JACQUES DE VITRY
HISTOIRE DES CROISADES : LIVRE I - Partie I - Partie II - Partie III - LIVRE II. - LIVRE III
Œuvre mise en page par Patrick Hoffman
COLLECTION
DES MÉMOIRES
RELATIFS
A L'HISTOIRE DE FRANCE,
depuis la fondation de la monarchie française jusqu'au 13e siècle
AVEC UNE INTRODUCTION DES SUPPLÉMENS, DES NOTICES ET DES NOTES;
Par M. GUIZOT,
PROFESSEUR D'HISTOIRE MODERNE A L’ACADÉMIE DE PARIS.
A PARIS,
CHEZ J.-L.-J. BRIÈRE, LIBRAIRE,
RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARTS, N°. 68.
COLLECTION
DES MÉMOIRES
RELATIFS
A L'HISTOIRE DE FRANCE.
HISTOIRE
DES CROISADES,
Par JACQUES DE VITRY.
Un grand nombre d'autres, morts au monde afin de vivre en Dieu, se choisirent des sépulcres tranquilles dans les déserts du Jourdain, où le bienheureux Jean-Baptiste100, fuyant la foule des hommes pour s'occuper de Dieu avec plus de liberté, se cacha dès les années de son enfance. Au milieu de cette solitude, le bienheureux Jean ne se nourrissait que de sauterelles et de miel sauvage101. Dans le pays de Syrie, c'est l'usage d'un grand nombre d'hommes, lorsque les sauterelles arrivent en foule, de les ramasser, et de les mettre en réserve pour en faire leur 91nourriture. Quant au miel, nous en avons vu en très-grande abondance dans les cannes à miel que l'on trouve dans ce pays. Ces cannes à miel sont des roseaux remplis de miel, c'est-à-dire d'un suc extrêmement doux, dont on fait, en le passant d'abord comme sous un pressoir, et en le condensant ensuite par l'action du feu, d'abord une sorte de miel, et ensuite une sorte de sucre. On a composé ce mot de cannamelles des deux mots canne et miel, parce que les tiges qui portent ce miel sont semblables à des cannes ou roseaux. Mais comme il me paraissait peu vraisemblable que le bienheureux Jean, qui baptisa le Christ, eût mangé de la chair des sauterelles, puisqu'il refusait même de manger du pain, je me suis informé avec soin, auprès d'un moine syrien dont le monastère, situé dans ce même pays, était composé d'un grand nombre de moines réunis sous l'autorité d'un seul abbé, et menant une vie très-austère, pour savoir ce que c'était que ces sauterelles dont on dit que le bienheureux Jean se nourrissait dans ce désert du Jourdain. Le moine me répondit sur-le-champ que dans son couvent on faisait manger très-souvent aux moines une certaine herbe qu'ils appelaient eux-mêmes langusta, ce qui est la même chose que locusta102, et qu'il y en avait en grande abondance tout autour de ce monastère, et il ajouta que cette herbe était ce qui faisait la nourriture du bienheureux Jean. Quant au miel sauvage des abeilles, les moines en trouvaient très-souvent et en grande quantité dans ce même désert.
D'autres hommes religieux se choisissaient une ha-92bitation solitaire dans le désert qui est situé tout auprès de la mer de Galilée, lieu où le Seigneur prêcha fréquemment devant la foule, où il nourrit avec quelques pains d'orge et de petits poissons une grande multitude d'hommes103, contrée qu'il illustra par divers miracles, où il se manifesta et apparut après sa résurrection à ses disciples, mangeant et buvant avec eux104, où il marcha sur la mer105, et ou encore il appela à lui quelques-uns de ses disciples, leur disant: «Suivez-moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes106.» D'autres s'établirent dans la plaine, où l'on trouve à faire beaucoup de foin avec des herbes desséchées; d'autres encore se fixèrent sur la montagne voisine, où le Seigneur avait coutume de se rendre pour prier en particulier.
La mer de Galilée est un étang situé sur le territoire de Galilée, dont les eaux sont très-douces, qui abonde en poissons de diverses espèces, dont l'aspect est très-agréable, et l'eau très-bonne à boire. Comme cet étang est très-étendu en longueur et en largeur, à l'exemple des Hébreux et des Égyptiens, qui appellent mer tout amas abondant et vaste d'eaux, soit douces, soit salées, on a donné à ce lac le nom de mer. On l'appelle aussi la mer de Tibériade, parce qu'il est à côté de la ville de Tibériade, vulgairement nommée Tabarie, auprès de laquelle se trouve la ville de Pierre et d'André, Bethsaïde, que le Seigneur honora de sa présence. Enfin on l'appelle aussi quelquefois l'étang Gennésareth, ce qui signifie qui 93fait le vent, parce qu'il est formé par les sources des montagnes environnantes, qui lui apportent fréquemment un vent très-fort, lequel agite les eaux de cet étang, y excite des tempêtes, et submerge souvent de petits bâtimens dans le sein des flots soulevés.
Le fleuve Jourdain, formé au pied du mont Liban, et près de Césarée de Philippe, par deux sources, celles de Jor et de Dan, dont il reçoit son nom et son origine, se rend de là dans l'étang de Gennésareth; il en sort ensuite tout entier, arrose le pays adjacent sur une longueur de cent vingt milles environ, traverse la vallée Illustre, autrement dite vallée des Salines, se jette dans la mer Morte, ne reparaît plus au-delà, et se perd dans l'abîme, près du lieu appelé Ségor, et aujourd'hui vulgairement nommé Paumier. La mer Morte est également appelée lac Asphalte ou Asphaltis, ou mer de sel, parce que les eaux sont salées et amères à un tel point que ni hommes ni bêtes n'en peuvent boire. Souvent aussi on l'appelle mer du Diable, parce qu'elle ne produit rien de vivant, et que rien de ce qui a vie ne peut y couler à fond. Il y a auprès de cette mer une montagne de sel très-élevée. Les arbres qui croissent sur ses bords portent des fruits qui présentent à l'extérieur une belle enveloppe, mais au dedans on n'y trouve que de la cendre, et comme une espèce de charbon puant. En effet, le Seigneur avait fait descendre en ce lieu une pluie de feu et de souffre sur Sodome et sur Gomorrhe, et sur trois autres villes107, car les hommes de ce pays étaient très-méchans, ennemis de la nature, et se livraient entre eux à des 94crimes honteux et abominables. Dans la contrée qui était appelée la Pentapolite, est le lac susdit, dont on ne peut trouver le fond, parce qu'à la suite de l'incendie, le Seigneur précipita ces villes jusque dans l'abîme.
Depuis le pied du mont Liban, jusques à la mer Morte, le fleuve du Jourdain, dont nous avons parlé ci-dessus, fournit toutes sortes d'avantages à la contrée qu'il traverse. Il arrose les jardins, fertilise le territoire, donne des eaux douces pour boire, des poissons bons à manger, et ses rives sont propres à la culture des roseaux ou cannes, que les habitans emploient pour couvrir les toits de leurs maisons et pour tresser des cloisons. Dans les plaines adjacentes, les cannes à miel, qu'on y rencontre en grande quantité, distillent leur doux suc, et produisent du sucre en abondance. Les pélerins et même les indigènes sont dans l'usage de laver leurs corps et leurs vêtemens dans les eaux du Jourdain avec une extrême dévotion, parce que notre Rédempteur ayant été baptisé dans ce fleuve par le bienheureux Jean, l'a sanctifié par le contact de sa chair parfaitement pure, et a donné à toutes ses eaux une force régénératrice. La Trinité toute entière a consacré ce fleuve bienheureux et digne de respect: le Père a été entendu au dessus de ses eaux108; le Saint-Esprit y a été vu sous la forme d'une colombe109; le Fils, revêtu de la nature humaine, y a été baptisé110. Beaucoup d'hommes et de femmes, qui furent aussi baptisés dans les mêmes eaux du baptême de pénitence par Jean-Baptiste, se préparè-95rent aussi à l'aspersion des eaux, et se rendirent propres par là à recevoir la grâce et le baptême du Christ. En signe de la purification future, Naaman le Syrien fut guéri dans ce fleuve de la lèpre, et «sa chair devint saine comme celle d'un petit enfant111.» Josué, suivi de la multitude des enfans d'Israel, traversa le Jourdain à pieds secs, «les eaux qui descendaient d'en haut s'arrêtant et s'élevant en un monceau, et les eaux d'en bas qui descendaient vers la mer s'écoulant entièrement112.» Aussi les enfans d'Israel ramassèrent dans le Jourdain douze pierres, représentant le nombre de leurs tribus; et le bienheureux Jean-Baptiste a dit à ce sujet et à la lettre: «Même de ces pierres, Dieu peut faire naître des enfans à Abraham113.» Élie et Élisée passèrent aussi à sec le fleuve du Jourdain, «Elie ayant pris son manteau, et en ayant frappé les eaux, qui se séparèrent en deux114.» Ainsi donc beaucoup d'hommes religieux se construisirent des habitations dans le voisinage de ce fleuve, à cause de la sainteté et de la commodité de ses eaux.
D'autres, pleins de respect pour le Thabor, et voulant lui rendre honneur, fondèrent un monastère sur cette montagne très-élevée et escarpée, où le Seigneur, ayant été transfiguré eu présence de Pierre, de Jacques et de Jean, ainsi que de Moïse et d'Élie115, leur fit connaître la gloire de sa résurrection future. Le mont Thabor est situé dans le pays de Galilée, non loin de Nazareth; à ses pieds, se trouve 96le torrent de Cison; d'un côté, sont les montagnes de Gelboé116, de l'autre, la mer de Galilée. Quelques-uns ont imaginé de raconter au sujet de ces montagnes de Gelboé qu'il n'y tombe jamais ni pluie, ni rosée: mais les habitans du voisinage ont fréquemment affirmé la fausseté de cette assertion. On fonda aussi dans des lieux bien choisis des couvens de l'Ordre de Cîteaux et de celui des Prémontrés. Un grand nombre de ceux qui, dans leur ardent desir de voir la Terre-Sainte, avaient quitté leur pays, leurs familles et leurs maisons, quoique la foule et le tumulte des hommes soient presque toujours un obstacle à la pratique de la religion, aimèrent mieux cependant habiter corporellement au milieu de cette foule, que renoncer à vivre loin des saintes cités de Jérusalem, de Bethléem et de Nazareth, qui, telles que des cellules embaumées, respirent encore la résidence du Sauveur. A Nazareth en effet, le Seigneur fut conçu par le Saint-Esprit dans le sein de la vierge Marie; il naquit à Bethléem; à Jérusalem, il fut crucifié pour notre salut; il y mourut, et y fut enseveli.
Jérusalem est la cité des cités, la sainte des saintes, la maîtresse des nations, la reine des provinces; appelée, par une prérogative spéciale, la cité du grand Roi, située comme au centre du monde, au milieu de la terre, afin que tous les peuples pussent affluer vers elle; possession des patriarches, nourrice des prophètes, institutrice des apôtres, berceau de notre salut, patrie du Seigneur, mère de la foi comme Rome est la mère des fidèles, élue à l'avance, et sanctifiée par Dieu, ses pieds s'y posèrent souvent; elle fut honorée 97par les anges, et visitée fréquemment par toutes les nations qui sont sous le ciel. Elle est située sur une montagne, et entourée d'autres montagnes, dans cette partie de la Syrie que l'on appelle Judée ou Palestine, pays où coulent le lait et le miel, où abondent le grain, le vin et l'huile, et tous les biens temporels. Jérusalem n'a ni fleuve ni source, si ce n'est une seule que l'on nomme la fontaine de Siloé, qui coule au pied de la montagne de Sion, au milieu de la vallée de Josaphat, et fournit quelquefois de l'eau en abondance, mais qui plus souvent n'en donne qu'en petite quantité, ou même pas du tout. Il y a dans la ville, aussi bien qu'en dehors, un grand nombre de citernes formées par les eaux pluviales, et suffisantes pour abreuver les hommes et les animaux, et pour les divers besoins de la vie. Jérusalem a porté beaucoup de noms divers, selon la variété des événemens, des langues et des nations. D'abord elle fut appelée Jébus, ensuite Salem, et ces deux mots réunis ont formé son troisième nom de Jérusalem. On l'a appelée aussi Solime, Hiérosolime, Luz et Béthel. Enfin elle fut nommée Ælie par Ælius, questeur romain, qui, après qu'elle eut été détruite par Tite et Vespasien, la rebâtit sur l'emplacement qu'elle occupe maintenant. Son premier évêque fut l'apôtre Jacques, qui, frappé dans la ville de la perche d'un foulon, passa par le martyre dans le sein du Seigneur. Après lui, et jusques au temps de l'empereur Justinien, Jérusalem n'eut que de simples évêques, qui n'étaient distingués par aucune dignité particulière. Au temps de ce susdit empereur, chéri de Dieu et plein de religion, et dans le concile général qui fut 98tenu à Constantinople, on institua un patriarche de Jérusalem, par respect pour la cité sainte, en retirant au patriarche d'Antioche et à celui d'Alexandrie quelques-uns de leurs suffragans, attendu que Jérusalem se trouvait placée sur les confins et aux limites de ces deux patriarcats. Ce patriarcat tient le quatrième rang dans l'Église de Dieu, à partir du Siége apostolique. Le patriarche de Jérusalem a sous sa juridiction quatre métropolitains. Le premier est celui de Tyr, qui a quatre évêques suffragans, savoir, les évêques d'Accon, de Sidon, de Béryte et de Panéade. Panéade est cette ville que l'on appelle vulgairement Bélinas, située au pied du mont Liban, assez près de la ville de Damas, et à l'extrémité de la terre de promission. Le second métropolitain ou archevêque est celui de Césarée, qui n'a qu'un seul suffragant, l'évêque de Sébaste. Sébaste était anciennement appelée Samarie: là furent ensevelis des hommes saints, Jean-Baptiste, Elisée et Abdias le prophète. La ville nommée Caïphe ou Porphyrie n'a point d'évêque et est immédiatement soumise à l'archevêque de Césarée. Le troisième métropolitain est celui de Nazareth, qui n'a qu'un seul suffragant, l'évêque de Tibériade. Celle-ci est située dans le pays et sur les bords de la mer de Galilée, et l'on y trouve beaucoup de grains etde vin, et despoissons en grande abondance. Il y eut jadis un siége archiépiscopal dans la ville de Scythopolis, aujourd'hui appelée Bethsan, et située dans la plaine, entre les montagnes de Gelboé et le fleuve du Jourdain. Son territoire est très-fertile et arrosé de ruisseaux et de sources; elle était anciennement métropole de la troi-99sième Palestine et de toute la Galilée, mais, par respect pour la dignité du lieu dans lequel le Seigneur a été conçu du Saint-Esprit, l'archevêché fut dans la suite transféré à Nazareth. Le quatrième métropolitain de Jérusalem est celui de Pétra, qui n'a qu'un suffragant, l'évêque grec du mont Sinaï, préposé à l'église de la bienheureuse vierge Catherine et aux moines du même couvent. Pétra est une ville très-forte, aujourd'hui vulgairement nommée Crac ou Pierre du désert; elle est située au-delà du Jourdain, sur le territoire de Moab et sur une haute montagne, et est métropole de la seconde Arabie. C'est, à ce qu'on dit, le lieu dont le prophète Isaïe a dit: «Seigneur, envoyez l'Agneau, le Dominateur de la «terre, etc.,117.» Elle est située tout près de la ville très-antique que l'on appelait Rabath, devant laquelle Urie fut tué d'après les ordres de David.
Le patriarche de Jérusalem a en outre quelques évêques suffragans qui relèvent immédiatement de lui, savoir, les évêques de Bethléem, d'Hébron et de Lidda. L'église de Bethléem fut un prieuré de chanoines réguliers, jusqu'au temps de Baudouin, premier roi latin de Jérusalem. Ce roi l'éleva à la dignité de cathédrale, par respect pour le lieu où le Seigneur avait pris naissance, et y institua un évêque selon les ordres et la volonté du pape Pascal, de précieuse mémoire, lequel plaça la ville d'Ascalon immédiatement sous l'autorité de ce même évêque. L'église d'Hébron, qui auparavant était aussi un prieuré, fut de même élevée à la dignité épiscopale, par égard pour le lieu où furent ensevelis, dans une double caverne, Adam100et Ève, et les trois patriarches Abraham, Isaac et Jacob, avec Sara et Rébecca, et par respect pour ces serviteurs de Dieu. Hébron fut aussi appelée, dans les temps antiques, Arbé et Cariatharbé118. La ville de Lidda, autrefois nommée Diospolis, est maintenant sous l'invocation de saint George.
Le patriarche de Jérusalem a en outre sous ses ordres des abbés et des prieurs qui, par un privilége particulier de leur dignité, portent les insignes du pontife, savoir, la crosse, la mitre, l'anneau et les sandales, et qui l'assistent respectueusement dans les fonctions de son ministère. L'église patriarcale, qui est celle du sépulcre du Seigneur, au dessous du mont Calvaire, a des chanoines réguliers, portant l'habit et vivant selon la règle du bienheureux Augustin. Ils ont un prieur auquel il appartient, ainsi qu'aux susdits chanoines, d'élire le patriarche qui leur tient lieu d'abbé. Dans les églises du Temple du Seigneur, de la montagne de Sion et de la montagne des Oliviers, sont des abbés et des chanoines servant le Seigneur selon la règle du bienheureux saint Benoît. A Béthanie, qui fut la résidence de Marie et de Marthe et de Lazare leur frère, à quinze stades de Jérusalem, au-delà et sur le revers de la montagne des Oliviers, est l'abbaye de Saint-Lazare, dite de Béthanie, dans laquelle sont une abbesse noire et des religieuses qui suivent la règle et les institutions de saint Benoît. Il y a, au-delà du Jourdain, une autre Béthanie, qui est celle où Jean donnait le baptême. Une autre abbaye, du même Ordre et de la même profession, celle de Sainte-Anne, mère de la mère du 101Seigneur, est située auprès de la porte dite de Josapbat, à côté de la piscine Probatique, dans le lieu où naquit, dit- on, la bienheureuse Vierge Marie; là sont aussi une abbaye et des religieuses noires. En outre, l'abbaye des religieuses de Sainte-Marie de Jérusalem, avec son abbesse et ses religieuses noires, servant Dieu selon la règle de saint Benoît, telle qu'une cellule bien parfumée, était remplie de personnes saintes, chastes et consacrées à Dieu, qui embrassaient la religion, vivaient honorablement, et se livraient avec ardeur à la charité, sans y être forcées par aucun malheur ou par la pauvreté. Sur le mont Thabor est l'abbaye des moines noirs, vivant sous l'autorité du métropolitain de Nazareth. La ville de Joppé n'a point d'évêque et est immédiatement soumise au prieur et aux chanoines du sépulcre du Seigneur. De même, la ville de Naplouse, appelée Sichar dans l'Évangile119, où est le puits de Jacob, auprès duquel le Seigneur parla à la femme samaritaine, n'a pas non plus d'évêque et relève immédiatement de l'abbé du temple du Seigneur. Il y a en outre, dans la terre de promission, beaucoup d'autres villes qui, avant la venue des Latins, avaient leurs évêques particuliers, tant syriens que grecs; mais, à cause de leur grand nombre et de leur pauvreté, et afin que la dignité épiscopale ne fût pas vilipendée, les Latins réunirent plusieurs de ces églises catliédrales et de ces villes sous l'autorité d'une seule cathédrale.
Je vais maintenant parler en peu de mots des lieux qui sont distingués par un plus haut degré de sainteté, entre tous les lieux saints.
102Nazareth est une petite ville, située presque à l'entrée de la Galilée, du côté de l'occident et auprès des montagnes. Entre cette ville et Séphor est une source limpide qui fournit des eaux en abondance et qu'on appelle la fontaine de Séphor: c'est en ce lieu que les rois de Jérusalem rassemblent assez habituellement leurs armées, à cause de l'abondance et de la commodité du voisinage des eaux; quelques personnes affirment que la bienheureuse Vierge était née dans cette ville de Nazareth. Mais ce qui n'est pas douteux, c'est que la Vierge sainte y demeurait lorsqu'elle fut fiancée à Joseph et lorsque l'ange lui fut envoyé pour lui annoncer les prémices de notre salut120. Cette ville sainte et agréable à Dieu, dans laquelle le Verbe a été fait chair, où une fleur qui a surpassé tous les parfums a germé dans le sein d'une Vierge, et est à juste titre appelée une fleur, a joui sur toutes les autres de ce privilége particulier que le Seigneur y a commencé l'œuvre de notre salut, et que celui à qui le Père a soumis tout ce qui est dans le ciel et sur la terre a daigné y être élevé et se soumettre lui-même à ses païens.
Bethléem, nom qui veut dire la maison du pain, dans laquelle est né «le vrai pain qui descend du ciel121», est située sur le revers de la montagne de Jérusalem, non loin de la cité sainte et à quatre milles seulement. Dans cette ville de David, est la sainte et vénérable église cathédrale, consacrée en l'honneur de la bienheureuse Vierge. On y trouve encore cette crêche dans laquelle daigna reposer et être couché 103celui «dont le ciel est le trône et la terre le marche-pied122», et qui se fit foin selon la chair pour se donner en nourriture aux pieux animaux. En ce lieu, les bergers, avertis par la révélation de l'ange, trouvèrent l'enfant emmailloté, avec Marie sa mère123, et les trois mages, guidés par l'étoile, étant arrivés dans la même ville, adorèrent en se prosternant le roi nouveau-né et lui offrirent des présens mystiques124. Là, Hérode, impie ennemi, cherchant à faire périr le Christ, fit périr cruellement un grand nombre d'enfans innocens. Là encore est le sépulcre de Rachel, femme de Jacob, qui, après avoir donné la vie à Benjamin, termina la sienne en ce lieu125. De cette ville aussi était originaire cette femme Noémi, qui emmena de la Pierre du désert Ruth la Moabite, que Booz prit pour femme126, et dont la progéniture amena l'Agneau dominateur de la terre auprès de la montagne de la fille de Sion. David desira boire des eaux de la citerne de Bethléem, voulant boire les eaux de la sagesse, du salut, dans la citerne de la bienheureuse Vierge. Le bienheureux Jérôme, Père latin, choisit cette ville sainte et chérie de Dieu pour y servir le Seigneur, et la précieuse poussière de son corps y fut déposée dans sa sépulture. La bienheureuse Paule et Eustochie sa fille, ainsi que beaucoup d'autres vierges, se consacrant en toute dévotion au service de Dieu et à la contemplation divine dans un monastère de religieuses, dédaignèrent les royaumes de ce monde et tous ses ornemens, par amour pour notre Sei-104gneur Jésus-Christ et par dévotion pour ce lieu saint.
Autant la sainte cité de Jérusalem, dans laquelle le Seigneur manifesta corporellement les mystères de notre rédemption, se distingue entre les autres lieux et les autres villes par le privilége de sa sainteté et par l'éminence de sa dignité, autant elle attirait à elle un plus grand nombre de personnes religieuses, entraînées comme par le parfum d'un champ fertile que le Seigneur a béni. Ces personnes, visitant tous les lieux vénérables en des temps opportuns et en toute ferveur, trouvant un aliment à leur dévotion tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, et livrant leurs ames à toute l'ardeur de leurs desirs, les préservaient ainsi de l'engourdissement qu'amène l'ennui. Cette ville, si souvent nommée, et qui doit l'être toujours, est située sur une montagne élevée de tous côtés, entourée de toute parts d'une forte muraille; elle n'est ni d'une trop petite dimension, ni d'une grandeur fâcheuse à qui que ce soit; et de l'une à l'autre de ses murailles, la distance est celle de quatre traits de flèche qui se succéderaient. Du côté de l'occident, est une forteresse construite en pierres carrées, liées d'une manière indissoluble par du ciment et du plomb fondu; l'un de ses côtés sert de muraille à la ville, et elle est appelée la tour de David. Vers le midi, est la montagne de Sion, sur laquelle David habita dans la citadelle de Sion, après avoir expulsé les Jébuséens, et qu'il appela la cité de David. La montagne des Oliviers est située à l'orient. La montagne du Calvaire, où Notre-Seigneur fut crucifié, dans le quartier qui s'appelle Golgotha, et l'emplacement du sépulcre du Seigneur, voisin 105de Golgotha, et placé en dessous du Calvaire, étaient jusquesaux temps de l'empereur Ælius Adrien en dehors de l'enceinte de la ville, «car le Seigeur a souffert et a été enseveli hors de la porte127.» Le susdit empereur releva la ville que Tite et Vespasien avaient détruite, fit convenablement orner de pavés les rues et les places, et construisit des aqueducs, pour enlever les immondices de la ville dans les temps de pluies.
En outre, il agrandit tellement la ville, que l'emplacement du sépulcre du Seigneur se trouva renfermé dans son enceinte. Plus tard, les Chrétiens, par respect pour ce sépulcre, élevèrent dans ce même lieu la glorieuse église de la Résurrection du Seigneur, ouvrage admirablement construit, convenablement orné, qui n'a qu'une seule ouverture par le haut, et qui tient à juste titre le premier rang entre tous les lieux saints et vénérables. En celui-ci, le précieux corps du Seigneur, honorablement enseveli dans les parfums, reposa pendant trois jours; le troisième jour, il ressuscita, et l'ange saint apparut] aux femmes en ce même lieu128; les soldats qui gardaient le sépulcre devinrent comme morts; et c'est en ce lieu encore que, dans la nuit de la résurrection du Seigneur, le feu sacré descend d'en haut. Lorsque dans le monde entier les fidèles disent: «Le Seigneur qui fut attaché pour nous sur ce bois s'est relevé du sépulcre,» les seuls chanoines de l'église de la Résurrection du Seigneur jouissent de cette prérogative particulière de dire, en le montrant à tous les yeux: 106«Le Seigneur s'est levé de ce sépulcre.» De même dans l'évangile de Pâques, lorsqu'on dit: «Il s'est levé, il n'est pas ici,» le diacre qui lit l'évangile montre du doigt la sépulture du Seigneur. Le lieu appelé le Calvaire, en hébreu Golgotha, voisin de l'église du Sépulcre, tient un rang élevé entre les lieux saints, et a une très-grande vertu de componction, en mémoire de la passion du Seigneur. Là, le Seigneur souffrit pour notre salut; il fut dépouillé de ses vêtemens, attaché sur la croix, percé de clous, abreuvé de fiel et de vinaigre129, livré aux railleries des Juifs, mis au nombre des malfaiteurs, condamné à une mort ignominieuse; il pria pour les transgresseurs de la loi, recommanda sa mère à son disciple, promit le salut au larron, et rendit l'esprit en poussant un cri, et versant des larmes. De son flanc percé d'une lance sortirent le sang et l'eau qui devaient purifier le monde; en ce lieu, les Juifs se partagèrent ses vêtemens, et tirèrent au sort sa tunique: la terre fut ébranlée, les pierres se déchirèrent, son sang coula sur la terre, et le soleil obscurci cacha ses rayons130. Tous ces souvenirs, lorsque ce lieu saint est visité par les dévots pélerins, pénètrent de componction leur cœur contrit et humilié, et font couler de leurs yeux des larmes de compassion. La cité de notre force est Sion, montagne accumulée, montagne grosse, montagne sur laquelle il a plu à Dieu d'habiter, qui distille la douceur, semblable à une fleur qui répand de suaves odeurs, remplit, fortifie, relève les ames pieuses, les console et les nourrit par l'excel-107lence de sa sainteté. Là, le Seigneur célébra la Pâque avec ses disciples; ayant pris un linge, il s'en ceignit, lava les pieds des apôtres131, leur donnant un exemple d'humilité; puis, reprenant sa robe, il mangea et but avec ses disciples. Là, il institua le nouveau Testament; il donna à manger et à boire à ses disciples le pain converti en son propre corps, le vin converti en son propre sang, et instruisit ses disciples par ses divines paroles. En ce lieu encore, le bienheureux Jean s'appuya sur la sainte poitrine du Seigneur; la bienheureuse Vierge, tant qu'elle vécut après la mort de son fils, y habita avec Jean, qui lui avait été donné comme gardien, et le Seigneur y apparut à ses disciples, qui demeuraient dans une maison fermée132. Après l'ascension du Seigneur, les apôtres demeurèrent encore en ce même lieu jusqu'au jour de la Pentecôte, jeûnant, priant, et attendant le Saint-Esprit, qui leur avait été promis. Au jour de la Pentecôte, ils reçurent en ce lieu, pour être fortifiés, le Saint-Esprit, qui descendit sur eux en forme de feu133, et leur donna la science de toutes les langues. En même temps, il se fit tout-à-coup au même lieu un bruit qui venait du ciel; une multitude de Juifs accourut aussitôt; et le bienheureux Pierre leur exposant la prophétie de Joel, convertit beaucoup d'entre eux au Seigneur. Ce lieu illustre a le privilége de tenir le premier rang entre tous les autres lieux saints.
Nous ne devons nullement omettre de mentionner parmi les lieux vénérables le temple du Seigneur, 108que Salomon construisit sur le mont Moriah, dans l'aire d'Oman le Jébuséen134. Quoiqu'il eût été d'abord détruit par les Babyloniens, et plus tard par les Romains, des hommes fidèles et religieux le rétablirent ensuite sur le même emplacement, en forme de rotonde; et cet ouvrage admirable fut refait avec beaucoup d'habileté et toute la magnificence convenable. Ce fut en ce lieu, et sur la roche que l'on voit encore aujourd'hui dans le temple, que s'arrêta et apparut à David l'ange exterminateur qui fit périr plusieurs milliers d'hommes d'entre le peuple, à cause du péché que David avait commis, en ordonnant de faire le dénombrement du peuple israélite. C'est pourquoi les Sarrasins, aujourd'hui encore, appellent le temple du Seigneur le Rocher; ils l'ont en une telle vénération que nul d'entre eux n'ose le profaner par aucune souillure, comme ils se le permettent dans les autres lieux saints; et depuis le temps de Salomon jusqu'au temps présent, ils sont tous venus sans cesse lui présenter leurs adorations, des contrées même les plus éloignées. Toutes les fois qu'ils sont en possession de la cité sainte, ils placent dans ce temple l'image de Mahomet, et ne permettent à aucun Chrétien d'y entrer. Quelques personnes croient que l'arche du Seigneur a été jusques à nos jours enfermée sous cette roche, parce que Josias, roi de Jérusalem, prévoyant la destruction imminente de la ville, avait donné ordre de l'enfermer, et de la cacher dans le sanctuaire du temple. Cependant on lit dans le second livre des Machabées qu'au moment où la captivité était imminente, le prophète Jérémie se ren-109dit sur la montagne «où Moïse était monté, et d'où il considérait l'héritage de Dieu,» qu'il y trouva un caveau, où il mit le tabernacle, et l'arche et l'autel, dont il boucha l'entrée, disant que ce lieu demeurerait inconnu jusques à ce que Dieu eût rassemblé son peuple, «ajoutant qu'alors le Seigneur fera voir ces choses, et que la majesté du Seigneur paraîtra de nouveau135.» En ce lieu saint et vénérable, lorsque Salomon eut terminé son œuvre, et tandis qu'il offrait des sacrifices au Seigneur, une nuée remplit la maison, et la gloire du Seigneur apparut, et il descendit un feu du ciel qui consuma l'holocauste et les victimes; la gloire du Seigneur remplit tout le temple, les prêtres ne pouvaient y entrer, et les enfans d'Israel virent le feu qui descendit et la gloire qui remplit la maison. Après que Salomon, fléchissant les genoux, élevant les mains au ciel, eut adressé sa prière au Seigneur, demandant que quiconque entrerait dans le temple pour implorer ses bienfaits, vît ses prières accueillies par le Seigneur, le Seigneur lui apparut, disant: «J'ai exaucé ta prière et les supplications que tu as faites devant moi; j'ai sanctifié cette maison que tu m'as bâtie; mes yeux seront ouverts, mes oreilles seront attentives aux prières de celui qui m'invoquera en ce lieu, car j'ai choisi et j'ai consacré cette maison136.» En ce lieu encore, ainsi qu'on le lit dans les Machabées, Héliodore ayant été envoyé par le roi Antiochus, avec ordre de violer le lieu saint et d'en enlever de vive force l'argent qui y était déposé, vit apparaître un cheval magnifiquement enharnaché, sur lequel était 110monté un homme terrible. Celui qui le montait semblait avoir des armes d'or, et le cheval donna plusieurs coups à Héliodore des deux pieds de devant. Deux autres jeunes hommes se montrèrent aussi à lui, pleins de force et de beauté, brillans de gloire et richement vêtus, qui, se tenant à ses côtés, le fouettèrent sans relâche, et lui firent plusieurs plaies137. Là aussi la bienheureuse Vierge servit, dit-on, avec d'autres vierges, jusqu'au moment où elle fut fiancée à Joseph; elle préparait les vases du temple et les vêtemens sacerdotaux; elle apprenait les saintes Écritures, s'adonnait avec sagesse et humilité aux jeûnes, aux veilles, aux prières et à l'étude des divines Écritures; conduite au temple par ses parens dès les premières années de son enfance, pour être présentée devant le Seigneur, elle monta, dit-on, à elle seule et sans aucune difficulté, toutes les marches par lesquelles on arrivait au temple, ce qui parut admirable aux yeux de tous, et était inoui dans tous les siècles, pour un si petit enfant. En ce lieu encore, et tandis que le saint Zacharie offrait des parfums au Seigneur, un ange lui apparut pour lui annoncer que sa prière avait été exaucée, car tous les prêtres à l'heure des parfums offraient leurs supplications au Seigneur pour la venue du Messie et pour la délivrance du peuple, et l'ange ajouta qu'Elisabeth, sa femme, stérile, lui enfanterait un fils138. En ce lieu aussi notre Seigneur Jésus-Christ ayant été présenté au Seigneur avec une tourterelle et un pigeon, fut reçu par Siméon, et annoncé par sainte Anne, la veuve, à tous ceux qui attendaient la ré-111demption de Jérusalem; et lorsqu'il eut atteint l'âge de douze ans, afin de donner l'exemple de s'appliquer à la lecture des divines Écritures, «s'asséyant au «milieu des docteurs, il les écoutait et leur faisait des questions, et tous ceux qui l'entendaient étaient ravis de sa sagesse et de ses réponses139.» Et lorsqu'il fut monté pour prier dans le temple, il en chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient; il renversa les tables des changeurs et les siéges de ceux qui vendaient des pigeons, et il leur dit: «Il est écrit: «Ma maison sera appelée une maison de prière.» Une autre fois il monta sur le haut du temple, où le diable le tenta, lui proposant de se jeter en bas140. Lorsque le temps de sa passion fut proche, il était toute la journée dans le temple à enseigner, le soir il se retirait à Béthanie, et dès le grand matin il revenait141. Après sa mort «le voile de ce temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas142,» afin de montrer à découvert l'entrée du Saint des saints. Le bienheureux Jacques l'apôtre fut précipité, tandis qu'il prêchait, du sommet de ce même temple; et frappé de la perche d'un foulon, il fut couronné du martyre.
Il y a en outre à Jérusalem un temple d'une immense grandeur, d'où les frères chevaliers du temple ont reçu le nom de Templiers, parce que le temple est appelé le temple de Salomon, peut-être pour le distinguer de l'autre, plus spécialement nommé le Temple du Seigneur.
La montagne des Oliviers, montagne grasse, mon-112tagne des trois flambeaux, montagne sainte et digne de tout respect, est située à mille pas environ de Jérusalem. Sur la pente de cette montagne on trouve Bethphagé, ce qui veut dire la maison de la trompette, le village des Prêtres et Béthanie, résidence de Marie, de Marthe et de Lazare, où Marie oignit les pieds du Seigneur, les essuya avec ses cheveux, et, assise aux pieds du Seigneur, recueillait avidement les paroles de sa bouche, tandis que Marthe sa sœur s'occupait d'autres soins143. Là, le Christ ressuscita Lazare; là, il daigna souvent aller habiter, prêcher et faire des miracles. Sur cette très-sainte et très-digne montagne, le Seigneur était assis en face du temple, lorsque ses disciples lui demandèrent quels seraient les signes de son avènement144 pour le jugement et pour la consommation des siècles. Souvent aussi il sortait avec ses disciples et se rendait sur cette montagne pour prier, surtout aux approches de sa passion. Là aussi il fut reçu honorablement par les enfans des Hébreux, qui se portèrent à sa rencontre avec des rameaux de palmier, et conduit de ce lieu jusqu'à Jérusalem, assis sur un âne, au milieu des hymnes et des chants de louange. Enfin, du haut de cette montagne, il s'éleva glorieusement aux cieux, à la vue de ses disciples145.
Il y a encore d'autres lieux saints et vénérables, tant dans l'intérieur de la ville qu'au dehors, savoir: la vallée de Josaphat, située entre la montagne de Sion et celle des Oliviers, et où l'on trouve, dit- on, 113au-delà du torrent de Cédron, un petit village nommé Gethsemané, et à côté de celui-ci, le jardin dans lequel le Seigneur fut saisi par les Juifs. La bienheureuse Vierge fut ensevelie dans cette vallée, et c'est aussi là que l'on croit que le Seigneur viendra pour le jour du jugement. La piscine probatique, dont les eaux guérissaient les infirmes, lorsqu'elles étaient agitées par l'ange; la piscine de Siloé, où un aveugle de naissance fut guéri de sa cécité; l'église du bienheureux premier martyr Étienne, sur la place même où il fut lapidé par les Juifs; le château d'Emmaüs, situé à soixante stades de Jérusalem, auprès de Modin, ville des Machabées et de Gabaon. Le Seigneur apparut dans Emmaüs à deux de ses disciples; il prit du pain, et ayant rendu grâces, il le rompit devant eux146. On trouve encore une infinité d'autres lieux que le Seigneur a daigné visiter et sanctifier par sa présence corporelle, car tous les lieux que le Seigneur a foulés de ses pieds sont saints et consacrés et reconnus par les fidèles pour précieuses reliques. Aussi est-ce à bien juste titre que cette terre de promission, qui distille le lait et le miel et l'emporte sur les parfums les plus suaves, a sans cesse attiré à elle avec puissance non seulement les clercs religieux, mais encore les laïques, tant chevaliers qu'hommes d'autre condition, les excitant à quitter leurs parens et leurs propres patrimoines, pour mener une vie régulière. De ce nombre furent ceux que l'on nomme à Jérusalem les Hospitaliers, ou frères de l'hôpital de Saint-Jean, les frères chevaliers du Temple, et les frères de l'hôpital de Sainte-Marie des Teutons.
146 Evang. selon saint Luc, ch. 24.
114L'hôpital de Saint-Jean fut fondé dès le temps des Syriens et des Grecs, lorsque la cité sainte était encore captive sous le joug des Sarrasins, et voici comment. Quoiqu'à cette époque les Sarrasins fussent maîtres, en punition des péchés des hommes, de toute la terre de promission, beaucoup de Chrétiens de la race syrienne ne voulurent point cependant abandonner leur patrie, et, soumis à la plus dure condition, opprimés sous le fléau d'une cruelle servitude, ils persistèrent à habiter au milieu des Sarrasins. Le prince d'Égypte, qui possédait alors toutes les contrées qui s'étendent depuis Laodicée de Syrie jusqu'à Alexandrie, dernière ville d'Égypte, avait concédé aux Syriens et à leur patriarche le quart de la ville de Jérusalem, du côté du sépulcre du Seigneur, pour être habité par eux, à la charge de payer un tribut annuel, et les trois autres quarts étaient habités par les Sarrasins. Aussi voyait-on souvent arriver des contrées de l'Occident, dans la terre de promission, quelques Chrétiens, dont les uns s'y rendaient pour des affaires de commerce, les autres dans un but de dévotion et en pélerinage à travers de grands périls, et qui, après avoir payé un tribut aux Sarrasins, visitaient les lieux saints. Parmi ces étrangers, quelques Lombards, et plus encore les Amalfitains, hommes de la ville d'Amalfi, qui n'est séparée que par une distance de sept milles de la belle ville de Salerne, apportant dans ce pays des marchandises étrangères, et étant parvenus, à force de tributs et de présens, à gagner la bienveillance et la faveur du prince d'Egypte, obtinrent de lui de très-bonnes conditions. Ce prince leur accorda sans peine la permission de con-115struire une église latine, en l'honneur de la bienheureuse Marie, auprès de l'église du Sépulcre du Seigneur, et tout au plus à la distance d'un jet de pierre; et cela, parce que les Syriens suivaient complétement dans les offices divins les usages et les institutions de l'église grecque. Aussi l'église dont je viens de parler a-t-elle été, dès sa fondation, et est-elle encore aujourd'hui appelée église de Sainte-Marie-Latine, parce que ceux qui la bâtirent y établirent un abbé latin et des moines célébrant les offices divins selon le rite des Latins. A la suite des temps, les moines de ce couvent trouvant inconvenant de recevoir dans le même lieu les femmes qui venaient en pélerinage, fondèrent, en dehors de son enceinte, un autre monastère, en l'honneur de la bienheureuse Marie-Madeleine, et y établirent des sœurs religieuses pour faire servir les femmes latines qui y arriveraient en étrangères et leur assurer l'hospitalité. A mesure que l'affluence des pélerins devint plus grande, les monastères susdits s'étant trouvés insuffisans pour recevoir tous les pauvres, affligés ou infirmes, l'abbé et les moines construisirent dans le même lieu et à côté de leur église, un hôpital et une chapelle en l'honneur de saint Jean Eléeymon, pour le service des infirmes et des indigens. Ce saint homme, agréable en Dieu et recommandable en toutes choses, était né en Chypre, et son éminente sainteté l'avait fait appeler au patriarcat d'Alexandrie. Comme il se distingua particulièrement par ses aumônes et par ses autres œuvres de piété, il fut nommé Eléeymon, c'est-à-dire miséricordieux. Et comme dans le principe cet hôpital de Saint-Jean n'avait ni revenus ni aucune es-116pèce de propriété, l'abbé de Sainte-Marie-Latine, chargé d'en prendre soin, pourvut aux besoins des pauvres et des infirmes, en leur faisant distribuer les restes et les débris des tables des deux monastères et les aumônes de quelques fidèles. Lorsqu'il plut à la divine miséricorde de délivrer la cité de notre rédemption du joug des impies par les mains du duc Godefroi et des autres fidèles du Christ, et de la rendre au culte chrétien, un homme d'une vie sainte et d'une religion éprouvée, nommé Gérard, qui avait pendant long-temps servi les pauvres en toute dévotion dans le susdit hôpital, sous les ordres de l'abbé, s'étant adjoint quelques hommes honnêtes et religieux, prit l'habit régulier, et, mettant sur ses vêtemens une croix blanche qu'il portait en dehors et devant sa poitrine, il fit solennellement profession et s'engagea à vivre selon une règle et des institutions honorables. Une femme nommée Agnès, romaine de nation, noble selon la chair, mais plus noble par sa sainteté, qui avait rempli les fonctions d'abbesse dans le monastère des femmes, adopta la même règle pour le service des pauvres, fit vœu d'humilité et prit aussi l'habit régulier. Les susdits frères servant le Seigneur en toute dévotion et humilité, et assistant soigneusement les pauvres et les infirmes dans leur détresse, ensevelissaient leurs morts dans le champ que l'on appelle Aceldama. C'est ce champ du potier qui fut acheté par les Juifs pour la sépulture des étrangers, avec les trente pièces d'argent que Judas avait jetées dans le temple147. Tant qu'ils furent pauvres, les frères ne refusèrent point l'obéissance à l'abbé de 117Sainte-Marie-Latine, qui avait fondé leur hôpital et les avait long-temps nourris de sa propre table, eux et les inf1rmes: ils avaient aussi une grande vénération pour le bienheureux Jean Eléeymon, premier patron de leur misère, et l'honoraient en toute dévotion comme leur assistant et leur protecteur auprès du Seigneur; en outre, ils obéissaient strictement au seigneur patriarche de Jérusalem et lui rendaient les dîmes de leurs biens sans aucune contestation, selon les dispositions des sacrés canons et les préceptes des deux Testamens. Adonnés à la prière, se mortifiant eux-mêmes par les veilles et les jeûnes, riches en œuvres de miséricorde, économes et austères pour eux, ils se montraient généreux et compatissans pour les pauvres et les infirmes, qu'ils appelaient leurs seigneurs. Ils donnaient charitablement aux infirmes du pain de pure fleur de farine, et réservaient pour leur usage particulier le reste de la moûture, qu'ils mêlaient avec le son. Si l'un d'entre eux commettait une faute quelconque elle ne demeurait point impunie, de peur qu'un pardon trop facile n'en produisît de nouvelles. Selon l'importance de ces fautes, les uns étaient dépouillés du signe de la croix qu'ils portaient sur leurs vêtemens, et rejetés entièrement comme des membres gangrenés; d'autres étaient chargés de fers et jetés en prison, d'autres étaient condamnés à se coucher par terre, aux pieds de leurs frères, et à ne prendre que très-peu de nourriture jusqu'à suffisante satisfaction; et comme Dieu était avec eux, ils étaient aimés de tous. Aussi la voix des Chrétiens s'est fait entendre dans toute la terre, et «le bruit de leur sainteté a retenti jusqu'aux extré-118mités du monde148.» Et comme après la délivrance de la Terre-Sainte les fidèles du Christ, de toute nation, de toute tribu et de toute langue, accouraient en foule à Jérusalem pour visiter le sépulcre du Seigneur, les frères s'enrichirent en peu de temps par les largesses des princes et les aumônes des fidèles, en sorte que, recueillant des revenus abondans de toutes les provinces de l'Occident, ils achetèrent pour eux des casals et des villes, et les soumirent à leur domination comme des princes de la terre.
A la suite de ces événemens, et tandis que de toutes les parties du monde, riches et pauvres, jeunes gens et jeunes filles, vieillards et enfans accouraient à Jérusalem pour visiter les lieux saints, des brigands et des ravisseurs infestaient les routes publiques, tendaient des embûches aux pélerins qui s'avançaient sans défiance, en dépouillaient un grand nombre, et en massacraient aussi quelques-uns. Quelques chevaliers agréables et dévoués à Dieu, brûlant de charité, renonçant au monde, et se consacrant au service du Christ, s'astreignirent par une profession de foi et des vœux solennels, prêtés entre les mains du patriarche de Jérusalem, à défendre les pélerins contre ces brigands et ces hommes de sang, à protéger les routes publiques, à combattre pour le souverain Roi, en vivant, comme des chanoines réguliers, dans l'obéissance, dans la chasteté, et sans propriété. Les principaux d'entre eux furent deux hommes vénérables et amis de Dieu, Hugues de Pains, et Geoffroi de Saint-Aldémar. Dans le principe, ils ne furent 119que neuf à prendre une aussi sainte résolution. Portant les vêtemens que les fidèles leur donnaient à titre d'aumônes, pendant neuf ans ils servirent sous l'habit séculier. Le roi, les chevaliers, et le seigneur patriarche, remplis de compassion pour ces nobles hommes, qui avaient tout abandonné pour le Christ, les soutinrent de leurs propres ressources, et leur conférèrent dans la suite, pour le salut de leurs ames, quelques bénéfices et quelques propriétés. Comme ils n'avaient pas encore d'église qui leur appartînt, ni de résidence fixe, le seigneur roi leur accorda pour un temps une petite habitation dans une partie de son palais, auprès du temple du Seigneur. L'abbé et les chanoines du même temple leur donnèrent aussi, pour les besoins de leur service, la place qu'ils possédaient à côté du palais du roi. Et comme ils eurent dès lors leur demeure auprès du temple du Seigneur, ils furent appelés dans la suite frères chevaliers du Temple. Lorsqu'ils eurent demeuré neuf ans dans cette maison, vivant dans la même profession et dans cette sainte pauvreté, tous en commun, et comme un seul homme, l'an de grâce 1128, ils reçurent une règle, d'après les ordres du seigneur pape Honoré et du seigneur Étienne, patriarche de Jérusalem, et on leur assigna un vêtement blanc, sans aucune croix. Cette décision fut rendue dans le concile général qui se tint à Troyes, ville de Champagne, sous la présidence du seigneur évêque d'Albano, légat du Siége apostolique, en présence des archevêques de Rheims et de Sens, des abbés de l'Ordre de Cîteaux et de beaucoup d'autres prélats d'églises. Plus tard, et au temps du seigneur pape Eugène, ils mirent sur leurs 120vètemens, et en dehors, des croix rouges, continuant à porter le vêtement blanc, en signe d'innocence, et indiquant le martyre par les croix rouges, parce que, selon les préceptes de leur règle, ils font profession de verser leur propre sang pour la défense de la Terre-Sainte, de combattre vigoureusement contre les ennemis de la foi du Christ, pour les rejeter hors du territoire des Chrétiens, et parce que, sur le moindre signe, ou sur les ordres de celui qui les commande, ils s'avancent au combat sans aucune impétuosité désordonnée, mais en toute sagesse et prudence, étant toujours les premiers à combattre, et les derniers à se retirer, n'ayant jamais la permission de tourner le dos, ou de revenir sur leurs pas sans un ordre exprès. Et comme ces vaillans et vigoureux chevaliers du Christ, nouveaux Machabées, ne comptant point sur leurs propres forces, mais mettant toutes leurs espérances en la puissance divine, et ayant une confiance entière en la croix de Jésus-Christ, exposaient leurs corps, pour l'amour du Christ, à «une «mort précieuse aux yeux du Seigneur149,» le Seigneur aussi combattait avec eux et pour eux. De cette sorte, ils devinrent formidables à tous les ennemis de la foi du Christ, si bien «qu'un seul en poursuivait mille, et que deux hommes en mettaient dix mille en fuite150.» Toutes les fois qu'on criait aux armes, demandant, non point combien étaient les ennemis, mais en quel lieu ils étaient; lions à la guerre, agneaux remplis de douceur dans leur maison, dans une expédition, rudes chevaliers; dans l'église, semblables à des ermites ou des moines; durs et féroces 121pour les ennemis du Christ; pour les Chrétiens, pleins de bénignité et de tendresse, ils marchent, précédés d'une bannière noire et blanche, qu'ils appellent Beauséant, parce qu'ils sont pleins de candeur pour les amis du Christ, noirs et terribles pour ses ennemis. Et comme la religion ne peut se maintenir en vigueur sans une austère discipline, ces hommes sages et religieux, prenant dès le principe leurs précautions pour eux-mêmes et pour leurs successeurs, ne voulurent point dissimuler, ou laisser passer impunies les transgressions ou les négligences dont les frères pourraient se rendre coupables; mesurant soigneusement, et dans un examen attentif, la portée des crimes et les circonstances qui accompagnaient les péchés, tantôt ils rejetaient irrévocablement de leur société quelques-uns de leurs frères, après leur avoir enlevé la croix rouge, afin que le troupeau des brebis ne fût point souillé de la contagion d'une chèvre infectée; tantôt ils en forçaient d'autres, jusqu'à expiation suffisante, à prendre une légère nourriture sur la terre, sans nappe, afin qu'ils fussent devant tous frappés de rougeur, et que les autres en éprouvassent à leur tour une terreur convenable; et pour mettre le comble à leur confusion et à l'expiation de leurs fautes, s'il arrivait que des chiens vinssent manger avec eux, il n'était pas permis de les éloigner; d'autres fois enfin, pour réussir à délivrer les coupables des prisons de la géhenne, ils les enfermaient dans des prisons, et les chargeaient de fers, soit pour un temps déterminé, soit pour toute leur vie, selon qu'on le jugeait convenable. Il y avait encore dans les institutions de cette règle salutaire beaucoup d'autres 122moyens de contraindre les rebelles ou les récalcitrans à l'observation d'une discipline régulière et d'une conduite décente. Ils portaient en toute humilité, au seigneur patriarche de Jérusalem, l'obéissance et le respect qu'ils lui devaient; car, dès le principe, il les avait soutenus dans leur profession spirituelle, et secourus pour la vie du corps. Us rendaient à Dieu les dîmes qui appartiennent à Dieu, et à César celles qui appartiennent à César151. Ils n'étaient incommodes à personne, et étaient aimés de tous, à cause de leur humilité et de leur religion. Par cette conduite, ils se firent un nom honorable; et la renommée de leur sainteté, répandant de suaves odeurs comme une cellule bien parfumée, s'étendit dans tout le monde; la maison de la sainte église fut remplie d'odeurs embaumées; et en rappelant le souvenir de ces hommes, les fidèles avaient la bouche comme remplie d'un doux miel. Aussi toute l'église des saints racontera leurs vertus et leurs combats, et leurs glorieux triomphes sur les ennemis du Christ. Des chevaliers accouraient en foule auprès d'eux de toutes les parties du monde; et non seulement des hommes de médiocre condition, mais même des ducs et des princes qui, à leur exemple, rompaient les liens du monde, renonçaient à tout pour le Christ; et qui, impatiens de s'associer à leur profession de foi et à leur vie religieuse, repoussant absolument les pompeuses vanités du monde et les délices de la chair, et les dédaignant comme la boue, inspirés par le ciel, se consacraient en toute dévotion à la milice du Christ et à la reli-123gion. Aussi se multiplièrent-ils en peu de temps à tel point, qu'ils se trouvèrent avoir dans leurs assemblées plus de trois cents chevaliers (sans compter les servans, dont le nombre était infini), tous revêtus de manteaux blancs. Ils acquirent aussi très-rapidement de vastes propriétés, tant en deçà qu'au-delà de la mer, et possédèrent, à l'exemple des frères de l'hôpital de Saint-Jean, des maisons de campagne, des villes et des places, sur les revenus desquelles ils envoient tous les ans une certaine somme d'argent pour la défense de la Terre-Sainte, à leur souverain maître, dont la principale résidence est à Jérusalem. Il en est de même pour l'hôpital de Saint-Jean; les régisseurs de leurs maisons, qu'ils appellent les percepteurs, envoient aussi toutes les années une certaine somme d'argent au principal maître de leur Ordre. A l'imitation des frères du Temple, les frères de l'hôpital de Saint-Jean, employant aussi des armes matérielles, reçurent dans leur corps des chevaliers et des servans, afin que l'on vît s'accomplir ce qui a été dit par le prophète Isaïe sur l'avancement de la future Église. «Je vous établirai dans une gloire a qui ne finira jamais152. Le loup et l'agneau iront «paître ensemble; le lion et le bœuf mangeront la c1 paille153; le loup habitera avec l'agneau; le léopard «couchera à côté du bouc; le veau, le lion et la «brebis demeureront ensemble.»
Et comme «si le cordon est triple il n'est pas aisé de le rompre154», il plut à la divine Providence d'ajouter aux deux maisons susdites une troisième 124maison infiniment nécessaire à la Terre-Sainte et formée en quelque sorte des deux précédentes. En effet, ceux qui lui appartiennent suivent formellement, tant en guerre qu'en paix, la profession de foi, la règle et les institutions des frères du Temple, et, comme les frères de l'hôpital de Saint-Jean, ils reçoivent pareillement dans leur hôpital (que l'on appelle l'hôpital de Sainte-Marie des Teutons à Jérusalem), les infirmes, les pélerins et tous autres, leur donnant aussi en suffisance et en toute dévotion et piété les choses dont ils ont besoin, et obéissant humblement au seigneur patriarche et aux autres prélats des églises. Selon que le prescrivent le droit et leur institution divine, ils rendent fidèlement les dîmes de tous les biens qu'ils possèdent et ne tracassent point les prélats des églises. Partis d'un faible commencement et d'une source d'abord bien petite, ils se sont étendus par la suite comme un grand fleuve, sous l'invocation de la bienheureuse vierge Marie, qu'ils servent en toute dévotion et humilité, et qui les a secourus et fait prospérer en tous biens spirituels et temporels. Lorsque la cité sainte après sa délivrance se trouva entièrement habitée par des Chrétiens, comme il y venait en pélerinage un grand nombre de Teutons et d'Allemands qui ignoraient la langue que l'on parlait dans la ville, la clémence divine inspira à un Teuton, homme honorable et religieux, qui habitait à Jérusalem avec sa femme, la pensée de fonder, avec ses propres ressources, un hôpital dans lequel il pût accueillir les Teutons pauvres et infirmes. Comme beaucoup de pauvres et de pélerins affluaient en ce lieu, à raison des secours qu'ils y trou-125vaient pour parler la langue qui leur était connue, le fondateur, avec le consentement et l'approbation du seigneur patriarche, fit construire un oratoire à côté de son hôpital, en l'honneur de la bienheureuse Marie, mère de Dieu. Pendant long-temps cet établissement demeura dans une grande pauvreté, et celui qui l'avait formé entretint les pauvres et les infirmes, tant avec ses revenus particuliers qu'avec le produit des aumônes qu'il levait parmi les fidèles. Quelques hommes, principalement de la race des Teutons, remplis du zèle de la charité et des bonnes œuvres et renonçant à tout, consacrèrent leur personne et leurs biens à Dieu et à cet hôpital; et déposant l'habit séculier, s'engagèrent par des vœux au service des pauvres. Dans la suite des temps et lorsque des hommes non seulement de la classe inférieure, mais même de l'ordre équestre et de la noblesse d'Allemagne, dévoués à Dieu, se furent obligés par leurs vœux à servir dans cet hôpital, choisissant une pauvreté volontaire et aimant mieux «être à la porte de la maison de Dieu que d'habiter dans les tentes de l'impie155», ils jugèrent qu'il serait agréable et bien venu devant Dieu, qu'ils eussent non seulement à servir les pauvres infirmes, mais en outre à livrer leurs vies pour l'amour du Christ et à combattre pour lui, tant spirituellement que corporellement, en défendant la Terre-Sainte contre les ennemis de la foi chrétienne. En conséquence, comme je l'ai dit ci-dessus, ils adoptèrent la règle et les institutions des frères du Temple, sans abandonner les œuvres de piété et les pratiques d'hospitalité si agréables à Dieu, 126ayant comme les animaux sacrés «une face d'homme et une face de lion156», accomplissant leur double service si religieusement et avec tant de zèle, qu'ils méritèrent la grâce de Dieu et la faveur des hommes, et portant, pour se distinguer des autres Ordres, des croix noires sur des manteaux blancs. Et comme jusqu'au temps présent ils se sont maintenus dans une humble pauvreté et dans leur ferveur religieuse, veuille le Seigneur éloigner d'eux les richesses orgueilleuses, avides, querelleuses, qui n'engendrent que des sollicitudes et sont ennemies de la religion! Car, que servirait à un homme de gagner tout le monde, s'il perdait son ame157?
La Terre-Sainte, telle qu'un bienheureux paradis, portait en outre un grand nombre d'hommes vivant régulièrement, religieux, anachorètes, moines, chanoines, religieuses et recluses, vierges dévouées à Dieu? ou veuves chastes et saintes; et elle exhalait de suaves parfums, semblables à ceux des roses, des lis ou des violettes. «Le Seigneur avait comblé des biens de sa bonté le cercle de l'année158», et les vastes déserts étaient devenus tellement fertiles, que là où habitaient auparavant les serpens et les dragons, on voyait verdoyer les cannes et les joncs. Quoique le Seigneur l'eût un peu abandonnée pour un moment, dans ses grandes miséricordes, il rassembla ensuite ses enfans. De toutes les races, de toutes les nations, de toutes les langues des hommes, il rendit cette terre tellement populeuse, que ces paroles prophétiques parurent accomplies: «Vos fils viendront de 127bien loin et vos filles seront nourries à vos côtés159.» Son cœur s'épanouissait et était rempli d'admiration, en voyant se tourner vers elle la multitude des habitans de la mer, et principalement les Vénitiens, les Génois et les Pisans, et accourir à elle la force des nations, et particulièrement les habitans des pays de France et d'Allemagne, hommes belliqueux; ceux-là, plus forts sur la mer, ceux-ci, plus puissans sur la terre; ceux-là, plus propres aux combats de mer, plus accoutumés et mieux exercés à combattre sur les eaux; ceux-ci, plus braves sur terre, très-savans à la guerre, plus vaillans pour combattre dans une armée de chevaliers et pour manier le glaive et la lance; ceux-là plus habiles sur leurs galères, ceux-ci, sur leurs chevaux. Les hommes d'Italie, plus graves et plus rassis, sages et prudens, sobres pour la boisson comme pour la nourriture, ornés et polis dans leur langage, pleins de circonspection dans les conseils, actifs et zélés pour le soin de leurs affaires publiques, opiniâtres et sachant prendre leurs précautions pour l'avenir, refusant toujours de se soumettre aux autres et défendant leur liberté plus que toute autre chose, fixant dans leur communauté leurs droits et leurs institutions, et les observant fidèlement sous l'autorité d'un capitaine qu'ils élisent entre eux, se rendent absolument nécessaires dans la Terre-Sainte, non seulement pour les combats, mais en outre pour le service de la mer et pour le transport des marchandises, des pélerins et des vivres; et comme ils sont modérés pour la boisson et pour les alimens, ils vivent dans les contrées de l'Orient plus long-temps que les 128autres peuples occidentaux. Les Allemands, les enfans de la France, les Bretons, les Anglais et les autres peuples d'au-delà des monts, moins graves et plus impétueux, moins circonspects dans l'action, s'abandonnant davantage aux excès de la boisson et des alimens, plus prodigues dans leurs dépenses, moins prudens dans leur langage, prompts, mais moins prévoyans dans les conseils, dévots à l'église, plus ardens pour les aumônes et pour les autres œuvres de miséricorde, plus courageux dans les combats, sont infiniment utiles pour la défense de la Terre-Sainte (principalement les Bretons), et se rendent formidables aux Sarrasins: toutefois la légèreté et l'intempérance de quelques-uns d'entre eux les ont fait appeler enfans d Hernaude par les Poulains; et l'on désigne sous ce nom de Poulains ceux qui, depuis la délivrance de la Terre-Sainte, sont nés dans ce pays, soit que cette dénomination fasse allusion au mot pullus, petit poulet, et les signale, comparés aux Syriens, comme les plus jeunes, les nouveaux venus; soit plutôt parce qu'ils tiennent, par leurs mères selon la chair, à la race des habitans de la Pouille. En effet, comme les princes de l'Occident n'avaient amené qu'un petit nombre de femmes à la suite de leurs armées, du moins en le comparant à celui des hommes, ceux qui demeurèrent dans la Terre-Sainte firent venir des femmes du royaume de la Pouille, comme étant plus rapproché que toute autre contrée, et contractèrent des mariages avec elles.
Il y a en outre dans la Terre-Sainte beaucoup d'autres peuples ayant des rites divers, et divisés entre eux pour le culte divin et les pratiques de la reli-129gion, tels que les Syriens, les Grecs, les Jacobites, les Maronites, les Nestoriens, les Arméniens et les Grégoriens; mais tous sont infiniment nécessaires dans la Terre-Sainte pour le commerce, l'agriculture et d'autres sortes d'industrie; «ils ensemencent les champs, plantent les vignes, et leurs terres produisent les fruits de la récolte160.»
Ainsi donc tandis que le Seigneur dans sa bonté faisait tomber les rosées du ciel, «que la Terre-Sainte produisait son fruit161,» qu'elle était comme la demeure de tous les gens remplis de joie, qu'elle était célébrée par le peuple du Seigneur, comme la voix qui s'élève dans les solennités, «tous se réjouissaient en présence du Seigneur, comme on se réjouit pendant la moisson, comme les victorieux se réjouissent lorsqu'ils ont enlevé les dépouilles et qu'ils partagent le butin162,» et on accourait en foule de toutes les parties du monde. Un vaisseau attirait un autre vaisseau, et ceux qui entendaient disaient: «Venez, montons, à la montagne du Seigneur et à la maison du Dieu de Jacob163, car Je Seigneur a visité sa terre et l'a abreuvée, et partout sous ses pas a répandu l'abondance164.» Or les peuples venaient non seulement de Saba, mais de tous les points du monde, apporter de l'or et de l'encens à Jérusalem, et publier les louanges du Seigneur165;» son sépulcre était glorieux, tellement qu'on voyait accomplies à la lettre ces paroles du prophète: «La montagne de la maison du Seigneur sera comme placée à la tête des montagnes; toutes les nations y accourront en foule, 130et plusieurs peuples y viendront166,» et l'on pouvait redire ce que nous lisons dans Tobie au sujet de Jérusalem: «Tu brilleras d'une lumière éclatante, et tu seras révérée de tous les peuples jusqu'aux extrémités de la terre; les nations viendront à toi des climats les plus reculés, et t'apportant des présens, elles adoreront en toi le Seigneur167.» Ce que le Seigneur n'accomplit pas au temps des Juifs, pour les punir de leurs péchés, parut enfin s'accomplir alors, ainsi qu'on le trouve dans le livre du Deutéronome: «Tout lieu où vous aurez mis le pied vous sera assujéti, et vos limites seront depuis le désert du midi jusqu'au Liban, et depuis le grand fleuve de l'Euphrate jusqu'à la mer occidentale168.»
Mais tandis que la vigne du Seigneur répandait ainsi ses suaves odeurs jusqu'aux extrémités de la terre, l'antique serpent, le dragon vénéneux, l'ennemi du genre humain, ne put supporter long-temps ces doux parfums; en voyant les changemens opérés dans les contrées de l'Orient par la droite du Très-Haut, la sainte Église faisant des progrès en tous sens, le culte divin se répandant, les infidèles confondus et les Chrétiens exahés, les miracles se renouvelant, des événemens admirables se reproduisant, le feu du ciel descendant au jour du saint sabbat de la Pâque dans l'église de la Résurrection du Seigneur, le peuple accourant en toute dévotion pour célébrer la gloire de Dieu et louer ses grands bienfaits, les infidèles couverts de rougeur et les fidèles réjouis dans le Seigneur; envieux à cette vue, recouvert de nouvelles 131ténèbres par une si vive lumière, et comme frappé au cœur dans sa méchanceté et atteint d'une blessure mortelle, il commença à chercher mille moyens, à inventer toutes sortes de machinations pour parvenir à insinuer en secret son venin, à détruire la vigne du Seigneur, «et à semer de l'ivraie dans le champ du Seigneur, pendant que les bergers sont endormis169.»
Dans le principe, il ne put trouver à se reposer dans des lieux arides et dépourvus d'eau, c'est-à-dire, au milieu de ces premiers pélerins, pauvres encore, épuisés et exténués par de longues fatigues; mais enfin il trouva une maison en plein repos et affranchie de tout péril, et des hommes livrés à l'oisiveté, résidant en sécurité dans leur nouvelle demeure, multipliant au milieu de leurs récoltes de froment, de vin et d'huile, et jouissant dans une excessive abondance de tous les biens temporels; alors prenant avec lui sept esprits plus pervers que lui, il entra avec les sept péchés capitaux, plus méchans qu'autrefois à cause de leur ingratitude; et les événemens qui suivirent furent pires que ceux qui avaient précédé, car les blessures des hommes étant renouvelées, «leur folie a fait naître la corruption et la pourriture dans leurs «plaies170. Ils sont devenus rebelles après avoir été bien engraissés et chargés d'embonpoint171, et l'iniquité de ces hommes insensés est sortie du sein des richesses et des délices172. Le Seigneur les avait rassasiés, et ils sont devenus adultères173,» et ils se sont livrés à la débauche dans les maisons des femmes 132prostituées; ils se sont fondus comme de l'eau; ils s'en sont allés à la poursuite de leurs desirs: ils n'ont point été transvasés d'un vaisseau dans un autre; ils se sont reposés dans leur lie, comme les bêtes de somme reposent dans leurs immondices; ils sont devenus comme des chevaux qui hennissent, et «chacun d'eux a poursuivi de même avec une ardeur furieuse la femme de son prochain174. Le feu est tombé sur eux et ils n'ont point vu le soleil175,» car ils ont détourné les yeux vers la terre, et sont devenus superbes, orgueilleux, gonflés de vent, insultans, séditieux, se déchirant les uns les autres, et semant la discorde parmi leurs frères, remplis de malice, s'abandonnant au sortilége et au sacrilége, irascibles et iniques, engourdis par la paresse et la lâcheté, insatiables dans leur avidité, courbés sous la crapule et l'ivresse, dégoûtans de débauche et d'impureté, voleurs, ravisseurs, homicides, hommes de sang, traîtres, ne sachant obéir ni à leurs parens ni à leurs supérieurs, dénués de sagesse et de mesure, dégagés de toute affection, de tout lien, de tout sentiment de compassion, enfin, pour me servir des paroles du prophète: «Les malédictions, le mensonge, le meurtre, le larcin et l'adultère ont inondé ce peuple, et le sang est tombé sur le sang176.» Aussi l'enfer s'ouvrit-il largement; il prépara des logemens pour tous les crimes et tous les vices, et multiplia ses attaques à l'infini. Les pensées de ces hommes impies «n'étaient en tout temps que méchanceté177,» et avaient corrompu toutes leurs voies 133sur la terre; toute vertu et toute religion avaient tellement disparu, la charité se glaçant de plus en plus, on trouvait si «peu de foi sur la terre178.» parmi les enfans des hommes, qu'à peine pouvait-on rencontrer quelqu'un qui «fit le discernement entre les choses saintes ou profanes,» ou qui séparât «ce «qui est pur de ce qui est impur179.» Tous étaient entraînés dans le précipice et la confusion; «depuis la plante des pieds jusqu'au haut de la tête il n'y avait en eux rien de sain180,» et «tel était le peuple, tel aussi le prêtre.»
Et en effet, pour commencer par le sanctuaire du Seigneur, lorsque le monde presque entier fut devenu, par ses aumônes, ses oblations et ses présehs divers, tributaire des prélats des églises et des hommes vivant dans les ordres réguliers, les pasteurs «se paissaient eux-mêmes181,» recherchant la laine et le lait des brebis, ne prenant aucun soin des ames et donnant au contraire à leurs sujets des exemples de trahison; vaches engraissées sur la montagne de Samarie, ils passèrent de la pauvreté du Christ à la richesse, de son humilité à l'orgueil, de son ignominie à la vanité; ils devinrent gras du patrimoine du Crucifié, ils s'enrichirent, s'agrandirent, et cependant le Seigneur a dit à Pierre, «Paissez mes brebis,» et nous ne voyons nulle part qu'il lui ait jamais dit: «Tondez mes brebis.» Ainsi, «recherchant leurs propres intérêts et non ceux de Jésus-Christ182», ils devinrent aveugles conducteurs d'aveugles, et chiens 134muets ne sachant pas aboyer. «Entrant» avec pompe «dans le sanctuaire pour prier183; ayant la clef de la connaissance et cependant n'y entrant point eux-mêmes et empêchant d'y entrer ceux qui le voulaient184»; misérablement travaillés de la lèpre de Giesi185, eux-mêmes dressaient çà et là dans les églises, «les siéges de ceux qui vendaient des colombes et les tables des changeurs186», disant avec Judas le traître: «Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai187?» Ainsi donc «tous aimaient les présens, ne cherchaient que le gain188»; enlevant les clefs à Simon-Pierre pour les remettre à Simon le magicien; adonnés à un luxe extraordinaire, engourdis dans une honteuse oisiveté, ils employaient, «non seulement les miettes qui tombent de la table du maître189», mais même les pains entiers et les mets les plus délicats, pour nourrir «les petits chiens190» qu'ils avaient eus de leurs viles concubines, plus vils eux-mêmes que celles-ci.
Lorsque les religieux réguliers, infectés du poison des richesses, se furent agrandis outre mesure et eurent acquis d'immenses possessions, méprisant leurs supérieurs, «rompant les chaînes qui les unissaient à eux et rejetant au loin leurs liens191», non seulement ils se rendirent incommodes aux églises et aux hommes des églises, mais se jalousant et se décriant les uns les autres, au grand scandale de toute la chrétienté, ils en vinrent bientôt aux insultes publiques, 135aux inimitiés découvertes, et presque jusqu'aux engagemens, aux violences et aux combats, non seulement de paroles, mais quelquefois aussi defait. Après qu'ils eurent commencé «à bâtir leur tour de Babel192», se séparant les uns des autres dans la confusion de leurs langues, non seulement ils se désunissaient entre eux, mais faisant eux-mêmes des partis, ils mettaient la discorde entre les autres. Toutefois un grand nombre d'entre eux, mieux intentionnés, hommes justes et remplis de crainte, observant la règle salutaire et les saintes institutions de leur ordre, autant du moins qu'il leur était permis au milieu de la tempête, tels que le grain dans les tas de paille, tels «que le lis entre les épines193», touchés et remplis de componction, pénétrés et vivement blessés au fond du cœur d'une douleur violente, «ne se laissèrent point aller aux conseils des impies, ne s'arrêtèrent point dans la voie des pécheurs194», et ne s'assirent point dans les siéges empestés. Cependant l'impiété des médians et des malintentionnés prévalut, et leur iniquité abonda tellement que très-souvent ils ne craignirent pas d'admettre eux- mêmes aux offices divins ceux que leurs prélats avaient interdits et enchaînés nominativement des liens de l'anathème, en sorte que ceux qui devaient «être dans la joie avec ceux qui sont dans la joie et pleurer avec ceux qui pleurent195,» étaient seuls à se réjouir tandis que les autres s'affligeaient. Par là, les liens vigoureux de la discipline ecclésiastique se trouvant relâchés, les hommes du monde et les hommes empestés se jouaient 136des sentences de leurs prélats et méprisaient la justice terrible du glaive spirituel. En effet, les abbés, les prieurs, les moines et leurs chapelains mercenaires et misérables, rejetant toute crainte de Dieu, ne redoutant point de porter leur faux sur la moisson étrangère, unissaient en mariage clandestin les personnes qui n'y avaient aucun droit, ou qui étaient en fuite, visitaient les infirmes par des motifs de cupidité et non de piété, et leur administraient les sacremens, en dépit même de leurs propres pasteurs, liant et déliant, au mépris de Dieu et des statuts des saints canons, les ames dont le soin ne leur appartenait point, puisque l'Apôtre lui-même a dit: «Qui es-tu, toi qui condamnes le serviteur d'autrui196?» Quant aux morts, ils les admettaient indistinctement à la sépulture, malgré les défenses de leurs prélats, usurpant ainsi le droit de paroisse, car c'est l'office des moines de pleurer et de prier et non d'administrer les sacremens aux laïques.» Et non seulement les moines, mais aussi les religieuses se montrèrent également désobéissantes envers leurs supérieures. Secouant le joug de la discipline, celles-ci sortaient du cloître; telles que les pierres du sanctuaire, elles se dispersaient sur toutes les places, et dans l'excès de leur irréligion, elles allaient fréquentant les bains publics avec les personnes du monde. Tout ce que nous venons de dire nous ne l'avons point rapporté pour reprocher les crimes de leurs prédécesseurs à ceux qui les ont suivis et qui appartiennent au temps présent, mais uniquement afin qu'eux mêmes, «lavant leurs pieds dans le sang de l'impie197», appren-137nent à imiter les bons, à détester et à improuver les méchans. Qu'ils sachent donc s'humilier avec le Christ, embrasser sa pauvreté, sa pureté et sa charité, afin que, renonçant au monde non seulement par l'habit extérieur, ils puissent «posséder leurs ames par la patience198.»
Quant aux laïques et aux gens du monde, plus ils étaient grands et puissans, plus ils se corrompirent méchamment dans leurs voies. «Race pleine de perversité et de détours199,» enfans scélérats et dégénérés, hommes corrompus et prévaricateurs contre la loi divine, descendans de ces pélerins dont j'ai déjà parlé, hommes religieux, agréables à Dieu, et remplis de grâce, comme la lie provient du vin, le marc de l'huile, l'ivraie du froment, et la rouille de l'argent, ils succédèrent aux possessions, mais non aux vertus de leurs pères, et abusèrent des biens temporels que leurs parens avaient conquis au prix de leur propre sang, en combattant vaillament en l'honneur de Dieu contre les impies. Leurs enfans, que l'on nomme maintenant Poulains, nourris dans les délices, mous et efféminés, accoutumés aux bains plus qu'aux combats, adonnés à l'impureté et à la luxure, portant comme les femmes des vêtemens bien souples, sont ornés et arrangés comme un temple; et cependant quiconque a appris combien les Sarrasins en font peu de cas, sait aussi à quel point ils se sont montrés lâches et craintifs, pusillanimes et timides contre les ennemis du Christ. Aussi, tandis que l'immense multitude des Sarrasins tremblait en présence de leurs pères, quoiqu'ils fussent en bien petit nombre, «comme 138au bruit du tonnerre200» si les Poulains n'avaient avec eux des Francs et des peuples de l'Occident, les Sarrasins ne les redouteraient pas plus dans leur lâcheté, qu'on ne redoute des femmes. Eux-mêmes, concluant des traités avec ceux-ci, se réjouissent de la paix des ennemis du Christ; ils se livrent entre eux à des dissensions pour les plus futiles motifs, se suscitent sans cesse des guerres civiles, très-souvent demandent des secours contre les Chrétiens aux ennemis mêmes de notre foi, et ne rougissent pas de consumer en vains efforts, au détriment de la chrétienté, les forces et les richesses qu'ils devraient tourner contre les païens en l'honneur de Dieu. Se couvrant et s'ornant des plus belles feuilles, comme des saules stériles qui ne produisent point de fruits, ils ont si bien appris à dissimuler les pensées de leur esprit sous des paroles bien arrangées, que ceux qui n'ont pu les connaître par une longue expérience ont grand' peine à apprécier les feintes de leurs cœurs, et à se sauver de leurs tromperies. Hommes soupçonneux et dévorés de l'esprit de jalousie, ils tiennent leurs femmes étroitement enfermées, et les gardent avec tant de soin et de sollicitude, qu'à peine permettent-ils à leurs frères et à leurs parens les plus proches de parvenir jusqu'à elles; ils leur interdisent les églises, les processions, les prédications salutaires de la parole divine et tous les exercices qui se rapportent au salut des ames, tellement que, tout au plus une fois par an, leur est-il permis de visiter les églises. Quelques-uns cependant leur accordent de sortir trois fois par semaine pour aller au bain, mais sous une sévère 139surveillance. Les plus riches et les plus puissans d'entre eux, pour paraître encore chrétiens, et se ménager quelque excuse, font dresser des autels à côté des lits de leurs femmes, et leur font dire la messe par de misérables chapelains et de mauvais petits prêtres bien ignorans. Mais plus leurs femmes sont étroitement tenues renfermées par eux, et plus elles s'appliquent à chercher, par toutes sortes d'artifices et d'inventions rusées, à pratiquer des trouées pour leur échapper. On ne saurait croire combien les femmes syriennes et sarrasines leur enseignent de sortiléges, de maléfices et d'abominations de tout genre. En outre, ils se montrent non seulement ingrats, mais même oppresseurs de toutes sortes de manières pour les pélerins qui viennent de loin, des contrées les plus reculées, à grands frais et à travers mille fatigues, tant par des motifs de dévotion, que pour leur porter secours. Ils aiment mieux croupir à jamais dans leur oisiveté, et se livrer aux desirs de la chair, que de rompre les trèves qu'ils ont conclues avec les Sarrasins, et de combattre contre eux. Après qu'ils se sont immensément enrichis, en faisant payer aux pélerins des prix immodérés dans leurs hospices, en les circonvenant et les ruinant par la vente de leurs marchandises, par leurs trafics et leurs négociations de tout genre, dédaignant enfin, et livrant à la risée ces champions du Christ, qui se sont exilés pour l'amour de lui, ils les accablent d'injures et d'affronts, les appelant enfans d'Hernaude, comme s'ils étaient des imbéciles et des idiots......201, et ne cessent d'adresser des reproches à ceux pour qui ils ne devraient 140avoir que de la charité. Telles sont, et bien pires encore, la perverse malice et la malicieuse perversité de ces hommes réprouvés, «qui se portent avec joie à faire le mal202,» se livrent avec transport aux choses les plus mauvaises, et à qui est réservée pour l'éternité une tempête de ténèbres. Ils vivent au milieu de leurs richesses, mais bientôt ils descendront dans les gouffres les plus profonds de l'enfer. Et comme nous détestons la malice des impies, selon ces paroles du prophète: «L'horreur me saisit, lorsque je considère les impies qui abandonnent notre loi203;» et celles-ci encore: «Je les hais d'une haine parfaite, et ils sont devenus mes ennemis204,» de même nous louons dans le Seigneur les hommes de bien, s'il en est quelques-uns parmi eux. Si quelqu'un s'irrite contre moi des choses que je viens de dire, il semblera confesser pour lui-même qu'il est du nombre de ceux dont j'ai parlé.
Quant à ceux qui sont originaires des illustres villes de Gènes, de Pise et de Venise, et des autres contrées d'Italie, qui habitent maintenant en Syrie, et dont les pères et les prédécesseurs, triomphant glorieusement des ennemis du Christ, se sont fait un nom immortel, et ont acquis la couronne éternelle, ils seraient encore infiniment redoutables aux Sarrasins, s'ils renonçaient à leur jalousie et à leur insatiable avidité, et n'avaient pas entre eux des querelles et des combats interminables. Mais comme ils se battent plus souvent et plus volontiers les uns contre les autres que contre la perfide race des païens, comme ils se livrent beaucoup plus à leurs trafics et à toutes 141sortes de commerce qu'à la guerre pour le Christ, ils réjouissent et maintiennent ainsi en sérénité nos ennemis, qui jadis redoutaient à l'excès leurs ancêtres, hommes belliqueux et remplis de vaillance.
Il y a encore d'autres hommes, qui, dès les temps antiques, ont habité cette même terre, sous l'autorité de ses divers maîtres, Romains, Grecs, Latins et Barbares, Sarrasins et Chrétiens, subissant pendant long-temps et avec des chances variées le joug de la servitude, partout esclaves, toujours tributaires, réservés par leurs maîtres pour les travaux de l'agriculture et d'autres services de condition inférieure, hors d'état de combattre, inutiles à la guerre autant que des femmes, à l'exception d'un petit nombre d'entre eux, qui, sans être armés et toujours prêts à prendre la fuite, portent cependant des arcs et des flèches. Ceux-là sont appelés Suriens, soit du nom de la ville de Sur, qui, dès les temps les plus reculés, tient le premier rang parmi les villes de la Syrie, soit de ce nom même de la Syrie, par suite de la conversion de la lettre en u, car ils sont les mêmes que l'on trouve appelés Syriens dans les anciennes Écritures. Ces hommes sont pour la plupart sans foi, pleins de duplicité, à l'instar des Grecs, rusés comme des renards, menteurs et inconstans, dévoués à la fortune, traîtres, faciles à corrompre par des présens, ayant un langage à la bouche et d'autres sentimens dans le cœur, ne trouvant enfin aucun mal au larcin et aux rapines. Devenus espions à vil prix, ils dénoncent les secrets des Chrétiens aux Sarrasins, au milieu desquels ils sont élevés, dont ils emploient la langue de préférence à toute autre, et dont ils parta-142gent presque en tout point la perversité, car ils se sont mêlés avec eux et ont appris à pratiquer leurs mœurs. Ainsi, de même que les Sarrasins, ils tiennent leurs femmes enfermées et les enveloppent de voiles ainsi que leurs filles, afin qu'elles ne puissent être vues: comme les Sarrasins, les Grecs, et presque tous les peuples orientaux, ils ne se font point la barbe, l'entretiennent au contraire avec grand soin, et en font un objet spécial de vanité, la considérant comme un signe de virilité, l'honneur du visage, le caractère d'autorité et la gloire de l'homme. Et comme chez les Latins, les eunuques, qui manquent absolument de barbe, sont tenus pour des êtres dépourvus de noblesse et entièrement efféminés, de même les Syriens regarderaient comme le plus grand opprobre non seulement qu'on leur coupât la barbe, mais même qu'on en enlevât un seul poil. Ainsi les envoyés de David, à qui Naas, roi des Ammonites, fit raser la moitié de la barbe, en témoignage de mépris pour leur maître, ne voulurent point enlever le reste de leur barbe, et se cachèrent dans Jéricho jusqu'à ce qu'ils eussent recouvré leur honneur avec leur barbe toute entière205. Ainsi encore, lorsque le comte d'Édesse, Baudouin, eut laissé croître sa barbe à la manière des Orientaux, parce qu'il avait pris pour femme la fille d'un noble chef arménien de nation, mais Grec par la foi, nommé Gabriel, voulant dans sa pauvreté extorquer de l'argent à son beau-père, qui était fort riche, il lui dit que, forcé par la nécessité, il avait engagé sa barbe à quelques-uns de ses créanciers pour prix d'une somme considérable; 143et alors Gabriel, rempli à la fois de douleur et d'étonnement, voulant sauver sa fille et son gendre d'un éternel opprobre, donna à ce dernier trente mille byzantins, sous la condition expresse que désormais il ne se hasarderait plus à engager sa barbe, dans quelque circonstance qu'il se trouvât, ou à quelque excès de pauvreté qu'il fût réduit. Dans le commerce ordinaire de la vie, les Syriens emploient habituellement la langue des Sarrasins; ils s'en servent aussi pour l'écriture dans leurs contrats, leurs transactions, et pour tous les autres usages; seulement, quant aux divines Écritures et à toutes les affaires spirituelles, ils se servent de la langue grecque; en sorte qu'aux offices divins, leurs laïques, qui n'entendent que la langue sarrasine, ne les comprennent pas, tandis que les Grecs, qui font usage de la même langue pour la parole et l'écriture vulgaire, comprennent leurs prêtres dans leurs églises et dans le langage lettré, qui est le même que le langage vulgaire. Les Syriens observent complètement les coutumes et les institutions des Grecs dans les offices divins et dans toutes les affaires spirituelles, et leur obéissent comme à leurs supérieurs; quant aux prélats latins, dans le diocèse desquels ils habitent, ils disent qu'ils leur obéissent, non de cœur mais de bouche seulement et pour la forme, et uniquement à cause de la crainte qu'ils ont de leurs seigneurs séculiers; car ils ont pour eux en particulier des évêques grecs, et ils ne redouteraient aucunement les excommunications des Latins ou toute autre sentence venue d'eux, si nos laïques n'évitaient toute communication avec eux pour les con-144trats et toutes autres relations nécessaires, car ils disent entre eux que tous les Latins sont excommuniés et ne peuvent par conséquent enchaîner personne par aucune sentence. Le concile de Nicée en effet, l'un des quatre principaux conciles que l'Église reconnaît sans aucune réserve, comme les quatre évangélistes, et auquel assistèrent trois cent dix-huit évêques, déclara et affirma, entre autres choses, que le Saint-Esprit procède du Père; et à la fin de ce même concile il fut décidé que tous ceux qui à l'avenir ajouteraient ou retrancheraient quelque chose à ses décisions, seraient frappés d'anathème. Et quoiqu'on eût affirmé dans cette assemblée que le Saint-Esprit procède du Père, on n'y nia point cependant qu'il procède aussi du Fils, car beaucoup de principes qui n'ont pas été exprimés dès le commencement ont été successivement déterminés et déclarés par les conciles suivans lorsqu'il a fallu combattre les erreurs. Ainsi les Grecs disent dans leur Symbole, «et au Saint-Esprit Seigneur vivifiant qui procède du Père,» et les Latins disent plus expressément encore, «qui procède du Père et du Fils;» et de même là où les Grecs disent: «Le Saint-Esprit, qui n'a pas été fait, ni créé, ni engendré par le Père, mais qui en procède,» les Latins ajoutent, «qui procède du Père et du Fils,» sans ajouter cependant une chose différente ou contraire. Telle est l'opinion généralement reçue, et que l'on a présentée en explication contre ceux qui voudraient ajouter quelque interprétation contraire. Par exemple, Paul dit dans son Épître aux Galates: «Si quelqu'un vous annonce un autre Évangile que celui que nous vous avons annoncé, 145qu'il soit anathème206.» Or il est certain que les saints ont annoncé beaucoup d'autres choses que celles que Paul a annoncées, mais non des choses contradictoires à celles-ci, et c'est en ce sens seulement qu'il faut entendre de telles prohibitions.
(100) Evang. selon saint Matth., ch. 3; selon saint Marc, ch. 1; selon saint Luc, ch. 3.
(101) Évang. selon saint Marc, ch. 1, v. 6.
(102) Locusta, sauterelle.
(103
Évang. selon saint Matth., ch. 14, v. 17 et suiv.(104) Évang. selon saint Jean, ch. 21, v. 1 et suiv.
(105) Évang. selon saint Matth., ch. 14. v. 25.
(106) Ibid, ch. 4, v. 19.
(107) Genèse, ch. 19, v. 4
(108) Évang. selon saint Matth., ch. 3, v. 17.
(109) Évang. selon saint Marc, ch. 1, v. 1o.
(110) Évang. selon saint Luc, ch. 3, v. 21.
(111) Rois, liv. iv, ch. 5, v. 14.
(112) Josué, ch. 3, v. 16.
(113) Évang. selon saint Matth., ch. 3, v. 9.
(114) Rois, liv. 1v, ch. 1, v. 8.
(115) Évang. selon saint Matth., ch. 17, v. 1 et suiv.
(116) Rois, liv. ii, ch. i, v. 6.
(117) Isaïe, ch. 16.
(118) Josué, ch. 15.
(119) Évang. selon saint Jean, ch. 4, v. 5.
(120) Evang. selon saint Luc, ch. 1, v. 26, 27 et suiv.
(121) Evang. Selon saint Jean, ch. 6, v. 32.
(122) Isaïe, ch. 66, v. 1.
(123)Evang. selon saint Luc, ch. 2, v. 8 et suiv.
(124) Évang. selon saint Matth., ch. 2, v. 1-11.
(125).Genèse, ch. 35, v. 18 et suiv.
(126) Ruth, ch. 1 et 4.
(127) Épit. de saint Paul aux Hébr., ch. 13, v. 12.
(128) Évang. selon saint Marc, ch. 16, v. 5 et suiv.
(129) Évang. selon saint Matth., ch. 27.
(130) Évang. sclon saint Marc, ch. 15; saint Luc, ch. 23; saint Jean, ch. 19.
(131) Évang. selon saint Jean, ch. 13, v. 4 et suiv.
(132) Evang. selon saint Luc, ch. 22, v. 19.
(133) Actes des Apôt., ch. 2, v. 3.
(134) Rois, liv. iii, ch. 6.
(135) Machab., liv. ii, ch. 2, v. 4 et suiv.
(136) Paralipom., ch. 7.
(137) Machab., liv. ii, ch. 3.
(138) Évang. selon saint Luc, ch. i, v. 9.
(139) Evang. selon saint Luc, ch. 2.
(140) Evang. selon saint Matth., ch. 4, v. 5 et 6.
(141) Ibid., ch. 21.
(142) Ibid., ch. 27, v. 51.
(143) Evang. selon saint Jean, ch. 11 et 12; selon saint Luc, ch. 10.
(144) Evang. selon saint Matth., ch. 24, v. 3.
(145) Actes des Apôt., ch. 1, v. 9 et 10.
(146) Evang. selon saint Luc., ch. 24.
(147)Evang. selon saint Matth., ch. 27, v. 5, 6et 7.
(148) Ps. 18, v. 5.
(149) Ps. 115, v. 15.
(150) Deut., ch. 32, v. 3o.
(151) Évang. selon saint Luc, ch. 20, v. 25; selon saint Matth., ch. 21.
(152) Isaïe, ch. 60, v. 15.
(153) Ibid., ch. 65, v. 25.
(154) Ecclésiastique, ch. 4, 12.
(155) Ps. 83. v. 11.
(156) Ezéch., ch. 1, v. 1o.
(157) Évang. selon saint Matth., ch. 16, v. 26.
(158) Ps. 64, v. 1 2.
(159) Isaïe, ch. 60, v. 4.
(160) Ps. 106, v. 37.
(161) Ps. 84, v. 13.
(162) Isaïe, ch. 9, v. 3.
(163) Isaïe, ch. 2, v. 3.
164) Ps. 64, V. 10 et 12.
165) Isaïe, ch. 60, v, 6.
(166) Isaïe, ch. 3, v. 2 et 3.
(167) Tobie, ch. 13, v. 1 3 et 14
(168) Deut., ch. ii, v. 24
(169) Évang. selon saint Matth., ch. 13, v. 25.
(170) Ps. 37, v. 6.
(171) Deut., ch. 32, v. 15.
(172) Ps. 72.
(173) Jérém., ch. 5, v. 7.
(174)Jérém., ch. 5, v. 8.
(175) Ps. 57, v. 9.
(176) Osée, ch. 4. v. 2.
(177) Genèse, ch. 6, v. 5.
(178) Évang. selon saint Luc, ch.18, v. 8.
(179) Ezéch., ch. 22, v. 26.
(180) Isaïe, ch. 3, v. 6.
(181) Ezéch., ch. 34, v. 8.
(182) Ép. de saint Paul aux Philipp., ch. 2, v. 21.
(183) Isaïe, chap. 16, v. 12.
(184) Évang. selon saint Luc, ch. 11, v. 52.
(185) Rois, liv. 1v, ch. 5, v. 27.
(186) Évang. selon saint Matth., ch. 21, v. 12.
(187) Ibid., ch. 26, v. 15.
(188) Isaïe, ch. 1, v. 23.
(189)Évang. selon saint Matth., ch. 15, v. 27.
(190) Ibid., ch. 15, v. 26.
(191) Ps. 2, v. 3.
(192) Genèse, ch. 11.
(193) Cant. des cant., ch. 2, v. 2.
(194) Ps. 1, v. 1.
(195) Ep. de saint Paul aux Rom., ch. 13, v. 15.
(196) Ep. de saint Paul aux Rom., ch. 14, v. 4.
(197) Ps, 57, v. ii.
(198) Evang. selon saint Luc, ch. 21, v. 19
(199) Deut., ch. 31,v. 5.
(200) Ps. 1o3, v. 7.
(201) II y a ici une lacune.
(202) Prov., ch. 2, v. 14.
(203) Ps. 118, v. 53.
(204)Ps. 138, v. 22.
(205) Rois, liv. ii, ch. 10, v. 1-5.
(206) Ép. de saint Paul aux Galates, ch. 1, v. 8.