Ermold le Noir

JACQUES DE VITRY

 

HISTOIRE DES CROISADES : LIVRE I - Partie I - Partie II - Partie III - LIVRE II - LIVRE III

 

Œuvre mise en page par Patrick Hoffman

 

 

 

 

 

 

 

COLLECTION

DES MÉMOIRES

RELATIFS

A L'HISTOIRE DE FRANCE,

depuis la fondation de la monarchie française jusqu'au 13e siècle

AVEC UNE INTRODUCTION DES SUPPLÉMENS, DES NOTICES ET DES NOTES;

Par M. GUIZOT,

PROFESSEUR D'HISTOIRE MODERNE A L’ACADÉMIE DE PARIS.

 

 

A PARIS,

CHEZ J.-L.-J. BRIÈRE, LIBRAIRE,

RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS, N°. 68.

 

 

COLLECTION

DES MÉMOIRES

RELATIFS

A L'HISTOIRE DE FRANCE.

 

 

HISTOIRE

DES CROISADES,

Par JACQUES DE VITRY.

 

Précédent

267LIVRE SECOND.

De la corruption des contrées de l'Occident et des péchés des Occidentaux.

 

Tandis que l'église d'Orient, qui jadis était accourue des extrémités les plus reculées de la terre, pour entendre la sagesse de Salomon1, maintenant livrée à toutes sortes de maux, abreuvée de mille amertumes, et en quelque sorte enivrée d'absynthe, voyait sa joie se changer en deuil et en douleur; tandis que l'église de Jérusalem, sa fille aînée, et spécialement distinguée, dépouillée de ses glorieux vêtemens, et déchirée par ses nombreux bourreaux, était demeurée presqu'entièrement nue, et semblable au «chêne dont toutes les feuilles tombent, et au jardin qui est sans eau2,» l'insatiable ennemi du genre humain, le serpent tortueux, ne cessait de répandre dans les contrées de l'Occident le venin empesté de sa méchanceté, et semblait, après avoir blessé la tête, rechercher tous les moyens possibles pour infecter aussi les membres. En effet, Jérusalem est la tête et la mère de la foi, de même que Rome est la tête et la 268mère des fidèles. Or, la douleur de tête répondait si bien dans tous les membres, et le Seigneur déploya sa colère et son indignation par tant de fléaux divers, que, lorsque la Terre-Sainte fut retombée, par l'effet de nos péchés, entre les mains des impies, Dieu, juste vengeur des crimes, «et Seigneur des vengeances3,» frappa d'affliction le monde entier, en lui envoyant toutes sortes de calamités, et en permettant que les Maures en Espagne, dans la Provence et en Lombardie les hérétiques, en Grèce les schismatiques, et de toutes parts de faux frères s'élevassent contre nous. Et pour me servir du langage du prophète, «le Seigneur a brisé nos dents4» et en a réduit le nombre, tellement qu'après la perte de la cité sainte, l'honneur de l'Église a été abaissé, c'est-à-dire lorsque les dents ont été peu à peu brisées, tous les. enfans, autant qu'il en est venu au monde, ont eu deux ou trois dents de moins que ceux qui étaient déjà nés. Nos dents ont été brisées, le «Seigneur a brisé nos os5, notre ventre est collé à la terre6, et notre ame est collée à la poussière7.» La méchanceté des hommes, dépassant toutes bornes, et tendant toujours au mal, s'est enfoncée dans les abîmes; les mamelles, jadis assimilées à la grappe de raisin, se sont desséchées; la doctrine de l'Évangile a été souillée, parce que de tous côtés les impies ont foulé aux pieds les avertissemens du ciel. «Leur argent s'est changé en écume et leur vin a été mêlé «d'eau8.» Ils ont laissé derrière eux toute crainte de Dieu et des hommes, «ils n'ont eu aucun respect 269pour le visage des prêtres9, poursuivant toujours le mal, fuyant les choses du salut, et toujours enclin à ce qui est le plus mauvais. «Le meilleur d'entre eux était comme une ronce, et le plus juste comme l'épine d'une haie10. Les genoux tremblaient, tous les reins étaient pénétrés de douleur, tous les visages étaient noirs et ridés11.» La foi dépérissait, la charité était éteinte, toute vertu était en péril. Presque tous, livrés «à des travaux pénibles de mortier et de briques12,» ont servi Pharaon. L'empire «des principautés, des puissances, des princes des ténèbres de ce siècle13,» s'est étendu à l'excès en long et en large. «Les enfans de Sion, qui étaient des hommes de prix et comparables à l'or le plus exquis, ont été traités comme des vases de terre14, leur foie a été comme répandu en terre15; ils ont erré dans les rues comme des aveugles, et se sont souillés du sang des innocens16.» Des vices monstrueux, des abominations prodigieuses ont afflué misérablement et enveloppé le monde entier. «La cité qui était fidèle est devenue une prostituée17. Les ennemis ont porté la main à tout ce qu'elle avait de plus desirable18. Ses princes étaient au milieu d'elle comme des lions rugissans, ses juges comme des loups qui dévorent leur proie au soir sans en laisser les os pour le matin19.» Toute tête était languissante, et tout cœur pénétré d'affliction. «Ses 270«princes ont été apostats et associés aux voleurs20;» ils étaient couchés sur la terre, l'enfant et le vieillard également en dehors. La justice avait disparu des choses du monde, la crainte du Seigneur était anéantie; toute équité ayant cessé, la violence dominait au milieu des peuples; la fraude, la ruse et la séduction régnaient en tous lieux et en tout point. «Les oblations de blé et les libations de vin étaient bannies de la maison du Seigneur;... tout le pays était ravagé et la terre dans les larmes, parce que le blé était gâté, que la vigne était desséchée et que les oliviers ne faisaient que languir. Les laboureurs étaient confus, les vignerons poussaient de grands cris, parce qu'il n'y avait ni blé ni orge et que la moisson des campagnes était perdue21.» L'ennemi avait vendangé la vigne du Seigneur. Toute vertu avait cédé la place et s'était retirée comme inutile, et la méchanceté s'étant furtivement introduite, «il n'y avait personne qui élevât comme un mur entre eux et le Seigneur, qui s'opposât au Seigneur, en se présentant sur la brèche22.» Ils avaient mis une nuée en avant, afin que la prière ne passât point23.» Ainsi le monde déclinait vers sa fin, «la charité s'était refroidie24» et l'on ne trouvait plus de foi sur la terre, de manière que la seconde arrivée du Fils de l'homme semblait prochaine et en quelque sorte à la porte. «Le fils traitait son père avec outrage, la fille s'élevait contre sa mère, la belle-fille contre sa  «belle-mère, et l'homme avait pour ennemis ceux 271de sa propre maison25. On ne faisait aucun discernement entre les choses saintes ou profanes26,» tout ce qui plaisait était réputé licite. Tous se précipitaient vers le vice et étaient emportés comme un cheval indompté, «traînant une longue suite d'iniqui tés, et tirant après eux le péché, comme les traits emportent le chariot27. Tous ceux qui les poursuivaient», c'est-à-dire les esprits malins, «les atteignaient dans leurs derniers retranchemens» et les «conduisaient captifs devant l'ennemi qui les chassait28. Mais ils ont refusé de se rendre attentifs, ils se sont retirés en tournant le dos, ils ont «appesanti leurs oreilles pour ne point entendre, ils ont rendu leurs cœurs durs comme le diamant29. Le luth et la harpe, les tambours et les flûtes se sont trouvés avec le vin dans leurs festins, et ils n'ont point été attentifs à l'œuvre du Seigneur30.» L'honnêteté dans la conduite, les vertus qui parent les hommes étaient comme exilées et ne trouvaient plus aucune place; les vices dominaient partout, pullulaient en tous sens et occupaient toutes les avenues. La continence, chérie des demeures célestes et agréable à Dieu, était méprisée comme une chose vile. Les hommes, se livrant indistinctement et sans honte à la luxure, tels que le cochon dans la boue, trouvaient des délices dans cette puanteur, «comme des bêtes» destituées de raison; «ils pourrissaient dans leur propre corruption31», ne faisant aucun 272cas «d'un mariage honorable et d'un lit sans souillure32.» Les liens du mariage n'avaient aucune sûreté entre les parens et les alliés, et la licence effrénée n'était pas même arrêtée par la différence des sexes. La tempérance et la modération disparaissaient en tous lieux, la crapule et l'ivrognerie occupaient toutes les portes. «Comme les épines s'entrelacent les unes avec les autres, de même ils s'enivraient ensemble dans leurs festins33. Toutes les tables étaient si pleines de ce que rejettent ceux qui vomissent, et de puanteur, qu'il ne restait plus de lieu qui fût net34. Le cœur du peuple avait reçu la fornication, le vin et l'enivrement35.» Enfin, les jeux de hasard pendant toute la nuit, l'anxiété avide à la fois et pleine d'amertume qui s'y attache, les accidens inattendus provoquaient la colère, la fraude, les querelles, les blasphèmes impies contre Dieu, et entraînaient souvent ceux qui s'y livraient dans l'abîme du désespoir.

 

CHAPITRE PREMIER.

Des avares et des usuriers.

 

En outre la libéralité, la munificence, les largesses, si agréables à Dieu et aux hommes, étaient entièrement oubliées; et la peste de l'avarice, source de tous 273les maux, s'était emparée de presque tous les hommes et les infectait du poison de la cupidité; si bien que le pire de tous les crimes, l'usure était exercée de tous côtés, et comme une chose permise, par d'avides usuriers, en sorte que, par les œuvres de cette sangsue insatiable, les chevaliers perdaient leurs patrimoines et les plus vastes héritages, les pauvres étaient dépouillés, les églises appauvries; et comme de moment en moment cette peste de l'usure allait croissant et ne pouvait demeurer en repos, de plus en plus aussi on s'engageait envers les usuriers. Cette race d'hommes, les plus vils et les plus réprouvés, s'était tellement multipliée en tous lieux, qu'ils avaient inondé non seulement les villes et les bourgs, mais même les campagnes. Ils vendaient leurs jours, leurs nuits, leurs heures, leurs momens pour leur propre damnation, en «recevant un profit usuraire et plus qu'ils n'avaient prêté36», puisque le Seigneur a dit: «Prêtez, et sans en rien espérer37.» Il a dit aussi: «Vous ne mangerez point d'une bête morte d'elle-même ou déchirée par une autre38.» Quant à eux, ils entraînaient avec eux dans le feu leurs fils ou leurs filles et tous ceux pour qui ils retenaient cet argent empoisonné par l'usure, afin que l'on vît accompli ce qui a été écrit: «Ils ont immolé aux démons leurs fils et leurs filles39.» Et ensuite, au mépris du commandement du Seigneur, ces enfans de perdition refusaient de rendre intégralement les gages qu'ils avaient reçus. Et cependant le Seigneur a dit dans le Lévitique: «Si ton frère peut trouver de 274quoi racheter son bien, il comptera les années qui se seront écoulées depuis la vente qu'il en aura faite, et il rendra le surplus du prix à celui à qui il aura vendu son bien et y rentrera40.» Ici, Moïse appelle l'acheteur celui qui, donnant de l'argent en échange, a acheté la jouissance et non la propriété. D'autres enfin, vendant leurs marchandises à un prix élevé, sous prétexte de retarder l'époque du paiement, ou faisant des avances sur l'époque du paiement et achetant à vil prix des marchandises à livrer plus tard, ne s'exposaient pas moins à la mort éternelle et aux supplices de la damnation.

 

 

CHAPITRE II.

Des rapines et des exactions des puissans par eux-mêmes et par leurs satellites, et de leurs crimes divers.

 

Tandis que le Seigneur a dit «qu'il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir41,» les hommes de ce temps, et particulièrement ceux qui avaient reçu le pouvoir de gouverner les autres, non seulement remplissaient leurs mains avides de présens illicites, ou par des levées et des exactions injustes extorquaient l'argent de leurs sujets pour leur propre damnation; mais en outre, ravissant et enlevant de vive force de tous côtés, tantôt secrètement, tantôt ouvertement, ils opprimaient d'une manière cruelle les hommes qui ne se tenaient pas sur leurs gardes ou ne pouvaient 275résister, sans se souvenir assez qu'il a été écrit: «Malheur à toi, qui pilles les autres! lorsque tu auras achevé tes pillages, tu seras pillé42.» C'est d'eux encore que le prophète a dit: «Ils ont mangé la chair de mon peuple, ils lui ont arraché la peau, ils lui ont arraché les os. Après cela ils crieront au Seigneur et il ne les exaucera point: en ce jour-là il leur cachera son visage43.» Les malheureux ne se souvenaient pas dans toutes leurs actions «de leur dernière fin44», et cependant Jérémie a dit: «Les souillures de Jérusalem paraissent sur les pans de sa robe et elle ne s'est point souvenue de ce qui lui était réservé pour sa fin45. Ceux qui commandent aux autres seront jugés avec une extrême rigueur, car les petits obtiennent plus aisément miséricorde, mais les puissans seront puissamment tourmentés46

Et non seulement ils exerçaient eux-mêmes le pillage, mais, dévastant les contrées par l'incendie, ils n'épargnaient ni les biens de la terre ni les possessions des monastères et des églises, enfonçant les sanctuaires d'une main sacrilége et enlevant de vive force, du sein même du Seigneur, les choses consacrées au ministère spirituel. En outre et tandis qu'ils se querellaient entre eux sur les plus légers prétextes, ils livraient les biens des pauvres à leurs impies satellites. Tout couverts de fer, ils assiégeaient les voies publiques et 'ne ménageaient ni les pélerins ni les religieux. Dans les bourgs et dans les villes, des sicaires et des scélérats, affluant de tous côtés, remplissaient les rues, les pla-276ces publiques, ou se cachaient en embuscade dans les lieux les plus retirés, qu'ils inondaient du sang des innocens. Même sur la mer, ne craignant point le jugement de Dieu, se faisant corsaires et pirates, non seulement ils dépouillaient les marchands et les pélerins, mais le plus souvent ils brûlaient leurs navires et les précipitaient dans les abîmes. Les princes et les puissans, devenus «apostats et associés de voleurs47,» eux qui étaient tenus d'assurer la paix, de défendre leurs sujets, d'éloigner d'eux, par la crainte du châtiment, les hommes empestés, comme on éloigne les loups des moutons, recevant des présens des hommes impies et profanes, dans leur avidité d'un gain temporel, leur prêtaient assistance et faveur. «S'ils trouvaient un voleur, ils couraient se joindre à lui48», comme pour lui dire: «Partage avec nous, faisons bourse commune entre nous tous49.» Ainsi les voleurs, les ravisseurs, les sacriléges, les usuriers, les juifs, les sicaires, les homicides, les séditieux, qu'ils eussent dû punir sévèrement, extirper entièrement et faire disparaître du milieu d'eux, eux-mêmes «portant l'épée en vain50,» ils les soutenaient, leur permettaient de commettre impunément toutes leurs mauvaises actions, tandis que le Seigneur a dit par le prophète: «Apprenez à faire le bien, recherchez ce qui est juste, assistez l'opprimé, faites justice à l'orphelin, défendez la veuve51.» Mais eux, chiens immondes, ne sachant jamais être rassasiés, recherchant sans cesse les cadavres par leurs corbeaux de l'enfer, ils opprimaient 277les pauvres par leurs préposés et leurs satellites, dépouillaient les veuves et les orphelins, leur dressaient des embûches, répandaient des calomnies et leur imputaient de faux crimes pour leur extorquer de l'argent. Ainsi presque sans cesse les innocens étaient traînés dans les prisons et chargés de fers. Ceux qui n'avaient point commis de fautes étaient livrés aux supplices, sans autre motif, si ce n'est qu'on supposait qu'ils avaient quelque chose; et cela arrivait d'autant plus souvent que les seigneurs, livrés à la prodigalité et au luxe, faisaient beaucoup de dépenses inutiles pour leurs tournois et leurs pompeuses vanités mondaines, et contractaient des dettes envers les usuriers, tandis que les comédiens et les bouffons, les parasites vagabonds et les histrions, chiens de cour et adulateurs, dévoraient leurs patrimoines en les dépouillant. Il semblait qu'ils eussent dit à leur prince ou à leur tyran: «Rasez, rasez jusques aux «fondemens52; crucifie, crucifie53, tue et mange54.» Enfin, pour mettre le comble à leur damnation, les princes eux-mêmes laissaient multiplier de tous côtés les femmes de mauvaise vie et les maisons de débauche, les joueurs de hasard, les cabaretiers, les tavernes profanes, qui sont comme des fosses de larrons et des synagogues de Juifs; ils souffraient les mesures et les balances injustes et trompeuses et toutes sortes d'autres fléaux du même genre, qui envahissaient toutes les villes et toutes les contrées, et qu'ils eussent dû extirper, détruire, disperser et anéantir.Car il est écrit que non seulement «ceux qui commettent 278«de telles choses,» mais en outre ceux qui y consentent, «n'hériteront point le royaume de Dieu55

 

 

CHAPITRE III.

Des diverses espèces d'hommes et des divers crimes qui les tenaient enlacés.

 

Et ce n'était pas seulement ceux-là, mais encore toute la race humaine, qui avaient dépravé leur voie sur la terre56. Oubliant les choses du passé, les hommes se livraient uniquement à celles de l'avenir. Les marchands s'appliquaient à circonvenir leurs frères par toutes sortes de mensonges et de tromperies. Les agriculteurs ne rendaient pas aux églises les dîmes de leurs biens. Les serviteurs et les servantes «servaient «leurs maîtres sans crainte et tremblement, et seu«lement sous leurs yeux57.» Les médecins ne craignaient pas de tromper leurs malades de toutes sortes de manières; leurs lèvres perfides, leur langue abondante en paroles, promettaient beaucoup et tenaient peu; ils recevaient beaucoup, et le plus souvent ils enlevaient la vie à ceux qu'ils auraient dû guérir; ainsi, par leurs tromperies et leur langage sophistique, ils enlèvent de l'argent, et non seulement ils ne sont point utiles pour le corps, mais encore ils tuent l'ame, car ils affirment que le corps se trouve bien de 279satisfaire les desirs de la chair, et par là ils excitent beaucoup de gens à la fornication. Ceux qui sont gravement malades, et à qui ils devraient dire: «Donnez ordre aux affaires de votre maison, car vous mourrez et vous n'en échapperez point58,» ils leur font retarder ou même dédaigner la confession et les autres remèdes spirituels, et leur inspirent par là une sécurité fausse et trompeuse.

Les avocats, aveuglés par l'avidité d'un bénéfice injuste et d'un salaire immense, non seulement encourageaient les procès injustes, mais soutenaient même les causes désespérées, se confiant en leurs mensonges et en l'abondance de leurs paroles. C'est sur eux que le bienheureux Job a dit: «Le feu dévorera les maisons de celui qui aime à recevoir des présens59.» Mais eux, dans l'espoir d'un gain honteux, courant de ville en ville, de maison en maison, d'assemblée en assemblée, se répandaient dans toute l'Égypte afin d'amasser du chaume60; ils traînaient les procès en longueur, se réjouissaient de les voir se multiplier, et opposaient sans cesse des exceptions innombrables, afin d'écumer plus souvent les bourses. Lorsqu'ils n'avaient pu conduire à une heureuse fin une cause soutenue par toutes sortes de fourberies, aussitôt ils en interjetaient appel, afin de recommencer l'affaire et de retrouver un nouveau salaire.

Les femmes entraînaient les hommes imprudens à leur suite dans la mort et dans le précipice, non seulement par l'élégance de leurs ornemens de courtisanes, par la richesse superflue de leurs vêtemens, 280par leurs chevelures bien frisées, par l'or, les pierres précieuses et les riches habits dont elles se paraient, par les applaudissemens illicites et les danses qu'elles recherchaient, mais encore par des sortiléges et des maléfices innombrables. Ainsi, «ouvrant ou creusant une citerne et ne la couvrant point,» elles ont causé la ruine «du bœuf ou de l'âne61,» et pour celles-là, selon la prédiction du prophète Isaïe, «leur parfum sera changé en puanteur, leur ceinture d'or en lambeaux déchirés, leurs cheveux frisés en une tête rasée62

Quant à ceux qui, ayant pris l'habit régulier, avaient renoncé au siècle, et s'étaient liés par leurs vœux à la religion, ayant extérieurement «l'apparence de la piété, mais ayant renoncé à sa force63,» plus leur rang était éminent et plus ils tombaient rudement, après ces vœux, d'une chute déplorable. Désobéissans, murmurant toujours, se déchirant les uns les autres, portant la croix du Christ comme par corvée, impurs et incontinens, marchant selon la chair et non selon l'esprit, «mettant la main à la charrue et regardant derrière eux64 comme la femme de Loth65, regrettant les porreaux, les ognons et l'ail de l'Égypte, et dégoûtés de la manne du désert66,» ils périssaient morts et ensevelis dans les sépulcres de la convoitise, parce «qu'ils avaient ruiné leur foi67» La plupart d'entre eux estimaient «la piété pour un grand gain68, ne faisant point de discernement entre les choses saintes 281ou profanes69,» recevant indifféremment des usuriers et des ravisseurs «la chair des animaux morts «d'eux-mêmes ou déchirés par une bête70,» ne faisant aucune question par scrupule de conscience71, quoique cependant le saint homme Tobie ait dit à sa femme: « Prenez garde que ce chevreau n'ait été dérobé72.» Quant à ceux qui ne sont point entrés par la porte, mais par-dessous terre et en creusant avec l'argent, ils sont déjà jugés par le Seigneur, qui a dit: «Toute plante que mon Père céleste n'a point plantée sera déracinée73.» Et il en sera de même de ceux qui, tels qu'Ananias et Saphire, ne craignent pas de retenir non seulement la disposition de leur volonté, mais encore une partie du prix de la vente.

 

 

CHAPITRE IV.

De la négligence et des péchés des prélats.

 

Or la cause de tous les maux était dans la dépravation, la faiblesse et l'ignorance des prélats, en sorte que tandis que les pasteurs, non seulement étaient endormis, mais aidaient même de leur concours, l'ennemi de l'homme «vint, et sema de l'ivraie parmi le blé74.» Le froment dégénéra en folle-avoine et en ronces, la terre de malédiction abonda en char-282dons. «J'ai passé par le champ du paresseux et par la vigne de celui qui manque de soin, j'ai trouvé que tout était plein d'orties, et que les épines en couvraient toute la surface75.» Tandis que les soins criminels des bergers devenaient semblables à la fureur des loups, la douce simplicité des troupeaux devint la puanteur des chèvres. Tels que ceux qui vendirent «l'innocent Joseph76, imitateurs de Simon le magicien77,» et associés de Judas le traître, les troupeaux qu'ils eussent dû paître dans le pays de Sichem, c'est-à-dire dans l'amour du travail et dans la règle, ils les conduisirent vers Dothaim, c'est-à-dire vers l'oubli de tout bien; durs exacteurs qui, ne recevant rien gratis, ne donnaient rien gratis, vendant Joseph aux Ismaélites, et versant sur la terre le sang du «véritable Abel78.» Tandis que leur cupidité insatiable couvait sous le feu, eux-mêmes ne voyaient point le soleil de justice; et se trouvant placés au dessus et entre deux, ils ne laissaient pas même ses rayons parvenir jusques à leurs sujets, à travers les hauteurs du pouvoir qu'ils occupaient. Dissipateurs, mais nullement bergers, nouveaux Pilates, et nullement prélats, non seulement ils fuyaient en voyant venir le loup, mais le plus souvent ils vivaient en paix avec les loups, au détriment des troupeaux. «Chiens muets79,» ils n'écartaient pas les loups de la bergerie confiée à leurs soins, de peur qu'on ne vînt peut-être leur répondre en face: «Médecin, guéris-toi toi-même80. Toi, qui«prêches qu'on ne doit pas dérober, tu dérobes! toi, 283qui dis qu'on ne doit pas commettre adultère, tu commets adultère81!» Rejette d'abord la «poutre qui est dans ton œil,» afin que tu puisses voir la «paille qui est dans l'œil de ton frère82.» Ainsi l'épouse du Christ était livrée à la prostitution et à l'adultère par ceux à qui le soin de la garder avait été confié. A peine en ces jours-là trouvait-on un homme qui déplorât les infortunes du Christ, quoiqu'il eût un nombre infini de ministres, ou qui se présentât comme une muraille devant la maison du Seigneur, «qui fût dévoré du zèle de la maison de Dieu83, qui prît les petits renards qui détruisent la vigne du Seigneur84.» Crucifiant de nouveau le Fils de Dieu, «et l'exposant à l'ignominie85,» non seulement ils mettaient ses membres à nu par leur rapace avidité, mais encore ils les dépouillaient de leur vertu par l'exemple de leur scélératesse. La nuit, dans les lieux de débauche, le matin à l'autel, la nuit, ils touchaient à la fille de l'amour; le matin, au Fils de la vierge Marie. Ils foulaient aux pieds le Fils de Dieu, et souillaient le sang du témoignage. Car, ainsi que l'atteste le bienheureux Jérôme, il souille autant qu'il est en lui le corps et le sang du Christ, celui qui s'avance souillé vers l'autel. Aussi l'offrande présentée par des mains lépreuses était-elle rejetée par le Seigneur, selon ce qu'a dit le Seigneur par Isaïe le prophète: «Lorsque vous multiplierez vos prières, je ne vous écouterai point, parce que vos mains sont 284pleines de sang86.» Ainsi donc, «conducteurs aveugles d'autres aveugles, ils tombaient tous ensemble dans la fosse87;» mais les prêtres s'y enfonçaient d'autant plus profondément, qu'ils étaient tenus de surpasser leurs sujets par leurs œuvres de sainteté et par l'excellence de leur vie. Le monde presque tout entier allait donc s'avançant misérablement vers son déclin, et descendait d'une marche continue dans l'abîme; l'orgueil lui enlevait son Dieu, la jalousie le prochain; la colère l'enlevait à lui-même, car l'orgueil le rendait tout rempli de vent, la jalousie livide, la colère turbulent, l'abattement du cœur paresseux, la cupidité aveugle, l'ambition inquiet, la voracité de l'estomac semblable à un chien, l'impureté des desirs semblable à un porc. Les cœurs des hommes impies étant ainsi enflés par l'orgueil, enflammés par la colère, desséchés, broyés, et en quelque sorte réduits en poussière par l'envie, la tristesse et la paresse les anéantissaient, l'avidité les corrompait, la gloutonnerie les détrempait; et enfin, foulés aux pieds par la luxure, ils étaient réduits en boue et en fumier. Ainsi l'homme misérable pouvait dire en toute vérité: «Je suis plongé dans un abîme de boue, «et je ne trouve pas où poser le pied88.» Obstinés et enclins au mal, les hommes n'étaient pas même rappelés à eux par les fléaux de Dieu, qui envoyait sur eux la peste et la famine, mais il frappait en vain ses fils rebelles, «car ils avaient brisé le joug89.» Cependant les guerres et les séditions ébranlaient le monde presque entier; les nations se levaient contre les nations, 285les royaumes contre les royaumes; la sainte église romaine était troublée par des schismes pleins de périls.

L'empire romain, divisé contre lui-même, était désolé; les habitans de la France se battaient contre les Anglais; en Espagne, les Sarrasins opprimaient les fidèles au-delà de ce qu'on peut dire; le royaume de Sicile était déchiré de dissensions et de combats; toutes les contrées de l'Occident, frappées de diverses tribulations, étaient affligées par le jugement de la vengeance divine. «Le souverain maître a tout renversé, et n'a rien épargné; il a détruit dans sa fureur toutes les demeures de Jacob90.» et humilié chez son peuple les hommes et les femmes. «Les restes de l'insecte gazam ont été mangés par l'insecte arbê; les restes de l'insecte arbé ont été mangés par l'insecte jelée91;» et les restes du dernier ont été mangés par la rouille. Eux, cependant, tandis que le Seigneur les faisait ainsi périr, «ne sont point revenus au Seigneur, leur Dieu, et ne l'ont point recherché92.» Le Seigneur a pris soin de Babylone, et Babylone ne s'est point guérie. En vain celui qui «souffle a soufflé sur le plomb consumé par le feu93,» l'argent réprouvé s'est tout converti en écume, et n'a point été purifié. Pour la confusion et la honte des prélats et de ceux qui eussent dû instruire le peuple, le Seigneur prêchait, ou laissait prêcher la vérité de l'Évangile par l'esprit malin dans la personne d'un certain énergumène qui était alors en Allemagne. Lorsqu'on lui demandait quel était son nom, ou en vertu de quelle autorité il osait prêcher et instruire 286le peuple, il répondait: «Mon nom est la plume dans l'émail, car je suis forcé par le Seigneur de prêcher la vérité, au mépris de ces chiens muets, qui ne savent pas aboyer; et comme je ne puis dire que ce qui est vrai et digne d'être écrit, mon nom est la plume dans l'émail.»

En outre, et pour l'opprobre de ceux qui négligeaient «de faire,» à raison de leurs péchés, «des fruits convenables à la repentance94,» ou qui avaient peur, tremblant de crainte là où il n'y avait point de crainte, le Seigneur proposa à tous un exemple d'abstinence dans la personne d'une pauvre jeune fille née dans le royaume de France, dans le diocèse de Sens, et dans le village appelé Eudes. A la suite d'une maladie très-grave qu'elle essuya pendant de longs jours, la bienheureuse Vierge l'ayant visitée visiblement, elle vécut encore quarante ans environ, ne mangeant ni ne buvant; seulement, pour humecter son palais et son gosier desséchés, elle suçait de temps en temps un peu de poisson ou d'autre aliment, mais son estomac ne recevait jamais rien de substantiel. Les nuits du sabbat, et les jours du dimanche, la paix de Dieu, «laquelle surpasse toute intelligence95,» la ravissait en esprit, et la rendait si calme et si immobile qu'elle n'avait plus ni voix, ni sentiment, et semblait même ne plus respirer.

Sur les confins de la France et de la Normandie, auprès de la ville que l'on appelle Vernon, nous vîmes encore une autre jeune fille renfermée dans une cellule, et qui s'était fait un cilice avec des peaux 287très-rudes de hérisson. Pendant plusieurs années elle n'avait absolument rien mangé ni rien bu, et rien non plus n'était sorti de son corps, ni par la bouche, ni par les autres voies naturelles. Cependant après avoir, les vendredi, reçu le corps du Seigneur, du bec même d'un pigeon, qui lui disait: «Reçois la vie éternelle,» les jours de dimanche elle le recevait de nouveau des mains d'un prêtre; car le pigeon lui avait ordonné de faire ainsi, en l'honneur de la dignité du sacerdoce et des institutions de l'Eglise, comme aussi pour dissiper les soupçons des hommes, et afin qu'on ne la crût pas livrée à aucune illusion fantastique, qui l'eût empêchée de recevoir le véritable sacrement. Si elle ne recevait pas ce sacrement toutes les semaines, alors elle succombait de faiblesse et d'inanition, et ne pouvait se tenir debout. Les jours de sabbat, et pendant la nuit du dimanche, un feu trèsbrillant, descendant du ciel, venait allumer sa lampe; et non seulement elle-même, mais encore beaucoup d'autres assistans entendaient alors un chœur d'anges, chantant très-suavement.

 

 

CHAPITRE V.

De la visitation de l'église d'Occident, et de la vie et prédication du prêtre Foulques.

 

En ces jours-là «Dieu suscita l'Esprit saint96» d'un certain prêtre de la campagne, homme très-simple et 288illettré, qui était de l'évêché de Paris97 et se nommait Foulques. Car de même qu'il a élu des pêcheurs et des hommes idiots, «pour ne point abandonner sa gloire à un autre98,» de même «les petits enfans ayant demandé du pain,» et les hommes lettrés, tout préoccupés de leurs disputes vaniteuses et de leurs combats de paroles, ne leur en ayant point présenté99,» le Seigneur, dans sa miséricorde et pour faire cultiver sa vigne, élut le prêtre susdit, comme une étoile au milieu de la nuit, comme la pluie au milieu de la sécheresse, comme un nouveau Samgar, qui mettrait beaucoup de monde à mort avec le bois grossier de sa prédication100 Il ne contint point ses miséricordes dans sa colère, il se souvint de sa miséricorde pendant qu'il était irrité, sachant que «l'homme n'est que chair, un souffle qui passe et qui ne revient pas101

Ce Foulques donc avait vécu auparavant selon le siècle, tel qu'un animal, et en être qui ne comprend point les choses de Dieu; et dans son excessive dissolution, il avait lâché toutes les rênes à son cheval indompté. Mais, lorsqu'il plut à celui qui «l'appela des ténèbres à sa merveilleuse lumière102, de faire surabonder la grâce là où le péché avait abondé103,» aussitôt Foulques ne se reposa plus dans la chair et le sang, mais, «changé en un autre homme et saisi de l'esprit de Dieu,104» il entra dans «le chemin étroit,» et fit 289ses efforts «pour entrer par la porte étroite105.» Sachant donc que le royaume des cieux n'est enlevé que de force et par ceux qui lui font violence, il entra dans les pénitences austères et les chemins raboteux; et comme il avait donné à ses fidèles de nombreux exemples de perdition, il entreprit de les rappeler dans la voie de vérité, non seulement par une vie exemplaire, mais en outre par de fréquentes admonitions et par la prédication de la doctrine; et tous étaient étonnés de voir cet autre Saul devenu un nouveau Paul, converti par le Seigneur de loup en agneau, de corbeau en colombe: rougissant d'avoir été idiot et illettré, et de ne pas connaître les divines Écritures, il partit pour Paris afin de recueillir, dans les écoles des théologiens, des enseignemens et des leçons de morale, et de les inscrire dans les tablettes qu'il apportait avec lui, comme les «cinq pierres polies que «David prit dans le torrent» pour abattre Goliath106.

 

 

CHAPITRE VI.

De la situation de la ville de Paris.

 

En ces jours mauvais et nébuleux, en ce temps plein de périls, la ville de Paris, enveloppée, comme toutes les autres villes, de toutes sortes de crimes et souillée d'innombrables impuretés, marchait dans les 290ténèbres, «par le changement de la droite du Très-Haut107, qui change les déserts en un lieu de délices et la solitude en un jardin du Seigneur108.» Elle avait été la ville fidèle et glorieuse, la cité du grand roi, semblable au paradis de volupté et au jardin de délices, «rempli de toutes sortes d'arbres109,» répandant dans le monde entier de suaves parfums, «dont le père de famille tire,» comme de son trésor, «des choses nouvelles et des choses vieilles110.» Elle était telle que la fontaine des jardins et «le puits des eaux vivantes111» qui arrose toute la surface de la terre, «d'où naît le pain qui lui est propre, et qui fait les délices des rois112,» et distillait sur toute l'Église de Dieu «des rayons plus doux que le miel le plus excellent113.»Et maintenant plus dissolue dans le clergé que dans le reste du peuple, telle qu'une chèvre galeuse on qu'une brebis malsaine, elle corrompait par ses pernicieux exemples les hôtes nombreux qui affluaient de toutes parts vers elle; «elle dévorait ses propres habitans114,» et les entraînait avec elle dans les profondeurs de l'abîme. La simple fornication n'y était nullement réputée un péché; les femmes publiques, répandues de tous côtés dans les rues et sur les places, entraînaient presque de vive force dans leurs maisons de débauche les clercs qui passaient devant elles. Si par hasard ceux-ci refusaient d'y entrer, aussitôt elles criaient après eux, les appelant Sodomites. Ce vice honteux et abominable avait telle 291ment envahi la ville, semblable à une lèpre incurable, à un poison inguérissable, que les hommes tenaient à honneur d'entretenir publiquement une ou plusieurs concubines. Dans une seule et même maison, les écoles étaient en dessus, et les lieux de prostitution en dessous. Dans l'étage supérieur, les maîtres donnaient leurs leçons; dans l'étage inférieur, les femmes de mauvaise vie exerçaient leur infâme trafic. D'un côté, les courtisanes se querellaient entre elles, ou avec leurs galans; de l'autre, les clercs disputaient et criaient à haute voix dans leurs contestations animées. Plus on se montrait léger et honteusement prodigue dans les dépenses, et plus on était vivement loué et proclamé presque par tout le monde homme honnête et généreux. Si quelques-uns voulaient, selon le précepte de l'Apôtre, vivre au milieu de ceux-là «dans la tempérance, dans la justice et dans la piété115,» ils étaient aussitôt déclarés avares et misérables, hypocrites et superstitieux, par les hommes impudiques et efféminés. Presque tous les écoliers de Paris, étrangers et nationaux, ne s'occupaient absolument qu'à apprendre ou à rechercher quelque chose de nouveau. Les uns apprenaient seulement pour savoir, ce qui est curiosité, les autres pour se faire connaître, ce qui est vanité; d'autres encore, pour faire des profits, ce qui est cupidité et vice de simonie. Bien peu d'entre eux apprenaient pour être édifiés ou pour édifier. Ils se provoquaient les uns contre les autres, et se contredisaient entre eux, non seulement au sujet des diverses sectes, ou à l'occasion de quelque discussion; mais en outre la diversité des contrées excitait 292entre eux des dissensions, des haines et des animosités virulentes, et ils se faisaient impudemment les uns aux autres toutes sortes d'affronts et d'insultes. Ils aff1rmaient que les Anglais étaient buveurs et ridicules; les enfans de la France fiers, amollis, et artistement parés comme des femmes; ils disaient que les Teutons étaient brutaux et obscènes dans leurs festins; les Normands vains et glorieux; les habitans du Poitou traîtres, et toujours flatteurs de la fortune. Ceux qui étaient originaires de la Bourgogne, ils les tenaient pour grossiers et insensés. Les Bretons étaient réputés légers et mobiles, et on leur reprochait fréquemment la mort d'Arthur. Les Lombards étaient appelés avares, méchans et incapables de faire la guerre; les Romains séditieux, violens et médisans; les Siciliens tyrans et cruels; les habitans du Brabant hommes de sang, incendiaires, brigands et ravisseurs; ceux de la Flandre légers, prodigues, adonnés à la gourmandise, mous comme le beurre, et lâches. A la suite de pareilles insultes, on en venait très-souvent des paroles aux coups.

Je ne parlerai pas de ces logiciens devant les yeux desquels voltigeaient sans cesse «les moucherons de l'Égypte116,» c'est-à-dire toutes ses subtilités sophistiques, en sorte qu'on ne pouvait comprendre leurs langues éloquentes, dans lesquelles, comme dit Isaïe, il n'y a point de sagesse. Quant aux docteurs de théologie, «assis sur la chaire de Moïse117,» ils étaient gonflés de science, mais leur charité n'édifiait point. Enseignant et ne pratiquant point, ils sont devenus 293comme «l'airain qui résonne, ou la cymbale qui retentit118,» ou comme le canal construit en pierre, qui demeure toujours sec, et devrait conduire les eaux dans «le parterre des plantes aromatiques119.» Or, non seulement ils se haïssaient réciproquement, mais ils attiraient à eux par leurs flatteries les écoliers des autres, recherchant leur gloire particulière, mais ne se souciant nullement du bien des ames. Ayant entendu, les oreilles bien dressées, ces paroles de l'Apôtre: «Celui qui desire d'être évêque, desire une oeuvre excellente120,» ils multipliaient les prébendes, et poursuivaient les dignités; et cependant c'était bien moins à l'œuvre qu'à la prééminence qu'ils aspiraient, et ils desiraient surtout «d'avoir les premières places dans les festins, les premiers siéges dans les synagogues, et d'être salués les premiers dans les places publiques121.» Tandis que l'apôtre Jacques a dit: «Nos frères,, qu'il n'y ait pas plusieurs maîtres parmi vous122,» eux, au contraire, étaient tellement empressés à devenir maîtres, que la plupart d'entre eux ne pouvaient avoir d'écoliers, si ce n'est à force de prières ou de sacrifices. Or, il est plus sûr d'écouter que d'enseigner, et un humble auditeur vaut mieux qu'un docteur insuffisant et présomptueux. Enfin, le Seigneur ne s'était réservé parmi eux qu'un petit nombre d'hommes honnêtes et timorés, «qui ne se fussent point arrêtés dans la voie des pécheurs123,» ni assis avec les autres sur la chaire empoisonnée.

 

 

294CHAPITRE VIL

De maître Pierre, chantre de Paris.

 

L'un de ces derniers, tel «que le lis entre les épines124» et la rose entre les orties, tel que «l'ange de la ville de Pergame, lieu où Satan a son trône125, «tel que l'arbre qui porte l'encens et répand son «odeur pendant l'été126, tel qu'un vase d'or massif, «orné de toutes sortes de pierres précieuses, tel «qu'un olivier qui produit son fruit et qu'un cyprès «qui s'élève jusques aux nues127,» tel que la trompette céleste et le joueur de harpe du Seigneur, maître Pierre enfin était à cette époque le vénérable chantre de Paris, homme puissant en œuvres et en paroles, «épurant» pareillement «l'or et l'argent128,» plein de poids dans ses discours, et confirmant le sérieux et la gravité de ses doctrines par la régularité de ses mœurs. Il commença donc à agir et à enseigner, comme un flambeau ardent et brillant, comme la «ville située «sur une montagne129,» comme «les chandeliers d'or «dans la maison du Seigneur130

Le prêtre Foulques, dont j'ai déjà parlé, desirant s'abreuver à cette fontaine très-limpide, entra hum-295blement dans son école avec des tablettes et un burin; et méditant fréquemment certaines paroles morales et populaires qu'il recueillait avec soin de la bouche de son maître, selon la capacité de son esprit, il les imprimait solidement dans sa mémoire. Aux jours de fête, retournant dans son église, il distribuait soigneusement à son troupeau ce qu'il avait recueilli avec zèle durant toute la semaine. Et comme «il avait été fidèle en peu de choses, le Seigneur l'établit sur beaucoup131.» D'abord, en effet, appelé et invité par les prêtres du voisinage, il commença avec crainte et timidité à prêcher simplement et vulgairement, devant les simples laïques, les choses qu'il avait apprises, comme le berger qui cueillait les figues sauvages132;» son maître vénérable et rempli de sagesse, ayant remarqué le zèle et la ferveur du disciple, prêtre pauvre et illettré, et embrassant des entrailles de la charité sa foi et sa dévotion, le força à prêcher en sa présence et devant beaucoup d'autres écoliers bien lettrés de la ville de Paris, dans l'église de Saint-Séverin. Or, le Seigneur donna à son nouveau chevalier tant de grâce et de force, que son maître et tous les autres qui l'entendirent, frappés d'étonnement, attestèrent que le Saint-Esprit parlait en lui et par lui, et il en résulta que tous les autres, tant docteurs que disciples, accoururent pour entendre sa prédication simple et nouvelle. L'un attirait l'autre, «les cordons se répondaient les uns aux autres133,» et chacun disait: «Venez et entendez le prêtre Foulques, qui est un nouveau Paul.» Quant à lui, fortifié par le Sei-296gneur et «recevant la vertu du Saint-Esprit,» comme Samson avec la mâchoire d'âne134, il commença à «combattre contre les bêtes d'Éphèse135» et à renverser vigoureusement les vices monstrueux, avec le secours du Seigneur. Un certain jour, comme une nombreuse multitude de clercs et de peuple était rassemblée devant lui dans une vaste place de la ville de Paris, vulgairement appelée Champeaux, et comme Foulques allait répandre la semence dans le champ du Seigneur, il ouvrit la bouche et «le Seigneur la remplit136,» selon ce qui a été écrit: «Celui qui donne abondamment sera lui-même engraissé, et celui qui enivre de biens sera lui-même enivré137.» Le Seigneur donc lui ouvrit l'intelligence afin qu'il entendît les Écritures, et donna une telle grâce à ses paroles que beaucoup d'hommes, touchés et pénétrés de componction, se dépouillant de leurs vêtemens et déchaussant leurs pieds, portant en main des verges ou des courroies, se prosternèrent à ses pieds, confessèrent leurs péchés en présence de tous, et abandonnèrent complétement, eux et ce qui leur appartenait, à sa volonté et à son commandement. Lui alors rendant grâces au Seigneur, «qui peut faire naître des pierres même des enfans à Abraham138,» les accueillant tous avec le baiser de paix, enjoignit aux chevaliers de ne frapper personne, mais «de se contenter de leur pain139,» aux usuriers et aux ravisseurs de restituer autant que possible tout ce qu'ils avaient enlevé. En outre, les femmes publiques s'arrachant 297les cheveux, abjuraient leur turpitude accoutumée. Les autres pécheurs, renonçant à Satan et à ses pompes et versant des larmes, allaient lui demander pardon. Et non seulement la parole du Seigneur, semblable «à la lumière140,» les enflammait de contrition, mais de plus, le Seigneur rendait par lui la santé à beaucoup de malades accablés de toutes sortes de souffrances, ainsi que l'affirment ceux qui protestent l'avoir vu de leurs propres yeux. Or Foulques, ne recevant point en vain la grâce de Dieu, mais s'empressant avec activité et avec zèle de faire multiplier le talent qui lui était confié, «allait aboyant comme un chien et tournait autour de la ville141.» Bien plus, parcourant «avec la vitesse et l'activité de son esprit142» tout le royaume de France et une grande partie de l'empire, il renversait d'un souffle violent les vaisseaux de Tarse, «insistant en temps et hors de temps143», et comme «oubliant les choses qui étaient derrière lui et s'avançant vers celles qui étaient devant lui144, ne retenant pas son épée pour l'empêcher de verser le sang145,» mais la portant sur sa cuisse, allant de porte en porte, revenant à travers les camps, sans faire aucune acception des personnes, il combattait pour le combat du Seigneur, «avec les armes de la justice que l'on tient de la droite et de la gauche146,» et, tel qu'un chien vivant qui vaut mieux qu'un lion mort, il ne cessait par ses aboiemens continuels d'écarter les loups de la berge-298rie du Seigneur, paissant les ignorans de la parole de science, fortifiant les affligés de la parole de consolation, relevant et instruisant ceux qui doutaient par la parole de consultation, ceux qui résistaient, par la parole de réprimande, ceux qui erraient, par la parole de censure, les paresseux, par la parole d'exhortation, ceux qui commençaient à s'éclairer, par la parole d'avertissement. Et comme il était lui-même embrasé d'une vive ardeur, il enflammait tellement tous les peuples par ses paroles peu nombreuses et simples, et non seulement les plus petits, mais même les rois et les princes, que nul n'osait ou ne pouvait lui résister. Ils accouraient donc en grande foule des pays éloignés pour l'entendre et voir les miracles que le Seigneur opérait par lui. On portait sur des grabats un grand nombre de malades, on les déposait sur les chemins ou sur les places par où il devait passer, afin qu'à sa venue ils pussent toucher l'extrémité de son vêtement et être guéris de leurs maux. Lui quelquefois les touchait; d'autres fois, quand il ne pouvait s'avancer à cause de la foule, il leur donnait sa bénédiction ou leur présentait à boire de l'eau bénite qu'il tenait dans sa main. Et telles étaient la foi et la dévotion des malades et de ceux qui les portaient, que non seulement par les mérites du serviteur de Dieu, mais aussi par la ferveur de l'esprit et par la grandeur d'une foi qui n'avait point d'incertitude, la plupart des malades étaient trouvés dignes de la guérison. Ceux qui pouvaient déchirer et conserver la moindre petite portion de ses vêtemens, s'estimaient heureux. Aussi, comme on recherchait beaucoup ses vêtemens et comme la multitude des peuples les arra-299chait sans cesse, presque tous les jours il était obligé d'avoir une nouvelle soutane. Et comme habituellement la foule le pressait d'une manière intolérable, frappant fortement les importuns d'un bâton qu'il portait à la main, il les éloignait de lui pour ne pas être étouffé par ceux qui desiraient le toucher. Et quoiqu'il blessât quelquefois ceux qu'il frappait, ceux-ci cependant n'en étaient point offensés et ne murmuraient point, mais, dans l'excès de leur dévotion et dans la fermeté de leur foi, ils baisaient leur propre sang, comme étant sanctifié par l'homme de Dieu.

Un certain jour, comme quelqu'un déchirait trop violemment sa soutane, il parla à la foule, disant: «Gardez-vous de déchirer mes vêtemens qui ne sont pas bénis; mais je vais bénir la soutane de cet homme.» Alors il fit le signe de la croix, et aussitôt le peuple déchira en mille pièces la soutane de cet homme, et chacun en conserva un petit morceau comme relique.

Foulques était le marteau des hommes cupides, frappant de confusion non seulement les usuriers, mais en outre ceux qui entassaient beaucoup de choses par avarice, principalement en ces jours où la cherté des vivres était grande. Lui-même criait fréquemment: «Nourris celui qui meurt de faim; si tu ne le nourris pas, tu es mort.» Un jour, comme il disait dans son sermon que «les hommes maudits du peuple qui cachaient leur froment147» le vendraient à bas prix avant la moisson qui allait venir, et qu'en peu de temps la cherté des vivres aurait sa fin, tous, 300ajoutant foi à ses paroles, comme si le Seigneur avait parlé, se hâtèrent aussitôt d'exposer en vente le grain qu'ils avaient caché, et ainsi, selon les paroles qu'il avait dites, on eut partout les vivres à bas prix. Mais lui voyant les prévaricateurs, et dévoré de douleur, il était animé d'un si grand zèle contre les pécheurs obstinés et contre ceux qui différaient de se convertir au Seigneur, que fréquemment il les maudissait ou feignait de les maudire. Or tous, redoutant ses malédictions comme l'éclat du tonnerre et comme la foudre, obéissaient à ses ordres, précisément parce qu'eux-mêmes affirmaient que quelques-uns de ceux qu'il avait maudits étaient saisis du démon, et que d'autres tombaient subitement en terre, tout couverts d'écume, à l'image de ceux qui tombent du mal caduc.

Fatigué par l'austérité de la pénitence, toujours revêtu d'un rude cilice et souvent d'une cuirasse, à ce qu'on dit, et accablé par la foule, qui le pressait à l'excès, Foulques était souvent poussé à la colère. Aussitôt qu'il avait maudit ceux qui l'écrasaient ainsi et ceux qui l'empêchaient de parler, en parlant eux-mêmes, tous tombaient en terre et il se faisait tout-à-coup un grand silence. Les prêtres impudiques et leurs concubines qu'il appelait les jumens du diable, il les poursuivait de vives réprimandes et de tant de malédictions qu'il les couvrait d'une excessive confusion, montrant du doigt tous ceux qui se conduisaient ainsi, et criant après eux, en sorte que presque toutes les servantes de cette espèce abandonnèrent leurs prêtres.

Une certaine femme noble, habitant dans un vil-301lage qu'elle possédait, avertit à plusieurs reprises un prêtre d'avoir à quitter sa concubine; celui-ci s'y refusa et elle lui dit: «Je ne puis exercer aucune justice contre vous, et cependant tous ceux de ce village, qui ne sont pas clercs, sont soumis à ma juridiction.» Alors Foulques ordonnant de conduire auprès de lui la concubine du prêtre, lui fit faire une large tonsure et lui dit: «Parce que tu ne veux pas quitter le prêtre, je veux t'ordonner en prêtresse.»

Un évêque ordonna à un autre prêtre d'avoir à quitter sa servante ou sa paroisse, et celui-ci, pleurant et se lamentant, dit qu'il aimerait mieux renoncer à son église que renvoyer sa concubine. Il quitta donc son église, et alors la femme voyant son prêtre demeurer pauvre, puisqu'il n'avait plus de revenu, le dédaigna et le quitta, et ainsi le malheureux perdit en même temps son église et sa concubine.

En quelque lieu que se rendît le champion de Dieu, presque toutes les femmes de mauvaise vie, abandonnant leurs maisons de débauche, accouraient à lui. Il les mariait pour la plupart; d'autres, il les enfermait dans des maisons religieuses, afin qu'elles vécussent régulièrement. Ce fut à cette occasion que l'on fonda, dans le principe en dehors et non loin de la ville de Paris, le couvent de Saint-Antoine, de l'Ordre de Cîteaux, dans lequel on reçut des femmes de cette classe. Dans les autres lieux et les autres villes où ce saint homme avait béni des fontaines ou des puits, la foule des malades accourait, et l'on y construisait des chapelles, ou même on y fondait des hôpitaux. Le Seigneur avait donné à ses paroles tant d'autorité et de 302grâce, qu'à leur tour, les maîtres et les écoliers de Paris, portant à ses prédications leurs tablettes et leurs cahiers, recueillaient et y inscrivaient les paroles de sa bouche; mais ces paroles n'avaient plus autant de force dans la bouche d'un autre, et ne fructifiaient point autant lorsqu'elles étaient répétées par d'autres. Le bruit de sa prédication retentit dans toute la terre des Chrétiens, et la renommée de sa sainteté se répandit en tous lieux.

En outre, ses disciples, qu'il envoyait pour prêcher, comme des apôtres du Christ, étaient accueillis de tous avec de grands honneurs et beaucoup de respect. Or, l'un d'entre eux, qui passait pour le premier, le plus éloquent et le plus fécond en œuvres, nommé maître Pierre de Roussi, «imprima une tache dans sa gloire148.» Lui, en effet, qui était entré dans la voie de la perfection, qui prêchait la pauvreté, se gorgea de richesses et de revenus par l'effet de ses prédications, et devint chanoine et chancelier de l'église de Chartres; et celui qui eût dû faire sortir la lumière de la fumée fit sortir la fumée de la lumière. Et à cause de cela, non seulement il rendit son enseignement méprisable, mais en outre cet événement fit beaucoup de tort aux autres disciples de Foulques.

Tandis que ce saint homme gagnait tous les jours beaucoup d'ames au Seigneur, mettant enfin sur ses épaules le signe de la croix, il entreprit, par ses paroles et son exemple, d'inviter, d'encourager, d'entraîner les princes, les chevaliers, et les hommes de toute condition, à porter secours à la Terre-Sainte. Lui-même commença à ramasser beaucoup 303d'argent par les aumônes des fidèles, avec l'intention de le distribuer aux pauvres croisés, tant chevaliers qu'à tous autres. Et quoiqu'il ne fit point ces collectes dans une vue de cupidité, ou par tout autre mauvais motif, cependant, par un secret jugement de Dieu, dès ce moment, son autorité et sa prédication commencèrent à diminuer beaucoup parmi les hommes; et à mesure que son argent allait croissant, la crainte et le respect qu'il avait inspirés décroissaient. Lui-même, peu de temps après, saisi d'une fièvre aiguë, entra dans la voie de toute chair, dans le village que l'on appelle Neuilly, et y fut enseveli dans l'église paroissiale, qu'il gouvernait. Beaucoup d'hommes accoururent à son sépulcre, des contrées voisines et des contrées lointaines; et l'œuvre de cette église, qu'il avait lui-même commencée, fut entièrement terminée, du produit des aumônes des pélerins affluant de toutes parts. Car ayant, au commencement de sa conversion, renversé l'ancienne église, contre la volonté de tous les laïques, il avait promis à tous ses paroissiens qu'il achèverait lui-même toute l'œuvre nouvelle d'une manière beaucoup plus somptueuse, et sans les surcharger aucunement.

 

 

CHAPITRE VIII.

De maître Jean de Nivelle et d'autres vrais prédicateurs.

 

Après la mort de ce champion du Christ, qui, par ses saints aboiemens, avait commencé en quelque 304sorte à éveiller le monde, et illuminé de la lumière de vérité des contrées en partie couvertes de ténèbres, beaucoup d'hommes, enflammés du zèle de la charité, et animés par cet exemple, commencèrent à prêcher et à enseigner, instruisant un grand nombre de personnes sur la justice, et par leurs saintes exhortations, retirant les ames des pécheurs de la gueule du léviathan. Parmi eux, les principaux, ceux qui se firent le plus grand nom, brillant comme les étoiles dans le firmament du ciel, furent le vénérable père maître Étienne, archevêque de Cantorbéry; maître Gautier de Londres; maître Robert de Courçon, qui plus tard devint cardinal; l'abbé de Persons, de l'Ordre de Cîteaux; maître Albéric de Laon, qui devint ensuite archevêque de Rheims, petit ruisseau qui fut changé en fleuve; maître Jean de Lirot, et son compagnon, maître Jean de Nivelle, homme humble et timoré, paré de toutes les vertus, comme de pierres précieuses; et enfin beaucoup d'autres encore, dont «les noms sont écrits dans le livre de vie149,» qui, travaillant avec fidélité et sagesse dans le champ du Seigneur, pourchassaient les animaux dans les cavernes remplies de pierres et sur les montagnes, retirant les poissons de la mer «avec les filets qui ramassent toutes sortes de choses150

 

 

305CHAPITRE IX.

Des faux prophètes.

 

Cependant notre antique ennemi et adversaire, qui, «tel qu'un homme fort et bien armé,» avait longtemps gardé en paix «l'entrée de sa maison151,» voyant qu'on lui enlevait avec puissance les vases qu'il s'était appropriés, était tourmenté de jalousie, ne pouvant supporter une «telle senteur de parfum152,» ni la lumière de la sainte prédication. Alors il envoya aussi dans le monde ses disciples, faux prédicateurs, hommes emportés et scélérats, cabaretiers de Satan, «mêlant l'eau avec le vin153,» livrant à l'adultère la parole de Dieu, hommes remplis de ruse, ouvriers d'iniquité, «nuées sans eau, emportées çà et là par les vents, arbres pourris et sans fruits, deux fois morts et déracinés; vagues furieuses de la mer, jetant l'écume de leur impureté; étoiles errantes, auxquelles l'obscurité des ténèbres est réservée pour l'éternité154.» Ces ministres de Satan, «se déguisant en anges de lumière155, élevèrent leur bouche contre le ciel, et leur langue se répandit sur la terre156.» Quelques-uns d'entre eux en effet cherchèrent dans leur prédication, non l'utilité des ames ou la gloire de 306Dieu, mais plutôt leur propre gloire. D'autres ne poursuivaient par leurs prédications que les dignités et les prébendes. D'autres, hommes misérables, transportant en tous lieux leurs reliques et leurs phylactères, exposaient en vente la précieuse parole de Dieu devant les laïques. Leur voix était la voix de Jacob, et leurs mains les mains d'Ésaiï; ils ne refusaient aucun présent; «ils admiraient pour leur profit les personnes qui avaient de l'apparence157; ils enciraient toutes les têtes de l'huile des parfums de l'impie158; ils enduisaient les murailles avec un mauvais mortier159; ils préparaient des coussinets pour les mettre sous tous les coudes, faisant des oreillers pour en appuyer la tête des personnes de toute grandeur, afin de surprendre les ames, tuant ainsi les ames qui ne sont point mortes, et déclarant vivantes celles qui ne vivent point160,» pour une poignée d'orge et un morceau de pain. Si quelqu'un en leur présence ne donnait rien, ils déclaraient sainte la guerre contre lui, et à ceux qui donnaient ils disaient que leurs péchés étaient remis. Et non seulement ils ne rougissaient pas de mentir en prêchant en tous lieux, mais ils montraient de fausses reliques, au lieu de reliques vraies et précieuses, aux laïques ignorans; ils juraient faussement, se chargeaient eux-mêmes d'une infinité de crimes pour tromper les hommes simples et imprudens; et afin de leur arracher de l'argent à force de mensonges, ils glorifiaient leurs propres vêtemens, et agitaient leurs petites cloches. Flattant, dans l'espoir d'un gain honteux, les usuriers et les autres hommes 307séduits, ils leur inspiraient la sécurité dans le péché, répétant dans leur perversité ces paroles de l'Évangile: «Donnez l'aumône, et toutes les choses du monde seront à vous,» appelant «le mal bien et le bien mal, donnant aux ténèbres le nom de lumière et à la lumière le nom de ténèbres161

Or les choses que ces plongeons et ces avocats du diable gagnaient honteusement dans les églises, ils les dépensaient ensuite plus honteusement dans les tavernes et les maisons de jeu, dans des festins et des scènes d'ivrognerie, dans les impuretés et avec les femmes prostituées; et à cause de cela non seulement ils se rendaient eux-mêmes méprisables, mais en outre le titre saint et vénérable de prédication et la dignité et l'autorité de la prédication étaient avilis et souillés aux yeux des laïques. «C'est à cause de vous, a dit le Seigneur, que mon nom est méprisé et blasphémé sans cesse pendant tout le jour162.» Ce sont là «les vaches belles et grasses de l'Égypte que Pharaon vit paître dans des marécages163.» Leurs pâturages en effet étaient dans les marais de l'avarice et de la luxure; et le prophète Ézéchiel a dit d'eux: «Vos prophètes, ô Israel! ont été comme des renards dans des lieux déserts164.» Ceux là en effet, tels que des renards rusés qui sont près de faire leurs petits, et qui creusent dans la terre, tendaient des embûches aux oiseaux domestiques, c'est-à-dire aux laïques, aux idiots et aux femmes trop crédules. Mais ceux qui envoient, pour le service de leurs églises, des hommes aussi souillés et aussi blasphémateurs, et les prélats 308des églises qui leur donnent des lettres, auront à rendre compte devant le juge sévère de tout le mal que l'ont ces hommes. D'autres, vains et ambitieux prédicateurs, recherchant plus secrètement la monnaie de la faveur et l'argent des dignités, ne pouvaient cependant se moquer de Dieu même. Tandis qu'ils diront: «Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en ton nom? n'avons-nous pas fait plusieurs miracles en ton nom?» Le Seigneur leur répondra: «Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui faites métier d'iniquité165,» vous avez reçu votre récompense en ce monde.

Or, ceux qui disent et n'agissent pas, comme ils ne sont point brûlés, n'embrasent point. «Ils lient des fardeaux pesans et insupportables et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne voudraient pas les remuer du doigt166.» C'est d'eux que le bienheureux Augustin a dit: «Bien parler et mal vivre n'est autre chose que se condamner soi-même de sa propre voix.» Malheur à ceux qui plaisent aux hommes, ils seront dans la confusion, parce que le Seigneur les a méprisés. Ceux-là, «portant de larges phylactères167,» faisant toutes leurs œuvres pour plaire aux hommes, travaillent beaucoup de temps pour polir un seul sermon, et roulent souvent plusieurs cahiers dans leurs mains, afin de parvenir à leur but, qui est d'être loués par leurs auditeurs.

Mais l'Apôtre a dit: «De quelque manière que ce soit... Christ est toujours annoncé, et c'est de quoi je me réjouis et je m'en réjouirai toujours168309Les véritables et fidèles ministres du Christ ne rejetaient point leurs peaux, à cause de ces loups revêtus, dans leur hypocrisie, de la toison des brebis; par la vertu du Saint-Esprit, «simples comme des colombes, sages et prudens comme le serpent169,» ayant les yeux devant et derrière, ils «ne se tournaient point lorsqu'ils marchaient170,» et ne rejetaient point leurs regards sur les choses qui étaient en arrière, ou vers les choses temporelles. «Ils étaient la bonne odeur du Christ devant Dieu, parlant avec sincérité, comme de la part de Dieu et en présence de Dieu171;» ne combattaient point selon la chair; car les armes avec lesquelles ils combattaient n'étaient point charnelles, mais elles étaient puissantes, par la vertu de Dieu, pour renverser les forteresses et détruire tous les conseils qui s'élevaient contre la connaissance de Dieu, pour amener captives toutes les pensées et les soumettre à l'obéissance du Christ172. Ainsi, «portant les armes de la justice, que l'on tient de la droite et de la gauche173,» sollicitant en temps et hors de temps,rendant leur ministère glorieux174,» portant la paix et illuminant leur patrie, sonnant les trompettes175 et animant les peuples à la guerre, ils les détournaient des sentiers de l'iniquité et en ramenaient un grand nombre à la science de vérité et à la voie de salut.

 

 

310CHAPITRE X.

Du renouvellement de l'église d'Occident.

 

AINSI de jour en jour l'Église occidentale se réformait, sa situation devenait meilleure, et ceux qui «avaient été assis dans la région et dans l'ombre de la mort176,» s'éclairaient par la parole du Seigneur. En effet, «l'aquilon se levant, le vent du midi étant venu et soufflant de toutes parts dans le jardin du Seigneur, les parfums en découlaient177,» les vallées produisaient du froment en abondance, les champs du Seigneur devenaient féconds, les vignes fleurissaient et les pommes de grenade poussaient178.» Dans les repaires où avaient habité les dragons, on voyait verdoyer la canne et le jonc. Les «troupeaux se renaient en foule» sur tous les chemins179; ils trouvaient des pâturages sur toutes «les montagnes, chanées en un chemin aplani180,» et «les ames en étaient comme engraissées et dans la joie181. Le sapin 'élevait au lieu des buissons, le myrte croissait au lieu de l'ortie182.» On apportait «de l'or au lieu d'airain, de l'argent au lieu de fer183.» L'orgueil se retirant cédait la place à l'humilité; à la haine succédaient la charité et la bonté. La patience éloignait la 311colère; la tristesse et l'ennui étaient remplacés par les joies spirituelles et la dévotion. Il n'y avait plus lieu à l'avarice, là où la munificence, la générosité, la miséricorde envers les pauvres s'emparaient des ames. La sobriété qui honore, la chasteté qui pare, repoussaient au loin les desirs illicites de la chair. Ainsi la crainte du Seigneur rendait ses serviteurs humbles et calmes; la charité les rendait bons et bienveillans, la patience doux et faciles, la ferveur d'ame dévots, la libéralité et la générosité bienfaisans, la modération sobres, la continence et la chasteté agréables et purs devant Dieu. Alors les yeux des aveugles étaient ouverts et les oreilles des sourds n'étaient plus fermées. Le boiteux sautait comme le cerf et la langue des muets était déliée. «Les yeux de ceux qui voyaient n'étaient «point obscurcis, les oreilles de ceux qui entendaient «étaient attentives à toutes les paroles. Le cœur des «étourdis était intelligent et s'instruisait, la langue de ci ceux qui bégayaient s'exprimait promptement et nettement184.» Ils servaient Dieu en esprit d'humilité et le cœur contrit, «ils se reposaient dans le séjour «de la paix, dans des tabernacles de confiance, dans «un repos plein d'abondance185.» Quelques-uns de ceux mêmes qui avaient reçu les dons de l'esprit, afin d'échapper plus sûrement aux périls imminens et aux trompeuses séductions du monde, et pour servir plus paisiblement le Seigneur, renonçaient au siècle, disaient adieu à leurs parens, à leurs amis, à leurs possessions terrestres, se réfugiaient dans le port de la vie régulière, et offraient eux et leurs biens au Seigneur, en holocauste de charité, afin de recevoir au centuple et 312de posséder la vie éternelle, jugeant et reconnaissant, avec une grande sagesse, qu'il est bien diff1cile de vivre dans le feu ét de n'en être pas brûlé. Car «celui «qui touche de la poix en sera gâté186,» et rien n'est plus contraire à la religion et à la paix du cœur que le tumulte du monde et la société des méchans. «Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes «mœurs187;» les vertus ne se forment que par la régularité de la vie.188

 

(1 Rois, liv. iii, ch. 10; description du voyage de la reine de Saba auprès de Salomon.

(2) Isaïe, ch. 1, v. 3o.

(3) Ps. 93. v. 1.

(4 Lament. de Jérém., ch. 3, v. 16.

(5) Ps. 41, v. 11.

(6Ps. 43, v. 26.

(7Ps. 118, v. 25.

(8Isaïe, ch. 1, v. 23.

(9Lament. de Jérémie, ch. 4, v. 16.

(10) Miellée, ch. 7, v. 4.

(11) Nahum, ch. 2, v. 10.

(12) Exode, ch. 1, v. 14.

(13Ép. de saint Paul aux F.phés., ch. 6, v. 12.

(14Lament. de Jérém., ch. 4, v. 2.

(15 Ibid., ch. 2, v. 11,

(16) Ibid., ch. 4, v. 14.

(17) lsaïe, ch. 1, v. 21.

(18) Lament. de Jérém., ch. 1, v. 10.

(19) Sophonic, ch. 3, v. 3.

(20) Isaïe, ch 1. v. 23.

(21) Joel, ch. 1, v. 9, 10 et 11.

(22) Ezéch., ch. 22, v. 3o.

(23) Lament. de Jérém., ch. 3, v. 44.

(24Évang. selon saint Matth., ch. 24, v. 12.

(25Michée, ch. 7, v. 6.

(26) Ezéch., ch. 22, v. 26.

(27) Isaïe, ch. 5, v. 18.

(28) Lament. de Jérém., ch. 1, v. 3 et 5.

(29) Zachar., ch. 7, v. 11 et 12.

(30lsaïe, ch. 5, v. 12.

(31) IIe Épît. de saint Pierre, ch. 2, v. 12.

(32Ép. de saint Paul aux Héb., ch. 13, v. 4.

(33 Nahum, ch. 1. v. 1o.

(34) Isaïe, ch. 28, v. 8.

(35) Osée, ch. 4, v. 11.

(36 Ezéch., ch. 22, v. 12.

(37) Évang. selon saint Luc, ch. 6, v. 35.

(38) Levit., ch. 22, v. 8.

(39)  Ps. 1o5, v. 37.

(40  Lévit., ch. 25, v. 26 et 27.

(41Actes des Apôtres, ch. 20, v. 35.

(42 Isaïe, ch. 33, v. 1.

(43) Michée, ch. 3, v. 3 et 4.

(44) Ecclésiastique, ch, 7, v. 40.

(45) Lament. de Jérém., ch. 1, v. 9.

(46) Sagesse, ch. 6, v. 6 et 7.

(47) Isaïe, ch. 1, v. 23.

(48) Ps. 49, v. 18.

(49) Proverbes.

(50Ep. de saint Paul aux Rom., ch. 13, v. 4.

(51) Isaïe, ch. 1, v. 17.

(52) Ps. 136, v. 7.

(53) Évang. selon saint Luc, ch. 33, v. 21.

(54) Actes des Apôt., ch. 1o, v. 13.

(55) Ép. de saint Paul aux Galates, ch. 5, v. 21.

(56) Genèse, ch. 6, v. 12.

(57Ép. de saint Paul aux Ephés., ch. 6, v. 5 et 6.

(58) Isaïe, ch. 38, v. 1.

(59) Job, ch. 15, v. 34.

(60Exode, ch. 5, v. 12.

(61) Exode, ch. 21, v. 33.

(62Isaïe, ch. 3, v. 24.

(63) IIe Épit. de saint Paul à Timoth., ch. 3, v. 5.

(64) Évang. selon saint Luc, ch. 9, v. 62.

(65) Genèse, ch. 19, v. 36.

(66) Nomb., ch. 11, v. 5 et 6.

(67 Ire Ép. de saint Paul à Timoth., ch. 5, v. 8.

(68) Ibid., ch. 6, v. 6.

(69) Ézéch., ch. 22, v. 26.

(70Ibid., ch. 44, v. 31.

(71) Ire Ép. de saint Paul aux Corinth., ch. 10, v. 25.

(72Tobie, ch. 2, v. 21.

(73Évang. selon saint Matth., ch. 15, v. 13.

(74Ibid., ch. 13, v. 25.

(75) Prov., ch. 24, v. 3o et 31.

(76) Genèse, ch. 37.

(77Actes des Apôt., ch. 8, v. 9 et suiv.

(78)  Genèse, ch. 4.

(79) Isaïe, ch. 56, v. 10.

(80) Évang. selon saint Luc, ch. 4, v. 23.

(81) Epit. de saint Paul aux Rom., ch. 2, v. 21 et 22.

(82) Evang. selon saint Luc, ch. 6, v. 41.

(83Evang. selon saint Jean, ch. 2, v. 17.

(84 Cant. des cant., ch. 2, v. 15.

(85) Ép. de saint Paul aux Héb., ch. 6, v. 6.

(86) Isaïe, ch. 1, v. 15.

(87) Évang. selon saint Matth, ch. 15, v. 14.

(88)  Ps. 68, v. 33.

(89) Jéréra., ch. 2, v. 20.

(90Lament. de Jérém., ch. 2, v. 2.

(91) Joel, ch. I, v. 4.

(92 Osée, ch. 7, v. 10.

(93) Jérém., ch. 6, v. 29.

(94Évang. selon saint Matth., ch. 3, v. 8.

(95) Ep. de saint Paul aux Philipp., ch. 4, v. 7.

(96Daniel, ch. 13, v. 45.

(97) De Neuilly.

(98) Isaïe, ch. 48, v. 11.

(99Lament. de Jérém., ch. 4, v. 4.

(100) Juges, ch. 3, v. 31.

(101) Ps. 77, v. 39.

(102Ire Ép. de saint Pierre, ch. 2, v. 9.

(103  Ép. de saint Paul aux Rom., ch. 5, v. 20.

(104) Rois, liv. 1, ch. 10, v. 6, 10.

(105) Évang. selon saint Matth., ch. 7, v. 13 et 14.

(106) Rois, liv. 1, ch. 17, v. 40.

(107) Ps. 77, v.11.

(108) Isaïe, ch. 51, v. 3.

(109) Genèse, ch. 2, v. 9.

(110) Evang. selon saint Matth., ch. 13, v. 52.

(111) Cant. des cant., ch. 4, v. 15.

(112) Genèse, ch. 49, v. 20.

(113 Ps. 18, v. 11.

(114) Nombres, ch. 13, v. 33.

(115) Ép. de saint Paul à Tite, ch. 2, v. 12.

(116) Exode, chap. 8, v. 17 et 18.

(117) Évang. selon saint Matth., ch. 23, v. 2.

(118Ire Ép. de saint Paul aux Corinth., ch. 13, v. 1.

(119) Cant. des cant., ch. 6, v. 1.

(120) Ép. de saint Paul à Timoth., ch. 3, v. 1.

(121) Évang. selon saint Matth., ch. 23, v. 6 et 7.

(122) Ép. de saint Jacques, ch. 3, v. 1.

(123) Ps. 1, v. 1.

(124) Cant. des cant., ch. 2, v. 2.

(125) Apocalypse, ch. 2, v. 13.

(126) Ecclésiastique, ch. 5o, v. 8.

(127Ibid., ch. 5o, y. 10 et 11.

(128) Malachie, ch. 3, v. 4.

(129) Évang. selon saint Matth., ch. 5, v. 14.

(130) Apocalypse, ch. 1, v. 12.

(131Évang. selon saint Matth., ch. 25, v. 23.

(132) Amos, ch. 7, v 14.

(133) Exode, ch. 26, v. 5.

(134) Juges, ch. 15, v. 15.

(135Ire Ép. de saint Paul aux Corinth., ch. 15, v. 32.

(136) Ps. 8o, v. 11.

(137) Prov., ch. 11, v. 25.

(138) Évang. selon saint Matth., ch. 3, v. 9.

(139 Évang. selon saint Luc, ch. 3, v. 14

(140) Ps. 118, v. 1o5.

(141) Ps. 58, v. 15.

(142) Daniel, ch. 14, v. 35.

(143) IIe Ép. de saint Paul à Timoth., ch. 4, v. 2.

(144) Ép. de saint Paul aux Philipp., ch. 3, v. 14.

(145) Jérém., ch. 48, v. 10.

(146 IIe Ép. de saint Paul aux Corinth., ch. 6, v. 7.

(147) Prov., ch. 11, v. 26.

(148) Ecclésiastique, ch. 47, v. 22.

(149) Apocalypse, ch. 17, v. 8.

(150) Évang. selon saint Matth., ch. 13, v. 47.

(151) Évang. selon saint Luc, ch. 11, v. 24.

(152) Ecclésiastique, ch. 24, v. 20.

(153) Isaïe, ch. 1, v. 22.

(154) Ép. de saint Jude, v. 12.

(155) IIe Ép. de saint Paul aux Corinth., ch. 11, v. 14.

(156) Ps. 72, v. 9.

(157) Ép. de saint Jude, v. 16.

(158) Ps. 140, v. 5.

(159) Ezéch., ch. 13, v. 10.

(160) Ibid., ch. 13, v. 18 et 19.

(161)  Isaïe, ch. 5, v. 2o,

(162) Ibid., ch. 52, v. 5.

(163) Genèse, ch. 41, y. 2.

164) Ezéch., ch. 13, v. 4.

165) Évang. selon saint Matth., ch. 22, v. 23.

(166) Ibid., ch. 23, v. 4.

(167) Ibid.., ch. 23, v. 5.

(168) Ép. de saint Paul aux Philipp., ch. 1, v. 18.

(169) Évang. selon saint Matth., ch. 10, v. 16.

(170) Ezcch., ch. 1, v. 17.

(171) IIe Ép. de saint Paul aux Corinth., ch. 2, v. 16 et 17.

(172) Ibid., ch. 1o, v. 4 et 5.

(173) Ibid., ch. 6, v. 7.

(174)Ep. de saint Paul aux Rom., ch. 11, v. 13.

(175) Nombres, ch. 10, v. 3.

(176) Évang. selon saint Matth., ch. 4, v. 16. — Isaïe, ch. 9, v. 2.

(177)  Cant. des cant., ch. 4, v. 16.

(178) Ibid., ch 6, v. 10.

(179) Isaïe, ch. 7, v. 25.

(180) Ibid., ch. 49, v. 11.

(181) Ibid., ch. 55, v. 2.

(182) Ibid., ch. 55, v. 13.

(183) Ibid., ch. 60, v. 17.

(184) Isaïe, ch. 32, v. 3 et 4.

(185) Ibid., ch. 32, v. 18.

(186) Ecclésiastique, ch. 13, v. 1.

(187) Ire Ép. de saint Paul aux Corinth., ch. 15, v. 33.

(188) La fin de ce second livre offre si peu d'intérêt, que nous n'avons pas cru devoir la donner ici: ce n'est qu'une série de citations des Écritures, appliquées soit aux désordres des divers Ordres religieux que l'auteur passe en revue, soit aux dogmes et aux pratiques de l'Église catholique qu'il expose minutieusement. Aucun fait historique ne s'y rencontre.