Appien

APPIEN

HISTOIRE DES GUERRES CIVILES DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE.

Traduction française : COMBES-DOUNOUS.

LIVRE III - CHAPITRE XIV

LIVRE III chapitre 13 - Livre IV chapitre I

 

 

 

 

 

 

 

HISTOIRE

DES GUERRES CIVILES

DE LA

RÉPUBLIQUE ROMAINE.

TOME DEUXIEME.


Cet Ouvrage se vend à Paris,

A la Librairie stéréotype, chez H. NICOLLE, rue des Petits - Augnstins, n° 151

Et chez LE NORMANT, Imprimeur - Libraire, rue des Prêtres -Saint- Germain -l'Auxerrois, n° 17.


On trouve aux mêmes adresses les Dissertations de Maxime-de-Tyr, philosophe platonicien, traduites par le même auteur.


HISTOIRE

 

 

DES GUERRES CIVILES

 

DE LA

 

RÉPUBLIQUE ROMAINE,

TRADUITE

DU TEXTE GREC D'APPIEN D'ALEXANDRIE

PAR J. J. COMBES-DOUNOUS,

Ex-législateur, et membre de quelques sociétés littéraires.


Haec et apud seras gentes, populosque nepotum,
Sive sud tantum venient in saecula fama,
Sive aliquid magnis nostri quoque cura laboris
Nominibus prodesse potest : cum bella legentur,
Spesque, metusque simul, perituraque vota, movebunt.

LUCAN. Lib. VII, v. 207 et seq.


TOME DEUXIEME.

PARIS,

DE L'IMPRIMERIE DES FRÈRES MAME,

rue du Pot-de-Fer, n° 14.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

XIV

XCV. Νόμῳ δ' ἑτέρῳ ἀπέλυε μὴ εἶναι πολέμιον Δολοβέλλαν, καὶ εἶναι φόνου δίκας ἐπὶ Καίσαρι. Καὶ εὐθὺς ἦσαν γραφαί, τῶν φίλων τοῦ Καίσαρος γραφομένων τοὺς μὲν αὐτόχειρας, τοὺς δὲ συνεγνωκέναι μόνον. Καὶ γὰρ τοῦτο ἐνίοις ἐπεγράφη, καί τισιν οὐδ' ἐπιδημήσασιν, ὅτε ὁ Καῖσαρ ἐκτείνετο. Πᾶσι δ' ὁρισθείσης ὑπὸ κηρύγματι μιᾶς ἡμέρας ἐς κρίσιν, ἐρήμην ἅπαντες ἑάλωσαν, ἐφορῶντος τὰ δικαστήρια τοῦ Καίσαρος καὶ τῶν δικαστῶν οὐδενὸς τὴν ἀπολύουσαν φέροντος πλὴν ἑνὸς ἀνδρὸς τῶν ἐπιφανῶν, ὃς τότε μὲν οὐδ' αὐτός τι ἔπαθε, μικρὸν δ' ὕστερον ἐπὶ θανάτῳ μετὰ τῶν ἄλλων καὶ ὅδε προυγράφη. Ἔδοξε δὲ ταῖσδε ταῖς ἡμέραις Κόιντος Γάλλιος, ἀδελφὸς Μάρκου Γαλλίου συνόντος Ἀντωνίῳ, τὴν πολιτικὴν στρατηγίαν ἄρχων, αἰτῆσαι παρὰ Καίσαρος τὴν στρατηγίαν τῆς Λιβύης, καὶ οὕτω τυχὼν ἐπιβουλεῦσαι τῷ Καίσαρι· καὶ αὐτοῦ τὴν μὲν στρατηγίαν περιεῖλον οἱ σύναρχοι, τὴν δ' οἰκίαν διήρπασεν ὁ δῆμος, ἡ δὲ βουλὴ κατεγίνωσκε θάνατον. Ὁ δὲ Καῖσαρ ἐς τὸν ἀδελφὸν ἐκέλευσε χωρεῖν, καὶ δοκεῖ νεὼς ἐπιβὰς οὐδαμοῦ ἔτι φανῆναι.

XCVI. Τοσάδε πράξας ὁ Καῖσαρ ἐπενόει μὲν τὰς ἐς τὸν Ἀντώνιον διαλύσεις, πυνθανόμενος ἤδη τοῖς ἀμφὶ τὸν Βροῦτον εἴκοσι συνῆχθαι τέλη στρατοῦ, καὶ χρῄζων ἐπ' αὐτὰ Ἀντωνίου, ἐξῄει δὲ τῆς πόλεως ἐπὶ τὸν Ἰόνιον καὶ σχολαίως ἀνεζεύγνυε, τὰ παρὰ τῆς βουλῆς ἐπιμένων· Πέδιος γὰρ αὐτὴν ἀποστάντος τοῦ Καίσαρος ἔπειθε τὰ ἐς ἀλλήλους μὴ δυσίατα ποιουμένους συναλλαγῆναι Λεπίδῳ τε καὶ Ἀντωνίῳ. Οἱ δὲ προεώρων μὲν ὅτι μὴ σφίσι μηδ' ὑπὲρ τῆς πατρίδος εἰσὶν αἱ διαλλαγαί, ἀλλ' ἐς συμμαχίαν Καίσαρι κατὰ Κασσίου τε καὶ Βρούτου, ἐπῄνουν δ' ὅμως καὶ συνετίθεντο ὑπ' ἀνάγκης. Καὶ τὰ πολέμια δόγματα Ἀντωνίου τε καὶ Λεπίδου καὶ τῶν ὑπ' αὐτοῖς στρατῶν κατελύετο, εἰρηναῖα δὲ ἕτερα αὐτοῖς ἐπέμπετο. Καὶ ὁ Καῖσαρ αὐτοῖς συνήδετο γράφων, Ἀντωνίῳ δὲ καὶ βοηθὸς ἐπὶ Δέκμου ὑπισχνεῖτο ἥξειν, εἰ δέοιτο. Οἱ δὲ ἀντεφιλοφρονοῦντο μὲν αὐτὸν ἄφνω καὶ ἐπῄνουν, ὁ δ' Ἀντώνιος ἔγραφεν αὐτὸς ἀποτίσεσθαι Δέκμον τε ὑπὲρ Καίσαρος καὶ Πλάγκον ὑπὲρ ἑαυτοῦ καὶ συμμίξειν Καίσαρι.

XCVII. Τοσάδε μὲν ἀλλήλοις ἐπέστειλαν, διώκοντι δὲ τῷ Ἀντωνίῳ Δέκμον προσγίγνεται Πολλίων Ἀσίνιος ἄγων δύο τέλη. Καὶ Πλάγκῳ μὲν Ἀσίνιος ἔπραξε διαλλαγάς, καὶ ὁ Πλάγκος σὺν τρισὶ τέλεσι μεθίστατο ἐς τὸν Ἀτώνιον, ὥστε ἤδη βαρυτάτης δυνάμεως ἦρχεν ὁ Ἀντώνιος· Δέκμῳ δὲ ἦν τέλη δέκα, ὧν τέσσαρα μὲν τὰ ἐμπειροπολεμώτατα ὑπὸ λιμοῦ διέφθαρτο καὶ ἐνόσει ἔτι, τὰ νεοστράτευτα δὲ ἦν ἕξ, ἀταλαίπωρα ἔτι καὶ πόνων ἄπειρα. Ἀπογνοὺς οὖν μάχεσθαι, φεύγειν ἔκρινε πρὸς Βροῦτον ἐς Μακεδονίαν. Ἔφευγε δ' οὐκ ἐπὶ τάδε τῶν Ἄλπεων, ἀλλ' ἐς Ῥάβενναν ἢ Ἀκυληίαν. Ἐπεὶ δὲ Καῖσαρ ὥδευε ταύτῃ, ἄλλην μακροτέραν ὁδὸν καὶ δύσπορον ἐπενόει, τόν τε Ῥῆνον περᾶσαι καὶ τὰ ἀγριώτερα τῶν βαρβάρων ὑπερελθεῖν· ὅθεν αὐτὸν ὑπό τε τῆς ἀπορίας καὶ τοῦ καμάτου πρῶτοι μὲν οἱ νεοστράτευτοι καταλιπόντες ἐς Καίσαρα ἐχώρουν, ἐπὶ δὲ ἐκείνοις καὶ τὰ ἀρχαιότερα τέσσαρα ἐς Ἀντώνιον καὶ ὁ ἄλλος ὅμιλος ἤδη χωρὶς τῶν σωματοφυλάκων ἱππέων Κελτῶν. Ὁ δὲ καὶ τούτων τοῖς ἐθέλουσιν ἐπιτρέψας ἐς τὰ οἰκεῖα σφῶν ἀφίστασθαι καὶ διαδοὺς ἐκ τοῦ παρόντος ἔτι χρυσίου, μετὰ τριακοσίων τῶν παραμεινάντων μόνων ἐπὶ τὸν Ῥῆνον ἐφέρετο. Δυσπόρου δ' ὄντος αὐτοῦ περᾶν σὺν ὀλίγοις, ἀπελείφθη καὶ ὑπὸ τῶνδε πλὴν δέκα μόνων. Ἤλλαξε δὲ τὴν ἐσθῆτα ἐς τὸ Κελτικόν, ἐξεπιστάμενος ἅμα καὶ τὴν φωνήν, καὶ διεδίδρασκε σὺν ἐκείνοις οἷά τις Κελτός, οὐ τὴν μακροτέραν ἔτι περιιών, ἀλλὰ ἐπὶ Ἀκυληίας, λήσεσθαι νομίζων διὰ τὴν ὀλιγότητα.

XCVIII. Ἁλοὺς δὲ ὑπὸ λῃστῶν καὶ δεθείς, ἤρετο μὲν ὅτου Κελτῶν δυνάστου τὸ ἔθνος εἴη, μαθὼν δ' ὅτι Καμίλου, πολλὰ πεποιηκὼς εὖ τὸν Κάμιλον, ἄγειν αὑτὸν αὐτοῖς ἐς τὸν Κάμιλον ἐκέλευεν. Ὁ δὲ ἀχθέντα ἰδὼν ἐφιλοφρονεῖτο μὲν ἐς τὸ φανερὸν καὶ τοῖς δήσασιν ἐπεμέμφετο ὑπ' ἀγνοίας ἐνυβρίσασιν ἀνδρὶ τοσῷδε, κρύφα δ' ἐπέστελλεν Ἀντωνίῳ. Καὶ ὁ Ἀντώνιός τι παθὼν ἐπὶ τῇ μεταβολῇ οὐχ ὑπέστη τὸν ἄνδρα ἰδεῖν, ἀλλ' ἐκέλευσε τῷ Καμίλῳ κτείναντα τὴν κεφαλὴν ἐς αὑτὸν ἐκπέμψαι· καὶ τὴν κεφαλὴν ἰδὼν ἐκέλευσε τοῖς παροῦσι θάψαι. Τοῦτο Δέκμῳ τέλος ἦν, ἱππάρχῃ τε Καίσαρος γενομένῳ καὶ ἄρξαντι τῆς παλαιᾶς Κελτικῆς ὑπ' ἐκείνῳ καὶ ἐς τὸ μέλλον ἔτος ὑπατεύειν ὑπ' αὐτοῦ κεχειροτονημένῳ καὶ τῆς ἑτέρας Κελτικῆς ἄρχειν. Καὶ δεύτερος τῶν σφαγέων οὗτος ἐπὶ Τρεβωνίῳ δίκην ἐδίδου μετ' ἐνιαυτόν που καὶ ἥμισυ τῆς ἀναιρέσεως. Τῷ δ' αὐτῷ χρόνῳ καὶ Μινούκιος Βάσιλος, σφαγεὺς καὶ ὅδε Καίσαρος, ὑπὸ τῶν θεραπόντων ἀνῃρέθη, εὐνουχίζων τινὰς αὐτῶν ἐπὶ τιμωρίᾳ.

HISTOIRE

DES GUERRES CIVILES

DE LA

RÉPUBLIQUE ROMAINE.

LIVRE TROISIEME

CHAPITRE XIV.

Octave, devenu consul, fait rétracter le décret qui déclare Dolabella ennemi de la patrie. Il  forme un tribunal, et fait condamner par contumace les assassins de César. Réconciliation d'Antoine et de Lépidus avec Octave. Antoine marche contre Décimus Brutus, qui, abandonné par Plancus, et ensuite par tous ses soldats, prend la fuite, est arrêté et mis à mort.

XCV. Il provoqua une nouvelle loi pour faire abroger celle qui déclarait Dolabella ennemi de la de patrie, et ensuite une autre pour faire faire le procès  aux assassins de César. Aussitôt les accusations furent intentées. Les amis de César accusèrent les uns comme coupables du fait, les autres seulement comme complices. On enveloppa dans cette dernière accusation plusieurs citoyens, parmi lesquels quelques uns n'étaient pas même à Rome lorsque César fut assassiné (1). On les fit tous citer, à cri public, à comparaître en jugement le même jour (2); mais, ils se laissèrent tous condamner par contumace (3), parce qu'ils ne virent parmi leurs juges que les créatures d'Octave, dont aucun ne paraissait disposé à voter pour l'absolution. Un seul patricien en eut le courage (4). Il n'en fut pas puni pour le moment ; mais, peu de temps après, son nom fut inscrit avec celui de beaucoup d'autres sur les 212 tables de proscription. Il paraît qu'à cette même époque Quintus Gallius, frère de Marcus Gallius, attaché au parti d'Antoine, demanda à Octave de lui donner le commandement de la Libye en remplacement de la préture urbaine dont il était revêtu, et qu'à la faveur de cette demande s'étant approché de lui, il tenta de lui arracher la vie (5). Les préteurs, ses collègues, le dégradèrent ignominieusement de ses fonctions : le peuple mit sa maison sens dessus dessous; et le sénat porta contre lui un décret de mort. Mais Octave lui ayant permis de se retirer auprès de son frère, il s'embarqua, et depuis, diton, on ne le vit plus reparaître.

XCVI. Après tout cela, Octave s'occupa de son rapprochement avec Antoine. Il était déjà informé que Brutus et Cassius étaient à la tête de vingt légions; il avait besoin d'Antoine contre de si grandes forces. Il partit de Rome pour se rendre sur le» bords de la mer Ionienne; il n'allait avec ses troupes qu'à petites journées, impatient de connaître les secrets sentiments du sénat. Après son départ en effet, Pédius invita le sénat à ne pas rendre les dissensions incurables, et à se réconcilier avec Lépidus et Antoine. Le sénat vit fort bien que ce n'était par intérêt ni pour lui, ni pour la patrie, qu'on lui parlait de réconciliation; mais que c'était dans la vue de procurer à Octave des auxiliaires contre Cassius et Brutus. Néanmoins il loua les intentions de Pédius ; il céda à l'empire de la nécessité; il révoqua les sénatus-consultes qui déclaraient Antoine, Lépidus, et l'armée qui était sous leurs ordres, 213 ennemis de la patrie. On leur adressa le nouveau sénatus-consulte rédigé dans des dispositions pacifiques. Octave écrivit à Antoine pour lui témoigner  sa joie au sujet de ces nouveaux sentiments du sénat à son égard, et il lui offrit ses services, s'il avait besoin de secours pour combattre Décimus Brutus. Le sénat, changeant d'affection à cet égard, s'empressa de manifester à Octave sa satisfaction, et de louer son dévouement. Antoine répondit qu'il vengerait l'assassinat de César sur Décimus Brutus, qu'il se vengerait personnellement de Plancus, et que, cela fait, il irait se joindre à Octave.

XCVII. Après ces communications épistolaires, Antoine était en pleine marche contre Décimus Brutus, lorsqu'Asinius Pollion (6) lui amena deux légions de son chef; et ce dernier ayant négocié avec Plancus (7), celui-ci embrassa le parti d'Antoine avec les trois légions (8) qu'il commandait, de manière qu'Antoine se trouva dès-lors à la tête d'une puissante année. Quant à Décimus Brutus, il avait dix légions ; savoir, quatre (9) des plus aguerries, mais qui avaient beaucoup souffert de la famine à Modène, et qui en étaient encore malades, et six composées de troupes de nouvelle levée, sans cœur et sans expérience. N'ayant donc aucun espoir de succès à tenter le sort des armes, il prit le parti de se réfugier en Macédoine auprès de Brutus. Au lieu de prendre sa route en-deçà des Alpes, il prit par Ravenne et Aquilée (10). Mais Octave étant venu à sa rencontre, il songea à prendre un chemin beaucoup plus long et plus difficile, ce fut d'aller passer 214 le Rhin, et de traverser le pays des peuples les plus barbares. Il en résulta que ses troupes de nouvelle levée, excédées de fatigue, et en butte à tous les besoins, furent les premières à l'abandonner et à passer du côté d'Octave. A leur exemple, les quatre légions composées de vétérans, et tout ce qui leur était attaché comme auxiliaire, l'abandonnèrent également et allèrent se réunir à Antoine, à l'exception de la cavalerie gauloise qui formait sa garde personnelle. Brutus permit alors à ceux de ces Gaulois qui voudraient retourner chez eux de suivre leur inclination; et, après leur avoir distribué l'argent qui lui restait encore, il prit la route du Rhin avec les trois cents hommes qui lui demeurèrent fidèles. Les difficultés qu'il éprouva pour passer le Rhin avec si peu de monde furent cause que tous ces Gaulois, dix exceptés, finirent par l'abandonner. Alors il se déguisa sous un habit de Gaulois, il savait d'ailleurs parler la langue de ce peuple. Avec ce costume, ce langage et ces dix compagnons, il prit la route d'Aquilée, sans chercher alors le plus long chemin, espérant échapper à tous les regards en si petit équipage.

XCVIII. Mais il fut pris et garrotté par une bande de brigands. Il demanda sur le territoire de quel chef des Gaulois il se trouvait; et, sur la réponse qu'on lui fit qu'il était dans la partie des Gaules gouvernée par Camillus, comme il avait rendu beaucoup de services à ce Camillus, il se fit amener à lui (11). En le voyant, Camillus lui fit de grandes démonstrations d'amitié, en apparence, et 215 il témoigna son indignation à ceux qui, en le garrottant sans le connaitre, avaient fait cet outrage à un si grand homme. Mais, sous main, il envoya un message à Antoine. Celui-ci touché d'un tel changement de fortune, ne voulut point que ce malheureux fût amené devant lui. Il envoya ordre à Camillus de le faire égorger et de lui faire passer sa tête. Lorsqu'elle lui eut été apportée et qu'il y eut jeté un coup d'œil, il ordonna qu'on l'inhumât. Telle fut la fin de Décimus Brutus, dont César avait fait son maître de cavalerie, à qui il avait donné, de son vivant, le commandement de l'ancienne Gaule, et à qui il avait destiné, pour l'année qui suivit son assassinat, le consulat et le commandement de l'autre province des Gaules. Il fut le second des conjurés qui, à compter de Trébonius (12), porta la peine de cet attentat, environ dix-huit mois après qu'il eut été commis. A. la même époque, Minucius Basillus, un autre des assassins de César, fut égorgé par ses esclaves, pour avoir voulu faire infliger à quelques uns d'entre eux le supplice de la castration.

216 NOTES.

(1)   Dion Cassius affirme ce fait, et il ajoute que cette mesure inique, contre les absents de Rome à l'époque de la mort de César, fut adoptée afin d'avoir l'occasion de faire comprendre dans la condamnation par contumace Sextus Pompée, le seul des fils du grand Pompée qui vécût encore, et dont le nom, comme on le sent bien, était un titre de mort aux yeux d'Octave. Dion Cass. liv. XLVI, n. 46.

(2)  Voici, à ce sujet, des particularités remarquables que Plutarque nous fournit, « Et tout incontinent commeit des juges pour faire le procès criminel à Brutus et à ses complices, pour avoir oocis le premier et le plus grand personnage de Rome, tenant le plus haut rang, et le plus honorable magistrat d'icelle, sans avoir été jugé, ouy, ni ce condamné judiricllement, faisant accuser Brutus de ce crime par Cornificius, et Cassius par Agrippa. Si furent les « accusés condamnés par contumace, pourceque les juges  furent contraints d'ainsi juger. Et dit on qu'ainsi comme un huissier, suyvant la coustume des jugements, montant sur la tribune aux harangues appellast à haute voix Brutus, l'adjournant à comparoir en personne devant les juges, tout le peuple assistant soupira manifestement, et les gens d'honneur baissèrent la tête sans oser dire mot, entre lesquelz on veit les larmes tumber des yeux de Publius Siclicius, à l'occasion de quoy tantost après il fut au nombre et de ceulx qui par affiches furent proscritps et abandonnez à estre tuez. »

(3) Du nombre des accusés fut un tribun du peuple, nommé ServiUus Casca, qui, se doutant d'avance de ce que ferait Octave lorsqu'il serait entré dans Rome à la tête de ses légions, sortit prudemment de la ville et se sauva. On a déjà vu que les tribuns du peuple ne pouvaient passer une nuit hors de Rome, durant le cours de leur tribunat. En conséquence, un des collègues de Servilius Casca, nommé Ti- 217 tius, le dénonça, le fit destituer et condamner à raison de son évasion Dion Cassius fait, à ce sujet, une observation, historique assez piquante. C'est que Titius ne survécut pas un an à cet acte d'iniquité contre son collègue, à l'exemple de tous ses prédécesseurs, qui, auteurs comme lui de la destitution d'un collègue, étaient morts dans moins d'une année ; témoin J. Brutus, qui mourut peu de temps après avoir fait destituer du consulat Collatin son collègue ; Tibérius Gracchus, qui mourut dans moins d'un an après avoir fait destituer le tribun du peuple Octavius ; Helvius Cinna, dont la mort suivît de près sa lâche conduite envers Marcellus et Flavius. Dion Cass. liv. XLVI, n. 49.

(4)   Il se nommait Sicilius Coronas ; il étoit membre du sénat. Dion Cassius remarque, à son sujet, qu'on regarda comme un trait de clémence de la part d'Octave de ne l'avoir point fait mettre à mort sur-le-champ. Dion Cassius, liv. XLVI. Voyez ci-dessous, liv. IV, sect. XXVII. Mais son nom fut mis des premiers, après l'organisation du triumvirat, sur la liste des proscrits. A cette époque, Octave n'avait garde d'oublier de convertir en crime digne de mort, un pareil acte de courage, ce qui rappelle assez heureusement ce vers de Virgile tant de fois cité,

... Manet alta mente repostum
Judicium Paridis.

(5)  On ne trouve pas cette conjuration dans là nombre de celles dont Suétone a présenté le tableau raccourci dans le chap. 19 de la vie d'Octave. C'est tout simple; il ne récapitule en cet endroit que celles qui furent tentées contre la personne d'Octave, postérieurement à la bataille d'Actium.

(6)  C'est ce même Asinius Pollion qui, sorti de l'obscurité, s'éleva, par la faveur de César, jusqu'au commandement des provinces ; qui, après la mort de César, son bienfaiteur, et l'auteur de sa fortune, écrivait à Cicéron, « que 218 tout ce qu'il avait fait du temps de César, il l'avait fait ce de manière à rendre sensible qu'il le faisait à contrecœur, quod jussus sum eo tempore, atque ita feci, ut  appareret invito imperatum esse, qu'il se déclarait l'ennemi de quiconque travaillerait à remettre le pouvoir suprême entre les mains d'un seul, et qu'il n'était point de ce péril qu'il ne fût résolu de braver pour la cause de la liberté. » Ita si id agitur ut rursus in potestate omnia unius sint, quicumque is est ei me profiteor inimicum : nec pericitlum est ullum quod pro libertate aut réfugiam aut deprecer. C'est, en un mot, ce même Asinius Pollion, qui, après avoir manifesté à Cicéron. dans celles de ses trois lettres qui nous restent (ad Familiar. lib.,X) les sentiments d'un ami de la liberté, d'un zélateur de la cause de la république, eut la bassesse de passer sous les drapeaux d'Antoine, lorsqu'il fut informé de l'union de ce dernier avec Lépidus. Après la bataille d'Actium, cet homme habile dans la science des courtisans s'attacha à Octave, qui, comme César, modo cognitum, vetustissimorum familiarium loco habuit. Ce fut dans ces circonstances que Virgile composa sa quatrième Eglogue, pour célébrer la naissance d'un des fils de ce Pollion. ce Virgile promet de si grands biens à la terre par la « naissance de ce fils, que plusieurs auteurs chrétiens ont cru qu'il avait copié les prétendues prophéties de la Sibylle sur la naissance de Jésus-Christ. » Voy. Lett. de Cicéron à Atticus, traduites par Mongault. Liv. XII, lett. II, note 3.

(7)  Plancus, qui avait tenu à Cicéron, dans sa correspondance avec lui, le même langage que Pollion ; qui lui avait montré le même zèle pour la république; qui avait traité de brigands Lépidus et Antoine, après leur coalition, ut, non miles ullus, non eques, non quidquam impedimentorum amitteretur, aut ab illis ferventibus latronibus interciperetur; qui avait dit à Cicéron que si Antoine et Lépidus vivaient encore, s'ils étaient encore à la tête d'un corps de troupes imposant, c'était la faute d'Octave, quod vivit An- 219 tonius hodie, quod Lepidus una est, quod exercitus habent non contemnendos, quod sperant, quod audent, omne Caesari acceptum referre possunt ; qui avait blâmé la conduite d'Octave, foulant aux pieds toutes les convenances, employant tous les moyens de terreur pour envahir quelques mois de consulat, au lieu de se maintenir dans le chemin de la véritable gloire ; quae mens eum aut quorum consilio a tanta gloria sibi vero etiam necessaria ac salutari avocarit, et ad cogitationem consulatus bimestris, summo cum terrore hominum et insulsa cum. efflagitatione transtulerit, expectare non possum ; Flancus se vendit, comme Pollion, à ceux qu'il avait traités de brigands, à celui qu'il avait peint comme l'usurpateur de l'autorité consulaire. Ce fut la vénalité de ces deux chefs qui, dans ce moment critique, porta le coup mortel à la liberté romaine. Epist. ad famil. lib. X, litt. 28, 24.

(8)  II en avait quatre, trois de vétérans et une de tirons, ou soldats de nouvelle levée. In castris meis legiones sunt veteranae tres, tironum vel luculentissima omnibus una. Ibid. litt. 24.

(9)  Décimus Brutus avait en effet dix légions, mais il n'en avait qu'une de vétérans ; le reste consistait en une légion de troupes enrôlées pour deux ans seulement, et en huit légions de tirons, in castris Bruti una veterana legio, altera bima, octo tironum. Ibid. Or, on sait que les généraux romains ne faisaient pas grand cas de cette dernière espèce de troupes, quantum autem in acie tironi sit committendum, nimium saepe expertum habemus. Ibid.

(10) Pline l'ancien place cette ville dans ce qu'il appelle la dixième région de l'Italie, auprès du fleuve Tergeste, qui vient se jeter dans le golfe Adriatique, non loin des parages de Venise moderne.

(11) Paterculus fait une autre version. D. Brutus desertus primo à Planco, post etiam inividiis ejusdem petitus, paulatim relinquente eum exercitu fugiens, in hospitis cujusdam nobilis viri, nomini Camilli, domo, ab iis quos mi- 220 serat Antonius, jugulatus est. Il ne s'agit pas là d'un prince Gaulois : on voit d'ailleurs que ce fut par les émissaire» d'Antoine que D. Brutus fut égorgé. L'Épitomé de Tite-Live confirme ce dernier fait, et nomme le propre assassin de Brutus ; cum D. Brutus relictus a legionibus suis profugisset, jussu Antonii, in cujus potestate venerat, a Capeno Sequano interemptus est. Paterc. lib. II, c. 64. Epit. Liv. lib. CXX. Valère Maxime rend compte de la mort de Décimus Brutus avec d'autres circonstances ; et s'il faut l'en croire, Brutus fit, pour livrer sa tête à Furius, le bourreau qu'Antoine avait chargé de l'expédition, des façons bien indignes d'un Romain. Liv. IX, c. 13. Mais Dion Cassius, liv. XLVI, rapporte qu'en effet, se voyant entre les mains d'Antoine, et s'attendant à être égorgé, Décimus Brutus, montra de la pusillanimité ; mais qu'un certain Helvius Blasio, son compagnon d'armes, qui lui était singulièrement attaché, se poignarda lui-même sous ses yeux, pour lui donner du courage, de la même manière qu'on le raconte d'Arrie, cette illustre Romaine, qui, en circonstance pareille, sa poignardant en présence de son mari, lui donna le poignard tout sanglant en lui disant : «. Mon ami, il ne m'a  fait aucun mal. » Pœte, non dolet.

(12) En supposant que Trébonius ait été égorgé à Smyrne par Dolabella, avant l'époque de la bataille de Modène, ainsi que cela paraît constant, ce fut Pontius Aquila, un des conjurés, tué à cette bataille, qui périt le second. Décimus Brutus ne périt que le troisième. C'est ce même Pontius Aquila, qui, tribun du peuple à l'époque où César reçut les honneurs du triomphe, fut le seul du collège des tribuns qui ne se leva pas lorsque César passa devant lui ; ce qui indigna le triomphateur au point que, depuis toutes les fois qu'on lui demandait quelque chose, il répondait aves un malin sarcasme, « Je vous l'accorde, pourvu que Pontius  Aquila ne s'y oppose pas, » si tamen per Pontium Aquilam licuerit. Suet. Jul. Cœs. 78.

FIN DU TROISIEME LIVRE DES GUERRES CIVILES DE LA RÉPUBLIQUE ROMAINE.