ALLER A LA TABLE DES MATIERES DE TITE-LIVE TITE-LIVE Ab Urbe Condita, Livre XXXII
Oeuvres de Tite-Live, t. II, Paris, Firmin Didot, 1864
217 LIVRE TRENTE-DEUXIÈME SOMMAIRE. — Prodiges annoncés à Rome. — On rapporte, entre autres, qu'en Macédoine un laurier a poussé sur la poupe d'un vaisseau long. — Victoire signalée, remportée par le consul T. Quinctius Flamininus sur Philippe à l'entrée de l'Épire; ce prince, battu et mis en fuite, est obligé de rentrer dans les limites de ses états. — Le vainqueur ravage les frontières de Thessalie, voisine de la Macédoine, avec le secours des Étoliens et des Athamanes. — L. Quinctius Flaminius, son frère, à la suite d'un combat naval , où il a pour auxiliaires le roi Attale et les Rhodiens, passe dans l'île d'Eubée où il prend Érétrie et soumet toute la côte maritime. — Les Achéens sont reçus au nombre des alliés du peuple romain. — Une conjuration des esclaves, tramée pour délivrer les otages des Carthaginois , est découverte et punie. — Le nombre des préteurs est augmenté et porté à dix. — Le consul Cornélius Céthégus fait éprouver aux Gaulois Insubriens une sanglante défaite. — Alliance avec le tyran Nabis et les Lacédémoniens. — Prise de plusieurs places en Macédoine. LIVRE XXXII. I [1] Les consuls et les préteurs, étant entrés en charge aux ides de mars, tirèrent les provinces au sort. [2] L. Cornélius Lentulus obtint l'Italie, P. Villius la Macédoine. Quant aux préteurs, L. Quinctius eut la juridiction de la ville; Cn. Baebius fut désigné pour Ariminium; L. Valérius, pour la Sicile; L. Villius, pour la Sardaigne. [3] Le consul Lentulus eut ordre de lever des légions nouvelles; Villius devait prendre l'armée de P. Sulpicius; mais on lui permit d'enrôler autant d'hommes qu'il le jugerait à propos pour la compléter. [4] Le préteur Baebius devait prendre le commandement des légions qui avaient été sous les ordres du consul C. Aurélius, et les conserver jusqu'au moment où Lentulus viendrait le remplacer avec ses recrues. [5] Aussitôt après l'arrivée de ce consul en Gaule, tous les soldats licenciés devaient être renvoyés dans leurs foyers, à l'exception de cinq mille alliés, qui resteraient aux environs d'Ariminium. Ce nombre était jugé suffisant pour garder cette province. [6] On prorogea dans leurs commandements les préteurs de l'année précédente: Cn. Sergius, pour distribuer des terres aux soldats, qui avaient longtemps fait la guerre en Espagne, en Sicile et en Sardaigne; [7] Q. Minucius, pour achever dans le Bruttium les poursuites qu'il avait exercées avec tant de zèle et d'intégrité pendant sa préture [8] contre les profanateurs de Locres; il était chargé d'envoyer dans cette ville, pour y faire subir leur peine, ceux qu'il avait fait conduire dans les prisons de Rome, comme convaincus de sacrilège; de veiller à la restitution de tous les objets enlevés du temple de Proserpine et de prescrire les expiations convenables. [9] On recommença ensuite, par décret des pontifes, les féries latines, parce que des ambassadeurs étaient venus se plaindre au sénat qu'on ne leur eût pas, suivant l'usage, donné leur part des victimes immolées sur le mont Albain. [10] On reçut de Suessa la nouvelle que deux portes de cette ville et le mur 218 qui s'étendait de l'une à l'autre avaient été frappés de la foudre; d'autres envoyés racontèrent que le feu du ciel était aussi tombé à Formies et à Ostie, sur le temple de Jupiter; à Véliterne, sur les temples d'Apollon et de Sancus, et qu'il était poussé un cheveu à Hercule dans son temple. [11] Du Bruttium, le propréteur Minucius manda qu'il était né un poulain à cinq pieds et trois poulets à trois pattes. [12] Peu après, le proconsul P. Sulpicius écrivit de Macédoine une lettre où il parlait, entre autres particularités, d'un laurier qui avait crû sur la poupe d'un vaisseau long. [13] À l'occasion des premiers prodiges, le sénat avait décrété que les consuls offriraient les grandes victimes à ceux des dieux qu'ils jugeraient à propos d'apaiser. [14] Mais pour le dernier, on appela des haruspices à la curie: d'après leur réponse, on ordonna un jour de supplications et l'on célébra des sacrifices à tous les autels. II. [1] Cette année, les Carthaginois apportèrent à Rome le premier argent du tribut qui leur avait été imposé. [2] Les questeurs déclarèrent que cet argent n'était pas de bon aloi; et lorsqu'on en fit l'essai, on y trouva un quart d'alliage. Les Carthaginois firent donc un emprunt à Rome pour suppléer à ce déchet. [3] Ils demandèrent ensuite au sénat la restitution de leurs otages: on voulut bien leur en rendre cent, et on leur fit espérer la délivrance des autres, si Carthage demeurait fidèle aux traités. [4] Ils sollicitèrent alors pour les otages retenus leur translation de Norba, où ils se trouvaient fort mal, dans un autre séjour; on les fit passer à Signia et à Férentinum. [5] Les habitants de Gadès obtinrent aussi sur leur demande qu'on ne leur enverrait pas de préfet; ce qui était contraire à la capitulation signée par eux avec L. Marcius Septimus lorsqu'ils s'étaient soumis au peuple romain. [6] Les députés de Narnia se plaignaient de ce que le nombre des colons était insuffisant et de ce que plusieurs étrangers, se mêlant à la population, se donnaient pour de véritables colons. On enjoignit au consul L. Cornélius de nommer des triumvirs pour examiner l'affaire. [7] Les magistrats choisis furent les frères P. et Sext. Aelius, surnommés tous deux Paetus, et Cn. Cornélius Lentulus. La faveur accordée à ceux de Narnia et qui avait pour but de compléter le nombre des colons, fut réclamée par ceux de Cosa; mais on la leur refusa. III [1] Après avoir réglé les affaires qui les retenaient à Reine, les consuls partirent pour leurs provinces. [2] P. Villius, à son arrivée en Macédoine, trouva les soldats mutinés; l'irritation était vive et durait déjà depuis quelque temps; on ne s'était pas assez occupé de la comprimer dans l'origine. [3] C'étaient deux mille hommes, qui, après la défaite d'Hannibal, avaient été transportés comme volontaires d'Afrique en Sicile, et environ un an après en Macédoine. Ils prétendaient n'avoir pas été maîtres du choix. « Leurs tribuns, disaient-ils, les avaient embarqués malgré eux; [4] mais d'ailleurs, que leur service fût volontaire ou forcé, le temps en était expiré; il était juste qu'il y eût un terme aux fatigues de la guerre. [5] Il y avait plusieurs années qu'ils n'avaient vu l'Italie; ils avaient vieilli sous les armes en Sicile, en Afrique, en Macédoine; ils étaient épuisés par leurs tra- 219 vaux et leurs campagnes, affaiblis par leurs nombreuses blessures. » [6] Le consul leur déclara « qu'ils pouvaient espérer de voir leur demande de congé accueillie, s'ils la présentaient avec modération. Mais ni les motifs qu'ils alléguaient, ni aucun autre, ne justifiaient une sédition. [7] S'ils voulaient rentrer dans l'ordre et obéir à leur général, il écrirait au sénat pour leur congé. La soumission était un plus sûr moyen que la révolte d'obtenir ce qu'ils désiraient. » IV. [1] Philippe concentrait alors tous ses efforts sur Thaumacie qu'il assiégeait; il avait fait ouvrir des tranchées et construire des mantelets; il se disposait à battre les murs avec le bélier. [2] L'arrivée subite des Étoliens l'obligea de renoncer à son entreprise. Sous la conduite d'Archidamus, ils traversèrent les lignes des Macédoniens, se jetèrent dans la place et attaquèrent jour et nuit dans des sorties continuelles les portes et les ouvrages de l'ennemi. La nature même des lieux les favorisait. [3] Lorsqu'on arrive des Thermopyles et du golfe Maliaque par Lamia, on aperçoit Thaumacie sur les hauteurs nommées Coela, qui dominent le défilé; [4] mais quand on passe par les chemins rocailleux de la Thessalie, ou qu'on suit les sinuosités de ses vallées, on voit tout à coup, en approchant de la ville, se dérouler à ses pieds, comme une vaste mer, une plaine immense dont l'œil a peine à embrasser l'étendue. [5] C'est cet admirable point de vue qui a valu à Thaumacie le nom qu'il porte. La ville doit sa sûreté, non seulement à son élévation, mais encore à ce que le rocher sur lequel elle est assise est taillé à pic de tous côtés. [6] Ces difficultés, et la certitude que cette conquête, tout importante qu'elle pouvait être, le paierait mal des peines et des travaux qu'elle pourrait lui coûter, déterminèrent Philippe à lever le siège. [7] L'hiver approchait d'ailleurs, lorsqu'il s'éloigna pour ramener ses troupes dans leurs quartiers en Macédoine. V [1] Là son armée eut tout le temps nécessaire pour réparer ses forces et reprendre courage. [2] Mais Philippe, tout en profilant de la saison pour délasser son corps fatigué de tant de marches et de tant de combats, n'avait l'esprit que plus tourmenté sur l'issue définitive d'une guerre où il avait à craindre non seulement les ennemis qui le pressaient par terre et par mer, [3] mais ses alliés et ses sujets mêmes, dont les uns pouvaient le trahir dans l'espoir d'obtenir l'amitié de Rome, et les autres se laisser séduire par l'attrait d'un changement. [4] Il envoya donc des ambassadeurs en Achaïe, pour exiger en son nom le serment que les habitants s'étaient engagés à lui prêter chaque année, et pour remettre en même temps aux Achéens Orchomène, Hérée et Triphylie; aux Éléens, Aliphera. [5] Ces derniers prétendaient que cette ville n'avait jamais fait partie de la Triphylie, et qu'elle devait leur être rendue, parce qu'elle était une de celles que l'assemblée générale des Arcadiens avait désignées pour concourir à la fondation de Mégalopolis. [6] Par ces restitutions, Philippe consolidait son alliance avec les Achéens. [7] Quant aux Macédoniens, il s'assura leur attachement par la punition d'Héraclide: voyant que les crimes nombreux dont il était chargé l'avaient 220 rendu l'objet de la haine publique, il le fit jeter dans les fers à la grande satisfaction de ses sujets. [8] Puis il s'occupa plus activement que jamais des préparatifs de la guerre; [9] il exerça aux armes et les Macédoniens et les troupes mercenaires. Au commencement du printemps, il fit partir avec Athénagoras tous les auxiliaires étrangers et ce qu'il avait de troupes légères pour aller par l'Épire en Chaonie occuper les défilés qui sont près d'Antigonie et que les Grecs appellent Stena. [10] Peu de jours après, il se mit lui-même en marche avec le gros de l'armée. Après avoir reconnu l'assiette du pays, il jugea qu'il ne pouvait trouver une position meilleure pour se fortifier que les bords de l'Aoüs. [11] Ce fleuve coule dans une vallée resserrée entre deux montagnes, dont l'une est nommée par les habitants Mérope, et l'autre Asnaüs; il n'offre qu'un étroit sentier sur ses rives. Philippe enjoignit à Athénagoras de s'établir sur l'Asnaüs avec les troupes légères et de s'y retrancher; il alla camper lui-même sur le Mérope. [12] Il plaça des détachements peu nombreux du côté où se trouvaient des rochers à pic, défendit les endroits plus accessibles par des fossés, des retranchements et des tours, [13] et fit placer dans les endroits convenables un grand nombre de machines, pour repousser l'ennemi à coups de traits. Il éleva sa tente en avant des fortifications, sur la hauteur la plus en vue, afin d'intimider les ennemis et d'encourager des Macédoniens par cette marque de confiance. VI [1] Le consul avait été instruit par l'Épirote Charopus de la nature des défilés qu'occupait le roi avec son armée. Après avoir passé l'hiver à Corcyre, il débarqua sur les bords du continent aux premiers jours du printemps et marcha droit à l'ennemi. [2] Parvenu à cinq milles environ du camp de Philippe, il se retrancha; puis, laissant ses légions, il s'avança en personne avec quelques troupes légères pour reconnaître les lieux. Le lendemain il tint conseil [3] afin de savoir s'il fallait, malgré les obstacles sans nombre et les périls qu'il pourrait rencontrer, tenter le passage à travers les défilés occupés par l'ennemi, ou faire un détour et pénétrer en Macédoine par le chemin qu'avait suivi Sulpicius l'année précédente, [4] Plusieurs jours s'écoulèrent sans qu'il prît un parti; pendant ce temps il apprit que T. Quinctius avait été nommé consul, que le sort lui avait assigné la province de Macédoine, et qu'il s'était déjà transporté en toute diligence à Corcyre. [5] Si l'on en croit Valérius Antias, Villius entra dans le défilé; mais, forcé de prendre un détour parce que le roi gardait tous les passages, il suivit la vallée au milieu de laquelle coule l'Aoüs, [6] jeta un pont à la hâte sur le fleuve, passa sur la rive où campait l'ennemi, et livra bataille. Le roi fut vaincu, mis en fuite et chassé de son camp: [7] douze mille Macédoniens périrent dans cette action; deux mille deux cents prisonniers, cent trente-deux étendards et deux cent trente chevaux tombèrent au pouvoir des Romains; au fort de la mêlée, Villius avait fait voeu de bâtir un temple à Jupiter, s'il était vainqueur. [8] Mais tous les autres historiens grecs et latins que j'ai lus s'accordent à dire que Villius ne fit rien de mémorable, et laissa tout le poids de la guerre au consul T. Quinctius, son successeur. 221 VII [1] Tandis que ces événements se passaient en Macédoine, L. Lentulus, l'autre consul, qui était resté à Rome, tint les comices pour la nomination des censeurs. [2] Plusieurs personnages illustres se portaient candidats; on choisit P. Cornélius Scipion l'Africain et P. Aelius Paetus. [3] L'accord le plus parfait régna entre ces deux magistrats; ils nommèrent aux places vacantes du sénat sans noter aucun sénateur d'infamie; ils affermèrent les droits sur les marchandises à Capoue, à Putéoli et au port de Castro, qui est maintenant une ville; ils envoyèrent dans ce port trois cents colons, nombre fixé par le sénat; ils vendirent le territoire de Capoue qui s'étend au pied du mont Tifate. [4] Vers le même temps, L. Manlius Acidinus, qui avait obtenu du sénat les honneurs de l'ovation à son retour de l'Espagne, fut contraint, par l'opposition du tribun du peuple P. Porcius Laeca, d'entrer dans la ville comme un simple citoyen; il porta au trésor public douze cents livres pesant d'argent et trente livres d'or environ. [5] La même année Cn. Baebius Tamphilus, qui avait reçu la province de la Gaule de C. Aurélius, consul de l'année précédente, entra témérairement sur les terres des Gaulois Insubres, fut enveloppé par eux avec presque toute son armée et perdit plus de six mille sept cents hommes: [6] et cet échec venait d'un ennemi qu'on avait cessé de craindre! Cette circonstance obligea le consul L. Lentulus à sortir de Rome. [7] Il trouva la province dans une grande confusion et les soldats consternés; il adressa de vifs reproches au préteur et lui ordonna de quitter la province et de retourner à Rome. [8] Lentulus n'eut pas le temps de se signaler par quelque exploit; la nécessité de tenir les comices le rappela dans la ville; car les tribuns du peuple, M. Fulvius et Manius Curius, y mettaient obstacle [9] en ne permettant pas à T. Quinctius Flamininus de briguer le consulat au sortir de la questure. [10] « Déjà, disaient-ils, on méprisait l'édilité et la préture; les nobles, au lieu de donner des preuves de leur capacité en parcourant successivement toutes les magistratures, prétendaient tout d'abord au consulat; ils franchissaient ainsi les dignités intermédiaires et passaient du dernier rang au premier. » [11] Du champ de Mars la contestation fut portée au sénat. Les Pères conscrits décidèrent que, « lorsqu'un candidat briguait une charge que la loi lui permettait d'obtenir, il devait être libre au peuple d'en revêtir qui bon lui semblerait. » [12] Les tribuns se soumirent à cette décision. On nomma consuls 222 Sext. Aelius Paetus et T. Quinctius Flamininus. [13] Puis on assembla les comices pour le choix des préteurs, et le peuple désigna L. Cornélius Mérula, M. Claudius Marcellus, M. Porcius Caton et C. Helvius, qui avaient été édiles plébéiens. Ces préteurs célébrèrent les jeux plébéiens et donnèrent à cette occasion un festin public en l'honneur de Jupiter. [14] Les édiles curules C. Valérius Flaccus, flamine Dial, et C. Cornélius Céthégus firent représenter les jeux romains avec une grande magnificence. [15] Les deux Sulpicius Galba, Servius et Caius, qui étaient pontifes, moururent cette année: on les remplaça par M. Aemilius Lépidus et Cn. Cornélius Scipion. VIII. [1] À peine entrés en charge, les consuls Sext. Aelius Paetus et T. Quinctius Flamininus assemblèrent le sénat au Capitole. Les Pères conscrits décidèrent que ces deux magistrats se partageraient entre eux, à l'amiable ou par la voie du sort, les provinces de Macédoine et d'Italie. [2] Celui qui aurait la Macédoine devait, pour compléter les cadres de ses légions, lever trois mille soldats romains, trois cents chevaliers, et parmi les alliés du nom latin cinq mille hommes de pied et cinq cents chevaux. [3] On décréta pour l'autre consul la formation d'une armée toute nouvelle. L. Lentulus, consul de l'année précédente, fut prorogé dans son commandement; il eut ordre de ne point quitter la province et de n'en pas éloigner les vieilles troupes, que le consul n'y fût arrivé avec les nouvelles légions. [4] Les consuls adoptèrent la voie du sort: Aelius eut l'Italie, Quinctius la Macédoine. [5] Parmi les préteurs, L. Cornélius Mérula fut désigné pour Rome, M. Claudius pour la Sicile, M. Porcius pour la Sardaigne, C. Helvius pour la Gaule. [6] Puis on commença les levées; outre les armées consulaires, les préteurs avaient ordre d'enrôler aussi de leur côté. [7] Marcellus devait conduire en Sicile quatre mille fantassins et trois cents cavaliers latins, et Caton en Sardaigne trois mille hommes d'infanterie et deux cents de cavalerie, choisis parmi les mêmes alliés; [8] chacun d'eux, en arrivant dans sa province, devait congédier les vieilles troupes, fantassins et cavaliers. [9] Les ambassadeurs du roi Attale furent ensuite introduits dans le sénat par les consuls. Ils exposèrent que leur maître avait toujours aidé la république de sa flotte et de toutes ses troupes de terre et de mer, qu'il avait exécuté jusqu'à ce jour avec zèle et dévouement tout ce que les consuls lui avaient enjoint; « mais, ajoutèrent-ils, il craignait [10] que le roi Antiochus ne lui permît plus de rendre les mêmes services aux Romains; son royaume se trouvant dégarni de flottes et d'armées avait été envahi par le monarque syrien; [11] aussi conjurait-il les Pères conscrits de lui envoyer des renforts pour protéger ses états, s'ils voulaient s'assurer la coopération de sa flotte dans la guerre de Macédoine; sinon, il demandait la permission de rappeler ses forces de terre, et de mer pour se défendre. » [12] Le sénat fit répondre aux ambassadeurs que, « si le roi Attale avait mis ses armées et sa flotte à la disposition des généraux romains, on lui en savait gré. [13] Mais on ne pouvait envoyer des secours à Attale contre Antiochus, allié et ami du peuple romain, pas plus qu'on ne songeait à retenir les troupes d'Attale, si ses intérêts ne le permettaient point. [14] Rome, en acceptant les secours de ses alliés, leur laissait toujours le droit d'en régler l'usage, et de fixer l'époque où devait commencer et finir le service des auxiliaires qu'ils voulaient bien lui fournir. [15] Seulement une députation irait annoncer au roi Antiochus que les troupes d'Attale devaient seconder les opérations de l'armée romaine contre Philippe, leur ennemi commun; [16] qu'Antiochus ferait une chose agréable au peuple comme au sénat en respectant les états d'Attale et en cessant toute hostilité: car il était convenable que deux rois alliés et amis du peuple romain fussent en paix l'un avec l'autre. » IX. [1] Le consul T. Quinctius, en procédant à ses 223 levées, eut soin d'y comprendre les soldats d'une valeur éprouvée, qui avaient servi en Espagne et en Afrique. Il se disposait ensuite à partir pour son département, lorsque l'annonce de plusieurs prodiges et la nécessité de les expier le retinrent à Rome. [2] La foudre était tombée à Véies sur la voie publique; à Lanuvium, sur le forum et le temple de Jupiter; à Ardée, sur le temple d'Hercule; à Capoue, sur la mer, les tours et le temple qu'on appelle Blanc. [3] Le ciel avait paru tout en feu à Arrétium; à Vélitres, la terre s'était affaissée et un gouffre s'était ouvert sur un espace de trois arpents. On parlait aussi d'un agneau à deux têtes, né dans la ville de Suessa Aurunca, et d'un porc à tête humaine, né à Sinuessa. [4] À l'occasion de ces prodiges, il y eut un jour de supplications. Les consuls satisfirent aux exigences du culte sacré, et lorsqu'on eut apaisé les dieux, ils partirent pour leurs provinces. Aelius se rendit en Gaule avec le préteur Helvius, [5] lui remit l'armée que lui livra L. Lentulus et qu'il devait licencier, et se disposa à combattre avec les légions nouvelles qu'il avait amenées. Aucune action d'éclat ne signala son commandement. [6] Son collègue T. Quinctius partit de Brindes plutôt que ne l'avaient fait ses prédécesseurs et débarqua à Corcyre avec huit mille fantassins et huit cents chevaux. [7] De Corcyre il passa sur une quinquérème en Épire, abordant au point de la côte le plus rapproché, et se rendit en toute hâte au camp romain. [8] Il prit la place de Villius, attendit quelques jours l'arrivée des troupes qu'il avait laissées à Corcyre, puis tint conseil pour savoir s'il marcherait droit à l'ennemi et forcerait son camp, [9] ou si, renonçant à tenter une entreprise si difficile et si périlleuse, il ferait un détour et entrerait en Macédoine par la Dassarétie et le Lyncus. [10] Ce dernier avis l'eût emporté; mais Quinctius craignit de laisser échapper l'ennemi en s'éloignant de la mer, et de perdre l'été sans aucun résultat, si le roi songeait à se réfugier dans les déserts et les bois, comme il l'avait déjà fait. [11] Il se détermina donc, quoi qu'il arrivât, à attaquer les ennemis, malgré l'avantage de leur position. Mais ses idées étaient plus arrêtées sur le projet en lui-même que sur les moyens de l'exécuter. X. [1] Quarante jours s'écoulèrent sans que les Romains atteignissent l'ennemi qui était en leur présence. Cette inaction donna à Philippe l'espoir d'obtenir la paix par l'entremise des Épirotes. [2] Il tint conseil à ce sujet et choisit pour négociateurs le général Pausanias et le commandant de la cavalerie Alexandre. Ces deux officiers ménagèrent une entrevue entre le consul et le roi sur les bords de l'Aoüs, à l'endroit où les rives de ce fleuve sont le plus resserrées. [3] Le consul exigeait que le roi retirât ses garnisons des cités libres; qu'il rendît aux peuples, dont il avait pillé le territoire et les villes, les objets qu'on aurait encore en nature, et que, pour les autres, il en payât la valeur à dire d'experts. [4] Philippe voulait qu'on établit des distinctions entre les cités. « Il s'engageait à délivrer celles qui étaient sa conquête propre; mais il ne pouvait renoncer à la possession héréditaire et légitime de celles que lui avaient laissées ses ancêtres. [5] Pour les états 224 avec lesquels il avait été en guerre et qui avaient à se plaindre de quelques dommages, il offrait une réparation déterminée par tel peuple neutre qu'ils choisiraient. » [6] Le consul répondit « qu'il n'était besoin pour cela ni d'arbitre ni de juge. Pouvait-on douter que tous les torts ne fussent du côté de celui qui avait commencé les hostilités? Philippe n'avait été attaqué par personne, et c'était lui qui, partout, avait été l'agresseur. » [7] Lorsqu'il fut question de désigner les états qui seraient rendus à la liberté, le consul nomma d'abord la Thessalie. Le roi ne put maîtriser son indignation et s'écria: « Quelle condition plus dure m'imposeriez-vous, T. Quinctius, si j'étais vaincu? » Puis il sortit brusquement. [8] La bataille se serait engagée aussitôt à coups de traits, si le fleuve n'eût séparé les deux armées. [9] Mais le lendemain les avant-postes s'attaquèrent: plusieurs escarmouches se livrèrent d'abord dans une plaine dont l'étendue admettait ces sortes d'actions; [10] bientôt les troupes royales s'étant repliées dans des gorges étroites et rocailleuses, les Romains, emportés par l'ardeur du combat, y pénétrèrent aussi. [11] Ils avaient pour eux la tactique, la discipline militaire et les armes qui conviennent dans la lutte corps à corps; l'ennemi avait pour lui l'avantage de la position et le secours des catapultes et des machines établies sur presque tous les rochers comme sur les murs d'une ville. [12] Il y eut de part et d'autre un grand nombre de blessés; on compta même quelques morts, comme dans une action régulière. La nuit mit fin au combat. XI. [1] Dans cet état de choses, un pâtre, envoyé par Charopus, chef des Épirotes, se présenta devant le consul. [2] « Il faisait paître, dit-il, ses troupeaux dans le défilé où était assis le camp du roi; il connaissait toutes les gorges et tous les sentiers des montagnes. [3] Si on voulait lui confier quelques hommes, il les conduirait par un chemin sûr et facile à une hauteur d'où l'on dominait les ennemis. » [4] Instruit de ce fait, le consul envoie demander à Charopus s'il est d'avis que, dans une affaire si grave, il puisse se fier à un pâtre. Il le peut, répond Charopus, mais en ne se livrant point à la merci du pâtre et en restant maître des événements. [5] Quinctius voulait plus qu'il n'osait: l'espérance et la crainte se partageaient son cœur. L'autorité de Charopus fixa ses irrésolutions; il se décida à tenter la chance qu'on lui offrait. [6] Afin d'éloigner tout soupçon de l'ennemi, il ne cessa, les deux jours suivants, de le harceler sur tous les points: ses soldats étaient en ordre de bataille, et des troupes fraîches remplaçaient continuellement celles qui étaient fatiguées. [7] Puis il fit choix de quatre mille hommes de pied et de trois cents chevaux. Le tribun des soldats, qui commandait ce détachement, avait ordre de se porter en avant avec la cavalerie, tant qu'il le pourrait; dès que les chemins seraient impraticables aux chevaux, il devait chercher un terrain uni et les y poster; puis suivre avec l'infanterie, la route indiquée par le guide; [8] et lorsque, suivant la promesse du pâtre, on serait parvenu au-dessus des ennemis, employer la fumée pour signal, et attendre pour pousser le cri du 225 combat que le consul eût répondu et lui eût fait connaître que l'action était engagée. [9] On ne devait marcher que la nuit, il faisait alors clair de lune: le jour on prendrait la nourriture et le repos nécessaire. De brillantes promesses furent faites au guide, s'il tenait parole; cependant il fut remis enchaîné au tribun. [10] Après avoir ainsi congédié le détachement, le consul redoubla d'efforts pour enlever les positions des Macédoniens. XII. [1] Cependant, au bout de trois jours, les Romains avaient gagné la hauteur vers laquelle ils s'étaient dirigés, et ils l'occupaient: ils en avertirent le consul par les signaux convenus. Celui-ci partagea ses troupes en trois corps et s'avança par le milieu de la vallée avec le centre de l'armée; les deux ailes devaient attaquer le camp à droite et à gauche. Les ennemis ne marchèrent pas avec moins de résolution: [2] emportés par une ardeur belliqueuse, ils sortirent de leurs retranchements. Mais bientôt la valeur, la tactique et la supériorité des armes assurèrent l'avantage aux Romains. [3] Aussi les Macédoniens, ayant beaucoup de blessés et de morts, rentrèrent dans leurs positions fortifiées par l'art ou la nature; et tout le danger fut pour les Romains, qui s'étaient avancés témérairement dans des lieux défavorables et des défilés où la retraite n'était pas facile. [4] Leur imprudence ne serait pas restée impunie, si les cris que les soldats du roi entendirent derrière eux et l'attaque qui commença aussitôt n'eussent troublé leurs esprits d'une terreur soudaine. [5] Les uns s'enfuirent en désordre; les autres soutinrent le combat moins par courage que faute d'issues pour s'échapper; et, pressés par l'ennemi en tête et en queue, ils furent bientôt enveloppés. [6] L'armée entière pouvait être anéantie, si les vainqueurs eussent poursuivi les fuyards; [7] mais la cavalerie fut arrêtée par les défilés et la difficulté des lieux, l'infanterie par le poids de ses armes. [8] Le roi s'enfuit d'abord à toute bride sans regarder en arrière: au bout de cinq milles, pensant, avec raison, que l'ennemi n'avait pu le suivre par ces chemins presque impraticables, il fit halte sur une éminence, et envoya des officiers dans toutes les directions pour visiter les collines et les vallées, et rallier les fuyards. [9] Il ne perdit pas plus de deux mille hommes; le reste de l'armée se réunit en un seul corps, comme si on eût marché sous un même étendard, et se dirigea en masse vers la Thessalie. [10] Les Romains, après avoir poursuivi les vaincus, autant qu'ils avaient pu le faire sans danger, massacrant ceux qu'ils atteignaient et les dépouillant ensuite, revinrent piller le camp du roi, où ils n'entrèrent qu'avec peine, bien qu'il ne fût pas défendu; puis ils passèrent la nuit dans leur propre camp. XIII. [1] Le lendemain, le consul continua la poursuite en s'engageant dans l'étroite vallée où le fleuve s'est creusé un lit. [2] Philippe était arrivé le premier jour au camp de Pyrrhus; l'endroit qu'on appelle ainsi est situé dans la Triphylie de Melottis. Le jour suivant, pressé par la crainte, il fit une marche forcée et gagna la chaîne du Lyngon: [3] ce sont des montagnes d'Épire qui s'étendent entre la Macédoine et la Thessalie. Le versant oriental descend vers la Thessalie, le versant septentrional fait 227 face à la Macédoine. Elles sont couvertes de forêts épaisses, mais leurs sommets les plus élevés offrent de vastes plaines et des sources d'eaux vives. [4] Le roi y établit ses quartiers pour quelques jours, ne sachant s'il irait directement s'enfermer dans son royaume, ou s'il essaierait de rentrer en Thessalie. [5] Il se décida enfin à descendre en Thessalie avec son armée, et gagna Tricea par le chemin le plus court; puis il parcourut rapidement les villes qui se trouvaient sur son passage, [6] entraînant avec lui ceux qui étaient en état de le suivre, incendiant les places fortes, laissant aux habitants la liberté d'emporter avec eux tout ce qu'ils pouvaient prendre de leurs effets, et abandonnant le reste au pillage de ses soldats. [7] En un mot tout ce qu'on pouvait éprouver de plus cruel de la part d'un ennemi, Philippe ne l'épargna point à ses alliés. [8] Il souffrait lui-même de se livrer à de pareils excès; mais ce pays allait bientôt appartenir aux Romains, et il voulait au moins ne pas y laisser à leur merci les personnes de ses alliés. [9] Ce fut ainsi qu'il dévasta les places de Phacium, d'Iresiae, d'Euhydrium, d'Érétrie et de Palaepharsalus. II se présenta sous les murs de Phères, qui lui ferma ses portes; comme il fallait du temps pour la forcer, et qu'il était pressé, il renonça à cette entreprise et passa en Macédoine, car on disait que les Étoliens aussi la menaçaient. [10] À la nouvelle du combat livré sur les bords de l'Aoüs, ils avaient d'abord ravagé les terres voisines qui s'étendent aux environs de Sperchiae et du lieu appelé le Long- Bourg; puis entrant en Thessalie, ils emportèrent du premier assaut Cyménè et Angeia. [11] Ils poussèrent jusqu'à Métropolis, en dévastant les campagnes; mais les habitants accoururent pour défendre leurs murailles, et les Étoliens furent repoussés. De là ils allèrent attaquer Callithere, et soutinrent avec plus de fermeté le choc des assiégés, [12] qui avaient fait une sortie, les rejetèrent dans l'enceinte des murs, et se bornant à ce succès, parce qu'ils ne pouvaient espérer de se rendre maîtres de la place, ils se retirèrent, prirent les bourgs de Teuma et de Celathara qu'ils livrèrent au pillage, [13] reçurent la soumission d'Acharrae, [14] et par la terreur de leurs armes forcèrent les habitants de Xyniae à s'enfuir. Cette troupe d'exilés rencontra le détachement qui allait tenir garnison à Thamuacus pour assurer les approvisionnements, et qui massacra impitoyablement cette multitude confuse d'hommes sans armes, entremêlés de femmes et d'enfants. Xynies, qui était déserte, fut livrée au pillage. Puis les Étoliens prirent le château fort de Cyphaera, dont la position avantageuse domine la Dolopie. [15] Tout cela fut l'ouvrage de quelques jours. Amynander et les Athamans ne restèrent pas non plus en repos, lorsqu'ils eurent appris la victoire des Romains. XIV. [1] Mais Amynander, qui n'avait pas une grande confiance dans ses soldats, demanda au consul un léger renfort et marcha sur Gomphi. Sur sa route il emporta d'assaut la place forte de Phaeca, située entre Gomphi et l'étroit défilé qui sépare la Thessalie de l'Athamanie. [2] Ensuite il attaqua Gomphi dont les habitants se défendirent quelques jours avec beaucoup de vigueur; mais quand il eut dressé ses échelles le long des murs, la crainte les contraignit à se rendre. [3] La soumission de cette 227 ville répandit une grande terreur en Thessalie, et l'on vit capituler successivement les garnisons d'Argenta, de Pherinium, de Timarum, de Lyginae, de Stymon, de Lampsum et d'autres places voisines moins connues. [4] Tandis que les Athamans et les Étoliens venaient, sans rien craindre du côté de la Macédoine, recueillir le fruit de la victoire des Romains, et que la Thessalie était ravagée par trois armées à la fois, sans pouvoir distinguer ses ennemis de ses alliés, [5] le consul franchit le défilé que la fuite de Philippe avait ouvert devant lui, et pénétra en Épire. Il savait bien que les Épirotes, à l'exception de Charopus leur chef, n'avaient pas embrassé son parti; [6] mais voyant que le désir de réparer leurs torts les faisait redoubler d'efforts pour exécuter ses ordres, il eut plus égard à leurs dispositions présentes que passées, et la facilité même avec laquelle il leur pardonna lui concilia tous les coeurs pour l'avenir. [7] Il envoya ensuite des dépêches à Corcyre pour que les bâtiments de transport vinssent mouiller dans le golfe d'Ambracie, poursuivit sa marche à petites journées, et alla camper an bout de quatre jours sur le mont Cercétius où il se fit rejoindre par Amynander et ses Athamans; [8] non qu'il eût besoin de son secours, mais il voulait le prendre pour guide en Thessalie. Ce fut dans le même but qu'il reçut au nombre de ses auxiliaires la plupart des Épirotes qui s'offrirent à lui volontairement. XV. [1] La première ville de Thessalie qu'il attaqua fut Phaloria. Elle avait pour garnison deux mille Macédoniens, qui se défendirent avec beaucoup de vigueur, tant qu'ils eurent des armes et que les murailles purent les protéger; [2] mais le consul, persuadé que la soumission du reste de la Thessalie dépendait du succès de cette première entreprise, pressa le siège jour et nuit sans relâche, et ses efforts triomphèrent de la résistance des Macédoniens. [3] Après la prise de Phaloria, il reçut les députés de Metropolis et de Cierium qui envoyaient offrir leur soumission et demander grâce: il leur pardonna, mais il incendia Phaloria et la livra au pillage. [4] Puis il marcha sur Égine; mais voyant que cette place, bien que défendue par une faible garnison, était presque imprenable, il fit lancer seulement quelques traits sur le poste le plus avancé et tourna vers Gomphi. [5] Il descendit dans les plaines de la Thessalie, où bientôt son armée manqua de tout, parce qu'il avait ménagé les terres des Épirotes. Il s'assura donc d'abord si c'était à Leucade ou dans le golfe d'Ambracie que ses bâtiments de transport étaient mouillés; et quand il sut que c'était près d'Ambracie, il envoya tour à tour chaque cohorte pour s'approvisionner. [6] La route qui mène de Gomphi à Ambracie est embarrassée et difficile, mais très courte. [7] Peu de jours suffirent pour transporter les provisions de la mer au camp et y ramener l'abondance. [8] Le consul partit ensuite pour Atrax, qui est à dix milles environ de Larissa: les habitants sont originaires de la Perrhaebia; la ville est située sur les bords du Pénée. [9] Les Thessaliens ne s'effrayèrent pas à l'approche des Romains: si Philippe n'osait pas s'avancer dans leur pays, il avait établi son camp dans la vallée de Tempé, et il envoyait à l'occasion des secours sur tous les points menacés par l'ennemi. XVI. [1] Vers l'époque à peu près où le consul alla 228 prendre pour la première fois position en face de Philippe dans les gorges de l'Épire, [2] son frère L. Quinctius, à qui le sénat avait confié le commandement de la flotte et la défense des côtes, aborda à Corcyre avec deux quinquérèmes; [3] mais apprenant que la flotte était partie, il remit aussitôt à la voile. Arrivé dans l'île de Zamma, il renvoya L. Apustius, dont il était le successeur, [4] et se dirigea vers le cap Malée, mais avec lenteur, obligé souvent de traîner à la remorque les navires chargés des provisions. [5] Il quitta bientôt le cap Malée avec trois quinquérèmes légères, laissant au reste de la flotte l'ordre de le suivre avec toute la diligence possible, et il arriva le premier au Pirée, où il trouva les vaisseaux que le lieutenant L. Apustius y avait laissés pour la défense d'Athènes. [6] Dans le même temps deux flottes partirent d'Asie, l'une de vingt-quatre quinquérèmes avec le roi Attale, l'autre de vingt vaisseaux pontés fournis par les Rhodiens et commandée par Agésimbrote. [7] Elles opérèrent leur jonction à la hauteur d'Andros, et firent voile vers l'Eubée, qui n'est séparée de cette île que par un petit bras de mer. [8] Elles ravagèrent d'abord le territoire de Caryste; mais un renfort envoyé de Chalcis en toute hâte ayant mis la place à l'abri d'une surprise, elles s'approchèrent d'Érétrie. [9] L. Quinctius, apprenant l'arrivée du roi Attale, les rejoignit près de cette ville avec les bâtiments qui étaient dans le Pirée, et laissa pour sa flotte, qui devait arriver dans ce port, l'ordre de cingler vers l'Eubée. [10] Érétrie fut vivement pressée: outre que les navires des trois flottes réunies avaient à bord toutes les machines de guerre et tous les instruments propres à battre une place, les campagnes voisines fournissaient assez de matériaux pour construire de nouveaux ouvrages. [11] Les assiégés se défendirent d'abord avec courage; enfin, épuisés de fatigues, couverts de blessures et voyant une partie de leurs murs renversés par les travaux de l'ennemi, ils songèrent à se rendre. [12] Mais il y avait dans la ville une garnison macédonienne qu'ils redoutaient autant que les Romains. Philoclès, lieutenant de Philippe, leur faisait savoir de Chalcis qu'il arriverait à propos à leur secours, s'ils prolongeaient le siège. [13] Cette alternative de craintes et d'espérances les obligea de chercher à gagner plus de temps qu'ils n'auraient voulu et qu'ils ne le pouvaient; [14] mais quand ils apprirent que Philoclès avait été repoussé et qu'il était rentré en désordre à Chalcis, ils envoyèrent implorer la pitié et la protection d'Attale. [15] L'attente de la paix leur fit négliger le soin de la défense: ils se contentèrent d'établir des postes à l'endroit où la brèche était ouverte et ne s'occupèrent point du reste des remparts. Quinctius dirigea donc pendant la nuit une attaque du côté qui était le moins surveillé, et entra dans la place par escalade. [16] Tous les habitants se réfugièrent en foule dans la citadelle avec leurs femmes et leurs enfants, et bientôt ils capitulèrent. On ne trouva que peu d'or et d'argent; [17] mais le nombre des statues, des tableaux peints par d'anciens maîtres et des chefs-d'oeuvre de toute espèce fut très considérable pour une ville de cette étendue et de cette importance. XVII. [1] On retourna ensuite vers Caryste; mais les habitants n'attendirent pas que les troupes 229 fussent débarquées; ils abandonnèrent la ville et se réfugièrent en foule dans la citadelle. [2] De là ils envoyèrent implorer la merci des Romains. On accorda sur-le-champ la vie et la liberté aux Carystiens; quant aux Macédoniens, on exigea, pour les laisser partir, une somme de trois cents pièces d'or par tête et la remise de leurs armes. [3] Ils payèrent cette rançon, furent désarmés et transportés en Béotie. La flotte, qui venait de prendre en si peu de jours deux villes importantes de l'Eubée, doubla le cap Sunium en Attique, et aborda au port de Cenchrées, l'un des entrepôts de Corinthe. [4] Cependant le consul voyait le siège d'Atrax traîner en longueur et devenir plus meurtrier qu'on ne le pensait: c'est au moment où il s'y était le moins attendu qu'il rencontrait le plus de résistance. [5] Il avait cru en effet que toute la difficulté serait d'abattre le mur, et qu'une fois la brèche ouverte aux soldats, on n'aurait plus qu'à poursuivre et à massacrer des fuyards, comme il arrive ordinairement dans les villes prises d'assaut; [6] mais lorsque les béliers eurent abattu un pan de murailles et que les Romains furent entrés dans la ville par la brèche même, il leur fallut commencer pour ainsi dire, un nouveau travail, comme s'ils n'eussent rien fait. [7] Les Macédoniens qui formaient la garnison étaient nombreux et tous gens d'élite. Persuadués qu'il serait très glorieux pour eux de défendre la ville par leurs bras et leur valeur, plutôt qu'à l'abri des murailles, [8] ils se réunirent en masse, formèrent sur plusieurs rangs de profondeur un bataillon impénétrable, et lorsqu'ils virent que les Romains avaient franchi la brèche, ils les attaquèrent au milieu des décombres où la retraite était difficile et les repoussèrent. [9] Le consul fut vivement irrité. Cet affront pouvait non seulement retarder la prise d'une seule ville, mais influer sur l'issue de la guerre, qui dépendait souvent des circonstances les plus légères. [10] Il fit donc déblayer la place, qui était embarrassée des décombres de la muraille, et avancer une tour très élevée, à plusieurs étages, renfermant un grand nombre de soldats, [11] puis il envoya ses cohortes l'une après l'autre contre la phalange macédonienne pour l'enfoncer, s'il était possible; [12] mais l'ouverture étroite que présentait la brèche faite au mur était favorable au genre d'armes et à la tactique de l'ennemi. [13] Ses rangs serrés étaient hérissés d'une forêt de longues sarisses, et la masse compacte de ses boucliers formait comme une tortue contre laquelle les Romains lancèrent en vain leurs petits javelots. Ils tirèrent ensuite l'épée, [14] mais ils ne pouvaient approcher des Macédoniens et couper leurs sarisses; s'ils venaient à bout d'en couper ou d'en briser quelques-unes, ces tronçons aigus s'arrêtaient au milieu des fers de celles qui restaient entières et comblaient pour ainsi dire les vides. [15] Puis la partie du mur qui n'était pas renversée couvrait à droite et à gauche les flancs des Macédoniens, et ils n'avaient pas un long espace à parcourir pour se replier ou pour charger, mouvements qui mettent presque toujours le désordre dans les rangs. [16] Une circonstance fortuite vint encore ranimer leur courage. Tandis qu'on faisait avancer la tour sur la plate-forme, dont le sol n'était pas bien affermi, [17] une des roues s'enfonça dans une ornière profonde, et fit pencher la tour au point que l'ennemi crut qu'elle al- 230 lait tomber, et que les Romains qui étaient montés éprouvèrent un moment de vertige. XVIII. [1] Le consul voyait tous ses efforts inutiles, et ce ne fut pas sans un vif déplaisir qu'il entendit faire une comparaison défavorable à ses soldats et à leurs armes. [2] Il ne voyait d'ailleurs aucune espérance prochaine de réduire la place, aucun moyen d'hiverner loin de la mer, dans un pays ruiné par les maux de la guerre. [3] Il renonça donc au siège, et comme toute la côte de l'Acarnanie et de l'Étolie ne lui offrait point de port assez spacieux pour recevoir en même temps tous les bâtiments de transport chargés des provisions de l'armée, et fournir des quartiers d'hiver à ses légions, [4] il alla s'établir dans Anticyre, ville de Phocide, sur le golfe corinthien, dont la situation lui parut la plus conforme à ses vues, [5] et qui, sans trop l'éloigner de la Thessalie et des postes ennemis, avait en face le Péloponnèse, qui n'en était séparé que par un petit bras de mer, par derrière l'Étolie et l'Acarnanie, à droite et à gauche, la Locride et la Béotie. [6] En Phocide il emporta d'emblée, sans combat, la ville de Phanotea. Le siège d'Anticyre ne l'arrêta pas longtemps. Il reprit ensuite Ambrysus et Hyampolis. [7] Daulis, située sur une éminence très élevée, n'avait rien à craindre d'une escalade ou d'un siège régulier. [8] À force de harceler la garnison à coups de traits, les Romains l'attirèrent hors des murs; puis fuyant ou revenant à la charge tour à tour, et engageant des escarmouches sans résultat, ils leur inspirèrent un tel mépris et une telle sécurité, qu'un jour enfin ils les repoussèrent jusqu'aux portes, et se précipitèrent pêle-mêle avec eux dans la ville: [9] six autres places moins connues de la Phocide capitulèrent plutôt par frayeur que par la puissance des armes romaines. Elatia ferma ses portes, et la force seule semblait devoir la contraindre à recevoir dans ses murs le général romain et ses légions. XIX. [1] Le consul avait formé le siège d'Elatia, lorsqu'il vit briller l'espoir d'une conquête plus importante: c'était celle de la ligue Achéenne, qu'il fallait détacher de l'alliance de Philippe et faire entrer dans le parti de Rome. [2] Cycliadas, chef de la faction qui tenait pour le roi de Macédoine, venait d'être chassé. Le nouveau préteur était Aristaenus, qui conseillait de se joindre aux Romains. [3] La flotte romaine était mouillée à Cenchrées avec Attale et les Rhodiens, et tous de concert se disposaient à faire le siège de Corinthe. [4] Le consul jugea qu'avant de se jeter dans cette entreprise, il serait bon d'envoyer une ambassade aux Achéens pour leur promettre, s'ils passaient de Philippe aux Romains, qu'on ferait entrer Corinthe dans la ligue Achéenne. [5] D'après son conseil, les députés devaient parler au nom de son frère L. Quinctius, d'Attale, des Rhodiens et des Athéniens. Ce fut à Sicyone qu'on leur donna audience. [6] Il n'y avait pas unité de vues parmi les Achéens. Ils craignaient le tyran de Lacédémone, dont les hostilités continuelles causaient chez eux de grands dommages; ils avaient peur de la puissance romaine; [7] ils étaient attachés aux Macédoniens par des bienfaits anciens et récents; mais le roi leur était suspect; ils connais- 231 saient trop sa cruauté et sa perfidie [8] pour le juger d'après la conduite qu'il avait alors adoptée par circonstance, et ils prévoyaient bien qu'après la guerre ils trouveraient en lui un maître plus impérieux que jamais. [9] Non seulement on manquait de vues arrêtées, soit dans les sénats particuliers, soit dans l'assemblée générale de la nation; [10] mais chaque citoyen même, après y avoir réfléchi, n'était pas bien sûr de ce qu'il voulait, de ce qu'il souhaitait. Ce fut au milieu de ces irrésolutions qu'ils donnèrent audience aux ambassadeurs et leur accordèrent la parole. [11] L'envoyé romain L. Calpurnius fut entendu le premier; après lui les députés du roi Attale, puis ceux des Rhodiens. [12] Les ambassadeurs de Philippe parlèrent ensuite. On entendit en dernier lieu les Athéniens, qui se chargèrent de réfuter les assertions des Macédoniens. Ils se livrèrent aux plus violentes invectives contre le roi; car aucun peuple n'en avait souffert de plus nombreux ni de plus sanglants outrages. [13] L'assemblée se sépara vers le coucher du soleil; les discours successifs de tous ces députés avaient employé la journée entière. XX. [1] Le lendemain il y eut une nouvelle réunion: suivant l'usage établi chez les Grecs, le héraut invita au nom des magistrats ceux qui voudraient ouvrir un avis à prendre la parole; mais personne ne se présenta; les Achéens se regardaient les uns les autres, et un profond silence régna longtemps dans l'assemblée. [2] Cela n'avait rien d'étonnant. Si le choc de tant d'intérêts divers avait dû naturellement plonger les esprits dans une sorte de torpeur, tous ces discours consacrés pendant un jour entier à développer et à mettre en évidence les difficultés qu'on rencontrait de toutes parts n'avaient pu qu'augmenter l'embarras. [3] Enfin le préteur de la ligue, Aristaenus, voulant empêcher qu'on se séparât sans avoir rien dit, s'écria: « Achéens, qu'est devenue cette chaleur qui vous animait au milieu des festins et dans les réunions, lorsqu'on venait à parler de Philippe et des Romains, et que vous vous portiez presque à des voies de fait? [4] Aujourd'hui, que vous êtes assemblés expressément pour cet objet, que vous avez entendu les députés des deux partis, que vos magistrats vous demandent une décision, que le héraut vous invite à parler, vous restez muets. [5] Si le salut commun ne vous touche point, l'intérêt particulier, qui fait pencher chacun de vous pour Philippe ou pour les Romains, ne peut-il vous arracher une parole? [6] Certes, il n'est ici personne qui soit assez absurde pour ignorer que le moment de se prononcer et d'ouvrir l'avis qu'on préfère ou qu'on juge le meilleur, est celui où rien n'est encore arrêté. Lorsqu'une fois on aura pris une résolution, il faudra que tout le monde, même ceux qui l'auront désapprouvée, la défende comme un pacte utile et salutaire. » [7] Cette allocution du préteur ne fit aucun effet: non seulement personne ne prit la parole, mais on n'entendit pas même le plus léger frémissement, le plus faible murmure dans une assemblée si nombreuse, composée de tant de peuples divers. XXI. [1] Chefs de la ligue Achéenne, reprit alors Aristaenus, vous n'avez assurément pas perdu ni le sens ni la parole; mais aucun de vous ne veut, à ses risques et périls, proposer une mesure d'intérêt 232 public. Et moi aussi je garderais peut-être le silence, si j'étais un homme privé; comme préteur, je pense, ou qu'il aurait fallu ne pas donner audience aux ambassadeurs, ou qu'on ne peut les congédier sans réponse. [2] Mais cette réponse, comment puis-je la faire sans un décret émané de vous? Tous appelés à cette assemblée, personne ne veut ou n'ose ouvrir un avis quelconque; eh bien! consultons les discours prononcés hier par les députés; [3] pour nous former une opinion, supposons qu'ils n'ont point demandé ce qui était dans leurs intérêts, mais qu'ils nous conseillaient ce qu'ils jugeaient utile à notre cause. [4] Les Romains, les Rhodiens et Attale sollicitent notre alliance et notre amitié, et ils voudraient que, dans la guerre soutenue par eux contre Philippe, nous devinssions leurs auxiliaires. [5] Philippe nous rappelle l'alliance que nous avons faite avec lui et nos serments; tantôt il exige que nous nous rangions sous ses drapeaux; tantôt il se déclare content, si nous restons neutres. [6] Personne n'a-t-il deviné pourquoi ceux qui ne sont pas encore nos alliés sont plus exigeants que notre allié même? Il ne faut attribuer cette différence ni à la modération de Philippe, ni à l'insolence des Romains: [7] ce sont les ports de l'Achaïe qui enhardissent les uns dans leurs demandes, et diminuent la confiance de l'autre. De Philippe nous ne voyons que l'ambassadeur; mais les Romains ont leur flotte mouillée à Cenchrées, étalant avec orgueil les dépouilles des villes de l'Eubée, et nous apercevons le consul au-delà du détroit qui nous sépare de lui, courant sans obstacle avec ses légions la Phocide et la Locride. [8] Et vous vous étonneriez de l'embarras qu'éprouve Cléomédon, l'envoyé de Philippe, pour nous engager à prendre les armes contre les Romains en faveur du roi? [9] Mais si, en vertu de ce même traité et de ces serments, dont il nous a rappelé la sainteté, nous lui demandions que son maître nous protégeât également contre Nabis et les Lacédémoniens, et contre les Romains, loin de nous envoyer un secours pour nous sauver, il ne saurait même que nous répondre. [10] Non, il ne serait pas de meilleure foi que Philippe lui-même ne l'a été l'année dernière. Quand il promit de faire la guerre à Nabis, n'était-ce pas pour attirer notre jeunesse sous ses drapeaux et l'emmener en Eubée? [11] mais voyant que nous lui refusions cet appui et que nous ne voulions pas nous engager dans sa querelle avec les Romains, il ne s'est pas inquiété de cette alliance qu'il fait valoir aujourd'hui, et il a laissé ravager et dévaster nos terres par Nabis et les Lacédémoniens. [12] Je dois l'avouer, le discours de Cléomédon m'a paru peu conséquent dans ses différentes parties. Il cherchait à diminuer l'importance de la guerre que les Romains faisaient à Philippe, et il assurait qu'elle aurait le même résultat que la précédente. [13] Pourquoi donc Philippe réclame-t-il de loin notre secours, plutôt que de venir en personne défendre d'anciens alliés contre Nabis et contre les Romains tout à la fois? Que dis-je d'anciens alliés? n'a-t-il pas laissé prendre Érétrie et Carystus, et toutes les villes de la Thessalie? et la Locride et la Phocide? [14] Aujourd'hui même ne voit-il pas avec indifférence le siège d'Elatia? Pourquoi a-t-il quitté les 233 gorges de l'Épire et cette position inexpugnable sur les bords de l'Aoüs, qui fermait l'entrée de ses états? Devait-il, par force, par crainte ou volontairement abandonner le défilé qu'il occupait, et se retirer au fond de la Macédoine? [15] Si c'est volontairement qu'il a livré tant d'alliés aux dévastations de l'ennemi, peut-il trouver mauvais que ses alliés songent aussi à leurs intérêts? Mais si c'est par crainte, il doit aussi excuser nos terreurs. S'il n'a reculé que par suite d'une défaite, comment nous autres Achéens résisterions-nous aux armes romaines, dites, Cléomédon, quand vous, Macédoniens, n'y avez pu résister? [16] Faut- il croire, comme vous le dites, que les Romains ne déploient pas plus de troupes et plus d'énergie dans cette guerre que dans la précédente, quand nos yeux nous disent le contraire? [17] Précédemment, ils n'ont fait qu'aider les Étoliens de leur flotte; ils n'avaient pas à leur tête un consul, ils n'avaient point envoyé une armée consulaire; les alliés de Philippe tremblaient pour leurs villes maritimes et l'alarme régnait sur les côtes; mais à l'intérieur on redoutait si peu les armes romaines, que Philippe put dévaster l'Étolie, qui implorait en vain les secours de Rome. [18] Aujourd'hui que les Romains sont débarrassés de la guerre punique, qui durant seize années déchira, pour ainsi dire, les entrailles de l'Italie, ce n'est pas un renfort qu'ils ont envoyé pour seconder les opérations militaires des Étoliens; ils se sont chargés eux- mêmes de conduire la guerre et ont attaqué la Macédoine par terre et par mer à la fois: [19] voilà déjà le troisième consul qui presse Philippe avec acharnement. Sulpicius lui a livré bataille au sein même de la Macédoine, l'a battu et mis en fuite; puis il a ravagé la plus riche partie de son royaume. [20] Aujourd'hui Quinctius l'a forcé dans les gorges de l'Épire, malgré les difficultés du terrain, les fortifications que le roi y avait élevées et le grand nombre de ses troupes; il l'a chassé de son camp, l'a poursuivi dans sa fuite jusqu'en Thessalie, et s'est rendu maître, presque sous ses yeux, de ses garnisons et des villes de son parti. [21] Mais supposons qu'il n'y ait rien de vrai dans les reproches de cruauté, d'avarice et de débauche que les députés athéniens ont adressés naguère au roi; ne nous occupons pas des sacrilèges commis en Attique contre les dieux du ciel et des enfers; [22] laissons là les souffrances de Cios et d'Abydos, dont les habitants sont loin de nous. [23] Oublions, si vous le voulez, nos propres malheurs, les massacres et les pillages exercés à Messène au sein même du Péloponnèse; la mort de Caritelès, notre hôte de Cyparissia, égorgé dans un festin au mépris des droits et de la justice; l'assassinat des deux Aratus de Sicyone, le père et le fils, et surtout du premier, de cet infortuné vieillard que Philippe se plaisait à nommer son père; [24] enfin l'enlèvement de l'épouse du jeune Aratus, qu'il fit transporter en Macédoine pour assouvir sa passion. Oublions encore le déshonneur de tant de jeunes filles, de tant de mères; [25] admettons que nous n'avons pas affaire à Philippe, dont la cruauté vous épouvante au point de vous rendre tous muets: car je ne puis expliquer autrement votre silence lorsque vous êtes assemblés pour délibérer. Supposons que c'est avec Antigone, le plus doux et le plus juste des rois, et celui qui 234 nous a rendu à tous le plus de services, que nous sommes en contestation; [26] eh! bien, nous demanderait-il ce qu'il serait impossible de faire? Le Péloponnèse est une presqu'île, rattachée au continent par un isthme étroit; la guerre la plus facile à faire contre ce pays, celle à laquelle il est le plus exposé, c'est la guerre maritime. [27] S'il arrive que cent vaisseaux pontés, cinquante bâtiments légers, et non couverts et trente bateaux isséens se mettent à ravager les côtes, et à former le siège des villes situées presque sur le rivage, chercherons-nous un asile dans l'intérieur, comme si le feu de la guerre n'allait pas pénétrer à l'intérieur, et n'embrasait pas le cœur même du pays? [28] Lorsque Nabis et les Lacédémoniens nous presseront du côté de la terre, et la flotte romaine du côté de la mer, comment pourrons-nous implorer la protection du roi et l'appui des Macédoniens? Réduits à nos propres forces, défendrons-nous contre les Romains les villes qui seront assiégées? Nous avons si bien défendu Dymae dans la guerre précédente! [29] Les désastres des autres peuples nous fournissent assez de leçons; ne cherchons pas à servir aussi de leçon aux autres. [30] N'allez pas, parce que les Romains viennent eux-mêmes demander votre amitié, dédaigner une alliance que vous deviez tant souhaiter et rechercher avec tant d'empressement. [31] C'est peut- être, dira-t-on, la crainte qu'ils éprouvent sur une terre étrangère, et le désir de se cacher à l'ombre de votre protection tutélaire, qui les force à se ménager un abri dans votre amitié, afin d'être admis dans vos ports et de s'assurer des provisions? [32] Eh quoi! ne sont-ils pas maîtres de la mer? Et ne leur suffit- il pas d'aborder un pays pour le soumettre aussitôt à leur puissance? Ce qu'ils vous demandent, ils peuvent vous l'imposer par la force; c'est parce qu'ils veulent vous épargner, qu'ils ne permettent pas que vous vous exposiez à une perte certaine. [33] Cette neutralité, que Cléomédon vous représentait naguère comme un moyen terme et comme la mesure la plus sage que vous puissiez prendre, ce n'est pas un moyen terme, c'est une chose impossible. [34] Il nous faut, en effet, ou accepter, ou rejeter l'alliance des Romains; et d'ailleurs que deviendrons-nous, lorsque nous n'avons d'amis sûrs nulle part, ayant attendu les événements pour prendre conseil de la fortune? Nous ne pourrons qu'être la proie du vainqueur. [35] N'allez pas, je vous le répète, dédaigner, parce qu'on vous l'offre, une alliance que vous deviez appeler de tous vos vœux; si vous avez aujourd'hui le choix entre ces deux alternatives, vous ne l'aurez pas toujours, et vous ne retrouverez pas souvent, vous ne trouverez bientôt plus une aussi belle occasion. [36] Il y a longtemps déjà que vous désirez vous séparer de Philippe, mais vous ne l'osez pas: eh bien! sans qu'il vous en coûte ni fatigue ni péril, voici des libérateurs qui ont passé la mer pour vous avec des flottes et des armées considérables. [37] Rejeter leur alliance, c'est faire acte de folie; mais il faut les avoir pour amis ou pour ennemis: choisissez. » XXII. [1] Ce discours du préteur fut suivi d'un long murmure: les uns l'approuvaient, les autres s'emportaient sans ménagement contre ces approbations. [2] Bientôt ce ne fut plus une alterca- 235 tion d'homme à homme, mais de peuple à peuple. Les magistrats mêmes de la ligue, qu'on appelle damiurges et qui sont au nombre de dix, se livraient à de vifs débats entre eux à l'exemple de la multitude; [3] cinq déclaraient qu'ils allaient proposer une alliance avec les Romains et recueillir les suffrages; les cinq autres invoquaient contre leurs collègues les termes de la loi qui défendaient aux magistrats de présenter, et à l'assemblée générale d'adopter, aucune proposition qui fût contraire au traité fait avec Philippe. La journée se passa encore tout entière en contestations: [4] l'assemblée n'avait plus pour se décider qu'un seul jour suivant la loi, laquelle exigeait que tout décret fût rendu le troisième jour. L'animosité fut si vive que les pères portèrent presque les mains sur leurs enfants. [5] Un certain Pisias, de Pellène, avait pour fils un damiurge, nommé Memnon, l'un de ceux qui s'opposaient à ce qu'on lût le décret et à ce qu'on recueillît les suffrages. [6] Il le conjura longtemps de laisser aux Achéens la liberté de pourvoir à leur salut, l'engageant à renoncer à une opposition qui devait perdre toute sa nation. [7] Comme ses prières ne produisaient aucun effet, il fit serment de le traiter, non plus comme un fils, mais comme un ennemi, et de le poignarder de sa propre main: [8] cette menace décida enfin le magistrat à se joindre le lendemain aux partisans de la délibération. Ils se trouvèrent alors les plus nombreux, et firent leur proposition. L'assemblée presque tout entière semblait disposée à y donner son assentiment, et il était facile de prévoir quel serait le résultat, [9] lorsque ceux de Dymae et de Mégalopolis, ainsi que quelques Argiens se levèrent avant que le décret fût rendu, et quittèrent l'assemblée sans que leur départ excitât la moindre surprise, ni le moindre murmure de désapprobation. [10] Les Mégalopolitains, chassés jadis de leur patrie par les Lacédémoniens, y avaient été rétablis par Antigone; quant aux Dyméens, naguère, après la prise et le pillage de leur ville par l'armée romaine, Philippe les avait fait racheter partout où l'esclavage les avait dispersés, et leur avait rendu tout à la fois leur liberté et leur patrie. [11] Enfin les Argiens croyaient que les rois de Macédoine étaient originaires de leur pays, et d'ailleurs la plupart d'entre eux étaient personnellement unis à Philippe par les liens de l'hospitalité ou par ceux d'une étroite familiarité. [12] Tels furent les motifs qui les décidèrent à sortir d'une assemblée qui était disposée à faire alliance avec Rome; et leur retraite parut justifiée par les obligations signalées et toutes récentes qu'ils avaient aux rois de Macédoine. XXIII. [1] Les autres peuples de la ligue achéenne, appelés à donner leurs suffrages, confirmèrent sur-le-champ par un décret l'alliance avec Attale et les Rhodiens; [2] le traité avec les Romains, ne pouvant être ratifié sans un plébiscite, fut ajourné à l'époque où l'on pourrait envoyer des ambassadeurs à Rome. [3] Pour le moment, on résolut que trois députés se rendraient auprès de L.Quinctius et que toute l'armée de la ligue marcherait sur Corinthe. Le général romain avait pris Cenchrées et assiégeait déjà la ville même. [4] Les Achéens établirent leur camp en face de la porte qui conduit à Sicyone; les Romains pressaient la place du côté de Cenchrées, et Attale, qui avait fait passer 236 l'isthme à ses troupes, dirigeait ses attaques du côté du port de Lechaeum, situé sur l'autre mer. On déploya d'abord peu de vigueur; on espérait qu'une sédition éclaterait à l'intérieur entre les habitants et la garnison du roi. [5] Mais ils étaient tous animés d'un même esprit; les Macédoniens défendaient la ville comme leur commune patrie, et les Corinthiens obéissaient au commandant de la garnison, Androsthénès, comme ils eussent obéi â un de leurs concitoyens investi par leurs suffrages d'une autorité légitime. Les assiégeants virent donc qu'ils n'avaient plus d'espoir que dans la force de leurs armes et l'activité de leurs travaux. [6] Ils élevèrent sur plusieurs points des terrasses pour rendre l'accès des remparts plus facile; [7] bientôt le bélier eut ouvert une brèche du côté où les Romains battaient la muraille. Ce point se trouvait aussi sans défense. Les Macédoniens accoururent pour le protéger de leurs armes, et engagèrent avec les Romains une lutte acharnée. [8] La supériorité du nombre leur permit d'abord de repousser sans peine l'ennemi; mais les Romains, s'étant fortifiés du secours des Achéens et d'Attale, rétablirent le combat, et ils auraient, sans aucun doute, débusqué facilement de leurs positions les Macédoniens et les Grecs, [9] s'ils n'eussent été arrêtés par les transfuges italiens, qui étaient en grand nombre dans la place. Les uns étaient passés de l'armée d'Hannibal dans les rangs des Macédoniens, parce qu'ils redoutaient la vengeance des Romains; les autres étaient des soldats de marine, qui avaient naguère abandonné leurs vaisseaux pour accepter un service dont ils espéraient plus d'honneur. Tous savaient qu'ils n'avaient point de salut à attendre si les Romains étaient vainqueurs, et cette pensée leur inspirait plutôt de la rage que de l'audace. [10] Vis-à-vis de Sicyone est un promontoire consacré à Junon Acréenne; il s'avance assez loin dans la mer, et n'est séparé de Corinthe que par un trajet de sept mille pas environ. [11] Philoclès, l'un des lieutenants de Philippe, y conduisit quinze cents soldats par la Béotie. Il y trouva des barques venues de Corinthe pour recevoir ce renfort et le transporter à Lechaeum. [12] Attale conseilla alors de brûler les ouvrages qu'on avait élevés et de renoncer aussitôt au siège. Quinctius n'en montra, au contraire, que plus de fermeté et de persévérance. Mais quand il vit les renforts du roi établis en avant de toutes les portes, et la difficulté qu'on aurait à soutenir les sorties des assiégés, il adopta l'avis d'Attale. [13] Ainsi manqua l'entreprise. On congédia les Achéens et l'on se remit en mer: Attale fit voile vers le Pirée, les Romains vers Corcyre. XXIV. [1] Tandis que ces opérations occupaient l'armée navale, le consul, qui était en Phocide et campait devant Elatia, eut des pourparlers avec les principaux de la ville pour les engager à se soumettre. [2] Ceux-ci lui répondirent qu'ils ne pouvaient rien et que la garnison royale était plus nombreuse et plus forte que les habitants. Il fit alors commencer les travaux de siège sur tous les points et donner un assaut général. [3] Aux premiers coups de bélier toute la partie du mur qui s'étendait entre deux tours s'écroula avec un fracas épouvantable et laissa la place à découvert. Aussitôt une cohorte romaine s'élança par la brèche 237 qui venait d'être pratiquée. [4] De leur côté les assiégés, abandonnant leurs postes, accoururent de tous les points de la ville vers l'endroit que menaçait l'ennemi. [5] Mais pendant qu'une partie des Romains franchissait les ruines du mur, les autres dressaient des échelles contre les remparts qui étaient encore debout, et, profitant de ce que l'attention des ennemis était concentrée tout entière sur une seule attaque, ils escaladèrent le mur en plusieurs endroits et descendirent dans la ville l'épée à la main. [6] À la nouvelle de cette surprise, les assiégés s'effrayèrent, quittèrent le poste où ils s'étaient réunis en masse, et s'enfuirent en désordre vers la citadelle, suivis d'une multitude sans armes. Le consul, resté ainsi maître d'Elatia, [7] la livra au pillage; puis il envoya offrir aux Macédoniens la vie sauve, s'ils voulaient se retirer en livrant leurs armes, et aux habitants la liberté. Sa parole suffit, et peu de jours après il prit possession de la citadelle. XXV. [1] Cependant l'arrivée de Philoclès, lieutenant du roi en Achaïe, n'avait pas seulement fait lever le siège de Corinthe; elle avait engagé quelques-uns des principaux Argiens à lui livrer leur ville, après avoir sondé les dispositions du peuple. [2] C'était l'usage à Argos que, le jour des comices, les magistrats proclamassent d'abord, à titre d'heureux présage, les noms de Jupiter, d'Apollon et d'Hercule; et, depuis, une loi avait ordonné d'ajouter à ces noms celui de Philippe. [3] Mais, lorsque la ville eut fait alliance avec les Romains, le héraut crut devoir omettre le nom du roi. Des murmures éclatèrent alors dans l'assemblée; [4] bientôt mille voix répétèrent ce nom, et réclamèrent pour le prince l'honneur que la loi lui avait accordé. Philippe fut enfin nommé au milieu d'applaudissements unanimes. [5] Ce fut sur la foi de cet enthousiasme que les principaux Argiens mandèrent Philoclès. Ce lieutenant arriva la nuit, s'empara d'une hauteur nommée le fort de Larissa, qui domine la ville, et y mit garnison. Dès le point du jour il descendait, enseignes déployées, vers le Forum, situé au bas de l'éminence, lorsqu'il vit un corps ennemi qui marchait à sa rencontre. [6] C'était la garnison achéenne, récemment établie à Argos; elle se composait d'environ cinq cents jeunes gens, l'élite de toutes les cités de la ligue, commandés par Aenesidemus, de Dymè. [7] Philoclès leur envoya l'ordre de sortir de la ville. Incapables de résister aux Argiens seuls, qui avaient embrassé le parti des Macédoniens, ils pourraient encore moins, leur disait-il, tenir tête aux Argiens et aux Macédoniens réunis, puisque les Romains eux-mêmes avaient reculé devant ces derniers à Corinthe. Ces représentations ne firent d'abord aucun effet ni sur les chefs ni sur les soldats. [8] La vue même des Argiens, qui arrivaient en grand nombre et les armes à la main du côté opposé, la certitude de succomber ne les eût pas empêchés de braver tous les hasards, si leur commandant eût partagé leur résolution. [9] Mais Aenesidemus ne voulut pas perdre, en même temps que la ville, cette élite de la jeunesse achéenne. Il traita avec Philoclès, obtint que ses soldats pourraient se retirer, et resta lui-même sous les armes avec quelques amis dévoués au poste où il s'était arrêté. [10] Philoclès lui envoya demander alors quelles étaient ses intentions. Pour toute réponse l'Achéen se cou- 238 vrit d'abord de son bouclier et se tint immobile; puis il s'écria « qu'il mourrait les armes à la main dans la place où il avait été chargé de tenir garnison. » Aussitôt les Traces reçurent ordre de l'attaquer à coups de traits, et il périt avec tous les siens. [11] Ainsi, malgré l'alliance conclue entre les Achéens et les Romains, deux des villes les plus considérables de la ligue, Argos et Corinthe, tombèrent au pouvoir du roi de Macédoine. [12] Telles furent les opérations des Romains eu Grèce sur terre et sur mer pendant cette campagne. XXVI. [1] En Gaule, le consul Sex. Aelius ne fit rien d'important. [2] Il avait cependant deux armées à sa disposition; l'une, qu'il avait gardée quoiqu'il eût ordre de la licencier; c'était celle du proconsul L. Cornélius, dont il avait confié le commandement au préteur C. Kelvins; l'autre, qu'il avait amenée avec lui dans la province. [3] Il passa presque toute l'année à faire rentrer dans leurs colonies les habitants de Crémone et de Plaisance, que les malheurs de la guerre avaient dispersés. [4] Mais si, contre toute attente, la Gaule fut tranquille cette année, une révolte d'esclaves faillit éclater dans les environs de Rome. [5] Les otages des Carthaginois étaient gardés à Sétia; comme fils des principaux citoyens, ils avaient avec eux une foule considérable d'esclaves. [6] Le nombre en fut augmenté, à la suite de la dernière guerre d'Afrique, de quelques prisonniers carthaginois provenant du butin que plusieurs habitants de Sétia même avaient achetés. [7] Ces misérables formèrent un complot, et détachèrent des émissaires pour soulever les esclaves dans le territoire de Sétia, et dans les environs de Norba et de Circéi. Après avoir pris toutes leurs mesures, ils résolurent de profiter des jeux qu'on allait célébrer prochainement à Sétia, pour attaquer le peuple occupé tout entier au spectacle: [8] lorsqu'à la faveur du désordre et d'un massacre ils seraient maîtres de Sétia, ils devaient surprendre Norba et Circéi. Cet infâme projet fut dénoncé, à Rome, au préteur urbain L. Cornélius Mérula. [9] Deux esclaves se présentèrent chez lui avant le jour, et lui racontèrent avec détail tout ce qui avait été fait et tout ce qu'on devait faire. [10] Le préteur les garda chez lui, convoqua le sénat, lui communiqua ce qu'il venait d'apprendre, et reçut l'ordre de partir pour rechercher les coupables et étouffer cette conspiration. [11] Il prit avec lui cinq lieutenants, et, faisant prêter le serment militaire à tous ceux qu'il rencontrait sur sa route, ils les contraignit à prendre les armes et à le suivre. [12] Il rassembla ainsi à la hâte deux mille hommes environ et se rendit à Sétia, sans que personne sût où il allait. [13] Dès son arrivée il fit saisir les chefs du complot; et, comme les esclaves s'étaient enfuis de la ville, il envoya dans les champs à leur poursuite. [14] La république fut redevable de cet important service à deux esclaves et à un citoyen libre. Ce dernier reçut, par ordre du sénat, à titre de récompense, une somme de cent mille as; chaque esclave eut vingt-cinq mille as et la liberté; le trésor public indemnisa leurs maîtres. [15] Peu après on fut informé qu'un reste de cette conspiration menaçait Préneste. [16] Le préteur L. Cornélius s'y rendit et fit exécuter envi- 239 ron cinq cents esclaves reconnus coupables. On craignit à Rome que ces mouvements ne fussent excités par les otages et les prisonniers carthaginois. [17] On établit donc des postes dans les divers quartiers, on enjoignit aux magistrats inférieurs de les visiter, et aux triumvirs de la prison d'exercer une surveillance très active sur les lautumies; [18] enfin on fit écrire par le préteur aux villes latines qu'elles eussent à faire garder les otages dans des maisons particulières, sans leur permettre de paraître en public; à charger les prisonniers de fers pesant au moins dix livres, et à les enfermer dans les prisons publiques et pas ailleurs. XXVII. [1] Cette même année, des ambassadeurs du roi Attale vinrent déposer au Capitole une couronne d'or du poids de deux cent quarante-six livres, et remercier le sénat de ce que les envoyés romains avaient obtenu par leur intervention qu'Antiochus retirât son armée des états de leur maître. [2] Ce fut encore pendant cette campagne que le roi Masinissa envoya deux cents cavaliers, dix éléphants et deux cent mille boisseaux de blé aux troupes qui combattaient en Grèce. La Sicile et la Sardaigne leur fournirent aussi de nombreuses provisions et des vêtements. [3] La Sicile avait pour gouverneur M. Marcellus, la Sardaigne M. Porcius Caton, personnage intègre et vertueux, mais qui se montra trop rigoureux dans la répression de l'usure: [4] il bannit de l'île tous les usuriers, et diminua ou supprima les frais de représentation que les alliés payaient ordinairement au préteur. [5] Le consul Sex. Aelius revint de la Gaule à Rome pour tenir les comices, et proclama consuls C. Cornélius Céthégus et Q. Minucius Rufus. [6] Deux jours après eurent lieu les comices prétoriens. On créa cette année, pour la première fois, six préteurs, car le nombre des provinces s'augmentait et l'empire romain s'étendait de jour en jour. [7] Ces six magistrats furent L. Manlius Vulso, C. Sempronius Tuditanus, Ma. Sergius Silus, M. Helvius, M. Minucius Rufus, L. Atilius: Sempronius et Helvius venaient d'être édiles plébéiens. [8] On nomma édiles curules Q. Minucius Thermus et Ti. Sernpronius Longus. Les jeux Romains furent célébrés cette année pendant quatre jours. XXVIII. [1] Le premier acte du consulat de C. Cornélius et de Q. Minucius fut de procéder à la répartition des provinces consulaires et prétoriennes. [2] On s'occupa d'abord de ces dernières, qui pouvaient être réglées par le sort. Sergius eut la juridiction de la ville, Minucius celle des étrangers. Atilius obtint la Sardaigne, Manlius la Sicile, Sempronius l'Espagne citérieure, Helvius l'Espagne ultérieure. [3] Les consuls se disposaient à tirer au sort l'Italie et la Macédoine, lorsque les tribuns du peuple L. Oppius et Q. Fulvius s'y opposèrent. « La Macédoine, disaient-ils, était une province éloignée; [4] les principaux obstacles qui avaient entravé la guerre jusqu'à ce jour venaient de ce qu'on laissait à peine aux consuls le temps de commencer les opérations, et qu'on les rappelait au fort même de leurs préparatifs. [5] Il y avait quatre ans déjà qu'on avait décrété la guerre de Macédoine. Sulpicius avait consumé la plus grande partie de l'année à chercher le roi et son armée. 240 Villius, qui avait pu joindre l'ennemi, avait été rappelé avant d'avoir livré bataille. [6] Quinctius, bien que retenu à Rome une grande partie de l'année par des affaires religieuses, avait cependant poussé la guerre avec tant de vigueur qu'il aurait pu la terminer s'il fût arrivé plus tôt dans sa province, ou si l'hiver eût été plus tardif. [7] Maintenant il était à peu près rentré dans ses quartiers; mais on disait qu'il faisait de tels préparatifs, qu'à moins d'être supplanté par un successeur, il pouvait compter sur une victoire définitive pour la campagne prochaine. » [8] Ces représentations obligèrent les consuls à déclarer qu'ils s'en remettraient à la décision du sénat, pourvu que les tribuns en fissent autant. Sur le consentement des uns et des autres, les sénateurs décrétèrent, après libre discussion, que les deux consuls auraient l'Italie pour département. [9] Ils prorogèrent T. Quinctius dans son commandement jusqu'à ce qu'on lui envoyât un successeur. On donna deux légions à chaque consul et on les chargea de faire la guerre aux Gaulois cisalpins, qui avaient abandonné le parti des Romains. [10] On arrêta qu'il serait envoyé à Quinctius, en Macédoine, un renfort de cinq mille hommes d'infanterie, trois cents chevaux et trois mille soldats de marine. [11] On laissa à la tête de la flotte L. Quinctius Flamininus, qui la commandait. Les préteurs désignés pour les Espagnes devaient emmener huit mille fantassins, tant des autres alliés que des Latins, et quatre cents cavaliers, afin de pouvoir renvoyer de leurs provinces les anciennes armées. On leur recommanda de fixer les limites de l'ultérieure et de la citérieure. [12] On envoya de plus comme lieutenants, en Macédoine, P. Sulpicius et P. Villius, qui avaient eu cette province en qualité de consuls. XXIX. [1] Avant le départ des consuls et des préteurs pour leurs départements, on résolut d'expier les prodiges. Le temple de Vulcain et celui de Pluton à Rome, le mur et une porte de Frégelles avaient été frappés de la foudre; [2] à Frusinone, la nuit avait été éclairée d'une lueur soudaine; à Asculum il était né un agneau à deux têtes et à cinq pieds; à Formies deux loups étaient entrés dans l'enceinte de la ville, et avaient dévoré quelques passants; à Rome un loup avait pénétré non seulement dans la ville, mais même dans le Capitole. [3] Le tribun du peuple C. Acilius proposa une loi pour l'établissement de cinq colonies le long des côtes, deux à l'embouchure du Vulturne et du Literne, une à Putéoles, une au château-fort de Salerne, [4] la cinquième à Buxente: trois cents familles devaient composer chacune de ces colonies. On nomma triumvirs pour veiller à ce soin, avec des pouvoirs qui devaient durer trois ans, M. Servilius Géminus, Q. Minucius Thermus, Ti. Sempronius Longus. [5] Quand les levées et toutes les occupations civiles et religieuses qui retenaient les consuls furent terminées, ces magistrats partirent pour la Gaule. [6] Cornélius marcha droit aux Insubres, qui étaient alors en armes, et s'étaient associé les Cénomans; Q. Minucius se dirigea par la gauche de l'Italie vers la mer inférieure, conduisit son armée à Gênes, et commença par attaquer les Ligures. [7] Les places de Clastidium et de Litubium, tou- 241 tes deux en Ligurie, et deux peuplades liguriennes, les Celeiates et les Cerdiciates, firent leur soumission. Bientôt toute la Cispadane, moins les Gaulois Boïens et les Ligures Ilvates, fut réduite; [8] on faisait monter à quinze le nombre des villes et à vingt mille celui de leurs habitants. Le consul mena ensuite ses légions sur le territoire des Boïens. XXX. [1] Il n'y avait pas longtemps que les Boïens avaient passé le Pô et fait leur jonction avec les Insubres et les Cénomans. [2] Ils avaient appris que les consuls devaient les attaquer à la tête de leurs légions réunies, et ils voulaient aussi rassembler toutes leurs forces pour être en état de leur tenir tête; [3] mais à la nouvelle que l'un des deux consuls portait la flamme sur les terres des Boïens, la discorde éclata aussitôt dans les rangs de ces peuples. Les Boïens demandaient que l'armée tout entière les secourût dans leur détresse; les Insubres refusaient de laisser leur pays sans défense. [4] Les confédérés se séparèrent donc: les Boïens coururent protéger leurs terres; les Insubres et les Cénomans allèrent prendre position sur les bords du Mincius. [5] Le consul Cornélius établit son camp sur ce fleuve, à cinq milles au-dessous de l'ennemi. [6] De là il envoya des émissaires dans les bourgs des Cénomans et à Brixia leur capitale, et acquit la certitude que, si la jeunesse du pays avait pris les armes, c'était sans l'aveu des anciens, et qu'aucune décision publique n'avait autorisé les Cénomans à se joindre aux Insubres révoltés. [7] Il fit donc venir les principaux de la nation, et mit tout en œuvre pour les gagner et obtenir qu'ils se séparassent des Insubres, et que, levant leurs enseignes, ils se décidassent ou à rentrer chez eux, ou à passer du côté des Romains. [8] Il ne put réussir; mais il reçut leur parole qu'ils resteraient neutres dans le combat, ou que, si l'occasion se présentait, ils aideraient les Romains. [9] Les Insubres ignoraient cette convention; ils avaient pourtant quelques soupçons, et craignaient une trahison de la part de leurs alliés. Aussi lorsqu'ils se mirent en bataille, n'osèrent-ils leur confier aucune des deux ailes, de peur qu'un mouvement rétrograde, exécuté par eux avec perfidie, n'entraînât une déroute complète: ils les placèrent à la réserve derrière les enseignes. [10] Au commencement de l'action, le consul fit vœu d'élever un temple à Junon Sospita, si ce jour-là même il battait et dispersait les ennemis. Les soldats ne poussèrent qu'un seul cri: ils promettaient au consul de combler son espoir; puis ils tombèrent sur les Insubres, [11] qui ne purent soutenir leur premier choc. Quelques auteurs prétendent qu'au milieu de la mêlée, les Cénomans attaquèrent aussi par derrière, et causèrent une double alerte; que les ennemis laissèrent sur la place trente-cinq mille hommes, [12] et au pouvoir des vainqueurs cinq mille sept cents prisonniers: de ce nombre était le général carthaginois Hamilcar, qui avait allumé cette guerre. Les Romains prirent en outre cent trente enseignes militaires, et plus de deux cents chariots. [13] Les villes qui s'étaient jetées dans la révolte firent leur soumission. XXXI. [1] Le consul Minucius avait d'abord parcouru rapidement, en le dévastant, le territoire des 242 Boïens; mais lorsqu'il vit qu'ils s'étaient séparés des Insubres afin de revenir défendre leurs foyers, il se tint dans son camp, persuadé qu'il faudrait bientôt livrer une bataille rangée. [2] Les Boïens, de leur côté, n'auraient pas reculé devant une action, si la nouvelle de la défaite des Insubres n'eût abattu leur courage. Ils abandonnèrent donc leur général et leur camp, se dispersèrent dans leurs bourgades, pour protéger chacun ses propriétés, et forcèrent leur ennemi à changer son plan d'opérations. [3] Minucius renonça à terminer la guerre par une action générale, et se mit à ravager de nouveau les campagnes, à incendier les maisons, à forcer les bourgades: [4] dans cette dévastation, Clastidium fut livré aux flammes. Puis il conduisit ses légions contre les Ligures Ilvates, les seuls qui tinssent encore. [5] Cette peuplade fit aussi sa soumission dès qu'elle eut appris que les Insubres avaient été vaincus en bataille rangée, et que les Boïens étaient frappés de terreur au point de ne pas même oser courir les chances d'un combat. [6] Les consuls envoyèrent alors de la Gaule à Rome des lettres pour annoncer leurs succès. Le préteur urbain M. Sergius en fit lecture d'abord au sénat, puis, par ordre des sénateurs, devant l'assemblée du peuple. Ou décréta quatre jours de supplications. XXXII. [1] L'hiver étant déjà commencé pendant que T. Quinctius, maître d'Elatia, tenait ses quartiers d'hiver en Phocide et en Locride, une sédition éclata dans Opunte. [2] Un parti appelait les Étoliens, qui étaient le plus à proximité, l'autre, les Romains. [3] Les Étoliens arrivèrent les premiers; mais le parti contraire, qui était le plus puissant, leur ferma les portes, dépêcha un courrier au général romain, et garda la ville jusqu'à son arrivée. [4] La citadelle était occupée par une garnison royale; ni les menaces des Opuntiens, ni les sommations impératives du consul romain ne purent déterminer les Macédoniens â la rendre. [5] On ne les attaqua point sur-le-champ, parce que Philippe venait d'envoyer un héraut pour demander qu'on lui fixât le lieu et le moment d'une entrevue. [6] Quinctius y consentit sans peine, quoiqu'il désirât de pouvoir terminer lui-même cette guerre soit par la force des armes, soit par un traité; [7] car il ignorait encore si l'un des nouveaux consuls viendrait le remplacer, ou si ses amis et ses parents avaient réussi par leurs efforts et leurs démarches à le faire proroger dans son commandement, comme il le leur avait mandé. [8] Toutefois il pensait qu'une entrevue lui laisserait la liberté de continuer la guerre, s'il restait, ou de conclure la paix, s'il s'éloignait. [9] On choisit pour lieu du rendez-vous le bord de la mer, près de Nicée, sur le golfe Maliaque. Le roi y arriva de Démétriade avec cinq barques et un vaisseau à éperon; [10] il était accompagné des principaux Macédoniens et d'un exilé Achéen, l'illustre Cycliadas. [11] Le général romain avait avec lui le roi Amynander; Dionysodorus, ambassadeur d'Attale; Agesimbrotus, amiral de la flotte rhodienne; Phaeneas, chef des Étoliens; et deux Achéens, Aristaenus et Xénophon. [12] Ce fut au milieu de ce cortège que le consul s'avança jusqu'au bord de la mer, tandis que Philippe se présentait à la proue de son vaisseau; qui était à l'ancre. [ 13] « Si 243 vous descendiez à terre, lui dit-il, nous serions mieux et plus à portée de nous parler et de nous entendre. » Le roi s'y refusa: « Qui craignez-vous donc? » reprit Quinctius. « Je ne crains, répondit Philippe avec toute la fierté d'un roi, [14] que les dieux immortels; mais je n'ai pas confiance en tous ceux qui vous entourent, et dans les Étoliens moins encore que dans les autres. » [15] Le Romain répliqua: « C'est un danger que courent également tous ceux qui s'abouchent avec un ennemi, si cet ennemi est sans foi. » [16] « Mais, repartit le roi, en cas de perfidie, T. Quinctius, la partie n'est pas égale entre Philippe et Phénée; les Étoliens auraient moins de peine à trouver un autre préteur que les Macédoniens un roi pour le mettre à ma place. » XXXIII. [1] Après ce début il y eut un moment de silence. Quinctius fit enfin observer que c'était à celui qui avait demandé l'entrevue de s'expliquer le premier; mais le roi objecta que la parole appartenait d'abord à qui dictait les conditions de paix et non à qui les recevait. Le général romain répondit [2] « que son discours était fort simple; qu'il allait exposer les conditions sans lesquelles il ne pouvait y avoir de paix. [3] Le roi devait retirer ses garnisons de toutes les villes de la Grèce; rendre aux alliés du peuple romain les prisonniers et les transfuges; restituer aux Romains les places d'Illyrie dont il s'était emparé depuis qu'on avait signé la paix en Épire; [4] remettre au roi d'Égypte Ptolémée les villes qu'il lui avait enlevées après la mort de Ptolémée Philopator. C'étaient là les conditions qu'il lui dictait au nom du peuple romain; mais on allait entendre aussi les demandes des alliés: c'était chose juste. » [5] L'ambassadeur d'Attale réclama les vaisseaux et les prisonniers que le combat naval de Chios avait mis au pouvoir de Philippe; il exigea que les spoliations et les dégâts commis dans le bois de Nicephorium et dans le temple de Vénus fussent entièrement réparés. [6] Les Rhodiens redemandèrent la Peraea, petite contrée située sur le continent, vis-à-vis de leur île, et depuis longtemps dans leur dépendance; ils insistèrent sur l'évacuation de Iassus, de Bargyliae et d'Euromè, par les garnisons macédoniennes, sur celle de Sestos et d'Abydos dans l'Hellespont, [7] sur la restitution de Périnthe aux Byzantins avec la jouissance des anciens privilèges, et sur l'affranchissement de tous les entrepôts et ports de l'Asie. [8] Les Achéens réclamèrent Corinthe et Argos. Le préteur des Étoliens, Phaeneas, posa à peu près les mêmes conditions que les Romains, c'est-à-dire l'abandon de la Grèce et la remise aux Étoliens de toutes les villes qui avaient auparavant reconnu leurs lois et leur domination. [9] Après lui, un des principaux Étoliens, Alexandre, qui avait assez d'éloquence pour un homme de sa nation, prit la parole. [10] « Il y avait longtemps, dit-il, qu'il gardait le silence, non qu'il espérât voir cette conférence aboutir à quelque résultat, mais parce qu'il n'avait pas voulu interrompre les orateurs des alliés. Philippe, ajouta-t-il, ne traitait pas sincèrement de la paix, pas plus qu'il n'avait jamais fait la guerre avec un courage véritable. [11] Dans les négociations il cherchait à tromper et à circonvenir; dans la guerre, il ne s'avançait point en rase campagne, il ne hasardait pas une bataille rangée, mais il reculait toujours en brûlant et en pillant les villes; et, lorsqu'il était vaincu, il détruisait pour 244 les vainqueurs le fruit de leurs triomphes. [12] Ce n'était pas ainsi que les anciens rois de Macédoine agissaient: ils montraient leur valeur sur les champs de bataille, et ils épargnaient les villes autant que possible, afin d'avoir un empire plus florissant. [13] Anéantir ainsi les possessions qu'on se disputait, et ne se réserver que la guerre même, était-ce l'oeuvre d'un sage politique? [14] Philippe avait, dans l'année précédente, dévasté en Thessalie plus de villes appartenant à ses alliés que n'en avaient jamais dévasté tous les ennemis de la Thessalie. [15] Les Étoliens eux-mêmes avaient été plus maltraités par lui, au temps de leur alliance, que depuis qu'il était leur ennemi. Il leur avait enlevé Lysimachia, après en avoir chassé le gouverneur et la garnison étolienne; [16] il avait détruit et ruiné de fond en comble Chios, ville de leur dépendance. C'est par la même perfidie qu'il s'était assuré la possession de Thèbes, de Phthie, d'Echinus, de Larissa et de Pharsale. » XXXIV. [1] Piqué des reproches d'Alexandre, Philippe fit avancer son vaisseau plus près du rivage afin d'être mieux entendu. [2] Il commençait à parler et s'emportait contre les Étoliens, lorsque Phaeneas l'interrompit brusquement. « Il ne s'agissait point de paroles, dit-il; il fallait ou triompher à la guerre ou se soumettre au plus fort. » - [3] « La chose est claire, même pour un aveugle, repartit Philippe, faisant allusion à la faiblesse des yeux de Phaeneas. » Il était naturellement trop railleur pour un roi; même dans les affaires sérieuses, il ne savait point retenir une plaisanterie. [4] Puis il se montra fort irrité de ce que les Étoliens exigeaient impérativement comme les Romains l'évacuation de la Grèce, lorsqu'ils pouvaient à peine indiquer les limites de cette contrée. En effet l'Agrée, l'Apodotie et l'Amphilochie, qui formaient la plus grande partie de l'Étolie, n'étaient pas en Grèce. [5] « Ils se plaignent que je n'ai pas épargné leurs alliés; mais en ont-ils le droit, lorsqu'un usage établi chez eux de tout temps et qui a force de loi permet à leur jeunesse de combattre contre leurs propres alliés? Ils ont soin seulement de ne l'autoriser par aucun acte public. Et ne voit-on pas très souvent deux armées opposées l'une à l'autre compter dans leurs rangs des auxiliaires étoliens? [6] Ce n'est pas moi qui ai forcé Chios; je n'ai fait que seconder les opérations de Prusias, mon allié et mon ami. Quant à Lysimachie, je l'ai enlevée aux Thraces; mais comme les nécessités de la guerre présente m'empêchent de veiller sur cette place, les Thraces l'ont reprise. [7] Voilà ce que j'ai à dire aux Étoliens. Pour Attale et les Rhodiens, je ne leur dois légitimement rien: ce n'est pas moi, ce sont eux qui ont commencé la guerre. [8] Toutefois, par égard pour les Romains, je rendrai aux Rhodiens la Peraea, et au roi Attale ses vaisseaux avec les prisonniers qu'on retrouvera. [9] Quant à la restitution du Nicephorium et du temple de Vénus, puisqu'on a voulu que de pareils objets fussent matière à contestation entre des rois, dois-je répondre aux réclamations de mes ennemis [10] autrement qu'en leur offrant la seule satisfaction qu'on puisse donner pour des bois et des forêts abattus, c'est-à- dire en m'engageant à payer et à faire de nouvelles plantations? » [11] La fin de son discours fut une sortie contre les Achéens. Après avoir commencé par rappeler d'abord les bienfaits d'Anti- 245 gone envers la ligue, puis ceux qu'il lui avait rendus lui-même, il fit donner lecture des décrets où les Achéens lui prodiguaient tous les honneurs divins et humains, et à ces décrets il opposa celui qui avait naguère enjoint à leur armée de se tourner contre lui. [12] Il se répandit en invectives sur leur perfidie et ajouta « qu'il leur rendrait cependant Argos. [13] À l'égard de Corinthe, il en délibérerait avec le général romain, et lui demanderait en même temps si l'on prétendait qu'il abandonnât seulement les villes dont les droits de la guerre l'avaient mis en possession, ou toutes celles qu'il avait reçues de ses ancêtres. » XXXV. [1] Les Achéens et les Étoliens se préparaient à répliquer; mais le soleil étant sur le point de se coucher, on remit la conférence au lendemain. Philippe alla reprendre la position qu'il avait quittée; les Romains et leurs alliés rentrèrent dans leur camp. [2] Le jour suivant, à l'heure convenue, Quinctius se rendit à Nicée, qui était le lieu choisi pour l'entrevue. Philippe n'y était pas, et pendant quelques heures on attendit en vain un message de sa part; déjà l'on désespérait de le voir arriver, lorsqu'on aperçut tout à coup ses vaisseaux. [3] Il s'excusa en disant que, préoccupé des conditions si dures et si révoltantes qu'on lui imposait, il avait passé la journée entière à délibérer sans rien décider. [4] On crut généralement qu'il avait à dessein traîné l'affaire en longueur, pour ne pas laisser aux Achéens et aux Étoliens le temps de lui répondre. [5] Il confirma lui-même ce soupçon en demandant que, pour éviter de perdre le temps en vaines altercations et arriver enfin à un résultat; on éloignât tous ceux qui se trouvaient là, et qu'on lui permît de s'aboucher seul à seul avec le général romain. [6] Cette proposition fut d'abord rejetée. on ne voulait pas avoir l'air d'exclure les alliés de la conférence; [7] mais comme Philippe insistait sur ce point, le général romain, après avoir consulté toutes les parties intéressées, ne prit avec lui que le tribun militaire Appius Claudius et s'avança jusqu'au bord de la mer. [8] Le roi descendit à terre avec les deux officiers qui l'avaient accompagné la veille. Après quelques moments d'entretien secret, Philippe retourna vers les siens; mais on ne sait pas au juste quel compte il leur rendit de l'affaire. [9] Voici ce que Quinctius rapporta aux alliés. « Le roi cédait aux Romains toute la côte de l'Illyrie, et leur renvoyait les transfuges ainsi que les prisonniers qu'il aurait. [10] Il rendait à Attale ses vaisseaux et les soldats des équipages qu'il avait pris avec les vaisseaux; aux Rhodiens le pays de Paerea, mais il gardait Iassus et Bargyliae. [11] Il restituait aux Étoliens Pharsale et Larissa, et retenait Thèbes; il abandonnait aux Achéens non seulement Argos, mais Corinthe. » [12] Personne ne trouva bon qu'il eût décidé des cessions qu'il ferait et de celles qu'il refuserait. « On perdait plus, disait-on, à cet arrangement qu'on n'y gagnait; tant qu'il n'aurait pas retiré ses garnisons de la Grèce entière, il resterait toujours quelque sujet de démêlé. » XXXVI. [1] Alors ce ne fut dans toute l'assemblée qu'un cri d'indignation; les clameurs arrivèrent jusqu'à Philippe malgré l'éloignement où il se trouvait. [2] Il pria donc Quinctius de remettre toute l'af- 246 faire au lendemain, assurant qu'il ferait goûter ses raisons ou qu'il se laisserait convaincre par celles qu'on lui donnerait. [3] On prit rendez-vous à la côte, près de Thronium, et l'on s'y réunit de bonne heure. Là Philippe conjura d'abord Quinctius et tous ceux qui l'accompagnaient de ne point détruire toute espérance de paix. [4] Il finit en demandant un délai afin de pouvoir envoyer des ambassadeurs au sénat de Rome. « Ou bien, disait- il, il obtiendrait la paix aux conditions qu'il avait offertes, ou il accepterait celles que lui dicterait le sénat, quelles qu'elles fussent. » [5] Cette proposition était loin de plaire à l'assemblée; on pensait qu'il ne cherchait qu'à gagner du temps pour rassembler ses forces. [6] Quinctius représenta « que cette supposition pourrait être juste, si l'on était dans la saison favorable aux opérations militaires; mais que, l'hiver approchant, on ne perdait rien en lui accordant le temps d'envoyer des ambassadeurs à Rome. [7] Car l'approbation du sénat était nécessaire pour ratifier toutes les clauses qui auraient été convenues avec le roi, et l'on pouvait profiter du repos forcé de l'hiver pour sonder les intentions des sénateurs. » [8] Cet avis fut adapté par tous les chefs des alliés. On accorda une trêve de deux mois, et il fut décidé que chacun députerait aussi de son côté des ambassadeurs pour éclairer le sénat et le mettre en garde contre les artifices de Philippe. [9] Un article de la trêve obligeait le roi à retirer sur-le-champ ses garnisons de la Phocide et de la Locride. [10] Quinctius adjoignit aux envoyés des alliés, afin de donner plus d'éclat à l'ambassade, Amynander, roi des Athamans, Q. Fabius, fils de sa belle-soeur, Q. Fulvius et Ap. Claudius. XXXVII. Arrivés à Rome, les ambassadeurs des alliés furent reçus avant ceux du roi. Tout leur discours ne fut qu'une longue invective contre Philippe. [2] Ce qui fit le plus d'impression sur le sénat, ce fut le plan qu'ils tracèrent de la position maritime et continentale de ses états; [3] ils prouvèrent jusqu'à l'évidence que si ce prince conservait Démétriade en Thessalie, Chalcis en Eubée, Corinthe en Achaïe, il n'y avait pas de liberté possible pour la Grèce, [4] et que ces places étaient, comme Philippe le disait lui- même, avec autant de vérité que d'insolence, les entraves de la Grèce. [5] On introduisit ensuite les ambassadeurs macédoniens. Ils allaient commencer un long discours; mais on leur coupa la parole pour leur demander en peu de mots si leur maître abandonnerait ces trois places. Ils répondirent qu'ils n'avaient reçu aucune instruction formelle à cet égard; alors on les congédia sans leur accorder la paix. On laissa à Quinctius toute liberté de faire la paix ou la guerre à son gré. [6] Ce général, voyant que le sénat n'était point rebuté de la guerre, et désirant lui-même d'ailleurs plutôt vaincre que faire la paix, n'accorda plus d'entrevue à Philippe, et déclara qu'il ne recevrait de sa part aucune autre ambassade que celle qui viendrait lui annoncer l'entière évacuation de la Grèce. XXXVIII. [1] Philippe vit bien qu'une bataille seule déciderait la querelle et qu'il lui fallait réunir des forces de tous côtés; mais il n'était pas sans inquiétude pour les villes de l'Achaïe, contrée si éloignée de ses états, [2] et plus encore pour Argos 247 que pour Corinthe. Il crut prudent de remettre cette place comme en dépôt à Nabis, tyran de Sparte, qui la lui rendrait après la victoire, ou la garderait en cas de revers. Il écrivit donc à Philoclès, gouverneur de Corinthe et d'Argos, de se rendre en personne auprès du tyran. [3] Philoclès ne se borna point au présent dont il venait faire l'offre; il ajouta que le roi, pour gage de l'alliance qu'il allait conclure avec le tyran, voulait accorder la main de ses deux filles aux fils de Nabis. [4] Le tyran refusa d'abord de recevoir la ville, si un décret des Argiens eux-mêmes ne l'appelait à leur secours; [5] mais quand il apprit qu'une assemblée nombreuse des habitants avait repoussé avec mépris, et même avec horreur, le seul nom du tyran, il crut avoir un prétexte pour les dépouiller et demanda à Philoclès de lui livrer Argos dès qu'il le voudrait. [6] Ce fut pendant la nuit et à l'insu de tout le monde qu'il y fut introduit; au point du jour il s'empara de toutes les hauteurs et fit fermer les portes. [7] Quelques-uns des principaux habitants s'échappèrent à la faveur du premier désordre; en leur absence il mit leurs biens au pillage. Ceux qui étaient restés furent dépouillés de leur or et de leur argent; on leur imposa des taxes énormes. [8] Ceux qui payèrent sans délai purent s'en aller sans avoir été insultés ni battus; ceux qu'on soupçonna d'avoir caché ou soustrait une partie de leurs trésors furent frappés de verges et torturés comme des esclaves. [9] Le tyran convoqua ensuite les Argiens et publia deux lois, l'une pour l'abolition des dettes, l'autre pour le partage des terres: c'étaient deux brandons de discorde qu'il jetait au milieu d'une révolution pour enflammer la colère du peuple contre les nobles. XXXIX. [1] Une fois maître d'Argos, Nabis oublia de qui il tenait cette ville et à quelles conditions il l'avait reçue. [2] Il dépêcha donc, à Elatia, vers Quinctius, et, à Égine, vers Attale, qui avait établi ses quartiers dans cette île, pour leur faire savoir qu'Argos était en sa puissance; que si Quinctius voulait y accepter une entrevue, il avait espoir qu'il pourrait s'entendre avec lui. [3] Quinctius, afin d'enlever encore cette ressource à Philippe, répondit qu'il acceptait le rendez-vous, et il fit prévenir Attale de quitter Égine pour le rejoindre à Sicyone. [4] Il partit lui-même d'Anticyre sur dix quinquérèmes, que L. Quinctius son frère avait amenées par hasard de la station de Corcyre peu de jours auparavant, et fit voile vers Sicyone. [5] Attale y était déjà; il représenta à Quinctius que c'était au tyran à venir trouver le général romain, et non pas au général à se transporter auprès du tyran, et il le décida à ne pas entrer dans Argos. [6] Non loin de la ville est un endroit appelé Mycenica; on convint de s'y réunir. [7] Quinctius était accompagné de son frère et de quelques tribuns militaires; Attale avait un cortège royal; le préteur des Achéens, Nicostrate, s'était fait suivre de quelques auxiliaires. [8] Ils trouvèrent au lieu fixé le tyran qui les attendait avec toutes ses troupes; il s'avança, tout armé, à la tête de ses gardes armés comme lui, jusqu'au milieu environ de la plaine qui séparait les deux partis. Quinctius était sans armes ainsi que son frère et les deux tribuns militaires; Attale, également sans armes, avait à ses côtés le préteur 248 des Achéens et un officier de sa cour. [9] Le tyran commença par s'excuser « d'être venu tout armé et entouré de gens armés à une entrevue où le général romain et le roi se présentaient sans armes: ce n'était pas qu'il eût peur d'eux, dit-il, mais il craignait les exilés d'Argos. » [10] On parla ensuite des conditions de l'alliance projetée. Quinctius exigea deux choses, d'abord que Nabis cessât de faire la guerre aux Achéens, puis qu'il fournît des secours aux Romains contre Philippe. Le tyran promit ces secours; mais au lieu de la paix avec les Achéens, il ne signa qu'une trêve qui devait durer jusqu'à la fin de la guerre de Macédoine. XL. [1] Attale éleva une nouvelle difficulté au sujet d'Argos. Il accusa Nabis de s'être mis en possession de cette ville par la trahison de Philoclès. Le tyran répondit que les Argiens eux-mêmes l'avaient appelé à leur aide. [2] Le roi demanda qu'on assemblât les habitants pour vérifier le fait; le tyran n'y mit pas obstacle; mais Attale voulut qu'il retirât sa garnison d'Argos, que l'assemblée des Argiens ne fût pas intimidée par la présence des troupes lacédémoniennes et qu'elle fit connaître ses sentiments en toute liberté. Nabis s'y étant refusé, [3] cette contestation demeura sans résultat. [4] La conférence terminée, le tyran donna aux Romains six cents auxiliaires crétois, et conclut une trêve de quatre mois avec Nicostrate, préteur des Achéens. [5] Quinctius partit ensuite pour Corinthe; il se présenta aux portes avec les Crétois, afin de montrer au gouverneur de la ville, Philoclès, que Nabis avait abandonné le parti de Philippe. [6] Philoclès eut aussi une entrevue avec le général romain. Pressé par lui de trahir son maître et de livrer Corinthe, il fit une réponse qui avait l'air d'un délai plutôt que d'un refus positif. [7] De Corinthe, Quinctius fit voile vers Anticyre, d'où il envoya son frère sonder les dispositions des Acarnaniens. [8] Attale se rendit d'Argos à Sicyone, dont les habitants ajoutèrent de nouveaux honneurs à ceux dont ils l'avaient déjà comblé. Le roi, qui avait autrefois racheté pour eux, moyennant une somme considérable, le champ sacré d'Apollon, [9] voulant en cette occasion signaler son passage par quelque munificence envers ses alliés et ses amis, fit don à la ville de dix talents d'argent et de dix mille médimnes de blé; puis il alla rejoindre sa flotte à Cenchrées. [10] Nabis, après avoir renforcé la garnison d'Argos, retourna à Lacédémone, chargé des dépouilles des Argiens, et il envoya son épouse exercer les mêmes spoliations sur les femmes d'Argos. [11] Elle invita chez elle les dames les plus illustres, tantôt une à une, tantôt en grand nombre lorsqu'elles étaient plusieurs de la même famille; et par ses caresses ou par ses menaces elle leur enleva non seulement l'or qu'elles possédaient, mais aussi leurs vêtements et toutes les parures habituelles à leur sexe. Au chap. VI de ce livre notre auteur compare, avec Valérius Antias, les autres auteurs grecs et latins dont il a lu les histoires, quorum ego legi annales. Au chapitre XXX il dit : quidam auctores sunt, et l'on reconnaît aisément, à l'exagération du nombre, qu'il veut parler surtout de Valérius, et il exprime lui-même une opinion persnenelle différente (XXXI, XXI) ; car ce que Tite-Live lui-même avait raconté, de concert avec les autres; d'un combat précédent, avait été rapporté par ces auteurs au récit d'un autre combat. Au reste, Cornelius, en vouant un temple à Junon Sospita, imita Furius qui avait voué un temple à Jupiter; et je ne trouve rien de vraisemblable au soupçon émis par Hennings (Die Deutschen dargrstelt in die frühesten Vozreit, p. 186; Altona 1819) que Tite-Live, au lieu d'une seule bataille, en a sans saison mentionné deux. Il se fonde sur une ressemblance frappante entre le récit du combat livré par Furius, et celui du combat livré par Cornélius. Selon lui, Tite-Live offre plusieurs exemples d'une pareille confusion. Ainsi l'attaque des Liguriens contre le camp romain, dont il est parlé liv. XXXVI, ch. XXXVIII ne serait autre que celle dont il est question liv. XXXV, ch. XI; et la victoire de P. Cornélius Scipion, liv. XXXVI, ch. XXXVIII, serait la même que celle d'un autre Cornélius (Mérula), racontée par Tite Live en un autre endroit (liv. XXXV, ch. V ). Mais on ne doit nullement s'étonner de voir se succéder, en un si court intervalle, tant de combats suivis de soumissions, et bientôt renouvelés avec un ennemi qui se révoltait toujours. Il n'y a vraiment pas d'autre motif de contester la fidélité de ce récit. Aux chapitres XXXII et suivants Tite-Live s'est presque borné à traduire littéralement Polybe (XVII, 1), jusqu'au chap. XXXVIII, où se termine l'extrait de Polybe. Quelques endroits ont été abrégés par Tite-Live. Du chap. XXXVIII à XL tout le récit paraît emprunté aussi à Polybe, liv. XVII, ch. XVI et XVII. CHAP. I. — Idibus martiis. Le 13 mars, an de Rome 554, avant J.-C. 199. IBID. — In Bruttiis. Les habitants dit Bruttium ayant embrassé, des premiers, le parti d'Annibal, et n'étant rentrés que très tard dans celui des Romains, étaient devenus, comme nous avons eu l'occasion de le dire dans les notes du livre précédent, un objet de mépris pour les Romains. Aulu-Celle (X, 12 et 13) nous apprend que d'après une loi expresse on leur faisait remplir les charges les plus humiliantes, et le sénat déploya contre eux, dans toutes les occasions, une excessive sévérité. CHAP. I. — Sacrilegii compertos. Voy.XXXI, 12 et 13. Ce temple de Proserpine, à Locres, était le même que Pyrrhus essaya vainement de piller. IBID. — Latinis. Aux féries latines. Nous avons déjà en occasion de parler de ces fêtes, liv. I, ch. XLV, t.1, p. 786. Denys d'Halicarnasse (IV, 49) rapporte que Tarquin-le-Superbe institua ces fêtes pour cimenter son alliance arec les Herniques. les Volsques et les Latins. Il fut convenu entre ces peuples, que chaque année ils enverraient des députés au mont Albain, que toutes les hostilités cesseraient, et qu'il serait offert un sacrifice commun Jupiter Latialis. Chacune des quarante-trois cités, qui faisaient partie de cette confédération, contribuait aux dépenses de la fête en y envoyant, l'une du lait, l'autre des agneaux, etc. Chacune aussi recevait une portion du taureau immolé, au nom de toutes. Par cette institution le roi avait voulu habituer les peuples du Latium à regarder Rome comme le chef-lieu du pays. C'était un sénateur romain qui présidait la fête. Les féries latines étaient annuelles, sans être fixées à certains jours. L'époque de leur célébration était indiquée d'avance par le sénat et par les consuls, et lorsqu'on tardait trop à les célébrer, le peuple attribuait à cette négligence tous les malheurs arrivés dans l'année. Pour leur durée, qui varia à diverses époques, nous renvoyons à l'importante discussion de Niebuhr, vol. II, p. 40 et suiv., t. II, p. 47 et suiv. de la tr. fr. IBID. — Sanci aedes. Voyez la note sur le ch. XX du liv. VIII, t. 1, p. 837. La fête de Sancus se célébrait les juin sur le mont Quirinal. —Denys d'Halyc., II, 51; Varron, L. L., V, 66; Ovide, Fastes, VI, 215. IBID. — In Herculis aede capillum enatum. Ce prodige semble avoir occupé et tourmenté les commentateurs non moins vivement qu'autrefois il agita les esprits des Romains. Drakenborch commence par remarquer que les gardiens du temple avaient dit avoir une bien bonne vue pour découvrir ce cheveu unique. Il propose ensuite de substituer à capillum : caprificum, se fondant sur ce que le figuier sauvage pousse quelquefois au milieu des constructions, témoin ce vers de Martial (X, ép.2): Marmora Messalae findit caprificus. et celui de Juvénal (X, 154) :
.... ad quae Mais, de cette explication assez plausible, il passe à une conjecture très singulière. Substituant sede à aede, et s'évertuant à prouver par une foule d'exempies que capillus et sedes peuvent être pris comme synonymes de pilus et de nates, il suppose que le dieu de la force s'indigna sans doute d'être λευκόπυγος πύγαργος, de ne point porter sur sa statue, les marques honorables de sa vigueur; qui il voulut devenir velu et reprendre son glorieux surnom de Nélampyge. Pline (XLIII, 11) raconte qu'a Privernum on vit sortir de terre de la laine brune : lanam pullam e terra enatam. Peut-être le prodige rapporté par Tite-Live est-il de la même nature, et dans cette supposition on peut conserver la leçon ordinaire. IBID. — Lauream. Cf. XLII1, 13; Pline, XVII, 25 ou 38. 795 CHAP. II. — Centum redditi obsides; de caeteris, etc. Ces mots, comme nous l'avons déjà fait remarquer, impliquent contradiction avec un article du traité de paix conclu entre Scipion et les députés de Carthage, auxquels on ne demanda que cent otages. (Cf. XXX, 17. ) Peut-être aussi ce nombre parut-il insuffisant, et fut-il augmenté postérieurement au traité. IBID. — Signiam. D'après le vingt-sixième chapitre de ce livre il semblerait plus exact de lire : Setiiam. IBID. — Gaditanis item petentibus remissum, ne praefectus Gades mitteretur adversus quod sis... convenisset. Le sens de cette phrase n'est pas tout à fait clair. La convention entre L. Marcius Septimus et les habitants de Gadès, portait-elle qu'on leur enverrait un préfet? Alors remissum indiquera que le sénat leur fit ici la grâce de les dispenser de cette condition, ou bien cet envoi avait-il eu lieu, contrairement au traité? Alors remissum signifiera concessum. Ce second sens est le plus probable, puisqu'on sait que Cadix se soumit de plein gré. Voyez Cicéron, pro Balbo, XV et XIX. IBID. — Numerus augeretur. D'autres lisent cogeretur, dans le sens de compléter. IBID.— Cosani. Plutarque (Vie de Flamininus,ch. I) dit que Quinctius Flamininus fut chargé de conduire des colons à Cosa et à Narni. CHAP. III — Pro voluntariis. Voy. XXXI, 8. IBID. — Seu injuncta. C'est à tort que certaines éditions portent : seu invita. Injuncta désigne proprement une charge imposée, telle que le service militaire, un tribut,. etc. Tacite, Vie d'Agric., XIII : Ipsi Britanni delectum, tributa et injuncta imperii munera impigre obeunt. CHAP. IV. — Thaumacos. Ville de la Phthiotide, près du golfe Maliaque, aujourd'hui Démoco. IBID, — Lamiam. Lamie, aujourd'hui Lamina, est célèbre par la guerre que les Grecs soutinrent, deus les environs, contre les Macédoniens, sous les successeurs d'Alexandre, et qui prit de là le nom de guerre lamiaque. IBID, — Caela vocant Thessaliae : quæ, etc. C'est ainsi que Drakenborch et Crévier ont conjecturé qu'il faut lire ce passage. L'édition Lemaire porte vocant Thessaliaeque transeunti, etc. La désignation Coela Thessaliae devait servir à distinguer ces Coela des Coela Euboeae dont il est question au liv. XXXI, ch. XLVII. IBID, — Ab eo miraculo Thaumaci appellati, du grec θαῦμα, prodige, spectacle étonnant. Étienne de Byzance rapporte l'origine de ce nom à Thaumacus, fils de Paean, fondateur de la ville. Com. Strabon, IX, p. 434; Pline, IV,9 ou16. IBID. — Saxo undique absciso rupibus. D'autres lisent: saxi undique abscisi rupibus, en prenant saxum dans le sens de montagne rocheuse. CHAP. V. — Laxaverat annus. Ce dernier mot a été, avec raison, substitué par Gronove à celui d'animum. En effet ce n'est pas l'esprit mais bien le corps qui se délasse des marches et des fatigues, et Tite-Live parle évidemment ici d'un délassement physique; puisqu'après avoir dit que l'armée de Philippe réparait ses forces physiques et morales, il établit l'opposition existant chez le roi, entre l'état de son corps et celui de son esprit agité de vives inquiétudes. Annus, de même que ἐνιαυτός, se prend élégamment pour une saison de l'année. Ainsi Stace entend par piger annus la saison où chôme le barreau :
Certe jam latin non miscent jurgia leges , CKAP. V. — Orchomenon. Cette ville, aujourd'hui Kalpaki, était dans l'Arcadie orientale, au nord de Mantinée, près du mont Parthos. IBID — Heraeam. Héréee était dans ln même contrée, sur l'Alphée, près de l'Élide. C'est aujourd'hui Ravoli. IBID. — Eleis Alipheram. Au lieu des Éléens il faut lire les Mégalopolitains. Car Aliphère duit eu Arcadie, aux bords de l'Aphnée, sur le territoire de ces derniers. Il est déjà question, au livre XXVIII, 8, de la restitution de cette ville aux Mégalopolitains, quam suorum fuisse finium satis probabant. Elle leur avait été prise par les Éléens avec le secours des Étoliens. Gronove suppose que quelques lettres du mot Megalopolitis ayant disparu dans un ancien manuscrit, les copistes auront fait de ce qui restait, Eleis. IBID. — Quae ad condendam Megalopolim, etc. On sait que cette capitale de l'Arcadie, nommée actuellement Leontari ou Leondario, fut fondée par Épaminondas, qui voulut réunir en un centre commun les forces trois dispersées de la ligue arcadienne contre les Lacédémoniens. Il persuada en conséquence à presque toutes les villes et bourgades d'envoyer dans une ville nouvelle la plus grande partie de leurs habitants, vers l'an 572 avant J.-C. Voyez Pausanias, IX, 14. Quelques éditions ont Megalepolim. En effet on trouve souvent ce nom écrit ainsi et même quelquefois en deux mots séparés, entre autres dans Polybe, II, 64; IV, 7, et dans Plutarque et Etienne de Byzance. IBID. — Macedonum animos sibi conciliavit. Quum Heraclidem amicum, etc. Ce passage a été lu de diverses manières. Anciennement la plupart des éditions offraient la leçon suivante : Sibi conciliavit cum Heraclide (aux dépens d'Héraclide ). Nam quum eum maxime, etc. Mais on a remarqué avec justesse que per Heraclidem, dans le sens donné à ces mots, serait plus conforme aux règles de la bonne latinité. Goeller observant que les mots sibi conciliavit manquent dans certains manuscrits, proposa de lire : cum Achaeis... societatem firmabat; Macedonum animos (sous-entendu firmabat), quum Heracl., etc., tournure qui semble trop forcée. La meilleure explication paraît être celle que propose Jacobs ad Anthol. gr., vol. I, part. II, p. 358: Macedonum animos sibi conciliavit. Nam Heraclidem amicum quum maxime invidiae sibi esse cerneret, etc. Cet Héraclide était né à Tarente, dans une famille de la dernière classe du peuple. il fut chassé de sa patrie pour avoir voulu la livrer aux Romains. Bientôt après s'être réfugié chez ceux-ci, il trama de nouvelles intrigues avec Annibal et les Tarentins. Chassé une seconde fois il chercha un asile auprès de Philippe qui lui donna toute sa confiance. Polype dit de lui : « Cet homme avait apporté en naissant toutes les dispositions pour devenir un scélérat : dès sa plus tendre jeunesse il s'était livré, à toutes sortes d'infamies. Fier et terrible envers ses inférieurs, bas et rampant à l'égard de ceux qui étaient au-dessus de lui, il gagna un tel crédit auprès du roi de Macédoine, et lui fit commettre tant de crimes, qu'il fut presque la cause de la ruine entière d'un si grand royau- 796 me, par le mécontentement que causèrent, en Macédoine comme en Grèce, ses injustices et ses violences. » Polybe, XIl1, 4, 5; XVI, 15. CHAP. V. — In Chaoniam. La Chaonie embrassait alors le bassin de Janina, la vallée de Pogoniani et celle de Drynopolis. C'était la partie septentrionale de l'Épire. Le récit de cette campagne des Romains contre Philippe, et surtout l'application de la topographie, telle que nous l'a laissée Tite-Live, aux localités modernes, ont fort embarrassé les commentateurs, les géographes et les savants. Mais les recherches que M. Pouqueville a faites, dans cette partie de la Grèce, ont prouvé que toutes les indications de notre historien sont de la plus rigoureuse exactitude. Ce savant et infatigable voyageur s'est attaché spécialement à la comparaison entre le récit de cette campagne par Tite-Live et l'état actuel des liens, et rien n'est plus intéressant que de le suivre dans ses reconnaissances et ses explorations, dont nous profiterons plus d'unis fois dans ces notes. Voyage de Pouqueville, t. I, p. 292 et suiv. IBID. Quæ ad Antigoneam fauces sunt (stena vocant Graeci, de στενὸς, étroit. — Cette dénomination ancienne a été traduite, par les Albanais, par celle de Graca ou col. Le défilé dont il est ici question se nomme aujourd'hui, col de Cleboura, Il se trouve à une courte distance de Tébeleu, ville moderne, patrie et résidence du fameux Ali-Pacha, qui la nommait ses délices. IBID. — Praeter amnem Aoüm. Plutarque (Vie de Flamininus) nomme l'Apsus au lieu de l'Aoüs; mais il se trompe évidemment. Son erreur a pu venir de ce que ces deux rivières sont peu éloignées l'une de l'autre. La première (auj. le Vardasi) prend sa source dans la chaîne du Tomoros de Bérar, et arrose l'Illyrie macédonienne; la seconde, que les modernes nomment la Voïoussa, sort du Pinde, près d'Iancatura, et se jette dans le golfe Adriatique, au-dessus de l'ancienne Apollonie. Florus (II, 7) nomme l'Aoüs, fleuve Pindus. — Voy. Strabon , VII, 5, 9, p. 316 et Paumier de Grantm., Graec. ant., I, 25, 26 et 11, 3. IBID. — Is inter montes quorum alterum Aeropum, alterum Asnaüm incolae vocant, etc. Le mont appelé, par Tiite-Live et par Ptolémée (IlI, 15), Erope, et par Niger. Mérope (D. Niger, liv. X ), porte aujourd'hui le nom de Mertchica. L'Asnaüs est le Tréhechina des modernes. Ce sont deux branches du Pinde. «La gorge de l'Aoüs, terrible et sombre, dit Pouqueville, est enveloppée par les flancs âpres de deux montagnes parallèles, qui ne laissent entre leurs bases qu'un espace large au plus de soixante toises que le fleuve occupe presque en entier. » Voici la description qu'en donne Plutarque (Vie de Flamininus) : « C'est une longue vallée emmurée de coste et d'autre de grandes et hautes montagnes, non moins aspres que celles qui enferment la vallée que l'on appelle Tempé, en Thessalie; mais il n'y a pas de si beaux bols, des forests verdoyantes, guayes prairies, ny autres lieux de plaisance comme il y en a en l'autre; ains est seulement une grande et profonde fondrière, par le milieu de laquelle court la rivière... Elle occupe tout l'intervalle qui est entre les pieds des montagnes, excepté qu'il y a un petit chemin qui a esté taillé à la main dedans le roc, et une sente fort estroitte au long de !eau, si mal aisée qu'a grande peine une armée y pourrait passer, encore qu'elle ne trouvast personne qui lui défendist le passage; mais s'il est tant soit peu garde, il est du tout impossible Qu'elle y puisse passer. » Trad. d'Amyot, ch. IV. Ces descriptions feront mieux comprendre l'importance de la position qu'avait choisie le roi et les événements dont ces lieux furent le théâtre. Ces). V. — Anaüm Athenagorum, etc., à l'endroit où se voit maintenant le village de Dracoti. IBID. — Ipse in Aeropo posuit castra. Dans l'angle compris entre le confluant du Celydnus et de la Voïoussa, aux environs du village moderne de Codras. Cette position était fort importante , car du défilé de l'Aoüs le roi mettait à couvert les frontières de la Macédoine, et défendait l'entrée de l'Épire, de la Thessalie, de la Grèce entière. CHAP. VI. — Per Charopum Epiroten. Le sénat, employant autant l'intrigue que la force, avait su, à ce qu'il paraît, s'assurer dans plusieurs parties de la Macédoine et de la Grèce, quelques-uns des principaux personnages. Ainsi, de même qu'il avait mis dans ses intérêts l'Épirote Charopus, nous verrons ( ch. XIX) qu'il avait réussi à faire chasser par les Achéens Cycliadas, chef de la faction macédonienne, et à le faire remplacer par Aristène; qu'il avait gagné à sa cause une partie des magistrats des Achéens. et qu'en Béotie il avait acheté la conscience d'un Antiphyte et d'un Dicéarque.— On lit indifféremment Charopum ou Charopem. d'après Plutarque (Vie de Flam.) Polybe, XX, 4; XXVII, 13. IBID. — Transvectus. D'autres lisent : trajectus, qui équivaudrait à quant trajecisset, IBID. — Quinque milia ferme... quum abesset, loco munito relictis legionibus. Le camp du consul devait être situé au midi de Tebelen, a la base du mont Argénik. CHAP. VII. Sine ullius nota. Depuis que les chevaliers et les sénateurs romains avaient séjourné sous le climat enchanteur de la Sicile, depuis que le contact de la civilisation grecque avait appris aux humains de nouveaux besoins, de nouvelles voluptés, le luxe et la débauche avaient infecté la république. Après la défaite de Régulus, les censeurs Valerius Messala et P. Sempronius s'étaient vus contraints de dégrader treize sénateurs et plus de quatre cents chevaliers. L'an 204, Tite-Live nous montre les censeurs Livius et Néron chassant sept sénateurs de leur compagnie (XXIX, 27 ). Quant à Scipion l'Africain, une telle sévérité contre les membres de son ordre n'était pas conforme à sa manière de penser ni d'agir. On sait que lui-même s'attira les reproches et même l'inimitié du sévère Caton. Ce fut aussi sur la motion de Scipion que les sénateurs s'arrogèrent le droit d'avoir des places réservées au théâtre. IBID. — Castrorum portiorum, etc. Ce port devait se trouver en Campanie comme les deux autres villes. C'était peut-être le fort élevé, à l'embouchure du Vulturne, par les consuls Fulvius et Claudius, et dont Tite-Live a parlé (liv. XXV, 20 ) en ces termes : «Ad Volturni ostium, ubi nunc urbs est, castellum communitum. » Ce pouvait être encore le camp de Claudius fortifié par Marcellus, l'année de la bataille de Cannes (XXIII 17). Du reste la loi de colonisation ne fut portée que l'année suivante, (voyez plus bas, ch. IXIX), et elle ne fut mise à exécution que trois ans après. Voy. XXXIV, 45. IBID. — Mille ducenta pondo argenti, triginta pondo ferme auri. Environ quatre cent quarante kilogrammes; d'argent et vingt-deux kilogrammes d'or. Ces chiffres ne paraissent pas exacts à Duker, qui observe que Manlius Acidinus avait séjourné longtemps en Espagne avec Lentulus, et avait rempli ses fonctions avec succès, et que 797 cependant ce dernier en avait rapporté quarante-quatre mille livres pesant d'argent et deux mille quatre cents livres pesant d'or. CHAP. VII. — Consutatum ex questurae petere non patiebantur. Depuis la seconde guerre punique l'ambition et l'amour du luxe portaient les jeunes patriciens à se précipiter avant le temps dans la carrière des honneurs, et les tribuns du peuple eurent fort à faire pour s'opposer à cette anticipation, à ces empiétements continuels. Ce ne fut que l'an 179, avant J. C., que L. Vittius fixa, par la première loi annale, l'âge auquel on pouvait prétendre aux différentes charges. Sylla, dictateur, défendit de demander la préture avant la questure, et le consulat avant la préture. IBIDi — Jam aedilitatem praeturamque fastidiri. Ce reproche était en partie applicable au consul Lentulus, qui, de l'édilité était arrivé au consulat sana passer par la préture. IBID. -- Creati consules Sextus Aelius Paetus et T. Quinctius Flamininus. Plutarque ajoute que Flamininus, qu'il nomme Flaminius, commettant une erreur, réfutée par les manuscrits, les médailles et les inscriptions des fastes Capitolins, avait emporté le consulat « presque par force. » « Quand il fut question d'envoyer gens pour repeupler les villes de Narnia et de Cosa, il en fut député conducteur et commissaire : ce qui principalement lui donna grand coeur et hardiesse d'aspirer tout du premier coup au consulat, en passant par-dessus les autres moindres offices qui sont l'édilité, le tribunat (Plutarque ne fait pas attention, qu'en qualité de patricien, il lui était même défendu d'aspirer à cette charge) et la préture. Quand donc ce vint au temps que se faisait l'élection des consuls, il se présenta entre les poursuivants du consulat, accompagné de grand nombre de ceulx qu'il avait menez en ces deux villes, etc. » (Ch. II. )Aussi voit-on ensuite les tribuns du peuple lui reprocher de vouloir ainsi violenter les suffrages de ses concitoyens. CHAP. VIII. — Praeter consulares exercitus. Peut-être vaudrait-il mieux lire: praeter consules, praetores quoque, etc., et plus loin : Marcellus in Siciliam... Cato in Sardiniam. IBID. — Uti populum Romanum gratum eum facturum et senatui, etc. Gronove propose de lire : Utenti populo romano gratum eum facturum et senatui; et Rubenius : gratum ei (populo romano) futurum et senatui. Ces deux corrections ont pour but de rectifier l'emploi de la conjonction et qui, d'après la leçon ordinaire, a en effet quelque chose d'embarrassé. CHAP. IX.— Spectatae virtutis milites. On voit que le sénat ne négligea rien pour terminer avec éclat cette deuxième campagne contre Philippe, après le résultat peu décisif qu'avait obtenu la première. L'armée de Macédoine reçut des renforts (ch. VIII), et des levées de vieux soldats. Le consul apaisa les dieux par des prières publiques. Puis il mit dans sa marche plus de rapidité que ne l'avaient fait ses prédécesseurs, et se rendit au camp eu toute hâte magnis itineribus. IBID. — In proxima Epiri. Il est probable qu'ayant pris terre à Buthrotum, ville de la Thesprotie, en Épire, à l'embouchure du Xanthus, il se dirigea par Delvino, Moursina et Argyro-Castrou, pour se rendre à Tébélen, à l'entrée des défiles antigoniens. IBID. — An, ne tentata quidem, etc. Dans l'hypothèse de ce détour le consul aurait dû descendre l'Aoüs pendant neuf lieues, remonter à travers la Tauleutie (aujourd'hui le Musaché) par Bérat, et prendre les défilés des monts candaviens. CHAP. IX. — Lycumque. Ce nom (Λύκος, loup) a été donné à beaucoup de rivières, à cause de leurs ravages. CHAP. X. — Pausanias praetor et Alexander magister equitum. Ces deux fonctions serment désignées en grec par les mots στρατηγὸς et ἵππαρχος. IBID. — Thessalos primos omnium. Tite-Live n'a pas encore parlé, jusqu'à présent, de l'amitié du consul pour les Thessaliens qui, au contraire, avaient toujours été intimement unis aux Macédoniens, sans rare cependant incorporés à ce royaume. La Thessalie était même administrée comme province du roi, puisqu'à Larisse on trouva des registres de la couronne. Voyez XXXIII, 11. Peut-être le consul romain fit-il celle réclamation au nom des Étoliens ou d'Amynander, qui possédaient quelques villes dans cette province. Le caractère astucieux de Flamininus autorise aussi à croire qu'il ne demanda l'abandon de la Thessalie que pour exciter, comme il le fit réellement, l'indignation du roi et faire rompre des négociations auxquelles il ne voulait pas donner suite. IBID. — In planitie. La plaine entre Dracoti et le fleuve qui était alors probablement dans ses plus basses eaux, comme il arrive quelquefois au fort de l'été. IBID. — Genus armorum erat, aptum tegendis coroporibus. Ce passage est extrêmement altéré dans tous les manuscrits; aussi trouve-t-on, dans les commentateurs, grand nombre de conjectures et de leçons diverses, parmi lesquelles celle qu'on a reçue dans le texte paraît la plus satisfaisante. On lit aussi : « Amplum tegendis corporibus, aptum urgendis regiis, ou aptum urgendo cominus. » IBID. — Non pugnae finem fecit. D'après Plutarque il y eut plusieurs escarmouches de livrées, tandis que notre historien ne mentionne qu'un seul combat « Or tenait Philippe le hault des montagnes avec son armée, et quand les Romains le perforçaient de gravir contremont, ilz estaient accueilliz de force coups de dard et de traiet qu'ils leur donnaient de çà et de la par les flancs : si estaient les escarmouches fort aspres pour le temps qu'elles duraient, et y demeuraient plusieurs blecez et plusieurs tuez d'une part et d'autre; mais ce n'estait pas pour décider ne vuider ceste guerre ». (Plut., Vie de Flam., trad. d'Amyot. ch. V.) CHAP. XI. — Pastor quidam. Selon Plutarque, Charops avait envoyé au consul plusieurs bergers. IBID. — Ut suae potius. Cette réponse de Charops a beaucoup embarrassé les commentateurs et les traducteurs. Plusieurs l'ont entendue dans ce sens, qu'il disait au consul d'avoir autant de confiance dans le berger que si lui-même, Charops, se fût chargé de cette mission. Mais alors il semble qu'il faudrait plutôt: Ut si suae, etc. IBID. — Vinctum tamen tribuno tradit. « L'histoire du berger envoyé par Charops à Flamininus, s'est conservée, dit Poucqueville. dans les souvenirs des habitants de Tebelen, auxquels je l'ai entendu raconter. Ali-Pacha, sans en contaaire l'origine, la rapporte à un seigneur du pays, qui fut guidé par un berger qu'on menait eu laisse (comme un chien de chasse, ce sont ses expressions) par le défilé de Damesi, pour s'emparer de Cleïsoura qui était une place inexpugnable, remplie de trésors, gardée 798 par une princesse si belle, etc. Ainsi s'est perpétué, sous d'autres couleurs, un fait historique parmi des Barbares qui ne connaissent ni le nom de Philippe, ni celui de Flamininus. » Poucquev., Voy. en Gréce, t.1, p. 305. D'après le même voyageur, le passage des montagnes indiqué par le berger est celui qu'on nomme actuellement le Maile-Dam. Il a reconnu que le détachement commandé par le tribun de Flamininus avait dû prendre les Macédoniens en queue, en descendant du mont appelé Omitchioto dans le Grùca, par le sentier de Méjourani. CHAP. XII. — Rex primo effuse ac sine respectu fugit. Il dut opérer sa fuite par des sentiers étroits praticables sur le bord du fleuve. CHAP. XIII. — Ad Castra Pyrrhi... locus est in Triphylia terrae Melotidos. Quoique ces lieux soient peu connus et que pour cela on ait proposé de lire: Stymphaliam inter et Elimiotidem ou Stymphea terra Elimiotidis, il paraît néanmoins que ces corrections sont contraires à la vérité sous le rapport topographique. La Mélotide serait le territoire actuel de Lexovico et Tchartchof le camp de Pyrrhus. Voyez Paumier, Graec. ant., Il, 9. IBID. — In montem Lingonem. La description que donne l'auteur, de ces montagnes, les fait reconnaître pour celles où se trouvent les sources de l'Aoüs, c'est-à-dire pour cette partie du Pinde environnée par les Haliaemonts, le Mavron-Oros et le Zygos. IBID. — Oriens spectat ; septentrio a Macedonia objicitur. Comme il serait plus régulier de dire : regio spectat orientem ou regio septentrioni objicitur, on a conjecturé que ce passage était altéré. IBID. — Suum in Thessaliam agmen. Gronove propose de substituer citum à suum. IBID. —Triccam. Aujourd'hui Tricota, sur les bords du Pénée. IBID. — Oppida incendebat. Quand Philippe vit que le consul, par sa victoire aux défilés Antigoniens, avait forcé les portes de la Grèce, il adopta un nouveau plan de défensive. Il résolut de détruire l'armée romaine en détail, en la forçant à assiéger l'une après l'autre les nombreuses places fortes qui couvraient le pays et en la réduisant à toutes les extrémités de la famine. Lui-même attendrait pour se porter où besoin serait, campé à l'entrée de la vallée de Tempé, défilé non moins redoutable que celui qu'il avait été forcé d'abandonner. Malheureusement, la molle résistance des villes sur lesquelles il comptait fit échouer ses projets. On verra plus loin (ch. XXXIII, discours d'Alexandre) à quelles déclamations et à quelles accusations ces plans donnèrent lieu de la part des Étoliens et des agents de Rome. IBID. — Phacium, lresiae, Euhydriam ( Ville aux belles eaux, εὖ et ὕδωρ), en Arcadie. IBID. — Eretria. Ptolémée (III, 15) place cette ville dans la Phthiotide, entre Pharsale et Phérès. C'est aujourd'hui Vatia. INID. — Palepharsahus. Voy. Tite-Live, XLIV, 1. IBID — Pheras. Aujourd'hui Fère, ville de Magnésie. IBID. — Sperchias. Ptolémée (III, 15) et Étienne de Byzance placent celle ville dans la Thessalie Phthiotide. Mais on ne peut admettre celte position pour le lieu dont il est ici question, puisque les Étoliens n'étaient pas encore pressés en Thessalie: transgressi inde In Thessaliam. CHAP. XIII. — Macran comen (μακρὰ κώμη), lieu inconnu. IBID. — Cymenes et Angeas. Entre le Pinde et l'Apidanus. IBID, — A Metropoli. Dans la Phthiotide, sur la rive gauche de l'Apidanus. IBID. -- Callithera. Sur la rive droite de l'Apidanus. IBID. — Theuma inde et Calathana. La première était entre Angées et Tricca; la seconde, sur la rive orientale du Pénée, près de Métropolis. IBID. — Acharras. Un peu au sud de Calathane. IBID. — Xiniae. Sur les bords du lac Xinies, près du Pinde. IBID. — Cyphara. A l'ouest de Xinies. IBID, — Dolopiae. L'Onoblachia, sur les frontières de la Thessalie. CHAP. XIV. — Gomphos. Voy. XXXI, 41. IBID. — Phecam. Dans l'lstiéotide, au pied du Pinde. IBID. — Eo demum metu. Crévier a corrigé ainsi les mots : eodem metu, qui, avant lui, étaient la leçon ordinaire, mais qui ne présentaient pas un sens satisfaisant. IBID. — Argenta, Pherinum... et Lampsum habent. Villes de Thessalie, dont la situation est inconnue. IBID. — A tribus exercitibus. Celles de Philippe, des Étoliens et des Athamanes. IBID. — In sinum Arnbracium. Le golfe d'Ambracie, aujourd'hui golfe de Larta, était une vaste baie entre l'Épire et l'Acarnanie, jointe à la mer Ionienne par un canal fort étroit. IBID. — In monte Cercetio. Cette montagne, nommée Cercelos par Pline (IX, 8), Κερκετικὸν ὄρος par Etienne, et Κερκετήσις, par Ptolémée (III,15), séparait la Thessalie de la Pélagonie. CHAP. XV. — Phaloriam. Voyez XXXIX, 25. I BID. — Piera. On lit aussi Pialia. IBID. — Aeginium. Ville de l'Istiéotide, sur les frontières de l'Épire. Strab., Vll, 7, 9, p. 527, et Pline, IV, 10 ou 17. IBID. — Quia Epiretarum pepercerat agris. « Ils traversèrent l'Épire modérément et avec grande abstinence, dit Plutarque, car Titus avait l'oeil et admouestait ses gens d'y passer sans y faire ne porter aucun dommage, comme s'ils estaient sur territoire romain (ch. VIII). » On voit que Flamininus cherchait tous les moyens d'inspirer aux Grecs de la confiance dans les belles promesses de délivrance dont il les berçait. Cette modération rendait encore plus odieuses les dévastations de Philippe. IBID. — Leucadem. Voyez la note sur le ch. XXVI du liv. XXVI. IBID. — Atracem. Aujourd'hui Voïdanar. CHAP. XVI. — Zamam insulam. Cette île est inconnue aux géographes. Sigonius a proposé de lire : Samen insulam. Ce serait une ville de l'île de Céphallénie (aujourd'hui Céphalonie), ou bien l'ancien nom de cette île, située dans la mer Ionienne, sur la côte de l'Acarnanie. Voyez Strab., X, p. 455, 456, Pline; IV, 12; Pausan., VI, 5. Glarcanus a proposé :Zacunthum (Zaute). Mais 799 cette île est trop éloignée du cap Malée pour qu'on puisse approuver cette correction. CHAP. XVI. — Eretriam. Celle ville, située sur la côte occidentale de l'Eubée, avait été rebâtie par les Athéniens, après avoir été détruite par les Perses lors de l'expédition de Darius. Pausanias . VII, 8; Méla , II, 7. — Elle porte aujourd'hui le nom de Paléo-Castro. IBID — Attali regis adventu audito. Tite-Live nous apprend plus bas ( ch. XXVIII) que Antiochus, cédant à la demande du sénat (ch. VIII, avait retiré ses troupes des états d'Attale, ce qui permit à ce prince d'envoyer sa flotte au secours des Romains. IBID. — Jussitque ut quae, etc. Crévier fait observer ici que le verbe jubere ne se construit pas régulièrement avec la conjonction ut; il propose conséquemment de lire: Jussitque, ut quaeque... venissent naves, Euboeam petere. Mais cette correction est inutile. En effet, on trouve beaucoup d'exemples de l'emploi du subjonctif avec jubere, dans Plaute, Térence, Ovide, Horace. Virgile a dit (Ecl., V, 15) : ..Tu deinde jubeto certet Amyntas. Tite-Live, XLII, 59 « Legati vel cum tribus venire jubebant vel obsides daret. » XLIV, 2 : « Quum exponerent in consilio jussisset qua quisque ducturus esset. » CHAP. XVII — Macedonibus treceni nummi. Ces pièces étaient-elles grecques ou romaines? Crévier conjecture que c'étaient des drachmes; il se fonde pour cela sur le ch. LXVIII du liv. XXII, où Annibal exige pour rançon des Romains : «Equiti quingeni quadrigati nummi, pediti treceni. » Or ces quadrigati nummi étaient des deniers, monnaie correspondante aux drachmes. Leur valeur était de 0, 82c. Les trois cents équivalaient donc à 246 fr. IBID. — Cenchreas. Cenchrées , aujourd'hui Kékriès , était un entrepôt très considérable. On n'y trouve plus de nos jours qu'une douane et quelques magasins. IBID. — Atrocioremque. Gronove propose de lire: longiorem Atracis ou ad Atracem oppugnationem. Peut-être aussi faut-il : Atrocioremque Atracis oppugnationem? La clarté de la phrase semble exiger que le nom de la ville soit exprimé. CHAP. XVIII. — Anticyra. Cette ville, aujourd'hui Aspro-Spitia, était, comme nous l'avons déjà dit, célèbre par l'ellébore qui croissait dans ses environs. Comme les anciens croyaient que cette plante était un remède souverain contre la folie, ils disaient proverbialement: Naviget Anticyram. Voy. Pausanias, X, 56. IBID. — Phanoteam. Suivant Strabon (IX, p. 424), cette ville, située dans la Phocide orientale, aux confins de la Béotie, était la même que Panopée. Elle se nomme actuellement Agios-Blasios. IBID. — Ambrysus. Ambryse, aujourd'hui Dystomo, était sur une des croupes du Parnasse. Son acropole est encore reconnaissable par ses soubassements antiques. IBID. — Hyampolis, maintenant Iamboli, était entre le Céphise et Oponte, sur les confins de la Béotie. IBID. — Daulis, nommée ainsi par Hom., Il., II, 520, et par Eschyle Daula, est placée par Sophocle sur le chemin du triodos, où Œdipe tua son père Laius. C'est aussi là que Philomèle et Progné servirent à Térée le corps de son fils. Voy. Paumier, Graec. Ant., VI, 12, 13 et 15; Pausanias, Phocide, ch. I; Pline, IV, 7, Polybe. IV. 25. On voit, sur la croupe du Parnasse où Saulis était située, une bourgade moderne nommée Dolia. Les restes de l'acropole sont sur un escarpement cerne à l'occident par un ravin très profond. CHAP. XVIII. — Elatia. Celle ville était, après Delphes, la plus considérable de toute la Phocide, au rapport de Pausanias. Elle était placée de manière qu'elle livrait l'entrée de la Phocide et de la Béotie. Voyez Strab., IX, p. 424, et Tite-Live, XXVIII, 7. C'est aujourd'hui le village d'Elephta. L'acropole présente encore d'antiques constructions, et l'on trouve à quelque distance une grande quantité de débris. IBID. — Aut ducem aut exercitum romanum. Celle alternative est assez déplacée. Aussi Drakenborch croit-il qu'il y avait primitivement : romanum seulement, et qu'un copiste aura exprimé son doute en ajoutant à la marge: Aut ducem aut exercitum, mots qui auraient ensuite passé dans le texte. CHAP. XIX. — Rei majoris spes affulsit. On ne comprendra bien les plans de Flamininus qu'en songeant que son but principal était de détacher la Grèce du parti de Philippe. Il sentait bien que, pour le vaincre, il fallait d'abord entraîner dans l'alliance romaine un pays qui était pour l'ennemi, comme le dit Plutarque, un grenier, un trésor, un arsenal inépuisable, une retraite assurée. D'ailleurs, la domination du roi y était fortement ébranlée, et la défection des Achéens offrait au consul un avantage très important. C'est pourquoi il ne négligea pieu pour l'obtenir, ni la séduction, ni la terreur. IBID. — Corinthum iis contributuros. Corinthe avait été prise autrefois aux Macédoniens par Aratus qui, avec quatre cents hommes, s'était introduit par un fait d'armes des plus glorieux dans la ville et dans le château. Mais plus tard Aratus l'avait de nouveau cédée à Antigone-Doson pour obtenir son appui. IBID. — In antiquum gentis consilium. Les villes d'Achaïe, au nombre de douze, avaient déjà été confédérées avant d'âtre soumises par les rois de Macédoine, successeurs d'Alexandre; mais ce ne fut que vers l'an 281 qu'elles chassèrent leurs tyrans et formèrent une nouvelle ligue. Voyez, sur la ligue achéenne, Helwing, Geschichte des achaeischen Bundes, Lemgo, 1839; Ch. Fr. Merleker, Geschichte des Aetolische - Achaeischen Brundesgenossen - Krieges. Koenigsb., 1851; le même Achaicorum libri, III, Darmstadt, 1837 et VV. Schorn, Geschichte Griechenlands von der Entstehund des Aetolishen Bundes bis auf Zerstaerung Korinths, Bonn, 1853. IBID. — Terrebat Nabis. Il avait usurpé l'autorité après Machanidas, vers 206 avant J. C. Ou sait qu'il ne consolida son pouvoir qui à force d'exils, de supplices et de confiscations. CHAP. XX. — Si non cura communis salutis. Il régnait alors dans toute la Grèce une indifférence déplorable pour les affaires publiques. Athènes. par exemple, n'avait plus que des orateurs aussi lâches que bavards, et ne rendait plus de décrets que pour flatter les rois ses alliés, ou lancer des imprécations contre Philippe. En Béotie, les tribunaux étaient fermés, les assemblées publiques suspendues, et les mourions léguaient leurs biens à leurs amis pour être dépensés en festins. Voyez, sur l'état de la Grèce à cette époque, Montesquieu, Grand. et décad. des Romains, ch. v. 800 CHAP. XXI. Fortuna et dat fiduciam. Les éditions anciennes portaient toutes : Achaei portus et dant... et demunt. Cette phrase n'offrant pas ainsi de sens satisfaisant, Gronove proposait : sui exercitus, ou suae vires : un autre commentateur conjecture : armati potius, ou arma patius, en donnant à arma le sens de puissance, comme plus bas : « si victus armis cessit. » Enfin, Goeller, s'appuyant sur un manuscrit, a proposé la leçon que l'on a suivie dans le texte. IBID. — Ut nos Philippus defendat. Le roi réservait ses troupes pour la défense de la Macédoine et des places qu'il possédait encore en Grèce. Ainsi, tandis qu'il abandonne à eux-mêmes les Achéens, pressés de toutes parts, nous le verrons envoyer quinze cents hommes pour renforcer la garnison de Corinthe (ch. XXIII). IBID. — Nec duce consulari, nec exercitu. Grévier dit qu'il faudrait peut-être lire cette phrase ainsi : Nec duce custode, nec exercitu consulari. IBID. — Maritimae tum urbes. Gronove substitue tantum à tum ; d'autres etiam. IBID. — Ciani. La restitution de ce mot à la place de Cluvii, qui n'offrait pas de sens, est due à Sigonius. Cius, ville de Bithynie, aujourd'hui Chio ou Kemlik, au fond du golfe Cianus, avait été renversée par Philippe. Prusias son gendre et son allié la rebâtit et elle prit alors le nom de Prusa. Voyez Strab., XII, p. 563; Polybe, XV, 21, 25 ; XVI, 54 ; XVII, 3-5 ; XVIII, 27 ; Hardouin, sur Pline, V, 52 ou 40 et 43; et Wesseling, sur Hiéroclès, p. 692-694. IBID. — Direptionesgne bonorum Messeniæ. Voy. Plut., Vie d'Aratus. IBID. — Hospitem Cyparissiae. Cyparisse était une ville de Messénie, au fond du golfe de ce nom, aujourd'hui golfe de Dronchio. IBID. — Garitenem. L'histoire ne nous apprend rien au sujet de la mort de ce Garitène. IBID. -- Aratum patrem, filiumque. On sait qu'Aratus, fils de Clinias et d'Aristodéma, fut chef de la ligue achéenne dans laquelle il fit entrer Sicyone, Corinthe, Athènes et Mégalopolis. Il avait demandé du secours à Philippe contre les Étoliens; mais il n'eut pas à se féliciter de l'amitié de ce roi, qui séduisit sa belle-fille, et força même sa femme Polycratia à le suivre en Macédoine. Alors il rompit avec le roi, qui le fit empoisonner, à l'âge de soixante-deux ans, l'an 215 avant J. C. Comme ses amis s'étonnaient, quelques jours avant sa mort, de le voir cracher du sang, Il leur répondit: « Voilà le fruit de l'amitié des rois. » Voy. Polybe, VIII, 16 ; Plut., Vie d'Aratus. Son fils remplit aussi la première magistrature chez les Achéens et périt, comme son père, victime de la perfidie du Macédonien. IBID. — Filii etiam uxorem. Goeller lit: Polycratiam uxorem. Voyez XXVII, 31. IBID. — Cum Antigouo, mitissimo ac justissimo rege. etc. Antigone-Doson, oncle paternel et tuteur de Philippe dont il fut le prédécesseur, domina dans tout le Péloponnèse, moins par la force que par l'affection. Il contraignit les Étoliens à vivre en paix sans piller leurs voisins, et vainquit Cléomène à Sellasie. Favorisé par Aratus, il acquit chez les Achéens une telle autorité, qu'il fut nommé généralissime de leurs troupes de terre et de mer, et qu'ils portèrent un décret par lequel ils s'engageaient à n'envoyer d'ambassadeur à aucune puissance sans l'expresse permission de ce prince. Enfin, pour comble de bassesse, ils lui offrirent des filiations et des sacrifices, célébrèrent des jeux en son honneur, et le regardèrent enfin comme an dieu. Vola Justin, XXVIII, 3; Polybe, II, 45, 70; IV, 87 ; XX, 5. CHAP. XXI. — Quod tum fieri non posset. Ce tum est embarrassant; peut-être faut-il lire avec Drakenborch : Quod tuto fieri, ou avec Goeller : Quod tueri non posset. IBID. — lssaïci lembi. Voyez XXXI, 45. IBID. — Dymas. Cette ville, aujourd'hui Papas, était située dans l'Achaïe, au N. sur la mer, entre le promontoire Araxe et Olène. Elle avait été prise dans la guerre des Romains contre Philippe, pendant la deuxième guerre punique. Voyez XXVII, 51; Pausanias, VII, 17, 5 CHAP. XXII. — Damiurgos. Forme dorienne pour δημιουργοί Voy. Polybe XXIV, 5. Hesych.: Δημιουργοὶ παρὰ τοῖς Δωριεῦσιν οἱ ἄρχοντες, τὰ δημόσια πράττοντες, ὥσπερ Ἀθήνῃσιν οἱ Δήμαρχοι. IBID. — Nam Megalopolitanos avorum memoria, etc. Cléomène, tyran de Sparte, chassa les Mégalopolitaine de leur ville. Ils se retirèrent à Messène et furent rétablis dans leur patrie par Antigone-Dosnu, qui défit Cléomène, prit Sparte et rendit la paix à la Grèce (Plut., Vie de Cléom., ch. IV). On voit donc que les termes avorum memoria disent beaucoup trop appliqués à des événements si peu éloignés. CHAP. XXIII. — Ab Lechaeo. Le Léchée, port de Corinthe, sur le golfe de Lépante, était à une demi-lieue de la ville à laquelle il était réuni par un chemin bordé de murailles sur une longueur de douze stades. Il porte aujourd'hui le nom d'Alica, et se présente comme un îlot submergé à l'extrémité d'un terrain bas. On y voit les magasins des douanes. IBID. — Imperio in se uti. On a suivi dans le texte la leçon de Goeller, mais ce passage est rendu de diverses manières. Dans quelques éditions on lit : Imperio justo patiebantur. Gronove propose : Imperatorem justum, et plus bas oppugnantribus. IBID. — Ad spem honoratoris militiae. Les Romains n'enrôlaient guère dans leur marine que des fils d'affranchis ou des hommes libres de la plus basse classe. Voyez Suet., Galb., 12; Tacit., Hist. 1, 87 ; Lips., de Mil. rom., I, 2; voyez aussi la note du ch. XXXII, du liv. XXVI. IBID. — Quam vocant acraeam. Ce nom venant d'ἀκραῖος, haut, est donné à plusieurs divinités honorées sur des lieux élevés, à la Fortune, à Jupiter, etc. IBID. — In incepto perstabat. Ces mots sont fort altérés dans les manuscrits, et ont donné lieu à un grand nombre de conjectures. Quelques commentateurs lisent : a Sysiphio, qu'ils croient être un fort, voisin de Corinthe. CHAP. XXIV. — Ariete admoto, guum, quantum inter turres munierat prorutum, cum ingenti, etc. Telle est la disposition de la phrase adoptée par Jacobs. Lemaire la lit ainsi : Ariete admoto, quantum... erat prorutum, quasis ingenti, etc. IBID. — Ita urbe potitur consul. La conquête d'Élatée, poste très important de Philippe dans la Grèce du milieu, contrebalança le double avantage qu'il obtint par la levée du siége de Corinthe et l'outrée de Philoclès dans Argos (Voyez ch. XXV). 802 CHAP. XXV. — Additum lege erat. D'autres éditions portent legi. Ce mot ne serait pas en opposition avec mos qui signifie souvent une chose établie par une loi et observée par un usage constant. Servius , à propos de ce passage de Virgile (En., 1, 208 ), mores que viris et moenia ponet, a dit: « Leges etiam mores dici non dubium est. » IBID. — Post pactam vum Romanis societatem. Il faut se rappeler que quelques Argiens seulement, quidam Argirorum, quittèrent l'assemblée générale de la ligue. IBID. — Legitimum honorem usurpare. Rem ou vocem usurpare, signifie souvent faire ou dire une chose, surtout si cette action ou cette parole est répétée. IBID. — Larissam eam arcem vocant. Cette forteresse avait été brâtie par Danaüs. Voyez Pausanias, II, 23, 9; III, 17, 2; Strabon, VIII, p. 370; IX, p. 440; cf. Cellarius, Geogr. Ant., Il, 13, p. 782. IBID. — Missus a Phocide... nihil fatus, tantummodo, etc. La tournure de cette phrase a quelque chose d'embarrassé. En voici la construction d'après Gronove: « Nihil fatus, quum tantummodo projecto prae se clypeo staret, missus a Philocle qui quaereret : quid sibi vellet ? Respondit : etc. — Elle aurait une allure plus franche si l'on suivait la conjecture de Drakenburch, qui propose de lire: « Missis qui quærerent, ou Misso qui quaereret, etc., nihil statu motus, nihil statu motus, nihil mutato quum, etc. » En effet, on reconnaît dans la plupart des manuscrits les mots statu et moto ou modo. Tite-Live a dit ailleurs (VIII, 18) : « Si turbare ne statu movere volumus. » CHAP. XXVI. — Setiae, ville des Volsques. IBID. — Centum millia gravis aeris. 48.000 fr. IBID. — Vicena quina millia aeris. 12,000 fr. IBID. — Triumviri carceris lautumiarum. Ces triumvirs s'appelaient capitales. C'étaient trois officiers chargés de veiller à la garde des prisonniers et de présider aux exécutions. Ils avaient aussi une juridiction particulière sur les esclaves fugitifs et les gens sans aveu. IBID. — Ne minus decem pondo. Environ quatre kilogrammes. CHAP. XXVII. — Ducentnm quadraginta sex pondo. Environ quatre-vingt-quatorze kilogrammes. IBID. — Modium ducenta millia. Seize mille six cent quarante hectolitres. IBID. — Sardiniam M. Porcius Cato obtinebat. Cet homme, dont le nom devenu proverbial désigne la vertu la plus sévère, était né à Tusculum et avait été élevé dans les rudes travaux de la campagne. Appelé à Rome par Valerius Flaccus, et appuyé par Fabius Maximus, il fut bientôt tribun des soldats. Nommé questeur en Sicile auprès de Cornélius Scipion, il s'éleva contre les comptes peu réguliers de l'Africain et ses dépenses excessives. Préteur en Sardaigne, il se conduisit de manière que jamais, dit Plutarque, le nom romain n'y fut plus chéri et en même temps plus redouté. Les préteurs romains ruinaient ordinairement leurs provinces par le luxe de leur maison et la magnificence de leur cortége. Ils exigeaient des villes qu'ils visitaient, des fournitures de lits, de pavillons, de provisions de toute espèce, et des sommes immenses pour leur table. Loin de les imiter, Caton marchait à pied, suivi d'un seul officier, portant à son usage une robe et un vase pour les sacrifices. « Jamais, dit Plutarque ( Vie de Caton, ch. VI et IX ), il ne prit du public, pour lui et sa suite, plus de trois médimnes de froment par mois, ni plus de trois demi-médimnes d'orge par jour pour ses chevaux. Il buvait cinéma vin que ses esclaves, et ne souffrait pas qu'on achetât pour plus de trente as de provisions par jour. Il écrit lui-même que de toutes les maisons qu'il avait à la campagne, il n'y en avait pas une dont les murs fussent blanchis ni enduits, et se fit gloire d'avoir laissé en Espagne le cheval dont il s'était servi à la guerre pendant son consulat, pour épargner à l'état l'argent qui eût cubé son transport.» A la suite de son consulat, il fut envoyé en Espagne, où il se vanta d'avoir pris plus de villes qu'il n'y passa de jours. Après s'être vaillamment battu eu Grèce contre Antiochus, comme simple tribun militaire, il revint à Rome et y remplit les fonctions de censeur qui furent son plus beau titre de gloire aux yeux de la postérité. Tout le monde connaît l'énergique dévouement et la courageuse sévérité avec lesquelles il consacra ses efforts à veiller au maintien des moeurs. Il faut avouer cependant qu'il vécut trop longtemps pour sa gloire. Dans les derniers temps de sa vie, il se laissa aller aux vices qu'il avait si énergiquement condamnés; à la volupté, à l'avarice et à l'usure. Plutarque rapporte qu'il exerça mémo l'usure maritime, la plus décriée de toutes, parce qu'elle était la plus forte. Après avoir, sans égards pour la présence de son fils et de sa belle-fille, entretenu un commerce illicite avec une de ses esclaves, il finit par se donner le ridicule d'un second mariage avec la tille de son intendant. Cet homme extraordinaire mourut à rage de quatre-vingt-dix ans. Voyez Tite Lise, XXXIX, 40. CHAP. XXVII. -- M. Sergius Silus. Il fut le biasaïeul de Catilina. Pline ( VII, 28) parle avec grand éloge de sa bravoure et des blessures dont il était couvert. CHAP. XXVIII. — T. Quinctio prorogarunt imperium. Polybe nous apprend (VI, 3 ) que depuis bu lin de la deuxième guerre punique jusqu'au temps des Gracques, le sénat usurpa la prérogative d'accorder ou de refuser aux consuls et aux préteurs la prorogation de leur commandement, tandis que depuis les premières années de la guerre du Samnium le peuple seul avait exercé ce droit. CHAP. XXIX. — Summani. Surnom de Pluton : Summus Manium, le premier des dieux Mânes. IBID. — Clastidium, aujourd-hui Chiatezzo. IBID. — Litubium, aujourd'hui Ritorbio, dans le Milanais. CHAP. XXX. — ln iis Amilcarem. Nous avons déjà fait remarquer ailleurs que Tite-Live a commis une inadvertance au sujet de la mort d'Hamilcar, qu'il dit avoir été tué dans une bataille précédente contre les Gaulois (XXXI, 21), et qu'il nous présente encore plus tard comme mené en triomphe devant le char de Cornélius(IXXXIII, 23). S'il s'agissait d'un autre Hamilcar, l'historien eût dû en prévenir le lecteur. CHAP. XXVII. — Id gravate concessum regi est : non quin, etc. Telle est la manière ordinaire de lire celte phrase. Gronove a soupçonné avec justesse que l'auteur avait écrit : Id non gravate concessum regi est, quum caperet, etc. IBID. — Prope Nicaeam. Nicée élan une ville de la Locride, très voisine des Thermopyles. 802 CHAP. XXXII. — Principes Macedonum. Polybe, que Tite-Live suit presque toujours exactement dans la relation de cette campagne, nomme ici Apollodore et Demosthiène (XVII, 1). IBID. — Istud quidem, ait Romanis, par omnibus periculum est qui cum hoste ad colloquium congredientur, etc. Les paroles du consul ont ici un sens général. tandis que dans Polybe elles sont restreintes à la circonstance et ne s'appliquent qu'aux personnes qui assistent à la conférence, de manière que la réplique de Philippe s'accorde mieux avec elles : ἴσον εἶναι πᾶσι τὸν κίνδυνον καὶ κοινὸν τὸν καιρὸν. Plutarque, dans ses apophtegmes, raconte autrement les détails de l'entrevue : « Philippus, dit-il, pour la sécurité de sa personne luy demandait ostages. Pour ce que, disait-il, les Romains ont ici plusieurs capitaines avec toy et les Macédoniens n'ont que moy. — Non, respondit Quinctius, pour ce que tu t'es rendu tout seul, ayant faict mourir tous tes amis et parents. » CHAP. XXXIII. — Nicephorum, Veneris templum. Nous avons eu occasion de dire précédemment que ce Nicéphorium était un bois sacré planté par Eumène, près de Pergame. IBID. — Peraeam. Pérée, de περᾷν, traverser, est un nom qu'on donne en général à une contrée située au delà d'un fleuve ou d'une mer. La Pérée rhodienne était la partie méridionale de la Carie, vis-à-vis de Rhodes. Canus en était la ville la plus remarquable. IBID — Ab Iasso, et Bargyliis et Euromensium urbe. Iassus (Assem Kalesi) était une île de la Carie, au fond du golfe d'Iassus. Bargylies était sur les dites de la mer Égée, dans le même golfe. Eurome se trouvait aussi dans la Carie. IBID. — Sesto atque Abydo. La première de ces villes était dans la Thrace, sur les bords de l'Hellespont, vis-à-vis d'Abydos, dont elle n'était séparée que par un bras de user très étroit. IBID. —Perinthium, ville de la Thrace, sur la Propontide, près de Byzance; aujourd'hui Erekli. IBID. — Lysimachiam. Il s'agit ici de la ville de ce nom dans la Chersonèse; il y avait une autre Lysimachie en Étolie. IBID. — Phtias, ancienne ville de Thessalie, où régna Pelée et où naquit Achille. IBID. — Echinum, sur les côtes de la Thessalie, dans la Phtiotide , à l'entrée du golfe Maliaque, aujourd'hui Echino. CHAP. XXXIV. — Et erat dicacior natura quam regem decet. Plutarque rapporte qu'après la bataille de Cynocéphales les Étoliens ayant composé une chanson contre Philippe, ce prince se contenta d'en composer une autre en réponse. IBID — Aegraeos, Apodotosque et Amphilocos. L'Agrée était une petite contrée, partie dans l'Acarnanie. partie dans l'Étolie, au nord de ces deux pays. On ne cornait pas bien la position de l'Apodotie. L'Amphilochie (Filochia) était une contrée de l'Acarnanie, au S. E. du golfe d Ambracie. Voy. Palmier, Graec. Ant., IV, 3, 7. CHAP. XXXVII. — Non posse liberam Graeciam esse. Sans doute Philippe se proposait d'occuper ces trois postes importants jusqu'à ce que le torrent de l'invasion romaine fût passé, et d'en sortir à la première occasion favorable peur établir en Grèce sa suprématie, momentanément détruite. Mais les ambassadeurs grecs, choisis parmi ses ennemis, dévoilèrent au sénat ses projets. CHAP. XXXVIII. — Optimum ratos Nabidi eam... dare. Outre l'impuissance de veiller à la sûreté d'une ville si éloignée qu'Argos, le roi sentait encore la nécessité de balancer par l'alliance de Nabis celle des Achéens avec les Romains. CHAP. XXXIX. — Quinctius... quum annuis, et se venturum. Après avoir acquis l'amitié des Achéens, il ne restait plus au consul pour établir son influence par toute la Grèce qu'a gagner celle du tyran, qui, maître de l'Argolide comme de la Laconie, dominait dans le tiers du Péloponnèse. II accepta donc cette ignominieuse alliance, se réservant d'agir plus lard en ennemi avec Nabis .quand l'intérêt de Rome le demanderait. Ainsi cet habile agent des desseins du sénat avait réussi a établir dans tout le Péloponnèse, Corinthe excepté, la suprématie de Rome. La Grèce était complètement détachée de Philippe: elle marchait d'elle-même, sans s'en apercevoir, à son prochain asservissement, et tout étant prêt pour livrer avec succès au roi une bataille décisive. CHAP. XL. — Decem millia mediumnum frumenti. Environ seize cent soixante-quatre hectolitres. IBID. — Uxorem. On sait par quel moyen ingénieux Nabis avait imaginé de lever dans ses états des contributions forcées. Il faisait venir auprès de lui quelque riche personnage, lui parlait avec beaucoup de douceur des dépenses que lui coûtait l'entretien de ses troupes mercenaires, des frais énormes nécessités par le culte des dieux ou l'administration de l'état; puis il finissait par lui demander ses biens. Si l'individu refusait obstinément, il lui disait : «Je n'ai pas le talent de vous persuader, mais je vais vous conduire vers ma femme Apéga, qui peut-être aura plus de bonheur que moi. » Puis il le menait vers une statue à ressorts ressemblant à sa femme et couverte de vêtements magnifiques, mais dont les bras, les mains et la poitrine étaient hérissées de pointes aigués. Le malheureux expiait son refus dans ces cruels embrassements.
|