐτῶν καθηγεμόνας ἅμα καὶ συναγωνιστὰς Κελτούς, οἳ παρὰ τοῖς Μασσαλιώταις ἐτύγχανον μισθοφοροῦντες.

XLII. Ἀννίβας δὲ προσμίξας τοῖς περὶ τὸν ποταμὸν τόποις εὐθέως ἐνεχείρει ποιεῖσθαι τὴν διάβασιν κατὰ τὴν ἁπλῆν ῥύσιν, σχεδὸν ἡμερῶν τεττάρων ὁδὸν ἀπέχων στρατοπέδῳ τῆς θαλάττης. Καὶ φιλοποιησάμενος παντὶ τρόπῳ τοὺς παροικοῦντας τὸν ποταμὸν ἐξηγόρασε παρ´ αὐτῶν τά τε μονόξυλα πλοῖα πάντα καὶ τοὺς λέμβους, ὄντας ἱκανοὺς τῷ πλήθει διὰ τὸ ταῖς ἐκ τῆς θαλάττης ἐμπορίαις πολλοὺς χρῆσθαι τῶν παροικούντων τὸν Ῥοδανόν. Ἔτι δὲ τὴν ἁρμόζουσαν ξυλείαν ἐξέλαβε πρὸς τὴν κατασκευὴν τῶν μονοξύλων· ἐξ ὧν ἐν δυσὶν ἡμέραις πλῆθος ἀναρίθμητον ἐγένετο πορθμείων, ἑκάστου σπεύδοντος μὴ προσδεῖσθαι τοῦ πέλας, ἐν αὑτῷ δ´ ἔχειν τὰς τῆς διαβάσεως ἐλπίδας. Κατὰ δὲ τὸν καιρὸν τοῦτον ἐν τῷ πέραν πλῆθος ἡθροίσθη βαρβάρων χάριν τοῦ κωλύειν τὴν τῶν Καρχηδονίων διάβασιν. Εἰς οὓς ἀποβλέπων Ἀννίβας καὶ συλλογιζόμενος ἐκ τῶν παρόντων ὡς οὔτε διαβαίνειν μετὰ βίας δυνατὸν εἴη τοσούτων πολεμίων ἐφεστώτων, οὔτ´ ἐπιμένειν, μὴ πανταχόθεν προσδέξηται τοὺς ὑπεναντίους, ἐπιγενομένης τῆς τρίτης νυκτὸς ἐξαποστέλλει μέρος τι τῆς δυνάμεως, συστήσας καθηγεμόνας ἐγχωρίους, ἐπὶ δὲ πάντων Ἄννωνα τὸν Βοαμίλκου τοῦ βασιλέως. Οἳ ποιησάμενοι τὴν πορείαν ἀντίοι τῷ ῥεύματι παρὰ τὸν ποταμὸν ἐπὶ διακόσια στάδια, παραγενόμενοι πρός τινα τόπον, ἐν ᾧ συνέβαινε περί τι χωρίον νησίζον περισχίζεσθαι τὸν ποταμόν, ἐνταῦθα κατέμειναν. Ἐκ δὲ τῆς παρακειμένης ὕλης τὰ μὲν συμπηγνύντες τῶν ξύλων τὰ δὲ συνδεσμεύοντες ἐν ὀλίγῳ χρόνῳ πολλὰς ἥρμοσαν σχεδίας, ἀρκούσας τῇ χρείᾳ πρὸς τὸ παρόν· ἐφ´ αἷς διεκομίσθησαν ἀσφαλῶς οὐδενὸς κωλύοντος. Καταλαβόμενοι δὲ τόπον ἐχυρὸν ἐκείνην μὲν τὴν ἡμέραν ἔμειναν ἀναπαύοντες σφᾶς ἐκ τῆς προγεγενημένης κακοπαθείας, ἅμα δὲ παρασκευαζόμενοι πρὸς τὴν ἐπιοῦσαν χρείαν κατὰ τὸ συντεταγμένον. Καὶ μὴν Ἀννίβας τὸ παραπλήσιον ἐποίει περὶ τὰς μεθ´ ἑαυτοῦ καταλειφθείσας δυνάμεις. Μάλιστα δ´ αὐτῷ παρεῖχε δυσχρηστίαν ἡ τῶν ἐλεφάντων διάβασις· οὗτοι δ´ ἦσαν ἑπτὰ καὶ τριάκοντα τὸν ἀριθμόν.

XLIII. Οὐ μὴν ἀλλ´ ἐπιγενομένης τῆς πέμπτης νυκτὸς οἱ μὲν προδιαβάντες ἐκ τοῦ πέραν ὑπὸ τὴν ἑωθινὴν προῆγον παρ´ αὐτὸν τὸν ποταμὸν ἐπὶ τοὺς ἀντίπερα βαρβάρους, ὁ δ´ Ἀννίβας ἑτοίμους ἔχων τοὺς στρατιώτας ἐπεῖχε τῇ διαβάσει, τοὺς μὲν λέμβους πεπληρωκὼς τῶν πελτοφόρων ἱππέων, τὰ δὲ μονόξυλα τῶν εὐκινητοτάτων πεζῶν. Εἶχον δὲ τὴν μὲν ἐξ ὑπερδεξίου καὶ παρὰ τὸ ῥεῦμα τάξιν οἱ λέμβοι, τὴν δ´ ὑπὸ τούτους τὰ λεπτὰ τῶν πορθμείων, ἵνα τὸ πολὺ τῆς τοῦ ῥεύματος βίας ἀποδεχομένων τῶν λέμβων ἀσφαλεστέρα γίνοιτο τοῖς μονοξύλοις ἡ παρακομιδὴ διὰ τοῦ πόρου. Κατὰ δὲ τὰς πρύμνας τῶν λέμβων ἐφέλκειν διενοοῦντο τοὺς ἵππους νέοντας, τρεῖς ἅμα καὶ τέτταρας τοῖς ἀγωγεῦσιν ἑνὸς ἀνδρὸς ἐξ ἑκατέρου τοῦ μέρους τῆς πρύμνης οἰακίζοντος, ὥστε πλῆθος ἱκανὸν ἵππων συνδιακομίζεσθαι κατὰ τὴν πρώτην εὐθέως διάβασιν. Οἱ δὲ βάρβαροι θεωροῦντες τὴν ἐπιβολὴν τῶν ὑπεναντίων ἀτάκτως ἐκ τοῦ χάρακος ἐξεχέοντο καὶ σποράδην, πεπεισμένοι κωλύειν εὐχερῶς τὴν ἀπόβασιν τῶν Καρχηδονίων. Ἀννίβας δ´ ἅμα τῷ συνιδεῖν ἐν τῷ πέραν ἐγγίζοντας ἤδη τοὺς παρ´ αὑτοῦ στρατιώτας, σημηνάντων ἐκείνων τὴν παρουσίαν τῷ καπνῷ κατὰ τὸ συντεταγμένον, ἐμβαίνειν ἅπασιν ἅμα παρήγγελλε καὶ βιάζεσθαι πρὸς τὸ ῥεῦμα τοῖς ἐπὶ τῶν πορθμείων τεταγμένοις. Ταχὺ δὲ τούτου γενομένου, καὶ τῶν ἐν τοῖς πλοίοις ἁμιλλωμένων μὲν πρὸς ἀλλήλους μετὰ κραυγῆς, διαγωνιζομένων δὲ πρὸς τὴν τοῦ ποταμοῦ βίαν, τῶν δὲ στρατοπέδων ἀμφοτέρων ἐξ ἑκατέρου τοῦ μέρους παρὰ τὰ χείλη τοῦ ποταμοῦ παρεστώτων, καὶ τῶν μὲν ἰδίων συναγωνιώντων καὶ παρακολουθούντων μετὰ κραυγῆς, τῶν δὲ κατὰ πρόσωπον βαρβάρων παιανιζόντων καὶ προκαλουμένων τὸν κίνδυνον, ἦν τὸ γινόμενον ἐκπληκτικὸν καὶ παραστατικὸν ἀγωνίας. Ἐν ᾧ καιρῷ τῶν βαρβάρων ἀπολελοιπότων τὰς σκηνὰς ἐπιπεσόντες ἄφνω καὶ παραδόξως οἱ πέραν Καρχηδόνιοι, τινὲς μὲν αὐτῶν ἐνεπίμπρασαν τὴν στρατοπεδείαν, οἱ δὲ πλείους ὥρμησαν ἐπὶ τοὺς τὴν διάβασιν τηροῦντας. Οἱ δὲ βάρβαροι, παραλόγου τοῦ πράγματος φανέντος αὐτοῖς, οἱ μὲν ἐπὶ τὰς σκηνὰς ἐφέροντο βοηθήσοντες, οἱ δ´ ἠμύνοντο καὶ διεμάχοντο πρὸς τοὺς ἐπιτιθεμένους. Ἀννίβας δέ, κατὰ τὴν πρόθεσιν αὐτῷ συντρεχόντων τῶν πραγμάτων, εὐθέως τοὺς πρώτους ἀποβαίνοντας συνίστα καὶ παρεκάλει καὶ συνεπλέκετο τοῖς βαρβάροις. Οἱ δὲ Κελτοὶ καὶ διὰ τὴν ἀταξίαν καὶ διὰ τὸ παράδοξον τοῦ συμβαίνοντος ταχέως τραπέντες ὥρμησαν πρὸς φυγήν.

XLIV. Ὁ δὲ στρατηγὸς τῶν Καρχηδονίων ἅμα τῆς τε διαβάσεως καὶ τῶν ὑπεναντίων κεκρατηκὼς παραυτίκα μὲν ἐγίνετο πρὸς τῇ παρακομιδῇ τῶν πέραν ἀπολειπομένων ἀνδρῶν, πάσας δ´ ἐν βραχεῖ χρόνῳ διαπεραιώσας τὰς δυνάμεις ἐκείνην μὲν τὴν νύκτα παρ´ αὐτὸν τὸν ποταμὸν κατεστρατοπέδευσεν, τῇ δ´ ἐπαύριον ἀκούων τὸν τῶν Ῥωμαίων στόλον περὶ τὰ στόματα τοῦ ποταμοῦ καθωρμίσθαι, προχειρισάμενος πεντακοσίους τῶν Νομαδικῶν ἱππέων ἐξαπέστειλε κατασκεψομένους ποῦ καὶ πόσοι τυγχάνουσιν ὄντες καὶ τί πράττουσιν οἱ πολέμιοι. Κατὰ δὲ τὸν αὐτὸν καιρὸν καὶ πρὸς τὴν τῶν ἐλεφάντων διάβασιν προεχειρίσατο τοὺς ἐπιτηδείους. Αὐτὸς δὲ συναγαγὼν τὰς δυνάμεις εἰσήγαγε τοὺς βασιλίσκους τοὺς περὶ Μάγιλον — οὗτοι γὰρ ἧκον πρὸς αὐτὸν ἐκ τῶν περὶ τὸν Πάδον πεδίων — καὶ δι´ ἑρμηνέως τὰ δεδογμένα παρ´ αὐτῶν διεσάφει τοῖς ὄχλοις. Ἦν δὲ τῶν λεγομένων ἰσχυρότατα πρὸς θάρσος τῶν πολλῶν πρῶτον μὲν ἡ τῆς παρουσίας ἐνάργεια τῶν ἐπισπωμένων καὶ κοινωνήσειν ἐπαγγελλομένων τοῦ πρὸς Ῥωμαίους πολέμου, δεύτερον δὲ τὸ τῆς ἐπαγγελίας αὐτῶν ἀξιόπιστον, ὅτι καθηγήσονται διὰ τόπων τοιούτων δι´ ὧν οὐδενὸς ἐπιδεόμενοι τῶν ἀναγκαίων συντόμως ἅμα καὶ μετ´ ἀσφαλείας ποιήσονται τὴν εἰς Ἰταλίαν πορείαν, πρὸς δὲ τούτοις ἡ τῆς χώρας γενναιότης, εἰς ἣν ἀφίξονται, καὶ τὸ μέγεθος, ἔτι δὲ τῶν ἀνδρῶν ἡ προθυμία, μεθ´ ὧν μέλλουσι ποιεῖσθαι τοὺς ἀγῶνας πρὸς τὰς τῶν Ῥωμαίων δυνάμεις. Οἱ μὲν οὖν Κελτοὶ τοιαῦτα διαλεχθέντες ἀνεχώρησαν. Μετὰ δὲ τούτους εἰσελθὼν αὐτὸς πρῶτον μὲν τῶν προγεγενημένων πράξεων ἀνέμνησε τοὺς ὄχλους· ἐν αἷς ἔφη πολλοῖς αὐτοὺς καὶ παραβόλοις ἔργοις καὶ κινδύνοις ἐπικεχειρηκότας ἐν οὐδενὶ διεσφάλθαι, κατακολουθήσαντας τῇ ´κείνου γνώμῃ καὶ συμβουλίᾳ. Τούτοις δ´ ἑξῆς εὐθαρσεῖς εἶναι παρεκάλει, θεωροῦντας διότι τὸ μέγιστον ἤνυσται τῶν ἔργων, ἐπειδὴ τῆς τε τοῦ ποταμοῦ διαβάσεως κεκρατήκασι τῆς τε τῶν συμμάχων εὐνοίας καὶ προθυμίας αὐτόπται γεγόνασι. Διόπερ ᾤετο δεῖν περὶ μὲν τῶν κατὰ μέρος ῥᾳθυμεῖν, ὡς αὐτῷ μελόντων, πειθαρχοῦντας δὲ τοῖς παραγγέλμασιν ἄνδρας ἀγαθοὺς γίνεσθαι καὶ τῶν προγεγονότων ἔργων ἀξίους. Τοῦ δὲ πλήθους ἐπισημαινομένου καὶ μεγάλην ὁρμὴν καὶ προθυμίαν ἐμφαίνοντος, ἐπαινέσας αὐτοὺς καὶ τοῖς θεοῖς ὑπὲρ ἁπάντων εὐξάμενος διαφῆκε, παραγγείλας θεραπεύειν σφᾶς καὶ παρασκευάζεσθαι μετὰ σπουδῆς, ὡς εἰς τὴν αὔριον ἀναζυγῆς ἐσομένης.

XLV. Λυθείσης δὲ τῆς ἐκκλησίας ἧκον τῶν Νομάδων οἱ προαποσταλέντες ἐπὶ τὴν κατασκοπήν, τοὺς μὲν πλείστους αὑτῶν ἀπολωλεκότες, οἱ δὲ λοιποὶ προτροπάδην πεφευγότες. Συμπεσόντες γὰρ οὐ μακρὰν ἀπὸ τῆς ἰδίας στρατοπεδείας τοῖς τῶν Ῥωμαίων ἱππεῦσι τοῖς ἐπὶ τὴν αὐτὴν χρείαν ἐξαπεσταλμένοις ὑπὸ τοῦ Ποπλίου τοιαύτην ἐποιήσαντο φιλοτιμίαν ἀμφότεροι κατὰ τὴν συμπλοκὴν ὥστε τῶν Ῥωμαίων καὶ Κελτῶν εἰς ἑκατὸν ἱππεῖς καὶ τετταράκοντα διαφθαρῆναι, τῶν δὲ Νομάδων ὑπὲρ τοὺς διακοσίους. Γενομένων δὲ τούτων οἱ Ῥωμαῖοι συνεγγίσαντες κατὰ τὸ δίωγμα τῷ τῶν Καρχηδονίων χάρακι καὶ κατοπτεύσαντες αὖθις ἐξ ὑποστροφῆς ἠπείγοντο, διασαφήσοντες τῷ στρατηγῷ τὴν παρουσίαν τῶν πολεμίων· ἀφικόμενοι δ´ εἰς τὴν παρεμβολὴν ἀνήγγειλαν. Πόπλιος δὲ παραυτίκα τὴν ἀποσκευὴν ἀναθέμενος ἐπὶ τὰς ναῦς ἀνέζευξε παντὶ τῷ στρατεύματι καὶ προῆγε παρὰ τὸν ποταμόν, σπεύδων συμμῖξαι τοῖς ὑπεναντίοις. Ἀννίβας δὲ τῇ κατὰ πόδας ἡμέρᾳ τῆς ἐκκλησίας ἅμα τῷ φωτὶ τοὺς μὲν ἱππεῖς προέθετο πάντας ὡς πρὸς θάλατταν, ἐφεδρείας ἔχοντας τάξιν, τὴν δὲ τῶν πεζῶν ἐκίνει δύναμιν ἐκ τοῦ χάρακος εἰς πορείαν. Αὐτὸς δὲ τοὺς ἐλέφαντας ἐξεδέχετο καὶ τοὺς ἅμα τούτοις ἀπολελειμμένους ἄνδρας. Ἐγένετο δ´ ἡ διακομιδὴ τῶν θηρίων τοιαύτη τις.

XLI. Tels furent les événements qui eurent lieu en Cisalpine depuis le commencement de la guerre jusqu'à l'arrivée d'Annibal. On voit suffisamment, par les détails que nous avons déjà donnés et par ceux que nous ajoutons maintenant, le train que suivaient les choses. Sur ces entrefaites, les consuls romains, après avoir 215 achevé tous les préparatifs nécessaires à leurs desseins, mirent à la voile au commencement de Télé, Publias pour l'Espagne, avec soixante vaisseaux, et Tibérius Sempronius pour l'Afrique, avec cent soixante navires à cinq rangs de rames. A voir comme Sempronius promettait déjà de faire aux Carthaginois une terrible guerre, avec quelle ardeur il poussait ses préparatifs à Lilybée, et de tous côtés enrôlait des troupes, on eût dit qu'il allait directement assiéger Carthage. Publius longea la Ligurie, et en cinq jours se rendit de Pise à Marseille. Il mouilla près de la première embouchure du Rhône> qu'on appelle l'embouchure de Marseille, et débarqua ses troupes. Bien qu'il eût entendu dire qu'Annibal avait déjà franchi les Pyrénées, il s'imaginait que l'ennemi était encore loin à cause des difficultés du chemin et du grand nombre de peuples gaulois qu'il lui fallait traverser. Mais Annibal avait gagné les uns, forcé les autres, il arriva tout d'un coup sur les bords du Rhône, ayant à sa droite la mer de Sardaigne. Publius, à la nouvelle de la présence des ennemis, pouvant à peine y croire, tant la célérité de leur marche lui semblait merveilleuse, et curieux en môme temps de connaître au juste la vérité, envoya en éclaireurs trois cents cavaliers des plus braves, à qui il donna pour auxiliaires et pour guides les Gaulois mercenaires de Marseille, tandis qu'il s'occupa lui-même de faire rafraîchir ses troupes et de calculer avec les tribuns sur quel terrain il fallait combattre les Carthaginois.

XLII. Dès son arrivée sur les rives du Rhône, Annibal se mit en devoir de le franchir à la hauteur où le fleuve n'a encore qu'un seul lit; il établit son camp à quatre journées environ de la mer. Il s'assura par tous les moyens l'amitié des peuplades riveraines, acheta toutes leurs barques d'une seule pièce, ainsi que leurs canots, qu'elles ont en assez grande quantité, parce qu'elles font, pour la plupart, le commerce maritime» Enfin il acquit les matériaux nécessaires pour la con- 216 struction de bateaux, et en deux jours on en fît un nombre considérable, chaque soldat, loin de compter sur son voisin, ne mettant qu'en soi-même l'espoir du passage. Cependant, sur le bord opposé, s'était rassemblée une nuée de Barbares afin d'empêcher Annibal de traverser le fleuve. A cette vue, Annibal comprit bien que pour le moment forcer le passage était impossible en présence de tant d'ennemis, et que d'autre part il avait à craindre, s'il demeurait en place, d'être bientôt enveloppé. Il fit donc partir la troisième nuit une partie de son armée, à qui il donna pour guides des indigènes, et pour chef Hannon, fils du suffète Bo-milcar. Ces troupes remontèrent le fleuve durant deux cents stades, et firent halte en un lieu où il est coupé par une île. Grâce à des pièces de bois enlevées à une forêt voisine, et qu'ils unirent entre elles par des cordes ou par de solides attaches, elles eurent bientôt construit un nombre suffisant de barques sur lesquelles elles franchirent le fleuve sans obstacle. Elles s'établirent dans une position assez forte et y demeurèrent ce jour pour se reposer de leurs récentes fatigues et se préparer à opérer la manœuvre que le général leur avait commandée. Annibal, de son côté, s'occupait de mettre ses soldats en état d'agir ; mais ce qui lui causait le plus d'embarras, c'était le passage des éléphants : il en avait trente-sept avec lui.

XLIII. La cinquième nuit, les soldats qui avaient franchi le Rhône se mirent en mouvement vers l'aurore, et en suivant le lit du fleuve, marchèrent sur les Barbares opposés à Annibal. Aussitôt celui-ci, qui tenait ses troupes toutes prêtes, songea à effectuer le passage. Il réserva pour les plus grands bateaux la cavalerie pesamment armée, pour les barques d'une seule pièce l'infanterie légère. Les gros bateaux occupaient le premier rang ; en seconde ligne venaient les bâtiments légers, afin que, les forts canaux supportant toute la violence du courant, le trajet fût sans danger pour  217 les barques. De plus, on imagina de filtre tirer du haut de la poupe les chevaux à la nage, et comme un seul homme suffisait pour en conduire de chaque côté du bateau à grandes guides trois ou quatre, un nombre considérable de chevaux fut transporté dès le premier convoi. A la vue de cette manœuvre, les barbares se répandirent sans ordre et hors de leurs retranchements, convaincus qu'il leur serait facile de refouler les Carthaginois. Mais Annibal, averti de l'approche des troupes qu'il avait envoyées au delà du fleuve par un nuage de fumée, suivant le signal convenu, ordonna à ses soldats de s'embarquer et aux pilotes de résister avec énergie à la rapidité du courant. On eut bientôt exécuté ses ordres, et ces soldats sur les barques, s'animant par des cris et luttant contre l'impétuosité du Rhône, ces deux armées debout sur la rive, les Carthaginois qui n'avaient pas encore passé, inquiets du sort de leurs compagnons, et excitant leur courage par de furieuses clameurs, les barbares en face, entonnant leur hymne de guerre et appelant le combat, tout cela formait un terrible et intéressant spectacle. Les Gaulois avaient en masse quitté leurs tentes ; soudain les Carthaginois détachés par Annibal se précipitent ; quelques-uns mettent le feu au camp, le plus grand nombre se jette sur ceux qui gardaient le rivage. Si brusquement surpris, les barbares coururent en partie au secours de leurs tentes, tandis que les autres se mirent en devoir de tenir tête à l'ennemi. Alors Annibal, qui voyait tout s'accommoder à ses désirs, rassemblant les soldats qui avaient les premiers traversé le fleuve, livra bataille aux Gaulois, et ceux-ci, gênés par leur propre désordre, troublés par ce qu'il y avait d'inattendu dans cette attaque, furent bientôt réduits à fuir.

XLIV. Le général carthaginois, maître ainsi de la victoire et du passage, s'occupa tout d'abord de transporter au delà du Rhône le reste de ses troupes, 218 Toutes furent bientôt sur l'autre rive, et Annibal demeura cette nuit auprès du fleuve ; mais le lendemain, dès l'aurore, sur l'avis que la flotte romaine était campée à l'embouchure du Rhône, il envoya trois cents cavaliers numides avec ordre d'examiner quelles étaient les forces de l'ennemi et ce qu'il faisait. Il choisit ensuite des hommes spéciaux pour opérer le transport des éléphants; puis, convoquant une assemblée générale, fit paraître devant les soldats le roi Magilus et sa suite, récemment arrivés des plaines qu'arrose le Pô. Un interprète rendit compte à la foule des intentions des Gaulois. De toutes les choses qu'ils dirent alors, les plus propres à animer l'ardeur de la multitude étaient la présence d'hommes qui venaient pour ainsi parler chercher les Carthaginois, et qui promettaient de s'associer à leur guerre contre Rome ; l'engagement que prenait Magilus, et qui ne pouvait être suspect, de les conduire par des chemins où ils ne manqueraient de rien, et qui les mèneraient promptement et sans péril en Italie ; la fécondité, l'étendue du pays qui les attendait, l'ardeur enfin de cette population guerrière avec qui ils devaient combattre les troupes romaines. Leur discours achevé, les Gaulois se retirèrent , et Annibal prenant la parole, rappela aux soldats tout ce qu'ils avaient déjà fait dans cette campagne, où, bien qu'ils eussent tenté des choses si difficiles et couru de terribles dangers, ils n'avaient pas éprouvé un seul échec, par leur docilité à ses ordres et à ses conseils : il les exhorta à prendre bon courage et à considérer que la plus grande partie de leur tâche était achevée ; ils avaient pu franchir le Rhône, et ils venaient de juger par eux-mêmes de la bienveillance et du zèle de leurs alliés. Il leur recommanda ensuite de ne pas s'inquiéter de tous les petits détails qui devaient retomber sur lui seul, d'obéir à leurs chefs et de se conduire en hommes braves et dignes de leurs premiers «exploite. La foule répondit à ces mots par des applau- 219 dissements et témoigna le plus vif enthousiasme. Annibal l'en remercia, et après avoir offert des vœux aux dieux pour le 6alut de tous, congédia ses soldats en leur prescrivant de donner à leurs corps tous les soins nécessaires et de se préparer avec diligence, le départ devant avoir lieu le lendemain avant l'aurore.

XLV. L'assemblée venait de se séparer, quand revinrent les cavaliers numides envoyés à la découverte ; ils avaient perdu beaucoup de monde , et ceux qui survivaient n'avaient échappé à la mort que par la fuite. A peu de distance de leur camp, une rencontre avait eu lieu entre eux et les cavaliers romains envoyés par Publius dans le même but que l'avait fait Annibal, et on avait combattu avec tant d'ardeur, que cent trente cavaliers romains et gaulois et plus de deux cents numides avaient succombé. Lancés à la poursuite des fuyards, les Romains approchèrent du camp carthaginois , et après avoir rapidement tout examiné, battirent en retraite pour annoncer à leur général la présence de l'ennemi. Sur le rapport qu'ils lui firent de retour dans les retranchements, Publius mit aussitôt sur sa flotte ses bagages, et s'avança avec son armée le long du fleuve, pressé d'en venir aux mains avec l'ennemi. Mais Annibal, le lendemain de l'assemblée, à la pointe du jour, porta toute sa cavalerie du côté de la mer, comme corps de réserve, et donna ordre à son infanterie de se mettre en marche. Pour lui, il attendit ses éléphants et les soldats préposés à leur garde. Voici comment s'opéra le transport de ces animaux.

XLVI. Πήξαντες σχεδίας καὶ πλείους ἀραρότως, τούτων δύο πρὸς ἀλλήλας ζεύξαντες βιαίως ἤρεισαν ἀμφοτέρας εἰς τὴν γῆν κατὰ τὴν ἔμβασιν τοῦ ποταμοῦ, πλάτος ἐχούσας τὸ συναμφότερον ὡς πεντήκοντα πόδας. Ταύταις δὲ συζευγνύντες ἄλλας ἐκ τῶν ἐκτὸς προσήρμοζον, προτείνοντες τὴν κατασκευὴν τοῦ ζεύγματος εἰς τὸν πόρον. Τὴν δ´ ἀπὸ τοῦ ῥεύματος πλευρὰν ἠσφαλίζοντο τοῖς ἐκ τῆς γῆς ἐπιγύοις, εἰς τὰ περὶ τὸ χεῖλος πεφυκότα τῶν δένδρων ἐνάπτοντες, πρὸς τὸ συμμένειν καὶ μὴ παρωθεῖσθαι τὸ ὅλον ἔργον κατὰ τοῦ ποταμοῦ. Ποιήσαντες δὲ πρὸς δύο πλέθρα τῷ μήκει τὸ πᾶν ζεῦγμα τῆς προβολῆς, μετὰ ταῦτα δύο πεπηγυίας σχεδίας διαφερόντως {τὰς μεγίστας} προσέβαλον ταῖς ἐσχάταις, πρὸς αὑτὰς μὲν βιαίως δεδεμένας, πρὸς δὲ τὰς ἄλλας οὕτως ὥστ´ εὐδιακόπους αὐτῶν εἶναι τοὺς δεσμούς. ῥύματα δὲ καὶ πλείω ταύταις ἐνῆψαν, οἷς ἔμελλον οἱ λέμβοι ῥυμουλκοῦντες οὐκ ἐάσειν φέρεσθαι κατὰ ποταμοῦ, βίᾳ δὲ πρὸς τὸν ῥοῦν κατέχοντες παρακομιεῖν καὶ περαιώσειν ἐπὶ τούτων τὰ θηρία. Μετὰ δὲ ταῦτα χοῦν ἔφερον ἐπὶ πάσας πολύν, ἕως ἐπιβάλλοντες ἐξωμοίωσαν, ὁμαλὴν καὶ σύγχρουν ποιοῦντες τῇ διὰ τῆς χέρσου φερούσῃ πρὸς τὴν διάβασιν ὁδῷ. Τῶν δὲ θηρίων εἰθισμένων τοῖς Ἰνδοῖς μέχρι μὲν πρὸς τὸ ὑγρὸν ἀεὶ πειθαρχεῖν, εἰς δὲ τὸ ὕδωρ ἐμβαίνειν οὐδαμῶς ἔτι τολμώντων, ἦγον διὰ τοῦ χώματος δύο προθέμενοι θηλείας, πειθαρχούντων αὐταῖς τῶν θηρίων. Ἐπεὶ δ´ ἐπὶ τὰς τελευταίας ἐπέστησαν σχεδίας, διακόψαντες τοὺς δεσμούς, οἷς προσήρτηντο πρὸς τὰς ἄλλας, καὶ τοῖς λέμβοις ἐπισπασάμενοι τὰ ῥύματα ταχέως ἀπέσπασαν ἀπὸ τοῦ χώματος τά τε θηρία καὶ τὰς ὑπ´ αὐτοῖς σχεδίας. Οὗ γενομένου διαταραχθέντα τὰ ζῷα κατὰ μὲν τὰς ἀρχὰς ἐστρέφετο καὶ κατὰ πάντα τόπον ὥρμα· περιεχόμενα δὲ πανταχόθεν ὑπὸ τοῦ ῥεύματος ἀπεδειλία καὶ μένειν ἠναγκάζετο κατὰ χώραν. Καὶ τοιούτῳ δὴ τρόπῳ προσαρμοζομένων ἀεὶ σχεδιῶν δυεῖν, τὰ πλεῖστα τῶν θηρίων ἐπὶ τούτων διεκομίσθη, τινὰ δὲ κατὰ μέσον τὸν πόρον ἀπέρριψεν εἰς τὸν ποταμὸν αὑτὰ διὰ τὸν φόβον· ὧν τοὺς μὲν Ἰνδοὺς ἀπολέσθαι συνέβη πάντας, τοὺς δ´ ἐλέφαντας διασωθῆναι. Διὰ γὰρ τὴν δύναμιν καὶ τὸ μέγεθος τῶν προβοσκίδων ἐξαίροντες ταύτας ὑπὲρ τὸ ὑγρὸν καὶ διαπνέοντες, ἅμα δ´ ἐκφυσῶντες πᾶν τὸ παρεμπῖπτον ἀντέσχον, τὸ πολὺ καθ´ ὕδατος ὀρθοὶ ποιούμενοι τὴν πορείαν.

XLVII. Περαιωθέντων δὲ τῶν θηρίων, ἀναλαβὼν Ἀννίβας τοὺς ἐλέφαντας καὶ τοὺς ἱππεῖς προῆγε τούτοις ἀπουραγῶν παρὰ τὸν ποταμὸν ἀπὸ θαλάττης ὡς ἐπὶ τὴν ἕω, ποιούμενος τὴν πορείαν ὡς εἰς τὴν μεσόγαιον τῆς Εὐρώπης. Ὁ δὲ Ῥοδανὸς ἔχει τὰς μὲν πηγὰς ὑπὲρ τὸν Ἀδριατικὸν μυχὸν πρὸς τὴν ἑσπέραν νευούσας, ἐν τοῖς ἀποκλίνουσι μέρεσι τῶν Ἄλπεων ὡς πρὸς τὰς ἄρκτους, ῥεῖ δὲ πρὸς {τὰς} δύσεις χειμερινάς, ἐκβάλλει δ´ εἰς τὸ Σαρδῷον πέλαγος. Φέρεται δ´ ἐπὶ πολὺ δι´ αὐλῶνος, οὗ πρὸς μὲν τὰς ἄρκτους Ἄρδυες Κελτοὶ κατοικοῦσι, τὴν δ´ ἀπὸ μεσημβρίας αὐτοῦ πλευρὰν ὁρίζουσι πᾶσαν (αἱ) πρὸς ἄρκτον κεκλιμέναι τῶν Ἄλπεων παρώρειαι. Τὰ δὲ πεδία τὰ περὶ τὸν Πάδον, ὑπὲρ ὧν ἡμῖν εἴρηται διὰ πλειόνων, ἀπὸ τοῦ κατὰ τὸν Ῥοδανὸν αὐλῶνος διαζευγνύουσιν αἱ τῶν προειρημένων ὀρῶν ἀκρώρειαι, λαμβάνουσαι τὴν ἀρχὴν ἀπὸ Μασσαλίας ἕως ἐπὶ τὸν τοῦ παντὸς Ἀδρίου μυχόν· ἃς τόθ´ ὑπεράρας Ἀννίβας ἀπὸ τῶν κατὰ τὸν Ῥοδανὸν τόπων ἐνέβαλεν εἰς Ἰταλίαν. Ἔνιοι δὲ τῶν γεγραφότων περὶ τῆς ὑπερβολῆς ταύτης, βουλόμενοι τοὺς ἀναγινώσκοντας ἐκπλήττειν τῇ περὶ τῶν προειρημένων τόπων παραδοξολογίᾳ, λανθάνουσιν ἐμπίπτοντες εἰς δύο τὰ πάσης ἱστορίας ἀλλοτριώτατα· καὶ γὰρ ψευδολογεῖν καὶ μαχόμενα γράφειν αὑτοῖς ἀναγκάζονται. Ἅμα μὲν γὰρ τὸν Ἀννίβαν ἀμίμητόν τινα παρεισάγοντες στρατηγὸν καὶ τόλμῃ καὶ προνοίᾳ τοῦτον ὁμολογουμένως ἀποδεικνύουσιν ἡμῖν ἀλογιστότατον, ἅμα δὲ καταστροφὴν οὐ δυνάμενοι λαμβάνειν οὐδ´ ἔξοδον τοῦ ψεύδους θεοὺς καὶ θεῶν παῖδας εἰς πραγματικὴν ἱστορίαν παρεισάγουσιν. Ὑποθέμενοι γὰρ τὰς ἐρυμνότητας καὶ τραχύτητας τῶν Ἀλπεινῶν ὀρῶν τοιαύτας ὥστε μὴ οἷον ἵππους καὶ στρατόπεδα, σὺν δὲ τούτοις ἐλέφαντας, ἀλλὰ μηδὲ πεζοὺς εὐζώνους εὐχερῶς ἂν διελθεῖν, ὁμοίως δὲ καὶ τὴν ἔρημον τοιαύτην τινὰ περὶ τοὺς τόπους ὑπογράψαντες ἡμῖν ὥστ´, εἰ μὴ θεὸς ἤ τις ἥρως ἀπαντήσας τοῖς περὶ τὸν Ἀννίβαν ὑπέδειξε τὰς ὁδούς, ἐξαπορήσαντας ἂν καταφθαρῆναι πάντας, ὁμολογουμένως ἐκ τούτων εἰς ἑκάτερον τῶν προειρημένων ἁμαρτημάτων ἐμπίπτουσι.

XLVIII. Πρῶτον μὲν γὰρ ἂν τίς φανείη στρατηγὸς ἀλογιστότερος Ἀννίβου, τίς καὶ σκαιότερος ἡγεμών, ὃς τοσούτων ἡγούμενος δυνάμεων καὶ τὰς μεγίστας ἐλπίδας ἔχων ἐν τούτοις τοῦ κατορθώσειν τοῖς ὅλοις, οὔτε τὰς ὁδοὺς οὔτε τόπους, ὡς οὗτοί φασιν, οὔτε ποῦ πορεύεται τὸ παράπαν οὔτε πρὸς τίνας ἐγίνωσκε, τὸ δὲ πέρας, οὐδ´ εἰ καθόλου {τοὐναντίον} δυνατοῖς ἐπιβάλλεται πράγμασιν; ἀλλ´ ὅπερ οἱ τοῖς ὅλοις ἐπταικότες καὶ κατὰ πάντα τρόπον ἐξαποροῦντες οὐχ ὑπομένουσιν, ὥστ´ εἰς ἀπρονοήτους καθιέναι τόπους μετὰ δυνάμεως, τοῦτο περιτιθέασιν οἱ συγγραφεῖς Ἀννίβᾳ τῷ τὰς μεγίστας ἐλπίδας ἀκεραίους ἔχοντι περὶ τῶν καθ´ αὑτὸν πραγμάτων. Ὁμοίως δὲ καὶ τὰ περὶ τῆς ἐρημίας, ἔτι δ´ ἐρυμνότητος καὶ δυσχωρίας τῶν τόπων ἔκδηλον ποιεῖ τὸ ψεῦδος αὐτῶν. Οὐχ ἱστορήσαντες γὰρ ὅτι συμβαίνει τοὺς Κελτοὺς τοὺς παρὰ τὸν Ῥοδανὸν ποταμὸν οἰκοῦντας οὐχ ἅπαξ οὐδὲ δὶς πρὸ τῆς Ἀννίβου παρουσίας, οὐδὲ μὴν πάλαι προσφάτως δέ, μεγάλοις στρατοπέδοις ὑπερβάντας τὰς Ἄλπεις παρατετάχθαι μὲν Ῥωμαίοις, συνηγωνίσθαι δὲ Κελτοῖς τοῖς τὰ περὶ τὸν Πάδον πεδία κατοικοῦσι, καθάπερ ἡμεῖς ἐν τοῖς πρὸ τούτων ἐδηλώσαμεν, πρὸς δὲ τούτοις οὐκ εἰδότες ὅτι πλεῖστον ἀνθρώπων φῦλον κατ´ αὐτὰς οἰκεῖν συμβαίνει τὰς Ἄλπεις, ἀλλ´ ἀγνοοῦντες ἕκαστα τῶν εἰρημένων ἥρω τινά φασιν ἐπιφανέντα συνυποδεῖξαι τὰς ὁδοὺς αὐτοῖς. Ἐξ ὧν εἰκότως ἐμπίπτουσιν εἰς τὸ παραπλήσιον τοῖς τραγῳδιογράφοις. Καὶ γὰρ ἐκείνοις πᾶσιν αἱ καταστροφαὶ τῶν δραμάτων προσδέονται θεοῦ καὶ μηχανῆς διὰ τὸ τὰς πρώτας ὑποθέσεις ψευδεῖς καὶ παραλόγους λαμβάνειν, τούς τε συγγραφέας ἀνάγκη τὸ παραπλήσιον πάσχειν καὶ ποιεῖν ἥρωάς τε καὶ θεοὺς ἐπιφαινομένους, ἐπειδὰν τὰς ἀρχὰς ἀπιθάνους καὶ ψευδεῖς ὑποστήσωνται. Πῶς γὰρ οἷόν τε παραλόγοις ἀρχαῖς εὔλογον ἐπιθεῖναι τέλος; Ἀννίβας γε μὴν οὐχ ὡς οὗτοι γράφουσιν, λίαν δὲ περὶ ταῦτα πραγματικῶς ἐχρῆτο ταῖς ἐπιβολαῖς. Καὶ γὰρ τὴν τῆς χώρας ἀρετήν, εἰς ἣν ἐπεβάλετο καθιέναι, καὶ τὴν τῶν ὄχλων ἀλλοτριότητα πρὸς Ῥωμαίους ἐξητάκει σαφῶς, εἴς τε τὰς μεταξὺ δυσχωρίας ὁδηγοῖς καὶ καθηγεμόσιν ἐγχωρίοις ἐχρῆτο τοῖς τῶν αὐτῶν ἐλπίδων μέλλουσι κοινωνεῖν. Ἡμεῖς δὲ περὶ τούτων εὐθαρσῶς ἀποφαινόμεθα διὰ τὸ περὶ τῶν πράξεων παρ´ αὐτῶν ἱστορηκέναι τῶν παρατετευχότων τοῖς καιροῖς, τοὺς δὲ τόπους κατωπτευκέναι καὶ τῇ διὰ τῶν Ἄλπεων αὐτοὶ κεχρῆσθαι πορείᾳ γνώσεως ἕνεκα καὶ θέας.

XLIX. Οὐ μὴν ἀλλὰ Πόπλιος μὲν ὁ τῶν Ῥωμαίων στρατηγὸς ἡμέραις ὕστερον τρισὶ τῆς ἀναζυγῆς τῆς τῶν Καρχηδονίων παραγενόμενος ἐπὶ τὴν τοῦ ποταμοῦ διάβασιν καὶ καταλαβὼν ὡρμηκότας τοὺς ὑπεναντίους ἐξενίσθη μὲν ὡς ἐνδέχεται μάλιστα, πεπεισμένος οὐδέποτ´ ἂν αὐτοὺς τολμῆσαι τῇδε ποιήσασθαι τὴν εἰς Ἰταλίαν πορείαν διὰ τὸ πλῆθος καὶ τὴν ἀθεσίαν τῶν κατοικούντων τοὺς τόπους βαρβάρων. Θεωρῶν δὲ τετολμηκότας αὖθις ἐπὶ τὰς ναῦς ἠπείγετο καὶ παραγενόμενος ἐνεβίβαζε τὰς δυνάμεις. Καὶ τὸν μὲν ἀδελφὸν ἐξέπεμπεν ἐπὶ τὰς ἐν Ἰβηρίᾳ πράξεις, αὐτὸς δὲ πάλιν ὑποστρέψας εἰς Ἰταλίαν ἐποιεῖτο τὸν πλοῦν, σπεύδων καταταχῆσαι τοὺς ὑπεναντίους διὰ Τυρρηνίας πρὸς τὴν τῶν Ἄλπεων ὑπερβολήν. Ἀννίβας δὲ ποιησάμενος ἑξῆς ἐπὶ τέτταρας ἡμέρας τὴν πορείαν ἀπὸ τῆς διαβάσεως ἧκε πρὸς τὴν καλουμένην Νῆσον, χώραν πολύοχλον καὶ σιτοφόρον, ἔχουσαν δὲ τὴν προσηγορίαν ἀπ´ αὐτοῦ τοῦ συμπτώματος. ᾗ μὲν γὰρ ὁ Ῥοδανός, ᾗ δ´ Ἰσάρας προσαγορευόμενος, ῥέοντες παρ´ ἑκατέραν τὴν πλευράν, ἀποκορυφοῦσιν αὐτῆς τὸ σχῆμα κατὰ τὴν πρὸς ἀλλήλους σύμπτωσιν. Ἔστι δὲ παραπλησία τῷ μεγέθει καὶ τῷ σχήματι τῷ κατ´ Αἴγυπτον καλουμένῳ Δέλτα, πλὴν ἐκείνου μὲν θάλαττα τὴν μίαν πλευρὰν καὶ τὰς τῶν ποταμῶν ῥύσεις ἐπιζεύγνυσι, ταύτης δ´ ὄρη δυσπρόσοδα καὶ δυσέμβολα καὶ σχεδὸν ὡς εἰπεῖν ἀπρόσιτα. Πρὸς ἣν ἀφικόμενος καὶ καταλαβὼν ἐν αὐτῇ δύ´ ἀδελφοὺς ὑπὲρ τῆς βασιλείας στασιάζοντας καὶ μετὰ στρατοπέδων ἀντικαθημένους ἀλλήλοις, ἐπισπωμένου τοῦ πρεσβυτέρου καὶ παρακαλοῦντος εἰς τὸ συμπρᾶξαι καὶ συμπεριποιῆσαι τὴν ἀρχὴν αὐτῷ, - - - ὑπήκουσε, προδήλου σχεδὸν ὑπαρχούσης τῆς πρὸς τὸ παρὸν ἐσομένης αὐτῷ χρείας. Διὸ καὶ συνεπιθέμενος καὶ συνεκβαλὼν τὸν ἕτερον πολλῆς ἐπικουρίας ἔτυχε παρὰ τοῦ κρατήσαντος· οὐ γὰρ μόνον σίτῳ καὶ τοῖς ἄλλοις ἐπιτηδείοις ἀφθόνως ἐχορήγησε τὸ στρατόπεδον, ἀλλὰ καὶ τῶν ὅπλων τὰ παλαιὰ καὶ τὰ πεπονηκότα πάντα διαλλάξας ἐκαινοποίησε πᾶσαν τὴν δύναμιν εὐκαίρως, ἔτι δὲ τοὺς πλείστους ἐσθῆτι καὶ πρὸς τούτοις ὑποδέσει κοσμήσας μεγάλην εὐχρηστίαν παρέσχετο πρὸς τὰς τῶν ὀρῶν ὑπερβολάς. Τὸ δὲ μέγιστον, εὐλαβῶς διακειμένοις πρὸς τὴν διὰ τῶν Ἀλλοβρίγων καλουμένων Γαλατῶν πορείαν ἀπουραγήσας μετὰ τῆς σφετέρας δυνάμεως ἀσφαλῆ παρεσκεύασε τὴν δίοδον αὐτοῖς, ἕως ἤγγισαν τῇ τῶν Ἄλπεων ὑπερβολῇ.

L. Ἀννίβας δ´ ἐν ἡμέραις δέκα πορευθεὶς παρὰ τὸν ποταμὸν εἰς ὀκτακοσίους σταδίους ἤρξατο τῆς πρὸς τὰς Ἄλπεις ἀναβολῆς, καὶ συνέβη μεγίστοις αὐτὸν περιπεσεῖν κινδύνοις. Ἕως μὲν γὰρ ἐν τοῖς ἐπιπέδοις ἦσαν, ἀπείχοντο πάντες αὐτῶν οἱ κατὰ μέρος ἡγεμόνες τῶν Ἀλλοβρίγων, τὰ μὲν τοὺς ἱππεῖς δεδιότες, τὰ δὲ τοὺς παραπέμποντας βαρβάρους· ἐπειδὴ δ´ ἐκεῖνοι μὲν εἰς τὴν οἰκείαν ἀπηλλάγησαν, οἱ δὲ περὶ τὸν Ἀννίβαν ἤρξαντο προάγειν εἰς τὰς δυσχωρίας, τότε συναθροίσαντες οἱ τῶν Ἀλλοβρίγων ἡγεμόνες ἱκανόν τι πλῆθος προκατελάβοντο τοὺς εὐκαίρους τόπους, δι´ ὧν ἔδει τοὺς περὶ τὸν Ἀννίβαν κατ´ ἀνάγκην ποιεῖσθαι τὴν ἀναβολήν. Εἰ μὲν οὖν ἔκρυψαν τὴν ἐπίνοιαν, ὁλοσχερῶς ἂν διέφθειραν τὸ στράτευμα τῶν Καρχηδονίων· νῦν δὲ καταφανεῖς γενόμενοι μεγάλα μὲν καὶ τοὺς περὶ Ἀννίβαν ἔβλαψαν, οὐκ ἐλάττω δ´ ἑαυτούς. Γνοὺς γὰρ ὁ στρατηγὸς τῶν Καρχηδονίων ὅτι προκατέχουσιν οἱ βάρβαροι τοὺς εὐκαίρους τόπους, αὐτὸς μὲν καταστρατοπεδεύσας πρὸς ταῖς ὑπερβολαῖς ἐπέμενε, προέπεμψε δέ τινας τῶν καθηγουμένων αὐτοῖς Γαλατῶν χάριν τοῦ κατασκέψασθαι τὴν τῶν ὑπεναντίων ἐπίνοιαν καὶ τὴν ὅλην ὑπόθεσιν. ὧν πραξάντων τὸ συνταχθέν, ἐπιγνοὺς ὁ στρατηγὸς ὅτι τὰς μὲν ἡμέρας ἐπιμελῶς παρευτακτοῦσι καὶ τηροῦσι τοὺς τόπους οἱ πολέμιοι, τὰς δὲ νύκτας εἴς τινα παρακειμένην πόλιν ἀπαλλάττονται, πρὸς ταύτην τὴν ὑπόθεσιν ἁρμοζόμενος συνεστήσατο πρᾶξιν τοιαύτην. Ἀναλαβὼν τὴν δύναμιν προῆγεν ἐμφανῶς καὶ συνεγγίσας ταῖς δυσχωρίαις οὐ μακρὰν τῶν πολεμίων κατεστρατοπέδευσε. Τῆς δὲ νυκτὸς ἐπιγενομένης, συντάξας τὰ πυρὰ καίειν, τὸ μὲν πλεῖον μέρος τῆς δυνάμεως αὐτοῦ κατέλιπε, τοὺς δ´ ἐπιτηδειοτάτους εὐζώνους ποιήσας διῆλθε τὰ στενὰ τὴν νύκτα καὶ κατέσχε τοὺς ὑπὸ τῶν πολεμίων προκαταληφθέντας τόπους, ἀποκεχωρηκότων τῶν βαρβάρων κατὰ τὴν συνήθειαν εἰς τὴν πόλιν

XLVI. Les Carthaginois construisirent un assez; grand nombre de radeaux, puis en joignirent solidement deux qui présentaient une étendue de cinquante pieds, et qu'ils fichèrent en terre sur la partie qui conduisait au Rhône (13). A ces premiers radeaux, ils en adaptèrent d'autres en avant, étendant ainsi du bord 220 vers le milieu du fleuve une espèce de pont. Enfin ils assujettirent le côté exposé au courant au moyen de cordes enlacées autour des arbres qui bordaient la rive, afin que tout l'ouvrage restât immobile et ne courût pas risque d'être emporté par les flots. Dès que le pont eut atteint une longueur de deux cents pieds environ, on plaça à l'extrémité deux autres radeaux d'une grandeur particulière, très-solides, et qui, fortement unis entre eux, l'étaient au reste de manière à ce qu'on pût facilement en couper les liens. A ces radeaux étaient attachés plusieurs câbles au moyen desquels les bateaux remorqueurs devaient les maintenir contre le courant, et par cette résistance les transporter avec les éléphants qui les montaient sur l'autre rive. On eut soin encore de jeter beaucoup de terre dans tous les radeaux, étonne s'arrêta que lorsqu'on eut rendu ce pont semblable en tout, pour la couleur et pour l'égalité du terrain, à la route qui menait au bord du fleuve. Les éléphants obéissent volontiers à leurs Indiens tant qu'ils sont sur terre, mais ils n'osent mettre le pied dans l'eau ; on les conduisit donc sur la chaussée artificielle disposée à ce sujet, deux femelles à la tête de la troupe : les autres suivirent. Quand ils furent établis dans les derniers radeaux, on coupa les liens qui les enchaînaient aux autres, et en tirant les câbles du haut des nacelles chargées de remorquer, on eut bientôt éloigné de la chaussée et les éléphants et les navires où ils étaient entassés. Ces animaux , d'abord troublés, se tournèrent de tout côté et firent mine de s'élancer dehors ; mais entourés d'eau, la crainte les contraignit à demeurer en place. C'est ainsi qu'en attachant successivement aux dernières barques deux radeaux, Annibal réussit à transporter la plupart des éléphants. Au milieu du trajet, quelques-uns se jetèrent de peur dans les flots ; les conducteurs périrent, les animaux furent sauvés. Grâce à leur force et à la longueur de leurs trompes, qu'ils élevaient au-dessus  221 de l'eau, et qui leur permettaient de respirer ou de rejeter Tonde, ils parvinrent sains et saufs sur la rive, sans avoir presque perdu pied.

XLVII. Lorsque les éléphants eurent franchi le fleuve, Annibal les plaça avec la cavalerie à l'arrière-garde, se dirigea de la mer vers l'orient, comme s'il eût voulu pénétrer dans l'intérieur de l'Europe en s'avançant le long du Rhône. Ce fleuve a sa source à l'ouest, au-dessus du golfe Adriatique, dans cette fraction des Alpes qui se dirige vers le Nord ; de là il court vers le couchant d'hiver et va se jeter dans la mer de Sardaigne. Il coule durant la plus grande partie de son cours dans une vallée dont les .Gaulois Ardyens occupent le nord, et qui, au midi, a pour bornes le pied des Alpes septentrionales. Les plaines qu'arrose le Pô, et sur lesquelles nous avons déjà donné de nombreux détails, sont séparées de la vallée que le Rhône traverse par la chaîne Alpine qui commence à Marseille, finit à l'extrémité du golfe Adriatique, et qu'Annibal franchit pour passer des campagnes baignées par le Rhône en Italie. Quelques narrateurs de ce passage des Alpes, en voulant étonner l'esprit de leurs lecteurs par la nouveauté des détails à propos de ces montagnes, sont tombés à leur insu dans deux défauts également contraires au caractère de l'histoire : de grossiers mensonges et de continuelles contradictions. Ils nous représentent, par exemple, Annibal comme le modèle de la bravoure et de la prudence, et en définitive ils nous font voir en lui une espèce d'insensé. Puis, comme ils ne peuvent trouver un dénouement à leur récit, ni une issue à leurs fables, ils font intervenir et des dieux et des fils de dieux dans l'histoire, qui d'ordinaire fie s'appuie que sur les faits. Tantôt ils supposent les pentes des Alpes si roides et si difficiles, que, loin de pouvoir être franchies par des chevaux, par une armée et par des éléphants, elles seraient presque inaccessibles même à l'infanterie. Tantôt ils nous dépeignent les lieux d'a- 222 lentour tellement déserts, que, sans la rencontre de quelque divinité ou de quelque héros venus tout exprès pour dire la route à Annibal, ses soldats égarés auraient péri sans aucun doute. C'est ainsi qu'ils donnent visiblement dans les défauts que nous avons plus haut signalés.

XLVIII. Comment d'abord imaginer un général plus insensé, plus maladroit qu'Annibal, qui, à la tête de troupes considérables, sur lesquelles il fonde les plus belles espérances pour le succès de toute son entreprise , ne sait, s'il faut en croire nos historiens, ni les routes, ni les lieux qu'il doit traverser, ni où il va, ni chez quels peuples il les dirige, et court s'engager dans une entreprise absolument impossible ? Ce que des gens désespérés et sans ressources oseraient à peine risquer, je veux dire se jeter avec une armée dans des lieux inexplorés, ils le font tenter par Annibal au moment même où son espoir en l'avenir est le plus doux et le plus complet. Leurs développements sur les déserts, sur les précipices, sur les difficultés que présentent les Alpes, révèlent encore leurs faussetés. Ils ne savaient donc pas que les Gaulois, habitants des rives du Rhône, mainte et mainte fois avant l'arrivée d'Annibal, très-récemment encore (pourquoi remonter plus haut?) avaient franchi les Alpes avec des forces immenses, afin de combattre les Romains et de secourir leurs compagnons dans les plaines du Pô, ainsi que nous l'avons déjà dit? Ils ne savaient donc pas que de nombreuses peuplades occupent les Alpes? Faute de connaître tout cela, ils s'imaginent de nous dire qu'un dieu, soudainement advenu, vint montrer la route aux Carthaginois. Ainsi, pour eux, même nécessité que pour les poètes dramatiques ; dans la plupart de nos pièces de théâtre, les dénouements ont besoin de l'intervention dé quelque dieu, parce que les auteurs choisissent des fables en dehors du vrai et de la raison. Ainsi nos historiens se voient contraints de faire appa-  223 raître des héros ou des dieux, parce qu'ils sont partis: de principes sans vérité et sans vraisemblance. Comment en effet donner à un commencement absurde une fin raisonnable? En résumé, Annibal, loin d'agir comme ils le disent, montra dans tonte sa conduite la plus grande prudence. Il s'était soigneusement informé de la fertilité du pays où il devait aller, des sentiments de haine où étaient les populations à l'égard des Romains, et dans les endroits difficiles , il prenait pour guides des gens du pays qui devaient partager sa fortune» Si je. parle ici avec ce ton d'assurance, c'est que je tiens les faits dont il est question de la bouche môme de témoins oculaires, et que pour ce qui regarde les localités, je les ai parcourues en personne dans un voyage que je fis autrefois aux Alpes, afin d'en prendre par moi-même une exacte connaissance.

XLIX. Publius arriva trois jours après le départ des Carthaginois à l'endroit où ceux-ci avaient passé le fleuve, et en apprenant qu'ils avaient décampé, grande fut sa surprise ; il était convaincu que jamais ils n'oseraient se diriger vers l'Italie par une route que couvraient des peuplades barbares nombreuses et perfides. Quoi qu'il en soit, à peine eut-il vu qu'ils l'avaient osé, qu'il regagna promptement sa flotte, fit embarquer ses troupes, envoya son frère en Espagne pour veiller sur ce pays, et que lui-même il reprit la route d'Italie, afin d'arriver par l'Étrurie avant Annibal au pied des Alpes. Cependant celui-ci, après une marche continue de quatre jours, était parvenu en un lieu fort peuplé et fertile qu'on appelle Ile, et qui tire son nom de sa position même. Le Rhône l'arrose d'un côté, l'Isère de l'autre, et, en se réunissant, l'aiguisent en pointe. Pour sa grandeur et sa conformation, l'Ile ressemble assez au Delta d'Egypte, si ce n'est toutefois que la mer sert de borne à l'un des côtés du Delta et aux fleuves qui l'arrosent, tandis que l'Ile est fermée par des montagnes d'un accès difficile et dont les gorges étroites 324 sont presque impénétrables. Annibal, à son arrivée, y trouva deux frères qui se disputaient l'autorité et qui avaient chacun une armée à leur disposition. L'aîné fit un appel aux forces du nouveau venu, et le pria de l'aider à conquérir le trône. Annibal y consentit, frappé des avantages qu'il en pouvait immédiatement tirer, combina ses efforts avec ceux du prince son allié, le débarrassa de son rival, et obtint du vainqueur de précieux secours. Non-seulement celui-ci fournit au camp du blé et des provisions nécessaires en abondance , mais encore il remplaça les armes vieilles et fatiguées par des armes toutes fraîches, et renouvela ainsi fort à propos le matériel des troupes des Carthaginois. De plus, en leur donnant des habits et des chaussures, il facilita singulièrement le passage des Alpes. Enfin, et ce fut là le plus grand de ses services, il se mit avec ses forces à la suite de celles des Carthaginois, qui craignaient de traverser le pays des Gaulois Allobroges, et protégea leur marche jusqu'à ce qu'ils fussent parvenus au pied des Alpes.

L. Annibal, après avoir en dix jours parcouru le long du fleuve (14) huit cents stades, s'occupa sans retard de franchir les Alpes. Il courut dans cette tentative les plus grands dangers. Tant que l'on fut dans la plaine, les chefs inférieurs des Allobroges s'abstinrent de toute attaque, par crainte de la cavalerie et des barbares auxiliaires qui faisaient cortège à Annibal. Mais dès que ceux-ci furent partis, et que les troupes d'Annibal eurent commencé à s'engager sur un terrain difficile, alors les Allobroges, réunis en nombre suffisant, s'emparèrent des positions avantageuses par lesquelles il fallait de toute nécessité que l'ennemi passât. S'ils avaient pu cacher leurs manœuvres, ils auraient détruit toute l'armée carthaginoise ; mais leur dessein  225 fut découvert, et s'ils causèrent à Annibal de grandes pertes, les leurs ne furent pas moins sensibles. En effet, Annibal, ayant appris qu'ils avaient occupé les lieux les plus favorables, s'établit dans un camp à rentrée même du passage, et envoya à la découverte quelques-uns de ses guides gaulois qu'il chargea de reconnaître leurs intentions et leurs dispositions en général. De retour de leur mission , ils l'informèrent que, pendant le jour, les ennemis gardaient leurs postes avec une attentive vigilance, mais que la nuit ils se retiraient dans une ville voisine. Aussitôt, se réglant sur cette manière d'agir, il imagina le plan d'attaque qui suit. Il fit avancer ses troupes en plein jour, et quand il fut assez près des défilés, campa à quelque distance des barbares. Puis, la nuit venue, il fit allumer des feux, et laissant dans les retranchements la plus grande partie de son armée, il pénétra avec les plus braves soldats, armés à la légère, dans les gorges de la montagne à la faveur des ténèbres, où il s'empara des postes occupés par les Gaulois, tandis que ceux-ci, suivant leur coutume, avaient regagné leur ville.

LI. Οὗ συμβάντος καὶ τῆς ἡμέρας ἐπιγενομένης, οἱ βάρβαροι συνθεασάμενοι τὸ γεγονὸς τὰς μὲν ἀρχὰς ἀπέστησαν τῆς ἐπιβολῆς· μετὰ δὲ ταῦτα θεωροῦντες τὸ τῶν ὑποζυγίων πλῆθος καὶ τοὺς ἱππεῖς δυσχερῶς ἐκμηρυομένους καὶ μακρῶς τὰς δυσχωρίας, ἐξεκλήθησαν ὑπὸ τοῦ συμβαίνοντος ἐξάπτεσθαι τῆς πορείας. Τούτου δὲ γενομένου, καὶ κατὰ πλείω μέρη προσπεσόντων τῶν βαρβάρων, οὐχ οὕτως ὑπὸ τῶν ἀνδρῶν ὡς ὑπὸ τῶν τόπων πολὺς ἐγίνετο φθόρος τῶν Καρχηδονίων, καὶ μάλιστα τῶν ἵππων καὶ τῶν ὑποζυγίων. Οὔσης γὰρ οὐ μόνον στενῆς καὶ τραχείας τῆς προσβολῆς ἀλλὰ καὶ κρημνώδους, ἀπὸ παντὸς κινήματος καὶ πάσης ταραχῆς ἐφέρετο κατὰ τῶν κρημνῶν ὁμόσε τοῖς φορτίοις πολλὰ τῶν ὑποζυγίων. Καὶ μάλιστα τὴν τοιαύτην ταραχὴν ἐποίουν οἱ τραυματιζόμενοι τῶν ἵππων· τούτων γὰρ οἱ μὲν ἀντίοι συμπίπτοντες τοῖς ὑποζυγίοις, ὁπότε διαπτοηθεῖεν ἐκ τῆς πληγῆς, οἱ δὲ κατὰ τὴν εἰς τοὔμπροσθεν ὁρμὴν ἐξωθοῦντες πᾶν τὸ παραπῖπτον ἐν ταῖς δυσχωρίαις, μεγάλην ἀπειργάζοντο ταραχήν. Εἰς ἃ βλέπων Ἀννίβας καὶ συλλογιζόμενος ὡς οὐδὲ τοῖς διαφυγοῦσι τὸν κίνδυνον ἔστι σωτηρία τοῦ σκευοφόρου διαφθαρέντος, ἀναλαβὼν τοὺς προκατασχόντας τὴν νύκτα τὰς ὑπερβολὰς ὥρμησε παραβοηθήσων τοῖς τῇ πορείᾳ προλαβοῦσιν. Οὗ γενομένου πολλοὶ μὲν τῶν πολεμίων ἀπώλλυντο διὰ τὸ ποιεῖσθαι τὴν ἔφοδον ἐξ ὑπερδεξίων τὸν Ἀννίβαν, οὐκ ἐλάττους δὲ καὶ τῶν ἰδίων· ὁ γὰρ κατὰ τὴν πορείαν θόρυβος ἐξ ἀμφοῖν ηὔξετο διὰ τὴν τῶν προειρημένων κραυγὴν καὶ συμπλοκήν. Ἐπεὶ δὲ τοὺς μὲν πλείστους τῶν Ἀλλοβρίγων ἀπέκτεινε, τοὺς δὲ λοιποὺς τρεψάμενος ἠνάγκασε φυγεῖν εἰς τὴν οἰκείαν, τότε δὴ τὸ μὲν ἔτι περιλειπόμενον πλῆθος τῶν ὑποζυγίων καὶ τῶν ἵππων μόλις καὶ ταλαιπώρως διήνυε τὰς δυσχωρίας, αὐτὸς δὲ συναθροίσας ὅσους ἠδύνατο πλείστους ἐκ τοῦ κινδύνου προσέβαλε πρὸς τὴν πόλιν, ἐξ ἧς ἐποιήσαντο τὴν ὁρμὴν οἱ πολέμιοι. Καταλαβὼν δὲ σχεδὸν ἔρημον διὰ τὸ πάντας ἐκκληθῆναι πρὸς τὰς ὠφελείας ἐγκρατὴς ἐγένετο τῆς πόλεως. Ἐκ δὲ τούτου πολλὰ συνέβη τῶν χρησίμων αὐτῷ πρός τε τὸ παρὸν καὶ πρὸς τὸ μέλλον. Παραυτίκα μὲν γὰρ ἐκομίσατο πλῆθος ἵππων καὶ ὑποζυγίων καὶ τῶν ἅμα τούτοις ἑαλωκότων ἀνδρῶν, εἰς δὲ τὸ μέλλον ἔσχε μὲν καὶ σίτου καὶ θρεμμάτων ἐπὶ δυεῖν καὶ τρισὶν ἡμέραις εὐπορίαν, τὸ δὲ συνέχον, φόβον ἐνειργάσατο τοῖς ἑξῆς πρὸς τὸ μὴ τολμᾶν αὐτῷ ῥᾳδίως ἐγχειρεῖν μηδένα τῶν παρακειμένων ταῖς ἀναβολαῖς.

LII. Τότε μὲν οὖν αὐτοῦ ποιησάμενος τὴν παρεμβολὴν καὶ μίαν ἐπιμείνας ἡμέραν αὖθις ὥρμα. Ταῖς δ´ ἑξῆς μέχρι μέν τινος ἀσφαλῶς διῆγε τὴν στρατιάν· ἤδη δὲ τεταρταῖος ὢν αὖθις εἰς κινδύνους παρεγένετο μεγάλους. Οἱ γὰρ περὶ τὴν δίοδον οἰκοῦντες συμφρονήσαντες ἐπὶ δόλῳ συνήντων αὐτῷ, θαλλοὺς ἔχοντες καὶ στεφάνους· τοῦτο γὰρ σχεδὸν πᾶσι τοῖς βαρβάροις ἐστὶ σύνθημα φιλίας, καθάπερ τὸ κηρύκειον τοῖς Ἕλλησιν. Εὐλαβῶς δὲ διακείμενος πρὸς τὴν τοιαύτην πίστιν Ἀννίβας ἐξήτασε φιλοτίμως τὴν ἐπίνοιαν αὐτῶν καὶ τὴν ὅλην ἐπιβολήν. Τῶν δὲ φασκόντων καλῶς εἰδέναι καὶ τὴν τῆς πόλεως ἅλωσιν καὶ τὴν τῶν ἐγχειρησάντων αὐτὸν ἀδικεῖν ἀπώλειαν, καὶ διασαφούντων ὅτι πάρεισι διὰ ταῦτα, βουλόμενοι μήτε ποιῆσαι μήτε παθεῖν μηδὲν δυσχερές, ὑπισχνουμένων δὲ καὶ δώσειν ἐξ αὑτῶν ὅμηρα, πολὺν μὲν χρόνον ηὐλαβεῖτο καὶ διηπίστει τοῖς λεγομένοις, συλλογιζόμενος (δ´ Ἀννίβας ὡς δεξάμενος) μὲν τὰ προτεινόμενα, τάχ´ ἂν ἴσως εὐλαβεστέρους καὶ πρᾳοτέρους ποιήσαι τοὺς παραγεγονότας, μὴ προσδεξάμενος δὲ προδήλους ἕξει πολεμίους αὐτούς, συγκατένευσε τοῖς λεγομένοις καὶ συνυπεκρίθη τίθεσθαι φιλίαν πρὸς αὐτούς. Τῶν δὲ βαρβάρων τὰ ὅμηρα παραδόντων καὶ θρέμμασι χορηγούντων ἀφθόνως καὶ καθόλου διδόντων σφᾶς αὐτοὺς εἰς τὰς χεῖρας ἀπαρατηρήτως, ἐπὶ ποσὸν ἐπίστευσαν οἱ περὶ τὸν Ἀννίβαν, ὥστε καὶ καθηγεμόσιν αὐτοῖς χρῆσθαι πρὸς τὰς ἑξῆς δυσχωρίας. Προπορευομένων δ´ αὐτῶν ἐπὶ δύ´ ἡμέραις, συναθροισθέντες οἱ προειρημένοι καὶ συνακολουθήσαντες ἐπιτίθενται, φάραγγά τινα δύσβατον καὶ κρημνώδη περαιουμένων αὐτῶν.

LIII. Ἐν ᾧ καιρῷ πάντας ἄρδην ἀπολέσθαι συνέβη τοὺς περὶ τὸν Ἀννίβαν, εἰ μὴ δεδιότες ἀκμὴν ἐπὶ ποσὸν καὶ προορώμενοι τὸ μέλλον τὰ μὲν σκευοφόρα καὶ τοὺς ἱππεῖς εἶχον ἐν τῇ πρωτοπορείᾳ, τοὺς δ´ ὁπλίτας ἐπὶ τῆς οὐραγίας. Τούτων δ´ ἐφεδρευόντων ἔλαττον συνέβη γενέσθαι τὸ πάθος· οὗτοι γὰρ ἔστεξαν τὴν ἐπιφορὰν τῶν βαρβάρων. Οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ τούτου συγκυρήσαντος πολύ τι πλῆθος καὶ τῶν ἀνδρῶν καὶ τῶν ὑποζυγίων καὶ τῶν ἵππων διεφθάρη. Τῶν γὰρ τόπων ὑπερδεξίων ὄντων τοῖς πολεμίοις, ἀντιπαράγοντες οἱ βάρβαροι ταῖς παρωρείαις καὶ τοῖς μὲν τὰς πέτρας ἐπικυλίοντες τοὺς δ´ ἐκ χειρὸς τοῖς λίθοις τύπτοντες εἰς ὁλοσχερῆ διατροπὴν καὶ κίνδυνον ἦγον, οὕτως ὥστ´ ἀναγκασθῆναι τὸν Ἀννίβαν μετὰ τῆς ἡμισείας δυνάμεως νυκτερεῦσαι περί τι λευκόπετρον ὀχυρὸν χωρὶς τῶν ἵππων καὶ τῶν ὑποζυγίων, ἐφεδρεύοντα τούτοις, ἕως ἐν ὅλῃ τῇ νυκτὶ ταῦτα μόλις ἐξεμηρύσατο τῆς χαράδρας. Τῇ δ´ ἐπαύριον τῶν πολεμίων χωρισθέντων, συνάψας τοῖς ἱππεῦσι καὶ τοῖς ὑποζυγίοις προῆγε πρὸς τὰς ὑπερβολὰς τὰς ἀνωτάτω τῶν Ἄλπεων, ὁλοσχερεῖ μὲν οὐδενὶ περιπίπτων ἔτι συστήματι τῶν βαρβάρων, κατὰ μέρη δὲ καὶ κατὰ τόπους παρενοχλούμενος ὑπ´ αὐτῶν· ὧν οἱ μὲν ἀπὸ τῆς οὐραγίας, οἱ δ´ ἀπὸ τῆς πρωτοπορείας ἀπέσπων τῶν σκευοφόρων ἔνια, προσπίπτοντες εὐκαίρως. Μεγίστην δ´ αὐτῷ παρείχετο χρείαν τὰ θηρία· καθ´ ὃν γὰρ ἂν τόπον ὑπάρχοι τῆς πορείας ταῦτα, πρὸς τοῦτο τὸ μέρος οὐκ ἐτόλμων οἱ πολέμιοι προσιέναι, τὸ παράδοξον ἐκπληττόμενοι τῆς τῶν ζῴων φαντασίας. Ἐναταῖος δὲ διανύσας εἰς τὰς ὑπερβολὰς αὐτοῦ κατεστρατοπέδευσε καὶ δύ´ ἡμέρας προσέμεινε, βουλόμενος ἅμα μὲν ἀναπαῦσαι τοὺς διασῳζομένους, ἅμα δὲ προσδέξασθαι τοὺς ἀπολειπομένους. Ἐν ᾧ καιρῷ συνέβη πολλοὺς μὲν ἵππους τῶν ἀπεπτοημένων, πολλὰ δ´ ὑποζύγια τῶν ἀπερριφότων τὰ φορτία παραδόξως ἀναδραμεῖν τοῖς στίβοις ἑπόμενα καὶ συνάψαι πρὸς τὴν παρεμβολήν.

LIV. Τῆς δὲ χιόνος ἤδη περὶ τοὺς ἄκρους ἁθροιζομένης διὰ τὸ συνάπτειν (τὴν) τῆς Πλειάδος δύσιν, θεωρῶν τὰ πλήθη δυσθύμως διακείμενα καὶ διὰ τὴν προγεγενημένην ταλαιπωρίαν καὶ διὰ τὴν ἔτι προσδοκωμένην, ἐπειρᾶτο συναθροίσας παρακαλεῖν, μίαν ἔχων ἀφορμὴν εἰς τοῦτο τὴν τῆς Ἰταλίας ἐνάργειαν· οὕτως γὰρ ὑποπεπτώκει τοῖς προειρημένοις ὄρεσιν ὥστε συνθεωρουμένων ἀμφοῖν ἀκροπόλεως φαίνεσθαι διάθεσιν ἔχειν τὰς Ἄλπεις τῆς ὅλης Ἰταλίας. Διόπερ ἐνδεικνύμενος αὐτοῖς τὰ περὶ τὸν Πάδον πεδία καὶ καθόλου τῆς εὐνοίας ὑπομιμνήσκων τῆς τῶν κατοικούντων αὐτὰ Γαλατῶν, ἅμα δὲ καὶ τὸν τῆς Ῥώμης αὐτῆς τόπον ὑποδεικνύων ἐπὶ ποσὸν εὐθαρσεῖς ἐποίησε τοὺς ἀνθρώπους. Τῇ δ´ ἐπαύριον ἀναζεύξας ἐνήρχετο τῆς καταβάσεως. Ἐν ᾗ πολεμίοις μὲν οὐκέτι περιέτυχε πλὴν τῶν λάθρᾳ κακοποιούντων, ὑπὸ δὲ τῶν τόπων καὶ τῆς χιόνος οὐ πολλῷ λείποντας ἀπέβαλε τῶν κατὰ τὴν ἀνάβασιν φθαρέντων. Οὔσης γὰρ στενῆς καὶ κατωφεροῦς τῆς καταβάσεως, τῆς δὲ χιόνος ἄδηλον ποιούσης ἑκάστοις τὴν ἐπίβασιν, πᾶν τὸ παραπεσὸν τῆς ὁδοῦ καὶ σφαλὲν ἐφέρετο κατὰ τῶν κρημνῶν. Οὐ μὴν ἀλλὰ ταύτην μὲν ὑπέφερον τὴν ταλαιπωρίαν, ἅτε συνήθεις ὄντες ἤδη τοῖς τοιούτοις κακοῖς· ἅμα δὲ τῷ παραγενέσθαι πρὸς τοιοῦτον τόπον, ὃν οὔτε τοῖς θηρίοις οὔτε τοῖς ὑποζυγίοις δυνατὸν ἦν παρελθεῖν διὰ τὴν στενότητα, σχεδὸν ἐπὶ τρί´ ἡμιστάδια τῆς ἀπορρῶγος καὶ πρὸ τοῦ μὲν οὔσης, τότε δὲ καὶ μᾶλλον ἔτι προσφάτως ἀπερρωγυίας, ἐνταῦθα πάλιν ἀθυμῆσαι καὶ διατραπῆναι συνέβη τὸ πλῆθος. Τὸ μὲν οὖν πρῶτον ἐπεβάλετο περιελθεῖν τὰς δυσχωρίας ὁ τῶν Καρχηδονίων στρατηγός· ἐπιγενομένης δὲ χιόνος καὶ ταύτην ἀδύνατον ποιούσης τὴν πορείαν, ἀπέστη τῆς ἐπιβολῆς.

LV. Τὸ γὰρ συμβαῖνον ἴδιον ἦν καὶ παρηλλαγμένον. Ἐπὶ γὰρ τὴν προϋπάρχουσαν χιόνα καὶ διαμεμενηκυῖαν ἐκ τοῦ πρότερον χειμῶνος ἄρτι τῆς ἐπ´ ἔτους πεπτωκυίας, ταύτην μὲν εὐδιάκοπτον εἶναι συνέβαινε καὶ διὰ τὸ πρόσφατον οὖσαν ἁπαλὴν ὑπάρχειν καὶ διὰ τὸ μηδέπω βάθος ἔχειν. Ὁπότε δὲ ταύτην διαπατήσαντες ἐπὶ τὴν ὑποκάτω καὶ συνεστηκυῖαν ἐπιβαῖεν, οὐκέτι διέκοπτον, ἀλλ´ ἐπέπλεον ὀλισθάνοντες ἀμφοτέροις ἅμα τοῖς ποσί, καθάπερ ἐπὶ τῇ γῇ συμβαίνει τοῖς διὰ τῶν ἀκροπήλων πορευομένοις. Τὸ δὲ συνεξακολουθοῦν τούτοις ἔτι δυσχερέστερον ὑπῆρχεν. Οἱ μὲν γὰρ ἄνδρες οὐ δυνάμενοι τὴν κάτω χιόνα διακόπτειν, ὁπότε πεσόντες βουληθεῖεν ἢ τοῖς γόνασιν ἢ ταῖς χερσὶ προσεξερείσασθαι πρὸς τὴν ἐξανάστασιν, τότε καὶ μᾶλλον ἐπέπλεον ἅμα πᾶσι τοῖς ἐρείσμασιν, ἐπὶ πολὺ καταφερῶν ὄντων τῶν χωρίων· τὰ δ´ ὑποζύγια διέκοπτεν, ὅτε πέσοι, τὴν κάτω χιόνα κατὰ τὴν διανάστασιν, διακόψαντα δ´ ἔμενε μετὰ τῶν φορτίων οἷον καταπεπηγότα διά τε τὸ βάρος καὶ διὰ τὸ πῆγμα τῆς προϋπαρχούσης χιόνος. Ὅθεν ἀποστὰς τῆς τοιαύτης ἐλπίδος ἐστρατοπέδευσε περὶ τὴν ῥάχιν, διαμησάμενος τὴν ἐπ´ αὐτῇ χιόνα, καὶ μετὰ ταῦτα παραστήσας τὰ πλήθη τὸν κρημνὸν ἐξῳκοδόμει μετὰ πολλῆς ταλαιπωρίας. Τοῖς μὲν οὖν ὑποζυγίοις καὶ τοῖς ἵπποις ἱκανὴν ἐποίησε πάροδον ἐν ἡμέρᾳ μιᾷ. Διὸ καὶ ταῦτα μὲν εὐθέως διαγαγὼν καὶ καταστρατοπεδεύσας περὶ τοὺς ἐκφεύγοντας ἤδη τὴν χιόνα τόπους διαφῆκε πρὸς τὰς νομάς, τοὺς δὲ Νομάδας ἀνὰ μέρος προῆγε πρὸς τὴν οἰκοδομίαν καὶ μόλις ἐν ἡμέραις τρισὶ κακοπαθήσας διήγαγε τὰ θηρία. Καὶ τάδε συνέβαινε κακῶς ὑπὸ τοῦ λιμοῦ διατεθεῖσθαι· τῶν γὰρ Ἄλπεων τὰ μὲν ἄκρα καὶ τὰ πρὸς τὰς ὑπερβολὰς ἀνήκοντα τελέως ἄδενδρα καὶ ψιλὰ πάντ´ ἔστι διὰ τὸ συνεχῶς ἐπιμένειν τὴν χιόνα καὶ θέρους καὶ χειμῶνος, τὰ δ´ ὑπὸ μέσην τὴν παρώρειαν ἐξ ἀμφοῖν τοῖν μεροῖν ὑλοφόρα καὶ δενδροφόρα καὶ τὸ ὅλον οἰκήσιμ´ ἔστιν.

LI. Quand le jour revint, et que les Allobroges virent ce qui s'était passé, leur première pensée fut de renoncer à toute résistance. Mais bientôt l'aspect des bêtes de somme et des cavaliers qui s'avançaient avec peine et gravissaient lentement et sur une longue file ces pentes si raides, les poussa à les harceler dans leur marche. Ils s'élancèrent, et au milieu de ces barbares qui les attaquaient de plusieurs côtés à la fois, les Carthaginois , moins encore peut-être par les coups de l'ennemi que par les difficultés du chemin, éprouvèrent de grandes pertes, surtout en bêtes de somme et en chevaux. Comme en effet le sentier n'était pas seulement étroit et escarpé, mais encore à pic, au moindre mouvement, à la moindre alarme, les bêtes avec leurs fardeaux roulaient des hauteurs dans l'abîme. Ce qui causait le plus de confusion, c'était la chute des che- 226 vaux blessés ; les uns, exaspérés par la souffrance, se jetaient sur les bêtes qui les suivaient; les autres se précipitaient sur celles qui les précédaient, renversaient tout ce qui se rencontrait sur la pente, et semaient partout le désordre. A ce spectacle, Annibal, qui ne voyait point pour l'armée, arrachée même au péril, de salut possible, si elle était privée de ses bagages , prit avec lui les soldats qui la nuit s'étaient emparés des défilés, et vola au secours des troupes engagées dans la montagne. Comme il portait d'en haut ses coups aux ennemis, ceux-ci périrent en grand nombre ; mais sa perte ne fut pas moindre que la leur, dans le tumulte et la confusion qu'augmentaient des deux côtés les cris et le choc soudain des nouveaux venus. Enfin, quand il eut abattu beaucoup de barbares et contraint les autres à fuir chez eux, ce qui restait de bêtes de somme et de chevaux acheva, quoique avec une grande peine, de franchir le défilé. Pour lui, réunissant tout ce qu'il put de soldats à la suite de cette mêlée, il se jeta sur la ville d'où les ennemis avaient fait leur sortie, et comme les habitants avaient couru au butin, il la trouva déserte et s'en empara. Il retira de cette conquête un grand nombre d'avantages pour le présent et pour l'avenir. Pour le présent, il ramena avec lui une foule de chevaux, de bêtes de somme et de prisonniers ; pour l'avenir, il eut des subsistances assurées pour deux ou trois jours en blé et en bétail. Enfin, et c'était là le point principal, il avait frappé de terreur les peuplades gauloises voisines, et dégoûté les montagnards chez qui passait le corps d'expédition de l'attaquer de nouveau.

LII. Il établit un camp en cet endroit même, y demeura un jour et se remit en marche. D'abord il conduisit son armée sans obstacle; mais le quatrième jour, il courut encore de terribles périls. Les peuples placés sûr sa route, par une ruse combinée en commun, allèrent à sa rencontre armés de rameaux d'olivier et de 227 couronnes : c'est le symbole de l'amitié chez la plupart des barbares comme le caducée chez les Grecs. Annibal (15), qui se défiait quelque peu de ces démonstrations, sonda d'abord avec le plus grand soin leurs sentiments et leurs desseins. Ils avaient beau lui dire qu'ils connaissaient la prise de la ville, et la destruction de tous ceux qui avaient voulu l'attaquer en sa marche, lui répéter qu'ils se présentaient avec le ferme désir de n'exercer et de ne recevoir aucun mauvais traitement; ils avaient beau promettre de fournir des otages, longtemps Annibal hésita, par une sage réserve , à ajouter foi à leurs paroles. Mais ensuite, calculant qu'accepter leurs offres c'était les forcer peut-être à plus de circonspection et de douceur ; que les repousser c'était se faire de toutes ces peuplades des ennemis déclarés, il finit par accéder à leurs prières, et ruse pour ruse, feignit d'entrer en amitié avec eux. Les barbares donnèrent des otages, fournirent du bétail en abondance, et enfin ils se livrèrent pour ainsi dire avec tant d'abandon, qu'Annibal leur accorda peu à peu sa confiance, et ne craignit pas de les prendre pour guides dans les défilés qui restaient à franchir. Pendant deux jours ils marchèrent à la tête de l'armée ; mais tout à coup les autres montagnards qui s'étaient réunis dans l'intervalle et qui avaient suivi les traces des Carthaginois, les attaquèrent dans une gorge escarpée et peu praticable.

LIII. Toute l'armée d'Annibal serait restée sur la place si le général, qui redoutait quelque surprise et prévoyait une attaque, n'eût eu le soin de placer à l'avant-garde les bagages et la cavalerie, et à l'arrière-garde les hoplites. Grâce à ce corps de réserve, le désastre fut moins grand qu'on ne pouvait le craindre; 228 il arrêta le choc de l'ennemi. Toutefois, malgré cet avantage, beaucoup d'hommes, de bêtes de charge et de chevaux périrent. Les barbares qui occupaient le point culminant du passage et accompagnaient l'ennemi sur les flancs de la montagne, tantôt faisaient rouler sur lui des rochers, tantôt frappaient de loin les soldats à coups de pierres, et par là les jetaient dans des alarmes et des périls extrêmes, si bien qu'Annibal fut obligé de passer la nuit, séparé de ses chevaux et des bêtes de somme, avec la moitié de ses troupes, sur une roche nue et naturellement fortifiée, afin de veiller sur eux jusqu'à ce qu'ils eussent quitté ces gorges ; toute la nuit suffit à peine au défilé. Le lendemain, les ennemis ayant disparu, Annibal alla rejoindre les bagages et la cavalerie, et continua sa marche vers le sommet des Alpes, sans rencontrer dès lors une seule fois les forces réunies des barbares, et n'étant plus inquiété que çà et là dans des combats partiels. Ils lui enlevèrent des bagages soit à l'arrière soit à l'avant-garde , par quelques attaques faites à propos. Ses éléphants lui furent en ces circonstances d'une grande utilité ; car là où se trouvaient ces animaux, les Gaulois n'osaient se présenter, effrayés de ce spectacle inconnu. Le neuvième jour, il atteignit la cime de la montagne , et y demeura deux jours dans son camp, afin de donner quelque repos au reste de ses troupes et d'attendre les traînards. Dans l'intervalle, un grand nombre de chevaux qui, emportés par la crainte, avaient fui, et de bêtes de somme qui avaient perdu leur fardeau, vinrent, contre toute attente, rejoindre les Carthaginois , guidés par les traces de l'armée.

LIV. On était au coucher de la Pléiade, et la cime des Alpes était couverte de neige ; à la vue de ses soldats qu'abattaient à la fois et le souvenir de leurs anciennes souffrances et la pensée de leurs travaux futurs, Annibal les réunit, et pour ranimer leur ardeur profita de la seule ressource qui lui restait, de la vue 229 de l'Italie, de cette Italie placée au pied de la chaîne des Alpes, de telle sorte que pour le voyageur qui embrasse de l'œil l'une et l'autre, les Alpes semblent être l'Acropole de la terre italique. Il leur montra les plaines qu'arrose le Pô, leur rappela la bienveillance des peuples gaulois qui les habitaient, leur indiqua l'endroit où s'élevait Rome , et réchauffa par là quelque peu leur courage. Le lendemain il donna le signal du départ, et commença à descendre. Il ne rencontra d'ennemis que quelques brigands isolés; mais la difficulté des lieux et la neige lui firent perdre presque autant de monde durant la descente que lors de l'ascension. Comme le sentier était étroit et fortement incliné, et que la neige ne permettait pas de voir où le pied devait se poser, tout ce qui s'écartait de la route roulait dans le précipice. Les soldats supportèrent cette épreuve en hommes familiarisés avec les périls ; mais quand ils arrivèrent à un défilé si étroit qu'il était impraticable pour les éléphants et les bêtes de charge, et dont la pente d'un stade et demi environ, déjà rapide auparavant, était encore plus escarpée par suite d'une récente avalanché, ils se laissèrent aller de nouveau au désespoir et à la crainte. Annibal songea d'abord à tourner cet endroit difficile ; mais la neige qui venait de tomber rendait la route qu'il avait tentée impossible, et il renonça à son projet.

LV. L'obstacle qu'éprouvait l'armée était d'une nature toute particulière et curieuse. Sur la neige qui datait de l'hiver précédent, était étendue une seconde couche qui, molle parce qu'elle était nouvelle et sans profondeur, pliait facilement sous le pied. Aussi, quand les soldats eurent foulé cette couche supérieure, et qu'ils marchèrent sur l'ancienne neige que, durcie par le temps, ils ne pouvaient entamer, les malheureux, flottant pour ainsi dire sur ce terrain humide, tombaient comme font sur nos routes ceux qui marchent dans la boue. Les suites de ces chutes étaient plus tristes que 230 la chute elle-même. Comme il leur était impossible d'assurer leurs pas sur la neige inférieure, voulaient-ils pour se relever s'appuyer sur les mains ou les genoux , noyés avec ces appuis inutiles en d'immenses flaques d'eau, ils glissaient emportés par la pente. Quant aux bêtes de somme, une fois abattues, elles rompaient, dans leurs efforts pour se redresser, la croûte formée par la neige, et alors elles y demeuraient comme attachées avec leurs bagages, retenues à la fois et par leur fardeau et par la dureté de la glace. Annibal, désespérant de réussir de ce côté, plaça son camp sur le dos même de la montagne, dont par ses ordres on avait déblayé la neige ; puis, animant ses soldats, il ouvrit à grand-peine une route à travers le roc. En un jour fut pratiqué un passage suffisant pour les chevaux et les bêtes de somme, qu'il fit aussitôt défiler, et dès qu'il se fut établi en un lieu où il n'y avait pas de neige, il les envoya au pâturage. Il chargea ensuite les Numides de continuer, en se relayant, le premier travail ; et après trois jours de cruelles fatigues, il put enfin dégager ses éléphants. Ils étaient réduits par la famine à un triste état. Car le sommet des Alpes et tout ce qui en est voisin est complètement dépourvu d'arbres à cause des neiges qui y règnent tout l'hiver ; les régions intermédiaires, sur les deux flancs de la montagne, nourrissent seules des arbres, des forêts, et sont seules habitables.

LVI.  Ἀννίβας δὲ συναθροίσας ὁμοῦ πᾶσαν τὴν δύναμιν κατέβαινε καὶ τριταῖος ἀπὸ τῶν προειρημένων κρημνῶν διανύσας ἥψατο τῶν ἐπιπέδων, πολλοὺς μὲν ἀπολωλεκὼς τῶν στρατιωτῶν ὑπό τε τῶν πολεμίων καὶ τῶν ποταμῶν ἐν τῇ καθόλου πορείᾳ, πολλοὺς δ´ ὑπὸ τῶν κρημνῶν καὶ τῶν δυσχωριῶν κατὰ τὰς Ἄλπεις, οὐ μόνον ἄνδρας, ἔτι δὲ πλείους ἵππους καὶ ὑποζύγια. Τέλος δὲ τὴν μὲν πᾶσαν πορείαν ἐκ Καινῆς πόλεως ἐν πέντε μησὶ ποιησάμενος τὴν δὲ τῶν Ἄλπεων ὑπερβολὴν ἡμέραις δεκαπέντε κατῆρε τολμηρῶς εἰς τὰ περὶ τὸν Πάδον πεδία καὶ τὸ τῶν Ἰνσόμβρων ἔθνος, ἔχων τὸ διασῳζόμενον μέρος τῆς μὲν τῶν Λιβύων δυνάμεως πεζοὺς μυρίους καὶ δισχιλίους, τῆς δὲ τῶν Ἰβήρων εἰς ὀκτακισχιλίους, ἱππεῖς δὲ τοὺς πάντας οὐ πλείους ἑξακισχιλίων, ὡς αὐτὸς ἐν τῇ στήλῃ τῇ περὶ τοῦ πλήθους ἐχούσῃ τὴν ἐπιγραφὴν ἐπὶ Λακινίῳ διασαφεῖ. Κατὰ δὲ τοὺς αὐτοὺς καιρούς, ὡς ἐπάνω προεῖπα, Πόπλιος ἀπολελοιπὼς τὰς δυνάμεις Γναΐῳ τἀδελφῷ καὶ παρακεκληκὼς αὐτὸν ἔχεσθαι τῶν ἐν Ἰβηρίᾳ πραγμάτων καὶ πολεμεῖν ἐρρωμένως Ἀσδρούβᾳ, κατέπλευσε μετ´ ὀλίγων αὐτὸς εἰς Πίσας. Ποιησάμενος δὲ τὴν πορείαν διὰ Τυρρηνίας καὶ παραλαβὼν τὰ παρὰ τῶν ἑξαπελέκεων στρατόπεδα τὰ προκαθήμενα καὶ προσπολεμοῦντα τοῖς Βοίοις ἧκε πρὸς τὰ περὶ τὸν Πάδον πεδία καὶ καταστρατοπεδεύσας ἐπεῖχε τοῖς πολεμίοις, σπεύδων συμβαλεῖν εἰς μάχην.

LVII. Ἡμεῖς δ´ ἐπειδὴ καὶ τὴν διήγησιν καὶ τοὺς ἡγεμόνας ἀμφοτέρων καὶ τὸν πόλεμον εἰς Ἰταλίαν ἠγάγομεν, πρὸ τοῦ τῶν ἀγώνων ἄρξασθαι βραχέα βουλόμεθα περὶ τῶν ἁρμοζόντων τῇ πραγματείᾳ διελθεῖν. ἴσως γὰρ δή τινες ἐπιζητήσουσι πῶς πεποιημένοι τὸν πλεῖστον λόγον ὑπὲρ τῶν κατὰ Λιβύην καὶ κατ´ Ἰβηρίαν τόπων οὔτε περὶ τοῦ καθ´ Ἡρακλέους στήλας στόματος οὐδὲν ἐπὶ πλεῖον εἰρήκαμεν οὔτε περὶ τῆς ἔξω θαλάττης καὶ τῶν ἐν ταύτῃ συμβαινόντων ἰδιωμάτων, οὐδὲ μὴν περὶ τῶν Βρεττανικῶν νήσων καὶ τῆς τοῦ καττιτέρου κατασκευῆς, ἔτι δὲ τῶν ἀργυρείων καὶ χρυσείων τῶν κατ´ αὐτὴν Ἰβηρίαν, ὑπὲρ ὧν οἱ συγγραφεῖς ἀμφισβητοῦντες πρὸς ἀλλήλους τὸν πλεῖστον διατίθενται λόγον. Ἡμεῖς δ´ οὐχὶ νομίζοντες ἀλλότριον εἶναι τοῦτο τὸ μέρος τῆς ἱστορίας, διὰ τοῦτο παρελείπομεν, ἀλλὰ πρῶτον μὲν οὐ βουλόμενοι παρ´ ἕκαστα διασπᾶν τὴν διήγησιν οὐδ´ ἀποπλανᾶν ἀπὸ τῆς πραγματικῆς ὑποθέσεως τοὺς φιληκοοῦντας, δεύτερον δὲ κρίνοντες οὐ διερριμμένην οὐδ´ ἐν παρέργῳ ποιήσασθαι τὴν περὶ αὐτῶν μνήμην, ἀλλὰ κατ´ ἰδίαν καὶ τόπον καὶ καιρὸν ἀπονείμαντες τῷ μέρει τούτῳ, καθ´ ὅσον οἷοί τ´ ἐσμέν, τὴν ἀλήθειαν περὶ αὐτῶν ἐξηγήσασθαι. Διόπερ οὐ χρὴ θαυμάζειν οὐδ´ ἐν τοῖς ἑξῆς, ἐὰν ἐπί τινας τόπους ἐρχόμενοι τοιούτους παραλείπωμεν τοῦτο τὸ μέρος διὰ τὰς προειρημένας αἰτίας. Εἰ δέ τινες πάντως ἐπιζητοῦσι κατὰ τόπον καὶ κατὰ μέρος τῶν τοιούτων ἀκούειν, ἴσως ἀγνοοῦσι παραπλήσιόν τι πάσχοντες τοῖς λίχνοις τῶν δειπνητῶν. Καὶ γὰρ ἐκεῖνοι πάντων ἀπογευόμενοι τῶν παρακειμένων οὔτε κατὰ τὸ παρὸν οὐδενὸς ἀληθινῶς ἀπολαύουσι τῶν βρωμάτων οὔτ´ εἰς τὸ μέλλον ὠφέλιμον ἐξ αὐτῶν τὴν ἀνάδοσιν καὶ τροφὴν κομίζονται, πᾶν δὲ τοὐναντίον· οἵ τε περὶ τὴν ἀνάγνωσιν τὸ παραπλήσιον ποιοῦντες οὔτε τῆς παραυτίκα διαγωγῆς ἀληθινῶς οὔτε τῆς εἰς τὸ μέλλον ὠφελείας στοχάζονται δεόντως.

LVIII. Διότι μὲν οὖν, εἰ καί τι τῶν τῆς ἱστορίας μερῶν ἄλλο, καὶ τοῦτο προσδεῖ λόγου καὶ διορθώσεως ἀληθινωτέρας, προφανὲς ἐκ πολλῶν μάλιστα δ´ ἐκ τούτων. Σχεδὸν γὰρ πάντων, εἰ δὲ μή γε, τῶν πλείστων συγγραφέων πεπειραμένων μὲν ἐξηγεῖσθαι τὰς ἰδιότητας καὶ θέσεις τῶν περὶ τὰς ἐσχατιὰς τόπων τῆς καθ´ ἡμᾶς οἰκουμένης, ἐν πολλοῖς δὲ τῶν πλείστων διημαρτηκότων, παραλείπειν μὲν οὐδαμῶς καθήκει, ῥητέον δέ τι πρὸς αὐτοὺς οὐκ ἐκ παρέργου καὶ διερριμμένως ἀλλ´ ἐξ ἐπιστάσεως, καὶ ῥητέον οὐκ ἐπιτιμῶντας οὐδ´ ἐπιπλήττοντας, ἐπαινοῦντας δὲ μᾶλλον καὶ διορθουμένους τὴν ἄγνοιαν αὐτῶν, γινώσκοντας ὅτι κἀκεῖνοι τῶν νῦν καιρῶν ἐπιλαβόμενοι πολλὰ τῶν αὐτοῖς εἰρημένων εἰς διόρθωσιν ἂν καὶ μετάθεσιν ἤγαγον. Ἐν μὲν γὰρ τῷ προγεγονότι χρόνῳ σπανίους ἂν εὕροι τις τῶν Ἑλλήνων τοὺς ἐπιβεβλημένους πολυπραγμονεῖν τὰ κατὰ τὰς ἐσχατιὰς διὰ τὸ τῆς ἐπιβολῆς ἀδύνατον. Πολλοὶ μὲν γὰρ ἦσαν οἱ κατὰ θάλατταν τότε κίνδυνοι καὶ δυσεξαρίθμητοι, πολλαπλάσιοι δὲ τούτων οἱ κατὰ γῆν. Ἀλλ´ εἰ καί τις ἢ κατ´ ἀνάγκην ἢ κατὰ προαίρεσιν ἐξίκοιτο πρὸς τὰ πέρατα τῆς οἰκουμένης, οὐδ´ οὕτως ἤνυεν τὸ προκείμενον. Δυσχερὲς μὲν γὰρ ἐπὶ πλέον τινῶν αὐτόπτην γενέσθαι διὰ τὸ τοὺς μὲν ἐκβεβαρβαρῶσθαι τοὺς δ´ ἐρήμους εἶναι τόπους, ἔτι δὲ χαλεπώτερον τὸ περὶ τῶν ὁραθέντων διὰ λόγου τι γνῶναι καὶ μαθεῖν διὰ τὸ τῆς φωνῆς ἐξηλλαγμένον. Ἐὰν δὲ καὶ γνῷ τις, ἔτι τῶν πρὸ τοῦ δυσχερέστερον τὸ τῶν ἑωρακότων τινὰ μετρίῳ χρῆσθαι τρόπῳ καὶ καταφρονήσαντα τῆς παραδοξολογίας καὶ τερατείας ἑαυτοῦ χάριν προτιμῆσαι τὴν ἀλήθειαν καὶ μηδὲν τῶν πάρεξ ὄντων ἡμῖν ἀναγγεῖλαι.

LIX. Διόπερ οὐ δυσχεροῦς ἀλλ´ ἀδυνάτου σχεδὸν ὑπαρχούσης κατά γε τοὺς προγεγονότας καιροὺς τῆς ἀληθοῦς ἱστορίας ὑπὲρ τῶν προειρημένων, οὐκ εἴ τι παρέλιπον οἱ συγγραφεῖς ἢ διήμαρτον, ἐπιτιμᾶν αὐτοῖς ἄξιον, ἀλλ´ ἐφ´ ὅσον ἔγνωσάν τι καὶ προεβίβασαν τὴν ἐμπειρίαν τὴν περὶ τούτων ἐν τοιούτοις καιροῖς, ἐπαινεῖν καὶ θαυμάζειν αὐτοὺς δίκαιον. Ἐν δὲ τοῖς καθ´ ἡμᾶς τῶν μὲν κατὰ τὴν Ἀσίαν διὰ τὴν Ἀλεξάνδρου δυναστείαν τῶν δὲ λοιπῶν τόπων διὰ τὴν Ῥωμαίων ὑπεροχὴν σχεδὸν ἁπάντων πλωτῶν καὶ πορευτῶν γεγονότων, ἀπολελυμένων δὲ καὶ τῶν πρακτικῶν ἀνδρῶν τῆς περὶ τὰς πολεμικὰς καὶ πολιτικὰς πράξεις φιλοτιμίας, ἐκ δὲ τούτων πολλὰς καὶ μεγάλας ἀφορμὰς εἰληφότων εἰς τὸ πολυπραγμονεῖν καὶ φιλομαθεῖν περὶ τῶν προειρημένων, δέον ἂν εἴη καὶ βέλτιον γινώσκειν καὶ ἀληθινώτερον ὑπὲρ τῶν πρότερον ἀγνοουμένων. Ὅπερ ἡμεῖς αὐτοί τε πειρασόμεθα ποιεῖν, λαβόντες ἁρμόζοντα τόπον ἐν τῇ πραγματείᾳ τῷ μέρει τούτῳ, τούς τε φιλοπευστοῦντας ὁλοσχερέστερον βουλησόμεθα συνεπιστῆσαι περὶ τῶν προειρημένων, ἐπειδὴ καὶ τὸ πλεῖον τούτου χάριν ὑπεδεξάμεθα τοὺς κινδύνους {καὶ τὰς κακοπαθείας} τοὺς συμβάντας ἡμῖν ἐν πλάνῃ τῇ κατὰ Λιβύην καὶ κατ´ Ἰβηρίαν, ἔτι δὲ Γαλατίαν καὶ τὴν ἔξωθεν ταύταις ταῖς χώραις συγκυροῦσαν θάλατταν, ἵνα διορθωσάμενοι τὴν τῶν προγεγονότων ἄγνοιαν ἐν τούτοις γνώριμα ποιήσωμεν τοῖς Ἕλλησι καὶ ταῦτα τὰ μέρη τῆς οἰκουμένης. Νῦν δ´ ἀναδραμόντες ἐπὶ τὴν παρέκβασιν τῆς διηγήσεως πειρασόμεθα δηλοῦν τοὺς γενομένους ἐκ παρατάξεως ἐν Ἰταλίᾳ Ῥωμαίοις καὶ Καρχηδονίοις ἀγῶνας.

LX. Τὸ μὲν οὖν πλῆθος τῆς δυνάμεως, ὅπερ ἔχων Ἀννίβας ἐνέβαλεν εἰς Ἰταλίαν, ἤδη δεδηλώκαμεν. Μετὰ δὲ τὴν εἰσβολὴν καταστρατοπεδεύσας ὑπ´ αὐτὴν τὴν παρώρειαν τῶν Ἄλπεων τὰς μὲν ἀρχὰς ἀνελάμβανε τὰς δυνάμεις. Οὐ γὰρ μόνον ὑπὸ τῶν ἀναβάσεων καὶ καταβάσεων, ἔτι δὲ τραχυτήτων τῶν κατὰ τὰς ὑπερβολάς, δεινῶς τεταλαιπωρήκει τὸ σύμπαν αὐτῷ στρατόπεδον, ἀλλὰ καὶ τῇ τῶν ἐπιτηδείων σπάνει καὶ ταῖς τῶν σωμάτων ἀθεραπευσίαις κακῶς ἀπήλλαττε. Πολλοὶ δὲ καὶ καθυφεῖνθ´ ἑαυτοὺς ὁλοσχερῶς διὰ τὴν ἔνδειαν καὶ συνέχειαν τῶν πόνων. Οὔτε (γὰρ) διακομίζειν εἰς τοσαύτας μυριάδας διὰ τοιούτων τόπων δαψιλῆ τὰ πρὸς τὴν τροφὴν οἷοί τ´ ἦσαν, ἅ τε καὶ παρεκόμιζον, ἅμα τῇ τῶν ὑποζυγίων καταφθορᾷ καὶ τούτων τὰ πλεῖστα συναπώλλυτο. Διόπερ ὁρμήσας ἀπὸ τῆς τοῦ Ῥοδανοῦ διαβάσεως, πεζοὺς μὲν εἰς ὀκτακισχιλίους καὶ τρισμυρίους ἔχων ἱππεῖς δὲ πλείους ὀκτακισχιλίων, σχεδόν που τὴν ἡμίσειαν τῆς δυνάμεως, καθάπερ ἐπάνω προεῖπον, ἐν ταῖς ὑπερβολαῖς διέφθειρεν. Οἵ γε μὴν σωθέντες καὶ ταῖς ἐπιφανείαις καὶ τῇ λοιπῇ διαθέσει διὰ τὴν συνέχειαν τῶν προειρημένων πόνων οἷον ἀποτεθηριωμένοι πάντες ἦσαν. Πολλὴν οὖν ποιούμενος πρόνοιαν Ἀννίβας τῆς ἐπιμελείας αὐτῶν ἀνεκτᾶτο καὶ τὰς ψυχὰς ἅμα καὶ τὰ σώματα τῶν ἀνδρῶν, ὁμοίως δὲ καὶ τῶν ἵππων. Μετὰ δὲ ταῦτα, προσανειληφυίας ἤδη τῆς δυνάμεως, τῶν Ταυρίνων, οἳ τυγχάνουσι πρὸς τῇ παρωρείᾳ κατοικοῦντες, στασιαζόντων μὲν πρὸς τοὺς Ἴνσομβρας ἀπιστούντων δὲ τοῖς Καρχηδονίοις, τὸ μὲν πρῶτον αὐτοὺς εἰς φιλίαν προυκαλεῖτο καὶ συμμαχίαν· οὐχ ὑπακουόντων δὲ περιστρατοπεδεύσας τὴν βαρυτάτην πόλιν ἐν τρισὶν ἡμέραις ἐξεπολιόρκησεν. Κατασφάξας δὲ τοὺς ἐναντιωθέντας αὐτῷ τοιοῦτον ἐνειργάσατο φόβον τοῖς σύνεγγυς κατοικοῦσιν τῶν βαρβάρων ὥστε πάντας ἐκ χειρὸς παραγίνεσθαι, διδόντας αὑτοὺς εἰς τὴν πίστιν. Τὸ δὲ λοιπὸν πλῆθος τῶν τὰ πεδία κατοικούντων Κελτῶν ἐσπούδαζε μὲν κοινωνεῖν τοῖς Καρχηδονίοις τῶν πραγμάτων κατὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς ἐπιβολήν· παρηλλαχότων δὲ τῶν Ῥωμαϊκῶν στρατοπέδων ἤδη τοὺς πλείστους αὐτῶν καὶ διακεκλεικότων, ἡσυχίαν ἦγον· τινὲς δὲ καὶ συστρατεύειν ἠναγκάζοντο τοῖς Ῥωμαίοις. Εἰς ἃ βλέπων Ἀννίβας ἔκρινε μὴ μέλλειν ἀλλὰ προάγειν εἰς τοὔμπροσθεν καὶ πράττειν τι πρὸς τὸ θαρρῆσαι τοὺς βουλομένους μετέχειν σφίσι τῶν αὐτῶν ἐλπίδων.

LVI. Annibal ayant réuni toutes ses forces, continua à descendre, et trois jours plus tard il était dans la plaine, non sans avoir perdu durant cette longue marche, soit sous les coups de l'ennemi, soit dans les eaux des fleuves, dans les précipices et les ravins des Alpes, un grand nombre de soldats et plus encore de chevaux et de bêtes de somme. Enfin, après avoir mis cinq mois à venir de Carthagène, quinze jours à franchir les Alpes, il entra dans les plaines de la Cisalpine, sur les terres des Insubriens. Il lui restait des troupes 331 africaines douze mille fantassins, avec huit mille Espagnols environ. La cavalerie ne s'élevait pas à plus de six mille hommes, comme il le dit lui-même sur la colonne, de Licinium, où se trouve le catalogue de ses forces. En ce moment, Publius, après avoir laissé, nous l'avons dit, les troupes à son frère Cnéus, et l''avoir engagé à s'occuper activement de l'Espagne et à combattre avec vigueur Hasdrubal, venait d'aborder à Pise suivi de peu de soldats. Il traversa au plus vite la Toscane, reçut des préteurs les troupes qui, jetées en avant de l'Italie, faisaient la guerre aux Boïens , se rendit dans les plaines du Pô, et y établit son camp, pressé d'en venir aux mains avec l'ennemi.

LVΙI. Maintenant que nous avons conduit en Italie notre récit, les généraux des deux partis et avec eux la guerre, nous voulons, avant d'entrer dans les détails des combats, dire quelques mots de certaines obligations que nous impose cette histoire (16). Peut-être nous demandera-t-on pourquoi, après avoir détaillé la géographie de l'Afrique et de l'Espagne, nous n'avons rien dit des colonnes et du détroit d'Hercule, de la mer extérieure et de la nature particulière de ce vaste Océan, rien des îles Britanniques, et de la préparation de l'étain qu'elles renferment, rien des mines d'or et d'argent que recèle l'Espagne, rien enfin de tout ce que bon nombre d'historiens ont longuement raconté , en se contredisant plus d'une fois. Nous répondrons à cela, que si nous avons laissé de côté ces questions, ce n'est pas que nous les regardions comme étrangères à l'histoire ; mais d'abord nous avons craint d'interrompre notre récit par de continuelles digressions, et d'écarter ainsi nos lecteurs du but véritable ; et ensuite, nous avons cru bon de ne pas 232 parler de ces curiosités en quelques lignes détachées et jetées au hasard, mais d'en traiter séparément en temps et lieu, et de les expliquer avec toute l'exactitude dont nous sommes capable. Aussi, qu'on se. garde bien de s'étonner dans la suite de cet ouvrage, si, transporté chemin faisant en quelques pays qui réclameraient ces détails, nous négligeons de nous y arrêter : qu'on se rappelle nos motifs. Demander d'ailleurs à l'histoire de pareilles excursions à propos de tout pays et de toute ville, c'est s'exposer sans le savoir au sort de ces hommes friands qui, goûtant à tous les plats, ne jouissent pas dans le moment même de ces mets si variés, et n'y trouvent qu'une nourriture d'un effet nuisible loin d'être profitable. De même ceux qui, dans les livres, veulent tout dévorer, ne tirent de ces lectures ni pour le présent un véritable plaisir, ni pour l'avenir les avantages nécessaires.

LVIΙI. S'il est cependant quelque partie de l'histoire qui ait besoin de détails et de renseignements plus exacts qu'ils ne le sont aujourd'hui, c'est sans contredit celle dont nous parlons en ce moment ; un seul fait entre mille preuves nous en convaincra parfaitement. Presque tous, ou du moins la plupart des historiens, par  exemple, qui ont essayé de dire les particularités et la situation des pays situés aux confins de l'univers, se sont étrangement trompés. Mais s'il est juste de ne pas laisser passer leurs erreurs, on doit du moins les réfuter avec la plus grande attention, et non pas en courant et à la légère. On doit enfin, loin de prendre envers eux un ton de reproche et d'amère critique , lès louer en redressant leurs fautes, et songer que ces mêmes écrivains, s'ils revenaient aujourd'hui, changeraient ou rectifieraient beaucoup de leurs assertions. Combien peu de Grecs, en définitive, dans les temps reculés, ont tenté d'explorer les contrées placées au bout du monde, faute d'y pouvoir réussir! Les dangers sur mer étaient grands et nombreux , sur terre 233 ils l'étaient encore davantage. Mais si quelqu'un, par nécessité ou par goût, visitait les régions les plus lointaines , il n'avançait guère la question. D'abord il était malaisé d'examiner tout de ses propres yeux dans des pays habités par des peuples barbares ou tout à fait déserts, et surtout à cause de la différence de langage, de recueillir par la parole des détails sur ce qu'on voyait. Supposons même ces connaissances acquises, il fallait encore, et c'est là peut-être ce qui est le plus difficile à observer, que celui qui les possédait observât une sage réserve et sût, laissant le merveilleux, Tin-croyable, aimer la vérité pour elle-même, et ne rien dire qui ne fût d'accord avec elle.

LIX. Si donc il était, je ne dirai pas seulement embarrassant, mais encore impossible d'avoir sur tout cela des données suffisantes, il ne serait pas juste de reprocher aux historiens des omissions ou des erreurs : il faut bien plutôt leur savoir gré et nous étonner de leurs connaissances , quelles qu'elles aient été à une telle époque, et des progrès qu'ils firent faire à la science en ce genre. Aujourd'hui que dans l'Asie, par les conquêtes d'Alexandre, et dans le reste de l'univers, par celles des Romains, les mers et les continents sont ouverts à nos recherches, que des hommes d'État, déchargés du poids des affaires publiques et des soins de la guerre, ont trouvé dans leur loisir de belles occasions d'étudier avec soin et d'approfondir les questions dont nous avons parlé, on doit nécessairement avoir des notions plus nettes et plus claires sur ce qui était jadis mal su. C'est ce que nous tâcherons d'offrir, quand dans cette histoire se présentera une place favorable. Nous appellerons alors plus au long sur ce sujet l'attention du lecteur qui s'intéresse à de pareilles recherches. Car nous n'avons pas craint de braver les fatigues et les périls, dans de longs voyages en Afrique, en Espagne, en Gaule, et sur cette mer extérieure qui baigne ces contrées, afin de relever les erreurs de nos prédécesseurs et faire 334 connaître aux Grecs ces parties de l'univers. Mais revenons maintenant à l'endroit même où a commence notre digression, et essayons de dire les batailles rangées que se livrèrent en Italie les Romains et les Carthaginois.

LX. Nous avons indiqué les forces qu'avait avec lui Annibal en entrant en Italie. Dès qu'il y fut descendu, il établit son camp au pied même des Alpes, et s'occupa d'abord de rafraîchir ses soldats. Ce n'étaient pas seulement les obstacles qu'ils avaient rencontrés en montant et en descendant les monts, et la difficulté du terrain qui les avaient épuisés ; le manque de nourriture et le peu de soin qu'ils avaient donné à leurs corps les avaient mis dans le plus triste état. Au milieu de ces privations et de ces travaux continuels, un grand nombre était tombé dans une complète apathie. Il n'était pas possible de transporter par ces étroits passages des convois de vivres suffisant» pour tant de milliers d'hommes, et la plus forte partie des provisions qu'on y avait envoyées y était demeurée enfouie avec les bêtes de somme. Aussi Annibal, qui avait quitté le Rhône à la tête de trente-huit mille hommes de pied, et de plus de huit mille cavaliers, avait presque perdu dans le passage des Alpes, comme je l'ai déjà dit, la moitié de ses hommes. Ceux qui avaient survécu avaient, par suite de leurs continuelles fatigues, dans leurs traits et dans toutes leurs allures, je ne sais quoi de sauvage. Le premier soin d'Annibal fut donc de soigner ses troupes et de ranimer à la fois chez elles le corps et l'esprit ; il s'occupa également des chevaux, Puis, dès que son armée fut en bon état, après avoir d'abord recherché en vain l'alliance et l'amitié des Tauriniens, peuple situé au pied des Alpes, qui alors était en guerre avec les Insubriens, et qui montrait quelque défiance à l'égard des Carthaginois, il attaqua, sur leur refus, leur place la plus forte , et en trois jours s'en empara. Il fit passer au fil de l'épée tous ceux qui  235 s'étaient opposés à ses desseins, et par là inspira une telle crainte aux peuplades barbares du voisinage, qu'elles vinrent se livrer à lui. Les autres Gaulois qui occupent ces plaines désiraient fort se joindre aux Carthaginois, comme ils se Tétaient promis ; mais en présence des légions romaines qui, établies bien avant dans le pays, les tenaient pour la plupart séparés du reste de la Gaule, ils ne remuèrent pas ; quelques-uns s'étaient vus forcés de combattre avec les Romains. Annibal comprit aussitôt qu'il fallait, loin de temporiser,  pousser en avant, et par quelque grand coup enhardir les peuples disposés à partager sa fortune.

LXI. Προθέμενος δὲ ταῦτα καὶ τὸν Πόπλιον ἀκούων ἤδη διαβεβηκέναι τὸν Πάδον μετὰ τῶν δυνάμεων καὶ σύνεγγυς εἶναι, τὸ μὲν πρῶτον ἠπίστει τοῖς προσαγγελλομένοις, ἐνθυμούμενος μὲν ὅτι πρότερον ἡμέραις ὀλίγαις αὐτὸν ἀπέλιπε περὶ τὴν τοῦ Ῥοδανοῦ διάβασιν, καὶ συλλογιζόμενος τόν τε πλοῦν τὸν ἀπὸ Μασσαλίας εἰς Τυρρηνίαν ὡς μακρὸς καὶ δυσπαρακόμιστος εἴη, πρὸς δὲ τούτοις τὴν πορείαν ἱστορῶν τὴν ἀπὸ τοῦ Τυρρηνικοῦ πελάγους διὰ τῆς Ἰταλίας μέχρι πρὸς τὰς Ἄλπεις ὡς πολλὴ καὶ δυσδίοδος ὑπάρχει στρατοπέδοις. Πλειόνων δὲ καὶ σαφεστέρως ἀεὶ προσαγγελλόντων, ἐθαύμαζε καὶ κατεπέπληκτο τὴν ὅλην ἐπιβολὴν καὶ τὴν πρᾶξιν τοῦ στρατηγοῦ. Τὸ δὲ παραπλήσιον συνέβαινε πάσχειν καὶ τὸν Πόπλιον· τὰς μὲν γὰρ ἀρχὰς οὐδ´ ἐπιβάλλεσθαι τῇ διὰ τῶν Ἄλπεων ἤλπισε πορείᾳ τὸν Ἀννίβαν δυνάμεσιν ἀλλοφύλοις· εἰ δὲ καὶ τολμήσαι, καταφθαρήσεσθαι προδήλως αὐτὸν ὑπελάμβανεν. Διόπερ ἐν τοιούτοις ὢν διαλογισμοῖς, ὡς ἐπυνθάνετο καὶ σεσῶσθαι καὶ πολιορκεῖν αὐτὸν ἤδη τινὰς πόλεις ἐν Ἰταλίᾳ, κατεπέπληκτο τὴν τόλμαν καὶ τὸ παράβολον τἀνδρός. Τὸ δ´ αὐτὸ συνέβαινεν καὶ τοῖς ἐν τῇ Ῥώμῃ πεπονθέναι περὶ τῶν προσπιπτόντων. Ἄρτι γὰρ τῆς τελευταίας φήμης καταληγούσης ὑπὲρ τῶν Καρχηδονίων ὅτι Ζάκανθαν εἰλήφασιν, καὶ πρὸς ταύτην βεβουλευμένων τὴν ἔννοιαν, καὶ τὸν μὲν ἕνα τῶν στρατηγῶν ἐξαπεσταλκότων εἰς τὴν Λιβύην, ὡς αὐτὴν τὴν Καρχηδόνα πολιορκήσοντα, τὸν ἕτερον δ´ εἰς Ἰβηρίαν, ὡς πρὸς Ἀννίβαν ἐκεῖ διαπολεμήσοντα, παρῆν ἀγγελία διότι πάρεστιν Ἀννίβας μετὰ δυνάμεως καὶ πολιορκεῖ τινας ἤδη πόλεις ἐν Ἰταλίᾳ. Διότι παραδόξου φανέντος αὐτοῖς τοῦ γινομένου, διαταραχθέντες παραχρῆμα πρὸς τὸν Τεβέριον εἰς τὸ Λιλύβαιον ἐξαπέστελλον, δηλοῦντες μὲν τὴν παρουσίαν τῶν πολεμίων, οἰόμενοι δὲ δεῖν ἀφέμενον τῶν προκειμένων κατὰ σπουδὴν βοηθεῖν τοῖς ἰδίοις πράγμασιν. Ὁ δὲ Τεβέριος τοὺς μὲν ἀπὸ τοῦ στόλου παραυτίκα συναθροίσας ἐξέπεμψε, παραγγείλας ποιεῖσθαι τὸν πλοῦν ὡς ἐπ´ οἴκου· τὰς δὲ πεζικὰς δυνάμεις ἐξώρκισε διὰ τῶν χιλιάρχων, τάξας ἡμέραν ἐν ᾗ δεήσει πάντας ἐν Ἀριμίνῳ γενέσθαι κοιταίους. Αὕτη δ´ ἔστι πόλις παρὰ τὸν Ἀδρίαν ἐπὶ τῷ πέρατι κειμένη τῶν περὶ τὸν Πάδον πεδίων ὡς ἀπὸ μεσημβρίας. Πανταχόθεν δὲ τοῦ κινήματος ἅμα γινομένου, καὶ τῶν συμβαινόντων πᾶσι παρὰ δόξαν προσπιπτόντων, ἦν παρ´ ἑκάστοις ἐπίστασις ὑπὲρ τοῦ μέλλοντος οὐκ εὐκαταφρόνητος.

LXII. Κατὰ δὲ τὸν καιρὸν τοῦτον ἤδη συνεγγίζοντες ἀλλήλοις Ἀννίβας καὶ Πόπλιος ἐπεβάλοντο παρακαλεῖν τὰς ἑαυτῶν δυνάμεις, ἑκάτερος προθέμενος τὰ πρέποντα τοῖς παροῦσι καιροῖς. Ἀννίβας μὲν οὖν διὰ τοιοῦδέ τινος ἐνεχείρει τρόπου ποιεῖσθαι τὴν παραίνεσιν. Συναγαγὼν γὰρ τὰ πλήθη παρήγαγεν νεανίσκους τῶν αἰχμαλώτων, οὓς εἰλήφει κακοποιοῦντας τὴν πορείαν ἐν ταῖς περὶ τὰς Ἄλπεις δυσχωρίαις. Τούτους δὲ κακῶς διετίθετο, παρασκευαζόμενος πρὸς τὸ μέλλον· καὶ γὰρ δεσμοὺς εἶχον βαρεῖς καὶ τῷ λιμῷ συνέσχηντο, καὶ ταῖς πληγαῖς αὐτῶν τὰ σώματα διέφθαρτο. Καθίσας οὖν τούτους εἰς τὸ μέσον προέθηκε πανοπλίας Γαλατικάς, οἵαις εἰώθασιν οἱ βασιλεῖς αὐτῶν, ὅταν μονομαχεῖν μέλλωσιν, κατακοσμεῖσθαι· πρὸς δὲ τούτοις ἵππους παρέστησε καὶ σάγους εἰσήνεγκε πολυτελεῖς. Κἄπειτα τῶν νεανίσκων ἤρετο τίνες αὐτῶν βούλονται διαγωνίσασθαι πρὸς ἀλλήλους ἐφ´ ᾧ τὸν μὲν νικήσαντα τὰ προκείμενα λαμβάνειν ἆθλα, τὸν δ´ ἡττηθέντα τῶν παρόντων ἀπηλλάχθαι κακῶν, τελευτήσαντα τὸν βίον. Πάντων δ´ ἀναβοησάντων ἅμα καὶ δηλούντων ὅτι βούλονται μονομαχεῖν, κληρώσασθαι προσέταξε καὶ δύο τοὺς λαχόντας καθοπλισαμένους ἐκέλευσε μάχεσθαι πρὸς ἀλλήλους. Παραυτίκα μὲν οὖν ἀκούσαντες οἱ νεανίσκοι ταῦτα καὶ τὰς χεῖρας ἐξαίροντες εὔχοντο τοῖς θεοῖς, σπεύδων ἕκαστος αὐτὸς γενέσθαι τῶν λαχόντων. Ἐπεὶ δ´ ἐδηλώθη τὰ κατὰ τὸν κλῆρον, ἦσαν οἱ μὲν εἰληχότες περιχαρεῖς, οἱ δ´ ἄλλοι τοὐναντίον. Γενομένης δὲ τῆς μάχης οὐχ ἧττον ἐμακάριζον οἱ περιλειπόμενοι τῶν αἰχμαλώτων τὸν τεθνεῶτα τοῦ νενικηκότος, ὡς πολλῶν καὶ μεγάλων κακῶν ἐκείνου μὲν ἀπολελυμένου, σφᾶς δ´ αὐτοὺς ἀκμὴν ὑπομένοντας. Ἦν δὲ παραπλησία καὶ περὶ τοὺς πολλοὺς τῶν Καρχηδονίων ἡ διάληψις· ἐκ παραθέσεως γὰρ θεωρουμένης τῆς τῶν ἀγομένων καὶ ζώντων ταλαιπωρίας, τούτους μὲν ἠλέουν, τὸν δὲ τεθνεῶτα πάντες ἐμακάριζον.

LXIII. Ἀννίβας δὲ διὰ τῶν προειρημένων τὴν προκειμένην διάθεσιν ἐνεργασάμενος ταῖς τῶν δυνάμεων ψυχαῖς, μετὰ ταῦτα προελθὼν αὐτὸς τούτου χάριν ἔφη παρεισάγειν τοὺς αἰχμαλώτους, ἵν´ ἐπὶ τῶν ἀλλοτρίων συμπτωμάτων ἐναργῶς θεασάμενοι τὸ συμβαῖνον βέλτιον ὑπὲρ τῶν σφίσι παρόντων βουλεύωνται πραγμάτων. Εἰς παραπλήσιον γὰρ αὐτοὺς ἀγῶνα καὶ καιρὸν τὴν τύχην συγκεκλεικέναι καὶ παραπλήσια τοῖς νῦν ἆθλα προτεθεικέναι. Δεῖν γὰρ ἢ νικᾶν ἢ θνήσκειν ἢ τοῖς ἐχθροῖς ὑποχειρίους γενέσθαι ζῶντας. Εἶναι δ´ ἐκ μὲν τοῦ νικᾶν ἆθλον οὐχ ἵππους καὶ σάγους, ἀλλὰ τὸ πάντων ἀνθρώπων γενέσθαι μακαριωτάτους, κρατήσαντας τῆς Ῥωμαίων εὐδαιμονίας, ἐκ δὲ τοῦ μαχομένους τι παθεῖν, διαγωνιζομένους ἕως τῆς ἐσχάτης ἀναπνοῆς ὑπὲρ τῆς καλλίστης ἐλπίδος μεταλλάξαι τὸν βίον ἐν χειρῶν νόμῳ, μηδενὸς κακοῦ λαβόντας πεῖραν, τοῖς δ´ ἡττωμένοις καὶ διὰ τὴν πρὸς τὸ ζῆν ἐπιθυμίαν ὑπομένουσι φεύγειν ἢ κατ´ ἄλλον τινὰ τρόπον ἑλομένοις τὸ ζῆν παντὸς κακοῦ καὶ πάσης ἀτυχίας μετασχεῖν. Οὐδένα γὰρ οὕτως ἀλόγιστον οὐδὲ νωθρὸν αὐτῶν ὑπάρχειν, ὃς μνημονεύων μὲν τοῦ μήκους τῆς ὁδοῦ τῆς διηνυσμένης ἐκ τῶν πατρίδων, μνημονεύων δὲ τοῦ πλήθους τῶν μεταξὺ πολεμίων, εἰδὼς δὲ τὰ μεγέθη τῶν ποταμῶν ὧν διεπέρασεν, ἐλπίσαι ποτ´ ἂν ὅτι φεύγων εἰς τὴν οἰκείαν ἀφίξεται. Διόπερ ᾤετο δεῖν αὐτούς, ἀποκεκομμένης καθόλου τῆς τοιαύτης ἐλπίδος, τὴν αὐτὴν διάληψιν ποιεῖσθαι περὶ τῶν καθ´ αὑτοὺς πραγμάτων ἥνπερ ἀρτίως ἐποιοῦντο περὶ τῶν ἀλλοτρίων συμπτωμάτων. Καθάπερ γὰρ ἐπ´ ἐκείνων τὸν μὲν νικήσαντα καὶ τεθνεῶτα πάντες ἐμακάριζον τοὺς δὲ ζῶντας ἠλέουν, οὕτως ᾤετο δεῖν καὶ περὶ τῶν καθ´ αὑτοὺς διαλαμβάνειν καὶ πάντας ἰέναι πρὸς τοὺς ἀγῶνας, μάλιστα μὲν νικήσοντας, ἂν δὲ μὴ τοῦτ´ ᾖ δυνατόν, ἀποθανουμένους. Τὴν δὲ τοῦ ζῆν ἡττημένους ἐλπίδα κατὰ μηδένα τρόπον ἠξίου λαμβάνειν ἐν νῷ. Τούτῳ γὰρ χρησαμένων αὐτῶν τῷ λογισμῷ καὶ τῇ προθέσει ταύτῃ, καὶ τὸ νικᾶν ἅμα καὶ τὸ σῴζεσθαι προδήλως σφίσι συνεξακολουθήσειν. Πάντας γὰρ τοὺς ἢ κατὰ προαίρεσιν ἢ κατ´ ἀνάγκην τοιαύτῃ προθέσει κεχρημένους οὐδέποτε διεψεῦσθαι τοῦ κρατεῖν τῶν ἀντιταξαμένων. Ὅταν δὲ δὴ καὶ τοῖς πολεμίοις συμβαίνῃ τὴν ἐναντίαν ἐλπίδα ταύτης ὑπάρχειν, ὃ νῦν ἐστι περὶ Ῥωμαίους, ὥστε φεύγουσι πρόδηλον εἶναι τοῖς πλείστοις τὴν σωτηρίαν, παρακειμένης αὐτοῖς τῆς οἰκείας, δῆλον ὡς ἀνυπόστατος γίνοιτ´ ἂν ἡ τῶν ἀπηλπικότων τόλμα. Τῶν δὲ πολλῶν ἀποδεχομένων τό τε παράδειγμα καὶ τοὺς λόγους καὶ λαμβανόντων ὁρμὴν καὶ παράστασιν οἵαν ὁ παρακαλῶν ἐσπούδασε, τότε μὲν ἐπαινέσας αὐτοὺς διαφῆκε, τῇ δ´ ἐπαύριον ἀναζυγὴν ἅμα τῷ φωτὶ παρήγγειλε.

LXIV. Πόπλιος δὲ περὶ τὰς αὐτὰς ἡμέρας τὸν Πάδον ποταμὸν ἤδη πεπεραιωμένος, τὸν δὲ Τίκινον κρίνων εἰς τοὔμπροσθεν διαβαίνειν, τοῖς μὲν ἐπιτηδείοις γεφυροποιεῖν παρήγγειλε, τὰς δὲ λοιπὰς δυνάμεις συναγαγὼν παρεκάλει. Τὰ μὲν οὖν πολλὰ τῶν λεγομένων ἦν περί τε τοῦ τῆς πατρίδος ἀξιώματος καὶ τῶν προγονικῶν πράξεων, τὰ δὲ τοῦ παρεστῶτος καιροῦ τοιάδε. Ἔφη γὰρ δεῖν καὶ μηδεμίαν μὲν εἰληφότας πεῖραν ἐπὶ τοῦ παρόντος τῶν ὑπεναντίων, αὐτὸ δὲ τοῦτο γινώσκοντας ὅτι μέλλουσι πρὸς Καρχηδονίους κινδυνεύειν, ἀναμφισβήτητον ἔχειν τὴν τοῦ νικᾶν ἐλπίδα, καὶ καθόλου δεινὸν ἡγεῖσθαι καὶ παράλογον, εἰ τολμῶσι Καρχηδόνιοι Ῥωμαίοις ἀντοφθαλμεῖν, πολλάκις μὲν ὑπ´ αὐτῶν ἡττημένοι, πολλοὺς δ´ ἐξενηνοχότες φόρους, μόνον δ´ οὐχὶ δουλεύοντες αὐτοῖς ἤδη τοσούτους χρόνους. Ὅταν δέ, χωρὶς τῶν προειρημένων, καὶ τῶν νῦν παρόντων ἀνδρῶν ἔχωμεν ἐπὶ ποσὸν πεῖραν ὅτι μόνον οὐ τολμῶσι κατὰ πρόσωπον ἰδεῖν ἡμᾶς, τίνα χρὴ διάληψιν ποιεῖσθαι περὶ τοῦ μέλλοντος τοὺς ὀρθῶς λογιζομένους; καὶ μὴν οὔτε τοὺς ἱππεῖς συμπεσόντας τοῖς παρ´ αὑτῶν ἱππεῦσι περὶ τὸν Ῥοδανὸν ποταμὸν ἀπαλλάξαι καλῶς, ἀλλὰ πολλοὺς ἀποβαλόντας αὑτῶν φυγεῖν αἰσχρῶς μέχρι τῆς ἰδίας παρεμβολῆς, τόν τε στρατηγὸν αὐτῶν καὶ τὴν σύμπασαν δύναμιν ἐπιγνόντας τὴν παρουσίαν τῶν ἡμετέρων στρατιωτῶν φυγῇ παραπλησίαν ποιήσασθαι τὴν ἀποχώρησιν καὶ παρὰ τὴν αὑτῶν προαίρεσιν διὰ τὸν φόβον κεχρῆσθαι τῇ διὰ τῶν Ἄλπεων πορείᾳ. Παρεῖναι δὲ καὶ νῦν ἔφη τὸν Ἀννίβαν, κατεφθαρκότα μὲν τὸ πλεῖστον μέρος τῆς δυνάμεως, τὸ δὲ περιλειπόμενον ἀδύνατον καὶ δύσχρηστον ἔχοντα διὰ τὴν κακουχίαν, ὁμοίως δὲ καὶ τῶν ἵππων τοὺς μὲν πλείστους ἀπολωλεκότα, τοὺς δὲ λοιποὺς ἠχρειωκότα διὰ τὸ μῆκος καὶ τὴν δυσχέρειαν τῆς ὁδοῦ. Δι´ ὧν ἐπιδεικνύειν ἐπειρᾶτο διότι μόνον ἐπιφανῆναι δεῖ τοῖς πολεμίοις. Μάλιστα δ´ ἠξίου θαρρεῖν αὐτοὺς βλέποντας εἰς τὴν αὑτοῦ παρουσίαν· οὐδέποτε γὰρ ἂν ἀπολιπὼν τὸν στόλον καὶ τὰς ἐν Ἰβηρίᾳ πράξεις, ἐφ´ ἃς ἀπεστάλη, δεῦρο μετὰ τοιαύτης ἐλθεῖν σπουδῆς, εἰ μὴ καὶ λίαν ἐκ τῶν κατὰ λόγον ἑώρα τὴν πρᾶξιν ταύτην ἀναγκαίαν μὲν οὖσαν τῇ πατρίδι, πρόδηλον δ´ ἐν αὐτῇ τὴν νίκην ὑπάρχουσαν. Πάντων δὲ καὶ διὰ τὴν τοῦ λέγοντος πίστιν καὶ διὰ τὴν τῶν λεγομένων ἀλήθειαν ἐκθύμως ἐχόντων πρὸς τὸ κινδυνεύειν, ἀποδεξάμενος αὐτῶν τὴν ὁρμὴν διαφῆκε, προσπαρακαλέσας ἑτοίμους εἶναι πρὸς τὸ παραγγελλόμενον.

LXV. Τῇ δὲ κατὰ πόδας ἡμέρᾳ προῆγον ἀμφότεροι παρὰ τὸν ποταμὸν ἐκ τοῦ πρὸς τὰς Ἄλπεις μέρους, ἔχοντες εὐώνυμον μὲν οἱ Ῥωμαῖοι, δεξιὸν δὲ τὸν ῥοῦν οἱ Καρχηδόνιοι. Γνόντες δὲ τῇ δευτέρᾳ διὰ τῶν προνομευόντων ὅτι σύνεγγύς εἰσιν ἀλλήλων, τότε μὲν αὐτοῦ καταστρατοπεδεύσαντες ἔμειναν. Τῇ δ´ ἐπαύριον πᾶσαν τὴν ἵππον ἀναλαβόντες ἀμφότεροι, Πόπλιος δὲ καὶ τῶν πεζῶν τοὺς ἀκοντιστάς, προῆγον διὰ τοῦ πεδίου, σπεύδοντες κατοπτεῦσαι τὰς ἀλλήλων δυνάμεις. Ἅμα δὲ τῷ πλησιάζειν αὑτοῖς καὶ συνιδεῖν τὸν κονιορτὸν ἐξαιρόμενον εὐθέως συνετάττοντο πρὸς μάχην. Ὁ μὲν οὖν Πόπλιος προθέμενος τοὺς ἀκοντιστὰς καὶ τοὺς ἅμα τούτοις Γαλατικοὺς ἱππεῖς, τοὺς δὲ λοιποὺς ἐν μετώπῳ καταστήσας προῄει βάδην. Ὁ δ´ Ἀννίβας τὴν μὲν κεχαλινωμένην ἵππον καὶ πᾶν τὸ στάσιμον αὐτῆς κατὰ πρόσωπον τάξας ἀπήντα τοῖς πολεμίοις, τοὺς δὲ Νομαδικοὺς ἱππεῖς ἀφ´ ἑκατέρου τοῦ κέρατος ἡτοιμάκει πρὸς κύκλωσιν. Ἀμφοτέρων δὲ καὶ τῶν ἡγεμόνων καὶ τῶν ἱππέων φιλοτίμως διακειμένων πρὸς τὸν κίνδυνον, τοιαύτην συνέβη γενέσθαι τὴν πρώτην σύμπτωσιν ὥστε τοὺς ἀκοντιστὰς μὴ φθάσαι τὸ πρῶτον ἐκβαλόντας βέλος, φεύγειν δ´ ἐγκλίναντας εὐθέως διὰ τῶν διαστημάτων ὑπὸ τὰς παρ´ αὑτῶν ἴλας, καταπλαγέντας τὴν ἐπιφορὰν καὶ περιδεεῖς γενομένους μὴ συμπατηθῶσιν ὑπὸ τῶν ἐπιφερομένων ἱππέων. Οἱ μὲν οὖν κατὰ πρόσωπον ἀλλήλοις συμπεσόντες ἐπὶ πολὺν χρόνον ἐποίουν ἰσόρροπον τὸν κίνδυνον· ὁμοῦ γὰρ ἦν ἱππομαχία καὶ πεζομαχία διὰ τὸ πλῆθος τῶν παρακαταβαινόντων ἀνδρῶν ἐν αὐτῇ τῇ μάχῃ. Τῶν δὲ Νομάδων κυκλωσάντων καὶ κατόπιν ἐπιπεσόντων, οἱ μὲν πεζακοντισταὶ τὸ πρῶτον διαφυγόντες τὴν σύμπτωσιν τῶν ἱππέων τότε συνεπατήθησαν ὑπὸ τοῦ πλήθους καὶ τῆς ἐπιφορᾶς τῶν Νομάδων· οἱ δὲ κατὰ πρόσωπον ἐξ ἀρχῆς διαμαχόμενοι πρὸς τοὺς Καρχηδονίους, πολλοὺς μὲν αὑτῶν ἀπολωλεκότες, ἔτι δὲ πλείους τῶν Καρχηδονίων διεφθαρκότες, συνεπιθεμένων ἀπ´ οὐρᾶς τῶν Νομάδων, ἐτράπησαν, οἱ μὲν πολλοὶ σποράδες, τινὲς δὲ περὶ τὸν ἡγεμόνα συστραφέντες.

LXI. Il songeait au départ, quand il apprit que Publius avait passé le Pô avec son armée, et était tout près de lui. D'abord il ne crut pas à cette nouvelle ; il se rappelait avoir laissé Scipion peu de jours auparavant sur les bords du Rhône, et il calculait que la traversée est considérable et difficile de Marseille en Tyrrhénie ; en outre, depuis la mer Tyrrhénienne jusqu'aux Alpes, par l'Italie, la route, lui avait-on dit, était longue et pénible. Mais quand de fréquents rapports eurent confirmé ce bruit, l'activité du général romain, la hardiesse de son entreprise le frappèrent à la fois d'admiration et de surprise. Publius était dans les mêmes sentiments. Sa première pensée avait été qu'Annibal n'oserait pas essayer de franchir les Alpes avec une armée composée de peuples divers , et en tout cas, s'il Posait, il regardait la perte des Carthaginois comme assurée. Aussi, quand au milieu de ces réflexions il apprit qu'Annibal était sauvé, que déjà môme il assiégeait quelques villes en Italie, il demeura, à la vue d'une audace si étrange, frappé de stupeur. Telle était aussi à peu près l'impression produite à Rome par ces événements. Le bruit de la prise de Sagonte par les Carthaginois avait à peine cessé, à peine les Romains, réglant là-dessus leurs desseins, avaient eu le temps d'envoyer un de leurs consuls en Afrique 236 pour assiéger Carthage , et le second pour combattre Annibal, que déjà arrive la nouvelle qu'Annibal est avec son armée en Italie et en assiège les places. Troublés par une apparition si soudaine, les Romains dépêchèrent aussitôt des députés à Tibérius, à Lilybée, afin de l'avertir de la présence des ennemis, et lui dire de laisser là toute opération pour voler au secours de la patrie elle-même. Tibérius rassembla sans retard tous les soldats de la flotte, et leur donna ordre de cingler vers l'Italie. Quant aux troupes de terre, il leur fit prêter serment entre les mains des tribuns, et leur désigna le jour où elles devaient toutes se trouver à Ari-minum pour y coucher. C'est une ville placée sur l'Adriatique , à l'extrémité méridionale des plaines arrosées par le Pô. Au milieu de ce mouvement général et de ces événements inattendus qui survenaient de toutes parts, grande était l'attente des deux partis concernant l'avenir.

LXII. Annibal et Publius, placés si près l'un de l'autre, résolurent d'exciter leurs soldats par quelques discours appropriés aux circonstances. Voici comment s'y prit Annibal pour exhorter les siens. Quand l'armée fut rassemblée, il introduisit de jeunes Gaulois pris lors d'une attaque dirigée contre ses troupes dans les défilés des Alpes. Il les avait cruellement maltraités afin de les faire servir à ses desseins ; ils avaient été chargés de chaînes, épuisés par la faim, brisés par les coups. Il les plaça au milieu des troupes, mit devant eux quelques armures gauloises complètes, telles que les rois de la Gaule, quand ils doivent soutenir un combat singulier, ont coutume d'en revêtir, et fit en outre amener des chevaux et des saies magnifiques; puis il demanda aux prisonniers qui d'entre eux voulait combattre, à la condition que le vainqueur recevrait pour prix de sa victoire les objets étalés à leurs yeux , et que le vaincu trouverait dans la mort la délivrance de ses maux. Tous ayant répondu qu'ils étaient  237 prêts à combattre, Annibal ordonna qu'on tirât les noms au sort, et que les. deux premiers qui seraient ainsi désignés revêtissent les armes et tentassent la chance. A ces mots, les captifs, les mains levées vers le ciel, invoquèrent la faveur des dieux, tous également désireux d'être parmi les futurs combattants. Enfin , quand le sort eut prononcé, ceux qu'il avait désignés montrèrent une indicible joie, tandis que les autres étaient tristes ; et après le combat, on entendit les prisonniers qui n'avaient pas pris part à la lutte vanter autant le bonheur du vaincu que du vainqueur, puisque parla il avait échappé aux souffrances cruelles et nombreuses qu'il leur fallait encore subir. Les Carthaginois partageaient ces pensées ; en songeant aux maux des captifs qui survivaient, et qu'on reconduisait à leur prison, ils avaient pitié d'eux, et par comparaison proclamaient heureux celui qui avait succombé.

LXIΙΙ. Lorsque Annibal, par ce spectacle, eut fait entrer les Carthaginois dans les sentiments qu'il désirait , il s'avança, et leur dit « qu'il avait fait paraître ces prisonniers afin qu'après avoir vu dans le sort d'autrui l'image de leur fortune, ils jugeassent mieux de ce qu'il leur fallait faire en de telles circonstances; que le sort leur avait pour ainsi dire imposé la même nécessité de combattre, et réservé les mêmes récompenses; qu'il leur fallait ou vaincre ou mourir, ou bien, vivants, devenir les esclaves de leurs ennemis. Vainqueurs, ils auraient pour prix de la victoire, non pas des chevaux et des saies, mais l'avantage de devenir les plus heureux des hommes par la conquête des richesses romaines. S'ils tombaient sur le champ de bataille, en combattant jusqu'au dernier souffle pour l'objet le plus beau, ils mourraient en braves, sans avoir rien souffert. Mais s'ils étaient vaincus, si par amour de la vie ils prenaient la fuite, s'ils cherchaient avant tout cette vie dans quelque autre moyen, ils seraient exposés à mille outrages, à mille maux ; car sans doute il n'en était 238 pas un parmi eux d'assez insensé ou d'assez simple, dès qu'il se rappelait la longueur de la route qui les se* parait tous de leurs pays, et le nombre des combats qu'on avait livrés, et la largeur des fleuves qu'on avait franchis, pour se flatter de pouvoir rentrer par la fuite dans sa patrie. Il fallait donc, continua~t-il, un tel espoir leur étant à jamais interdit, qu'ils conservassent en ce moment, où il s'agissait de leurs propres intérêts, les sentiments qu'ils avaient fait éclater à propos de la fortune d'autrui. Tout à l'heure ils célébraient l'heureux sort du vainqueur et du mort, et plaignaient les vivants ; ils devaient être en ces dispositions envers eux-mêmes, et marcher en hommes décidés à vaincre avant tout, sinon à mourir. Vivre après avoir été vaincus, était chose qu'il les priait de ne pas espérer. S'ils se pénétraient bien de cette importante pensée, la victoire et le salut leur étaient évidemment assurés. Jamais on n'avait vu de troupes, animées d'un tel esprit, par choix ou par nécessité, manquer de vaincre. Que si les ennemis étaient dans des conditions toutes contraires, comme alors les Romains, dont la plupart avaient dans la fuite une retraite certaine, à cause de la proximité de leur patrie, il était manifeste que l'attaque de gens désespérés était une force irrésistible. » Les paroles d'Annibal et l'exemple dont il s'était servi produisirent sur les Carthaginois un effet favorable, et comme ils étaient pleins de l'ardeur qu'il voulait leur inspirer, après les en avoir félicités, il les congédia en leur ordonnant le départ pour le lendemain dès l'aurore,

LXΙV. Publius, qui vers la même époque avait déjà franchi le Pô, se préparant bientôt à passer le Tessin, donna ordre de jeter un pont sur ce fleuve, et dans l'intervalle il harangua ses troupes réunies. La majeure partie de son discours fut l'éloge de la grandeur de Rome et des exploits des anciens héros. Voici ce qui concernait plus spécialement la circonstance présente,  239 Il dit aux soldats que sans même avoir encore éprouve la valeur des ennemis, il leur suffisait de savoir qu'ils avaient affaire aux Carthaginois, pour se tenir assurés de la victoire ; qu'ils devaient regarder comme une indignité et un prodige que des Carthaginois osassent résister aux Romains, eux déjà tant de fois vaincus, tant de fois réduits à payer tribut, et durant tant d'an*-nées presque esclaves de Rome. « Que si, ajouta-t-il, sans parler du passé, nous avons nous-mêmes, par une récente expérience , appris à connaître qu'ils ne peuvent soutenir nos regards , quelle légitime espérance ne devons-nous pas en tirer pour l'avenir ? N'avons-nous pas vu leur cavalerie, rencontrant la nôtre, sortir de cette affaire à sa honte, et même après avoir perdu beaucoup de monde, prendre lâchement la fuite jusque dans leur camp? Toute cette armée et son chef, à la première nouvelle de notre approche, ont opéré une retraite ressemblant fort à une fuite ; et toujours emportés par la crainte, ils ont, contre leur désir, traversé les Alpes. Annibal, d'ailleurs, a perdu la plus grande partie de son armée, et le peu qui lui reste est incapable d'agir, épuisé de fatigue. Il a vu périr la plupart de ses chevaux, et a mis les autres hors d'usage par la longueur et les difficultés du chemin qu'il leur a fait faire. » Telles furent les raisons par où Publius chercha à prouver à ses troupes qu'elles n'avaient qu'à se montrer à l'ennemi. Puis il les conjura de prendre surtout courage, en songeant qu'il était parmi eux. « Comment, en effet, aurait-il consenti à quitter la flotte et à abandonner le soin des affaires d'Espagne, où il était officiellement envoyé, pour venir dans ces lieux avec tant de promptitude, s'il n'avait reconnu, d'après toute probabilité, que celte mesure était nécessaire au bien de Rome et la victoire certaine? » L'autorité de l'orateur, la vérité de ses paroles , excitèrent chez tous le désir de combattre. Publius les félicita de leur ardeur, et les renvoya avec ordre de se tenir prêts,

240 LXV. Le lendemain, les deux généraux s'avancèrent le long du Tessin, du côté qui regarde les Alpes. Les Romains avaient le fleuve à leur gauche et les Carthaginois à leur droite. Informés le second jour par leurs fourrageurs qu'ils étaient à peu de distance l'un de l'autre, ils établirent chacun leur camp où ils se trouvaient. Le troisième, Annibal, suivi de sa cavalerie, et Publius de la sienne, à laquelle il avait joint les archers de l'infanterie, se jetèrent dans la plaine pour reconnaître mutuellement leurs forces ; et quand à la vue de la poussière soulevée des deux parts, ils comprirent qu'ils étaient assez rapprochés, ils se préparèrent au combat (17). Publius mit en avant les archers et les cavaliers gaulois, forma son front du reste de ses troupes, et s'avança lentement. Annibal lui opposa la partie la plus solide de sa cavalerie régulière, et poussa en avant, après avoir disposé tous les cavaliers numides sur les deux ailes, pour envelopper l'ennemi. Comme les deux généraux et les deux cavaleries étaient animés d'une même ardeur, le premier choc fut si violent , que les archers se donnèrent à peine le temps de lancer leurs traits, et se replièrent aussitôt par les intervalles ouverts à leur fuite derrière leurs escadrons, effrayés qu'ils étaient de l'énergie de l'attaque, et craignant d'être écrasés par les cavaliers lancés à toute vitesse. Ceux-ci bientôt se heurtèrent, et longtemps ils tinrent la fortune du combat indécise. C'était à la fois une affaire de cavalerie et d'infanterie, à cause du grand nombre de cavaliers qui mirent pied à terre durant l'action. Mais lorsque les Numides eurent enveloppé les Romains en les prenant en queue, et que les ar- 241 chers, que nous avons vus éviter par la fuite la rencontre des deux cavaleries, eurent été écrasés sous les pieds de cette multitude effrénée, les soldats qui, depuis le commencement de la journée, combattaient en face les Carthaginois, après avoir fait quelques pertes et en avoir causé de plus sensibles à l'ennemi, s'enfuirent devant les Numides qui les harcelaient à leur tour par derrière. Les uns se dispersèrent çà et là, d'autres se rallièrent autour de leur général.

LXVI. Πόπλιος μὲν οὖν ἀναζεύξας προσῆγε διὰ τῶν πεδίων ἐπὶ τὴν τοῦ Πάδου γέφυραν, σπεύδων φθάσαι διαβιβάσας τὰ στρατόπεδα. Θεωρῶν γὰρ τοὺς μὲν τόπους ἐπιπέδους ὄντας, τοὺς δ´ ὑπεναντίους ἱπποκρατοῦντας, αὑτὸν δὲ βαρυνόμενον ὑπὸ τοῦ τραύματος, εἰς ἀσφαλὲς ἔκρινε δεῖν ἀποκαταστῆσαι τὰς δυνάμεις. Ἀννίβας δὲ μέχρι μέν τινος ὑπέλαβε τοῖς πεζικοῖς στρατοπέδοις αὐτοὺς διακινδυνεύειν· συνιδὼν δὲ κεκινηκότας ἐκ τῆς παρεμβολῆς, ἕως μὲν τοῦ πρώτου ποταμοῦ καὶ τῆς ἐπὶ τούτῳ γεφύρας ἠκολούθει, καταλαβὼν δὲ τὰς μὲν πλείστας τῶν σανίδων ἀνεσπασμένας, τοὺς δὲ φυλάττοντας τὴν γέφυραν ἔτι περὶ τὸν ποταμὸν ὑπολειπομένους, τούτων μὲν ἐγκρατὴς ἐγένετο, σχεδὸν ἑξακοσίων ὄντων τὸν ἀριθμόν· τοὺς δὲ λοιποὺς ἀκούων ἤδη πολὺ προειληφέναι, μεταβαλόμενος αὖθις εἰς τἀναντία παρὰ τὸν ποταμὸν ἐποιεῖτο τὴν πορείαν, σπεύδων ἐπὶ τόπον εὐγεφύρωτον ἀφικέσθαι τοῦ Πάδου. Καταλύσας δὲ δευτεραῖος καὶ γεφυρώσας τοῖς ποταμίοις πλοίοις τὴν διάβασιν Ἀσδρούβᾳ μὲν ἐπέταξεν διακομίζειν τὸ πλῆθος, αὐτὸς δὲ διαβὰς εὐθέως ἐχρημάτιζε τοῖς παραγεγονόσι πρεσβευταῖς ἀπὸ τῶν σύνεγγυς τόπων. Ἅμα (γὰρ) τῷ γενέσθαι τὸ προτέρημα πάντες ἔσπευδον οἱ παρακείμενοι Κελτοὶ κατὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς πρόθεσιν καὶ φίλοι γίνεσθαι καὶ χορηγεῖν καὶ συστρατεύειν τοῖς Καρχηδονίοις. Ἀποδεξάμενος δὲ τοὺς παρόντας φιλανθρώπως καὶ κομισάμενος τὰς δυνάμεις ἐκ τοῦ πέραν προῆγεν παρὰ τὸν ποταμόν, τὴν ἐναντίαν ποιούμενος τῇ πρόσθεν παρόδῳ· κατὰ ῥοῦν γὰρ ἐποιεῖτο τὴν πορείαν, σπεύδων συνάψαι τοῖς ὑπεναντίοις. Ὁ δὲ Πόπλιος περαιωθεὶς τὸν Πάδον καὶ στρατοπεδεύσας περὶ πόλιν Πλακεντίαν, ἥτις ἦν ἀποικία Ῥωμαίων, ἅμα μὲν αὑτὸν ἐθεράπευε καὶ τοὺς ἄλλους τραυματίας, ἅμα δὲ τὰς δυνάμεις εἰς ἀσφαλὲς ἀπηρεῖσθαι νομίζων ἦγε τὴν ἡσυχίαν. Ἀννίβας δὲ παραγενόμενος δευτεραῖος ἀπὸ τῆς διαβάσεως ἐγγὺς τῶν πολεμίων τῇ τρίτῃ παρέταξε τὴν δύναμιν ἐν συνόψει τοῖς ὑπεναντίοις. Οὐδενὸς δὲ σφίσιν ἀντεξάγοντος, κατεστρατοπέδευσε, λαβὼν περὶ πεντήκοντα στάδια τὸ μεταξὺ διάστημα τῶν στρατοπέδων.

LXVII. Οἱ δὲ συστρατευόμενοι Κελτοὶ τοῖς Ῥωμαίοις θεωροῦντες ἐπικυδεστέρας τὰς τῶν Καρχηδονίων ἐλπίδας, συνταξάμενοι πρὸς ἀλλήλους καιρὸν ἐπετήρουν πρὸς ἐπίθεσιν, μένοντες ἐν ταῖς ἑαυτῶν ἕκαστοι σκηναῖς. Δειπνοποιησαμένων δὲ καὶ κατακοιμισθέντων τῶν ἐν τῷ χάρακι, παρελθεῖν ἐάσαντες τὸ πλεῖον μέρος τῆς νυκτὸς καθωπλισμένοι περὶ τὴν ἑωθινὴν φυλακὴν ἐπιτίθενται τοῖς σύνεγγυς τῶν Ῥωμαίων παραστρατοπεδεύουσι. Καὶ πολλοὺς μὲν αὐτῶν ἀπέκτειναν, οὐκ ὀλίγους δὲ κατετραυμάτισαν· τέλος δὲ τὰς κεφαλὰς ἀποτεμόντες τῶν τεθνεώτων ἀπεχώρουν πρὸς τοὺς Καρχηδονίους, ὄντες πεζοὶ μὲν εἰς δισχιλίους, ἱππεῖς δὲ μικρῷ λείποντες διακοσίων. Ἀννίβας δὲ φιλοφρόνως ἀποδεξάμενος αὐτῶν τὴν παρουσίαν, τούτους μὲν εὐθέως παρακαλέσας καὶ δωρεὰς ἑκάστοις τὰς ἁρμοζούσας ἐπαγγειλάμενος ἐξέπεμψεν εἰς τὰς αὑτῶν πόλεις, δηλώσοντας μὲν τὰ πεπραγμένα τοῖς πολίταις, παρακαλέσοντας δὲ πρὸς τὴν αὑτοῦ συμμαχίαν. ᾔδει γὰρ ὅτι πάντες κατ´ ἀνάγκην αὐτῷ κοινωνήσουσι τῶν πραγμάτων, ἐπιγνόντες τὸ γεγονὸς ἐκ τῶν σφετέρων πολιτῶν παρασπόνδημα κατὰ τῶν Ῥωμαίων. Ἅμα δὲ τούτοις καὶ τῶν Βοίων παραγεγονότων καὶ τοὺς τρεῖς ἄνδρας ἐγχειριζόντων αὐτῷ τοὺς ἐπὶ τὴν διάδοσιν τῆς χώρας ὑπὸ Ῥωμαίων ἐξαπεσταλμένους, ὧν κατ´ ἀρχὰς ἐκυρίευσαν τοῦ πολέμου παρασπονδήσαντες, καθάπερ ἐπάνω προεῖπον, ἀποδεξάμενος Ἀννίβας τὴν εὔνοιαν αὐτῶν ὑπὲρ μὲν τῆς φιλίας καὶ συμμαχίας ἔθετο πρὸς τοὺς παρόντας πίστεις· τούς γε μὴν ἄνδρας αὐτοῖς ἀπέδωκε, παραγγείλας τηρεῖν, ἵνα παρὰ τούτων κομίσωνται τοὺς αὑτῶν ὁμήρους κατὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς πρόθεσιν. Πόπλιος δὲ σχετλιάζων ἐπὶ τῷ γεγονότι παρασπονδήματι καὶ συλλογισάμενος ὅτι πάλαι τῶν Κελτῶν πρὸς αὐτοὺς ἀλλοτρίως διακειμένων, τούτων ἐπιγεγονότων πάντας τοὺς πέριξ Γαλάτας συμβήσεται πρὸς τοὺς Καρχηδονίους ἀπονεύειν, ἔγνω δεῖν εὐλαβηθῆναι τὸ μέλλον. Διόπερ ἐπιγενομένης τῆς νυκτὸς ὑπὸ τὴν ἑωθινὴν ἀναζεύξας ἐποιεῖτο τὴν πορείαν ὡς ἐπὶ τὸν Τρεβίαν ποταμὸν καὶ τοὺς τούτῳ συνάπτοντας γεωλόφους, πιστεύων τῇ τε τῶν τόπων ὀχυρότητι καὶ τοῖς παροικοῦσι τῶν συμμάχων.

LXVIII Ἀννίβας δὲ τὴν ἀναζυγὴν αὐτῶν ἐπιγνοὺς παραυτίκα μὲν τοὺς Νομαδικοὺς ἱππεῖς ἐξαπέστελλε, μετ´ οὐ πολὺ δὲ τοὺς ἄλλους· τούτοις δ´ ἐκ ποδὸς τὴν δύναμιν ἔχων αὐτὸς εἵπετο κατόπιν. Οἱ μὲν οὖν Νομάδες εἰς ἔρημον τὴν στρατοπεδείαν ἐμπεσόντες ταύτην ἐνεπίμπρασαν. Ὃ δὴ καὶ σφόδρα συνήνεγκε τοῖς Ῥωμαίοις, ὡς εἴπερ οὗτοι κατὰ πόδας ἀκολουθήσαντες συνῆψαν ταῖς ἀποσκευαῖς, πολλοὺς ἂν αὐτῶν ὑπὸ τῶν ἱππέων ἐν τοῖς ἐπιπέδοις συνέβη διαφθαρῆναι. Νῦν δ´ οἱ πλείους ἔφθασαν διαβάντες τὸν Τρεβίαν ποταμόν· τῶν δὲ καταλειφθέντων ἐπὶ τῆς οὐραγίας οἱ μὲν διεφθάρησαν, οἱ δὲ ζῶντες ἑάλωσαν ὑπὸ τῶν Καρχηδονίων. Πόπλιος μὲν οὖν διαβὰς τὸν προειρημένον ποταμὸν ἐστρατοπέδευσε περὶ τοὺς πρώτους λόφους καὶ περιλαβὼν τάφρῳ καὶ χάρακι τὴν παρεμβολὴν ἀνεδέχετο μὲν τὸν Τεβέριον καὶ τὰς μετ´ ἐκείνου δυνάμεις, ἐθεράπευε δ´ αὑτὸν ἐπιμελῶς, σπουδάζων εἰ δύναιτο κοινωνῆσαι τοῦ μέλλοντος κινδύνου. Ἀννίβας δὲ περὶ τετταράκοντα σταδίους ἀποσχὼν τῶν πολεμίων αὐτοῦ κατεστρατοπέδευσε. Τὸ δὲ τῶν Κελτῶν πλῆθος τὸ τὰ πεδία κατοικοῦν, συνεξεστηκὸς ταῖς τῶν Καρχηδονίων ἐλπίσι, δαψιλῶς μὲν ἐχορήγει τὸ στρατόπεδον τοῖς ἐπιτηδείοις, ἕτοιμον δ´ ἦν παντὸς κοινωνεῖν ἔργου καὶ κινδύνου τοῖς περὶ τὸν Ἀννίβαν. Οἱ δ´ ἐν τῇ Ῥώμῃ, προσπεπτωκότων τῶν κατὰ τὴν ἱππομαχίαν, ἐξενίζοντο μὲν τῷ τὸ συμβεβηκὸς εἶναι παρὰ τὴν προσδοκίαν, οὐ μὴν ἠπόρουν γε σκήψεων πρὸς τὸ μὴ δοκεῖν αὐτοῖς ἧτταν εἶναι τὸ γεγονός, ἀλλ´ οἱ μὲν ᾐτιῶντο τὴν τοῦ στρατηγοῦ προπέτειαν, οἱ δὲ τὴν τῶν Κελτῶν ἐθελοκάκησιν, στοχαζόμενοι διὰ τῆς τελευταίας ἀποστάσεως. Καθόλου δὲ τῶν πεζικῶν στρατοπέδων ἀκεραίων ὄντων ἀκεραίους εἶναι διελάμβανον τὰς ὑπὲρ τῶν ὅλων ἐλπίδας. Ὅθεν καὶ συνάψαντος τοῦ Τεβερίου καὶ τῶν μετ´ ἐκείνου στρατοπέδων καὶ διαπορευομένων διὰ τῆς Ῥώμης, ἐξ ἐπιφανείας ἐδόξαζον κριθήσεσθαι τὴν μάχην. Ἁθροισθέντων δὲ τῶν στρατιωτῶν κατὰ τὸν ὅρκον εἰς Ἀρίμινον, ἀναλαβὼν αὐτοὺς ὁ στρατηγὸς προῆγε, σπεύδων συνάψαι τοῖς περὶ τὸν Πόπλιον. Συμμίξας δὲ καὶ καταστρατοπεδεύσας παρ´ α(ὐτοῖς) ταῖς οἰκείαις δυνάμεσι τὸ μὲν πλῆθος ἀνελάμβανε τῶν ἀνδρῶν, ὡς ἂν ἐκ Λιλυβαίου τετταράκοντα συνεχῶς ἡμέρας πεπεζοπορηκότων εἰς Ἀρίμινον, τὰς δὲ παρασκευὰς ἐποιεῖτο πάσας ὡς πρὸς μάχην, αὐτὸς δ´ ἐπιμελῶς συνήδρευε τῷ Ποπλίῳ, τὰ μὲν ἤδη γεγονότα πυνθανόμενος, περὶ δὲ τῶν παρόντων συνδιανοούμενος.

LXIX. Κατὰ δὲ τοὺς αὐτοὺς καιροὺς Ἀννίβας πραξικοπήσας πόλιν Κλαστίδιον, ἐνδόντος αὐτῷ τοῦ πεπιστευμένου παρὰ Ῥωμαίων, ἀνδρὸς Βρεντεσίνου, κατέσχε. Γενόμενος δὲ κύριος τῆς φρουρᾶς καὶ τῆς τοῦ σίτου παραθέσεως τούτῳ μὲν πρὸς τὸ παρὸν ἐχρήσατο, τοὺς δὲ παραληφθέντας ἄνδρας ἀβλαβεῖς μεθ´ ἑαυτοῦ προῆγε, δεῖγμα βουλόμενος ἐκφέρειν τῆς σφετέρας προαιρέσεως πρὸς τὸ μὴ δεδιότας ἀπελπίζειν τὴν παρ´ αὐτοῦ σωτηρίαν τοὺς ὑπὸ τῶν καιρῶν καταλαμβανομένους. Τὸν δὲ προδότην ἐτίμησε μεγαλείως, ἐκκαλέσασθαι σπουδάζων τοὺς ἐπὶ πραγμάτων ταττομένους πρὸς τὰς Καρχηδονίων ἐλπίδας. Μετὰ δὲ ταῦτα συνθεωρήσας τινὰς τῶν Κελτῶν, οἳ κατῴκουν μεταξὺ τοῦ Πάδου καὶ τοῦ Τρεβία ποταμοῦ, πεποιημένους μὲν καὶ πρὸς αὑτὸν φιλίαν, διαπεμπομένους δὲ καὶ πρὸς Ῥωμαίους καὶ πεπεισμένους τῷ τοιούτῳ τρόπῳ τὴν παρ´ ἀμφοῖν ἀσφάλειαν αὑτοῖς ὑπάρξειν, ἐξαποστέλλει πεζοὺς μὲν δισχιλίους, ἱππεῖς δὲ Κελτοὺς καὶ Νομάδας εἰς χιλίους, προστάξας ἐπιδραμεῖν αὐτῶν τὴν χώραν. Τῶν δὲ πραξάντων τὸ προσταχθὲν καὶ πολλὴν περιβαλομένων λείαν, εὐθέως οἱ Κελτοὶ παρῆσαν ἐπὶ τὸν χάρακα τῶν Ῥωμαίων, δεόμενοι σφίσι βοηθεῖν. Τεβέριος δὲ καὶ πάλαι ζητῶν ἀφορμὴν τοῦ πράττειν τότε λαβὼν πρόφασιν ἐξαπέστειλε τῶν μὲν ἱππέων τὸ πλεῖστον μέρος, πεζοὺς δὲ σὺν τούτοις ἀκοντιστὰς εἰς χιλίους. Σπουδῇ δὲ τούτων προσμιξάντων πέραν τοῦ Τρεβία καὶ διαμαχομένων τοῖς πολεμίοις ὑπὲρ τῆς λείας, ἐτράπησαν οἱ Κελτοὶ σὺν τοῖς Νομάσι καὶ τὴν ἀποχώρησιν ἐπὶ τὸν ἑαυτῶν ἐποιοῦντο χάρακα. Ταχὺ δὲ συννοήσαντες τὸ γινόμενον οἱ προκαθήμενοι τῆς τῶν Καρχηδονίων παρεμβολῆς ἐντεῦθεν ταῖς ἐφεδρείαις ἐβοήθουν τοῖς πιεζομένοις· οὗ γενομένου τραπέντες οἱ Ῥωμαῖοι πάλιν ἐποιοῦντο τὴν ἀπόλυσιν εἰς τὴν ἑαυτῶν παρεμβολήν. Τεβέριος δὲ συνορῶν τὸ γινόμενον πάντας ἐπαφῆκε τοὺς ἵππους καὶ τοὺς ἀκοντιστάς. Τούτου δὲ συμπεσόντος αὖθις ἐγκλίναντες οἱ Κελτοὶ πρὸς τὴν ἑαυτῶν ἀσφάλειαν ἀπεχώρουν. Ὁ δὲ στρατηγὸς τῶν Καρχηδονίων ἀπαράσκευος ὢν πρὸς τὸ κρίνειν τὰ ὅλα καὶ νομίζων δεῖν μηδέποτε χωρὶς προθέσεως μηδ´ ἐκ πάσης ἀφορμῆς ποιεῖσθαι τοὺς ὁλοσχερεῖς κινδύνους, ὅπερ εἶναι φατέον ἡγεμόνος ἔργον ἀγαθοῦ, τότε μὲν ἐπέσχε τοὺς παρ´ αὑτοῦ συνεγγίσαντας τῷ χάρακι καὶ στῆναι μὲν ἐκ μεταβολῆς ἠνάγκασε, διώκειν δὲ καὶ συμπλέκεσθαι τοῖς πολεμίοις ἐκώλυσε, διὰ τῶν ὑπηρετῶν καὶ σαλπιγκτῶν ἀνακαλούμενος. Οἱ δὲ Ῥωμαῖοι βραχὺν ἐπισχόντες χρόνον ἀνέλυσαν, ὀλίγους μὲν αὑτῶν ἀποβαλόντες, πλείους δὲ τῶν Καρχηδονίων διεφθαρκότες.

LXX.  Ὁ δὲ Τεβέριος μετεωρισθεὶς καὶ περιχαρὴς γενόμενος ἐπὶ τῷ προτερήματι φιλοτίμως εἶχε πρὸς τὸ τὴν ταχίστην κρῖναι τὰ ὅλα. Προέκειτο μὲν οὖν αὐτῷ κατὰ τὴν ἰδίαν γνώμην χρῆσθαι τοῖς παροῦσι διὰ τὸ τὸν Πόπλιον ἀρρωστεῖν· ὅμως δὲ βουλόμενος προσλαβέσθαι καὶ τὴν τοῦ συνάρχοντος γνώμην ἐποιεῖτο λόγους περὶ τούτων πρὸς αὐτόν. Ὁ δὲ Πόπλιος τὴν ἐναντίαν εἶχε διάληψιν περὶ τῶν ἐνεστώτων· τὰ γὰρ στρατόπεδα χειμασκήσαντα βελτίω τὰ παρ´ αὑτῶν ὑπελάμβανε γενήσεσθαι, τήν τε τῶν Κελτῶν ἀθεσίαν οὐκ ἐμμενεῖν ἐν τῇ πίστει, τῶν Καρχηδονίων ἀπραγούντων καὶ τὴν ἡσυχίαν ἀναγκαζομένων ἄγειν, ἀλλὰ καινοτομήσειν τι πάλιν κατ´ ἐκείνων. Πρὸς δὲ τούτοις αὐτὸς ὑγιασθεὶς ἐκ τοῦ τραύματος ἀληθινὴν παρέξεσθαι χρείαν ἤλπιζε τοῖς κοινοῖς πράγμασιν. Διὸ καὶ τοιούτοις χρώμενος λογισμοῖς μένειν ἠξίου τὸν Τεβέριον ἐπὶ τῶν ὑποκειμένων. Ὁ δὲ προειρημένος ᾔδει μὲν ἕκαστα τούτων ἀληθινῶς λεγόμενα καὶ δεόντως, ὑπὸ δὲ τῆς φιλοδοξίας ἐλαυνόμενος καὶ καταπιστεύων τοῖς πράγμασι παραλόγως ἔσπευδεν κρῖναι δι´ αὑτοῦ τὰ ὅλα καὶ μήτε τὸν Πόπλιον δύνασθαι παρατυχεῖν τῇ μάχῃ μήτε τοὺς ἐπικαθισταμένους στρατηγοὺς φθάσαι παραλαβόντας τὴν ἀρχήν· οὗτος γὰρ ἦν ὁ χρόνος. Διόπερ οὐ τὸν τῶν πραγμάτων καιρὸν ἐκλεγόμενος ἀλλὰ τὸν ἴδιον ἔμελλε τοῦ δέοντος σφαλήσεσθαι προφανῶς. Ὁ δ´ Ἀννίβας παραπλησίους ἔχων ἐπινοίας Ποπλίῳ περὶ τῶν ἐνεστώτων κατὰ τοὐναντίον ἔσπευδε συμβαλεῖν τοῖς πολεμίοις, θέλων μὲν πρῶτον ἀκεραίοις ἀποχρήσασθαι ταῖς τῶν Κελτῶν ὁρμαῖς, δεύτερον ἀνασκήτοις καὶ νεοσυλλόγοις συμβαλεῖν τοῖς τῶν Ῥωμαίων στρατοπέδοις, τρίτον ἀδυνατοῦντος ἔτι τοῦ Ποπλίου ποιήσασθαι τὸν κίνδυνον, τὸ δὲ μέγιστον, πράττειν τι καὶ μὴ προΐεσθαι διὰ κενῆς τὸν χρόνον. Τῷ γὰρ εἰς ἀλλοτρίαν καθέντι χώραν στρατόπεδα καὶ παραδόξοις ἐγχειροῦντι πράγμασιν εἷς τρόπος ἐστὶν οὗτος σωτηρίας, τὸ συνεχῶς καινοποιεῖν ἀεὶ τὰς τῶν συμμάχων ἐλπίδας. Ἀννίβας μὲν οὖν εἰδὼς τὴν ἐσομένην ὁρμὴν τοῦ Τεβερίου πρὸς τούτοις ἦν.

LXVI. Publius leva le camp, et par les plaines se dirigea vers le pont qui traverse le Pô, afin de faire passer sur l'autre rive ses légions avant l'arrivée de l'ennemi. Jeté sur un terrain découvert, en présence d'un ennemi supérieur en cavalerie ; gêné lui-même par une blessure, il croyait nécessaire de mettre son armée en sûreté. Annibal, après avoir cru quelque temps qu'il aurait affaire à l'infanterie romaine, eut à peine connu que Publius avait décampé, qu'il le suivit jusqu'au premier fleuve qu'il rencontra et au pont dont nous venons de parler (18). Il en trouva les planches pour la plupart arrachées; mais il s'empara des soldats qui, chargés de le garder, se trouvaient encore sur la rive : ils étaient au nombre de six cents. Puis, sur l'avis que le reste de l'armée avait de beaucoup pris les devants, il changea aussitôt la direction de sa marche, et longea le fleuve en sens inverse pour chercher quelque endroit où il pût facilement jeter un pont. Il s'arrêta le lendemain, construisit un bac avec quelques bateaux, donna ordre à Hasdrubal de transporter l'armée sur l'autre bord, passa ensuite lui-même, et reçut les ambassadeurs que lui avaient députés les peuplades voisines. Dès qu'Annibal, en effet, eut remporté la victoire, tous les Gaulois des environs s'empressèrent, 242  suivant leur premier dessein, de rechercher l'amitié des Carthaginois et de leur fournir hommes et provisions. Il accueillit les envoyés avec bienveillance, et quand toutes ses troupes eurent traversé le fleuve, il le descendit par une marche contraire à celle qu'il avait d'abord suivie, afin de rejoindre l'ennemi au plus vite. Cependant Publius se trouvait à Plaisance, colonie romaine, et là, occupé à soigner les blessés et lui-même , convaincu d'ailleurs que son armée était en lieu sûr, il restait sans mouvement. Annibal arriva près des ennemis deux jours après avoir franchi le Pô, et le troisième rangea ses troupes sous leurs yeux. Mata personne ne s'étant présenté, il alla camper à cinquante stades environ des Romains,

LXVII. Les Gaulois qui faisaient partie de l'armée romaine,/ voyant bien que la fortune de Carthage était chaque jour plus brillante, formèrent alors entre eux le dessein d'attaquer les Romains, et attendirent chacun dans leur tente le moment favorable. Quand donc, après avoir soupe, les soldats qui étaient dans le camp furent allés se coucher, les Gaulois laissèrent passer tranquille la moitié de la nuit, et tout à coup, s'armant vers la pointe du jour, se jetèrent sur les Romains qui étaient le plus proche* Us en tuèrent un grand nombre, en blessèrent beaucoup, et, les têtes des morts à la main, se rendirent auprès des Carthaginois au nombre de deux mille fantassins et de deux cents cavaliers à peu près. Annibal leur fit l'accueil le plus flatteur, ne manqua pas d'encourager leur ardeur par quelques paroles, promit à chacun d'eux les récompenses que méritaient ses services, et les renvoya dans leurs villes, pour publier parmi leurs concitoyens ce qui s'était passé, et les pousser à réclamer son alliance. Il savait que tous, après l'injure faite par leurs frères aux Romains, entreraient nécessairement dans son parti. Avec les Gaulois étaient venus les Boïens , qui livrèrent aussi à Annibal les trois Romains chargés de 243 la répartition des terres, et dont ils s'étaient emparés par trahison au commencement de la guerre, comme nous l'avons dit plus haut. Il les remercia de leurs sentiments, leur donna des garanties de sincère alliance et d'amitié, puis leur rendit les trois prisonniers, en les engageant à les garder avec soin afin de pouvoir par eux, comme ils se Tétaient proposé, recouvrer leurs propres otages. Indigné de la perfidie des Gaulois, et d'ailleurs calculant qu'après un tel événement, fidèles à leur ancienne colère contre Rome, la plupart des peuples voisins ne manqueraient pas de se prononcer pour les Carthaginois, Publius résolut de prendre ses précautions pour l'avenir. Aussi, pendant la nuit, vers la dernière veille , il leva le camp pour se diriger vers la Trébie et les collines qui bordent cette rivière. Il comptait sur la force de cette position et sur la proximité de ses alliés.

LXVIII. Annibal, à la nouvelle de ce mouvement, fit aussitôt partir sa cavalerie numide, puis tous les autres escadrons, et bientôt se mit en marche lui-même à la tête de son armée. Les Numides entrèrent dans le camp, qu'ils trouvèrent désert, et y mirent le feu. Cette circonstance servit merveilleusement les Romains. Si l'ennemi, dans sa poursuite, eût atteint leurs bagages, pressés en rase campagne par la cavalerie, ils auraient perdu beaucoup de soldats. Mais ils eurent le temps de franchir la Trébie ; quelques soldats seulement de l'arrière-garde furent surpris; on tua les uns, on fit les autres prisonniers. Publius, après avoir passé la rivière, s'établit sur les collines les plus voisines, entoura son camp d'un retranchement et d'un fossé, et attendit l'arrivée de Tibérius et de ses troupes. Dans l'intervalle, il s'occupa de guérir sa blessure, afin de figurer, s'il le pouvait, dans la prochaine bataille. Pour Annibal, il plaça son camp à quarante stades des ennemis, et les Gaulois, qui habitaient la plaine, dès lors unis aux Carthaginois, leur fournirent en abondance les provi- 244 sions nécessaires, prêts à partager avec eux leurs travaux et tous les périls. A Rome, quand on connut les détails du récent engagement de cavalerie, le premier mouvement fut la surprise, tant le dénouement de cette affaire était imprévu ; mais on trouva mille raisons pour ne pas accepter ce combat comme une défaite. On accusa la précipitation du général, la mauvaise volonté des Gaulois devenue assez manifeste par leur récente défection. Enfin, tant que l'infanterie était debout, debout aussi, pour ainsi dire, devaient être les espérances : telle était l'opinion générale. Aussi, quand Ti-bérius fut arrivé, et que suivi de ses légions il traversa Rome, on s'imagina que la vue seule d'une telle armée déciderait de l'issue de la lutte. Chemin faisant, Tibé-rius ramassa dans Ariminum les soldats qui avaient juré de s'y trouver, et poussa en avant, pressé de s'unir à Publius. Dès qu'il l'eut rejoint, il s'établit dans un camp auprès de lui, et rafraîchit ses troupes qui depuis Lilybée jusqu'à Ariminum avaient marché durant quarante jours. Il s'occupa en même temps de faire tous les préparatifs nécessaires à un combat, et visita souvent Publius, tantôt l'interrogeant sur le passé, tantôt délibérant avec lui sur l'avenir

LXIX. En ce moment Annibal, grâce à quelques secrètes manœuvres, reçut les clefs de Clastidium des mains d'un habitant de Brindes, qui en était gouverneur pour les Romains. Devenu maître de la garnison et des nombreuses provisions de blé rassemblées dans la place, il distribua des vivres à ses troupes, et renvoya les soldats captifs sans leur faire aucun mal ; il voulait par là donner un exemple de sa future conduite, pour que les Gaulois, que les circonstances avaient tenus dans le parti des Romains, n'allassent pas par crainte, désespérer de sa clémence. Enfin, il récompensa le traître magnifiquement, afin de gagnera ses intérêts les chefs des villes. Peu de temps après, informé que quelques peuplades gauloises situées entre 245 le Pô et la Trébie, qui avaient conclu alliance avec lui, avaient aussi envoyé des députés à l'ennemi, afin de trouver chez l'un et l'autre parti une égale Sûreté, il fit partir deux mille fantassins, et environ mille cavaliers numides et celtes, avec ordre de ravager leurs terres. Les Numides en effet y firent un riche butin, et les Gaulois coururent au camp des Romains, réclamant assistance. Tibérius, qui depuis longtemps cherchait une occasion d'agir, saisit avidement ce prétexte, et envoya la plus grande partie de sa cavalerie avec environ mille archers. Ils traversèrent au plus vite la Trébie, et disputèrent si bien aux ennemis leurs dépouilles, que les Celtes et les Numides furent mis en fuite et contraints de se rabattre sur leur camp. Les sentinelles carthaginoises qui veillaient à l'entour, à la vue de cette retraite, portèrent aussitôt secours à leurs camarades vivement pressés, et les Romains à leur tour furent obligés de se retirer derrière leurs retranchements. Mais Tibérius lança toute sa cavalerie et ses archers, et les Celtes refoulés par ces nouvelles forces, allèrent rejoindre Annibal. Celui-ci, qui n'était pas suffisamment prêt pour une bataille décisive, et qui d'ailleurs, comme il convient à un bon général, tenait pour maxime qu'il ne fallait pas, sans mûre réflexion et pour un motif frivole, risquer une action générale, se contenta d'arrêter ses soldats, qui se précipitaient en tumulte, et à les forcer de faire volte-face; du reste, il les empêcha de poursuivre les Romains et d'en venir aux mains avec eux en les rappelant au son de la trompette et par la voix de ses officiers d'ordonnance. Les Romains, après avoir un peu attendu l'ennemi, s'en retournèrent. Ils avaient perdu quelques hommes, mais en avaient tué beaucoup plus aux Carthaginois.

LXX. Tibérius, exalté par ce succès et plein de joie, désirait vivement livrer au plus vite une bataille décisive. La maladie de Publius lui permettait de disposer de tout à son gré. Cependant, comme il tenait à s'ap- 246 puyer de l'avis de son collègue, il lui parla de ses desseins. Publius avait une opinion toute contraire à la sienne : il pensait que les troupes exercées au maniement des armes pendant tout l'hiver gagneraient beaucoup à cet apprentissage ; que l'humeur mobile des Gaulois ne saurait rester fidèle aux Carthaginois, et que du moment où ceux-ci, réduits à l'inaction, s'arrêteraient dans leurs conquêtes, elle tournerait bientôt contre eux. Enfin, il espérait pouvoir, sa blessure guérie, rendre quelque service à la république. Ce fut par ces raisonnements que Publius conjura Tibérius de maintenir les choses en l'état où elles étaient. Tibérius reconnaissait l'incontestable justesse de ces observations, mais emporté par sa vanité et par une aveugle confiance , il était follement pressé d'en venir à un coup décisif avant que Publius, malade, pût assister à l'action , et que les consuls nouvellement élus vinssent lui enlever son pouvoir (c'était le moment des élections nouvelles). Or, en choisissant pour combattre le temps et l'occasion que lui marquait, non pas les circonstances , mais son désir, il devait évidemment échouer dans sa tentative. Annibal, qui partageait les idées de Publius, n'était pas moins désireux que Tibérius, par un intérêt contraire, de se mesurer avec l'ennemi. Il voulait profiter de l'ardeur encore toute fraîche des Gaulois, en venir aux mains avec les nouvelles recrues des Romains, tandis qu'elles étaient sans expérience, et que Publius ne pouvait combattre ; mais, avant tout, agir et ne pas perdre son temps. En effet, pour quiconque envahit un pays étranger, et nourrit de vastes desseins, il n'y a qu'un moyen de salut : c'est de renouveler l'enthousiasme de ses alliés par de continuels exploits. Telles étaient les pensées d'Annibal à l'approche du combat que préparait Tibérius.

LXXI. Πάλαι δὲ συνεωρακὼς μεταξὺ τῶν στρατοπέδων τόπον ἐπίπεδον μὲν καὶ ψιλόν, εὐφυῆ δὲ πρὸς ἐνέδραν διά τι ῥεῖθρον ἔχον ὀφρῦν, ἐπὶ δὲ ταύτης ἀκάνθας καὶ βάτους συνεχεῖς ἐπιπεφυκότας, ἐγίνετο πρὸς τῷ στρατηγεῖν τοὺς ὑπεναντίους. Ἔμελλεν δ´ εὐχερῶς λήσειν· οἱ γὰρ Ῥωμαῖοι πρὸς μὲν τοὺς ὑλώδεις τόπους ὑπόπτως εἶχον διὰ τὸ τοὺς Κελτοὺς ἀεὶ τιθέναι τὰς ἐνέδρας ἐν τοῖς τοιούτοις χωρίοις, τοῖς δ´ ἐπιπέδοις καὶ ψιλοῖς ἀπεπίστευον, οὐκ εἰδότες ὅτι καὶ πρὸς τὸ λαθεῖν καὶ πρὸς τὸ μηδὲν παθεῖν τοὺς ἐνεδρεύσαντας εὐφυέστεροι τυγχάνουσιν ὄντες τῶν ὑλωδῶν διὰ τὸ δύνασθαι μὲν ἐκ πολλοῦ προορᾶν πάντα τοὺς ἐνεδρεύοντας, εἶναι δ´ ἐπιπροσθήσεις ἱκανὰς ἐν τοῖς πλείστοις τόποις. Τὸ γὰρ τυχὸν ῥεῖθρον μετὰ βραχείας ὀφρύος, ποτὲ δὲ κάλαμοι καὶ πτέρεις καί τι γένος ἀκανθῶν, οὐ μόνον πεζοὺς ἀλλὰ καὶ τοὺς ἱππεῖς ἐνίοτε δύναται κρύπτειν, ἐὰν βραχέα τις προνοηθῇ τοῦ τὰ μὲν ἐπίσημα τῶν ὅπλων ὕπτια τιθέναι πρὸς τὴν γῆν, τὰς δὲ περικεφαλαίας ὑποτιθέναι τοῖς ὅπλοις. Πλὴν ὅ γε τῶν Καρχηδονίων στρατηγὸς κοινολογηθεὶς Μάγωνι τἀδελφῷ καὶ τοῖς συνέδροις περὶ τοῦ μέλλοντος ἀγῶνος, συγκατατιθεμένων αὐτῷ πάντων ταῖς ἐπιβολαῖς, ἅμα τῷ δειπνοποιήσασθαι τὸ στρατόπεδον ἀνακαλεσάμενος Μάγωνα τὸν ἀδελφόν, ὄντα νέον μὲν ὁρμῆς δὲ πλήρη καὶ παιδομαθῆ περὶ τὰ πολεμικά, συνέστησε τῶν ἱππέων ἄνδρας ἑκατὸν καὶ πεζοὺς τοὺς ἴσους. Ἔτι δὲ τῆς ἡμέρας οὔσης ἐξ ὅλου τοῦ στρατοπέδου σημηνάμενος τοὺς εὐρωστοτάτους παρηγγέλκει δειπνοποιησαμένους ἥκειν ἐπὶ τὴν αὑτοῦ σκηνήν. Παρακαλέσας δὲ καὶ παραστήσας τούτοις τὴν πρέπουσαν ὁρμὴν τῷ καιρῷ παρήγγελλε δέκα τοὺς ἀνδρωδεστάτους ἕκαστον ἐπιλεξάμενον ἐκ τῶν ἰδίων τάξεων ἥκειν εἴς τινα τόπον (τακτὸν) ἤδη τῆς στρατοπεδείας. Τῶν δὲ πραξάντων τὸ συνταχθέν, τούτους μὲν ὄντας ἱππεῖς χιλίους καὶ πεζοὺς ἄλλους τοσούτους ἐξαπέστειλε νυκτὸς εἰς τὴν ἐνέδραν, συστήσας ὁδηγοὺς καὶ τἀδελφῷ διαταξάμενος περὶ τοῦ καιροῦ τῆς ἐπιθέσεως· αὐτὸς δ´ ἅμα τῷ φωτὶ τοὺς Νομαδικοὺς ἱππεῖς συναγαγών, ὄντας φερεκάκους διαφερόντως, παρεκάλεσε καί τινας δωρεὰς ἐπαγγειλάμενος τοῖς ἀνδραγαθήσασι προσέταξε πελάσαντας τῷ τῶν ἐναντίων χάρακι κατὰ σπουδὴν ἐπιδιαβαίνειν τὸν ποταμὸν καὶ προσακροβολιζομένους κινεῖν τοὺς πολεμίους, βουλόμενος ἀναρίστους καὶ πρὸς τὸ μέλλον ἀπαρασκεύους λαβεῖν τοὺς ὑπεναντίους. Τοὺς δὲ λοιποὺς ἡγεμόνας ἁθροίσας ὁμοίως παρεκάλεσε πρὸς τὸν κίνδυνον καὶ πᾶσιν ἀριστοποιεῖσθαι παρήγγειλε καὶ περὶ τὴν τῶν ὅπλων καὶ τῶν ἵππων γίνεσθαι θεραπείαν.

LXXII.  Ὁ δὲ Τεβέριος ἅμα τῷ συνιδεῖν ἐγγίζοντας τοὺς Νομαδικοὺς ἱππεῖς παραυτίκα μὲν αὐτὴν τὴν ἵππον ἐξαπέστελλε, προστάξας ἔχεσθαι καὶ συμπλέκεσθαι τοῖς πολεμίοις. Ἑξῆς δὲ τούτοις ἐξέπεμπε τοὺς πεζακοντιστὰς εἰς ἑξακισχιλίους· ἐκίνει δὲ καὶ τὴν λοιπὴν δύναμιν ἐκ τοῦ χάρακος, ὡς ἐξ ἐπιφανείας κριθησομένων τῶν ὅλων, ἐπαιρόμενος τῷ τε πλήθει τῶν ἀνδρῶν καὶ τῷ γεγονότι τῇ προτεραίᾳ περὶ τοὺς ἱππεῖς εὐημερήματι. Οὔσης δὲ τῆς ὥρας περὶ χειμερινὰς τροπὰς καὶ τῆς ἡμέρας νιφετώδους καὶ ψυχρᾶς διαφερόντως, τῶν δ´ ἀνδρῶν καὶ τῶν ἵππων σχεδὸν ὡς εἰπεῖν ἁπάντων ἀναρίστων ἐκπεπορευμένων, τὸ μὲν πρῶτον ὁρμῇ καὶ προθυμίᾳ περι(ῆν) τὸ πλῆθος· ἐπιγενομένης δὲ τῆς τοῦ Τρεβία ποταμοῦ διαβάσεως, καὶ προσαναβεβηκότος τῷ ῥεύματι διὰ τὸν ἐν τῇ νυκτὶ γενόμενον ἐν τοῖς ὑπὲρ τὰ στρατόπεδα τόποις ὄμβρον, μόλις ἕως τῶν μασθῶν οἱ πεζοὶ βαπτιζόμενοι διέβαινον· ἐξ ὧν ἐκακοπάθει τὸ στρατόπεδον ὑπό τε τοῦ ψύχους καὶ τῆς ἐνδείας, ὡς ἂν ἤδη καὶ τῆς ἡμέρας προβαινούσης. Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι κατὰ σκηνὰς βεβρωκότες καὶ πεπωκότες καὶ τοὺς ἵππους ἡτοιμακότες ἠλείφοντο καὶ καθωπλίζοντο περὶ τὰ πυρὰ πάντες. Ἀννίβας δὲ τὸν καιρὸν ἐπιτηρῶν ἅμα τῷ συνιδεῖν διαβεβηκότας τοὺς Ῥωμαίους τὸν ποταμὸν προβαλόμενος ἐφεδρείαν τοὺς λογχοφόρους καὶ Βαλιαρεῖς, ὄντας εἰς ὀκτακισχιλίους, ἐξῆγε τὴν δύναμιν. Καὶ προαγαγὼν ὡς ὀκτὼ στάδια πρὸ τῆς στρατοπεδείας τοὺς μὲν πεζοὺς ἐπὶ μίαν εὐθεῖαν παρενέβαλε, περὶ δισμυρίους ὄντας τὸν ἀριθμόν, Ἴβηρας καὶ Κελτοὺς καὶ Λίβυας, τοὺς δ´ ἱππεῖς διελὼν ἐφ´ ἑκάτερον παρέστησε τὸ κέρας, πλείους ὄντας μυρίων σὺν τοῖς παρὰ τῶν Κελτῶν συμμάχοις, τὰ δὲ θηρία μερίσας πρὸ τῶν κεράτων δι´ ἀμφοτέρων προεβάλετο. Τεβέριος δὲ κατὰ τὸν αὐτὸν καιρὸν τοὺς μὲν ἱππεῖς ἀνεκαλεῖτο, θεωρῶν οὐκ ἔχοντας ὅ,τι χρήσονται τοῖς ὑπεναντίοις διὰ τὸ τοὺς Νομάδας ἀποχωρεῖν μὲν εὐχερῶς καὶ σποράδην, ἐπικεῖσθαι δὲ πάλιν ἐκ μεταβολῆς τολμηρῶς καὶ θρασέως· τὸ γὰρ τῆς Νομαδικῆς μάχης ἴδιόν ἐστι τοῦτο· τοὺς δὲ πεζοὺς παρενέβαλε κατὰ τὰς εἰθισμένας παρ´ αὐτοῖς τάξεις, ὄντας τοὺς μὲν Ῥωμαίους εἰς μυρίους ἑξακισχιλίους, τοὺς δὲ συμμάχους εἰς δισμυρίους. Τὸ γὰρ τέλειον στρατόπεδον παρ´ αὐτοῖς πρὸς τὰς ὁλοσχερεῖς ἐπιβολὰς ἐκ τοσούτων ἀνδρῶν ἐστιν, ὅταν ὁμοῦ τοὺς ὑπάτους ἑκατέρους οἱ καιροὶ συνάγωσιν. Μετὰ δὲ ταῦτα τοὺς ἱππεῖς ἐφ´ ἑκάτερον θεὶς τὸ κέρας, ὄντας εἰς τετρακισχιλίους, ἐπῄει τοῖς ὑπεναντίοις σοβαρῶς, ἐν τάξει καὶ βάδην ποιούμενος τὴν ἔφοδον.

LXXIII. Ἤδη δὲ σύνεγγυς ὄντων ἀλλήλοις, συνεπλέκησαν οἱ προκείμενοι τῶν δυνάμεων εὔζωνοι. Τούτου δὲ συμβάντος οἱ μὲν Ῥωμαῖοι κατὰ πολλοὺς τρόπους ἠλαττοῦντο, τοῖς δὲ Καρχηδονίοις ὑπερδέξιον γίνεσθαι συνέβαινε τὴν χρείαν, ἅτε δὴ τῶν μὲν Ῥωμαίων πεζακοντιστῶν κακοπαθούντων ἐξ ὄρθρου καὶ προεμένων τὰ πλεῖστα βέλη κατὰ τὴν πρὸς τοὺς Νομάδας συμπλοκήν, τῶν δὲ καταλειπομένων βελῶν ἠχρειωμένων αὐτοῖς διὰ τὴν συνέχειαν τῆς νοτίδος. Παραπλήσια δὲ τούτοις συνέβαινε καὶ περὶ τοὺς ἱππεῖς γίνεσθαι καὶ περὶ τὸ σύμπαν αὐτοῖς στρατόπεδον. Περί γε μὴν τοὺς Καρχηδονίους ὑπῆρχε τἀναντία τούτων· ἀκμαῖοι γὰρ παρατεταγμένοι καὶ νεαλεῖς ἀεὶ πρὸς τὸ δέον εὐχρήστως καὶ προθύμως εἶχον. Διόπερ ἅμα τῷ δέξασθαι διὰ τῶν διαστημάτων τοὺς προκινδυνεύοντας καὶ συμπεσεῖν τὰ βαρέα τῶν ὅπλων ἀλλήλοις, οἱ μὲν ἱππεῖς οἱ τῶν Καρχηδονίων εὐθέως ἀπ´ ἀμφοῖν τοῖν κεράτοιν ἐπίεζον τοὺς ὑπεναντίους, ὡς ἂν τῷ πλήθει πολὺ διαφέροντες καὶ ταῖς ἀκμαῖς αὐτῶν τε καὶ τῶν ἵππων διὰ τὴν προειρημένην ἀκεραιότητα περὶ τὴν ἔξοδον· τοῖς δὲ Ῥωμαίοις τῶν ἱππέων ὑποχωρησάντων καὶ ψιλωθέντων τῶν τῆς φάλαγγος κεράτων, οἵ τε λογχοφόροι τῶν Καρχηδονίων καὶ τὸ τῶν Νομάδων πλῆθος ὑπεραίροντες τοὺς προτεταγμένους τῶν ἰδίων καὶ πρὸς τὰ κέρατα προσπίπτοντες τοῖς Ῥωμαίοις πολλὰ καὶ κακὰ διειργάζοντο καὶ μάχεσθαι τοῖς κατὰ πρόσωπον οὐκ εἴων. Οἱ δ´ ἐν τοῖς βαρέσιν ὅπλοις παρ´ ἀμφοῖν τὰς πρώτας ἔχοντες καὶ μέσας τῆς ὅλης παρεμβολῆς τάξεις ἐπὶ πολὺν χρόνον ἐμάχοντο συστάδην, ἐφάμιλλον ποιούμενοι τὸν κίνδυνον.

LXXIV. Ἐν ᾧ καιρῷ διαναστάντων τῶν ἐκ τῆς ἐνέδρας Νομάδων καὶ προσπεσόντων ἄφνω κατὰ νώτου τοῖς ἀγωνιζομένοις περὶ τὰ μέσα, μεγάλην ταραχὴν καὶ δυσχρηστίαν συνέβαινε γίνεσθαι περὶ τὰς τῶν Ῥωμαίων δυνάμεις. Τέλος δ´ ἀμφότερα (τὰ) κέρατα τῶν περὶ τὸν Τεβέριον πιεζούμενα κατὰ πρόσωπον μὲν ὑπὸ τῶν θηρίων, πέριξ δὲ καὶ κατὰ τὰς ἐκ τῶν πλαγίων ἐπιφανείας ὑπὸ τῶν εὐζώνων, ἐτράπησαν καὶ συνωθοῦντο κατὰ τὸν διωγμὸν πρὸς τὸν ὑποκείμενον ποταμόν. Τούτου δὲ συμβάντος οἱ κατὰ μέσον τὸν κίνδυνον ταχθέντες τῶν Ῥωμαίων οἱ μὲν κατόπιν ἐφεστῶτες ὑπὸ τῶν ἐκ τῆς ἐνέδρας προσπεσόντων ἀπώλλυντο καὶ κακῶς ἔπασχον, οἱ δὲ περὶ τὰς πρώτας χώρας ἐπαναγκασθέντες ἐκράτησαν τῶν Κελτῶν καὶ μέρους τινὸς τῶν Λιβύων καὶ πολλοὺς αὐτῶν ἀποκτείναντες διέκοψαν τὴν τῶν Καρχηδονίων τάξιν. Θεωροῦντες δὲ τοὺς ἀπὸ τῶν ἰδίων κεράτων ἐκπεπιεσμένους, τὸ μὲν ἐπιβοηθεῖν τούτοις ἢ πάλιν εἰς τὴν ἑαυτῶν ἀπιέναι παρεμβολὴν ἀπέγνωσαν, ὑφορώμενοι μὲν τὸ πλῆθος τῶν ἱππέων, κωλυόμενοι δὲ διὰ τὸν ποταμὸν καὶ τὴν ἐπιφορὰν καὶ συστροφὴν τοῦ κατὰ κεφαλὴν ὄμβρου. Τηροῦντες δὲ τὰς τάξεις ἁθρόοι μετ´ ἀσφαλείας ἀπεχώρησαν εἰς Πλακεντίαν, ὄντες οὐκ ἐλάττους μυρίων. Τῶν δὲ λοιπῶν οἱ μὲν πλεῖστοι περὶ τὸν ποταμὸν ἐφθάρησαν ὑπό τε τῶν θηρίων καὶ τῶν ἱππέων, οἱ δὲ διαφυγόντες τῶν πεζῶν καὶ τὸ πλεῖστον μέρος τῶν ἱππέων πρὸς τὸ προειρημένον σύστημα ποιούμενοι τὴν ἀποχώρησιν ἀνεκομίσθησαν ἅμα τούτοις εἰς Πλακεντίαν. Τὸ δὲ τῶν Καρχηδονίων στρατόπεδον ἕως τοῦ ποταμοῦ καταδιῶξαν τοὺς πολεμίους, ὑπὸ δὲ τοῦ χειμῶνος οὐκέτι δυνάμενον πορρωτέρω προβαίνειν ἐπανῆλθε πάλιν εἰς τὴν παρεμβολήν. Καὶ πάντες ἐπὶ μὲν τῇ μάχῃ περιχαρεῖς ἦσαν, ὡς κατωρθωκότες· συνέβαινε γὰρ ὀλίγους μὲν τῶν Ἰβήρων καὶ Λιβύων, τοὺς δὲ πλείους ἀπολωλέναι τῶν Κελτῶν· ὑπὸ δὲ τῶν ὄμβρων καὶ τῆς ἐπιγινομένης χιόνος οὕτως διετίθεντο δεινῶς ὥστε τὰ μὲν θηρία διαφθαρῆναι πλὴν ἑνός, πολλοὺς δὲ καὶ τῶν ἀνδρῶν ἀπόλλυσθαι καὶ τῶν ἵππων διὰ τὸ ψῦχος.

LXXV. Ὁ δὲ Τεβέριος εἰδὼς μὲν τὰ συμβεβηκότα, βουλόμενος δὲ κατὰ δύναμιν ἐπικρύπτεσθαι τοὺς ἐν τῇ Ῥώμῃ τὸ γεγονὸς ἔπεμψε τοὺς ἀπαγγελοῦντας ὅτι μάχης γενομένης τὴν νίκην αὐτῶν ὁ χειμὼν ἀφείλετο. Οἱ δὲ Ῥωμαῖοι παραυτίκα μὲν ἐπίστευον τοῖς προσπίπτουσιν· μετ´ οὐ πολὺ δὲ πυνθανόμενοι τοὺς μὲν Καρχηδονίους καὶ τὴν παρεμβολὴν τὴν αὑτῶν τηρεῖν καὶ τοὺς Κελτοὺς πάντας ἀπονενευκέναι πρὸς τὴν ἐκείνων φιλίαν, τοὺς δὲ παρ´ αὑτῶν ἀπολελοιπότας τὴν παρεμβολὴν ἐκ τῆς μάχης ἀνακεχωρηκέναι καὶ συνηθροῖσθαι πάντας εἰς τὰς πόλεις καὶ χορηγεῖσθαι δὲ τοῖς ἀναγκαίοις ἐκ θαλάττης ἀνὰ τὸν Πάδον ποταμόν, καὶ λίαν σαφῶς ἔγνωσαν τὰ γεγονότα περὶ τὸν κίνδυνον. Διὸ καὶ παραδόξου φανέντος αὐτοῖς τοῦ πράγματος, περὶ τὰς λοιπὰς παρασκευὰς διαφερόντως ἐγίνοντο καὶ περὶ φυλακὴν τῶν προκειμένων τόπων, πέμποντες εἰς Σαρδόνα καὶ Σικελίαν στρατόπεδα, πρὸς δὲ τούτοις εἰς Τάραντα προφυλακὰς καὶ τῶν ἄλλων τόπων εἰς τοὺς εὐκαίρους· παρεσκεύασαν δὲ καὶ ναῦς ἑξήκοντα πεντήρεις. Γνάιος δὲ Σερουίλιος καὶ Γάιος Φλαμίνιος, οἵπερ ἔτυχον ὕπατοι τότε καθεσταμένοι, συνῆγον τοὺς συμμάχους καὶ κατέγραφον τὰ παρ´ αὑτοῖς στρατόπεδα. Παρῆγον δὲ καὶ τὰς ἀγορὰς τὰς μὲν εἰς Ἀρίμινον τὰς δ´ εἰς Τυρρηνίαν, ὡς ἐπὶ τούτοις ποιησόμενοι τοῖς τόποις τὴν ἔξοδον. Ἔπεμψαν δὲ καὶ πρὸς Ἱέρωνα περὶ βοηθείας, ὃς καὶ πεντακοσίους αὐτοῖς ἐξαπέστειλε Κρῆτας καὶ χιλίους πελτοφόρους· πάντα δὲ καὶ πανταχόθεν ἐνεργῶς ἡτοίμαζον. Τότε γάρ εἰσι φοβερώτατοι Ῥωμαῖοι καὶ κοινῇ καὶ κατ´ ἰδίαν, ὅταν αὐτοὺς περιστῇ φόβος ἀληθινός.

LXXI. Depuis longtemps il avait remarqué entre les deux; armées un endroit plat et nu, mais très-favorable aune embuscade, grâce à un ruisseau enfermé entre  247 des rives élevées et couvertes de buissons et de ronces. Il résolut de recourir à un stratagème. Rien ne lui était plus facile que de cacher sa ruse aux Romains ; car s'ils regardaient toujours d'un œil inquiet les lieux boisés, parce que les Gaulois ont coutume de placer leurs embûches au milieu des forêts, ils ne se défiaient nullement des endroits découverts. Ils ne savaient pas que la plaine se prête mieux que les bois eux-mêmes à cacher des soldats et à les garantir de toute atteinte, parce qu'ils peuvent, de là, aisément voir, en même temps que d'ordinaire des collines suffisantes les mettent à couvert. Un petit ruisseau garni de rives médiocres et bordé de roseaux, de fougères et de buissons d'une certaine espèce, peut cacher non-seulement de l'infanterie, mais de la cavalerie même, pourvu qu'on ait la prudence de mettre à terre les armes trop apparentes et de placer les casques sous les boucliers. Annibal donc, après avoir exposé à Magon, son frère, et à tous les officiers admis au conseil son plan pour la prochaine bataille, que tous approuvèrent, rappela auprès de lui, quand les troupes eurent pris leur repas, Magon, soldat plein d'ardeur et depuis longtemps formé à la guerre, et lui remit cent cavaliers avec autant de fantassins, qu'il avait choisis le soir même parmi les hommes les plus braves de l'armée, et à qui il avait ordonné de se trouver dans sa tente après le souper. Il les harangua, et lorsqu'il leur eut inspiré les sentiments qui convenaient à la circonstance, il leur dit de prendre chacun dix soldats des plus courageux dans leurs compagnies , et de se rendre aussitôt avec eux en un certain endroit du camp. Tout fut exécuté ainsi qu'il était prescrit ; et pendant la nuit, au nombre de mille fantassins et d'autant de cavaliers, les Carthaginois partirent pour l'embuscade sous la conduite de quelques guides et de Magon, qu'Annibal avait suffisamment instruit de l'heure où il devait agir. Lui-même, à la pointe du jour, il rassembla les cava-248 liers numides, dont l'ardeur naturelle à leur nation était infatigable, leur adressa quelques mots d'encouragement, promit des récompenses aux braves, et leur ordonna d'approcher du camp de l'ennemi, de traverser rapidement la Trébie, et de mettre en mouvement les Romains par une brusque attaque. Il voulait surprendre ses adversaires avant qu'ils eussent fait leur repas du matin et pris leurs précautions. Il réunit ensuite les officiers des autres troupes, les engagea à combattre résolument, et commanda à tous de déjeuner et de préparer leurs chevaux et leurs armes.

LXXII. Tibérius, à la vue des Numides, fit aussitôt sortir sa cavalerie, et lui donna ordre d'en venir aux mains. Puis il détacha les 'archers au nombre de six mille, et finit par déployer hors du camp toute son armée, dont le spectacle seul devait, à son idée, décider de la victoire ; tant le nombre de ses troupes et le succès de la veille sur la cavalerie ennemie lui inspiraient de confiance ! On se trouvait alors en plein hiver ; la journée était froide, la neige abondante ; les hommes et les chevaux avaient quitté presque tous le camp sans avoir pris la nourriture nécessaire. Cependant, dans le premier moment, l'élan, l'ardeur fut générale ; mais il fallut ensuite franchir la Trébie, dont le courant, grossi par les pluies qui pendant la nuit étaient tombées à flots sur les hauteurs voisines du camp, permettait à peine aux soldats d'avancer, plongés dans l'eau jusqu'aux épaules. Alors les Romains se virent en proie au froid et à la faim, que l'heure avancée de la journée rendait plus sensible, tandis que les Carthaginois, après avoir tranquillement bu et mangé dans leurs tentes, et préparé leurs chevaux à loisir, se frottaient d'huile et revêtaient leurs armes autour du feu. Annibal, qui attendait le moment favorable, eut à peine vu les Romains au delà de la rivière, qu'il envoya au secours des Numides les soldats armés à la légère, ainsi que les frondeurs, au nombre de huit  249 mille, et fit sortir son armée des retranchements. A une distance du camp de huit stades environ, il établit sur une seule ligne droite les fantassins, qui n'étaient pas moins de vingt mille, composés d'Espagnols, de Celtes et de Libyens, et détacha sur chacune des ailes les cavaliers qui, avec les contingents des Gaulois, formaient plus de dix mille hommes. Enfin il partagea entre ces deux ailes les éléphants, qu'il plaça devant elles. Tibérius rappela aussitôt sa cavalerie % qu'il voyait fort embarrassée au milieu des ennemis, grâce aux Numides, qui tout d'un coup se dispersent et battent en retraite, pour revenir ensuite avec plus de violence et d'audace (manœuvre qui leur est particulière), et rangea suivant la méthode romaine l'infanterie , qui comptait seize mille Romains  (19) et vingt mille alliés. C'est le chiffre auquel, chez les Romains, dans les circonstances décisives, s'élève toujours l'armée quand elle est commandée par les deux consuls. Puis il jeta sur les deux ailes ses quatre mille chevaux, et s'avança superbement vers l'ennemi en ordre et au petit pas.

LXXIII. Dès que les deux armées furent en présence, l'action s'engagea entre les soldats armés à la légère, jetés en avant dans la plaine. Les Romains avaient contre eux de nombreux désavantages, tandis que les circonstances servaient merveilleusement les Carthaginois. Les archers romains étaient épuisés par une lutte qui durait depuis l'aurore; ils avaient lancé contre les Numides la plus grande partie de leurs traits, et ceux qu'ils avaient encore, exposés sans cesse à l'humidité, étaient mis hors de service ; enfin la cavalerie, ainsi que le reste de l'armée, se trouvait à peu près dans le même état que les archers. La position des Carthaginois était tout autre : comme ils se présentaient au combat frais et dispos, ils exécutaient avec ardeur et 250 facilité ce qui était nécessaire. Aussi, lorsque de chaque coté les rangs se furent ouverts aux éclaireurs qui avaient commencé le combat, et que les soldats pesamment armés en furent venus aux mains, les cavaliers carthaginois, qui remportaient de beaucoup sur les Romains par le nombre et par la vigueur des chevaux, dont rien n'avait diminué les forces à la sortie du camp, tombèrent si lourdement sur leurs ailes, que la cavalerie romaine s'enfuit, laissant à découvert par sa retraite les flancs de l'armée. À cette vue, les troupes auxiliaires des Carthaginois et les Numides se précipitèrent au delà de leurs soldats placés en tête, prirent de côté les Romains, leur causèrent beaucoup de mal et leur ôtèrent tout moyen de combattre avec ceux qui les attaquaient en face. Les soldats pesamment armés, postés aux premiers rangs et au contre, seuls luttèrent longtemps de pied ferme sans que la victoire se décidât.

LXXIV. Mais alors les Numides en embuscade se levant tout à coup, se jetèrent sur le derrière des troupes qui se trouvaient au centre, et répandirent dans l'armée romaine la confusion et le trouble. Enfin les deux ailes de Tibérius, vivement pressées de face par les éléphants , de côté par les troupes armées à la légère, furent mises en fuite et poursuivies, culbutées dans la rivière. Cependant les derniers rangs du centre étaient maltraités et détruits par les Numides de Magon. Les soldats des premières lignes, animés par la nécessité, vainquirent d'abord les Gaulois et une partie des Libyens , en tuèrent un bon nombre, et pénétrèrent même dans les bataillons carthaginois. Mais à la vue des deux ailes en déroute, à la fois effrayés de la multitude des cavaliers ennemis et empêchés par la rivière et par une pluie battante, ils renoncèrent à l'espoir de leur porter un utile secours ou de retourner dans leur camp, et ils gagnèrent en bon ordre Plaisance, où ils arrivèrent sains et saufs au nombre de dix mille environ. La  251 plus grande partie du reste de l'armée fut tuée sur les bords du fleuve par les chevaux et les éléphants. Les fantassins qui échappèrent au massacre et la plus forte part de la cavalerie firent retraite sur les traces des dix mille, et parvinrent à Plaisance avec eux. Les Carthaginois, après avoir poursuivi les Romains jusqu'à la Trébie sans pouvoir aller au delà, à cause de la saison, retournèrent dans leur camp. Les Carthaginois ressentirent de ce succès une vive joie. Par un heureux hasard les Espagnols et les Libyens avaient succombé en petit nombre, et la perte avait principalement porté sur les Gaulois. L'armée fut toutefois si maltraitée par la pluie et la neige, que tous les éléphants moururent, à l'exception d'un seul, et que beaucoup d'hommes et de chevaux périrent de froid.

 LXXV. Tibérius, bien qu'il appréciât au juste un tel désastre, envoya dire, afin d'en dissimuler autant que possible la grandeur aux Romains, qu'il avait livré bataille, et que l'hiver lui avait enlevé la victoire. Les Romains ajoutèrent d'abord foi à ce rapport; mais quand ils apprirent que les Carthaginois s'étaient rendus maîtres du camp, et que tous les Gaulois inclinaient à l'alliance d'Annibal que leurs soldats, au contraire, après avoir quitté leurs retranchements et déserté le champ de bataille, s'étaient retirés dans les villes voisines et n'avaient pas d'autres provisions que celles que la mer leur envoyait par le Pô, alors ils ne comprirent que trop la vérité. Sous l'impression d'un événement si inattendu, ils s'occupèrent avec ardeur des préparatifs qui leur restaient à faire et de la défense des lieux exposés aux coups de l'ennemi ; ils envoyèrent des légions en Sardaigne et en Sicile, mirent une garnison à Tarente et des postes dans les positions les plus favorables. De plus, ils équipèrent soixante vaisseaux à cinq rangs de rames. Cnéus Servilius et Caïus Flaminius, qui se trouvaient consuls, réunirent les troupes des alliés et firent des levées à 252 Rome. Enfin on rassembla des vivres à Ariminum et en Toscane, où devaient se rendre les recrues, et on demanda du secours à Hiéron. Ce prince envoya cinq cents Crétois et mille porte-boucliers. Ainsi de tous côtés Rome faisait activement ses préparatifs ; car jamais les Romains, en public comme en particulier, ne sont plus redoutables que lorsqu'un grand danger les menace.

LXXVI. Κατὰ δὲ τοὺς αὐτοὺς καιροὺς Γνάιος Κορνήλιος ὁ καταλειφθεὶς ὑπὸ τἀδελφοῦ Ποπλίου στρατηγὸς ἐπὶ τῆς ναυτικῆς δυνάμεως, καθάπερ ἐπάνω προεῖπον, ἀναχθεὶς ἀπὸ τῶν τοῦ Ῥοδανοῦ στομάτων παντὶ τῷ στόλῳ προσέσχε τῆς Ἰβηρίας πρὸς τοὺς κατὰ τὸ καλούμενον Ἐμπόριον τόπους. Ἀρξάμενος δ´ ἐντεῦθεν ἀποβάσεις ἐποιεῖτο καὶ τοὺς μὲν ἀπειθοῦντας ἐπολιόρκει τῶν τὴν παραλίαν κατοικούντων ἕως Ἴβηρος ποταμοῦ, τοὺς δὲ προσδεχομένους ἐφιλανθρώπει, τὴν ἐνδεχομένην ποιούμενος περὶ αὐτῶν προμήθειαν. Ἀσφαλισάμενος δὲ τοὺς προσκεχωρηκότας τῶν παραθαλαττίων προῆγε παντὶ τῷ στρατεύματι, ποιούμενος τὴν πορείαν εἰς τὴν μεσόγαιον· πολὺ γὰρ ἤδη καὶ τὸ συμμαχικὸν ἡθροίκει τῶν Ἰβήρων. Ἅμα δὲ προϊὼν ἃς μὲν προσήγετο τὰς δὲ κατεστρέφετο τῶν πόλεων. Τῶν δὲ Καρχηδονίων, οὓς ἔχων ἐπὶ τούτων ἀπελείφθη τῶν τόπων Ἄννων, ἀντιστρατοπεδευσάντων αὐτοῖς περὶ πόλιν προσαγορευομένην Κίσσαν, συμβαλὼν ὁ Γνάιος ἐκ παρατάξεως καὶ νικήσας τῇ μάχῃ πολλῶν μὲν χρημάτων ἐγένετ´ ἐγκρατής, ὡς ἂν ἁπάσης τῆς ἀποσκευῆς τῶν εἰς Ἰταλίαν ὁρμησάντων παρὰ τούτοις ἀπολελειμμένης, πάντας δὲ τοὺς ἐντὸς Ἴβηρος ποταμοῦ συμμάχους ἐποιήσατο καὶ φίλους, ζωγρίᾳ δὲ τόν τε τῶν Καρχηδονίων στρατηγὸν Ἄννωνα καὶ τὸν τῶν Ἰβήρων Ἀνδοβάλην ἔλαβε. Τοῦτον δὲ συνέβαινε τύραννον μὲν εἶναι τῶν κατὰ τὴν μεσόγαιον τόπων, εὔνουν δὲ διαφερόντως ἀεί ποτε Καρχηδονίοις. Ταχὺ δὲ συνεὶς τὸ γεγονὸς Ἀσδρούβας ἧκε παραβοηθῶν διαβὰς τὸν Ἴβηρα ποταμόν. Καὶ καταμαθὼν ἀπολελειμμένους τοὺς ἀπὸ τοῦ στόλου τῶν Ῥωμαίων, ῥᾳθύμως καὶ κατατεθαρρηκότως ἀναστρεφομένους διὰ τὸ προτέρημα τῶν πεζικῶν στρατοπέδων, παραλαβὼν ἀπὸ τῆς ἑαυτοῦ δυνάμεως πεζοὺς μὲν εἰς ὀκτακισχιλίους (ἱππεῖς δὲ περὶ χιλίους), καὶ καταλαβὼν ἐσκεδασμένους κατὰ τῆς χώρας τοὺς ἀπὸ τῶν πλοίων, πολλοὺς μὲν αὐτῶν ἀπέκτεινεν, τοὺς δὲ λοιποὺς ἠνάγκασε φυγεῖν ἐπὶ τὰς ναῦς. Οὗτος μὲν οὖν ἀναχωρήσας καὶ διαβὰς αὖθις τὸν Ἴβηρα ποταμὸν ἐγίνετο περὶ παρασκευὴν καὶ φυλακὴν τῶν ἐντὸς τοῦ ποταμοῦ τόπων, ποιούμενος τὴν παραχειμασίαν ἐν Καινῇ πόλει. Ὁ δὲ Γνάιος συνάψας τῷ στόλῳ καὶ τοὺς αἰτίους τῶν συμβεβηκότων κατὰ τοὺς παρ´ αὐτοῖς ἐθισμοὺς κολάσας, τὸ λοιπὸν ἤδη συναγαγὼν ἐπὶ ταὐτὸ τήν τε πεζὴν καὶ τὴν ναυτικὴν στρατιὰν ἐν Ταρράκωνι τὴν παραχειμασίαν ἐποιεῖτο. Διαδοὺς δὲ τὴν λείαν ἴσως τοῖς στρατιώταις μεγάλην εὔνοιαν καὶ προθυμίαν ἐνειργάσατο πρὸς τὸ μέλλον.

LXXVII. Καὶ τὰ μὲν κατὰ τὴν Ἰβηρίαν ἐν τούτοις ἦν. Ἐνισταμένης δὲ τῆς ἐαρινῆς ὥρας, Γάιος μὲν Φλαμίνιος ἀναλαβὼν τὰς αὑτοῦ δυνάμεις προῆγε διὰ Τυρρηνίας καὶ κατεστρατοπέδευσε πρὸ τῆς τῶν Ἀρρητίνων πόλεως, Γνάιος δὲ Σερουίλιος τοὔμπαλιν ὡς ἐπ´ Ἀριμίνου, ταύτῃ παρατηρήσων τὴν εἰσβολὴν τῶν ὑπεναντίων. Ἀννίβας δὲ παραχειμάζων ἐν τῇ Κελτικῇ τοὺς μὲν Ῥωμαίους τῶν ἐκ τῆς μάχης αἰχμαλώτων ἐν φυλακῇ συνεῖχεν, τὰ μέτρια τῶν ἐπιτηδείων διδούς, τοὺς δὲ συμμάχους αὐτῶν τὸ μὲν πρῶτον ἐν τῇ πάσῃ φιλανθρωπίᾳ διεξῆγεν, μετὰ δὲ ταῦτα συναγαγὼν παρεκάλει, φάσκων οὐκ ἐκείνοις ἥκειν πολεμήσων, ἀλλὰ Ῥωμαίοις ὑπὲρ ἐκείνων. Διόπερ ἔφη δεῖν αὐτούς, ἐὰν ὀρθῶς φρονῶσιν, ἀντέχεσθαι τῆς πρὸς αὑτὸν φιλίας. Παρεῖναι γὰρ πρῶτον μὲν τὴν ἐλευθερίαν ἀνακτησόμενος Ἰταλιώταις, ὁμοίως δὲ τὰς πόλεις καὶ τὴν χώραν, ἣν ὑπὸ Ῥωμαίων ἀπολωλεκότες ἕκαστοι τυγχάνουσι, συνανασώσων. Ταῦτα δ´ εἰπὼν ἀφῆκε πάντας χωρὶς λύτρων εἰς τὴν οἰκείαν, βουλόμενος ἅμα μὲν προκαλεῖσθαι διὰ τοιούτου τρόπου πρὸς αὑτὸν τοὺς κατοικοῦντας τὴν Ἰταλίαν, ἅμα δ´ ἀπαλλοτριοῦν τῆς πρὸς Ῥωμαίους εὐνοίας, ἐρεθίζειν δὲ τοὺς δοκοῦντας πόλεσιν ἢ λιμέσιν ἠλαττῶσθαί τι διὰ τῆς Ῥωμαίων ἀρχῆς.

LXXVIII. Ἐχρήσατο δέ τινι καὶ Φοινικικῷ στρατηγήματι τοιούτῳ κατὰ τὴν παραχειμασίαν. Ἀγωνιῶν γὰρ τὴν ἀθεσίαν τῶν Κελτῶν καὶ τὰς ἐπιβουλὰς τὰς περὶ τὸ σῶμα διὰ τὸ πρόσφατον τῆς πρὸς αὐτοὺς συστάσεως κατεσκευάσατο περιθετὰς τρίχας, ἁρμοζούσας ταῖς κατὰ τὰς ὁλοσχερεῖς διαφορὰς τῶν ἡλικιῶν ἐπιπρεπείαις, καὶ ταύταις ἐχρῆτο συνεχῶς μετατιθέμενος· ὁμοίως δὲ καὶ τὰς ἐσθῆτας μετελάμβανε τὰς καθηκούσας ἀεὶ ταῖς περιθεταῖς. Δι´ ὧν οὐ μόνον τοῖς αἰφνιδίως ἰδοῦσι δύσγνωστος ἦν, ἀλλὰ καὶ τοῖς ἐν συνηθείᾳ γεγονόσιν. Θεωρῶν δὲ τοὺς Κελτοὺς δυσχεραίνοντας ἐπὶ τῷ τὸν πόλεμον ἐν τῇ παρ´ αὑτῶν χώρᾳ λαμβάνειν τὴν τριβήν, σπεύδοντας δὲ καὶ μετεώρους ὄντας εἰς τὴν πολεμίαν, προφάσει μὲν διὰ τὴν πρὸς Ῥωμαίους ὀργήν, τὸ δὲ πλεῖον διὰ τὰς ὠφελείας, ἔκρινε τὴν ταχίστην ἀναζευγνύειν καὶ συνεκπληροῦν τὰς τῶν δυνάμεων ὁρμάς. Διόπερ ἅμα τῷ τὴν ὥραν μεταβάλλειν πυνθανόμενος τῶν μάλιστα τῆς χώρας δοκούντων ἐμπειρεῖν τὰς μὲν ἄλλας ἐμβολὰς τὰς εἰς τὴν πολεμίαν μακρὰς εὕρισκε καὶ προδήλους τοῖς ὑπεναντίοις, τὴν δὲ διὰ τῶν ἑλῶν εἰς Τυρρηνίαν φέρουσαν δυσχερῆ μὲν σύντομον δὲ καὶ παράδοξον φανησομένην τοῖς περὶ τὸν Φλαμίνιον. Ἀεὶ δέ πως οἰκεῖος (ὢν) τῇ φύσει τούτου τοῦ μέρους ταύτῃ προέθετο ποιεῖσθαι τὴν πορείαν. Διαδοθείσης δὲ τῆς φήμης ἐν τῷ στρατοπέδῳ διότι μέλλει διά τινων ἑλῶν ἄγειν αὐτοὺς ὁ στρατηγός, πᾶς τις εὐλαβῶς εἶχε πρὸς τὴν πορείαν, ὑφορώμενος βάραθρα καὶ τοὺς λιμνώδεις τῶν τόπων.

LXXIX Ἀννίβας δ´ ἐπιμελῶς ἐξητακὼς τεναγώδεις καὶ στερεοὺς ὑπάρχοντας τοὺς κατὰ τὴν δίοδον τόπους, ἀναζεύξας εἰς μὲν τὴν πρωτοπορείαν ἔθηκε τοὺς Λίβυας καὶ Ἴβηρας καὶ πᾶν τὸ χρησιμώτερον μέρος τῆς σφετέρας δυνάμεως, συγκαταμίξας αὐτοῖς τὴν ἀποσκευήν, ἵνα πρὸς τὸ παρὸν εὐπορῶσι τῶν ἐπιτηδείων· πρὸς γὰρ τὸ μέλλον εἰς τέλος ἀφροντίστως εἶχε περὶ παντὸς τοῦ σκευοφόρου, λογιζόμενος ὡς ἐὰν ἅψηται τῆς πολεμίας, ἡττηθεὶς μὲν οὐ προσδεήσεται τῶν ἀναγκαίων, κρατῶν δὲ τῶν ὑπαίθρων οὐκ ἀπορήσει τῶν ἐπιτηδείων. Ἐπὶ δὲ τοῖς προειρημένοις ἐπέβαλε τοὺς Κελτούς, ἐπὶ δὲ πᾶσι τοὺς ἱππεῖς. Ἐπιμελητὴν δὲ τῆς οὐραγίας τὸν ἀδελφὸν ἀπέλιπε Μάγωνα τῶν τε λοιπῶν χάριν καὶ μάλιστα τῆς τῶν Κελτῶν μαλακίας καὶ φυγοπονίας, ἵν´ ἐὰν κακοπαθοῦντες τρέπωνται πάλιν εἰς τοὐπίσω, κωλύῃ διὰ τῶν ἱππέων καὶ προσφέρῃ τὰς χεῖρας αὐτοῖς. Οἱ μὲν οὖν Ἴβηρες καὶ Λίβυες δι´ ἀκεραίων τῶν ἑλῶν ποιούμενοι τὴν πορείαν μετρίως κακοπαθοῦντες ἤνυον, ἅτε καὶ φερέκακοι πάντες ὄντες καὶ συνήθεις ταῖς τοιαύταις ταλαιπωρίαις. Οἱ δὲ Κελτοὶ δυσχερῶς μὲν εἰς τοὔμπροσθεν προύβαινον, τεταραγμένων καὶ διαπεπατημένων εἰς βάθος τῶν ἑλῶν, ἐπιπόνως δὲ καὶ ταλαιπώρως ὑπέμενον τὴν κακοπάθειαν, ἄπειροι πάσης τῆς τοιαύτης ὄντες κακουχίας. Ἐκωλύοντο δὲ πάλιν ἀπονεύειν εἰς τοὐπίσω διὰ τοὺς ἐφεστῶτας αὐτοῖς ἱππεῖς. Πάντες μὲν οὖν ἐκακοπάθουν καὶ μάλιστα διὰ τὴν ἀγρυπνίαν, ὡς ἂν ἑξῆς ἡμέρας τέτταρας καὶ τρεῖς νύκτας συνεχῶς δι´ ὕδατος ποιούμενοι τὴν πορείαν· διαφερόντως γε μὴν ἐπόνουν καὶ κατεφθείρονθ´ ὑπὲρ τοὺς ἄλλους οἱ Κελτοί. Τῶν δ´ ὑποζυγίων αὐτοῦ τὰ πλεῖστα πίπτοντα διὰ τοὺς πηλοὺς ἀπώλλυντο, μίαν παρεχόμενα χρείαν ἐν τῷ πεσεῖν τοῖς ἀνθρώποις· καθεζόμενοι γὰρ ἐπ´ αὐτῶν καὶ τῶν σκευῶν σωρηδὸν ὑπὲρ τὸ ὑγρὸν ὑπερεῖχον καὶ τῷ τοιούτῳ τρόπῳ βραχὺ μέρος τῆς νυκτὸς ἀπεκοιμῶντο. Οὐκ ὀλίγοι δὲ καὶ τῶν ἵππων τὰς ὁπλὰς ἀπέβαλον διὰ τὴν συνέχειαν τῆς διὰ τῶν πηλῶν πορείας. Ἀννίβας δὲ μόλις ἐπὶ τοῦ περιλειφθέντος θηρίου διεσώθη μετὰ πολλῆς ταλαιπωρίας, ὑπεραλγὴς ὢν διὰ τὴν βαρύτητα τῆς ἐπενεχθείσης ὀφθαλμίας αὐτῷ, δι´ ἣν καὶ τέλος ἐστερήθη τῆς μιᾶς ὄψεως, οὐκ ἐπιδεχομένου τοῦ καιροῦ καταμονὴν οὐδὲ θεραπείαν διὰ τὸ τῆς περιστάσεως ἀδύνατον.

LXXX. Διαπεράσας δὲ παραδόξως τοὺς ἑλώδεις τόπους καὶ καταλαβὼν ἐν Τυρρηνίᾳ τὸν Φλαμίνιον στρατοπεδεύοντα πρὸ τῆς τῶν Ἀρρητίνων πόλεως, τότε μὲν αὐτοῦ πρὸς τοῖς ἕλεσι κατεστρατοπέδευσε, βουλόμενος τήν τε δύναμιν ἀναλαβεῖν καὶ πολυπραγμονῆσαι τὰ περὶ τοὺς ὑπεναντίους καὶ τοὺς προκειμένους τῶν τόπων. Πυνθανόμενος δὲ τὴν μὲν χώραν τὴν πρόσθεν πολλῆς γέμειν ὠφελείας, τὸν δὲ Φλαμίνιον ὀχλοκόπον μὲν καὶ δημαγωγὸν εἶναι τέλειον, πρὸς ἀληθινῶν δὲ καὶ πολεμικῶν πραγμάτων χειρισμὸν οὐκ εὐφυῆ, πρὸς δὲ τούτοις καταπεπιστευκέναι τοῖς σφετέροις πράγμασιν, συνελογίζετο διότι παραλλάξαντος αὐτοῦ τὴν ἐκείνων στρατοπεδείαν καὶ καθέντος εἰς τοὺς ἔμπροσθεν τόπους τὰ μὲν ἀγωνιῶν τὸν ἐπιτωθασμὸν τῶν ὄχλων οὐ δυνήσεται περιορᾶν δῃουμένην τὴν χώραν, τὰ δὲ κατηλγηκὼς παρέσται προχείρως εἰς πάντα τόπον ἑπόμενος, σπουδάζων δι´ αὑτοῦ ποιήσασθαι τὸ προτέρημα καὶ μὴ προσδέξασθαι τὴν παρουσίαν τοῦ τὴν ἴσην ἀρχὴν ἔχοντος. Ἐξ ὧν πολλοὺς αὐτὸν ὑπελάμβανε παραδώσειν καιροὺς πρὸς ἐπίθεσιν. Πάντα δ´ ἐμφρόνως ἐλογίζετο ταῦτα καὶ πραγματικῶς·

LXXVI. Cependant Cornélius, laissé par son frère Publius à la tête des forces navales, comme je l'ai dit plus haut, avait quitté avec sa flotte l'embouchure du Rhône et abordé en Espagne, près d'un endroit nommé Emporium. Il y débarqua, dompta tous les peuples de la côte qui osèrent lui résister, jusqu'à l'Èbre, traita au contraire avec douceur ceux qui se rendirent, et prit pour leur sûreté toutes les mesures nécessaires. Après avoir mis des garnisons dans les pays soumis, il s'enfonça dans les terres avec son armée, grossie de nombreux renforts empruntés aux Espagnols ses alliés. Chemin faisant, il rangea de bon gré ou de force à ses lois chaque ville qu'il rencontra. Les Carthaginois qu'Hannon commandait en ces lieux vinrent placer leur camp en face du sien, près de la ville de Cissa. Cnéus leur livra une bataille rangée, les défit, et, par cette victoire, il resta maître de riches dépouilles et de tous les bagages que l'armée d'expédition d'Italie avait laissés en partant, se fit des amis et des alliés de tous les peuples placés en deçà de l'Èbre, et enfin vit le général des Carthaginois , Hannon, et Indibilis, chef des Ibères, tomber vifs entre ses mains. Indibilis était un prince qui régnait sur l'intérieur du pays, et était entièrement dévoué aux Carthaginois. Instruit de ces désastres, Asdrubal passa l'Èbre afin de porter secours aux troupes compromises. Sur l'avis que les soldats qui étaient restés sur la flotte remplissaient leur service avec une indifférence orgueilleuse que leur inspiraient les succès de l'armée de terre, il détacha de ses troupes 255 huit mille fantassins, environ mille cavaliers, surprit les ennemis dispersés dans la campagne, en tua un grand nombre et refoula les autres jusque dans leurs vaisseaux. Il battit ensuite en retraite, repassa le fleuve, et durant ses quartiers d'hiver, à Garthagène, s'occupa des préparatifs nécessaires à la défense des peuplades situées au delà de l'Èbre. Cnéus, de retour vers sa flotte, punit avec toute la sévérité romaine les soldats coupables de la dernière défaite, et après avoir réuni ses troupes de terre et de mer, établit ses quartiers à Tarragone. Par une égale répartition du butin entre les soldats, il leur inspira les meilleurs sentiments à son égard et une grande ardeur.

LXXVII. Ainsi se faisait la guerre en Espagne. Au printemps, Cnéus Flaminius, à la tête de ses troupes, traversa l'Étrurie, et vint camper près d'Arrétium. En même temps, Servilius se dirigea vers Ariminum, afin de veiller de ce côté sur l'invasion des eunemis. Pour Annibal, il avait passé son hiver en Cisalpine, et s'il tenait en prison les Romains et ne leur accordait que le nécessaire, il montrait pour leurs alliés la plus grande douceur. Un jour il les convoqua, et leur dit qu'il n'était pas venu guerroyer contre eux, mais bien plutôt pour eux contre les Romains; qu'ils devaient donc, s'ils étaient raisonnables, rechercher son amitié , puisqu'il avait fait celte expédition avec l'intention de rendre aux Italiens la liberté, et de les rétablir dans les villes et • sur les terres qu'ils pouvaient avoir perdues par les conquêtes de Rome. Puis il les renvoya sans rançon dans leurs foyers. Il voulait par cette politique attirera lui tous les peuples qui habitaient l'Italie, les enlever à l'alliance romaine , aigrir enfin le ressentiment de quiconque croirait avoir été par l'ambition de Rome dépouillé de quelque ville ou de quelque port.

LXXVIII. Il eut aussi recours, duraut son séjour en Cisalpine, à un stratagème bien digne de la fourberie carthaginoise. Comme il s'inquiétait de la mobilité  256 d'humeur des Gaulois, et craignait même quelques tentatives contre sa personne, au milieu d'hommes que n'unissait à lui qu'une récente alliance, il fit préparer des coiffures postiches dont les nuances variées étaient accommodées aux différents âges de la vie. Il en changeait sans cesse, et avait soin de revêtir des habits en harmonie avec sa coiffure ,si bien qu'il était méconnaissable, je ne dirai pas seulement pour les étrangers qui le voyaient en passant, mais encore pour ses familiers. Instruit que les Gaulois voyaient avec peine la guerre traîner en longueur sur leur territoire, et hâtaient de leurs vœux le moment d'envahir l'Italie, sous le prétexte d'un vieux ressentiment contre Rome, et en réalité dans l'espérance d'un riche butin, il résolut de lever le camp du plus vite et de satisfaire le désir de son armée. Dès que la saison eut changé, il s'informa des chemins auprès des guides les plus habiles du pays , mais parmi les routes qu'on lui indiqua, toutes étaient longues et connues de l'ennemi. Il n'en trouva qu'une seule qui, si elle était pénible, était courte du moins et lui permettait de surprendre Flaminius , c'était celle qui conduisait par les marais en Étrurie, Comme il était assez partisan des surprises, telle fut la voie qu'il résolut de suivre, Quand le bruit se répandit parmi les soldats que leur général devait les mener par cette route, il n'y eut personne qui ne fût effrayé en songeant aux gouffres et aux marais qu'il faudrait traverser.

LXXIX. Annibal, après avoir acquis la certitude que les lieux par où il devait passer étaient guéablea et qu'ils avaient un fond solide, leva le camp. Il mit à l'avant-garde les Africains, les Espagnols, toutes ses meilleures troupes, et plaça au milieu d'elles les bagages, afin que pour le présent du moins elles eussent en abondance tout ce qui leur était nécessaire. Quant aux provisions à venir, il s'en inquiétait peu ; car il se disait qu'une fois lancé sur le territoire ennemi, s'il 250 était vaincu, il n'aurait besoin de rien, que s'il était vainqueur et maître de la plaine, il ne manquerait pas de vivres. Il rangea derrière les Africains les Gaulois, et forma de la cavalerie l'arrière-garde, qu'il remit au soin de son frère Magon pour plusieurs motifs, et principalement à cause de la mollesse et de la paresse habituelles aux Gaulois. Si , lassés d'une marche pénible, ils voulaient rétrograder, Magon devait les arrêter avec sa cavalerie et les forcer à garder leur poste. Les Africains et les Espagnols qui eurent l'avantage de franchir le*smarais, alors que le terrain était encore ferme, opérèrent le passage sans beaucoup de peine; D'ailleurs ils étaient durs au travail et habitués à ces souffrances. Les Gaulois, au contraire, outre qu'ils avançaient difficilement sur un sol déjà foulé et profondément enfoncé, supportèrent avec une extrême impatience cette marche épuisante, en hommes qui n'étaient pas faits à de telles choses. Cependant ils ne pouvaient reculer, empêchés par la cavalerie qui les pressait en queue. L'armée entière souffrit de tant de fatigues et surtout de la privation de sommeil durant une marche continue de quatre jours et de trois nuits dans l'eau ; mais les Gaulois furent les plus éprouvés et plus que tous périrent. La plupart des bêtes de somme, glissant sur la boue, y restaient , et en tombant elles rendirent à leurs maîtres le seul service doht elles fussent capables : assis sur le corps des bêtes renversées et sur les bagages, les soldats demeuraient au-dessus de l'eau et pouvaient ainsi reposer la nuit quelque peu» Beaucoup de chevaux perdirent leurs sabots à force de marcher dans la vase. Enfin Anttlbal lui-même échappa aveô peine à ee désastre universel, monté sur le seul éléphant qui lui restât, Les cuisantes douleurs d'une opthalmie ajoutèrent encore à ses fatigues, et il finit par perdre un œil, les circonstances ne lui laissant pas le loisir de s'arrêter et de soigner ce mal à sa naissance

256 LXXX. Au sortir de ces marécages, qu'il avait franchis avec une hardiesse incroyable, il surprit en Toscane Flaminius campé près d'Arrétium, et s'établit en face de lui, auprès des marais mêmes, afin de rafraîchir son armée et d'examiner la position des Romains et des lieux. Il y apprit que le pays ouvert devant lui était fertile, et que Flaminius était fort avide de popularité, bon orateur, mais tout à fait étranger à la pratique sé-rieuse de l'art militaire ; qu'il avait enfin une folle con-fiance en ses forces. Il en conclut que s'il sautait par-dessus le camp de l'ennemi et se portait en avant, Flaminius, redoutant les sarcasmes de la multitude, ne le laisserait pas impunément ravager le pays ; qu'irrité de cet affront, il le suivrait partout où il le conduirait, et ferait tous ses efforts pour remporter la victoire sans attendre l'arrivée de son collègue. Or, il espérait que dans ces mouvements il lui fournirait quelques bonnes occasions de l'attaquer. Tels étaient les calculs qu'il faisait avec un esprit de pratique et une sagesse remarquables : on ne saurait le contester.

LXXXI.  Οὐ γὰρ εἰκὸς ἄλλως εἰπεῖν, ὡς εἴ τις οἴεται κυριώτερόν τι μέρος εἶναι στρατηγίας τοῦ γνῶναι τὴν προαίρεσιν καὶ φύσιν τοῦ τῶν ἐναντίων ἡγεμόνος, ἀγνοεῖ καὶ τετύφωται. Καθάπερ γὰρ ἐπὶ τῶν κατ´ ἄνδρα καὶ ζυγὸν ἀγωνισμάτων δεῖ τὸν μέλλοντα νικᾶν συνθεωρεῖν πῶς δυνατὸν ἐφικέσθαι τοῦ σκοποῦ καὶ τί γυμνὸν ἢ ποῖον ἔξοπλον μέρος φαίνεται τῶν ἀνταγωνιστῶν, οὕτως χρὴ καὶ τοὺς ὑπὲρ τῶν ὅλων προεστῶτας σκοπεῖν οὐχ ὅπου τι τοῦ σώματος γυμνόν, ἀλλὰ ποῦ τῆς ψυχῆς εὐχείρωτόν τι παραφαίνεται τοῦ τῶν ἐναντίων ἡγεμόνος, ἐπειδὴ πολλοὶ μὲν διὰ ῥᾳθυμίαν καὶ τὴν σύμπασαν ἀργίαν οὐ μόνον τὰς κοινὰς πράξεις, ἀλλὰ καὶ τοὺς ἰδίους καταπροΐενται βίους ἄρδην, πολλοὶ δὲ διὰ τὴν πρὸς τὸν οἶνον ἐπιθυμίαν οὐδ´ ὑπνῶσαι δύνανται χωρὶς ἀλλοιώσεως καὶ μέθης, ἔνιοι δὲ διὰ τὰς τῶν ἀφροδισίων ὁρμὰς καὶ τὴν ἐν τούτοις ἔκπληξιν οὐ μόνον πόλεις καὶ βίους ἀναστάτους πεποιήκασιν, ἀλλὰ καὶ τὸ ζῆν αὑτῶν ἀφῄρηνται μετ´ αἰσχύνης. Καὶ μὴν δειλία καὶ βλακεία κατ´ ἰδίαν μὲν αὐτοῖς ὄνειδος ἐπιφέρει τοῖς ἔχουσι, περὶ δὲ τὸν τῶν ὅλων ἡγεμόνα γενομένη κοινόν ἐστι καὶ μέγιστον συμπτωμάτων. Οὐ γὰρ μόνον ἀπράκτους ποιεῖ τοὺς ὑποταττομένους, πολλάκις δὲ καὶ κινδύνους ἐπιφέρει τοὺς μεγίστους τοῖς πεπιστευκόσι. Προπέτειά γε μὴν καὶ θρασύτης καὶ θυμὸς ἄλογος, ἔτι δὲ κενοδοξία καὶ τῦφος εὐχείρωτα μὲν τοῖς ἐχθροῖς, ἐπισφαλέστατα δὲ τοῖς φίλοις. Πρὸς γὰρ πᾶσαν ἐπιβουλήν, ἐνέδραν, ἀπάτην ἕτοιμος ὅ γε τοιοῦτος. Διόπερ εἴ τις δύναιτο συννοεῖν τὰ περὶ τοὺς πέλας ἁμαρτήματα καὶ τῇδέ που προσιέναι τοῖς ὑπεναντίοις, ᾗ μάλιστα καὶ δι´ ὧν εὐχείρωτος ἔσθ´ ὁ προεστὼς τῶν πολεμίων, τάχιστ´ ἂν τῶν ὅλων κατακρατοίη. Καθάπερ γὰρ νεὼς ἐὰν ἀφέλῃ τις τὸν κυβερνήτην, τὸ ὅλον αὐτανδρὶ σκάφος ὑποχείριον γίνεται τοῖς ἐχθροῖς, τὸν αὐτὸν τρόπον ἐὰν τὸν προεστῶτα {πόλεμον} δυνάμεως χειρώσηταί τις κατὰ τὰς ἐπιβολὰς καὶ συλλογισμούς, αὐτανδρὶ γίνεται πολλάκις κρατεῖν τῶν ἀντιταττομένων. ἃ δὴ καὶ τότε προϊδόμενος καὶ συλλογισάμενος Ἀννίβας περὶ τοῦ τῶν ἐναντίων ἡγεμόνος οὐ διεσφάλη τῆς ἐπιβολῆς.

LXXXII. Ὡς γὰρ θᾶττον ποιησάμενος ἀναζυγὴν ἀπὸ τῶν κατὰ τὴν Φαισόλαν τόπων καὶ μικρὸν ὑπεράρας τὴν τῶν Ῥωμαίων στρατοπεδείαν ἐνέβαλεν εἰς τὴν προκειμένην χώραν, εὐθέως μετέωρος ἦν ὁ Φλαμίνιος καὶ θυμοῦ πλήρης, δοξάζων ἑαυτὸν ὑπὸ τῶν ἐναντίων καταφρονεῖσθαι. Μετὰ δὲ ταῦτα πορθουμένης τῆς χώρας, καὶ πανταχόθεν τοῦ καπνοῦ σημαίνοντος τὴν καταφθορὰν αὐτῆς, ἐσχετλίαζε, δεινὸν ἡγούμενος τὸ γινόμενον. Διὸ καὶ τινῶν οἰομένων δεῖν μὴ προχείρως ἐπακολουθεῖν μηδὲ συμπλέκεσθαι τοῖς πολεμίοις, φυλάττεσθαι δὲ καὶ προσέχειν τὸ πλῆθος τῶν ἱππέων, μάλιστα δὲ καὶ τὸν ἕτερον ὕπατον προσλαβεῖν καὶ πᾶσιν ἐπὶ ταὐτὸ τοῖς στρατοπέδοις ὁμοῦ ποιήσασθαι τὸν κίνδυνον, οὐχ οἷον προσεῖχε τοῖς λεγομένοις, ἀλλ´ οὐδ´ ἀνείχετο τῶν ἀποφαινομένων ταῦτα, παρεκάλει δ´ αὐτοὺς ἐν νῷ λαμβάνειν τί λέγειν εἰκὸς τοὺς ἐν τῇ πατρίδι τῆς μὲν χώρας καταφθειρομένης σχεδὸν ἕως πρὸς αὐτὴν τὴν Ῥώμην, αὐτῶν δὲ κατόπιν τῶν πολεμίων ἐν Τυρρηνίᾳ στρατοπεδευόντων. Τέλος δέ, ταῦτ´ εἰπών, ἀναζεύξας προῆγε μετὰ τῆς δυνάμεως, οὐ καιρόν, οὐ τόπον προορώμενος, μόνον δὲ σπεύδων συμπεσεῖν τοῖς πολεμίοις, ὡς προδήλου τῆς νίκης αὐτοῖς ὑπαρχούσης· τηλικοῦτον γὰρ προενεβεβλήκει κατελπισμὸν τοῖς ὄχλοις ὥστε πλείους εἶναι τῶν τὰ ὅπλα φερόντων τοὺς ἐκτὸς παρεπομένους τῆς ὠφελείας χάριν, κομίζοντας ἁλύσεις καὶ πέδας καὶ πᾶσαν τὴν τοιαύτην παρασκευήν. Ὅ γε μὴν Ἀννίβας ἅμα μὲν εἰς τοὔμπροσθεν ὡς πρὸς τὴν Ῥώμην προῄει διὰ τῆς Τυρρηνίας, εὐώνυμον μὲν πόλιν ἔχων τὴν προσαγορευομένην Κυρτώνιον καὶ τὰ ταύτης ὄρη, δεξιὰν δὲ τὴν Ταρσιμέννην καλουμένην λίμνην· ἅμα δὲ προάγων ἐπυρπόλει καὶ κατέφθειρε τὴν χώραν, βουλόμενος ἐκκαλέσασθαι τὸν θυμὸν τῶν ὑπεναντίων. Ἐπεὶ δὲ τὸν Φλαμίνιον ἤδη συνάπτοντα καθεώρα, τόπους δ´ εὐφυεῖς συνεθεώρησε πρὸς τὴν χρείαν, ἐγίνετο πρὸς τὸ διακινδυνεύειν.

LXXXIII. Ὄντος δὲ κατὰ τὴν δίοδον αὐλῶνος ἐπιπέδου, τούτου δὲ παρὰ μὲν τὰς εἰς μῆκος πλευρὰς ἑκατέρας βουνοὺς ἔχοντος ὑψηλοὺς καὶ συνεχεῖς, παρὰ δὲ τὰς εἰς πλάτος κατὰ μὲν τὴν ἀντικρὺ λόφον ἐπικείμενον ἐρυμνὸν καὶ δύσβατον, κατὰ δὲ τὴν ἀπ´ οὐρᾶς λίμνην τελείως στενὴν ἀπολείπουσαν πάροδον ὡς εἰς τὸν αὐλῶνα παρὰ τὴν παρώρειαν, διελθὼν τὸν αὐλῶνα παρὰ τὴν λίμνην τὸν μὲν κατὰ πρόσωπον τῆς πορείας λόφον αὐτὸς κατελάβετο καὶ τοὺς Ἴβηρας καὶ τοὺς Λίβυας ἔχων ἐπ´ αὐτοῦ κατεστρατοπέδευσε, τοὺς δὲ Βαλιαρεῖς καὶ λογχοφόρους κατὰ τὴν πρωτοπορείαν ἐκπεριάγων ὑπὸ τοὺς ἐν δεξιᾷ βουνοὺς τῶν παρὰ τὸν αὐλῶνα κειμένων, ἐπὶ πολὺ παρατείνας, ὑπέστειλε, τοὺς δ´ ἱππεῖς καὶ τοὺς Κελτοὺς ὁμοίως τῶν εὐωνύμων βουνῶν κύκλῳ περιαγαγὼν παρεξέτεινε συνεχεῖς, ὥστε τοὺς ἐσχάτους εἶναι κατ´ αὐτὴν τὴν εἴσοδον τὴν παρά τε τὴν λίμνην καὶ τὰς παρωρείας φέρουσαν εἰς τὸν προειρημένον τόπον. Ὁ μὲν οὖν Ἀννίβας ταῦτα προκατασκευασάμενος τῆς νυκτὸς καὶ περιειληφὼς τὸν αὐλῶνα ταῖς ἐνέδραις τὴν ἡσυχίαν εἶχεν. Ὁ δὲ Φλαμίνιος εἵπετο κατόπιν, σπεύδων συνάψαι {τῶν πολεμίων}· κατεστρατοπεδευκὼς δὲ τῇ προτεραίᾳ πρὸς αὐτῇ τῇ λίμνῃ τελέως ὀψὲ τῆς ὥρας, μετὰ ταῦτα τῆς ἡμέρας ἐπιγενομένης εὐθέως ἐπὶ τὴν ἑωθινὴν ἦγε τὴν πρωτοπορείαν παρὰ τὴν λίμνην εἰς τὸν ὑποκείμενον αὐλῶνα, βουλόμενος ἐξάπτεσθαι τῶν πολεμίων.

LXXXIV. Οὔσης δὲ τῆς ἡμέρας ὀμιχλώδους διαφερόντως, Ἀννίβας ἅμα τῷ τὸ πλεῖστον μέρος τῆς πορείας εἰς τὸν αὐλῶνα προσδέξασθαι καὶ συνάπτειν πρὸς αὐτὸν ἤδη τὴν τῶν ἐναντίων πρωτοπορείαν ἀποδοὺς τὰ συνθήματα καὶ διαπεμψάμενος πρὸς τοὺς ἐν ταῖς ἐνέδραις συνεπεχείρει πανταχόθεν ἅμα τοῖς πολεμίοις. Οἱ δὲ περὶ τὸν Φλαμίνιον, παραδόξου γενομένης αὐτοῖς τῆς ἐπιφανείας, ἔτι δὲ δυσσυνόπτου τῆς κατὰ τὸν ἀέρα περιστάσεως ὑπαρχούσης, καὶ τῶν πολεμίων κατὰ πολλοὺς τόπους ἐξ ὑπερδεξίου καταφερομένων καὶ προσπιπτόντων, οὐχ οἷον παραβοηθεῖν ἐδύναντο πρός τι τῶν δεομένων οἱ ταξίαρχοι καὶ χιλίαρχοι τῶν Ῥωμαίων, ἀλλ´ οὐδὲ συννοῆσαι τὸ γινόμενον. Ἅμα γὰρ οἱ μὲν κατὰ πρόσωπον, οἱ δ´ ἀπ´ οὐρᾶς, οἱ δ´ ἐκ τῶν πλαγίων αὐτοῖς προσέπιπτον. Διὸ καὶ συνέβη τοὺς πλείστους ἐν αὐτῷ τῷ τῆς πορείας σχήματι κατακοπῆναι, μὴ δυναμένους αὑτοῖς βοηθεῖν, ἀλλ´ ὡσανεὶ προδεδομένους ὑπὸ τῆς τοῦ προεστῶτος ἀκρισίας. Ἔτι γὰρ διαβουλευόμενοι τί δεῖ πράττειν ἀπώλλυντο παραδόξως. Ἐν ᾧ καιρῷ καὶ τὸν Φλαμίνιον αὐτὸν δυσχρηστούμενον καὶ περικακοῦντα τοῖς ὅλοις προσπεσόντες τινὲς τῶν Κελτῶν ἀπέκτειναν. Ἔπεσον οὖν τῶν Ῥωμαίων κατὰ τὸν αὐλῶνα σχεδὸν εἰς μυρίους καὶ πεντακισχιλίους, οὔτ´ εἴκειν τοῖς παροῦσιν οὔτε πράττειν οὐδὲν δυνάμενοι, τοῦτο δ´ ἐκ τῶν ἐθισμῶν αὐτὸ περὶ πλείστου ποιούμενοι, τὸ μὴ φεύγειν μηδὲ λείπειν τὰς τάξεις. Οἱ δὲ κατὰ πορείαν μεταξὺ τῆς λίμνης καὶ τῆς παρωρείας ἐν τοῖς στενοῖς συγκλεισθέντες αἰσχρῶς, ἔτι δὲ μᾶλλον ταλαιπώρως διεφθείροντο. Συνωθούμενοι {μὲν} γὰρ εἰς τὴν λίμνην οἱ μὲν διὰ τὴν παράστασιν τῆς διανοίας ὁρμῶντες ἐπὶ τὸ νήχεσθαι σὺν τοῖς ὅπλοις ἀπεπνίγοντο, τὸ δὲ πολὺ πλῆθος μέχρι μὲν τοῦ δυνατοῦ προβαῖνον εἰς τὴν λίμνην ἔμενε τὰς κεφαλὰς αὐτὰς ὑπὲρ τὸ ὑγρὸν ὑπερίσχον· ἐπιγενομένων δὲ τῶν ἱππέων, καὶ προδήλου γενομένης ἀπωλείας ἐξαίροντες τὰς χεῖρας καὶ δεόμενοι ζωγρεῖν καὶ πᾶσαν προϊέμενοι φωνὴν τὸ τελευταῖον οἱ μὲν ὑπὸ τῶν πολεμίων, τινὲς δὲ παρακαλέσαντες αὑτοὺς διεφθάρησαν. Ἑξακισχίλιοι δ´ ἴσως τῶν κατὰ τὸν αὐλῶνα τοὺς κατὰ πρόσωπον νικήσαντες παραβοηθεῖν μὲν τοῖς ἰδίοις καὶ περιίστασθαι τοὺς ὑπεναντίους ἠδυνάτουν διὰ τὸ μηδὲν συνορᾶν τῶν γινομένων, καίπερ μεγάλην δυνάμενοι πρὸς τὰ ὅλα παρέχεσθαι χρείαν· ἀεὶ δὲ τοῦ πρόσθεν ὀρεγόμενοι προῆγον, πεπεισμένοι συμπεσεῖσθαί τισιν, ἕως ἔλαθον ἐκπεσόντες πρὸς τοὺς ὑπερδεξίους τόπους. Γενόμενοι δ´ ἐπὶ τῶν ἄκρων, καὶ τῆς ὀμίχλης ἤδη πεπτωκυίας συνέντες τὸ γεγονὸς ἀτύχημα καὶ ποιεῖν οὐδὲν ὄντες ἔτι δυνατοὶ διὰ τὸ τοῖς ὅλοις ἐπικρατεῖν καὶ πάντα προκατέχειν ἤδη τοὺς πολεμίους, συστραφέντες ἀπεχώρησαν εἴς τινα κώμην Τυρρηνίδα. Μετὰ δὲ τὴν μάχην ἀποσταλέντος ὑπὸ τοῦ στρατηγοῦ μετὰ τῶν Ἰβήρων καὶ λογχοφόρων Μαάρβα καὶ περιστρατοπεδεύσαντος τὴν κώμην, ποικίλης αὐτοῖς ἀπορίας περιεστώσης, ἀποθέμενοι τὰ ὅπλα παρέδοσαν αὑτοὺς ὑποσπόνδους, ὡς τευξόμενοι τῆς σωτηρίας. Τὰ μὲν οὖν περὶ τὸν ὅλον κίνδυνον τὸν γενόμενον ἐν Τυρρηνίᾳ Ῥωμαίοις καὶ Καρχηδονίοις τοῦτον ἐπετελέσθη τὸν τρόπον.

LXXXV. Ἀννίβας δέ, πρὸς αὐτὸν ἐπαναχθέντων τῶν ὑποσπόνδων, ὁμοίως δὲ καὶ τῶν ἄλλων αἰχμαλώτων, συναγαγὼν πάντας, ὄντας πλείους τῶν μυρίων καὶ πεντακισχιλίων, πρῶτον μὲν διεσάφησεν ὅτι Μαάρβας οὐκ εἴη κύριος ἄνευ τῆς αὑτοῦ γνώμης διδοὺς τὴν ἀσφάλειαν τοῖς ὑποσπόνδοις, μετὰ δὲ ταῦτα κατηγορίαν ἐποιήσατο Ῥωμαίων. Λήξας δὲ τούτων, ὅσοι μὲν ἦσαν Ῥωμαῖοι τῶν ἑαλωκότων, διέδωκεν εἰς φυλακὴν ἐπὶ τὰ τάγματα, τοὺς δὲ συμμάχους ἀπέλυσε χωρὶς λύτρων ἅπαντας εἰς τὴν οἰκείαν, ἐπιφθεγξάμενος τὸν αὐτὸν ὃν καὶ πρόσθεν λόγον ὅτι πάρεστι πολεμήσων οὐκ Ἰταλιώταις, ἀλλὰ Ῥωμαίοις ὑπὲρ τῆς Ἰταλιωτῶν ἐλευθερίας. Τὴν δ´ ἑαυτοῦ δύναμιν ἀνελάμβανε καὶ τῶν νεκρῶν τῶν ἐκ τῆς σφετέρας δυνάμεως τοὺς ἐπιφανεστάτους ἔθαψεν, ὄντας εἰς τριάκοντα τὸν ἀριθμόν· οἱ μὲν γὰρ πάντες εἰς χιλίους καὶ πεντακοσίους ἔπεσον, ὧν ἦσαν οἱ πλείους Κελτοί. Ταῦτα δὲ πράξας διενοεῖτο μετὰ τἀδελφοῦ καὶ τῶν φίλων ποῦ καὶ πῶς δεῖ ποιεῖσθαι τὴν ὁρμήν, εὐθαρσὴς ὢν ἤδη περὶ τῶν ὅλων. Εἰς δὲ τὴν Ῥώμην προσπεσόντος ἤδη τοῦ γεγονότος ἀτυχήματος, στέλλεσθαι μὲν ἢ ταπεινοῦν τὸ συμβεβηκὸς οἱ προεστῶτες τοῦ πολιτεύματος ἠδυνάτουν διὰ τὸ μέγεθος τῆς συμφορᾶς, λέγειν δὲ τοῖς πολλοῖς ἠναγκάζοντο τὰ γεγονότα, συναθροίσαντες τὸν δῆμον εἰς ἐκκλησίαν. Διόπερ ἅμα τῷ τὸν στρατηγὸν εἰπεῖν τοῖς ὄχλοις ἀπὸ τῶν ἐμβόλων ὅτι Λειπόμεθα μάχῃ μεγάλῃ“, τηλικαύτην συνέβη γενέσθαι διατροπὴν ὥστε τοῖς παραγενομένοις ἐφ´ ἑκατέρων τῶν καιρῶν πολλῷ μεῖζον τότε φανῆναι τὸ γεγονὸς ἢ παρ´ αὐτὸν τὸν τῆς μάχης καιρόν. Καὶ τοῦτ´ εἰκότως συνέβη. Πολλῶν γὰρ χρόνων ἄπειροι καὶ τοῦ ῥήματος καὶ τοῦ πράγματος ὑπάρχοντες τῆς ὁμολογουμένης ἥττης οὐ μετρίως οὐδὲ κατὰ σχῆμα τὴν περιπέτειαν ἔφερον. Οὐ μὴν ἥ γε σύγκλητος, ἀλλ´ ἐπὶ τοῦ καθήκοντος ἔμενε λογισμοῦ καὶ διενοεῖτο περὶ τοῦ μέλλοντος πῶς καὶ τί πρακτέονἑκάστοις εἴη.

LXXXI. Il faut être, en effet, insensé et aveugle pour ne pas voir que chez un capitaine il n'est pas de qualité plus précieuse que de savoir pénétrer les inclinations et le caractère du général ennemi. De même que dans un combat d'homme à homme, de rang contre rang, le soldat qui prétend à la victoire doit observer tous les moyens d'arriver à ce but, et remarquer les parties découvertes et accessibles que présente à ses coups le corps de l'adversaire ; un chef d'armée a pour devoir de chercher, non plus quelques parties du corps mal défendues, mais l'endroit par où l'âme du général qui lui est opposé est surtout vulnérable. Parmi les généraux, il en est beaucoup qui, par indolence et inertie, abandonnent les intérêts de l'État et les leurs. Beaucoup qui, adonnés à l'ivresse, ne peuvent consentir à. dormir si le vin n'égare leurs sens ! D'autres, pour satisfaire leurs désirs sensuels et leurs folles ardeurs, ont non-seulement dé- 257 truit et leur patrie et leur fortune, mais encore perdu honteusement la vie. Ajoutez la poltronnerie et la lâcheté, qui, déjà si déshonorantes dans la vie privée, deviennent, dans un général, une calamité publique et des plus déplorables. Car un tel homme engourdit l'ardeur des troupes, et fait courir souvent les plus grands dangers à ceux même qui les lui ont confiées. Enfin, la témérité, l'audace, l'ardeur insensée, la vanité , l'orgueil, sont, chez un capitaine, toutes choses fort commodes pour ses adversaires, et dangereuses pour ses soldats, puisque avec ce caractère on s'expose sans défense à toute espèce d'attaques, d'embuscades et de fraudes. Aussi, savoir distinguer le faible d'autrui, et attaquer l'ennemi par où le chef est surtout attaquable lui-même, est un moyen infaillible d'en triompher. Un vaisseau est-il privé de son pilote, il est bientôt fait prisonnier avec son équipage. De même, si en guerre on parvient à surprendre un chef par adresse ou par artifice, on reste le plus souvent maître de l'armée elle-même. Ce fut par de telles études sur le caractère de Flaminius, et par les inductions qu'il en tira, qu'Annibal réussit dans son dessein.

LXXXII. Annibal eut à peine quitté les environs de Fesules, et après avoir dépassé quelque peu le camp des Romains, commencé à ravager le pays, que la colère et l'exaltation s'emparèrent déjà de Flaminius qui se crut méprisé par l'ennemi. Mais quand il vit, au milieu des campagnes désolées, la fumée de tout côté en signaler le pillage ; regardant cela comme une intolérable injure, il alla jusqu'au désespoir. Aussi, en vain quelques officiers l'engagèrent à ne pas poursuivre témérairement Annibal, à éviter toute rencontre, à se tenir sur ses gardes en présence de la nombreuse cavalerie carthaginoise , à attendre surtout l'autre consul, à combattre enfin avec toutes leurs forces réunies ; loin d'accepter ces remontrances, il refusa même de les entendre jusqu'au bout. Il conjurait ceux qui les lui adres- .258 ssaient de penser à ce que dirait Rome si les ennemi» poussaient leurs ravages à travers les campagnes jusque sous ses murs, tandis que tranquilles, ils camperaient en Tyrrhénie. A ces mots, il leva le camp, et fil avancer son armée sans consulter les circonstances ni la nature des lieux, guidé seulement par son désir de combattre l'ennemi, la victoire lui semblant certaine ! Il avait, du reste, inspiré à la multitude tant d'espoir, qu'il y avait peut-être moins de soldats que d'hommes, qui, en dehors des rangs, suivaient l'armée afin de recueillir du butin, et qui portaient des chaînes, des entraves, et tout l'appareil du vainqueur. Annibal cependant continuait sa route vers Rome à travers la Toscane, ayant à gauche la ville de Cortone et ses collines, à droite le lac Trasimène. A mesure qu'il avançait, il ravageait, incendiait le pays pour provoquer la colère des ennemis. Enfin, lorsqu'il vit Flaminius assez près de lui, et qu'il eut trouvé des lieux favorables à ses desseins, il ne songea plus qu'à combattre.

LXXXIII Sur la route que suivait son armée se trouvait un vallon uni, que, dans sa longueur, bordaient deux chaînes d'éminences élevées. Une colline naturellement fortifiée, et d'un accès difficile, en occupait au fond la largeur; à l'entrée, s'étendait un lac, et entre ce lac et le pied des montagnes, un étroit sentier qui conduisait au vallon. Annibal pénétra dans ce vallon par la chaussée, et s'empara de la colline du fond, où il s'établit avec les Libyens et les Espagnols. Il conduisait ensuite les Baléares et les soldats armés à la légère à l'avant-garde, derrière les collines qui, à droite, limitaient le vallon, et les y cacha sur une longue file. Enfin, il posta sa cavalerie et les Gaulois sur les éminences de gauche, et les développa en Une ligne continue, dont l'extrémité touchait à la voie aboutissant au vallon, entre le lac et le pied des montagnes. Annibal, après avoir tout préparé durant la nuit, et entouré ainsi le vallon d'embuscades, demeura tranquille, attendant l'ennemi. 259 Flaminius marchait derrière lui fort désireux de combattre. Le premier jour, il campa sur les bords du lac, parce qu'il était soir; et le lendemain, dès l'aurore, il introduisit son av&nt-garde dans le vallon pour en tenir aux mains.

LXXXIV. Le jour était très-nébuleux. Dès qu'Annibal eut vu la plus grande partie de l'armée ainsi engagée , et l'avant-garde à peu de distance de lui ; aussitôt, donnant le signal du combat, et envoyant ses ordres aux soldats placés en embuscade, il tomba de tous côtés sur les Romains. En présence de cette apparition soudaine, au milieu d'un brouillard qui arrêtait les regarda, et d'ennemis qui se précipitaient d'en haut par mille endroits à la fois  : non-seulement les tribuns et les centurions étaient incapables de porter secours aux troupes en péril, mais encore ils pouvaient à peine savoir ce qui se passait. Par devant, par derrière, sur les flancs, partout ils étaient attaqués. Aussi la plupart des soldats tombèrent dans l'ordre même où ils se trouvaient en marche, sans pouvoir se défendre, et comme livrés d'avance par la témérité de leur chef. Tandis qu'on délibérait sur ce qu'on avait à faire, on recevait tout à coup la mort. Dans cette confusion, Flaminius lui-même, abattu, désespéré, fut massacré à l'improviste par quelques Gaulois. Bref, quinze mille Romains environ furent tués dans le vallon, également condamnés à ne pas agir et à ne point se retirer. Us moururent, fidèles à cette maxime de la discipline romaine : ne jamais fuir, ni quitter son poste. Quant aux troupes surprises sur la chaussée, entre les montagnes et le lac, elles y reçurent un trépas plus déplorable encore qu'il n'était honteux. Parmi ces malheureux soldats, refoulés dans le lac, les uns, égarés par le malheur, en se jetant à la nage, chargés de leurs armes, périrent suffoqués ; les autres, en plus grand nombre, s'avancèrent au milieu des eaux, le plus loin qu'il leur fut possible, et d'abord y demeurèrent, ne laissant à la surface que 260 leur tète découverte ; mais bientôt la cavalerie se lança dans le lac, et tous , après avoir, à la vue d'une perte certaine, demandé du moins la vie sauve, les mains tendues et la prière à la bouche, ils périrent sous les coups de l'ennemi, ou, s'exhortant mutuellement à en finir, se détruisirent eux-mêmes. Sur l'armée entière, six mille soldats environ de ceux qui avaient pénétré dans le vallon , avaient réussi à repousser l'ennemi. Ils ne purent, toutefois, alors qu'ils eussent été si utiles à la cause commune, porter secours à leurs camarades ni cerner les Carthaginois par derrière, faute de distinguer ce qui se passait. Us poussèrent toujours en avant, dans l'espoir de rencontrer enfin Annibal, jusqu'à ce qu'enfin, sans s'en apercevoir, ils se trouvèrent sur les hauteurs. Ce fut là que, le brouillard se dissipant, ils virent toute l'horreur du désastre, et, incapables d'agir contre un ennemi partout vainqueur et maître de tout, ils se retirèrent en bon ordre dans un village de la Toscane. Après l'action, Maharbal à la tête des soldats armés à la légère et des Espagnols, fut envoyé contre ces braves , et les assiégea dans leur retraite. Sans ressources, réduits à l'extrémité, ils finirent par déposer les armes, et capitulèrent à la condition d'avoir la vie. Telle fut l'issue du combat livré en Toscane entre les Romains et les Carthaginois.

LXXXV. Dès qu'Annibal eut reçu les prisonniers faits sur le champ de bataille, et ceux qu'amenait Maharbal, il les réunit tous (ils s'élevaient au nombre de plus de quinze mille ). Il déclara d'abord aux soldats qui s'étaient rendus, que Maharbal n'avait pas le droit de leur garantir la vie sans son agrément ; puis il parla énergiquement contre ceux de ces captifs qui étaient Romains, et en confia la garde à ses troupes. Au contraire , il renvoya sans rançon tous les alliés de Rome, en leur répétant ce que déjà il avait eu soin de leur dire, qu'il venait non pas combattre les Italiens, mais les Romains , pour la cause de la liberté italienne. Il fit en- 261 suite reposer son armée, et donna la sépulture aux morts les plus éminents (on en comptait trente). La perte totale avait été de quinze cents hommes, la plupart Gaulois. Enfin, après avoir achevé tous ces soins, Annibal tint conseil avec son frère et ses amis, pour savoir de quel côté il devait poursuivre ses conquêtes , et quels moyens il fallait prendre. Sa confiance en l'avenir était entière. Cependant à Rome, quand la nouvelle du désastre arriva, les magistrats, ne pouvant ni cacher ni atténuer une si terrible catastrophe, convoquèrent l'assemblée du peuple pour lui dire ce qu'il en était. Mais quand le préteur du haut de la tribune eut fait entendre ces seuls mots : « Nous avons été vaincus dans une grande bataille ! » la consternation fut telle, que ceux-là même qui avaient assisté au combat et se retrouvaient à Rome, furent alors plus sensibles à la grandeur de ce désastre qu'ils ne l'avaient été sur le champ de bataille. Cet abattement était bien naturel ; en hommes qui depuis longtemps ignoraient jusqu'au nom même de défaite, les Romains déploraient leurs malheurs sans mesure, sans réserve. Il n'en fut pas de même pour le sénat : il conserva le calme d'esprit qui lui convenait, et ne songeant qu'à l'avenir, s'occupa des mesures à prendre et des moyens propres à les exécuter (20).

LXXXVI. Κατὰ δὲ τοὺς τῆς μάχης καιροὺς Γνάιος Σερουίλιος ὁ προκαθήμενος ὕπατος ἐπὶ τῶν κατ´ Ἀρίμινον τόπων—οὗτοι δ´ εἰσὶν ἐπὶ τῆς παρὰ τὸν Ἀδρίαν πλευρᾶς, οὗ συνάπτει τὰ Γαλατικὰ πεδία πρὸς τὴν ἄλλην Ἰταλίαν, οὐ μακρὰν τῆς εἰς θάλατταν ἐκβολῆς τῶν τοῦ Πάδου στομάτων—ἀκούσας εἰσβεβληκότα τὸν Ἀννίβαν εἰς Τυρρηνίαν ἀντιστρατοπεδεύειν τῷ Φλαμινίῳ, πᾶσι μὲν ἐπεβάλετο τοῖς στρατοπέδοις αὐτὸς συνάπτειν, ἀδυνατῶν δὲ διὰ τὸ τῆς στρατιᾶς βάρος Γάιον Κεντήνιον κατὰ σπουδὴν δοὺς τετρακισχιλίους ἱππεῖς προεξαπέστειλε, βουλόμενος, εἰ δέοινθ´ οἱ καιροί, πρὸ τῆς αὑτοῦ παρουσίας τούτους καταταχεῖν. Ἀννίβας δέ, μετὰ τὴν μάχην προσαγγελθείσης αὐτῷ τῆς τῶν ὑπεναντίων βοηθείας, ἐξαποστέλλει Μαάρβαν ἔχοντα τοὺς λογχοφόρους καί τι μέρος τῶν ἱππέων. Οἳ καὶ συμπεσόντες τοῖς περὶ τὸν Γάιον ἐν αὐτῇ μὲν τῇ πρώτῃ συμπλοκῇ σχεδὸν τοὺς ἡμίσεις αὐτῶν διέφθειραν, τοὺς δὲ λοιποὺς εἴς τινα λόφον συνδιώξαντες τῇ κατὰ πόδας ἡμέρᾳ πάντας ἔλαβον ὑποχειρίους. Ἐν δὲ τῇ Ῥώμῃ, τριταίας οὔσης τῆς κατὰ τὴν μάχην προσαγγελίας, καὶ μάλιστα τότε τοῦ πάθους κατὰ τὴν πόλιν ὡσανεὶ φλεγμαίνοντος, ἐπιγενομένης καὶ ταύτης τῆς περιπετείας οὐ μόνον τὸ πλῆθος, ἀλλὰ καὶ τὴν σύγκλητον αὐτὴν συνέβη διατραπῆναι. Διὸ καὶ παρέντες τὴν κατ´ ἐνιαυτὸν ἀγωγὴν τῶν πραγμάτων καὶ τὴν αἵρεσιν τῶν ἀρχόντων μειζόνως ἐπεβάλοντο βουλεύεσθαι περὶ τῶν ἐνεστώτων, νομίζοντες αὐτοκράτορος δεῖσθαι στρατηγοῦ τὰ πράγματα καὶ τοὺς περιεστῶτας καιρούς. Ἀννίβας δὲ κατατεθαρρηκὼς τοῖς ὅλοις ἤδη τὸ μὲν συνεγγίζειν τῇ Ῥώμῃ κατὰ τὸ παρὸν ἀπεδοκίμασεν, τὴν δὲ χώραν ἐπιπορευόμενος ἀδεῶς ἐπόρθει, ποιούμενος τὴν πορείαν ὡς ἐπὶ τὸν Ἀδρίαν. Διανύσας τε τήν τε τῶν Ὄμβρων καλουμένην χώραν καὶ τὴν τῶν Πικέντων ἧκεν δεκαταῖος πρὸς τοὺς κατὰ τὸν Ἀδρίαν τόπους, πολλῆς μὲν λείας γεγονὼς ἐγκρατής, ὥστε μήτ´ ἄγειν μήτε φέρειν δύνασθαι τὸ στρατόπεδον τὰς ὠφελείας, πολὺ δὲ πλῆθος ἀνθρώπων ἀπεκταγκὼς κατὰ τὴν δίοδον· καθάπερ γὰρ ἐν ταῖς τῶν πόλεων καταλήψεσι, καὶ τότε παράγγελμά τι δεδομένον ἦν φονεύειν τοὺς ὑποπίπτοντας τῶν ἐν ταῖς ἡλικίαις. Ταῦτα δ´ ἐποίει διὰ τὸ προϋπάρχον αὐτῷ μῖσος ἔμφυτον πρὸς Ῥωμαίους.

LXXXVII. Ἐν ᾧ καιρῷ καταστρατοπεδεύσας παρὰ τὸν Ἀδρίαν ἐν χώρᾳ πρὸς πάντα τὰ γεννήματα διαφερούσῃ μεγάλην ἐποιεῖτο σπουδὴν ὑπὲρ τῆς ἀναλήψεως καὶ θεραπείας τῶν ἀνδρῶν, οὐχ ἧττον δὲ καὶ τῶν ἵππων. Ὡς ἂν γὰρ ὑπαίθρου τῆς παραχειμασίας γεγενημένης ἐν τοῖς κατὰ Γαλατίαν τόποις, ὑπό τε τοῦ ψύχους καὶ τῆς ἀνηλειψίας, ἔτι δὲ τῆς μετὰ ταῦτα διὰ τῶν ἑλῶν πορείας καὶ ταλαιπωρίας ἐπεγεγόνει σχεδὸν ἅπασι τοῖς ἵπποις, ὁμοίως δὲ καὶ τοῖς ἀνδράσιν ὁ λεγόμενος λιμόψωρος καὶ τοιαύτη καχεξία. Διὸ γενόμενος ἐγκρατὴς χώρας εὐδαίμονος ἐσωματοποίησε μὲν τοὺς ἵππους, ἀνεκτήσατο δὲ τά τε σώματα καὶ τὰς ψυχὰς τῶν στρατιωτῶν· μετακαθώπλισε δὲ τοὺς Λίβυας εἰς τὸν Ῥωμαϊκὸν τρόπον ἐκλεκτοῖς ὅπλοις, ὡς ἂν γεγονὼς κύριος τοσούτων σκύλων. Ἐξαπέστειλε δὲ κατὰ θάλατταν ἐν τῷ καιρῷ τούτῳ καὶ τοὺς διασαφήσοντας εἰς τὴν Καρχηδόνα περὶ τῶν γεγονότων· τότε γὰρ πρῶτον ἥψατο θαλάττης, ἀφ´ οὗ τὴν εἰσβολὴν ἐποιήσατο τὴν εἰς Ἰταλίαν. Ἐφ´ οἷς ἀκούσαντες μεγαλείως ἐχάρησαν οἱ Καρχηδόνιοι καὶ πολλὴν ἐποιοῦντο σπουδὴν καὶ πρόνοιαν ὑπὲρ τοῦ κατὰ πάντα τρόπον ἐπικουρεῖν καὶ τοῖς ἐν Ἰταλίᾳ καὶ τοῖς ἐν Ἰβηρίᾳ πράγμασι. Ῥωμαῖοι δὲ δικτάτορα μὲν κατέστησαν Κόιντον Φάβιον, ἄνδρα καὶ φρονήσει διαφέροντα καὶ πεφυκότα καλῶς. Ἔτι γοῦν ἐπεκαλοῦντο καὶ καθ´ ἡμᾶς οἱ ταύτης τῆς οἰκίας Μάξιμοι, τοῦτο δ´ ἔστι μέγιστοι, διὰ τὰς ἐκείνου τἀνδρὸς ἐπιτυχίας καὶ πράξεις. Ὁ δὲ δικτάτωρ ταύτην ἔχει τὴν διαφορὰν τῶν ὑπάτων· τῶν μὲν γὰρ ὑπάτων ἑκατέρῳ δώδεκα πελέκεις ἀκολουθοῦσι, τούτῳ δ´ εἴκοσι καὶ τέτταρες, κἀκεῖνοι μὲν ἐν πολλοῖς προσδέονται τῆς συγκλήτου πρὸς τὸ συντελεῖν τὰς ἐπιβολάς, οὗτος δ´ ἔστιν αὐτοκράτωρ στρατηγός, οὗ κατασταθέντος παραχρῆμα διαλύεσθαι συμβαίνει πάσας τὰς ἀρχὰς ἐν τῇ Ῥώμῃ πλὴν τῶν δημάρχων. Οὐ μὴν ἀλλὰ περὶ μὲν τούτων ἐν ἄλλοις ἀκριβεστέραν ποιησόμεθα τὴν διαστολήν. Ἅμα δὲ τῷ δικτάτορι κατέστησαν ἱππάρχην Μάρκον Μινύκιον. Οὗτος δὲ τέτακται μὲν ὑπὸ τὸν αὐτοκράτορα, γίνεται δ´ οἱονεὶ διάδοχος τῆς ἀρχῆς ἐν τοῖς ἐκείνου περισπασμοῖς.

LXXXVIII. Ἀννίβας δὲ κατὰ βραχὺ μεταθεὶς τὴν παρεμβολὴν ἐνδιέτριβε τῇ παρὰ τὸν Ἀδρίαν χώρᾳ καὶ τοὺς μὲν ἵππους ἐκλούων τοῖς παλαιοῖς οἴνοις διὰ τὸ πλῆθος ἐξεθεράπευσε τὴν καχεξίαν αὐτῶν καὶ τὴν ψώραν, παραπλησίως δὲ καὶ τῶν ἀνδρῶν τοὺς μὲν τραυματίας ἐξυγίασε, τοὺς δὲ λοιποὺς εὐέκτας παρεσκεύασε καὶ προθύμους εἰς τὰς ἐπιφερομένας χρείας. Διελθὼν δὲ καὶ καταφθείρας τήν τε Πραιτεττιανὴν καὶ τὴν Ἀδριανὴν ἔτι δὲ τὴν Μαρρουκίνην καὶ Φρεντανὴν χώραν ὥρμησε ποιούμενος τὴν πορείαν εἰς τὴν Ἰαπυγίαν. ἧς διῃρημένης εἰς τρεῖς ὀνομασίας, καὶ τῶν μὲν προσαγορευομένων Δαυνίων, (τῶν δὲ Πευκετίων), τῶν δὲ Μεσσαπίων, εἰς πρώτην ἐνέβαλε τὴν Δαυνίαν. Ἀρξάμενος δὲ ταύτης ἀπὸ Λουκαρίας, οὔσης ἀποικίας Ῥωμαίων, ἐπόρθει τὴν χώραν. Μετὰ δὲ ταῦτα καταστρατοπεδεύσας περὶ τὸ καλούμενον Οἰβώνιον ἐπέτρεχε τὴν Ἀργυριππανὴν καὶ πᾶσαν ἀδεῶς ἐλεηλάτει τὴν Δαυνίαν. Ἐν ᾧ καιρῷ καὶ Φάβιος μετὰ τὴν κατάστασιν θύσας τοῖς θεοῖς ἐξώρμησε μετὰ τοῦ συνάρχοντος καὶ τῶν ἐκ τοῦ καιροῦ καταγραφέντων τεττάρων στρατοπέδων. Συμμίξας δὲ ταῖς ἀπ´ Ἀριμίνου βοηθούσαις δυνάμεσι περὶ τὴν Ναρνίαν, Γνάιον μὲν τὸν ὑπάρχοντα στρατηγὸν ἀπολύσας τῆς κατὰ γῆν στρατείας ἐξαπέστειλε μετὰ παραπομπῆς εἰς τὴν Ῥώμην, ἐντειλάμενος, ἐάν τι κατὰ θάλατταν κινῶνται Καρχηδόνιοι, βοηθεῖν ἀεὶ τοῖς ὑποπίπτουσι καιροῖς, αὐτὸς δὲ μετὰ τοῦ συνάρχοντος παραλαβὼν τὰς δυνάμεις ἀντεστρατοπέδευσε τοῖς Καρχηδονίοις περὶ τὰς Αἴκας καλουμένας, ἀπέχων τῶν πολεμίων περὶ πεντήκοντα σταδίους.

LXXXIX. Ἀννίβας δὲ συνεὶς τὴν παρουσίαν τοῦ Φαβίου καὶ βουλόμενος ἐξ ἐφόδου καταπλήξασθαι τοὺς ὑπεναντίους, ἐξαγαγὼν τὴν δύναμιν καὶ συνεγγίσας τῷ τῶν Ῥωμαίων χάρακι παρετάξατο. Χρόνον δέ τινα μείνας, οὐδενὸς ἐπεξιόντος αὖθις ἀνεχώρησεν εἰς τὴν ἑαυτοῦ παρεμβολήν. Ὁ γὰρ Φάβιος διεγνωκὼς μήτε παραβάλλεσθαι μήτε διακινδυνεύειν, στοχάζεσθαι δὲ πρῶτον καὶ μάλιστα τῆς ἀσφαλείας τῶν ὑποταττομένων, ἔμενε βεβαίως ἐπὶ τῆς διαλήψεως ταύτης. Τὰς μὲν οὖν ἀρχὰς κατεφρονεῖτο καὶ παρεῖχε λόγον ὡς ἀποδεδειλιακὼς καὶ καταπεπληγμένος τὸν κίνδυνον, τῷ δὲ χρόνῳ πάντας ἠνάγκασε παρομολογῆσαι καὶ συγχωρεῖν ὡς οὔτε νουνεχέστερον οὔτε φρονιμώτερον οὐδένα δυνατὸν ἦν χρῆσθαι τοῖς τότε περιεστῶσι καιροῖς. Ταχὺ δὲ καὶ τὰ πράγματα προσεμαρτύρησε τοῖς λογισμοῖς αὐτοῦ. Καὶ τοῦτ´ εἰκότως ἐγένετο. Τὰς μὲν γὰρ τῶν ὑπεναντίων δυνάμεις συνέβαινε γεγυμνάσθαι μὲν ἐκ τῆς πρώτης ἡλικίας συνεχῶς ἐν τοῖς πολεμικοῖς, ἡγεμόνι δὲ χρῆσθαι συντεθραμμένῳ σφίσι καὶ παιδομαθεῖ περὶ τὰς ἐν τοῖς ὑπαίθροις χρείας, νενικηκέναι δὲ πολλὰς μὲν ἐν Ἰβηρίᾳ μάχας, δὶς δὲ Ῥωμαίους ἑξῆς καὶ τοὺς συμμάχους αὐτῶν, τὸ δὲ μέγιστον, ἀπεγνωκότας πάντα μίαν ἔχειν ἐλπίδα τῆς σωτηρίας τὴν ἐν τῷ νικᾶν· περὶ δὲ τὴν τῶν Ῥωμαίων στρατιὰν τἀναντία τούτοις ὑπῆρχε. Διόπερ εἰς μὲν τὸν ὑπὲρ τῶν ὅλων κίνδυνον οὐχ οἷός τ´ ἦν συγκαταβαίνειν, προδήλου τῆς ἐλαττώσεως ὑπαρχούσης· εἰς δὲ τὰ σφέτερα προτερήματα τοῖς λογισμοῖς ἀναχωρήσας ἐν τούτοις διέτριβε καὶ διὰ τούτων ἐχείριζε τὸν πόλεμον. Ἦν δὲ τὰ προτερήματα Ῥωμαίων ἀκατάτριπτα χορήγια καὶ χειρῶν πλῆθος.

XC. Διόπερ κατὰ τοὺς ἑξῆς χρόνους ἀντιπαρῆγεν τοῖς πολεμίοις ἀεὶ καὶ τοὺς εὐκαίρους προκατελάμβανε τόπους κατὰ τὴν ἐμπειρίαν. Ἔχων δὲ κατὰ νώτου τὰς χορηγίας ἀφθόνους οὐδέποτε τοὺς στρατιώτας ἠφίει προνομεύειν οὐδὲ χωρίζεσθαι καθάπαξ ἐκ τοῦ χάρακος, ἅθρους δ´ ἀεὶ καὶ συνεστραμμένους τηρῶν ἐφήδρευε τοῖς τόποις καὶ καιροῖς. Καὶ πολλοὺς τῶν πολεμίων ἀποσπωμένους ἀπὸ τῆς ἰδίας παρεμβολῆς ἐπὶ τὰς προνομὰς διὰ τὸ καταφρονεῖν ὑποχειρίους ἐλάμβανε καὶ κατέφθειρε τῷ τοιούτῳ τρόπῳ. Ταῦτα δ´ ἐποίει, βουλόμενος ἅμα μὲν ἀφ´ ὡρισμένου πλήθους ἐλαττοῦν ἀεὶ τοὺς ὑπεναντίους, ἅμα δὲ τὰς τῶν ἰδίων δυνάμεων ψυχὰς προηττημένας τοῖς ὅλοις διὰ τῶν κατὰ μέρος προτερημάτων κατὰ βραχὺ σωματοποιεῖν καὶ προσαναλαμβάνειν. Εἰς ὁλοσχερῆ δὲ κρίσιν ἐξ ὁμολόγου συγκαταβαίνειν οὐδαμῶς οἷός τ´ ἦν. Οὐ μὴν Μάρκῳ γε τῷ συνάρχοντι τούτων οὐδὲν ἤρεσκεν. Σύμψηφον δὲ τοῖς ὄχλοις ποιῶν αὑτὸν τὸν μὲν Φάβιον κατελάλει πρὸς πάντας, ὡς ἀγεννῶς χρώμενον τοῖς πράγμασιν καὶ νωθρῶς, αὐτὸς δὲ πρόθυμος ἦν παραβάλλεσθαι καὶ διακινδυνεύειν. Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι καταφθείραντες τοὺς προειρημένους τόπους ὑπερέβαλον τὸν Ἀπεννῖνον καὶ κατάραντες εἰς τὴν Σαυνῖτιν χώραν, οὖσαν εὐδαίμονα καὶ πολλῶν χρόνων ἀπολέμητον, ἐν τοιαύτῃ περιουσίᾳ τῶν ἐπιτηδείων ἦσαν ὥστε μήτε χρωμένους μήτε καταφθείροντας ἀνύειν δύνασθαι τὰς λείας. Κατέδραμον δὲ καὶ τὴν Οὐενοαντανήν, Ῥωμαίων ἀποικίαν ὑπάρχουσαν· εἷλον δὲ καὶ πόλιν Οὐενουσίαν, ἀτείχιστον οὖσαν καὶ πολλῆς καὶ παντοδαπῆς ἀποσκευῆς γέμουσαν. Οἱ δὲ Ῥωμαῖοι κατόπιν μὲν εἵποντο συνεχῶς, μιᾶς καὶ δυεῖν ἡμερῶν ὁδὸν ἀπέχοντες, ἐγγίζειν γε μὴν καὶ συμπλέκεσθαι τοῖς πολεμίοις οὐχ οἷοί τ´ ἦσαν. Διόπερ Ἀννίβας ὁρῶν τὸν Φάβιον φυγομαχοῦντα μὲν προδήλως τοῖς δ´ ὅλοις οὐκ ἐκχωροῦντα τῶν ὑπαίθρων, ὥρμησε τολμηρῶς εἰς τὰ περὶ Καπύην πεδία, καὶ τούτων εἰς τὸν προσαγορευόμενον Φάλερνον τόπον, πεπεισμένος δυεῖν θάτερον, ἢ μάχεσθαι τοὺς πολεμίους ἀναγκάσειν ἢ πᾶσι δῆλον ποιήσειν ὅτι κρατεῖ τῶν ὅλων καὶ παραχωροῦσι Ῥωμαῖοι τῶν ὑπαίθρων αὐτοῖς. Οὗ γενομένου καταπλαγείσας ἤλπιζε τὰς πόλεις ὁρμήσειν πρὸς τὴν ἀπὸ Ῥωμαίων ἀπόστασιν. Ἕως γὰρ τότε δυσὶ μάχαις ἤδη λελειμμένων αὐτῶν οὐδεμία πόλις ἀπέστη τῶν κατὰ τὴν Ἰταλίαν πρὸς Καρχηδονίους, ἀλλὰ διετήρουν τὴν πίστιν, καίπερ ἔνιαι πάσχουσαι κακῶς. Ἐξ ὧν καὶ παρασημήναιτ´ ἄν τις τὴν κατάπληξιν καὶ καταξίωσιν παρὰ τοῖς συμμάχοις τοῦ Ῥωμαίων πολιτεύματος.

LXXXVI. Quelque temps avant la bataille de Trasimène, le consul Cnëus Servilius, établi à Ariminum, ville située sur les bords de l'Adriatique, à l'endroit où la Gaule Cisalpine se joint au reste de l'Italie, non loin des embouchures du Pô, ayant appris qu'Annibal était campé en Toscane, en face de Flaminius, avait d'abord résolu de se joindre à son collègue avec toutes ses forces ; mais comme elles étaient trop pesantes pour qu'il pût exécuter son projet, il avait du moins envoyé en toute hâte Cnéus Centénius avec quatre mille cava- 262 liers, afin que si les circonstances le réclamaient, ils agissent avant même son arrivée. Annibal, informé au sortir de Trasimène du secoure qu'amenaient les Romains , fit partir au-devant d'eux Maharbal, suivi des soldats armés à la légère et d'une partie de la cavalerie. Ces troupes rencontrèrent bientôt Cnéus, lui tuèrent dès le premier engagement la moitié de son monde, le poursuivirent jusque sur une colline et le forcèrent à capituler le lendemain avec toutes ses forces. Trois jours seulement s'étaient écoulés depuis la bataille, et la douleur de cette blessure était plus que jamais cuisante, quand arriva la nouvelle du malheur de Cnéus. Elle répandit parmi le peuple une terreur que le sénat même partagea. Laissant donc de côté les affaires de l'année et l'élection des consuls, on songea à adopter quelque moyen plus solennel pour réparer ces maux ; la gravité des circonstances parut à tous réclamer la nomination d'un dictateur. Pour Annibal , malgré ses brillantes espérances, il le décida pour lé moment à île pas approcher de Rome ; il se borna à parcourir les campagnes et les ravagea sans obstacle, en se dirigeant vers l'Adriatique, Après dix jours dd marche à travers l'Ombrie et le Picénum, il se trouva sur les bords du golfe, maître d'un si riche butin , que ses troupes ne pouvaient ni le conduire ni le porter. Ajoutez à cela qu'il avait tué sur la route un nombre d'ennemis considérable. Car, dans les campagnes comme dans lei villes prises d'assaut , ordre était donné aux soldats de passer au fil de l'épée tout homme en état de porter les armes : effet de cette vieille haine qu'Annibal nourrissait contre Rome !

LXXXVII. Campé près de l'Adriatique, dans un pays d'une merveilleuse fécondité, il s'occupa surtout de faire reposer les soldats et leurs chevaux , et de les rendre par ses soins à leur ancienne vigueur. La nécessité d'hiverner en plein air dans la Cisalpine, le froid, la malpropreté, leur marche et leurs souffrances à travers 263 les marais, tout cela avait répandu parmi les chevaux et les hommes la gale et quelques maladies malignes. Aussi, maître d'une contrée fertile, il en profita pour rétablir les forces des chevaux et pour ramener chez les hommes, avec la santé, l'énergie. Il munit les Africains d'armes romaines qu'il trouva en grand nombre parmi tant de dépouilles. Enfin il envoya par mer des messagers à Carthage, chargés d'annoncer ses victoires : car c'était la première fois qu'il voyait la mer depuis son entrée en Italie. Les Carthaginois reçurent ces nouvelles avec une vive joie, et résolurent de faire les plus grands efforts pour appuyer leurs troupes d'Afrique et d'Espagne. Les Romains, de leur côté, nommèrent dictateur Quintus Fabius, homme d'une sagesse consommée, d'un talent supérieur. Aujourd'hui même les membres de sa famille se décorent du titre de Maximus, ce qui signifie très grand, comme souvenir des exploits et des victoires de ce héros. Il y a quelque différence entre dictateur et consul : les consuls n'ont chacun que douze haches, le dictateur en a vingt-quatre. En mainte circonstance les consuls ont besoin du sénat pour agir ; le dictateur est souverain : toutes les autres magistratures s'abaissent devant la sienne, excepté le pouvoir des tribuns. Nous examinerons ailleurs ces questions de plus près. En même temps que la dictateur, on nomma Marcus Minucius, maître de la cavalerie. Cet officier est soumis au dictateur, mais il le remplace en son absence.

LXXXVIII. Annibal, après avoir déplacé quelque peu son camp, continua de séjourner dans les campagnes voisines de l'Adriatique. Il fit laver les chevaux dans des flots de vin vieux , qui se trouvait là en abondance , et les guérit de la gale et de leurs diverses maladies. Il soigna également jusqu'à une cure complète les soldats blessés ; ranima l'ardeur des autres et les rendit prêts à tout entreprendre. Alors il traversa les 264 terres de Prétulium, d'Hadria, des Marrucins et de à Frentans, exerçant partout le pillage, et se dirigea vers l'Iapygie. Ce pays se divise en trois parties : la Daunie, la Peucétie et la Messapie. Il attaqua d'abord la Daunie, et assiégea Lucéria, colonie romaine dont il désola les campagnes ; il établit ensuite son camp sous les murs de Vibène (21), parcourut tout le territoire des Argyripiens, et ramena sans obstacle un riche butin dans la Daunie. Cependant Fabius, après avoir sacrifié aux dieux, suivant la coutume, venait de quitter Rome suivi de son maître de cavalerie et de quatre légions enrôlées pour cette circonstance. Il opéra sa jonction avec les troupes d'Ariminum sur les frontières de la Daunie, ôta à Servilius le commandement de l'armée de terre et le renvoya bien escorté à Rome, avec ordre, si les Carthaginois remuaient du côté de la mer, de porter secours aux peuples menacés ; il établit ensuite son armée, grossie de celle de Servilius, en un lieu nommé Aigues, en face des Carthaginois et à une distance de cinquante stades environ.

LXXXIX. Annibal, instruit de la présence de Fabius, et désireux d'effrayer les ennemis par quelque brusque attaque, fit sortir ses troupes du camp et les rangea en bataille assez près des Romains. Il demeura là quelque temps, et ne les voyant pas remuer, retourna derrière ses retranchements. C'est que Fabius avait résolu de ne rien donner au hasard ni à la chance, mais de veiller avant tout à la sûreté de ses troupes ; et il ne dévia pas un instant de ce plan de conduite. Cette réserve lui attira d'abord le mépris ; on l'accusa d'avoir peur, de reculer devant l'ennemi ; mais avec le temps , il força Rome entière à reconnaître d'une voix unanime qu'il n'était pas de général qui pût user des circonstances avec plus de sagesse et de raison. Les événements, du reste, donnèrent bientôt un éclatant té- 265 moignage de la justesse de ses calculs. Il avait devant lui des soldats exercés depuis leur jeunesse, sans relâche , au métier de la guerre ; un général avec eux nourri, avec eux élevé dès ses premières années au milieu des camps, souvent vainqueur en Espagne, deux fois de suite vainqueur des Romains et de leurs alliés ; enfin, et c'était là une importante considération, les Carthaginois n'avaient d'espoir de salut que dans la victoire. La position des Romains était entièrement contraire ; aussi Fabius ne voulait-il pas hasarder une victoire décisive, dont l'issue serait évidemment une défaite. Il se rabattit sagement sur ce qui faisait le véritable avantage de Rome, s'y renferma et régla là-dessus toute la conduite de la guerre. Cet avantage était d'avoir des provisions inépuisables et une nombreuse armée.

XC. C'est pourquoi il se borna dès lors à suivre les mouvements de l'ennemi et à s'emparer des positions qu'il savait par expérience avantageuses. Largement pourvu derrière lui de riches provisions, il n'envoyait jamais ses soldats au fourrage, jamais ne les laissait s'éloigner du camp ; il les tenait réunis en masses compactes , prêt à profiter des occasions que lui offriraient les circonstances et les lieux. Il surprit plus d'une fois des soldats carthaginois qui par bravade allaient chercher leur fourrage loin du camp , et les tua. Il voulait affaiblir ainsi peu à peu les forces de l'ennemi, et en même temps relever et rétablir par des succès partiels le courage de ses troupes qu'avaient abattu les dernières batailles générales. Mais en risquer une, il n'y eût point consenti. Cette réserve ne plaisait guère à son collègue Marcus. Partageant les préjugés populaires, il accusait Fabius d'user du commandement sans courage ni grandeur, et montrait un ardent désir de combattre et de tenter enfin les chances de la fortune. Cependant les Carthaginois, après avoir désolé les provinces que nous avons dites, franchirent l'A- 366 pennin et entrèrent dans le Samnium, pays fécond et depuis de longues années fermé aux ravages de la guerre. Ils y vécurent au sein d'une telle abondance, qu'ils eurent beau user de leur butin , et beau en perdre une bonne partie, ils ne purent parvenir à l'épuiser. De là ils parcoururent, le fer à la main, le territoire de Bénévent, colonie romaine, et prirent de vive force Vénuse, ville forte et riche en provisions de guerre de toute espèce. Les Romains suivirent sans relâche l'ennemi à une distance d'une ou deux journées, sans jamais faire mine de vouloir s'approcher davantage et livrer bataille. Annibal, qui voyait Fabius éviter ouvertement tout combat et ne quitter jamais son camp, le porta hardiment vers les plaines de Capoue, du côté où se trouve Falerne. Il n'y avait pas d'alternative ; il forçait par là l'ennemi à combattre, ou il montrait à l'Italie que la victoire était à lui, et que les Romains lui cédaient tout ce qui était hors de leurs retranchements. De plus, il espérait amener les villes à quitter le parti de Rome. Jusqu'alors, en effet, bien que les Romains eussent été vaincus en deux grandes batailles, pas une seule place, en Italie, n'avait passé aux Carthaginois. Toutes restaient fidèles à leurs premiers serments, quelques-unes même malgré les mauvais traitements de l'ennemi. On peut juger par là de l'estime profonde où les alliés tenaient la république romaine.

XCI. Οὐ μὴν ἀλλ´ ὅ γ´ Ἀννίβας εἰκότως ἐπὶ τούτους κατήντα τοὺς λογισμούς. Τὰ γὰρ πεδία τὰ κατὰ Καπύην ἐπιφανέστατα μέν ἐστι τῶν κατὰ τὴν Ἰταλίαν καὶ διὰ τὴν ἀρετὴν καὶ διὰ τὸ κάλλος καὶ διὰ τὸ πρὸς αὐτῇ κεῖσθαι τῇ θαλάττῃ καὶ τούτοις χρῆσθαι τοῖς ἐμπορίοις, εἰς ἃ σχεδὸν ἐκ πάσης τῆς οἰκουμένης κατατρέχουσιν οἱ πλέοντες εἰς Ἰταλίαν. Περιέχουσι δὲ καὶ τὰς ἐπιφανεστάτας καὶ καλλίστας πόλεις τῆς Ἰταλίας ἐν αὑτοῖς. Τὴν μὲν γὰρ παραλίαν αὐτῶν Σενοεσανοὶ καὶ Κυμαῖοι καὶ Δικαιαρχῖται νέμονται, πρὸς δὲ τούτοις Νεαπολῖται, τελευταῖον δὲ τὸ τῶν Νουκερίνων ἔθνος. Τῆς δὲ μεσογαίου τὰ μὲν πρὸς τὰς ἄρκτους Καληνοὶ καὶ Τιανῖται κατοικοῦσι, τὰ δὲ πρὸς ἕω καὶ μεσημβρίαν Δαύνιοι* καὶ Νωλανοί. Κατὰ μέσα δὲ τὰ πεδία κεῖσθαι συμβαίνει τὴν πασῶν ποτε μακαριωτάτην γεγονυῖαν πόλιν Καπύην. Ἐπιεικέστατος δὲ καὶ παρὰ τοῖς μυθογράφοις ὁ περὶ τούτων τῶν πεδίων λέγεται λόγος· προσαγορεύεται δὲ καὶ ταῦτα Φλεγραῖα, καθάπερ καὶ ἕτερα τῶν ἐπιφανῶν πεδίων· θεούς γε μὴν μάλιστα περὶ τούτων εἰκὸς ἠρικέναι διὰ τὸ κάλλος καὶ τὴν ἀρετὴν αὐτῶν. Ἅμα δὲ τοῖς προειρημένοις ὀχυρὰ δοκεῖ καὶ δυσέμβολα τελέως εἶναι τὰ πεδία· τὰ μὲν γὰρ θαλάττῃ τὸ δὲ πλεῖον ὄρεσι μεγάλοις πάντῃ καὶ συνεχέσι περιέχεται, δι´ ὧν εἰσβολαὶ τρεῖς ὑπάρχουσι μόνον ἐκ τῆς μεσογαίου στεναὶ καὶ δύσβατοι, μία μὲν ἀπὸ τῆς Σαυνίτιδος, (δευτέρα δ´ ἀπὸ τῆς Λατίνης), ἡ δὲ κατάλοιπος ἀπὸ τῶν κατὰ τοὺς Ἱρπίνους τόπων. Διόπερ ἔμελλον εἰς ταῦτα καταστρατοπεδεύσαντες ὥσπερ εἰς θέατρον οἱ Καρχηδόνιοι καταπλήξεσθαι μὲν τῷ παραλόγῳ πάντας, ἐκθεατριεῖν δὲ τοὺς πολεμίους φυγομαχοῦντας, αὐτοὶ δ´ ἐξ ὁμολόγου φανήσεσθαι τῶν ὑπαίθρων κρατοῦντες.

XCII. Ἀννίβας μὲν οὖν τοιούτοις χρησάμενος λογισμοῖς καὶ διελθὼν ἐκ τῆς Σαυνίτιδος τὰ στενὰ κατὰ τὸν Ἐριβιανὸν καλούμενον λόφον κατεστρατοπέδευσε παρὰ τὸν Ἄθυρνον ποταμόν, ὃς σχεδὸν δίχα διαιρεῖ τὰ προειρημένα πεδία. Καὶ τὴν μὲν παρεμβολὴν ἐκ τοῦ πρὸς Ῥώμην μέρους εἶχε, ταῖς δὲ προνομαῖς πᾶν ἐπιτρέχων ἐπόρθει τὸ πεδίον ἀδεῶς. Φάβιος δὲ κατεπέπληκτο μὲν τὴν ἐπιβολὴν καὶ τόλμαν τῶν ὑπεναντίων, τοσούτῳ δὲ μᾶλλον ἐπὶ τῶν κεκριμένων ἔμενεν. Ὁ δὲ συνάρχων αὐτοῦ Μάρκος καὶ πάντες οἱ κατὰ τὸ στρατόπεδον χιλίαρχοι καὶ ταξίαρχοι νομίζοντες ἐν καλῷ τοὺς πολεμίους ἀπειληφέναι, σπεύδειν ᾤοντο δεῖν καὶ συνάπτειν εἰς τὰ πεδία καὶ μὴ περιορᾶν τὴν ἐπιφανεστάτην χώραν δῃουμένην. Φάβιος δὲ μέχρι μὲν τοῦ συνάψαι τοῖς τόποις ἔσπευδε καὶ συνυπεκρίνετο τοῖς προθύμως καὶ φιλοκινδύνως διακειμένοις, ἐγγίσας δὲ τῷ Φαλέρνῳ ταῖς μὲν παρωρείαις ἐπιφαινόμενος ἀντιπαρῆγε τοῖς πολεμίοις, ὥστε μὴ δοκεῖν τοῖς αὑτῶν συμμάχοις ἐκχωρεῖν τῶν ὑπαίθρων, εἰς δὲ τὸ πεδίον οὐ καθίει τὴν δύναμιν, εὐλαβούμενος τοὺς ὁλοσχερεῖς κινδύνους διά τε τὰς προειρημένας αἰτίας καὶ διὰ τὸ προφανῶς ἱπποκρατεῖν παρὰ πολὺ τοὺς ὑπεναντίους. Ἀννίβας δ´ ἐπειδὴ καταπειράσας τῶν πολεμίων καὶ καταφθείρας πᾶν τὸ πεδίον ἥθροισε λείας ἄπλετον πλῆθος, ἐγίνετο πρὸς ἀναζυγήν, βουλόμενος μὴ καταφθεῖραι τὴν λείαν, ἀλλ´ εἰς τοιοῦτον ἀπερείσασθαι τόπον, ἐν ᾧ δυνήσεται ποιήσασθαι καὶ τὴν παραχειμασίαν, ἵνα μὴ μόνον κατὰ τὸ παρὸν εὐωχίαν ἀλλὰ συνεχῶς δαψίλειαν ἔχῃ τῶν ἐπιτηδείων τὸ στρατόπεδον. Φάβιος δὲ καὶ κατανοῶν αὐτοῦ τὴν ἐπιβολήν, ὅτι προχειρίζεται ποιεῖσθαι τὴν ἐπάνοδον ᾗπερ ἐποιήσατο καὶ τὴν εἴσοδον, καὶ θεωρῶν τοὺς τόπους στενοὺς ὄντας καὶ καθ´ ὑπερβολὴν εὐφυεῖς πρὸς ἐπίθεσιν, ἐπ´ αὐτῆς μὲν τῆς διεκβολῆς περὶ τετρακισχιλίους ἐπέστησε, παρακαλέσας χρήσασθαι τῇ προθυμίᾳ σὺν καιρῷ μετὰ τῆς τῶν τόπων εὐφυΐας, αὐτὸς δὲ τὸ πολὺ μέρος ἔχων τῆς δυνάμεως ἐπί τινα λόφον ὑπερδέξιον πρὸ τῶν στενῶν κατεστρατοπέδευσε.

XCIII. παραγενομένων δὲ τῶν Καρχηδονίων καὶ ποιησαμένων τὴν παρεμβολὴν ἐν τοῖς ἐπιπέδοις ὑπ´ αὐτὴν τὴν παρώρειαν, τὴν μὲν λείαν αὐτῶν ἤλπισεν ἀδηρίτως περισυρεῖν, ὡς δὲ τὸ πολὺ καὶ τοῖς ὅλοις πέρας ἐπιθήσειν διὰ τὴν τῶν τόπων εὐκαιρίαν. Καὶ δὴ περὶ ταῦτα καὶ πρὸς τούτοις ἐγίνετο τοῖς διαβουλίοις, διανοούμενος πῇ καὶ πῶς χρήσεται τοῖς τόποις καὶ τίνες καὶ πόθεν πρῶτον ἐγχειρήσουσι τοῖς ὑπεναντίοις. Ἀννίβας δέ, ταῦτα πρὸς τὴν ἐπιοῦσαν ἡμέραν παρασκευαζομένων τῶν πολεμίων, συλλογιζόμενος ἐκ τῶν εἰκότων οὐκ ἔδωκε χρόνον οὐδ´ ἀναστροφὴν ταῖς ἐπιβολαῖς αὐτῶν, ἀνακαλεσάμενος δὲ τὸν ἐπὶ τῶν λειτουργιῶν τεταγμένον Ἀσδρούβαν παρήγγειλε λαμπάδας δεσμεύειν ἐκ τῆς ξηρᾶς καὶ παντοδαπῆς ὕλης κατὰ τάχος ὡς πλείστας καὶ τῶν ἐργατῶν βοῶν ἐκλέξαντ´ ἐκ πάσης τῆς λείας τοὺς εὐρωστοτάτους εἰς δισχιλίους ἁθροῖσαι πρὸ τῆς παρεμβολῆς. Γενομένου δὲ τούτου συναγαγὼν ὑπέδειξε τοῖς λειτουργοῖς ὑπερβολήν τινα μεταξὺ κειμένην τῆς αὑτοῦ στρατοπεδείας καὶ τῶν στενῶν, δι´ ὧν ἔμελλε ποιεῖσθαι τὴν πορείαν, πρὸς ἣν ἐκέλευε προσελαύνειν τοὺς βοῦς ἐνεργῶς καὶ μετὰ βίας, ὅταν δοθῇ τὸ παράγγελμα, μέχρι συνάψωσι τοῖς ἄκροις. Μετὰ δὲ τοῦτο δειπνοποιησαμένοις ἀναπαύεσθαι καθ´ ὥραν παρήγγειλε πᾶσιν. Ἅμα δὲ τῷ κλῖναι τὸ τρίτον μέρος τῆς νυκτὸς εὐθέως ἐξῆγε τοὺς λειτουργοὺς καὶ προσδεῖν ἐκέλευσε πρὸς τὰ κέρατα τοῖς βουσὶ τὰς λαμπάδας. Ταχὺ δὲ τούτου γενομένου διὰ τὸ πλῆθος, ἀνάψαι παρήγγειλε πάσας καὶ τοὺς μὲν βοῦς ἐλαύνειν καὶ προσβάλλειν πρὸς τὰς ἀκρωρείας ἐπέταξε, τοὺς δὲ λογχοφόρους κατόπιν ἐπιστήσας τούτοις ἕως μέν τινος συνεργεῖν παρεκελεύετο τοῖς ἐλαύνουσιν, ὅταν δὲ τὴν πρώτην ἅπαξ ὁρμὴν λάβῃ τὰ ζῷα, παρατρέχοντας παρὰ τὰ πλάγια καὶ συγκρούοντας ἅμα τῶν ὑπερδεξίων ἀντέχεσθαι τόπων καὶ προκαταλαμβάνειν τὰς ἀκρωρείας, ἵνα παραβοηθῶσι καὶ συμπλέκωνται τοῖς πολεμίοις, ἐάν που συναντῶσι πρὸς τὰς ὑπερβολάς. Κατὰ δὲ τὸν καιρὸν τοῦτον αὐτὸς ἀναλαβὼν πρῶτα μὲν τὰ βαρέα τῶν ὅπλων, ἐπὶ δὲ τούτοις (τοὺς) ἱππεῖς, ἑξῆς δὲ τὴν λείαν, ἐπὶ δὲ πᾶσι τοὺς Ἴβηρας καὶ Κελτοὺς ἧκε πρὸς τὰ στενὰ καὶ τὰς διεκβολάς.

XCIV. τῶν δὲ Ῥωμαίων οἱ μὲν ἐπὶ τοῖς στενοῖς φυλάττοντες ἅμα τῷ συνιδεῖν τὰ φῶτα προσβάλλοντα πρὸς τὰς ὑπερβολάς, νομίσαντες ταύτῃ ποιεῖσθαι τὴν ὁρμὴν τὸν Ἀννίβαν, ἀπολιπόντες τὰς δυσχωρίας παρεβοήθουν τοῖς ἄκροις. Ἐγγίζοντες δὲ τοῖς βουσὶν ἠποροῦντο διὰ τὰ φῶτα, μεῖζόν τι τοῦ συμβαίνοντος καὶ δεινότερον ἀναπλάττοντες καὶ προσδοκῶντες. Ἐπιγενομένων δὲ τῶν λογχοφόρων, οὗτοι μὲν βραχέα πρὸς ἀλλήλους ἀκροβολισάμενοι, τῶν βοῶν αὐτοῖς ἐμπιπτόντων ἔμειναν διαστάντες ἐπὶ τῶν ἄκρων ἀμφότεροι καὶ προσανεῖχον καραδοκοῦντες τὴν ἐπιφάνειαν τῆς ἡμέρας διὰ τὸ μὴ δύνασθαι γνῶναι τὸ γινόμενον. Φάβιος δὲ τὰ μὲν ἀπορούμενος ἐπὶ τῷ συμβαίνοντι καὶ κατὰ τὸν ποιητὴν ὀισσάμενος δόλον εἶναι, τὰ δὲ κατὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς ὑπόθεσιν οὐδαμῶς κρίνων ἐκκυβεύειν οὐδὲ παραβάλλεσθαι τοῖς ὅλοις, ἦγε τὴν ἡσυχίαν ἐπὶ τῷ χάρακι καὶ προσεδέχετο τὴν ἡμέραν. Κατὰ δὲ τὸν καιρὸν τοῦτον Ἀννίβας, προχωρούντων αὐτῷ τῶν πραγμάτων κατὰ τὴν ἐπιβολήν, τήν τε δύναμιν διεκόμισε διὰ τῶν στενῶν μετ´ ἀσφαλείας καὶ τὴν λείαν, λελοιπότων τοὺς τόπους τῶν παραφυλαττόντων τὰς δυσχωρίας. Ἅμα δὲ τῷ φωτὶ συνιδὼν τοὺς ἐν τοῖς ἄκροις ἀντικαθημένους τοῖς λογχοφόροις ἐπαπέστειλέ τινας τῶν Ἰβήρων, οἳ καὶ συμμίξαντες κατέβαλον μὲν τῶν Ῥωμαίων εἰς χιλίους, ῥᾳδίως δὲ τοὺς παρὰ σφῶν εὐζώνους ἐκδεξάμενοι κατεβίβασαν. Ἀννίβας μὲν οὖν τοιαύτην ἐκ τοῦ Φαλέρνου ποιησάμενος τὴν ἔξοδον, λοιπὸν ἤδη στρατοπεδεύων ἀσφαλῶς κατεσκέπτετο καὶ προυνοεῖτο περὶ τῆς χειμασίας ποῦ καὶ πῶς ποιήσεται, μέγαν φόβον καὶ πολλὴν ἀπορίαν παρεστακὼς ταῖς πόλεσι καὶ τοῖς κατὰ τὴν Ἰταλίαν ἀνθρώποις. Φάβιος δὲ κακῶς μὲν ἤκουε παρὰ τοῖς πολλοῖς, ὡς ἀνάνδρως ἐκ τοιούτων τόπων προέμενος τοὺς ὑπεναντίους, οὐ μὴν ἀφίστατό γε τῆς προθέσεως. Καὶ ἀναγκασθεὶς δὲ μετ´ ὀλίγας ἡμέρας ἐπί τινας ἀπελθεῖν θυσίας εἰς τὴν Ῥώμην παρέδωκεν τῷ συνάρχοντι τὰ στρατόπεδα καὶ πολλὰ χωριζόμενος ἐνετείλατο μὴ τοσαύτην ποιεῖσθαι σπουδὴν ὑπὲρ τοῦ βλάψαι τοὺς πολεμίους ἡλίκην ὑπὲρ τοῦ μηδὲν αὐτοὺς παθεῖν δεινόν. ὧν οὐδὲ μικρὸν ἐν νῷ τιθέμενος Μάρκος ἔτι λέγοντος αὐτοῦ ταῦτα πρὸς τῷ παραβάλλεσθαι καὶ τῷ διακινδυνεύειν ὅλος καὶ πᾶς ἦν.

XCV. Τὰ μὲν οὖν κατὰ τὴν Ἰταλίαν τοιαύτην εἶχε τὴν διάθεσιν. Κατὰ δὲ τοὺς αὐτοὺς καιροὺς ταῖς προειρημέναις πράξεσιν Ἀσδρούβας ὁ τεταγμένος ἐπὶ τῆς Ἰβηρίας στρατηγὸς κατηρτικὼς ἐν τῇ παραχειμασίᾳ τὰς ὑπὸ τἀδελφοῦ καταλειφθείσας τριάκοντα ναῦς καὶ δέκα προσπεπληρωκὼς ἄλλας, ἀρχομένης τῆς θερείας ἀνήχθη τετταράκοντα ναυσὶ καταφράκτοις ἐκ Καινῆς πόλεως, προχειρισάμενος Ἀμίλκαν τοῦ στόλου ναύαρχον. Ἅμα δὲ καὶ τὴν πεζὴν ἐκ τῆς παραχειμασίας ἡθροικὼς δύναμιν ἀνέζευξε· καὶ ταῖς μὲν ναυσὶ παρὰ τὴν χέρσον ἐποιεῖτο τὸν πλοῦν, τοῖς δὲ πεζοῖς τὴν πορείαν παρὰ τὸν αἰγιαλόν, σπεύδων ἀμφοτέραις ἅμα ταῖς δυνάμεσι καταζεῦξαι πρὸς τὸν Ἴβηρα ποταμόν. Γνάιος δὲ τὰς ἐπιβολὰς συλλογιζόμενος τῶν Καρχηδονίων τὸ μὲν πρῶτον ἐπεβάλετο (κατὰ γῆν καὶ) κατὰ θάλατταν ἐκ τῆς παραχειμασίας ποιεῖσθαι τὴν ἀπάντησιν. Ἀκούων δὲ τὸ πλῆθος τῶν δυνάμεων καὶ τὸ μέγεθος τῆς παρασκευῆς τὸ μὲν κατὰ γῆν ἀπαντᾶν ἀπεδοκίμασε, συμπληρώσας δὲ πέντε καὶ τριάκοντα ναῦς καὶ λαβὼν ἐκ τοῦ πεζικοῦ στρατεύματος τοὺς ἐπιτηδειοτάτους ἄνδρας πρὸς τὴν ἐπιβατικὴν χρείαν ἀνήχθη καὶ κατῆρε δευτεραῖος ἐκ Ταρράκωνος εἰς τοὺς περὶ τὸν Ἴβηρα ποταμὸν τόπους. Καθορμισθεὶς δὲ τῶν πολεμίων ἐν ἀποστήματι περὶ τοὺς ὀγδοήκοντα σταδίους προαπέστειλε κατασκεψομένας δύο ναῦς ταχυπλοούσας Μασσαλιητικάς· καὶ γὰρ προκαθηγοῦντο καὶ προεκινδύνευον οὗτοι καὶ πᾶσαν ἀποτόμως σφίσι παρείχοντο τὴν χρείαν. Εὐγενῶς γάρ, εἰ καί τινες ἕτεροι, κεκοινωνήκασι Ῥωμαίοις πραγμάτων καὶ Μασσαλιῶται, πολλάκις μὲν καὶ μετὰ ταῦτα, μάλιστα δὲ κατὰ τὸν Ἀννιβιακὸν πόλεμον. Διασαφούντων δὲ τῶν ἐπὶ τὴν κατασκοπὴν ἐκπεμφθέντων ὅτι περὶ τὸ στόμα τοῦ ποταμοῦ συμβαίνει τὸν τῶν ὑπεναντίων ὁρμεῖν στόλον, ἀνήγετο κατὰ σπουδήν, βουλόμενος ἄφνω προσπεσεῖν τοῖς πολεμίοις.

XCl. Le calcul d'Annibal était juste ; les plaines de Capoue sont les plus admirables de toute l'Italie par la fertilité du terrain, par la beauté du paysage, parla proximité de la mer et par le nombre des marchés où se rendent des trois parties du monde ceux qui abordent en Italie. Elles renferment en leur sein les villes les plus célèbres, les plus magnifiques dont l'Italie puisse se vanter. Sinuesse, Cumes et Pouzzoles occupent les bords de la mer ; ajoutons Naples et Nucérie. Dans l'intérieur des terres, au nord, se trouvent 267 les habitants de Calènes et de Téano ; au sud et à l'est, ceux de Noies et les Dauniens ; enfin Capoue, la plus opulente de toutes ces cités s'élève au centre. On s'explique en vérité parfaitement la tradition accréditée par les mythologues au sujet de ces campagnes , appelées champs Phlégréens, ainsi que quelques autres plaines célèbres : oui, les dieux ont dû s'en disputer la possession à cause de leur richesse et de la beauté dont elles brillent» Enfin ces plaines sont dans une position forte et peu accessible : elles sont bornées d'un côté par la mer, et du reste en grande partie par une chaîne de montagnes qui ne présentent que trois entrées difficiles et étroites : l'une par le Samnium, l'autre du côté d'Ériban, la troisième par le pays des Hirpins. Les Carthaginois voulaient s'établir dans ces plaines comme sur un théâtre; effrayer du haut de cette scène les peuples de l'Italie par la hardiesse de leur action, montrer enfin à tous les regards les ennemis fuyant, et Annibal maître sans contestation de tout ce qui était hors du camp des Romains.

XCII. Annibal, par suite de ces calculs, passa du Samnium en Campanie, par le défilé que forme la colline d'Ériban, et vint camper sur les bords du Vulturne qui divise la plaine en deux parties presque égales. Il fortifia son camp du côté qui regarde Rome, et ravagea sans obstacle le pays, qu'il couvrit de fourrageurs. Fabius fut un instant troublé à la vue de cette marche audacieuse de l'ennemi , mais il n'en demeura que plus fidèle à son système. En vain son collègue Marcus, en vain tous les tribuns et les centurions, trouvant que l'occasion de surprendre l'ennemi était belle, répétaient qu'il fallait se hâter, descendre au plus vite en rase campagne, et ne pas laisser l'ennemi désoler impunément cette riche contrée; Fabius, jusqu'au moment où il entra dans la plaine, pressa sa marche et feignit de partager l'ardeur guerrière de ses soldats ; mais lorsqu'il se fut approché de Falerne, content de se montrer 268 sur les flancs de la montagne, il ne fit plus que suivre les mouvements de l'ennemi, afin de faire voir aux alliés qu'il n'abandonnait pas ce qui était hors de ses retranchements, sans jamais s'aventurer en plaine, et évitant toujours une action générale que les causes déjà connues et la supériorité évidente de la cavalerie ennemie lui faisaient craindre. Enfin Annibal, après avoir provoqué vainement les Romains et ravagé toute la contrée, rassembla les dépouilles, qui étaient innombrables, et se prépara au départ; car il voulait ménager ce butin, le déposer dans un endroit sûr où il pût passer l'hiver, et faire que son armée ne jouît pas seulement d'un bien-être provisoire, mais vécût toujours au sein de l'abondance. Fabius pénétra son dessein de sortir par où il était entré, et comme il trouvait dans cet étroit défilé un lieu merveilleusement propre à une attaque, il posta à la hauteur du passage quatre mille soldats. Il les exhorta à faire un prudent usage de leur valeur, si bien secondée par l'avantage de leur position ; et lui-même, avec une grande partie de son armée, plaça son camp sur une colline élevée, à l'entrée du défilé.

XCIII. A la vue des Carthaginois, qui venaient s'établir dans la plaine, au pied des montagnes, Fabius se flattait déjà de leur enlever leur butin sans peine, et d'en finir tout d'un coup avec la guerre, grâce à la nature du terrain. Aussi il ne songea plus qu'à étudier la position qu'il devait choisir, le parti qu'il en pouvait tirer; qu'à déterminer quelles troupes marcheraient d'abord contre l'ennemi, et de quel côté. Mais tandis que les Romains faisaient leurs préparatifs pour le lendemain , Annibal, qui avait compris leur projet, ne leur laissa ni la possibilité, ni le loisir de l'exécuter. Il appela sur le champ auprès de lui Hasdrubal, chef des valets de l'armée, et lui ordonna de façonner au plus vite des torches de bois sec de différentes espèces, de choisir parmi les dépouilles deux mille bœufs environ, des 269 plus vigoureux, et de les réunir devant le camp. Puis il rassembla les valets eux-mêmes et leur montra une éminence placée entre les retranchements et le défilé, par où il devait opérer sa retraite, en leur disant de mener battant les bœufs vers cette hauteur au signal donné, jusqu'à ce qu'ils en eussent atteint le sommet. Il les envoya prendre quelque nourriture et le repos nécessaire; et sur la fin de la troisième veille, les conduisit hors du camp pour leur faire attacher les torches aux cornes des bœufs. Tant de bras eurent bientôt exécuté cet ordre, et alors il fit mettre le feu à ces torches et lancer les bœufs du côté des montagnes, en même temps qu'il chargea les soldats armés à la légère, qu'il plaça derrière les valets, de les aider à pousser ces bêtes devant eux ; puis, dès que celles-ci auraient pris leur course, de se répandre à droite à gauche, de gagner les hauteurs et de s'en emparer, afin d'en venir aux mains avec l'ennemi au premier mouvement que celui-ci pourrait faire. En même temps il se disposa lui-même au départ, mit au premier rang ses troupes pesamment armées, derrière elles sa cavalerie, ensuite le butin, les Espagnols , les Gaulois enfin, et se dirigea vers le défilé.

XCIV. Les Romains placés à l'entrée du passage eurent à peine vu toutes ces lumières briller sur les hauteurs qu'ils pensèrent qu'Annibal était là, et, abandonnant leur poste, ils se portèrent de ce côté. Plus ils approchaient des bœufs, et plus le spectacle de ces mille flammes les troublait. Leur imagination leur faisait concevoir un danger bien plus terrible qu'il ne l'était en réalité. A l'arrivée des soldats armés à la légère, les deux partis échangèrent quelques flèches; mais bientôt, forcément séparés par l'irruption des bœufs, ils demeurèrent tranquilles, faute de pouvoir distinguer ce qui se passait, en attendant le retour du jour. Fabius était fort embarrassé; d'un côté il avait bien compris, comme dit le poète (22), que c'était une 270 ruse, et de l'autre, fidèle à sa maxime, il était décida à ne rien risquer, à ne pas tenter une bataille décisive; aussi se tint-il enfermé dans son camp jusqu'au lever du soleil. Dans l'intervalle, Annibal, qui voyait tout aller au gré de ses désirs, fit traverser impunément à toute son armée et à ses bagages le défilé que laissait libre la retraite des soldats romains,  puis au jour, comme il s'aperçut que l'ennemi menaçait les soldats à la légère sur les collines, il envoya quelques Espagnols qui, après un court engagement , tuèrent environ mille Romains, recueillirent sans peine les détachements compromis et les ramenèrent avec eux. Après être ainsi sorti des campagnes de Falerne, Annibal, à l'abri de l'ennemi dans son camp, ne songea plus qu'à chercher où et comment il établirait ses quartiers d'hiver. Parmi les villes comme dans les campagnes, ce dernier succès avait répandu la terreur et l'effroi de son nom. Par contrecoup, Fabius était en butte à mille attaques, comme ayant laissé lâchement l'ennemi se tirer d'une position si difficile. Toutefois, il ne renonça pas à son système. Forcé même quelques jours après de se rendre à Rome pour un certain sacrifice, et de remettre l'armée entre les mains de son collègue, il lui recommanda avec instance de songer bien moins à faire tort à l'ennemi qu'à éviter quelque dommage. Mais Marcus n'écouta guère ses conseils, et Fabius parlait encore que déjà dans son cœur il ne rêvait plus que périls et batailles.

XCV. Tel était lé train des hostilités en Italie. Cependant Hasdrubal, gouverneur de l'Espagne, après avoir, dans ses loisirs des quartiers d'hiver, équipé les trente vaisseaux que lui avait laissés son frère et en avoir armé dix autres, fit, au retour de l'été, partir ces quarante navires pontés de Carthagène, sous la conduite d'Hamilcar. Il rassembla en même temps ses troupes de terre, leva le camp, et tandis que sa flotte se dirigeait le long du rivage, il en suivit les mouve- 271 ments sur la côte, afin de s'établir avec ses forces réunies à l'embouchure de l'Èbre. Cnéus , qui avait deviné les projets des Carthaginois , résolut d'abord de se porter au-devant de l'ennemi et par terre et par mer, mais , instruit des forces d'Hasdrubal et du matériel considérable dont il disposait , il renonça à son attaque parterre. Il équipa trente-cinq vaisseaux, choisit parmi les fantassins les soldats les plus propres au service maritime , et après deux jours de traversée se trouva transporté de Tarragone à l'embouchure de l'Èbre. Il mouilla à quatre vingt stades des ennemis, et envoya à la découverte deux vaisseaux montés par des Marseillais : ces Marseillais servaient de guides aux Romains, et, toujours les premiers à braver les dangers, ils leur rendaient toute espèce de services. Du reste, de tous les peuples, c'est celui de Marseille qui, dans la suite et surtout pendant la guerre d'Annibal, s'associa avec le plus de dévouement à la fortune de Rome. Sur l'avis que la flotte carthaginoise était à l'entrée du fleuve, Cnéus mit promptement à la voile, afin de tomber à l'improviste sur Hasdrubal.

XCVI. Οἱ δὲ περὶ τὸν Ἀσδρούβαν, σημηνάντων αὐτοῖς τῶν σκοπῶν ἐκ πολλοῦ τὸν ἐπίπλουν τῶν ὑπεναντίων, ἅμα τὰς πεζικὰς ἐξέταττον δυνάμεις παρὰ τὸν αἰγιαλὸν καὶ τοῖς πληρώμασι παρήγγελλον ἐμβαίνειν εἰς τὰς ναῦς. ἤδη δὲ καὶ τῶν Ῥωμαίων σύνεγγυς ὄντων, σημήναντες πολεμικὸν ἀνήγοντο, κρίναντες ναυμαχεῖν. Συμβαλόντες δὲ τοῖς πολεμίοις βραχὺν μέν τινα χρόνον ἀντεποιήσαντο τῆς νίκης, μετ´ οὐ πολὺ δὲ πρὸς τὸ κλίνειν ὥρμησαν. Ἡ γὰρ ἐφεδρεία τῶν πεζῶν ἡ περὶ τὸν αἰγιαλὸν οὐχ οὕτως αὐτοὺς ὤνησε, θάρσος παριστάνουσα πρὸς τὸν κίνδυνον, ὡς ἔβλαψε τὴν ἐλπίδα τῆς σωτηρίας ἑτοίμην παρασκευάζουσα. Πλὴν δύο μὲν αὐτάνδρους νῆας ἀποβαλόντες, τεττάρων δὲ τοὺς ταρσοὺς καὶ τοὺς ἐπιβάτας ἔφευγον ἐκκλίναντες εἰς γῆν. Ἐπικειμένων δὲ τῶν Ῥωμαίων αὐτοῖς ἐκθύμως, τὰς μὲν ναῦς ἐξέβαλον εἰς τὸν αἰγιαλόν, αὐτοὶ δ´ ἀποπηδήσαντες ἐκ τῶν πλοίων ἐσῴζοντο πρὸς τοὺς παρατεταγμένους. Οἱ δὲ Ῥωμαῖοι τολμηρῶς συνεγγίσαντες τῇ γῇ καὶ τὰ δυνάμενα κινεῖσθαι τῶν πλοίων ἀναδησάμενοι μετὰ χαρᾶς ὑπερβαλλούσης ἀπέπλεον, νενικηκότες μὲν ἐξ ἐφόδου τοὺς ὑπεναντίους, κρατοῦντες δὲ τῆς θαλάττης, εἴκοσι δὲ καὶ πέντε ναῦς ἔχοντες τῶν πολεμίων. Τὰ μὲν οὖν κατὰ τὴν Ἰβηρίαν ἀπὸ τούτων (ἐπι)κυδεστέρας εἰλήφει τοῖς Ῥωμαίοις τὰς ἐλπίδας διὰ τὸ προειρημένον κατόρθωμα. Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι, προσπεσόντος αὐτοῖς τοῦ γεγονότος ἐλαττώματος, παραχρῆμα πληρώσαντες ἑβδομήκοντα νῆας ἐξαπέστειλαν, κρίναντες ἀναγκαῖον εἶναι πρὸς πάσας τὰς ἐπιβολὰς ἀντέχεσθαι τῆς θαλάττης. Αἳ τὸ μὲν πρῶτον εἰς Σαρδόν´, ἐκεῖθεν δὲ πρὸς τοὺς περὶ Πίσας τόπους τῆς Ἰταλίας προσέβαλον, πεπεισμένων τῶν ἐπιπλεόντων συμμίξειν ἐνθάδε τοῖς περὶ τὸν Ἀννίβαν. Ταχὺ δὲ τῶν Ῥωμαίων ἀναχθέντων ἐπ´ αὐτοὺς ἐξ αὐτῆς τῆς Ῥώμης ἑκατὸν εἴκοσι σκάφεσι πεντηρικοῖς, πυθόμενοι τὸν ἀνάπλουν οὗτοι μὲν αὖθις ἀπέπλευσαν εἰς τὴν Σαρδόνα, μετὰ δὲ ταῦτα πάλιν εἰς Καρχηδόνα. Γνάιος δὲ Σερουίλιος ἔχων τὸν προειρημένον στόλον ἕως μέν τινος ἐπηκολούθει τοῖς Καρχηδονίοις, συνάψειν πεπεισμένος, πολὺ δὲ καθυστερῶν ἀπέγνω. Καὶ τὸ μὲν πρῶτον τῆς Σικελίας Λιλυβαίῳ προσέσχε· μετὰ δὲ ταῦτα καταπλεύσας τῆς Λιβύης ὡς ἐπὶ τὴν τῶν Κερκινητῶν νῆσον καὶ λαβὼν παρ´ αὐτῶν χρήματα τοῦ μὴ πορθῆσαι τὴν χώραν ἀπηλλάγη. Κατὰ δὲ τὸν ἀνάπλουν γενόμενος κύριος νήσου Κοσσύρου καὶ φρουρὰν εἰς τὸ πολισμάτιον εἰσαγαγὼν αὖθις εἰς τὸ Λιλύβαιον κατῆρε. Καὶ τὸ λοιπὸν οὗτος μὲν αὐτοῦ συνορμίσας τὸν στόλον μετ´ οὐ πολὺν χρόνον αὐτὸς ἀνεκομίσθη πρὸς τὰς πεζικὰς δυνάμεις·

XCVII. Οἱ δ´ ἐκ τῆς συγκλήτου πυθόμενοι τὸ γεγονὸς προτέρημα διὰ τοῦ Γναΐου περὶ τὴν ναυμαχίαν καὶ νομίσαντες χρήσιμον εἶναι, μᾶλλον δ´ ἀναγκαῖον τὸ μὴ προΐεσθαι τὰ κατὰ τὴν Ἰβηρίαν, ἀλλ´ ἐνίστασθαι τοῖς Καρχηδονίοις καὶ τὸν πόλεμον αὔξειν, προχειρισάμενοι ναῦς εἴκοσι καὶ στρατηγὸν ἐπιστήσαντες Πόπλιον Σκιπίωνα κατὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς πρόθεσιν, ἐξαπέστελλον μετὰ σπουδῆς πρὸς τὸν ἀδελφὸν Γνάιον, κοινῇ πράξοντα μετ´ ἐκείνου τὰ κατὰ τὴν Ἰβηρίαν. Πάνυ γὰρ ἠγωνίων μὴ κρατήσαντες Καρχηδόνιοι τῶν τόπων ἐκείνων καὶ περιποιησάμενοι χορηγίας ἀφθόνους καὶ χεῖρας ἀντιποιήσωνται μὲν τῆς θαλάττης ὁλοσχερέστερον, συνεπιθῶνται δὲ τοῖς κατὰ τὴν Ἰταλίαν, στρατόπεδα πέμποντες καὶ χρήματα τοῖς περὶ τὸν Ἀννίβαν. Διόπερ ἐν μεγάλῳ τιθέμενοι καὶ τοῦτον τὸν πόλεμον ἐξαπέστειλαν τάς τε ναῦς καὶ τὸν Πόπλιον. Ὃς καὶ παραγενόμενος εἰς Ἰβηρίαν καὶ συμμίξας τἀδελφῷ μεγάλην παρεῖχε χρείαν τοῖς κοινοῖς πράγμασιν. Οὐδέποτε γὰρ πρότερον θαρρήσαντες διαβῆναι τὸν Ἴβηρα ποταμόν, ἀλλ´ ἀσμενίζοντες τῇ τῶν ἐπὶ τάδε φιλίᾳ καὶ συμμαχίᾳ τότε διέβησαν καὶ τότε πρῶτον ἐθάρρησαν ἀντιποιεῖσθαι τῶν πέραν πραγμάτων, μεγάλα καὶ ταὐτομάτου συνεργήσαντος σφίσι πρὸς τοὺς περιεστῶτας καιρούς. Ἐπειδὴ γὰρ καταπληξάμενοι τοὺς περὶ τὴν διάβασιν οἰκοῦντας τῶν Ἰβήρων ἧκον πρὸς τὴν τῶν Ζακανθαίων πόλιν, ἀποσχόντες σταδίους ὡς τετταράκοντα περὶ τὸ τῆς Ἀφροδίτης ἱερὸν κατεστρατοπέδευσαν, λαβόντες τόπον εὐφυῶς κείμενον πρός τε τὴν ἀπὸ τῶν πολεμίων ἀσφάλειαν καὶ πρὸς τὴν ἐκ θαλάττης χορηγίαν· ὁμοῦ γὰρ αὐτοῖς συνέβαινε καὶ τὸν στόλον ποιεῖσθαι τὸν παράπλουν. Ἔνθα δὴ γίνεταί τις πραγμάτων περιπέτεια τοιάδε.

XCVIII.  Καθ´ οὓς καιροὺς Ἀννίβας ἐποιεῖτο τὴν πορείαν εἰς Ἰταλίαν, ὅσαις πόλεσιν ἠπίστησε τῶν κατὰ τὴν Ἰβηρίαν, ἔλαβε παρὰ τούτων ὅμηρα τοὺς υἱεῖς τῶν ἐπιφανεστάτων ἀνδρῶν· οὓς πάντας εἰς τὴν Ζακανθαίων ἀπέθετο πόλιν διά τε τὴν ὀχυρότητα καὶ διὰ τὴν τῶν ἀπολειπομένων ἐπ´ αὐτῆς ἀνδρῶν πίστιν. Ἦν δέ τις ἀνὴρ Ἴβηρ, Ἀβίλυξ ὄνομα, κατὰ μὲν τὴν δόξαν καὶ τὴν τοῦ βίου περίστασιν οὐδενὸς δεύτερος Ἰβήρων, κατὰ δὲ τὴν πρὸς Καρχηδονίους εὔνοιαν καὶ πίστιν πολύ τι διαφέρειν δοκῶν τῶν ἄλλων. Οὗτος θεωρῶν τὰ πράγματα καὶ νομίσας ἐπικυδεστέρας εἶναι τὰς τῶν Ῥωμαίων ἐλπίδας, συνελογίσατο παρ´ ἑαυτῷ περὶ τῆς τῶν ὁμήρων προδοσίας συλλογισμὸν Ἰβηρικὸν καὶ βαρβαρικόν. Πεισθεὶς γὰρ διότι δύναται μέγας γενέσθαι παρὰ Ῥωμαίοις προσενεγκάμενος ἐν καιρῷ πίστιν ἅμα καὶ χρείαν, ἐγίνετο πρὸς τῷ παρασπονδήσας τοὺς Καρχηδονίους ἐγχειρίσαι τοὺς ὁμήρους τοῖς Ῥωμαίοις. Θεωρῶν δὲ τὸν Βώστορα τὸν τῶν Καρχηδονίων στρατηγόν, ὃς ἀπεστάλη μὲν ὑπ´ Ἀσδρούβου κωλύσων τοὺς Ῥωμαίους διαβαίνειν τὸν ποταμόν, οὐ θαρρήσας δὲ τοῦτο ποιεῖν ἀνακεχωρηκὼς ἐστρατοπέδευε τῆς Ζακάνθης ἐν τοῖς πρὸς θάλατταν μέρεσιν, τοῦτον μὲν ἄκακον ὄντα τὸν ἄνδρα καὶ πρᾷον τῇ φύσει, πιστῶς δὲ τὰ πρὸς αὐτὸν διακείμενον, ποιεῖται λόγους ὑπὲρ τῶν ὁμήρων πρὸς τὸν Βώστορα φάσκων, ἐπειδὴ διαβεβήκασι Ῥωμαῖοι τὸν ποταμόν, οὐκέτι δύνασθαι Καρχηδονίους φόβῳ συνέχειν τὰ κατὰ τὴν Ἰβηρίαν, προσδεῖσθαι δὲ τοὺς καιροὺς τῆς τῶν ὑποταττομένων εὐνοίας· νῦν οὖν ἠγγικότων Ῥωμαίων καὶ προσκαθεζομένων τῇ Ζακάνθῃ, καὶ κινδυνευούσης τῆς πόλεως, ἐὰν ἐξαγαγὼν τοὺς ὁμήρους ἀποκαταστήσῃ τοῖς γονεῦσι καὶ ταῖς πόλεσιν, ἐκλύσειν μὲν αὐτὸν τῶν Ῥωμαίων τὴν φιλοτιμίαν· τοῦτο γὰρ αὐτὸ καὶ μάλιστα σπουδάζειν ἐκείνους πρᾶξαι, κυριεύοντας τῶν ὁμήρων· ἐκκαλέσεσθαι δὲ τὴν τῶν Ἰβήρων πάντων πρὸς Καρχηδονίους εὔνοιαν, προϊδόμενον τὸ μέλλον καὶ προνοηθέντα τῆς τῶν ὁμήρων ἀσφαλείας. Τὴν δὲ χάριν αὐξήσειν ἔφη πολλαπλασίαν, αὐτὸς γενόμενος χειριστὴς τοῦ πράγματος. Ἀποκαθιστάνων γὰρ εἰς τὰς πόλεις τοὺς παῖδας οὐ μόνον τὴν παρ´ αὐτῶν εὔνοιαν ἐπισπάσεσθαι τῶν γεννησάντων ἀλλὰ καὶ παρὰ τῶν πολλῶν, ὑπὸ τὴν ὄψιν τιθεὶς διὰ τοῦ συμβαίνοντος τὴν Καρχηδονίων πρὸς τοὺς συμμάχους αἵρεσιν καὶ μεγαλοψυχίαν. Προσδοκᾶν δ´ αὐτὸν ἐκέλευσε καὶ δώρων πλῆθος ἰδίᾳ παρὰ τῶν τὰ τέκνα κομιζομένων· παραδόξως γὰρ ἑκάστους ἐγκρατεῖς γινομένους τῶν ἀναγκαιοτάτων ἅμιλλαν ποιήσεσθαι τῆς εἰς τὸν κύριον τῶν πραγμάτων εὐεργεσίας. Παραπλήσια δὲ τούτοις ἕτερα καὶ πλείω πρὸς τὸν αὐτὸν τρόπον διαλεχθεὶς ἔπεισε τὸν Βώστορα συγκαταθέσθαι τοῖς λεγομένοις.

XCIX. Καὶ τότε μὲν ἐπανῆλθε, ταξάμενος ἡμέραν, ᾗ παρέσται μετὰ τῶν ἐπιτηδείων πρὸς τὴν ἀνακομιδὴν τῶν παίδων. Παραγενηθεὶς δὲ νυκτὸς ἐπὶ τὸ τῶν Ῥωμαίων στρατόπεδον καὶ συμμίξας τισὶ τῶν συστρατευομένων ἐκείνοις Ἰβήρων διὰ τούτων εἰσῆλθε πρὸς τοὺς στρατηγούς. Ἐκλογιζόμενος δὲ διὰ πλειόνων τὴν ἐσομένην ὁρμὴν καὶ μετάπτωσιν πρὸς αὐτοὺς τῶν Ἰβήρων, ἐὰν ἐγκρατεῖς γένωνται τῶν ὁμήρων, ἐπηγγείλατο παραδώσειν αὐτοῖς τοὺς παῖδας. Τῶν δὲ περὶ τὸν Πόπλιον ὑπερβολῇ προθύμως δεξαμένων τὴν ἐλπίδα καὶ μεγάλας ὑπισχνουμένων δωρεάς, τότε μὲν εἰς τὴν ἰδίαν ἀπηλλάγη, συνθέμενος ἡμέραν καὶ καιρὸν καὶ τόπον, ἐν ᾧ δεήσει τοὺς ἐκδεξομένους αὐτὸν ὑπομένειν. Μετὰ δὲ ταῦτα παραλαβὼν τοὺς ἐπιτηδείους τῶν φίλων ἧκε πρὸς τὸν Βώστορα καί, παραδοθέντων αὐτῷ τῶν παίδων ἐκ τῆς Ζακάνθης, νυκτὸς ποιησάμενος τὴν ἔξοδον, ὡς θέλων λαθεῖν, παραπορευθεὶς τὸν χάρακα τῶν πολεμίων ἧκε πρὸς τὸν τεταγμένον καιρὸν καὶ τόπον καὶ πάντας ἐνεχείρισε τοὺς ὁμήρους τοῖς ἡγεμόσι τῶν Ῥωμαίων. Οἱ δὲ περὶ τὸν Πόπλιον ἐτίμησάν τε διαφερόντως τὸν Ἀβίλυγα καὶ πρὸς τὴν ἀποκατάστασιν τῶν ὁμήρων εἰς τὰς πατρίδας ἐχρήσαντο τούτῳ, συμπέμψαντες τοὺς ἐπιτηδείους. Ὃς ἐπιπορευόμενος τὰς πόλεις καὶ διὰ τῆς τῶν παίδων ἀποκαταστάσεως τιθεὶς ὑπὸ τὴν ὄψιν τὴν τῶν Ῥωμαίων πρᾳότητα καὶ μεγαλοψυχίαν παρὰ τὴν Καρχηδονίων ἀπιστίαν καὶ βαρύτητα καὶ προσπαρατιθεὶς τὴν αὑτοῦ μετάθεσιν πολλοὺς Ἰβήρων παρώρμησε πρὸς τὴν τῶν Ῥωμαίων φιλίαν. Βώστωρ δὲ παιδικώτερον (ἢ) κατὰ τὴν ἡλικίαν δόξας ἐγκεχειρικέναι τοὺς ὁμήρους τοῖς πολεμίοις οὐκ εἰς τοὺς τυχόντας ἐπεπτώκει κινδύνους. Καὶ τότε μέν, ἤδη τῆς ὥρας κατεπειγούσης, διέλυον εἰς παραχειμασίαν ἀμφότεροι τὰς δυνάμεις, ἱκανοῦ τινος ἐκ τῆς τύχης γεγονότος συνεργήματος τοῖς Ῥωμαίοις τοῦ περὶ τοὺς παῖδας πρὸς τὰς ἐπικειμένας ἐπιβολάς. Καὶ τὰ μὲν κατὰ τὴν Ἰβηρίαν ἐν τούτοις ἦν.

C. Ὁ δὲ στρατηγὸς Ἀννίβας, ὅθεν ἀπελίπομεν, πυνθανόμενος παρὰ τῶν κατασκόπων πλεῖστον ὑπάρχειν σῖτον ἐν τῇ περὶ τὴν Λουκαρίαν καὶ τὸ καλούμενον Γερούνιον χώρᾳ, πρὸς δὲ τὴν συναγωγὴν εὐφυῶς ἔχειν τὸ Γερούνιον, κρίνας ἐκεῖ ποιεῖσθαι τὴν παραχειμασίαν, προῆγε ποιούμενος τὴν πορείαν παρὰ τὸ *Λίβυρνον ὄρος ἐπὶ τοὺς προειρημένους τόπους. Ἀφικόμενος δὲ πρὸς τὸ Γερούνιον, ὃ τῆς Λουκαρίας ἀπέχει διακόσια στάδια, τὰς μὲν ἀρχὰς διὰ λόγων τοὺς ἐνοικοῦντας εἰς φιλίαν προυκαλεῖτο καὶ πίστεις ἐδίδου τῶν ἐπαγγελιῶν, οὐδενὸς δὲ προσέχοντος, πολιορκεῖν ἐπεβάλετο. Ταχὺ δὲ γενόμενος κύριος τοὺς μὲν οἰκήτορας κατέφθειρε, τὰς δὲ πλείστας οἰκίας ἀκεραίους διεφύλαξε καὶ τὰ τείχη, βουλόμενος σιτοβολίοις χρήσασθαι πρὸς τὴν παραχειμασίαν. Τὴν δὲ δύναμιν πρὸ τῆς πόλεως παρεμβαλὼν ὠχυρώσατο τάφρῳ καὶ χάρακι τὴν στρατοπεδείαν. Γενόμενος δ´ ἀπὸ τούτων τὰ μὲν δύο μέρη τῆς δυνάμεως ἐπὶ τὴν σιτολογίαν ἐξέπεμπε, προστάξας καθ´ ἑκάστην ἡμέραν τακτὸν ἀναφέρειν μέτρον ἕκαστον τοῖς ἰδίοις, ἐπιβολὴν τοῦ τάγματος τοῖς προκεχειρισμένοις ἐπὶ τὴν οἰκονομίαν ταύτην, τῷ δὲ τρίτῳ μέρει τήν τε στρατοπεδείαν ἐτήρει καὶ τοῖς σιτολογοῦσι παρεφήδρευε κατὰ τόπους. Οὔσης δὲ τῆς μὲν χώρας τῆς πλείστης εὐεφόδου καὶ πεδιάδος, τῶν δὲ συναγόντων ὡς ἔπος εἰπεῖν ἀναριθμήτων, ἔτι δὲ τῆς ὥρας ἀκμαζούσης πρὸς τὴν συγκομιδήν, ἄπλετον συνέβαινε καθ´ ἑκάστην ἡμέραν ἁθροίζεσθαι τοῦ σίτου τὸ πλῆθος.

XCVI. Hasdrubal, à qui ses éclaireurs avaient depuis longtemps signalé l'arrivée des Romains, rangea ses troupes de terre sur la côte, fit embarquer les équipages, et quand les Romains furent assez près, les Carthaginois, jetant le cri de guerre, levèrent l'ancre, afin d'en venir aux mains» Le combat engagé, ils balancèrent un instant la victoire, mais bientôt ils furent réduits à fuir, et la présence de l'armée de terre, qui bordait le rivage, servit moins à leur inspirer du courage dans l'action qu'elle ne leur nuisit en leur offrant la perspective d'un asile assuré. Après avoir perdu deux vaisseaux avec leur équipage, et en avoir vu quatre autres dépouillée de leurs rames et de leurs hommes, ils se dirigèrent vers la terre, Serrés de près par les Romains, ils se firent échouer, et, s'élançant de leurs navires, coururent se cacher dans les rangs de leurs 272 soldats. A cette vue, les Romains approchèrent hardiment du rivage, remorquèrent les navires, qu'ils purent mettre en mouvement; puis ils regagnèrent la haute mer, pleins de joie d'avoir vaincu les ennemis dès le premier choc, de rester maîtres de la mer en ces parages et d'avoir en leur pouvoir cinq vaisseaux carthaginois! Ce succès releva en Espagne les espérances des Romains. A Carthage, dès qu'on apprit la défaite d'Hasdrubal, on équipa soixante-dix vaisseaux qui mirent sur-le-champ à la voile : tant l'empire de la mer semblait à cette république nécessaire à ses desseins! La flotte se rendit d'abord en Sardaigne, et de là en Italie, à Pise, où les équipages se promettaient de rallier Annibal. Mais les Romains, avec cent vingt vaisseaux longs à cinq rangs de rames, allèrent de cette ville au-devant des Carthaginois, et ceux-ci, informés du départ de ces forces, cinglèrent vers la Sardaigne, et de là vers l'Afrique. Cnéus Servilius, qui était à la tête de la flotte romaine, suivit quelque temps celle de Carthage, dans l'espoir de le rejoindre ; puis, comme l'ennemi avait sur lui beaucoup d'avance, il abandonna son dessein. De Lilybée en Sicile, il dirigea sa course sur Cercina, île africaine, et la quitta après que les habitants lui eurent remis de l'argent pour échapper au pillage. Il prit Cossyre au retour, mit une garnison dans la petite capitale de cette île et regagna Lilybée. Il y plaça sa flotte en observation et vint rejoindre l'armée de terre.

XCVII. A la nouvelle de la victoire remportée par Cnéus, le sénat, convaincu qu'il était utile ou plutôt nécessaire, loin de négliger l'Espagne, d'y pousser la guerre plus que partout ailleurs et d'y serrer de près les Carthaginois, arma vingt vaisseaux, les confia, suivant ses premières vues, à Publius Scipion, et renvoya en toute hâte auprès de son frère Cnéus, pour diriger de concert avec lui les affaires de ce côté. Rome craignait avant tout que les Carthaginois, une fois maîtres de ces 273 contrées, et dès lors ayant à leur disposition et des bras nombreux et des vivres abondants, n'aspirassent plus ouvertement à l'empire de la mer, et ne prêtassent un redoutable appui à leurs frères d'Italie, par des envois d'hommes et d'argent à Annibal. Aussi, regardant la guerre d'Espagne comme de la plus haute importance, se pressa-t-elle d'envoyer auprès de Cnéus la flotte que j'ai dite avec Publius. Réuni bientôt à son frère, Publius rendit les plus grands services à la cause de la république. Jusqu'ici les Romains n'avaient pas osé franchir l'Èbre, et s'étaient contentés de l'alliance ou de l'amitié de quelques peuples placés en deçà du fleuve. Ils s'enhardirent alors à le passer, et à tenter, au delà de cette limite, quelques conquêtes nouvelles. Le hasard, du reste, en cette circonstance, servit merveilleusement leurs désirs. Après avoir répandu la terreur parmi les peuples qui habitaient les rives du fleuve à l'endroit où ils le traversèrent, ils s'étaient avancés jusqu'à Sagonte, et avaient établi leur camp près du temple de Vénus, à quarante stades environ de la ville ; c'était un emplacement qui les mettait à la fois à l'abri de l'ennemi , et qui leur assurait des vivres du côté de la mer. Leur flotte s'avançait de conserve avec l'armée de terre. Ce campement amena dans leur position le changement que je vais dire.

XCVIII. A l'époque où Annibal était parti pour l'Italie, il avait demandé à toutes les villes espagnoles dont il se défiait les fils de leurs citoyens les plus illustres, comme gages de leur fidélité ; et ces otages, il les avait déposés dans Sagonte, doublement défendue par de fortes murailles, et par le dévouement des troupes qui y tenaient garnison. Là se trouvait un certain Espagnol nommé Abilyx, qui ne le cédait à aucun en noblesse et en gloire, et passait pour l'emporter sur tous par son amour et son dévouement pour Carthage. A la vue des derniers événements, persuadé que la fortune de Rome prenait une face meilleure, il songea, tout d'abord en 274 Espagnol, en barbare, à livrer lés otages au vainqueur (23). Certain de trouver chez les Romains honneur et crédit, s'il savait à propos leur offrir ses services et sa foi, il ne s'occupa plus que de trahir les Carthaginois et de remettre entre les mains de Rome les captifs. Il connaissait Boétar, général carthaginois, qu'Hasdrubal avait envoyé pour s'opposer au passage de la flotte romaine, et qui, faute de courage, ayant battu en retraite , était venu camper près de Sagonte, du côté de la mer. Il savait que c'était un homme sans finesse, d'une nature douce, disposé à lui accorder toute créance. Il alla donc l'entretenir au sujet des otages, et lui dit que les Romains ayant franchi l'Ebre, les Carthaginois ne pouvaient plus contenir par la crainte les peuples dans le devoir; et que, dans les circonstances présentes, ils devaient avant tout se les attacher pat l'amitié. Maintenant, ajoutait-il, que les Romains étaient proches , et que campés sous les murs de Sagonte ils menaçaient la ville, s'il faisait sortir les otages et les restituait à leurs parents, à leur patrie, il renversait d'abord les plus chers desseins de l'ennemi (car les Romains n'aspiraient à devenir maîtres de la place qu'afin de les rendre à la liberté ) et gagnait du même coup aux Carthaginois les cœurs des Espagnols, en veillant par une sage prévoyance de l'avenir à la sûreté de leurs fils. Pour lui, il promettait, s'il était choisi comme ministre d'un si grand bienfait, de le faire grandement valoir. Qu'on lui donne les enfants à reconduire dans leurs villes, et non-seulement il assure à Carthage la reconnaissance des parents, mais encore celle des populations entières à qui il peindra, sous les plus vives couleurs, la bienveillance de cette république à l'égard de ses alliée. Enfin, il lui dit d'attendre de la gratitude des familles des présents magnifiques, Rentrés en possession des objets 275 les plus chers à leurs cœurs, elle» rivaliseront toutes de libéralité envers l'auteur d'une telle action. Ill lui tint encore quelques propos de ce genre, et l'amen» à écouter ses conseils.

XCIX. Il le quitta après avoir fixé le jour où il devait revenir avec des hommes sûrs, propres à ramener chez eux les captifs; puis il se rendit la nuit même au camp des Romains, et, s'étant adressé à quelques Espagnols qui servaient Rome, fut facilement admis auprès des généraux. Il leur représenta longuement l'Espagne sa donnant aux Romains, par un mouvement soudain, si elle venait à recouvrer les otages, et s'engagea à les leur livrer, Pubidus accueillit cette promesse avec la joie la plus vive, fit espérer de magnifiques récompenses au traître , et Abilyx se retira chez lui après avoir pris le jour , l'heure , l'endroit, où devaient l'attendre les agents chargés de recevoir les otages. Cela convenu, il retourna auprès de Bostar avec quelques amis sur qui il pouvait compter, prit de ses mains les enfants retenus dans Sagonte, sortit pendant la nuit, comme s'il voulait échapper aux regards des Romains , passa au delà de leurs retranchements, et se trouva à l'heure dite au rendez-vous, pour remettre les otages aux généraux romains, Publius lui témoigna dès lors les plus grands égards, lui confia le soin de ramener les en fants dans leurs familles, en lui adjoignant toutefois quelques hommes qui lui appartenaient, Abilyx aussitôt se mit à parcourir les villes, et, à mesure qu'il rendait les otages, faisant briller aux yeux de tous la douceur et la générosité des Romains, qui contrastait avec la défiance et la dureté des Carthaginois, ajoutant à cela l'exemple de sa propre défection, il poussa un nombre considérable de peuples à embrasser la cause des Romains. Bostar , qui passa pour avoir livré aux ennemis les otages avec une crédulité puérile et indigne de son âge, courut à ce propos de grands dangers. Comme la saison était avancée, les deux partis menèrent cha- 276 cun leur armée dans les quartiers d'hiver. Mais quels avantages ce coup du sort, la trahison d'Abilyx, n'offrait-il pas aux Romains pour l'avenir! Tel était l'état de l'Espagne.

C. En Italie, Annibal, informé.par ses espions qu'il y avait dans les campagnes de Lucéria et de Gérunium du blé en grande quantité, et que cette dernière ville était parfaitement disposée pour servir de magasin, résolut d'y passer la mauvaise saison ; et pour s'y rendre, il franchit le mont Livourne (24). Lorsqu'il fut arrivé près de Gérunium, qui est à deux cents stades de Lucéria, il essaya d'abord d'attirer à soi les habitants par des pourparlers, et même leur offrit des garanties de ses promesses. Comme on ne l'écoutait pas, il mit le siège devant la place, s'en rendit promptement maître, passa les citoyens au fil de l'épée, et laissa debout la plupart des maisons et des murs, pour s'en servir comme de greniers pendant l'hiver. Puis il établit son armée sous les murailles, et entoura le camp d'un retranchement et d'un fossé. Ces précautions prises, il divisa ainsi le travail : il envoyait les deux tiers de son armée au fourrage, et chaque soldat devait chaque jour rapporter une certaine mesure de blé aux officiers spécialement chargés des vivres ; le dernier tiers gardait le camp et veillait par détachements à la sûreté des fourrageurs. Le pays n'était qu'une vaste plaine d'un accès facile ; le nombre des travailleurs était immense, la saison favorable au transport ; aussi, chaque jour les Carthaginois ramassaient une quantité prodigieuse de blé.

CI. Μάρκος δὲ παρειληφὼς τὰς δυνάμεις παρὰ Φαβίου τὸ μὲν πρῶτον ἀντιπαρῆγε ταῖς ἀκρωρείαις, πεπεισμένος ἀεὶ περὶ τὰς ὑπερβολὰς συμπεσεῖσθαί ποτε τοῖς Καρχηδονίοις. Ἀκούσας δὲ τὸ μὲν Γερούνιον τοὺς (περὶ τὸν Ἀννίβαν) ἤδη κατέχειν, τὴν δὲ χώραν σιτολογεῖν, πρὸ δὲ τῆς πόλεως χάρακα βεβλημένους στρατοπεδεύειν, ἐπιστρέψας ἐκ τῶν (ἀκρωρειῶν) κατέβαινε κατὰ τὴν ἐπὶ τὰ πεδία κατατείνουσαν ῥάχιν. Ἀφικόμενος δ´ ἐπὶ τὴν ἄκραν, ἣ κεῖται μὲν ἐπὶ τῆς Λαρινάτιδος χώρας προσαγορεύεται δὲ Καλήνη, κατεστρατοπέδευσε περὶ ταύτην, πρόχειρος ὢν ἐκ παντὸς τρόπου συμπλέκεσθαι τοῖς πολεμίοις. Ἀννίβας δὲ θεωρῶν ἐγγίζοντας τοὺς πολεμίους τὸ μὲν τρίτον μέρος τῆς δυνάμεως εἴασε σιτολογεῖν, τὰ δὲ δύο μέρη λαβὼν καὶ προελθὼν ἀπὸ τῆς πόλεως ἑκκαίδεκα σταδίους πρὸς τοὺς πολεμίους ἐπί τινος βουνοῦ κατεστρατοπέδευσε, βουλόμενος ἅμα μὲν καταπλήξασθαι τοὺς ὑπεναντίους, ἅμα δὲ τοῖς σιτολογοῦσι τὴν ἀσφάλειαν παρασκευάζειν. Μετὰ δὲ ταῦτα, γεωλόφου τινὸς ὑπάρχοντος μεταξὺ τῶν στρατοπέδων, ὃς εὐκαίρως καὶ σύνεγγυς ἐπέκειτο τῇ τῶν πολεμίων παρεμβολῇ, τοῦτον ἔτι νυκτὸς ἐξαποστείλας περὶ δισχιλίους τῶν λογχοφόρων κατελάβετο. Οὓς ἐπιγενομένης τῆς ἡμέρας συνιδὼν Μάρκος ἐξῆγε τοὺς εὐζώνους καὶ προσέβαλε τῷ λόφῳ. Γενομένου δ´ ἀκροβολισμοῦ νεανικοῦ, τέλος ἐπεκράτησαν οἱ Ῥωμαῖοι καὶ μετὰ ταῦτα τὴν ὅλην στρατοπεδείαν μετεβίβασαν εἰς τοῦτον τὸν τόπον. Ὁ δ´ Ἀννίβας ἕως μέν τινος διὰ τὴν ἀντιστρατοπεδείαν συνεῖχεν τὸ πλεῖστον μέρος τῆς δυνάμεως ἐφ´ αὑτόν. Πλειόνων δὲ γενομένων ἡμερῶν, ἠναγκάζετο τοὺς μὲν ἐπὶ τὴν νομὴν τῶν θρεμμάτων ἀπομερίζειν τοὺς δ´ ἐπὶ τὴν σιτολογίαν, σπουδάζων κατὰ τὴν ἐν ἀρχῇ πρόθεσιν μήτε τὴν λείαν καταφθεῖραι τόν τε σῖτον ὡς πλεῖστον συναγαγεῖν, ἵνα πάντων ᾖ κατὰ τὴν παραχειμασίαν δαψίλεια τοῖς ἀνδράσιν, μὴ χεῖρον δὲ τοῖς ὑποζυγίοις καὶ τοῖς ἵπποις· εἶχε γὰρ τὰς πλείστας ἐλπίδας τῆς αὑτοῦ δυνάμεως ἐν τῷ τῶν ἱππέων τάγματι.

CII. Καθ´ ὃν δὴ καιρὸν Μάρκος συνθεωρήσας τὸ πολὺ μέρος τῶν ὑπεναντίων ἐπὶ τὰς προειρημένας χρείας κατὰ τῆς χώρας σκεδαννύμενον, λαβὼν τὸν ἀκμαιότατον καιρὸν τῆς ἡμέρας ἐξῆγε τὴν δύναμιν καὶ συνεγγίσας τῇ παρεμβολῇ τῶν Καρχηδονίων τὰ μὲν βαρέα τῶν ὅπλων ἐξέταξε, τοὺς δ´ ἱππεῖς καὶ τοὺς εὐζώνους κατὰ μέρη διελὼν ἐπαφῆκε τοῖς προνομεύουσι, παραγγείλας μηδένα ζωγρεῖν. Ἀννίβας δὲ τούτου συμβάντος εἰς ἀπορίαν ἐνεπεπτώκει μεγάλην· οὔτε γὰρ ἀντεξάγειν τοῖς παρατεταγμένοις ἀξιόχρεως ἦν οὔτε παραβοηθεῖν τοῖς ἐπὶ τῆς χώρας διεσπαρμένοις. Τῶν δὲ Ῥωμαίων οἱ μὲν ἐπὶ τοὺς προνομεύοντας ἐξαποσταλέντες πολλοὺς τῶν ἐσκεδασμένων ἀπέκτειναν· οἱ δὲ παρατεταγμένοι τέλος εἰς τοῦτ´ ἦλθον καταφρονήσεως ὥστε καὶ διασπᾶν τὸν χάρακα καὶ μόνον οὐ πολιορκεῖν τοὺς Καρχηδονίους. Ὁ δ´ Ἀννίβας ἦν μὲν ἐν κακοῖς, ὅμως δὲ χειμαζόμενος ἔμενε, τοὺς πελάζοντας ἀποτριβόμενος καὶ μόλις διαφυλάττων τὴν παρεμβολήν, ἕως Ἀσδρούβας ἀναλαβὼν τοὺς ἀπὸ τῆς χώρας συμπεφευγότας εἰς τὸν χάρακα τὸν περὶ τὸ Γερούνιον, ὄντας εἰς τετρακισχιλίους, ἧκε παραβοηθῶν. Τότε δὲ μικρὸν ἀναθαρρήσας ἐπεξῆλθε καὶ βραχὺ πρὸ τῆς στρατοπεδείας παρεμβαλὼν μόλις ἀπεστρέψατο τὸν ἐνεστῶτα κίνδυνον. Μάρκος δὲ πολλοὺς μὲν ἐν τῇ περὶ τὸν χάρακα συμπλοκῇ τῶν πολεμίων ἀποκτείνας, ἔτι δὲ πλείους ἐπὶ τῆς χώρας διεφθαρκώς, τότε μὲν ἐπανῆλθεν, μεγάλας ἐλπίδας ἔχων ὑπὲρ τοῦ μέλλοντος. Τῇ δ´ ἐπαύριον ἐκλιπόντων τὸν χάρακα τῶν Καρχηδονίων, ἐπέβη καὶ κατελάβετο τὴν ἐκείνων παρεμβολήν. Ὁ γὰρ Ἀννίβας διαγωνιάσας τοὺς Ῥωμαίους μὴ καταλαβόμενοι νυκτὸς ἔρημον ὄντα τὸν ἐπὶ τῷ Γερουνίῳ χάρακα κύριοι γένωνται τῆς ἀποσκευῆς καὶ τῶν παραθέσεων, ἔκρινεν αὐτὸς ἀναχωρεῖν καὶ πάλιν ἐκεῖ ποιεῖσθαι τὴν στρατοπεδείαν. Ἀπὸ δὲ τούτων τῶν καιρῶν οἱ μὲν Καρχηδόνιοι ταῖς προνομαῖς εὐλαβέστερον ἐχρῶντο καὶ φυλακτικώτερον, οἱ δὲ Ῥωμαῖοι τἀναντία θαρραλεώτερον καὶ προπετέστερον.

CIII. Οἱ δ´ ἐν τῇ Ῥώμῃ, προσπεσόντος σφίσι τοῦ γεγονότος μειζόνως ἢ κατὰ τὴν ἀλήθειαν, περιχαρεῖς ἦσαν διὰ τὸ πρῶτον μὲν ἐκ τῆς προϋπαρχούσης ὑπὲρ τῶν ὅλων δυσελπιστίας οἱονεὶ μεταβολήν τινα πρὸς τὸ βέλτιον αὐτοῖς προφαίνεσθαι, δεύτερον δὲ καὶ διὰ τὸ δοκεῖν τὸν πρὸ τούτου χρόνον τὴν ἀπραγίαν καὶ κατάπληξιν τῶν στρατοπέδων μὴ παρὰ τὴν τῶν δυνάμεων ἀποδειλίασιν, ἀλλὰ παρὰ τὴν τοῦ προεστῶτος εὐλάβειαν γεγονέναι. Διὸ καὶ τὸν μὲν Φάβιον ᾐτιῶντο καὶ κατεμέμφοντο πάντες ὡς ἀτόλμως χρώμενον τοῖς καιροῖς, τὸν δὲ Μάρκον ἐπὶ τοσοῦτον ηὖξον διὰ τὸ συμβεβηκὸς ὥστε τότε γενέσθαι τὸ μηδέποτε γεγονός· αὐτοκράτορα γὰρ κἀκεῖνον κατέστησαν, πεπεισμένοι ταχέως αὐτὸν τέλος ἐπιθήσειν τοῖς πράγμασι· καὶ δὴ δύο δικτάτορες ἐγεγόνεισαν ἐπὶ τὰς αὐτὰς πράξεις, ὃ πρότερον οὐδέποτε συνεβεβήκει παρὰ Ῥωμαίοις. Τῷ δὲ Μάρκῳ διασαφηθείσης τῆς τε τοῦ πλήθους εὐνοίας καὶ τῆς παρὰ τοῦ δήμου δεδομένης ἀρχῆς αὐτῷ, διπλασίως παρωρμήθη πρὸς τὸ παραβάλλεσθαι (καὶ) κατατολμᾶν τῶν πολεμίων. ἧκε δὲ καὶ Φάβιος ἐπὶ τὰς δυνάμεις οὐδὲν ἠλλοιωμένος ὑπὸ τῶν συμβεβηκότων, ἔτι δὲ βεβαιότερον μένων ἐπὶ τῆς ἐξ ἀρχῆς διαλήψεως. Θεωρῶν δὲ τὸν Μάρκον ἐκπεφυσημένον καὶ πρὸς πάντ´ ἀντιφιλονικοῦντα καὶ καθόλου πολὺν ὄντα πρὸς τῷ διακινδυνεύειν, αἵρεσιν αὐτῷ προύτεινε τοιαύτην, ἢ κατὰ μέρος ἄρχειν ἢ διελόμενον τὰς δυνάμεις χρῆσθαι τοῖς σφετέροις στρατοπέδοις κατὰ τὴν αὑτοῦ προαίρεσιν. Τοῦ δὲ καὶ λίαν ἀσμένως δεξαμένου τὸν μερισμόν, διελόμενοι τὸ πλῆθος χωρὶς ἐστρατοπέδευσαν ἀλλήλων, ἀπέχοντες ὡς δώδεκα σταδίους.

CIV. Ἀννίβας δὲ τὰ μὲν ἀκούων τῶν ἁλισκομένων αἰχμαλώτων, τὰ δὲ θεωρῶν ἐκ τῶν πραττομένων ᾔδει τήν τε τῶν ἡγεμόνων πρὸς ἀλλήλους φιλοτιμίαν καὶ τὴν ὁρμὴν καὶ τὴν φιλοδοξίαν τοῦ Μάρκου. Διόπερ οὐ καθ´ αὑτοῦ, πρὸς αὑτοῦ δὲ νομίσας εἶναι τὰ συμβαίνοντα περὶ τοὺς ἐναντίους, ἐγίνετο περὶ τὸν Μάρκον, σπουδάζων τὴν τόλμαν ἀφελέσθαι καὶ προκαταλαβεῖν αὐτοῦ τὴν ὁρμήν. Οὔσης δέ τινος ὑπεροχῆς μεταξὺ τῆς αὐτοῦ καὶ τῆς τοῦ Μάρκου στρατοπεδείας δυναμένης ἑκατέρους βλάπτειν, ἐπεβάλετο καταλαβεῖν ταύτην. Σαφῶς δὲ γινώσκων ἐκ τοῦ προγεγονότος κατορθώματος ὅτι παρέσται βοηθῶν ἐκ χειρὸς πρὸς ταύτην τὴν ἐπιβολήν, ἐπινοεῖ τι τοιοῦτον. Τῶν γὰρ τόπων τῶν περὶ τὸν λόφον ὑπαρχόντων ψιλῶν μέν, πολλὰς δὲ καὶ παντοδαπὰς ἐχόντων περικλάσεις κοιλότητας, ἐξέπεμψε τῆς νυκτὸς εἰς τὰς ἐπιτηδειοτάτας ὑποβολὰς ἀνὰ διακοσίους καὶ τριακοσίους, πεντακοσίους μὲν ἱππεῖς, ψιλοὺς δὲ καὶ πεζοὺς τοὺς πάντας εἰς πεντακισχιλίους. ἵνα δὲ μὴ πρῲ κατοπτευθῶσιν ὑπὸ τῶν εἰς τὰς προνομὰς ἐκπορευομένων, ἅμα τῷ διαυγάζειν κατελάμβανε τοῖς εὐζώνοις τὸν λόφον. Ὁ δὲ Μάρκος θεωρῶν τὸ γινόμενον καὶ νομίσας ἑρμαῖον εἶναι παραυτίκα μὲν ἐξαπέστειλε τοὺς ψιλούς, κελεύσας ἀγωνίζεσθαι καὶ διαμάχεσθαι περὶ τοῦ τόπου, μετὰ δὲ ταῦτα τοὺς ἱππεῖς· ἑξῆς δὲ τούτοις κατόπιν αὐτὸς ἦγε συνεχῆ τὰ βαρέα τῶν ὅπλων, καθάπερ καὶ πρότερον, ἑκάστων ποιούμενος παραπλήσιον τὸν χειρισμόν.

CV. Ἄρτι δὲ τῆς ἡμέρας διαφαινούσης, καὶ πάντων ταῖς τε διανοίαις καὶ τοῖς ὄμμασι περιεσπασμένων περὶ τοὺς ἐν τῷ γεωλόφῳ κινδυνεύοντας, ἀνύποπτος ἦν ἡ τῶν ἐνεδρευόντων ὑποβολή. Τοῦ δ´ Ἀννίβου συνεχῶς μὲν ἐπαποστέλλοντος τοῖς ἐν τῷ λόφῳ τοὺς βοηθήσοντας, ἑπομένου δὲ κατὰ πόδας αὐτοῦ μετὰ τῶν ἱππέων καὶ τῆς δυνάμεως, ταχέως συνέβη καὶ τοὺς ἱππεῖς συμπεσεῖν ἀλλήλοις. Οὗ γενομένου, καὶ πιεζομένων τῶν Ῥωμαίων εὐζώνων ὑπὸ τοῦ πλήθους τῶν ἱππέων, ἅμα μὲν οὗτοι καταφεύγοντες εἰς τὰ βαρέα τῶν ὅπλων θόρυβον ἐποίουν, ἅμα δὲ τοῦ συνθήματος ἀποδοθέντος τοῖς ἐν ταῖς ἐνέδραις, πανταχόθεν ἐπιφαινομένων καὶ προσπιπτόντων τούτων, οὐκέτι περὶ τοὺς εὐζώνους μόνον, ἀλλὰ περὶ πᾶν τὸ στράτευμα μέγας κίνδυνος συνειστήκει τοῖς Ῥωμαίοις. Κατὰ δὲ τὸν καιρὸν τοῦτον Φάβιος θεωρῶν τὸ γινόμενον καὶ διαγωνιάσας μὴ σφαλῶσι τοῖς ὅλοις, ἐξῆγε τὰς δυνάμεις καὶ κατὰ σπουδὴν ἐβοήθει τοῖς κινδυνεύουσι. Ταχὺ δὲ συνεγγίσαντος αὐτοῦ, πάλιν ἀναθαρρήσαντες οἱ Ῥωμαῖοι, καίπερ λελυκότες ἤδη τὴν ὅλην τάξιν, αὖθις ἁθροιζόμενοι περὶ τὰς σημείας ἀνεχώρουν καὶ κατέφευγον ὑπὸ τὴν τούτων ἀσφάλειαν, πολλοὺς μὲν ἀπολελωκότες τῶν εὐζώνων, ἔτι δὲ πλείους ἐκ τῶν ταγμάτων καὶ τοὺς ἀρίστους ἄνδρας. Οἱ δὲ περὶ τὸν Ἀννίβαν καταπλαγέντες τὴν ἀκεραιότητα καὶ σύνταξιν τῶν παραβεβοηθηκότων στρατοπέδων ἀπέστησαν τοῦ διωγμοῦ καὶ τῆς μάχης. Τοῖς μὲν οὖν παρ´ αὐτὸν γενομένοις τὸν κίνδυνον ἦν ἐναργὲς ὅτι διὰ μὲν τὴν Μάρκου τόλμαν ἀπόλωλε τὰ ὅλα, διὰ δὲ τὴν εὐλάβειαν τοῦ Φαβίου σέσωσται καὶ πρὸ τοῦ καὶ νῦν· τοῖς δ´ ἐν τῇ Ῥώμῃ τότ´ ἐγένετο φανερὸν ὁμολογουμένως τί διαφέρει στρατιωτικῆς προπετείας καὶ κενοδοξίας στρατηγικὴ πρόνοια καὶ λογισμὸς ἑστὼς καὶ νουνεχής. Οὐ μὴν ἀλλ´ οἱ μὲν Ῥωμαῖοι διδαχθέντες ὑπὸ τῶν πραγμάτων καὶ βαλόμενοι χάρακα πάλιν ἕνα πάντες ἐστρατοπέδευσαν ὁμόσε καὶ λοιπὸν ἤδη Φαβίῳ προσεῖχον τὸν νοῦν καὶ τοῖς ὑπὸ τούτου παραγγελλομένοις. Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι τὸν μὲν μεταξὺ τόπον τοῦ βουνοῦ καὶ τῆς σφετέρας παρεμβολῆς διετάφρευσαν, περὶ δὲ τὴν κορυφὴν τοῦ καταληφθέντος λόφου χάρακα περιβαλόντες καὶ φυλακὴν ἐπιστήσαντες λοιπὸν ἤδη πρὸς τὴν χειμασίαν ἀσφαλῶς ἡτοιμάζοντο.

CI. Marcus, après avoir reçu l'armée des mains de Fabius, fit d'abord quelques évolutions de hauteur en hauteur, dans l'espoir d'attirer une fois les Carthaginois sur ce terrain, et de les y combattre. Instruit bien- 277 tôt qu'Annibal était maître de Gérunium, qu'il faisait du blé dans toute la campagne, et avait un camp fortifié sous les murs de la ville,, il quitta les montagnes, descendit la colline qui peu à peu conduit dans la plaine, et vint camper près de la citadelle placée sur le territoire de Lavinium , qu'on appelle Calèle, disposé à livrer bataille de quelque manière que ce fût. Dès qu'Annibal vit approcher les Romains, il confia au dernier tiers de son armée le soin de fourrager, prit avec lui les deux autres, poussa sa marche à une distance de seize stades, et s'établit sur une hauteur afin de pouvoir à la fois effrayer l'ennemi et prêter secours aux fourrageurs, Entre les deux camps s'élevait un autre tertre qui dominait fort à propos l'armée romaine ; Annibal y envoya durant la nuit deux mille soldats légèrement armés. De son côté, au lever du jour, Marcus se fut a peine aperçu que ce poste était occupé, qu'il se mit à la tête des troupes légères pour l'attaquer. A la suite d'une vive mêlée, les Romains finirent par s'en emparer, et transportèrent en ce lieu toutes leurs forces. Annibal, inquiet de la proximité de Marcus, retint d'abord quelque temps auprès de lui plus de la moitié de son armée ; mais il fut enfin obligé d'en détacher une partie pour mener paître les troupeaux , une autre pour faire du fourrage ; car il voulait avant tout, comme il se l'était promis, ne pas consommer inutilement son butin et rassembler du blé autant qu'il était possible, afin d'assurer dans ses quartiers d'hiver d'abondantes provisions à ses soldats, aux bêtes de somme et aux chevaux. C'était en sa cavalerie qu'il plaçait ses plus belles espérances.

CII. Marcus, à la vue des ennemis que leurs travaux tenaient dispersés en grande partie dans la plaine, choisit l'heure du jour qui lui semblait la plus favorable pour faire sortir son armée du camp. A peu de distance des retranchements d'Annibal, il mit en ordre de bataille les soldats pesamment armés} et divisant 278 par pelotons les cavaliers et les troupes légères, les lança sur les fourrageurs avec ordre de ne pas faire de prisonniers. Cette manœuvre mit Annibal dans un grand embarras : il ne pouvait ni marcher contre l'ennemi qu'il avait en face, ni prêter appui à ses soldats répandus dans la plaine. Les Romains envoyés contre les fourrageurs en tuèrent un grand nombre, et ceux que Marcus avait laissés près d'Annibal en vinrent a mépriser assez les Carthaginois pour arracher la palissade qui les protégeait, et pour les assiéger presque dans leur camp. Annibal était dans une terrible position ; mais il tint tête à l'orage, et, repoussant l'ennemi à mesure qu'il avançait, défendant le mieux qu'il pouvait sa palissade, il résista jusqu'à ce qu'enfin Hasdrubal vint à son secours avec quatre mille soldats qui s'étaient réfugiés de la plaine dans le camp de Gérunium. Enhardi par l'arrivée de ce renfort, il sortit de ses retranchements, mit son armée en bataille à quelque distance, et se tira bien qu'avec peine du péril où il était. Marcus, après avoir tué beaucoup de monde aux Carthaginois près de la palissade, et leur avoir fait éprouver des pertes plus grandes encore dans la campagne, se retira plein d'espoir. Le lendemain il vint prendre possession du camp qu'Annibal venait d'abandonner. Car dans la crainte que les Romains ne s'emparassent à la faveur de la nuit du camp de Gérunium , demeuré sans défense, et par là manque des munitions et des vivres qu'il y avait entassés, le général carthaginois avait jugé à propos de battre en retraite et de reprendre son poste sous les murs de Gérunium. Dès lors, autant les Carthaginois allèrent au fourrage avec circonspection et prudence, autant les Romains y coururent avec audace et témérité.

CIII. A la nouvelle de ce succès, que la renommée du reste avait singulièrement exagéré, la joie fut immense dans Rome. On voyait d'abord à une situation désespérée, succéder une amélioration sensible dans 279 l'état des affaires. Ensuite, il sembla manifeste que la torpeur, l'abattement dont les troupes semblaient jadis frappées ne tenait pas à la lâcheté du soldat, mais à l'excessive prudence du général. Aussi, tandis que la voix publique accusait hautement Fabius de conduire trop timidement la guerre, elle porta si haut le mérite de Marcus, qu'on prit en son honneur une mesure inouïe jusqu'alors. Dans la persuasion où l'on était qu'il mettrait bientôt fin à la guerre, on l'associa comme dictateur à Fabius, et, ce qui jamais n'avait eu lieu, il y eut deux dictateurs à la fois pour la même expédition. Marcus, fort de cet éclatant témoignage de la faveur populaire , et de l'autorité dont il était revêtu par le peuple, fut doublement excité à braver le péril et à provoquer l'ennemi. Bientôt revint Fabius ; les événements n'avaient pas changé ses idées : il était même encore plus attaché à son ancien système. Aussi, quand il vit Marcus, gonflé d'un fol orgueil, le contredire en tout et ne songer qu'à combattre, il lui proposa ou de commander tour à tour, ou de partager entre eux l'armée et de disposer, chacun à sa guise, des troupes qui les auraient suivis. Marcus accepta avec plaisir le partage, et cette opération faite, les deux dictateurs campèrent isolément à la distance l'un de l'autre de douze stades environ.

CIV. Instruit par les rapports des prisonniers et par le changement opéré dans l'armée ennemie de la rivalité des deux chefs, et de l'humeur impétueuse de l'ambitieux Marcus, et convaincu que ce qui se passait chez l'ennemi, loin d'être nuisible, ne pouvait que lui être avantageux, Annibal concentra dès lors toute son attention sur Marcus, afin de rabattre son audace et de prévenir ses attaques. Il y avait entre son camp et celui de l'ennemi une petite hauteur de nature à incommoder l'un ou l'autre parti. Annibal résolut de s'en emparer ; et comme il tenait pour certain, à en juger par la dernière affaire, que Marcus se présenterait aussitôt pour 280 s'y opposer, il eut recours à un stratagème. Autour de \ cette éminence le terrain était découvert, mais présentait une foule de coupures et de cavités. Il y cacha durant la nuit, dans les endroits les plus favorables, par détachements de deux ou trois cents hommes, cinq cents cavaliers environ et cinq mille soldats de troupes légères et d'infanterie; et dans la crainte qu'ils ne fussent découverts par les ennemis qui le matin iraient au fourrage, il fit occuper par ses soldats armés à la légère la hauteur dès le point du jour. Aussitôt Marcus, qui voyait là pour lui, je dirai presque une aubaine, détacha son infanterie légère, à qui il donna l'ordre de combattre sans relâche et de disputer fortement le poste à l'ennemi. Il fit ensuite partir ses cavaliers, et sur leurs traces conduisit en personne les troupes pesamment armées. Les dispositions étaient à peu près les mêmes que lors du dernier combat.

CV. Le jour venait de paraître ; mais comme les esprits et les yeux étaient fixés sur la mêlée dont l'éminence était le théâtre, l'embuscade préparée par Annibal demeura inaperçue. Annibal envoyait incessamment des secours aux soldats qui défendaient la colline. Enfin il partit lui-même avec ses cavaliers et le reste de l'armée. La cavalerie de part et d'autre ne tarda pas à se heurter. Déjà l'infanterie légère des Romains, vivement refoulée par les charges d'une cavalerie nombreuse, répandait quelque désordre en se retirant vers les troupes pesamment armées ; mais quand à un signal donné, les Africains placés en embuscade se dressèrent autour des Romains et se précipitèrent sur eux de toutes parts, ce ne fut plus seulement l'infanterie légère, mais toute l'armée qui courut les plus grands dangers. A cette vue, Fabius, craignant pour elle, une entière destruction, fit sortir ses légions#et marcha au secours de celles qui étaient compromises. Les Romains reprirent aussitôt courage. Bien que leurs rangs fussent partout rompus, ils se rallièrent autour 281 des drapeaux, et faisant retraite, se réfugièrent auprès des renforts venus à leur aide, non sans avoir déjà perdu beaucoup de soldats d'infanterie légère et un plus grand nombre de légionnaires, tous hommes d'un grand courage. Annibal, qu'intimidaient les troupes fraîches et en bon ordre de Fabius, renonça à la poursuite des fuyards et au combat. Aussi, pour tous ceux qui avaient pris part à l'action, il fut manifeste que l'audace de Marcus aurait tout perdu ; que la sage lenteur de Fabius avait, en cette occasion comme autrefois, sauvé la république ; et à Rome, on reconnut quel intervalle sépare la furie insensée d'un soldat présomptueux et la raison calme et soutenue d'un prudent général. De ce jour les Romains, instruits par l'expérience , jetèrent en commun autour de leur camp une même palissade, demeurèrent ensemble, écoutèrent Fabius et se montrèrent toujours dociles à ses ordres. Quant aux Carthaginois , ils coupèrent par un fossé le terrain placé entre leur camp et l'éminence, entourèrent le sommet de cette hauteur d'un retranchement, y déposèrent quelques troupes, et s'occupèrent ensuite en toute sûreté d'établir leurs quartiers d'hiver.

CVI. Τῆς δὲ τῶν ἀρχαιρεσίων ὥρας συνεγγιζούσης, εἵλοντο στρατηγοὺς οἱ Ῥωμαῖοι Λεύκιον Αἰμίλιον καὶ Γάιον Τερέντιον. ὧν κατασταθέντων οἱ μὲν δικτάτορες ἀπέθεντο τὴν ἀρχήν, οἱ δὲ προϋπάρχοντες ὕπατοι, Γνάιος Σερουίλιος καὶ Μάρκος Ῥήγουλος ὁ μετὰ τὴν Φλαμινίου τελευτὴν ἐπικατασταθείς, τότε προχειρισθέντες ὑπὸ τῶν περὶ τὸν Αἰμίλιον ἀντιστράτηγοι καὶ παραλαβόντες τὴν ἐν τοῖς ὑπαίθροις ἐξουσίαν ἐχείριζον κατὰ τὴν ἑαυτῶν γνώμην τὰ κατὰ τὰς δυνάμεις. Οἱ δὲ περὶ τὸν Αἰμίλιον βουλευσάμενοι μετὰ τῆς συγκλήτου τὸ μὲν ἐλλεῖπον πλῆθος ἔτι τῶν στρατιωτῶν πρὸς τὴν ὅλην ἐπιβολὴν παραχρῆμα καταγράψαντες ἐξαπέστειλαν, τοῖς δὲ περὶ τὸν Γνάιον διεσάφησαν ὁλοσχερῆ μὲν κίνδυνον κατὰ μηδένα τρόπον συνίστασθαι, τοὺς δὲ κατὰ μέρος ἀκροβολισμοὺς ὡς ἐνεργοτάτους ποιεῖσθαι καὶ συνεχεστάτους χάριν τοῦ γυμνάζειν καὶ παρασκευάζειν εὐθαρσεῖς τοὺς νέους πρὸς τοὺς ὁλοσχερεῖς ἀγῶνας, τῷ καὶ τὰ πρότερον αὐτοῖς συμπτώματα δοκεῖν οὐχ ἥκιστα γεγονέναι διὰ τὸ νεοσυλλόγοις καὶ τελέως ἀνασκήτοις κεχρῆσθαι τοῖς στρατοπέδοις. Αὐτοὶ δὲ Λεύκιον μὲν Ποστόμιον, ἑξαπέλεκυν ὄντα στρατηγόν, στρατόπεδον δόντες εἰς Γαλατίαν ἐξαπέστειλαν, βουλόμενοι ποιεῖν ἀντιπερίσπασμα τοῖς Κελτοῖς τοῖς μετ´ Ἀννίβου στρατευομένοις. Πρόνοιαν δ´ ἐποιήσαντο καὶ τῆς ἀνακομιδῆς τοῦ παραχειμάζοντος ἐν τῷ Λιλυβαίῳ στόλου, διεπέμψαντο δὲ καὶ τοῖς ἐν Ἰβηρίᾳ στρατηγοῖς πάντα τὰ κατεπείγοντα πρὸς τὴν χρείαν. Οὗτοι μὲν οὖν περὶ ταῦτα καὶ περὶ τὰς λοιπὰς ἐγίνοντο παρασκευὰς ἐπιμελῶς. Οἱ δὲ περὶ τὸν Γνάιον κομισάμενοι (τὰς) παρὰ τῶν ὑπάτων ἐντολὰς πάντα τὰ κατὰ μέρος ἐχείριζον κατὰ τὴν ἐκείνων γνώμην· διὸ καὶ τὸ πλείω γράφειν ὑπὲρ αὐτῶν παρήσομεν. Ὁλοσχερὲς μὲν γὰρ ἢ μνήμης ἄξιον ἁπλῶς οὐδὲν ἐπράχθη διὰ τὴν ἐντολὴν καὶ διὰ τὴν τοῦ καιροῦ περίστασιν, ἀκροβολισμοὶ δὲ μόνον καὶ συμπλοκαὶ κατὰ μέρος ἐγίνοντο πλείους, ἐν αἷς εὐδοκίμουν οἱ προεστῶτες τῶν Ῥωμαίων· καὶ γὰρ ἀνδρωδῶς καὶ νουνεχῶς ἐδόκουν ἕκαστα χειρίζειν.

CVII. Τὸν μὲν οὖν χειμῶνα καὶ τὴν ἐαρινὴν ὥραν διέμειναν ἀντιστρατοπεδεύοντες ἀλλήλοις· ἤδη δὲ παραδιδόντος τοῦ καιροῦ τὴν ἐκ τῶν ἐπετείων καρπῶν χορηγίαν, ἐκίνει τὴν δύναμιν ἐκ τοῦ περὶ τὸ Γερούνιον χάρακος Ἀννίβας. Κρίνων δὲ συμφέρειν τὸ κατὰ πάντα τρόπον ἀναγκάσαι μάχεσθαι τοὺς πολεμίους, καταλαμβάνει τὴν τῆς Κάννης προσαγορευομένης πόλεως ἄκραν. Εἰς γὰρ ταύτην συνέβαινε τόν τε σῖτον καὶ τὰς λοιπὰς χορηγίας ἁθροίζεσθαι τοῖς Ῥωμαίοις ἐκ τῶν περὶ Κανύσιον τόπων· ἐκ δὲ ταύτης ἀεὶ πρὸς τὴν χρείαν ἐπὶ τὸ στρατόπεδον παρακομίζεσθαι. Τὴν μὲν οὖν πόλιν ἔτι πρότερον συνέβαινε κατεσκάφθαι, τῆς παρασκευῆς δὲ καὶ τῆς ἄκρας τότε καταληφθείσης, οὐ μικρὰν συνέπεσε ταραχὴν γενέσθαι περὶ τὰς τῶν Ῥωμαίων δυνάμεις· οὐ γὰρ μόνον διὰ τὰς χορηγίας ἐδυσχρηστοῦντ´ ἐπὶ τῷ κατειλῆφθαι τὸν προειρημένον τόπον, ἀλλὰ καὶ διὰ τὸ κατὰ τὴν πέριξ εὐφυῶς κεῖσθαι χώραν. Πέμποντες οὖν εἰς τὴν Ῥώμην συνεχῶς ἐπυνθάνοντο τί δεῖ ποιεῖν, ὡς ἐὰν ἐγγίσωσι τοῖς πολεμίοις, οὐ δυνησόμενοι φυγομαχεῖν, τῆς μὲν χώρας καταφθειρομένης, τῶν δὲ συμμάχων πάντων μετεώρων ὄντων ταῖς διανοίαις, (οἱ δ´) ἐβουλεύσαντο μάχεσθαι καὶ συμβάλλειν τοῖς πολεμίοις. Τοῖς μὲν οὖν περὶ τὸν Γνάιον ἐπισχεῖν ἔτι διεσάφησαν, αὐτοὶ δὲ τοὺς ὑπάτους ἐξαπέστελλον. Συνέβαινε δὲ πάντας εἰς τὸν Αἰμίλιον ἀποβλέπειν καὶ πρὸς τοῦτον ἀπερείδεσθαι τὰς πλείστας ἐλπίδας διά τε τὴν ἐκ τοῦ λοιποῦ βίου καλοκἀγαθίαν καὶ διὰ τὸ μικροῖς πρότερον χρόνοις ἀνδρωδῶς ἅμα καὶ συμφερόντως δοκεῖν κεχειρικέναι τὸν πρὸς Ἰλλυριοὺς πόλεμον. Προέθεντο δὲ στρατοπέδοις ὀκτὼ διακινδυνεύειν, ὃ πρότερον οὐδέποτ´ ἐγεγόνει παρὰ Ῥωμαίοις, ἑκάστου τῶν στρατοπέδων ἔχοντος ἄνδρας εἰς πεντακισχιλίους χωρὶς τῶν συμμάχων. Ῥωμαῖοι γάρ, καθά που καὶ πρότερον εἰρήκαμεν, ἀεί ποτε τέτταρα στρατόπεδα προχειρ(ίζονται. Τὸ δὲ στρατόπεδον) πεζοὺς μὲν λαμβάνει περὶ τετρακισχιλίους, ἱππεῖς δὲ διακοσίους. Ἐπὰν δέ τις ὁλοσχερεστέρα προφαίνηται χρεία, τοὺς μὲν πεζοὺς ἐν ἑκάστῳ στρατοπέδῳ ποιοῦσι περὶ πεντακισχιλίους, τοὺς δ´ ἱππεῖς τριακοσίους. Τῶν δὲ συμμάχων τὸ μὲν τῶν πεζῶν πλῆθος πάρισον ποιοῦσι τοῖς Ῥωμαϊκοῖς στρατοπέδοις, τὸ δὲ τῶν ἱππέων ὡς ἐπίπαν τριπλάσιον. Τούτων δὲ τοὺς ἡμίσεις τῶν συμμάχων καὶ τὰ δύο στρατόπεδα δόντες ἑκατέρῳ τῶν ὑπάτων ἐξαποστέλλουσιν ἐπὶ τὰς πράξεις. Καὶ τοὺς μὲν πλείστους ἀγῶνας δι´ ἑνὸς ὑπάτου καὶ δύο στρατοπέδων καὶ τοῦ προειρημένου πλήθους τῶν συμμάχων κρίνουσι, σπανίως δὲ πᾶσι πρὸς ἕνα καιρὸν καὶ πρὸς ἕνα χρῶνται κίνδυνον. Τότε (γε) μὴν οὕτως ἐκπλαγεῖς ἦσαν καὶ κατάφοβοι τὸ μέλλον ὡς οὐ μόνον τέτταρσιν, ἀλλ´ ὀκτὼ στρατοπέδοις Ῥωμαϊκοῖς ὁμοῦ προῄρηντο διακινδυνεύειν.

CVIII. Διὸ καὶ παρακαλέσαντες τοὺς περὶ τὸν Αἰμίλιον καὶ πρὸ ὀφθαλμῶν θέντες τὸ μέγεθος τῶν εἰς ἑκάτερον τὸ μέρος ἀποβησομένων ἐκ τῆς μάχης ἐξαπέστειλαν, ἐντειλάμενοι σὺν καιρῷ κρίνειν τὰ ὅλα γενναίως καὶ τῆς πατρίδος ἀξίως. Οἳ καὶ παραγενόμενοι πρὸς τὰς δυνάμεις καὶ συναθροίσαντες τὰ πλήθη τήν τε τῆς συγκλήτου γνώμην διεσάφησαν τοῖς πολλοῖς καὶ παρεκάλουν τὰ πρέποντα τοῖς παρεστῶσι καιροῖς, ἐξ αὐτοπαθείας τοῦ Λευκίου διατιθεμένου τοὺς λόγους. Ἦν δὲ τὰ πλεῖστα τῶν λεγομένων πρὸς τοῦτον τείνοντα τὸν νοῦν, τὸν ὑπὲρ τῶν νεωστὶ γεγονότων συμπτωμάτων· ὧδε γὰρ καὶ τῇδέ που συνέβαινε διατετράφθαι καὶ προσδεῖσθαι παραινέσεως τοὺς πολλούς. Διόπερ ἐπειρᾶτο συνιστάνειν ὅτι τῶν μὲν ἐν ταῖς προγεγενημέναις μάχαις ἐλαττωμάτων οὐχ ἓν οὐδὲ δεύτερον, καὶ πλείω δ´ ἂν εὕροι τις αἴτια, δι´ ἃ τοιοῦτον αὐτῶν ἐξέβη τὸ τέλος, ἐπὶ δὲ τῶν νῦν καιρῶν οὐδεμία λείπεται πρόφασις, ἐὰν ἄνδρες ὦσι, τοῦ μὴ νικᾶν τοὺς ἐχθρούς. Τότε μὲν γὰρ οὔτε τοὺς ἡγεμόνας ἀμφοτέρους οὐδέποτε συνηγωνίσθαι τοῖς στρατοπέδοις οὔτε ταῖς δυνάμεσι κεχρῆσθαι γεγυμνασμέναις, ἀλλὰ νεοσυλλόγοις καὶ ἀοράτοις παντὸς δεινοῦ· τό τε μέγιστον, ἐπὶ τοσοῦτον ἀγνοεῖσθαι παρ´ αὐτοῖς πρότερον τὰ κατὰ τοὺς ὑπεναντίους ὥστε σχεδὸν μηδ´ ἑωρακότας τοὺς ἀνταγωνιστὰς παρατάττεσθαι καὶ συγκαταβαίνειν εἰς τοὺς ὁλοσχερεῖς κινδύνους. Οἱ μὲν γὰρ περὶ τὸν Τρεβίαν ποταμὸν σφαλέντες, ἐκ Σικελίας τῇ προτεραίᾳ παραγενηθέντες, ἅμα τῷ φωτὶ τῇ κατὰ πόδας ἡμέρᾳ παρετάξαντο· τοῖς δὲ κατὰ Τυρρηνίαν ἀγωνισαμένοις οὐχ οἷον πρότερον, ἀλλ´ οὐδ´ ἐν αὐτῇ τῇ μάχῃ συνιδεῖν ἐξεγένετο τοὺς πολεμίους διὰ τὸ περὶ τὸν ἀέρα γενόμενον σύμπτωμα. Νῦν γε μὴν πάντα τἀναντία τοῖς προειρημένοις ὑπάρχει.

CIX. Πρῶτον γὰρ ἡμεῖς ἀμφότεροι πάρεσμεν, οὐ μόνον αὐτοὶ κοινωνήσοντες ὑμῖν τῶν κινδύνων, ἀλλὰ καὶ τοὺς ἐκ τοῦ πρότερον ἔτους ἄρχοντας ἑτοίμους παρεσκευάκαμεν πρὸς τὸ μένειν καὶ μετέχειν τῶν αὐτῶν ἀγώνων. Ὑμεῖς γε μὴν οὐ μόνον ἑωράκατε τοὺς καθοπλισμούς, τὰς τάξεις, τὰ πλήθη τῶν πολεμίων, ἀλλὰ καὶ διαμαχόμενοι μόνον οὐ καθ´ ἑκάστην ἡμέραν δεύτερον ἐνιαυτὸν ἤδη διατελεῖτε. Πάντων οὖν τῶν κατὰ μέρος ἐναντίως ἐχόντων ταῖς προγεγενημέναις μάχαις, εἰκὸς καὶ τὸ τέλος ἐναντίον ἐκβήσεσθαι τοῦ νῦν ἀγῶνος. Καὶ γὰρ ἄτοπον, μᾶλλον δ´ ὡς εἰπεῖν ἀδύνατον, ἐν μὲν τοῖς κατὰ μέρος ἀκροβολισμοῖς ἴσους πρὸς ἴσους συμπίπτοντας τὸ πλεῖον ἐπικρατεῖν, ὁμοῦ δὲ πάντας παραταξαμένους πλείους ὄντας ἢ διπλασίους τῶν ὑπεναντίων ἐλαττωθῆναι. Διόπερ, ὦ ἄνδρες, πάντων ὑμῖν παρεσκευασμένων πρὸς τὸ νικᾶν, ἑνὸς προσδεῖται τὰ πράγματα, τῆς ὑμετέρας βουλήσεως καὶ προθυμίας, ὑπὲρ ἧς οὐδὲ παρακαλεῖσθαι πλείω πρέπειν ὑμῖν ὑπολαμβάνω. Τοῖς μέν γε μισθοῦ παρά τισι στρατευομένοις ἢ τοῖς κατὰ συμμαχίαν ὑπὲρ τῶν πέλας μέλλουσι κινδυνεύειν, οἷς κατ´ αὐτὸν τὸν ἀγῶνα καιρός ἐστι δεινότατος, τὰ δ´ ἐκ τῶν ἀποβαινόντων βραχεῖαν ἔχει διαφοράν, ἀναγκαῖος ὁ τῆς παρακλήσεως γίνεται τρόπος· οἷς δέ, καθάπερ ὑμῖν νῦν, οὐχ ὑπὲρ ἑτέρων ἀλλ´ ὑπὲρ σφῶν αὐτῶν καὶ πατρίδος καὶ γυναικῶν καὶ τέκνων ὁ κίνδυνος συνέστηκεν, καὶ πολλαπλασίαν τὰ μετὰ ταῦτα συμβαίνοντα τὴν διαφορὰν ἔχει τῶν ἐνεστώτων ἀεὶ κινδύνων, ὑπομνήσεως μόνον, παρακλήσεως δ´ οὐ προσδεῖ. Τίς γὰρ οὐκ ἂν βούλοιτο μάλιστα μὲν νικᾶν ἀγωνιζόμενος, εἰ δὲ μὴ τοῦτ´ εἴη δυνατόν, τεθνάναι πρόσθεν μαχόμενος ἢ ζῶν ἐπιδεῖν τὴν τῶν προειρημένων ὕβριν καὶ καταφθοράν; διόπερ, ὦ ἄνδρες, χωρὶς τῶν ὑπ´ ἐμοῦ λεγομένων, αὐτοὶ λαμβάνοντες πρὸ ὀφθαλμῶν τὴν ἐκ τοῦ λείπεσθαι καὶ τοῦ νικᾶν διαφορὰν καὶ τὰ συνεξακολουθοῦντα τούτοις, οὕτως ἑαυτοὺς παραστήσεσθε πρὸς τὴν μάχην ὡς τῆς πατρίδος οὐ κινδυνευούσης νῦν αὐτοῖς τοῖς στρατοπέδοις, ἀλλὰ τοῖς ὅλοις. Τί γὰρ ἔτι προσθεῖσα τοῖς ὑποκειμένοις, ἐὰν ἄλλως πως τὰ παρόντα κριθῇ, περιγενήσεται τῶν ἐχθρῶν, οὐκ ἔχει. Πᾶσαν γὰρ τὴν αὑτῆς προθυμίαν καὶ δύναμιν εἰς ὑμᾶς ἀπήρεισται, καὶ πάσας τὰς ἐλπίδας ἔχει τῆς σωτηρίας ἐν ὑμῖν. ὧν ὑμεῖς αὐτὴν μὴ διαψεύσητε νῦν, ἀλλ´ ἀπόδοτε μὲν τῇ πατρίδι τὰς ἁρμοζούσας χάριτας, φανερὸν δὲ πᾶσιν ἀνθρώποις ποιήσατε διότι καὶ τὰ πρότερον ἐλαττώματα γέγονεν οὐ διὰ τὸ Ῥωμαίους χείρους ἄνδρας εἶναι Καρχηδονίων, ἀλλὰ δι´ ἀπειρίαν τῶν τότε μαχομένων καὶ διὰ τὰς ἐκ τῶν καιρῶν περιστάσεις.“ τότε μὲν οὖν ταῦτα καὶ τοιαῦτα παρακαλέσας ὁ Λεύκιος διαφῆκε τοὺς πολλούς.

CX. Τῇ δ´ ἐπαύριον ἀναζεύξαντες ἦγον τὴν δύναμιν οὗ τοὺς πολεμίους ἤκουον στρατοπεδεύειν. Δευτεραῖοι δ´ ἐπιβαλόντες παρενέβαλον, περὶ πεντήκοντα σταδίους ἀποσχόντες τῶν πολεμίων. Ὁ μὲν οὖν Λεύκιος συνθεασάμενος ἐπιπέδους καὶ ψιλοὺς ὄντας τοὺς πέριξ τόπους οὐκ ἔφη δεῖν συμβάλλειν ἱπποκρατούντων τῶν πολεμίων, ἀλλ´ ἐπισπᾶσθαι καὶ προάγειν μᾶλλον εἰς τόπους τοιούτους ἐν οἷς τὸ πλέον ἔσται διὰ τῶν πεζικῶν στρατοπέδων ἡ μάχη. Τοῦ δὲ Γαΐου διὰ τὴν ἀπειρίαν ὑπὲρ τῆς ἐναντίας ὑπάρχοντος γνώμης, ἦν ἀμφισβήτησις καὶ δυσχρηστία περὶ τοὺς ἡγεμόνας, ὃ πάντων ἐστὶ σφαλερώτατον. Τῆς δ´ ἡγεμονίας τῷ Γαΐῳ καθηκούσης εἰς τὴν ἐπιοῦσαν ἡμέραν διὰ τὸ παρὰ μίαν ἐκ τῶν ἐθισμῶν μεταλαμβάνειν τὴν ἀρχὴν τοὺς ὑπάτους, ἀναστρατοπεδεύσας προῆγε, βουλόμενος ἐγγίσαι τοῖς πολεμίοις, πολλὰ διαμαρτυρομένου καὶ κωλύοντος τοῦ Λευκίου. Ὁ δ´ Ἀννίβας ἀναλαβὼν τοὺς εὐζώνους καὶ τοὺς ἱππεῖς ἀπήντα καὶ προσπεσὼν ἔτι κατὰ πορείαν οὖσι παραδόξως συνεπλέκετο καὶ πολὺν ἐν αὐτοῖς ἐποιεῖτο θόρυβον. Οἱ δὲ Ῥωμαῖοι τὴν μὲν πρώτην ἐπιφορὰν ἐδέξαντο, προθέμενοί τινας τῶν ἐν τοῖς βαρέσι καθοπλισμοῖς· μετὰ δὲ ταῦτα τοὺς ἀκοντιστὰς καὶ τοὺς ἱππεῖς ἐπαφέντες ἐπροτέρουν κατὰ τὴν ὅλην συμπλοκὴν διὰ τὸ τοῖς μὲν Καρχηδονίοις μηδὲν ἐφεδρεύειν ἀξιόλογον, τοῖς δὲ Ῥωμαίοις ἀναμεμιγμένας τοῖς εὐζώνοις ὁμόσε κινδυνεύειν τινὰς σπείρας. Τότε μὲν οὖν ἐπιγενομένης νυκτὸς ἐχωρίσθησαν ἀπ´ ἀλλήλων, οὐ κατὰ τὴν ἐλπίδα τοῖς Καρχηδονίοις ἐκβάσης τῆς ἐπιθέσεως· εἰς δὲ τὴν ἐπαύριον ὁ Λεύκιος οὔτε μάχεσθαι κρίνων οὔτε μὴν ἀπάγειν ἀσφαλῶς τὴν στρατιὰν ἔτι δυνάμενος τοῖς μὲν δυσὶ μέρεσι κατεστρατοπέδευσε παρὰ τὸν Αὔφιδον καλούμενον ποταμόν, ὃς μόνος διαρρεῖ τὸν Ἀπεννῖνον—τοῦτο δ´ ἔστιν ὄρος συνεχές, ὃ διείργει πάσας τὰς κατὰ τὴν Ἰταλίαν ῥύσεις, τὰς μὲν εἰς τὸ Τυρρηνικὸν πέλαγος, τὰς δ´ εἰς τὸν Ἀδρίαν· δι´ οὗ ῥέοντα συμβαίνει τὸν Αὔφιδον τὰς μὲν πηγὰς ἔχειν ἐν τοῖς πρὸς τὸ Τυρρηνικὸν κλίμασι τῆς Ἰταλίας, ποιεῖσθαι δὲ τὴν ἐκβολὴν εἰς τὸν Ἀδρίαν— τῷ δὲ τρίτῳ πέραν, ἀπὸ διαβάσεως πρὸς τὰς ἀνατολάς, ἐβάλετο χάρακα, τῆς μὲν ἰδίας παρεμβολῆς περὶ δέκα σταδίους ἀποσχών, τῆς δὲ τῶν ὑπεναντίων μικρῷ πλεῖον, βουλόμενος διὰ τούτων προκαθῆσθαι μὲν τῶν ἐκ τῆς πέραν παρεμβολῆς προνομευόντων, ἐπικεῖσθαι δὲ τοῖς παρὰ τῶν Καρχηδονίων.

CVI. C'était le moment des élections à Rome ; les Romains nommèrent consuls Lucius Émilius et Caïus Térentius, et aussitôt les dictateurs abdiquèrent. Les consuls de l'année précédente, Cnéus Servilius et Marcus Régulus, élevés au consulat après la mort de Flaminius, furent revêtus par Aemilius de la dignité proconsulaire , et chargés du commandement des troupes en campagne ; ils disposaient à leur gré de l'armée. Cependant Émilius, un conseil ayant été tenu avec le sénat, suppléa à ce qui manquait de soldats aux légions pour pouvoir agir utilement, par de nouvelles levées qu'il fit aussitôt partir. Il écrivit en même temps à Cnéus de ne livrer sous aucun prétexte une bataille générale, mais d'engager des escarmouches partielles aussi chaudes et aussi fréquentes que 282 possible, afin d'exercer les recrues et de les aguerrir peu à peu à de plus grands combats, les dernières défaites des Romains devant être surtout attribuées à l'emploi qu'on avait fait de troupes récemment enrôlées et encore novices. On donna une légion au préteur Lucius Postumius, et on l'envoya en Gaule pour tenter, par une diversion, dé ramener dans leurs foyers les Gaulois qui suivaient Annibal, En outre, on s'occupa de faire revenir la flotte qui passait l'hiver à Lilybée , on fournit enfin aux généraux qui étaient en Espagne tout ce qui était nécessaire. Telles sont les mesures, parmi d'autres encore, que les consuls se hâtèrent de prendre. Dès que Cnéus eut reçu la lettre des consuls, il s'y conforma ; aussi ne dirons-nous lien de cette courte période, où ne se rencontre absolument rien qui mérite d'être rapporté ; effet naturel et de l'édit des consuls et des circonstances elles-mêmes. On n'y voit guère que des escarmouches, que des mêlées partielles , qui du reste firent honneur aux proconsuls ; ils passèrent aux yeux de tous pour avoir, dans leur conduite, fait constamment preuve de courage et de sagesse.

CVII. Les deux armées restèrent en présence durant tout l'hiver et le printemps. Enfin, quand arriva la saison des récoltes, Annibal fit quitter à son armée le camp de Gérunium, et, convaincu qu'il importait au succès de sa cause de forcer n'importe comment les ennemis à combattre, surprit la citadelle de Cannes. C'était là que les Romains réunissaient le blé et en général les provisions qu'ils tiraient des campagnes de Canusium ; de là qu'ils envoyaient à leur armée les vivres nécessaires. La ville avait déjà antérieurement été détruite : par la prise de la citadelle et des munitions qu'elle contenait, les troupes romaines se trouvèrent dans un grand embarras. Outre qu'elles perdaient un matériel considérable, elles voyaient au pouvoir de l'ennemi une citadelle qui commandait avanta- 283 geusement toute la contrée. Les proconsuls envoyèrent courriers sur courriers demander ce qu'il fallait faire ; car si l'ennemi avançait, il était impossible d'éviter le combat au milieu d'un pays désolé et d'alliés eh suspens. Le sénat fut d'avis de livrer bataille. Mais il ordonna à Cnéus de ne point agir, et fit partir les consuls. Tous les regards se fixèrent alors sur Emilius ; sur lui se concentrèrent toutes les espérances : c'était un homme d'une probité reconnue, et peu d'années auparavant il avait dirigé avec habileté et succès la guerre d'Illyrie. On prit en outre une mesure sans exemple chez les Romains : on résolut de combattre avec huit légions, chaque légion contenant cinq mille hommes, sans parler des auxiliaires. Les Romains, nous l'avons dit, lèvent chaque année quatre légions, et la légion se compose d'ordinaire de quatre mille fantassins, et de deux cents cavaliers. Ce n'est que dans les circonstances graves qu'ils portent le chiffre des fantassins à cinq mille, et celui des cavaliers à trois cents. Quant aux auxiliaires, leur infanterie est égale à celle des Romains , et le nombre des cavaliers triple» Enfin on ne donne habituellement à chaque consul que la moitié des alliés et deux légions, et un seul consul livre bataille avec ces forces. Il est rare qu'on emploie pour un unique combat toutes les légions. Mais telle était alors la consternation générale, si vives étaient les craintes, que les Romains résolurent de faire descendre dans la plaine, non plus les quatre légions, mais huit.

CVIIII. Le sénat appela devant lui Émilius et Térentius, leur mit sous les yeux les graves conséquences que devait entraîner avec soi le bon ou le mauvais succès de la prochaine bataille, et après leur avoir recommandé de frapper à propos un coup décisif avec la bravoure digne du nom romain, les fit partir. À peine y furent-ils arrivés, qu'Émilius convoqua l'armée, l'instruisit des intentions du sénat, et lui donna les con- 284  seils que la circonstance demandait, avec cette éloquence chaleureuse qui vient du cœur. La plus grande partie du discours eut pour texte les dernières défaites ; et c'était en effet là l'endroit où les esprits des soldats abattus avaient surtout besoin d'être relevés. Aussi Lucius essaya-t-il d'établir qu'il était facile de trouver dans les batailles antérieures, non pas un, mais vingt motifs capables d'en expliquer la triste issue ; et qu'en la conjoncture présente, il n'y avait pas de raison pour que les Romains, s'ils étaient hommes de cœur, ne vainquissent pas l'ennemi. « Dans les campagnes précédentes, dit-il, les deux consuls ne s'étaient point trouvés réunis à la tête des troupes, et ces troupes, loin d'être exercées, étaient composées de recrues sans expérience du danger. Mais surtout elles connaissaient si peu ce qu'étaient leurs adversaires, qu'elles venaient sans les avoir vus une seule fois se mesurer avec eux, et risquer des batailles décisives ! Les soldats vaincus sur la Trébie, par exemple, avaient livré le combat le lendemain même du jour où ils étaient arrivés de Sicile, dès le matin. Ceux enfin qui s'étaient battus à Trasimène n'avaient jamais, avant d'en venir aux mains, aperçu les Carthaginois, et même sur le champ de bataille ils n'avaient pu les voir à cause du mauvais temps. Aujourd'hui, continua Émilius, tout est changé.

CIX. « Vous n'avez plus seulement avec vous vos deux consuls pour partager vos périls; nous nous sommes ménagé l'appui des consuls de l'année dernière , prêts comme nous à prendre leur part dans un combat. Vous connaissez les armes, la tactique, les forces de vos ennemis ; que dis-je? voilà bientôt deux ans que presque chaque jour vous luttez contre eux sans relâche. Or, si dans les détails l'état de l'armée est aujourd'hui tout autre que par le passé, n'est-il pas probable que la même différence se retrouvera dans l'issue de la bataille ? En effet, ne serait-il pas bizarre, 285 ou pour mieux dire impossible, qu'après avoir dans des escarmouches partielles à forces égales, le plus souvent triomphé, vous fussiez vaincus au moment où vous vous présentez en masse deux fois plus nombreux que l'ennemi ? Tout est prêt pour la victoire, Romains, et afin de l'assurer, il n'est besoin que de votre bon vouloir et de votre ardeur. Vous parler longuement à ce sujet ne me semble pas convenable. Des exhortations peuvent être nécessaires auprès de soldats mercenaires ou de troupes qu'un traité d'alliance fait combattre, et pour qui les risques de la mêlée sont ce qu'il y a de plus redoutable , et les conséquences du succès presque indifférentes. Quand on s'adresse à des gens tels que vous, à des gens qui n'ont pas à défendre les intérêts d'autrui, mais leur propre vie, celle de leurs femmes et de leurs enfants, à des hommes enfin que l'issue du combat doit plus vivement toucher que les périls même, il n'est besoin que d'un appel à leurs souvenirs, et non de longs conseils. Quel est l'homme, en effet, qui avant tout, sans doute, ne désire vaincre ; mais qui, si la victoire est impossible, n'aime mieux mourir bravement l'épée à la main que vivre pour voir le déshonneur ou la perte de ces êtres si chers à son amour ? Oubliez donc, Romains, un instant mes paroles, voyez par vous-mêmes quelle différence il y a pour tous entre la victoire et la défaite ; songez aux suites de l'une ou de l'autre, et marchez au combat avec la pensée que ce n'est pas de quelques légions seulement, mais de la république entière qu'il s'agit en cette journée. Si le succès ne répond pas à notre attente, elle n'a plus de nouvelles ressources à employer pour vaincre l'ennemi ; c'est sur vous que repose tout ce qu'elle a de force et d'ardeur ; elle n'a d'espérance de salut qu'en vous. Ne trompez pas sa confiance; faites éclater pour elle ce dévouement qu'on doit à sa patrie. Montrez à tous les peuples que, si nous avons essuyé quelques défaites, ce n'est pas que les Romains 286 soient moins bons soldats que les Carthaginois, et qu'il ne faut l'attribuer qu'à l'inexpérience des troupes et aux difficultés des circonstances. » Après avoir par ce discours et quelques mots encore excité le courage des soldats et il les congédia.

CX. Le lendemain, les consuls levèrent le camp et se dirigèrent vers l'endroit où ils avaient entendu dire que se trouvait Annibal. Deux jours après, ils s'établirent en face de l'ennemi, à la distance de cinquante stades environ. La campagne à l'entour était une plaine découverte, et les Carthaginois l'emportaient par la cavalerie. Lucius refusa de combattre et fut d'avis de chercher à attirer les Carthaginois dans quelque lieu où l'infanterie surtout pourrait agir. Mais Caïus, aveuglé par son inexpérience, se prononça pour l'opinion contraire : de là entre les deux généraux de ces divisions et de ces méfiances dont l'effet est toujours si fatal. Le lendemain, suivant la coutume des Romains, qui prête alternativement aux consuls le pouvoir pour un jour, Caïus devait commander. Il en profita pour lever le camp, et pour faire, malgré les protestations et les plaintes de son collègue, quelques pas vert Annibal. Celui-ci aussitôt se porta à la rencontre de Caïus avec son infanterie légère et sa cavalerie, surprit ses troupes au milieu de leur marche, en vint brusquement aux mains avec eux, et jeta dans leurs rangs un grand désordre. Mais après avoir soutenu le premier choc avec quelques soldats pesamment armés qu'ils placèrent à l'avant-garde, les Romains lancèrent contre l'ennemi leurs archers et leur cavalerie, et demeurèrent vainqueurs. Ils le durent à l'appui que leur prêtèrent quelques manipules mêlés à leurs troupes légèrement armées, tandis que les Carthaginois n'avaient rien qui pût les soutenir. La nuit, en séparant les combattants , mit fin à cette affaire, qui avait mal répondu à l'espoir des Carthaginois. Le lendemain, Lucius, qui ne voulait pas livrer bataille, et qui cependant ne pou- 287 vait sans péril tirer de là son armée, en plaça les deux tiers sur les bords de l'Aufide , seul fleuve qui traverse l'Apennin. Cette montagne divise dans toute son étendue les autres courants d'eau qui se jettent les uns dans la mer de Toscane, les autres dans le golfe Adriatique. Mais l'Aufide le franchit à sa source dans la partie de l'Italie voisine de la Toscane, et se jette dans l'Adriatique. Il envoya le dernier tiers au delà du fleuve, vers l'est, à dix stades de son camp, et à une distance un peu plus grande de celui de l'ennemi. Il voulait être ainsi à portée de protéger les fourrageurs du camp au delà de l'Aufide, et de menacer ceux des Carthaginois.

CXI. Ἀννίβας δὲ κατὰ τὸν αὐτὸν καιρὸν θεωρῶν ὅτι καλεῖ τὰ πράγματα μάχεσθαι καὶ συμβάλλειν τοῖς πολεμίοις, εὐλαβούμενος δὲ μὴ διατέτραπται τὸ πλῆθος ἐκ τοῦ προγεγονότος ἐλαττώματος, κρίνας προσδεῖσθαι παρακλήσεως τὸν καιρὸν συνῆγε τοὺς πολλούς. Ἁθροισθέντων δέ, περιβλέψαι κελεύσας πάντας εἰς τοὺς πέριξ τόπους, ἤρετο τί μεῖζον εὔξασθαι τοῖς θεοῖς κατὰ τοὺς παρόντας ἐδύναντο καιρούς, δοθείσης αὐτοῖς ἐξουσίας, τοῦ παρὰ πολὺ τῶν πολεμίων ἱπποκρατοῦντας ἐν τοιούτοις τόποις διακριθῆναι περὶ τῶν ὅλων. Πάντων δὲ τὸ ῥηθὲν ἐπισημηναμένων διὰ τὴν ἐνάργειαν τούτου τοιγαροῦν“ ἔφη πρῶτον μὲν τοῖς θεοῖς ἔχετε χάριν· ἐκεῖνοι γὰρ ἡμῖν συγκατασκευάζοντες τὴν νίκην εἰς τοιούτους τόπους ἤχασι τοὺς ἐχθρούς· δεύτερον δ´ ἡμῖν, ὅτι καὶ μάχεσθαι τοὺς πολεμίους συνηναγκάσαμεν· οὐ γὰρ ἔτι δύνανται τοῦτο διαφυγεῖν· καὶ μάχεσθαι προφανῶς ἐν τοῖς ἡμετέροις προτερήμασι. Τὸ δὲ παρακαλεῖν ὑμᾶς νῦν διὰ πλειόνων εὐθαρσεῖς καὶ προθύμους εἶναι πρὸς τὸν κίνδυνον οὐδαμῶς μοι δοκεῖ καθήκειν. Ὅτε μὲν γὰρ ἀπείρως διέκεισθε τῆς πρὸς Ῥωμαίους μάχης, ἔδει τοῦτο ποιεῖν, καὶ μεθ´ ὑποδειγμάτων ἐγὼ πρὸς ὑμᾶς πολλοὺς διεθέμην λόγους· ὅτε δὲ κατὰ τὸ συνεχὲς τρισὶ μάχαις τηλικαύταις ἐξ ὁμολογουμένου νενικήκατε Ῥωμαίους, ποῖος ἂν ἔτι λόγος ὑμῖν ἰσχυρότερον παραστήσαι θάρσος αὐτῶν τῶν ἔργων; διὰ μὲν οὖν τῶν πρὸ τοῦ κινδύνων κεκρατήκατε τῆς χώρας καὶ τῶν ἐκ ταύτης ἀγαθῶν κατὰ τὰς ἡμετέρας ἐπαγγελίας, ἀψευστούντων ἡμῶν ἐν πᾶσι τοῖς πρὸς ὑμᾶς εἰρημένοις· ὁ δὲ νῦν ἀγὼν ἐνέστηκεν περὶ τῶν πόλεων καὶ τῶν ἐν αὐταῖς ἀγαθῶν. Οὗ κρατήσαντες κύριοι μὲν ἔσεσθε παραχρῆμα πάσης Ἰταλίας, ἀπαλλαγέντες δὲ τῶν νῦν πόνων, γενόμενοι συμπάσης ἐγκρατεῖς τῆς Ῥωμαίων εὐδαιμονίας, ἡγεμόνες ἅμα καὶ δεσπόται πάντων γενήσεσθε διὰ ταύτης τῆς μάχης. Διόπερ οὐκέτι λόγων ἀλλ´ ἔργων ἐστὶν ἡ χρεία· θεῶν γὰρ βουλομένων ὅσον οὔπω βεβαιώσειν ὑμῖν πέπεισμαι τὰς ἐπαγγελίας.“ ταῦτα δὲ καὶ τούτοις παραπλήσια διαλεχθείς, προθύμως αὐτὸν ἐπισημαινομένου τοῦ πλήθους, ἐπαινέσας καὶ δεξάμενος αὐτῶν τὴν ὁρμὴν ἀφῆκε καὶ παραχρῆμα κατεστρατοπέδευσε, ποιούμενος τὸν χάρακα παρὰ τὴν αὐτὴν πλευρὰν τοῦ ποταμοῦ τῇ μείζονι στρατοπεδείᾳ τῶν ὑπεναντίων.

CXII .Τῇ δ´ ἐχομένῃ περὶ παρασκευὴν καὶ θεραπείαν παρήγγειλε γίνεσθαι πᾶσι. Τῇ δ´ ἑξῆς παρὰ τὸν ποταμὸν ἐξέταττε τὰ στρατόπεδα καὶ δῆλος ἦν μάχεσθαι σπεύδων τοῖς ὑπεναντίοις. Ὁ δὲ Λεύκιος δυσαρεστούμενος μὲν τοῖς τόποις, ὁρῶν δ´ ὅτι ταχέως ἀναγκασθήσονται μεταστρατοπεδεύειν οἱ Καρχηδόνιοι διὰ τὸν πορισμὸν τῶν ἐπιτηδείων, εἶχε τὴν ἡσυχίαν, ἀσφαλισάμενος ταῖς ἐφεδρείαις τὰς παρεμβολάς. Ἀννίβας δὲ χρόνον ἱκανὸν μείνας, οὐδενὸς ἀντεξιόντος, τὴν μὲν λοιπὴν δύναμιν αὖθις εἰς χάρακα κατέστησεν, τοὺς δὲ Νομάδας ἐπαφῆκε τοῖς ὑδρευομένοις ἀπὸ τῆς ἐλάττονος παρεμβολῆς. Τῶν δὲ Νομάδων ἕως πρὸς αὐτὸν τὸν χάρακα προσπιπτόντων καὶ διακωλυόντων τὴν ὑδρείαν, ὅ τε Γάιος ἔτι μᾶλλον ἐπὶ τούτοις παρωξύνετο, τά τε πλήθη πρὸς τὸν κίνδυνον ὁρμὴν εἶχεν καὶ δυσχερῶς ἔφερε τὰς ὑπερθέσεις. Βαρύτατος γὰρ δὴ πᾶσιν ἀνθρώποις ὁ τοῦ μέλλειν γίνεται χρόνος· ὅταν δ´ ἅπαξ κριθῇ, ὅ,τι ἂν ᾖ πάσχειν πάντων τῶν δοκούντων εἶναι δεινῶν ὑπομενετέον. Εἰς δὲ τὴν Ῥώμην προσπεπτωκότος ὅτι παραστρατοπεδεύουσιν ἀλλήλοις καὶ συμπλοκαὶ γίνονται τῶν προκινδυνευόντων ἀν´ ἑκάστην ἡμέραν, ὀρθὴ καὶ περίφοβος ἦν ἡ πόλις, δεδιότων μὲν τῶν πολλῶν τὸ μέλλον διὰ τὸ πολλάκις ἤδη προηττῆσθαι, προορωμένων δὲ καὶ προλαμβανόντων τὰ συμβησόμενα ταῖς ἐννοίαις, ἐὰν σφάλλωνται τοῖς ὅλοις. Πάντα δ´ ἦν τὰ παρ´ αὐτοῖς λόγια πᾶσι τότε διὰ στόματος, σημείων δὲ καὶ τεράτων πᾶν μὲν ἱερόν, πᾶσα δ´ ἦν οἰκία πλήρης, ἐξ ὧν εὐχαὶ καὶ θυσίαι καὶ θεῶν ἱκετηρίαι καὶ δεήσεις ἐπεῖχον τὴν πόλιν. Δεινοὶ γὰρ ἐν ταῖς περιστάσεσι Ῥωμαῖοι καὶ θεοὺς ἐξιλάσασθαι καὶ ἀνθρώπους καὶ μηδὲν ἀπρεπὲς μηδ´ ἀγεννὲς ἐν τοῖς τοιούτοις καιροῖς ἡγεῖσθαι τῶν περὶ ταῦτα συντελουμένων.

CXIII. Ὁ δὲ Γάιος ἅμα τῷ παραλαβεῖν τῇ κατὰ πόδας ἡμέρᾳ τὴν ἀρχήν, ἄρτι τῆς κατὰ τὸν ἥλιον ἀνατολῆς ἐπιφαινομένης, ἐκίνει τὴν δύναμιν ἐξ ἑκατέρας ἅμα τῆς παρεμβολῆς καὶ τοὺς μὲν ἐκ τοῦ μείζονος χάρακος διαβιβάζων τὸν ποταμὸν εὐθέως παρενέβαλε, τοὺς (δ´) ἐκ θατέρου συνάπτων τούτοις ἐπὶ τὴν αὐτὴν εὐθεῖαν ἐξέταττε, λαμβάνων πᾶσι τὴν ἐπιφάνειαν τὴν πρὸς μεσημβρίαν. Τοὺς μὲν οὖν τῶν Ῥωμαίων ἱππεῖς παρ´ αὐτὸν τὸν ποταμὸν ἐπὶ τοῦ δεξιοῦ κέρατος κατέστησε, τοὺς δὲ πεζοὺς συνεχεῖς τούτοις ἐπὶ τῆς αὐτῆς εὐθείας ἐξέτεινε, πυκνοτέρας ἢ πρόσθεν τὰς σημείας καθιστάνων, καὶ ποιῶν πολλαπλάσιον τὸ βάθος ἐν ταῖς σπείραις τοῦ μετώπου· τοὺς δὲ τῶν συμμάχων ἱππεῖς εἰς τὸ λαιὸν κέρας παρενέβαλε· πάσης δὲ τῆς δυνάμεως προέστησε τοὺς εὐζώνους ἐν ἀποστάσει. Ἦσαν δὲ σὺν τοῖς συμμάχοις πεζῶν μὲν εἰς ὀκτὼ μυριάδας, ἱππεῖς δὲ μικρῷ πλείους τῶν ἑξακισχιλίων. Ἀννίβας δὲ κατὰ τὸν αὐτὸν καιρὸν τοὺς μὲν Βαλιαρεῖς καὶ λογχοφόρους διαβιβάσας τὸν ποταμὸν προεβάλετο τῆς δυνάμεως, τοὺς δὲ λοιποὺς ἐξαγαγὼν ἐκ τοῦ χάρακος καὶ περαιώσας κατὰ διττοὺς τόπους τὸ ῥεῖθρον ἀντετάττετο τοῖς πολεμίοις. Ἐτίθει δ´ ἐπ´ αὐτὸν μὲν τὸν ποταμόν, ἐπὶ τῶν εὐωνύμων, τοὺς Ἴβηρας καὶ Κελτοὺς ἱππεῖς ἀντίους τοῖς τῶν Ῥωμαίων ἱππεῦσι, συνεχεῖς δὲ τούτοις πεζοὺς τοὺς ἡμίσεις τῶν ἐν τοῖς βαρέσι καθοπλισμοῖς Λιβύων, ἑξῆς δὲ τοῖς εἰρημένοις Ἴβηρας καὶ Κελτούς. Παρὰ δὲ τούτοις τὸ λοιπὸν μέρος ἔθηκε τῶν Λιβύων, ἐπὶ δὲ τοῦ δεξιοῦ κέρως ἐπέταξε τοὺς Νομαδικοὺς ἱππεῖς. Ἐπεὶ δὲ πάντ´ ἐπὶ μίαν εὐθεῖαν ἐξέτεινε, μετὰ ταῦτα λαβὼν τὰ μέσα τῶν Ἰβήρων καὶ Κελτῶν τάγματα προῆγε καὶ τἄλλα τούτοις ἐκ τοῦ κατὰ λόγον παρίστανε ζυγοῦντα, μηνοειδὲς ποιῶν τὸ κύρτωμα καὶ λεπτύνων τὸ τούτων αὐτῶν σχῆμα, βουλόμενος ἐφεδρείας μὲν τάξιν ἐν τῇ μάχῃ τοὺς Λίβυας αὐτῶν ἔχειν, προκινδυνεῦσαι δὲ τοῖς Ἴβηρσι καὶ Κελτοῖς.

CXIV. Ἦν δ´ ὁ καθοπλισμὸς τῶν μὲν Λιβύων Ῥωμαϊκός, οὓς πάντας Ἀννίβας τοῖς ἐκ τῆς προγεγενημένης μάχης σκύλοις ἐκλέξας κατακεκοσμήκει· τῶν δ´ Ἰβήρων καὶ Κελτῶν ὁ μὲν θυρεὸς ἦν παραπλήσιος, τὰ δὲ ξίφη τὴν ἐναντίαν εἶχε διάθεσιν· τῆς μὲν γὰρ οὐκ ἔλαττον τὸ κέντημα τῆς καταφορᾶς ἴσχυε πρὸς τὸ βλάπτειν, ἡ δὲ Γαλατικὴ μάχαιρα μίαν εἶχε χρείαν τὴν ἐκ καταφορᾶς, καὶ ταύτην ἐξ ἀποστάσεως. Ἐναλλὰξ (δὲ) ταῖς σπείραις αὐτῶν παρατεταγμένων, καὶ τῶν μὲν Κελτῶν γυμνῶν, τῶν δ´ Ἰβήρων λινοῖς περιπορφύροις χιτωνίσκοις κεκοσμημένων κατὰ τὰ πάτρια, ξενίζουσαν ἅμα καὶ καταπληκτικὴν συνέβαινε γίνεσθαι τὴν πρόσοψιν. Ἦν δὲ τὸ μὲν τῶν ἱππικῶν πλῆθος τὸ σύμπαν τοῖς Καρχηδονίοις εἰς μυρίους, τὸ δὲ τῶν πεζῶν οὐ πολὺ πλείους τετρακισμυρίων σὺν τοῖς Κελτοῖς. Εἶχε δὲ τὸ μὲν δεξιὸν τῶν Ῥωμαίων Αἰμίλιος, τὸ δ´ εὐώνυμον Γάιος, τὰ δὲ μέσα Μάρκος καὶ Γνάιος οἱ τῷ πρότερον ἔτει στρατηγοῦντες. Τῶν δὲ Καρχηδονίων τὸ μὲν εὐώνυμον Ἀσδρούβας εἶχε, τὸ δὲ δεξιὸν Ἄννων· ἐπὶ δὲ τοῖς μέσοις αὐτὸς ἦν Ἀννίβας, ἔχων μεθ´ ἑαυτοῦ Μάγωνα τὸν ἀδελφόν. Βλεπούσης δὲ τῆς μὲν τῶν Ῥωμαίων τάξεως πρὸς μεσημβρίαν, ὡς ἐπάνω προεῖπα, τῆς δὲ τῶν Καρχηδονίων πρὸς τὰς ἄρκτους, ἑκατέροις ἀβλαβῆ συνέβαινε γίνεσθαι τὴν κατὰ τὸν ἥλιον ἀνατολήν.

CXV. Γενομένης δὲ τῆς συμπλοκῆς τῆς πρώτης ἐκ τῶν προτεταγμένων, τὰς μὲν ἀρχὰς αὐτῶν τῶν εὐζώνων ἔπισος ἦν ὁ κίνδυνος, ἅμα δὲ τῷ τοὺς Ἴβηρας καὶ Κελτοὺς ἱππεῖς ἀπὸ τῶν εὐωνύμων πελάσαι τοῖς Ῥωμαίοις ἐποίουν οὗτοι μάχην ἀληθινὴν καὶ βαρβαρικήν· οὐ γὰρ ἦν κατὰ νόμους ἐξ ἀναστροφῆς καὶ μεταβολῆς ὁ κίνδυνος, ἀλλ´ εἰσάπαξ συμπεσόντες ἐμάχοντο συμπλεκόμενοι κατ´ ἄνδρα, παρακαταβαίνοντες ἀπὸ τῶν ἵππων. Ἐπειδὴ δ´ ἐκράτησαν οἱ παρὰ τῶν Καρχηδονίων καὶ τοὺς μὲν πλείστους ἀπέκτειναν ἐν τῇ συμπλοκῇ, πάντων ἐκθύμως καὶ γενναίως διαγωνιζομένων τῶν Ῥωμαίων, τοὺς δὲ λοιποὺς ἤλαυνον παρὰ τὸν ποταμὸν φονεύοντες καὶ προσφέροντες τὰς χεῖρας ἀπαραιτήτως, τότε δὴ τὰ πεζικὰ στρατόπεδα διαδεξάμενα τοὺς εὐζώνους συνέπεσεν ἀλλήλοις. Ἐπὶ βραχὺ μὲν οὖν τῶν Ἰβήρων καὶ τῶν Κελτῶν ἔμενον αἱ τάξεις καὶ διεμάχοντο τοῖς Ῥωμαίοις γενναίως· μετὰ δὲ ταῦτα τῷ βάρει θλιβόμενοι κλίνοντες ὑπεχώρουν εἰς τοὐπίσω, λύσαντες τὸν μηνίσκον. Αἱ δὲ τῶν Ῥωμαίων σπεῖραι κατὰ τὴν ἐκθυμίαν ἑπόμεναι τούτοις διέκοψαν ῥᾳδίως τὴν τῶν ὑπεναντίων τάξιν, ἅτε δὴ τῶν μὲν Κελτῶν ἐπὶ λεπτὸν ἐκτεταγμένων, αὐτοὶ δὲ πεπυκνωκότες ἀπὸ τῶν κεράτων ἐπὶ τὰ μέσα καὶ τὸν κινδυνεύοντα τόπον· οὐ γὰρ ἅμα συνέβαινε τὰ κέρατα καὶ τὰ μέσα συμπίπτειν, ἀλλὰ πρῶτα τὰ μέσα διὰ (τὸ) τοὺς Κελτοὺς ἐν μηνοειδεῖ σχήματι τεταγμένους πολὺ προπεπτωκέναι τῶν κεράτων, ἅτε τοῦ μηνίσκου τὸ κύρτωμα πρὸς τοὺς πολεμίους ἔχοντος. Πλὴν ἑπόμενοί γε τούτοις οἱ Ῥωμαῖοι καὶ συντρέχοντες ἐπὶ τὰ μέσα καὶ τὸν εἴκοντα τόπον τῶν πολεμίων οὕτως ἐπὶ πολὺ προέπεσον ὥστ´ ἐξ ἑκατέρου τοῦ μέρους κατὰ τὰς ἐκ τῶν πλαγίων ἐπιφανείας τοὺς Λίβυας αὐτῶν γενέσθαι τοὺς ἐν τοῖς βαρέσι καθοπλισμοῖς· ὧν οἱ μὲν ἀπὸ τοῦ δεξιοῦ κέρατος κλίναντες ἐπ´ ἀσπίδα καὶ τὴν ἐμβολὴν ἐκ δόρατος ποιούμενοι παρίσταντο παρὰ πλευρὰν τοῖς πολεμίοις, οἱ δ´ ἀπὸ τῶν εὐωνύμων ἐπὶ δόρυ ποιούμενοι τὴν κλίσιν ἐξ ἀσπίδος ἐπιπαρενέβαλλον, αὐτοῦ τοῦ πράγματος ὃ δέον ἦν ποιεῖν ὑποδεικνύντος. Ἐξ οὗ συνέβη κατὰ τὴν Ἀννίβου πρόνοιαν μέσους ἀποληφθῆναι τοὺς Ῥωμαίους ὑπὸ τῶν Λιβύων κατὰ τὴν ἐπὶ τοὺς Κελτοὺς παράπτωσιν. Οὗτοι μὲν οὖν οὐκέτι φαλαγγηδόν, ἀλλὰ κατ´ ἄνδρα καὶ κατὰ σπείρας στρεφόμενοι πρὸς τοὺς ἐκ τῶν πλαγίων προσπεπτωκότας ἐποιοῦντο τὴν μάχην·

CXI. Annibal, qui voyait les circonstances l'appeler à en venir aux mains avec l'ennemi, et craignait en même temps que le dernier échec n'eût fait une impression fâcheuse sur l'armée, crut devoir lui adresser quelques paroles, et la convoqua. Quand on fut réuni, il commença par dire aux soldats de regarder autour d'eux, et leur demanda si, en supposant même que les dieux leur permissent de leur exprimer leurs désirs, ils pourraient demander d'eux une faveur plus précieuse que de voir, avec leur innombrable supériorité en cavalerie, les Romains engager sur un pareil terrain une bataille générale. Tous accueillirent par un murmure approbateur cette évidente vérité. « Eh bien ! dit Annibal, remerciez donc les dieux qui, vous préparant la victoire, ont amené ici les ennemis, et ensuite remerciez-moi, moi qui les ai forcés à combattre ( car la fuite est impossible), et à combattre en un lieu qui nous garantit le succès. Vous exciter longuement à avoir bon espoir et à être braves dans la mêlée, est chose inutile. Lorsque vous ignoriez encore ce que c'était qu'une bataille contre les Romains, les exhortations étaient nécessaires ; et j'appuyais même alors mes longues harangues d'exemples qui frappassent vos sens ; mais aujourd'hui que vous avec complètement vaincu Rome dans  288 trois grandes journées, quelle éloquence plus capable de vous inspirer de l'audace, soldats, que les faits eux-mêmes ? Les premières victoires vous ont rendus maîtres des campagnes et des richesses qu'elles renferment, suivant les promesses de cette bouche trouvée sincère en toutes ses paroles. Il s'agit maintenant des villes et de leurs trésors. Encore un triomphe, et vous tenez l'Italie tout entière en vos mains, vous mettez un terme à vos fatigues, vous devenez maîtres absolus de la puissance romaine, vous acquérez enfin une autorité sans partage en ce pays. Aussi il faut maintenant des actions et non des paroles. Avec l'aide des dieux, j'aurai bientôt confirmé ce que je vous promets. » Il dit, et les soldats reçurent avec enthousiasme son discours ; il les remercia de leur zèle, les congédia, et du côté du fleuve où se trouvait la plus forte partie de l'armée ennemie, établit un camp où il se retrancha.

CXII. Le lendemain, il donna ordre à toutes ses troupes de réparer leurs forces par tous les soins nécessaires, et de se préparer au combat. Enfin, le jour suivant, il rangea son armée le long du fleuve. Il était  clair qu'il voulait livrer bataille. Mais Lucius, qui trouvait la position mauvaise et comprenait que les Carthaginois seraient bientôt obligés de décamper pour avoir des vivres, ne bougea pas et se contenta de protéger les abords des deux camps par des postes considérables. Annibal, après avoir quelque temps attendu, et ne voyant personne venir, renvoya dans leurs retranchements ses soldats, à l'exception des Numides, et les lança contre les troupes du second camp romain, qui faisaient de l'eau. Comme les barbares s'avançaient jusqu'à la palissade, et empêchaient les soldats d'approcher de la rivière, Caïus sentit redoubler son désir de combattre, et l'armée, qu'animait la même ardeur, supportait avec peine qu'on différât la bataille ; car l'homme hait surtout l'incertitude, sans songer que, la chose décidée, il n'y a plus à revenir sur les maux  289 qui surviennent. A Rome, quand on apprit que les armées étaient en présence dans leur camp, et que chaque jour il y avait des affaires d'avant-postes, la ville entière demeura suspendue dans une terrible attente. Pleine du souvenir des défaites passées, elle redoutait l'avenir et prévoyait, calculait avec effroi les conséquences d'une telle journée, si sa dernière armée était détruite. Toutes les bouches répétaient les oracles consacrés dans Rome ; les temples et les maisons retentissaient de prodiges et de miracles (25). Ce n'était partout que vœux, sacrifices, supplications, prières. Dans les moments critiques, les Romains sont féconds en moyens pour apaiser les dieux et les hommes; et il n'est pas de pratique qu'ils regardent alors comme au-dessous de leur grandeur et de leur dignité.

CXIII. Caïus eut à peine, le lendemain, reçu les faisceaux, qu'à la pointe du jour il fit sortir l'armée des deux camps. A mesure que les soldats du camp le plus considérable passaient le fleuve, il les rangeait en bataille. Il plaça sur la même ligne les troupes de l'autre camp la face tournée vers le midi. Il établit aussi les cavaliers romains le long du fleuve, à l'aile droite, et à côté d'eux, dans la même direction, il développa son infanterie, dont il avait fait les manipules plus serrés que de coutume, et les colonnes plus épaisses qu'étendues. La cavalerie alliée fut envoyée à l'aile gauche; enfin, quelque peu en avant, il disposa les soldats armés à la légère. Les Romains comptaient, les alliés compris, quatre-vingt mille hommes d'infanterie et un peu plus de six mille chevaux. Annibal, de son côté, fit passer le fleuve aux frondeurs et aux soldats armés à la légère, et les jeta devant les premières lignes. Il fit ensuite sortir du camp le reste de ses troupes, et dès qu'elles eurent par deux endroits franchi l'Aufide, il les posta en face de l'ennemi. Il mit 290 à l'aile gauche, sur les bords du fleuve, en face de la cavalerie romaine, les cavaliers gaulois et espagnols, et sur leurs flancs la moitié des fantassins africains pesamment armés. A côté de ceux-ci, venaient les Espagnols et les Gaulois à pied, et l''autre moitié des Africains. Les cavaliers Numides furent réservés pour l'aile droite. Quand il eut ainsi sur une même ligne étendu ses troupes, il prit avec lui la moitié des Gaulois et des Espagnols, s'avança de quelques pas, et par la manière dont il rattacha le reste des troupes aux siennes, il donna à son ordre de bataille la forme d'un croissant convexe, dont l'épaisseur diminuait proportionnellement. Il voulait, par cette tactique, faire des Africains une espèce de réserve, et livrer la bataille avec les Espagnols et les Gaulois.

CXIV. Les Africains étaient armés à la romaine, Annibal leur ayant donné les armes trouvées parmi les dépouilles de la dernière bataille. Le bouclier des Espagnols et des Gaulois était de même forme, mais leurs épées étaient différentes; celle des Espagnols était aussi propre à blesser d'estoc que de taille ; celle des Gaulois ne pouvait frapper que d'estoc et à distance. Leurs colonnes étaient dans un ordre alternatif, et les Celtes étaient nus. Les Espagnols, couverts, suivant la coutume de leur pays, de chemises de lin, teintes en pourpre, présentaient un aspect aussi étrange qu'effrayant. Le total de la cavalerie carthaginoise s'élevait à dix mille chevaux, et l'infanterie avec les Celtes à un peu plus que quarante mille hommes, Émilius occupait l'aile droite des Romains, Caïus la gauche, les proconsuls Marius et Cnéus, le centre. Asdrubal commandait l'aile gauche des Carthaginois, Hannon la droite, Annibal le centre, avec son frère Magon. Les Romains avaient le visage tourné vers le midi et les Carthaginois vers le nord, si bien que le soleil ne pouvait gêner de ses rayons ni l'une ni l'autre armée.

CXV. Les avant-postes engagèrent l'action, et d'abord 291 le combat livré entre les troupes légères fut égal ; mais quand les cavaliers espagnols et gaulois de l'aile gauche se furent approchés des Romains, la bataille devint terrible , et les Romains combattirent en barbares. Ils ne procédèrent plus suivant leur tactique habituelle par retraites simulées, par soudains retours. Au premier choc, s'élançant de leurs chevaux, ils luttèrent avec l'ennemi corps à corps. Les Carthaginois finirent par l'emporter, tuèrent dans la mêlée un grand nombre de Romains, qui firent en cette occasion une héroïque résistance , refoulèrent les autres jusqu'au fleuve, et les massacrèrent sans pitié. Alors les deux infanteries, remplaçant les soldats légèrement armés, se heurtèrent. Quelque temps les Espagnols et les Gaulois tinrent bon, et luttèrent vaillamment contre les Romains; mais enfin écrasés par la lourde masse des légions ils battirent en retraite et rompirent le croissant. Les manipules romains les poursuivirent avec ardeur, et brisèrent facilement leurs lignes, car les Gaulois avaient peu de profondeur, tandis que les Romains s'étaient rabattus des ailes sur le centre, et vers le point où se passait l'action. En effet, chez les Carthaginois les ailes et le centre n'avaient pas simultanément pris part à la mêlée : le centre avait commencé l'action, parce que les Gaulois, disposés par Annibal sous la forme d'un croissant dont la partie convexe était vers l'ennemi, formaient nécessairement saillie sur les ailes. Les Romains donc , en se précipitant à la poursuite des fuyards, sur le centre, dans cette partie où l'ennemi cédait, y pénétrèrent si avant que les Africains, pesamment armés, se trouvèrent les enfermer de l'un et l'autre côté. Les Africains , qui formaient l'aile droite, par un léger mouvement à gauche, chargèrent le flanc droit des Romains, ceux qui étaient à gauche, par le même mouvement vers la droite, leur pressèrent le flanc gauche (26). La cir- 292 constance, du reste, commandait cette manœuvre ; ainsi, suivant l'espérance d'Annibal, les Romains, dans leur emportement à poursuivre les Gaulois, étaient cernés par les Africains. Réduits à ne plus combattre en phalange, ils se défendirent isolés et par pelotons contre l'ennemi qui les harcelait de côté.

CXVI. Λεύκιος δὲ καίπερ ὢν ἐξ ἀρχῆς ἐπὶ τοῦ δεξιοῦ κέρατος καὶ μετασχὼν ἐπί (τι) τοῦ τῶν ἱππέων ἀγῶνος ὅμως ἔτι τότε διεσῴζετο. Βουλόμενος δὲ τοῖς κατὰ τὴν παράκλησιν λόγοις ἀκολούθως ἐπ´ αὐτῶν γίνεσθαι τῶν ἔργων καὶ θεωρῶν τὸ συνέχον τῆς κατὰ τὸν ἀγῶνα κρίσεως ἐν τοῖς πεζικοῖς στρατοπέδοις κείμενον, παριππεύων ἐπὶ τὰ μέσα τῆς ὅλης παρατάξεως ἅμα μὲν αὐτὸς συνεπλέκετο καὶ προσέφερε τὰς χεῖρας τοῖς ὑπεναντίοις, ἅμα δὲ παρεκάλει καὶ παρώξυνε τοὺς παρ´ αὑτοῦ στρατιώτας. Τὸ δὲ παραπλήσιον Ἀννίβας ἐποίει· καὶ γὰρ οὗτος ἐξ ἀρχῆς ἐπὶ τούτοις τοῖς μέρεσιν ἐπέστη τῆς δυνάμεως. Οἱ δὲ Νομάδες ἀπὸ τοῦ δεξιοῦ κέρατος προσπίπτοντες τοῖς ὑπεναντίοις ἱππεῦσι τοῖς ἐπὶ τῶν εὐωνύμων τεταγμένοις μέγα μὲν οὔτ´ ἐποίουν οὐδὲν οὔτ´ ἔπασχον διὰ τὴν ἰδιότητα τῆς μάχης, ἀπράκτους γε μὴν τοὺς πολεμίους παρεσκεύαζον, περισπῶντες καὶ πανταχόθεν προσπίπτοντες. Ἐπεὶ δ´ οἱ περὶ τὸν Ἀσδρούβαν ἀποκτείναντες τοὺς περὶ τὸν ποταμὸν ἱππεῖς πλὴν παντελῶς ὀλίγων παρεβοήθησαν ἀπὸ τῶν εὐωνύμων τοῖς Νομάσιν, τότε προϊδόμενοι τὴν ἔφοδον αὐτῶν οἱ σύμμαχοι τῶν Ῥωμαίων ἱππεῖς ἐκκλίναντες ἀπεχώρουν. Ἐν ᾧ καιρῷ πραγματικὸν δοκεῖ ποιῆσαι καὶ φρόνιμον ἔργον Ἀσδρούβας· θεωρῶν γὰρ τοὺς Νομάδας τῷ τε πλήθει πολλοὺς ὄντας καὶ πρακτικωτάτους καὶ φοβερωτάτους τοῖς ἅπαξ ἐγκλίνασιν, τοὺς μὲν φεύγοντας παρέδωκε τοῖς Νομάσιν, πρὸς δὲ τὴν τῶν πεζῶν μάχην ἡγεῖτο, σπεύδων παραβοηθῆσαι τοῖς Λίβυσι. Προσπεσὼν δὲ τοῖς Ῥωμαϊκοῖς στρατοπέδοις κατὰ νώτου καὶ ποιούμενος ἐκ διαδοχῆς ταῖς ἴλαις ἐμβολὰς ἅμα κατὰ πολλοὺς τόπους ἐπέρρωσε μὲν τοὺς Λίβυας, ἐταπείνωσε δὲ καὶ κατέπληξε ταῖς ψυχαῖς τοὺς Ῥωμαίους. Ἐν ᾧ καιρῷ καὶ Λεύκιος Αἰμίλιος περιπεσὼν βιαίοις πληγαῖς ἐν χειρῶν νόμῳ μετήλλαξε τὸν βίον, ἀνὴρ πάντα τὰ δίκαια τῇ πατρίδι κατὰ τὸν λοιπὸν βίον καὶ κατὰ τὸν ἔσχατον καιρόν, εἰ καί τις ἕτερος, ποιήσας. Οἱ δὲ Ῥωμαῖοι μέχρι μὲν ἐμάχοντο κατὰ τὰς ἐπιφανείας στρεφόμενοι πρὸς τοὺς κεκυκλωκότας, ἀντεῖχον· ἀεὶ δὲ τῶν πέριξ ἀπολλυμένων, καὶ κατὰ βραχὺ συγκλειόμενοι, τέλος αὐτοῦ πάντες, ἐν οἷς καὶ Μάρκος καὶ Γνάιος, ἔπεσον, οἱ τὸ πρότερον ἔτος ὕπατοι γεγονότες, ἄνδρες ἀγαθοὶ καὶ τῆς Ῥώμης ἄξιοι γενόμενοι κατὰ τὸν κίνδυνον. Κατὰ δὲ τὸν τούτων φόνον καὶ τὴν συμπλοκὴν οἱ Νομάδες ἑπόμενοι τοῖς φεύγουσι τῶν ἱππέων τοὺς μὲν πλείστους ἀπέκτειναν, τοὺς δὲ κατεκρήμνισαν ἀπὸ τῶν ἵππων. Ὀλίγοι δέ τινες εἰς Οὐενουσίαν διέφυγον, ἐν οἷς ἦν καὶ Γάιος Τερέντιος ὁ τῶν Ῥωμαίων στρατηγός, ἀνὴρ αἰσχρὰν μὲν τὴν ψυχὴν ἀλυσιτελῆ δὲ τὴν ἀρχὴν τὴν αὑτοῦ τῇ πατρίδι πεποιημένος.

CXVII. Ἡ μὲν οὖν περὶ Κάνναν γενομένη μάχη Ῥωμαίων καὶ Καρχηδονίων ἐπετελέσθη τὸν τρόπον τοῦτον, μάχη γενναιοτάτους ἄνδρας ἔχουσα καὶ τοὺς νικήσαντας καὶ τοὺς ἡττηθέντας. Δῆλον δὲ τοῦτ´ ἐγένετ´ ἐξ αὐτῶν τῶν πραγμάτων. Τῶν μὲν γὰρ ἑξακισχιλίων ἱππέων ἑβδομήκοντα μὲν εἰς Οὐενουσίαν μετὰ Γαΐου διέφυγον, περὶ τριακοσίους δὲ τῶν συμμάχων σποράδες εἰς τὰς πόλεις ἐσώθησαν· ἐκ δὲ τῶν πεζῶν μαχόμενοι μὲν ἑάλωσαν εἰς μυρίους— οἱ δ´ ἐκτὸς ὄντες τῆς μάχης—ἐξ αὐτοῦ δὲ τοῦ κινδύνου τρισχίλιοι μόνον ἴσως εἰς τὰς παρακειμένας πόλεις διέφυγον. Οἱ δὲ λοιποὶ πάντες, ὄντες εἰς ἑπτὰ μυριάδας, ἀπέθανον εὐγενῶς, τὴν μεγίστην χρείαν παρεσχημένου τοῖς Καρχηδονίοις εἰς τὸ νικᾶν καὶ τότε καὶ πρὸ τοῦ (τοῦ) τῶν ἱππέων ὄχλου. Καὶ δῆλον ἐγένετο τοῖς ἐπιγενομένοις ὅτι κρεῖττόν ἐστι πρὸς τοὺς τῶν πολέμων καιροὺς ἡμίσεις ἔχειν πεζούς, ἱπποκρατεῖν δὲ τοῖς ὅλοις, μᾶλλον ἢ πάντα πάρισα τοῖς πολεμίοις ἔχοντα διακινδυνεύειν. Τῶν δὲ μετ´ Ἀννίβου Κελτοὶ μὲν ἔπεσον εἰς τετρακισχιλίους, Ἴβηρες δὲ καὶ Λίβυες εἰς χιλίους καὶ πεντακοσίους, ἱππεῖς δὲ περὶ διακοσίους. Οἱ δὲ ζωγρηθέντες τῶν Ῥωμαίων ἐκτὸς ἐγένοντο τοῦ κινδύνου, καὶ διὰ τοιαύτην αἰτίαν. Λεύκιος ἀπέλιπε μυρίους πεζοὺς ἐπὶ τῆς ἑαυτοῦ παρεμβολῆς, ἵν´ ἐὰν μὲν Ἀννίβας ὀλιγωρήσας τοῦ χάρακος ἐκτάξῃ πᾶσι, παραπεσόντες οὗτοι κατὰ τὸν τῆς μάχης καιρὸν ἐγκρατεῖς γένωνται τῆς τῶν πολεμίων ἀποσκευῆς, ἐὰν δὲ προϊδόμενος τὸ μέλλον ἀπολίπῃ φυλακὴν ἀξιόχρεων, πρὸς ἐλάττους αὐτοῖς ὁ περὶ τῶν ὅλων γένηται κίνδυνος. Ἑάλωσαν δὲ τοιούτῳ τινὶ τρόπῳ. Καταλιπόντος Ἀννίβου φυλακὴν ἀρκοῦσαν ἐπὶ τοῦ χάρακος, ἅμα τῷ κατάρξασθαι τὴν μάχην κατὰ τὸ συνταχθὲν ἐπολιόρκουν οἱ Ῥωμαῖοι, προσβάλλοντες τοὺς ἀπολελειμμένους ἐν τῷ τῶν Καρχηδονίων χάρακι. Τὸ μὲν οὖν πρῶτον ἀντεῖχον· ἤδη δ´ αὐτῶν πιεζομένων, ἐπειδὴ κατὰ πάντα τὰ μέρη τὴν μάχην Ἀννίβας ἔκρινε, καὶ τότε παραβοηθήσας καὶ τρεψάμενος συνέκλεισε τοὺς Ῥωμαίους εἰς τὴν ἰδίαν παρεμβολὴν καὶ δισχιλίους μὲν αὐτῶν ἀπέκτεινε, τῶν δὲ λοιπῶν ἐγκρατὴς ἐγένετο ζωγρίᾳ πάντων. Ὁμοίως δὲ καὶ τοὺς ἐπὶ τὰ κατὰ τὴν χώραν ἐρύματα συμπεφευγότας ἐκπολιορκήσαντες οἱ Νομάδες ἐπανῆγον, ὄντας εἰς δισχιλίους τῶν εἰς φυγὴν τραπέντων ἱππέων.

CXVIII. Βραβευθείσης δὲ τῆς μάχης τὸν προειρημένον τρόπον, ἀκόλουθον εἰλήφει τὰ ὅλα κρίσιν τοῖς ὑπ´ ἀμφοτέρων προσδοκωμένοις. Καρχηδόνιοι μὲν γὰρ διὰ τῆς πράξεως ταύτης παραχρῆμα τῆς μὲν λοιπῆς παραλίας σχεδὸν πάσης ἦσαν ἐγκρατεῖς· Ταραντῖνοί τε γὰρ εὐθέως ἐνεχείριζον αὑτούς, Ἀργυριππανοὶ δὲ καὶ Καπυανῶν τινες ἐκάλουν τὸν Ἀννίβαν, οἱ δὲ λοιποὶ πάντες ἀπέβλεπον ἤδη τότε πρὸς Καρχηδονίους· μεγάλας δ´ εἶχον ἐλπίδας ἐξ ἐφόδου καὶ τῆς Ῥώμης αὐτῆς ἔσεσθαι κύριοι· Ῥωμαῖοί γε μὴν τὴν Ἰταλιωτῶν δυναστείαν παραχρῆμα διὰ τὴν ἧτταν ἀπεγνώκεισαν, ἐν μεγάλοις δὲ φόβοις καὶ κινδύνοις ἦσαν περί τε σφῶν αὐτῶν καὶ περὶ τοῦ τῆς πατρίδος ἐδάφους, ὅσον οὔπω προσδοκῶντες ἥξειν αὐτὸν τὸν Ἀννίβαν. Καὶ γὰρ ὥσπερ ἐπιμετρούσης καὶ συνεπαγωνιζομένης τοῖς γεγονόσι τῆς τύχης, συνέβη μετ´ ὀλίγας ἡμέρας, τοῦ φόβου κατέχοντος τὴν πόλιν, καὶ τὸν εἰς τὴν Γαλατίαν στρατηγὸν ἀποσταλέντ´ εἰς ἐνέδραν ἐμπεσόντα παραδόξως ἄρδην ὑπὸ τῶν Κελτῶν διαφθαρῆναι μετὰ τῆς δυνάμεως. Οὐ μὴν ἥ γε σύγκλητος οὐδὲν ἀπέλειπε τῶν ἐνδεχομένων, ἀλλὰ παρεκάλει μὲν τοὺς πολλούς, ἠσφαλίζετο δὲ τὰ κατὰ τὴν πόλιν, ἐβουλεύετο δὲ περὶ τῶν ἐνεστώτων ἀνδρωδῶς. Τοῦτο δ´ ἐγένετο φανερὸν ἐκ τῶν μετὰ ταῦτα συμβάντων· ὁμολογουμένως γὰρ Ῥωμαίων ἡττηθέντων τότε καὶ παραχωρησάντων τῆς ἐν τοῖς ὅπλοις ἀρετῆς, τῇ τοῦ πολιτεύματος ἰδιότητι καὶ τῷ βουλεύεσθαι καλῶς οὐ μόνον ἀνεκτήσαντο τὴν τῆς Ἰταλίας δυναστείαν, νικήσαντες μετὰ ταῦτα Καρχηδονίους, ἀλλὰ καὶ τῆς οἰκουμένης ἁπάσης ἐγκρατεῖς ἐγένοντο μετ´ ὀλίγους χρόνους. Διόπερ ἡμεῖς ταύτην μὲν τὴν βύβλον ἐπὶ τούτων τῶν ἔργων καταστρέψομεν, ἃ περιέλαβεν Ἰβηρικῶν καὶ τῶν Ἰταλικῶν ἡ τετταρακοστὴ πρὸς ταῖς ἑκατὸν ὀλυμπιάσι δηλώσαντες· ὅταν δὲ τὰς Ἑλληνικὰς πράξεις τὰς κατὰ τὴν αὐτὴν ὀλυμπιάδα γενομένας διεξιόντες ἐπιστῶμεν τοῖς καιροῖς τούτοις, τότ´ ἤδη προθέμενοι ψιλῶς τὸν ὑπὲρ αὐτῆς τῆς Ῥωμαίων πολιτείας ποιησόμεθα λόγον, νομίζοντες οὐ μόνον πρὸς τὴν τῆς ἱστορίας σύνταξιν οἰκείαν εἶναι τὴν περὶ αὐτῆς ἐξήγησιν. Ἀλλὰ καὶ πρὸς τὰς τῶν πολιτευμάτων διορθώσεις καὶ κατασκευὰς μεγάλα συμβάλλεσθαι τοῖς φιλομαθοῦσι καὶ πραγματικοῖς τῶν ἀνδρῶν.

CXVI. Lucius , quoique depuis le commencement de l'action placé à l'aile droite et mêlé au combat de cavalerie, était encore vivant. Désireux de se montrer partout, comme il l'avait promis dans sa harangue aux soldats, et comprenant que le sort du combat reposait sur l'infanterie, il poussa son cheval vers le centre et se jeta au milieu de l'ennemi : en même temps qu'il y répandait le carnage, il animait, excitait ses soldats. Annibal déployait la même activité : depuis le commencement de la bataille il n'avait pas quitté son poste. Cependant les Numides, qui de l'aile droite avaient fondu sur les cavaliers ennemis placés à l'aile gauche, sans faire ni éprouver beaucoup de mal, grâce à leur manière de combattre , ne laissaient pas de les réduire à l'inaction par de continuelles attaques. Enfin, quand Hasdrubal, après avoir massacré presque toute la cavalerie refoulée sur les bords du fleuve, vint de l'aile gauche porter secours aux Numides, la cavalerie auxiliaire , prévoyant le choc, battit en retraite. Hasdrubal eut en cette circonstance recours à une adroite et efficace manœuvre. Comme il voyait devant lui les Numides en grand nombre, et qu'il connaissait quel usage terrible on pouvait faire de ces Barbares contre des troupes en fuite, il leur abandonna le soin de poursuivre les fuyards, pendant que lui-même, pour soutenir les 293 Africains, se dirigea vers l'endroit où combattait l'infanterie : il prit les Romains en queue et multiplia contre eux les charges de cavalerie de plusieurs côtés. Par cette tactique, il troubla, abattit leur courage, et releva celui de leurs ennemis. En ce moment Lucius Émilius, frappé de terribles blessures, tomba sur le champ de bataille, Émilius, qui durant toute sa vie remplit si noblement ses devoirs envers Rome et mérita bien d'elle jusque dans sa dernière heure! Quant aux Romains, tant que, formés en cercle, ils purent combattre de front les troupes qui les entouraient, ils résistèrent; mais comme les soldats qui composaient la circonférence tombaient sans cesse, serrés de plus en plus par l'ennemi, ils finirent par périr jusqu'au dernier. Parmi les morts se trouvèrent Marcus et Cnéus, consuls de l'année précédente , hommes de cœur qui, dans ce combat, se montrèrent dignes enfants de Rome. Pendant cette lutte et le massacre qui l'avait terminée, les Numides, à la poursuite des cavaliers en déroute, en tuèrent la plus grande partie , et en précipitèrent d'autres à bas de leurs chevaux. Quelques-uns s'enfuirent à Venusium, et entre autres le consul Caïus Térentius, qui de son existence fit un opprobre et de sa magistrature un malheur pour son pays.

CXVII. Telle fut l'issue de cette bataille de Cannes entre les Carthaginois et les Romains, où vainqueurs et vaincus se signalèrent par la plus grande valeur. Les faits sont là pour le prouver. De six mille cavaliers, soixante-dix s'enfuirent avec Caïus à Venusium, et à peu près trois cents alliés se réfugièrent par bandes séparées dans les villes. Dix mille fantassins environ furent faits prisonniers ; mais ils étaient restés en dehors du combat. De ceux qui y avaient pris part, trois mille seulement allèrent chercher asile dans les cités voisines. Tout le reste, qui s'élevait à soixante-dix mille hommes, périt glorieusement. Quant aux Carthaginois, ce fut leur cavalerie qui, en cette occasion comme dans les 394 affaires précédentes, leur assura la victoire : enseignement précieux qui prouve à tous les peuples qu'il vaut mieux, en temps de guerre, avoir moitié moins d'infanterie que l'ennemi et l'emporter sur lui en cavalerie, que lui opposer des forces absolument égales aux siennes, Annibal perdit quatre mille Gaulois, quinze cents Espagnols et Africains et deux cents cavaliers. Disons ici, en passant, de quelle manière les Romains faits prisonniers étaient restés étrangers au combat. Lucius Émilius avait laissé dans ses retranchements dix mille fantassins, afin que, si Annibal, jetant dans la mêlée toutes ses forces , abandonnait son camp sans défense, cette réserve, durant le combat même, tombât sur les tentes de l'ennemi et s'emparât de ses bagages; ou bien que, si ce général, prévoyant cette attaque, était forcé d'y déposer une forte garde, les Romains eussent affaire à des troupes d'autant moins nombreuses. Ces dix mille furent pris de la manière qui suit : Annibal avait placé son camp sous la protection d'une garde suffisante; et, suivant l'ordre qu'on leur avait donné, les Romains, dès que la bataille fut engagée, assiégèrent brusquement les soldats carthaginois dans leurs retranchements. Ceux-ci résistèrent avec courage, mais ils étaient déjà serrés de près quand Annibal, partout vainqueur, accourut à leur aide, mit les Romains en fuite, les enferma dans leur propre camp, en tua deux mille et fit les autres prisonniers. Les Numides ramenèrent aussi captifs des cavaliers qui s'étaient réfugiés dans quelques forteresses du pays, dont ils s'emparèrent ; ces captifs étaient au nombre de deux mille environ.

CXVIII. Dès que la fortune eut ainsi décidé de la bataille, les affaires prirent aussitôt le train auquel s'attendaient les deux partis. Les Carthaginois devinrent tout d'un coup maîtres de presque tout le littoral de la grande Grèce. Les Tarentins se livrèrent à eux, les Arpiens et quelques Capouans appelèrent Annibal : tous 295 les autres peuples tournaient leurs regards vers le vainqueur. Enfin les Carthaginois nourrissaient l'espoir de prendre Rome elle-même. Les Romains, au contraire, avaient dû renoncer à leur empire sur l'Italie : tremblant pour eux et pour leur patrie, et exposés aux plus grands périls, sans cesse ils croyaient voir Annibal arriver. Puis, comme si la fortune voulait mettre le comble à tant de malheurs, et joindre ses coups à ceux de l'ennemi, quelques jours après, au milieu des alarmes de la ville, tombait cette nouvelle que le préteur envoyé en Cisalpine avait donné dans une embuscade, et que lui et toutes ses troupes avaient été détruits par les Gaulois. Cependant le sénat ne négligea aucune des mesures qu'il était possible de prendre : il s'empressa de relever le courage du peuple, de fortifier la ville ; enfin il adopta les conseils les plus fermes et les plus efficaces, comme la suite le fit bien voir. En effet, voilà les Romains éprouvés par de cruelles défaites, dépossédés de leur gloire militaire, et bientôt, grâce à la force particulière de leur gouvernement, à la sagesse de leurs résolutions, non-seulement ils recouvrèrent la puissance en Italie par leurs victoires sur Carthage, mais encore, peu après, ils devinrent maîtres de l'univers. Nous terminons ici notre livre, après avoir ainsi fait l'histoire des faits accomplis en Espagne et en Italie, que renferme la cent quarantième olympiade. Lorsque nous aurons raconté les événements qui eurent lieu en Grèce dans ces mêmes temps, nous consacrerons un livre spécial au gouvernement de Rome. Cette étude n'est pas seulement propre à l'histoire : elle peut être d'une grande utilité au savant et à l'administrateur pour rétablissement ou pour la réforme des États.

(01) Tite Live a tiré le vingt et unième livre et le vingt-deuxième de son histoire de ce troisième livre de Polybe. La narration de l'historien latin n'est que la reproduction, souvent textuelle, de l'auteur grec.

(02) Sagonte, aujourd'hui détruite, près de Muniédro, au sud-ouest de l'embouchure de l'Èbre.

(03) Pharos, aujourd'hui Lésina,

(04

(05) Le passage où Polybe. parlait de la mort de Démétrius n'existe plus.

(06) C'et-à-dire les marchés.

(07) Mot à mot, « si les Romains prennent quelque individu des peuples qui sont unis aux Carthaginois, qu'ils ne le conduisent pas dans quelque port de Carthage. »

(08) Polybe parle des Antiates ; il n'en est nullement question dans le texte du traité. Peut-être cette phrase est-elle un simple résumé.

(09) Nous renvoyons pour tous ces détails, aux notes de Schveighaeuser et à Strabon, passim.

(10) Polybe entend par là le promontoire de Vénus, aujourd'hui promontoire de la Croix.

(11)  Il est probable que ce membre de pbrase est une glose ajoutée par quelque copiste.

(12)  Voir les notes de Schweighœuser sur l'erreur que présente ce chiffre.

(13)  Voir les notes de Schweigtaœuser, Ve vol,, chap. XLVI , édition de  1792.

(14) Quel fleuve? Isère ou le Rhône? Il est impossible de résoudre cette question, sur laquelle le récit de Tite Lire ne nous donne aucune lumière.

(15) Πρὸς τὴν τοιαύτην πίστιν. Nous atons pris le mot de πίστιςi dans le sens de reddition, capitulation, démonstration pacifique. Ce sens, que nous n'avons trouvé chez aucun interprète de Polybe, nous semble le plus naturel et le plus exact.

(16) Περὶ τῶν ἁρμοζόντων. Il y a dans ces mots un sens fort enveloppé, que la seule suite de ces chapitres peut expliquer, et que nous n'aurions pu faire ressortir en nous attachant & une traduction trop exacte, et par là même inintelligible.

(17) Voir sur ce combat les commentaires de Guischardt, Mémoires militaires sur les Grecs et les Romains ( tome I, chap. v ). Nous conseillons au lecteur de consulter ces mémoires de préférence à ceux de Folard. Amené à comparer souvent ces deux ouvrages, nous avons toujours trouvé dans les écrits de Guischard une netteté et une justesse d'observation qu'on chercherait en vain dans les prolixes amplifications de Folard,

(18) Ἕως τοῦ πρώτου ποταμοῦ. Voir sur ces mots obscurs les notes de Schweighaeuser. Nous avons cru devoir adopter un autre sens que celui qu'il propose et qui nous semble trop forcé pour devoir être accepté.

(19)  Tite Live donne comme chiffre dix-huit mille Romains, liv. XXI, chap. LV.

(20)  Voir Bossuet, Histoire universelle, chap. vi, sur cette constance du sénat.

(21) Voir les notes de Schweighœuser, tom. V, liv. III, chap. LXXXVIII,

(22) Voir l'Odyssée, liv. X, 232-258.

(23) Tite Live commente ainsi cette phrase ; « Tum., qualia plerumque sunt barbarorum ingenia, quum fortuna mutaverat fidem, etc. » (lib. XXII, cap. XXII.)

(24) Ce nom est inconnu. Schweighœuser suppose que c'est le mont Taburne, près de Caudium.

(25) Voir Tite Live, liv. XXII, chap, xxxvi.

(26) Il y a dans ce passage, d'après le texte qui semble cependant exact, quelque chose de contradictoire. Comment se fait-il que les Africains de l'aile droite, par un mouvement à gauche, chargent le flanc droit des Romains , etc.? La raison dit « le flanc gauche. » Nous constatons cette contradiction sans pouvoir l'expliquer, et en l'expliquant la corriger. Schweighaeuser se borne à des suppositions. Guischardt, dans ses Mémoires, ne tranche la difficulté qu'en traduisant d'une manière fort inexacte, et Tite Live ne fournit absolument aucune lumière.