Cogitosus

YVES DE CHARTRES.

 

LETTRES CLI - CLXXV

lettres CXXVI à CL - lettres CLXXVI - CLXXXIX

Œuvre numérisée par Marc Szwajcer

 

 

LETTRES

DE

SAINT IVES

EVEQUE DE CHARTRES

TRADUITES ET ANNOTÉES

PAR LUCIEN MERLET

Membre correspondant de l'Institut.

CHARTRES

IMPRIMERIE GARNIER

15, rue du Grand-Cerf, 15

M DCCC LXXXV


 

 

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EPISTOLA CXLVIII. HILDEBERTO, Dei gratia Cenomanensi episcopo, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, salutem

De viro illo qui prius per concubinatum cuidam adhaesit mulieri, postea vero cum eadem muliere infirmitate correpta pactum conjugale dato annulo iniit (epist. 16 et 155), hoc respondemus prudentiae vestrae, quia ex majori parte conjugii sacramentum implevit, quod postea nisi adulterium intercessisset, lege divina et humana prohibente, solvi non potuit. Unde Augustinus in libro De bono conjugali: « Posse sane fieri nuptias ex male conjunctis, honesto postea placito consequente, manifestum est. » Idem in eodem: « Solet quaeri cum masculus et femina, nec ille maritus, nec illa uxor alterius, sibimet non filiorum procreandorum, sed pro incontinentia solius concubitus causa copulantur, ea fide media ut nec ille cum altera, nec illa cum altero id faciat, utrum sint nuptiae vocandae? Et potest quidem fortasse non absurde hoc appellari connubium, si usque ad mortem alicujus eorum id inter eos placuerit, et prolis generationem, quamvis non ea causa conjuncti sunt, non tamen vitaverunt, ut vel, nolint sibi nasci filios vel etiam opere aliquo mala agant, nascantur. » Ambrosius ad virginitatis exhortationem: « Desponsata viro conjugis nomen accepit. Cum enim initiatur conjugium, tunc conjugii nomen assumitur. Non enim defloratio virginitatis facit conjugium, sed pactio conjugalis. Denique cum jungitur puella, conjugium est, non cum viri admistione cognoscitur. » Isidorus Etymologiarum lib. IX, cap. 7: « Conjuges verius appellantur a prima desponsationis fide, quamvis adhuc inter eos ignoretur conjugalis concubitus. » Item Nicolaus (epist. 243) Hincmaro episcopo: « Sufficiat secundum leges solus eorum consensus, quorum de conjunctionibus agitur. » Qui consensus si solus in nuptiis forte defuerit, caetera omnia etiam cum ipso coitu frustrantur celebrata, Joanne Chrysostomo magno doctore testante, qui ait (hom. 16 in Matth.) : « Matrimonium non facit coitus, sed voluntas. » Hinc etiam habetur in libro Constitutionum (l fin. c. De repud. ): « Si quis sine dotalibus instrumentis, affectione maritali uxorem duxerit, non audeat sine causa legibus cognita repudium ei mittere. » Item in libris Novellarum (novel. 22 De nuptiis, §, Nuptias et § Sic itaque ): « Si quis, divinis tactis Scripturis, juraverit mulieri se eam legitimam uxorem habiturum, vel si in oratorio tale sacramentum dederit, sit illa legitima uxor, quamvis nulla dos, nulla scriptura, alia interposita sit. » Quod si propter patrata utrobique adulteria dicitur eos ultra non posse conjungi, consulatur Hieronymus ad Oceanum scribens (supra, epist. 23) : « Apud nos quod non licet feminis, aeque non licet et viris, et eadem servitus pari conditione censetur. » Item: « Indignantur mariti, si audiant adulteros viros pendere similes adulteris feminis poenas, cum tanto gravius eos puniri oportuerit, quanto magis ad eos pertinet et virtute vincere, et exemplo regere feminas. » Item (supra, epist. 125) : « Non erit turpis neque difficilis etiam post patrata atque purgata adulteria reconciliatio conjugum; ubi per claves regni coelorum non dubitatur fieri remissio peccatorum, sed ut post viri divortium adultera revocetur, non ut post Christi consortium adultera non vocetur. » Idem super Osee: « Non est culpandus Osee propheta, si meretricem quam duxit, convertit ad pudicitiam, sed potius laudandus quod ex mala bonam fecerit. Non enim qui bonus permanet ipse polluitur, si societur malo; sed qui malus est in bonum vertitur, si boni exempla sectetur. » Ex quo intelligimus non prophetam perdidisse pudicitiam fornicariae copulatum, sed fornicariam assumpsisse pudicitiam quam antea non habebat. Ex his igitur et similibus sententiis colligere potest vestra prudentia inter praetaxatas personas verum fuisse connubium, et si vir alteram duxerit, vel mulier alteri nupserit, manifestum esse adulterium; si vero ex consensu reconciliati fuerint, nullum esse flagitium. Valete.

 

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CLI. (149, A. — 173, B. — 148, C.) A Hildebert, par la grâce de Dieu, évêque du Mans, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, salut.

Un homme a d'abord vécu en concubinage avec une femme, puis cette femme étant devenue infirme, il a conclu avec elle le pacte conjugal par la tradition de l'anneau : voici ce que nous répondons à ce sujet à votre prudence. Cet homme a accompli pour la plus grande partie le sacrement de mariage, qui dès lors, à moins d'adultère, ne peut être rompu d'après les lois divines et humaines. Augustin dit dans le livre du Bien conjugal : Il est certain que des personnes unies illégitimement peuvent contracter mariage, quand dans la suite survient un accord honnête. Et plus loin : Lorsqu'un homme et une femme, qui ne sont d'ailleurs mariés à aucun autre, se réunissent, non pour avoir des enfants, mais dans le seul désir de satisfaire leur passion, s'ils n'ont du reste aucune relation coupable avec d'autres, on demande si cette union constitue le mariage. Assurément on peut donner le nom de mariage à une semblable union si les deux parties y ont persévéré jusqu'à la mort de l'une d'elles, et si, quoique ne s'étant pas alliés dans l'intention d'avoir des enfants, ils n'ont cependant pas évité à dessein d'en avoir, soit par la volonté absolue de n'en pas avoir, soit en faisant le mal pour empêcher la naissance de ces enfants. Ambroise, dans son livre de l'Exhortation à la virginité : La femme, dit-il, fiancée à un homme reçoit le nom d'épouse. Dés que le mariage est commencé, il prend son nom de mariage ; car ce qui fait le mariage, ce n'est pas la perte de la virginité, c'est le pacte conjugal. Le mariage existe dès qu'une jeune fille est unie à un homme, sans qu'il y ait besoin de commerce charnel. Isidore dans le livre 8 des Étymologies, chap. 7, s'exprime ainsi : On donne le nom d'époux à ceux qui se sont promis la foi, bien qu'il n'y ait entre eux aucun commerce conjugal. De même Nicolas écrit à l'évêque Hincmar : Selon les lois, il n'est besoin que du consentement de ceux qui doivent s'unir. Si ce consentement venait seul à manquer dans les noces, tout le reste, même le commerce intime, ne serait de rien : c'est ce que témoigne Jean Chrysostôme, le grand docteur : Ce qui fait le mariage, dit-il, ce n'est pas le commerce charnel, c'est la volonté. On lit dans le livre des Constitutions : Si quelqu'un, même sans la constitution de la dot, a pris une femme dans les conditions du mariage, qu'il n'ait pas l'audace de la répudier sans une cause approuvée par les lois. Et dans les livres des Novelles : Si quelqu'un sur les divines Écritures a juré à une femme de la prendre pour légitime épouse, ou qu'il ait fait ce serment dans un oratoire, cette femme est épouse légitime, bien qu'aucune dot n'ait été donnée, bien qu'aucun écrit n'ait été passé. Si à cause des adultères commis de part et d'autre, on dit que ces personnes ne peuvent être mariées, qu'on écoute ce que Jérôme écrit à Océan : Chez nous ce qui n'est pas permis aux femmes n'est également pas permis aux hommes, et le même lien existe pour des conditions semblables. Et ailleurs : Les maris s'indignent quand ils apprennent que des hommes adultères ont été condamnés aux mîmes peines que les femmes adultères ; mais on devrait au contraire les punir d'autant plus sévèrement qu'à eux surtout il appartient de l'emporter en vertu et d'instruire les femmes par leur exemple. Ailleurs encore : Il n'y aura rien de honteux ni de difficile dans la réconciliation des époux après des adultères commis et expiés. Les clefs du royaume des cieux, à n'en pas douter, remettent les péchés de telle sorte, non pas que la femme adultère soit rappelée par son mari après le divorce, mais qu'elle-même, après être rentrée en société avec le Christ, ne soit plus appelée adultère. En parlant d'Osée, Jérôme dit encore : Il ne faut pas blâmer le prophète Osée d'avoir pris pour épouse une courtisane qu'il ramena à la pudeur ; il faut le louer au contraire de l'avoir rendue bonne de mauvaise qu'elle était. Celui qui reste bon n'est pas souillé par la société du méchant, mais le méchant devient bon s'il suit les exemples du bon. D'où il est facile de comprendre que le prophète ne perdit pas sa pudeur en s'alliant à une débauchée, mais que la débauchée recouvra la pudeur qu'elle n'avait pas auparavant. De ces sentences et d'autres semblables votre prudence peut conclure que l'union entre les personnes dont vous me parlez fut un véritable mariage, et que si l'homme prend une autre épouse ou la femme un autre mari, ils commettront un adultère manifeste ; si au contraire ils se sont réconciliés d'un consentement mutuel, il n'y a aucune faute. Adieu.

 

EPISTOLA CXLIX. GULIELMO, Dei gratia Rothomagensium archiepiscopo, et caeteris dioecesis Rothomagensis episcopis, IVO, humilis Ecclesiae Carnotentensis minister, salutem et debitae charitatis obsequium.

Gratias agimus justo et misericordi Deo, qui Ecclesiam suam delinquentem paterna severitate flagellat, et flagellis attritam misericorditer visitat (epist. 153, 154), ut tanquam pia mater panem consolationis tribuat lugenti, qui flagella prius juste irrogaverat delinquenti: quod in Ecclesia Luxoviensi, nunc Deo propitiante, et vestra solertia cooperante provenisse cognovimus. Quorum consilio et auxilio eliminata est de praedicta Ecclesia spurcitia puerorum, nova et inaudita neophytorum haeresi, cathedram episcopalem in eadem Ecclesia usurpantium. Quod quamvis ad tempus aliqua rationabili consideratione, vel aliqua pusillanimitate sit a vobis toleratum, nunc tamen est, quantum nobis videtur, in melius commutatum. Cum et ipsos flammigeros pueros de praedicta Ecclesia ejici feceritis, et virum strenuum et honestum, domnum videlicet Gulielmum Ebroicensem archidiaconum in pastorem praedictae Ecclesiae elegeritis. Unde multum liberalitati vestrae congratulamur, et charitati vestrae, si in hoc negotio parvitatis nostrae auxilium vel consilium foret opportunum, pro viribus paratum esse pollicemur. Valete.

 

CLII. (150, A. — 174, B. — 149, C.) A Guillaume, par la grâce de Dieu, archevêque de Rouen,[1] et aux autres évêques du diocèse de Rouen, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, salut et hommage de l'affection qui leur est due.

Nous rendons grâces au Dieu juste et miséricordieux qui flagelle avec une sévérité paternelle son Église quand elle a péché et qui la visite de sa miséricorde lorsqu'elle a été éprouvée par ses coups. Comme une tendre mère, il accorde le pain de la consolation à ses pleurs après avoir justement puni les fautes qu'elle avait commises. C'est ce qui, à la faveur de la bonté divine et de votre prudence, vient d'arriver à l'église de Lisieux. Par votre aide et par le secours de la grâce, cette église a vu éloigner d'elle ces enfants bâtards qui, inventant une nouvelle hérésie de Néophytes, usurpaient la chaire épiscopale de Lisieux. Pendant un temps, pour je ne sais quel motif raisonnable ou pour quelle pusillanimité, vous aviez toléré leur usurpation, mais aujourd'hui, autant qu'il nous paraît, tout est changé pour le mieux : vous avez chassé de cette église ces enfants de flamme,[2] et vous avez élu pour pasteur un homme plein de courage et d'honneur, le seigneur Guillaume, archidiacre d'Évreux.[3] Aussi nous félicitons vivement votre libéralité, et nous assurons votre charité, si le secours et les conseils de notre humilité peuvent vous être utiles en cette affaire, que nous sommes tout disposé à vous aider selon nos forces. Adieu.

 

EPISTOLA CL. Domno et Patri suo PASCHALI summo pontifici, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, omnem pro sua possibilitate obedientiam.

Post Idus Januarii paternitatis vestrae litteras accepi, commonefacientes me quatenus venirem ad concilium a sanctitate vestra celebrandum in Nonis Martii; a quo termino non restabant nisi septem hebdomadae usque ad diem denominati concilii. Compensans itaque vires meas cum brevitate tanti articuli, sensi hoc opus a me nullo modo in tanta brevitate posse transigi, utpote cui non erat ad manum tanta pecunia de qua possem tanto itineri necessaria tam cito praeparare; vel ea corporis sanitas, vel tam libera membrorum agilitas, quae posset tam prolixum iter per vias arduas et ruinosas tanta velocitate perficere. Vera esse quae dico testis est mea veritas et conscientia mea, qui duo testes non sunt producendi impune ad falsa testimonia; quorum etiam testimonio profiteor desiderantissime faciem vestram videre me velle, non in turba, neque in transitu, sed in ea tranquillitate in qua possem vestro dulciloquio aliquandiu familiariter frui, et aestus cordis mei in oculis vestris effundere, et de fonte sacri pectoris vestri ad refocillationem languentis animae aliquid salutiferi potus in cor meum eliquare. Supportate igitur paterna discretione absentiam meam, donec Deus donet ut suo tempore exhibere possim conspectui vestro praesentiam meam. Valete.

 

CLIII. (151, A. — 175, B. — 15o, C.) A son seigneur et père, Pascal, souverain pontife, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, obéissance en tout ce qui lui sera possible.

J'ai reçu après le 13 janvier votre lettre m'invitant à me rendre au concile que votre sainteté doit célébrer le 7 mars[4] ; je n'avais donc plus que sept semaines devant moi avant le jour fixé pour le concile. Mesurant mes forces avec la brièveté du temps qui me restait pour me préparer à ce voyage, j'ai compris que je ne pourrais jamais accomplir une telle affaire en si peu de temps. Car je n'avais pas dans la main l'argent nécessaire pour me procurer tout ce qui m'était indispensable pour cette longue route, et d'un autre côté je n'ai plus la santé corporelle, l'agilité des membres capables de me permettre de faire un semblable chemin par des routes ardues et mal frayées. Ce que je vous dis là est la vérité, j'en atteste ma véracité et ma conscience, deux témoins qu'on ne peut invoquer impunément pour soutenir un mensonge. Je les prends également à témoin que j'ai le plus grand désir de me trouver face à face avec vous, non au milieu de la foule et en passant, mais dans un moment de tranquillité où je puisse pendant quelque temps jouir familièrement de la douceur de votre entretien, répandre devant vous les agitations de mon cœur, et du sein de votre poitrine sacrée faire couler dans mes veines quelque breuvage salutaire qui réchauffe mon âme languissante. Que votre affection paternelle veuille donc bien excuser mon absence, jusqu'au jour où Dieu me permettra en temps opportun de me présenter devant vous. Adieu.

 

64 EPISTOLA CLI. GAUFRIDO, Dei gratia Belvacensium episcopo, IVO, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, sibi et gregi sibi commisso salubriter providere.

De quanta spe promissionum vestrarum ceciderim novi ego, noverunt et illi qui promissiones vestras mecum audierunt. Contra petitionem etenim meam et promissionem vestram, contra canonicam et apostolicam institutionem, contradicentibus majoribus et prudentioribus Ecclesiae Beati Quintini fratribus, Odonem olim fratrem, nunc vero hostem in praedicta Ecclesia, quod sine me fieri non poterat, confirmastis in abbatem. Hanc plantationem vestram poterit eradicare, qui non plantavit eam, Deus; fructum quippe primitiarum mearum, quantum in vobis est, in hoc mihi abstulistis, et vobis forsitan non satis utiliter providistis. Qui enim hoc consilium vobis dederunt, callide inter me et vos discidium fieri voluerunt. Quod qua intentione factum sit, si modo non perpenditis, forsitan aliquando perpendetis. Hoc autem factum vestrum si ad praesens corrigere non vultis aut non valetis, saltem id quod mihi inter caetera promisistis, ornamenta quae praedictae Ecclesiae commendavi, mihi facite restitui, et in cella fratris Gunherii custodiri, donec suo tempore cogitem quid inde velim facere. Interim autem, ubicunque sint qui praedictum invasorem non recipiunt, nihil grave, nihil intolerabile super eos faciatis, vel fieri permittatis, quoniam sentientes se esse praegravatos per me et per se sedem apostolicam appellant; in cujus redundabit injuriam, si quis eis amodo aliquam intulerit violentiam. Valete.

 

CLIV. (152, A. — 176, B. — 151, C.) A Geoffroy, par la grâce de Dieu, évêque de Beauvais,[5] Ives, humble ministre de l'église de Chartres, sage vigilance pour ses intérêts et ceux du troupeau qui lui est confié.

Mes espérances en vos promesses ont été trompées ; je ne le sais que trop, et ceux-là le sauront aussi qui ont entendu avec moi les promesses que vous m'aviez faites. Malgré mes prières, malgré ce que vous m'aviez promis, au mépris des règles canoniques et apostoliques, sans tenir compte de l'opposition des plus dignes et des plus sages chanoines de l'église de Saint-Quentin, vous avez confirmé comme abbé de cette église, ce que vous ne pouviez faire sans mon assentiment, Eudes, autrefois notre frère,[6] maintenant notre ennemi. Cet arbre que vous avez planté, Dieu qui n'a pas assisté à sa plantation pourra l'arracher : autant qu'il était en vous, vous m'avez ainsi dérobé le fruit de mes premiers efforts, et peut-être n'avez-vous pas travaillé dans votre intérêt. Ceux qui vous ont donné ce conseil ont voulu perfidement semer la discorde entre nous ; si maintenant vous ne reconnaissez pas leur intention, peut-être la reconnaîtrez-vous plus tard. Si vous ne voulez ou ne pouvez en ce moment réparer ce que vous avez fait, remplissez du moins entre autres promesses celle-ci que j'ai reçue de vous : faites-moi restituer les ornements que j'ai prêtés à cette église, et qu'on les dépose dans la cellule du frère Gonhier,[7] jusqu'à ce qu'en temps opportun j'en détermine l'emploi. Cependant quels que soient ceux qui repoussent cet intrus, ne leur faites ou ne leur laissez faire aucun tort, aucun dommage, car, se sentant injustement opprimés, par moi et par eux ils en appellent au siège apostolique, et ce sera sur le Saint-Siège lui-même que retombera toute violence qui leur sera portée. Adieu.

 

EPISTOLA CLII. LEODEGARIO venerabili Bituricensium archiepiscopo, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, salutem et servitium.

Quoniam speculatores domui Israel positi sumus (Ezech. III), in alto positi magis a circumstantibus et longe positis inspicimur et discutimur, quam si in loco humili positi nostrae tantum saluti et privatis utilitatibus nostris sollicitudinem nostram impendere studeremus. Unde oportet ut in omnibus dispensationibus nostris simpliciter incedamus, et scandala fratrum prae caeteris cavere procuremus. Si enim sicut Apostolus monet, bonum nos habere oportet testimonium ab his qui foris sunt (I Tim. III), quanto magis ab his qui domesticam conversationem nostram sciunt, et quibus voluerint revelare pudenda nostra magis quam velare, in aliquo a nobis offensi parati sunt? Quod ideo dilectioni vestrae commemoro, ut injurias domni Hugonis Maidunensis, sicut ipse dicit, hactenus neglectas, zelo dilectionis paternae attendatis, et quod verbo vel lingua corrigi non potest, severitatis baculo feriatis. Nec enim decet honestatem vestram esse oblitam qualiter vobis (sicut ipse commemorat) in omnibus necessitatibus vestris adjutor et propugnator astiterit, qualiter de incommodis vestris sicut de suis doluerit, ne ingratum fuisse beneficiis ejus vobis forsitan sit incommodum, et aliis in exemplum. Charitate itaque suadente, excellentiam vestram moneo, ut quod hactenus erga nobilem virum minus sollicite fecistis, de caetero diligentius implere studeatis, ne si ad majorem audientiam clamor ejus pervenerit, et famae vestrae incurratis dispendium, et rerum vestrarum non sine corporis vestri vexatione detrimentum. Valete.

 

CLV. (153, A. — 177, B. — 152, C.) A Léger, vénérable archevêque de Bourges,[8] Ives, humble ministre de l'église de Chartres, salut et obéissance.

Nous sommes posés comme les sentinelles de la maison d'Israël et, placés sur la hauteur, nous sommes bien plus exposés à la vue et aux critiques de ceux qui nous entourent et qui nous aperçoivent de loin que si, vivant dans un lieu modeste, nous n'avions à consacrer nos soins qu'à notre salut et à nos intérêts personnels. Aussi devons-nous, dans toutes nos actions, marcher suivant la justice et éviter par dessus tout de scandaliser nos frères. Car si, comme l'Apôtre nous en avertit, il nous faut mériter l'approbation de ceux du dehors, combien davantage nous faut-il obtenir celle des hommes qui connaissent notre vie intime et qui, blessés par nous, sont tout prêts à révéler à qui leur plaît nos faiblesses plutôt qu'à les cacher en rien. Je rappelle ces vérités à votre affection afin de vous inviter à venger avec le zèle d'une affection paternelle les injures faites au seigneur Hugues de Meung, injures que, jusqu'à ce jour, dit-il, vous avez complètement négligées. Ce qui ne peut être réprimé par les paroles et par les avis, frappez-le de la verge de la sévérité. Il ne conviendrait pas à votre honneur d'oublier que lui, à ce qu'il prétend, s'est toujours, dans toutes vos nécessités, montré votre soutien et votre protecteur, et a compati à vos ennuis comme s'ils étaient les siens. Prenez garde si l'on vous trouve oublieux de ses bienfaits que cette ingratitude ne tourne à votre détriment et ne soit un avertissement pour les autres. Aussi la charité me pousse à conseiller à votre excellence de mettre à l'avenir plus de soin à prendre en main la cause de ce noble seigneur que vous avez trop négligée jusqu'ici : car si ces plaintes venaient à être connues d'un plus grand nombre, il serait à craindre que votre réputation n'en supportât quelque dommage et que vos intérêts matériels n'eussent à en souffrir en même temps que votre sûreté personnelle. Adieu.

 

EPISTOLA CLIII. GULIELMO, Dei gratia Rothomagensium archiepiscopo, et Gilberto Ebroicensium episcopo, IVO, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, abundare spiritu consilii et fortitudinis.

Quoniam pro domo Dei stare, et murum pro domo Israel ponere coepistis, sollicitudini vestrae summopere cavendum est, ut sartago quae fervere coepit, ferrea fortitudine nullis ignibus cedat, sed zelus domus Dei et amor decoris ejus de die in diem in mentibus vestris et vehementius exardescat. Quod ideo sanctitati vestrae commemoro, ut quod de Luxoviensi Ecclesia bene incoepistis, meliore exitu terminare studeatis, ut caudam hostiae cum capite immoletis (Levit. III). Audivimus enim et dolemus, quod stercora quae de praedicta Dei domo vestro fuerant labore emundata, multiplicato nequam spirituum numero in eamdem sint reportata, et ipsa domus graviori errore quam prius infecta. Quam domus Dei injuriam si non, ut decet, animadverteritis, si non pro persona quam portatis correxeritis, certum nobis est quia cum iste fedus et fetidus rumor apostolicas aures vel nostra vel aliena relatione percusserit, nec praeterita neglecta remittentur, et haec graviter exigentur. Ideo, dum tempus est, praemonemus dilectionem vestram, ut suo tempore libera fronte possimus famam vestram excusare, et apostolicas aures opportune pro vobis et importune pulsare. Cum enim, in ipsa infantia mundi, in Lamech carnalis bigamia sit culpata, quomodo poterit in sponsa Christi quae est Ecclesia, laudari (epist. 154), quae et sacramento et in veritate sacramenti uni debet viro desponsari? Eliminetur ergo de Luxoviensi Ecclesia Ranulfus Dunelmensis episcopus, ut bigamia non admittatur, eliminentur pueri ejus, ut neophytorum haeresis exstirpetur. Non ignorantibus legem loquimur, sed charitative vos monemus ut vestrae consulatis honestati et Ecclesiae utilitati. Valete.

 

CLVI. (154, A. — 178, B. — 153, C.) A Guillaume, par la grâce de Dieu, archevêque de Rouen, et à Gilbert, évêque d'Évreux,[9] Ives, humble ministre de l'église de Chartres, abondance de l'esprit de conseil et de force.

Vous avez commencé à vous poser en défenseurs de la maison de Dieu et à élever un mur pour la protection de la maison d'Israël ; mais que votre sollicitude prenne bien garde que l'huile qui a commencé à frémir dans la poêle, défendue par le fer qui l'entoure, ne soit consommée par aucun feu, et qu'au contraire, de jour en jour, le zèle pour la maison de Dieu et l'amour de sa beauté brûlent plus ardemment dans vos cœurs. Si je parle ainsi à votre sainteté, c'est afin de vous prier d'achever par une fin meilleure encore ce que vous avez commencé pour l'église de Lisieux, en immolant avec la tête la queue de la victime. Nous avons appris avec douleur que le fumier enlevé par vos soins de cette maison de Dieu y a été reporté par des esprits du mal, dont le nombre s'est multiplié, et aujourd'hui la maison est plus infectée qu'auparavant. Si vous ne vous préoccupez pas, comme vous le devez, de cette désolation de la maison de Dieu, si vous n'y portez pas remède par l'autorité de votre caractère, nous sommes certain que, lorsque la nouvelle de cette honte et de cette pourriture sera venue aux oreilles apostoliques sur notre rapport ou celui de quelque autre, on ne vous pardonnera pas d'avoir été négligents dans le passé et on exigera une grande sévérité dans le présent. Aussi, pendant qu'il en est temps encore, nous prévenons votre dilection, afin que, lorsqu'il en sera besoin, nous puissions, le front haut, défendre votre réputation et frapper sans relâche en votre faveur les oreilles apostoliques. Puisque en effet, dès l'enfance du monde, Lameth fut accusé pour une bigamie coupable, comment ce crime pourra-t-il être excusé chez la fiancée du Christ qui est l'Église ? Ne doit-elle pas être unie à un seul homme par le sacrement et dans la vérité du sacrement ? Chassez donc de l'église de Lisieux Renouf, évêque de Durham, pour éviter la bigamie ; chassez ses enfants pour extirper l'hérésie des Néophytes. Ce n'est pas à des prélats ignorants de la loi que nous parlons, mais nous voulons vous avertir avec charité de veiller à votre honneur et à l'utilité de l'Église. Adieu.

 

EPISTOLA CLIV. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae humilis minister, ROBERTO comiti Mellentino, per viam vitae incedere et ab ea non recedere.

Quoniam ad ovile nobis commissum pertinere te credimus, licet laetis pascuis abundes, nostrum tamen est aliquod sacrae admonitionis tibi pabulum ministrare, et adversus lupos invisibiles tuam dilectionem praemunire. Cum enim gratiam inveneris in conspectu regis Anglorum, testantur multae ecclesiasticae personae quod plus ei placere studeas quam Regi angelorum. Non tamen culpamus ei placere in his quae Deo non displicent, sed si quid molitur regia potestas adversus Dominum et Christum ejus, et Ecclesiam ejus, in mente habere debes quia Christi sanguine redemptus es, quia legibus Christi initiatus, per sacramenta Ecclesiae regeneratus es, et illius es liber qui pro te se servum fecit, ut libertas tua nihil se debere intelligat alicui, quo divinam offendat majestatem et Ecclesiae minuat libertatem. Quod ideo suademus nobilitati tuae, ut praedictum regem sanis consiliis informes, et leges ecclesiasticas a sanctis Patribus traditas et a catholicis regibus confirmatas in nullo conturbes. Quae enim ratio, quae lex permittit, ut Rannulfus Dunelmensis episcopus de Ecclesia alterius regni ad aliam Ecclesiam transeat (epist. 153, 157, et 185), et velut quadam moechatione praesentiae suae, vel filiorum suorum occupatione, Luxoviensem Ecclesiam per violentiam Anglici regis invadat? Quod facere vel tolerare, et contra legem est, et contra regem, quia non est hoc populo regimen praebere, sed discrimen augere. Quantum ergo ex tua sententia pendet ejus consilium, suade ei, ut Ecclesiam Dei, quantum in se est, liberet, nec de peccatis alienis sua multiplicet. Unde illi qui de adventu ejus ad has partes bona senserunt et bona praedixerunt, velint nolint, mutent serenitatem laudis in nubilum vituperationis. Non enim ad hoc instituuntur reges, ut leges frangant; sed distortores legum gladio, si aliter corrigi non possunt, feriant. Vale.

 

CLVII. (155, A. — 179, B. — 154, C.) Ives, par la grâce de Dieu, humble ministre de l'église de Chartres, à Robert, comte de Meulan,[10] avancement dans la voie de la vie sans jamais s'en écarter.

Comme nous croyons que tu appartiens au troupeau qui nous est confié, bien que tu possèdes beaucoup de gras pâturages, c'est à nous cependant de te fournir la nourriture des avertissements sacrés et de prémunir ta dilection contre les loups invisibles. Tu as trouvé grâce en la présence du roi des Angles, et beaucoup de personnes ecclésiastiques avancent que tu songes plus à lui plaire qu'au roi des Anges. Ce n'est pas que nous te blâmions de chercher à lui plaire en ce qui ne déplaît pas à Dieu ; mais si le pouvoir royal trame quelque chose contre le Seigneur et son Christ et contre son Église, tu dois songer que tu as été racheté par le sang du Christ, que tu as été initié par les lois du Christ, que tu as été régénéré par les sacrements de l'Église et que tu as été affranchi par celui qui pour.toi s'est fait esclave. Ta liberté ne doit donc aider personne, sache-le bien, à offenser la divine majesté ou à diminuer la liberté de l'Église. Je parle ainsi à ta noblesse, afin que tu donnes de sages conseils au Roi et que tu ne troubles en rien les lois ecclésiastiques établies par les Saints Pères et confirmées par les Rois catholiques. Quelle raison, quelle loi autorise Renouf, évêque de Durham, à passer d'une église d'un autre royaume à une autre église, et, soutenu par la violence du roi d'Angleterre,[11] à envahir l'église de Lisieux par sa présence adultérine, si j'ose parler ainsi, ou par l'intrusion de ses fils ? Faire ou tolérer pareille chose est agir contre la loi et contre le roi ; car ce n'est pas là gouverner son peuple, c'est le mettre en péril. Autant donc que ses décisions dépendront de tes avis, conseille au Roi de travailler de tout son pouvoir à la délivrance de l'Église de Dieu, et de ne pas ajouter à ses péchés ceux d'autrui. S'il ne le fait pas, ceux qui ont espéré et qui ont prédit tant de bien de son arrivée en cette province, qu'ils le veuillent ou ne le veuillent pas, seront forcés de changer la sérénité de leurs louanges en orage de réprobation. Car les Rois n'ont pas été institués pour violer les lois, mais pour frapper du glaive les violateurs de la loi, si on ne peut les corriger autrement.[12] Adieu.

 

EPISTOLA CLV. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, ODONI Aurelianensi archidiacono, salutem.

In litteris tuis sciscitata est fraternitas tua utrum mulier praegnans de fornicatione, possit legitime nubere (epist. 107 et 147), ad quod principaliter ex sententia facile responderi non potest; sed quid in hujusmodi observandum sit, ex similibus ratiocinando ab his qui non plus sapiunt quam oportet, colligi potest. Qua in re ex ratione qua praeditus es considerare te oportet, quia alia est medicina quae congruit sanis ad conservandam sanitatem, alia quae debetur aegrotis ad recuperandam sospitatem, quid secundum imperium praecipiatur sanis, quid secundum indulgentiam concedatur infirmis. Secundum imperium quidem naturale et institutum nulla mulier sive ex flagitio, sive ex matrimonio praegnans ante ablactationem sui partus debet viro carnaliter commisceri, sine qui non complentur jura matrimonii. Si autem moderationem apostolicam attendamus, qua dicitur: Unusquisque vir habeat uxorem suam propter fornicationem, et unaquaeque mulier suum virum (I Cor. VII), non excipiemus viduam, non excipiemus praegnantem, non excipiemus fornicariam, non excipiemus incestuosam, tantum ut in Domino sit, id est ut ipsum per se conjugium non sit flagitiosum aut facinorosum. Nec inde culpandus est vir, qui fornicariam duxit, sed inde laudandus quod impudicam castam fecit. Unde Hieronymus super Osee lib. I. « Non est culpandus Osee propheta, si meretricem quam duxit, ad pudicitiam converterit: sed potius laudandus quod ex mala bonam fecerit. Non enim qui bonus permanet, polluitur si societur malo; sed qui malus est in bonum vertitur, si boni exempla sectetur. » Ex quo intelligimus non prophetam perdidisse pudicitiam fornicariae copulatum, sed fornicariam assumpsisse pudicitiam quam antea non habebat. Quod si causantur viri mulieres suas ante conjugium fuisse fornicatas, attendant et ipsi forsitam se incidisse in crimen fornicationis vel adulterii. Quod ergo vult sibi a muliere indulgeri, cur non et ipse mulieri indulgebit ? Unde Hieronymus ad Oceanum de morte Fabiolae (in cap. 20, cau. 22, q. 5) : « Apud nos quod non licet feminis, aeque non licet viris; eadem enim servitus pari conditione tenetur. » Item Augustinus De adulterinis conjugiis (cap. 8, caus. 22, q. 1) : « Non erit turpis neque difficilis et post parata atque purgata adulteria remissio peccatorum, non ut post viri divortium adultera revocetur, sed ut post Christi consortium adultera non vocetur. » Si ergo hoc fieri licet, de ea quae foedus conjugale violavit, cur non fieri magis liceat de ea quae in foedus matrimonii quod nondum inierat nihil deliquit? Attendant etiam viri hujusmodi calumnias inferentes, quod dicit Augustinus in libro De verbis Domini (serm. 46; et in cap. 2. caus. 32, q. 6) - « Si ducturi estis uxores, servate vos uxoribus vestris: quales vultis eas ad vos venire, tales debent vos et ipsae invenire. Quis juvenis est, qui non velit ducere castam uxorem? et si virginem ducturus est, quis non intactam desideret? Intactam quaeris? intactus esto. Puram quaeris? noli esse impurus. Non enim illa potest, et tu non potes. » Ex his ergo et similibus intelligi et probari potest quia si alligatus non esses uxori, posses deliberare; sed postquam ex pari consensu alligatus es uxori, non debes quaerere solutionem. Ita enim ab ipsa mundi creatione naturale et inviolabile manet conjugii sacramentum, ut nec praevaricatio originalis illud abstulerit, nec diluvii sententia crimina diluens immutaverit. Quod ergo divina sententia sanxit, et immutabile fieri voluit, non debet humano interdicto disjungi, nisi fuerit absque contrahentium factum consensu, aut per se criminosum, id est adulterinum, aut incestuosum. Quod cum evenerit, non est differendum, sed separatione sanandum. Ubi vero ista defuerint, sive sint raptores, sive excommunicati, sive quolibet alio vitio conjuges infecti, tamen haec omnia toleranda sunt pro conservanda fide conjugii. Quis enim in circumcisione vel in praeputio coactus est a praedicatoribus Novi Testamenti uxorem quam habuit ante baptismum, dimittere post baptismum? Nec tamen dico quod contra interdicta copulanda sint conjugia; sed si copulata sunt, propter has causas non esse disjungenda. Qui autem contra interdicta talia conjugia contraxerint, vel presbyteri qui ea consecraverint, pro inobedientia sua digna satisfactione ad arbitrium judicis sui corrigantur, ut caeteri a tali temeritate compescantur; conjugia vero nisi causa legibus cognita minime solvantur. Sicut enim sacramentum ordinationis, quamvis ab ordinatoribus ordinationem illicite usurpantibus semel acceptum, manet in ordinatis, sic sacramentum conjugii, quamvis ab inobedientibus presbyteris impositum, manet in conjugatis, quia virtutem sacramentorum cassare non possunt prava merita usurpatorum. Semper ergo sanctitas eorum est honoranda, usurpantium vero perversitas punienda. Sic thuribula Core, quia eis ante Deum ministratum est, jubente Deo altari apposita sunt; factores vero ejus igne consumpti sunt (Num. XVI). Prolixitatem vitans epistolae non fui ausus plura inserere paginae, quia nolui fraternitatem tuam rerum tibi bene notarum multitudine onerare. Potes tamen ex his paucis intelligere quid de praetaxatis sentiam, et quid aliis ad haec interrogata respondeam. Vale.

 

CLVIII. (156, A. — 180, B. — 155, C.) Ives, par la grâce de Dieu, humble ministre de l'église de Chartres, à Eudes, archidiacre d'Orléans, salut.

Ta fraternité me demande dans sa lettre si une femme enceinte illégitimement peut contracter une union légitime. Il n'est pas facile de répondre à cette question directement par les sentences apostoliques, mais on peut recueillir les observations à faire à ce sujet d'après des cas semblables qui se trouvent dans les écrits de ceux qui n'ont pas mis d'excès dans leurs décisions. Considère avec la raison dont tu es doué qu'il faut un tout autre traitement aux hommes bien portants pour conserver la santé, qu'aux malades pour la recouvrer ; examine ce que la loi prescrit à ceux qui se portent bien et ce que l'indulgence peut concéder à ceux qui sont malades. D'après la loi de nature, d'après les institutions canoniques, toute femme enceinte, soit par débauche, soit dans l'état de mariage, ne doit pas, avant d'avoir achevé d'allaiter son enfant, avoir de commerce charnel avec un homme ; sans cette interdiction, les droits du mariage ne sont pas complètement respectés. Mais si nous consultons les paroles modératrices de l'Apôtre : Que chaque homme ait une épouse pour éviter la fornication, que chaque femme ait un mari, nous n'excepterons pas la veuve, nous n'excepterons pas la femme enceinte, nous n'excepterons pas la débauchée, nous n'excepterons pas l'incestueuse, pourvu seulement que le mariage soit selon le Seigneur, c'est-à-dire que par lui-même il ne soit ni coupable ni criminel. Aussi l'on ne doit pas blâmer l'homme qui épouse une débauchée, mais il faut le louer au contraire de rendre chaste une impudique. Jérôme, dans le livre premier sur Osée, dit : Il ne faut pas blâmer le prophète Osée d'avoir ramené à la chasteté la courtisane qu'il avait épousée, mais plutôt il faut le louer de l'avoir rendue bonne de mauvaise qu'elle était. Car celui qui reste bon n'est pas souillé du contact d'un mauvais, mais celui qui est mauvais devient bon s'il suit les exemples du bon. D'où l'on doit comprendre que le prophète ne perdit pas sa chasteté en s'unissant à une débauchée, mais que la débauchée recouvra la chasteté qu'elle avait perdue auparavant. Que si les hommes reprochent à leurs femmes leur mauvaise conduite avant le mariage, qu'ils prennent garde eux-mêmes de n'être pas tombés dans le crime de fornication ou d'adultère. Pourquoi veulent-ils que leurs femmes leur pardonnent ce qu'ils ne leur pardonnent pas à elles-mêmes ? Jérôme écrit à ce sujet sur la mort de Fabiola : Parmi nous, ce qui n'est pas permis aux femmes n'est pas non plus permis aux maris : la même condition est imposée aux mêmes liens. De même Augustin, à propos des mariages adultérins : Il ne sera ni honteux, dit-il, ni difficile, lorsque l'adultère aura été expié, d'accorder la rémission du péché, non pas en sorte que le mari, après le divorce, rappelle à lui la femme adultère, mais en sorte que, après sa réconciliation avec le Christ, elle ne soit plus appela adultère. Si un tel pardon est accordé à celle qui a violé le pacte conjugal, comment à plus forte raison ne serait-il pas donné à celle qui n'a pas péché contre l'état de mariage où elle n'était pas encore entrée ? Que ceux qui portent un jugement si sévère pèsent encore ces paroles d'Augustin dans le livre sur les Paroles du Seigneur : Si vous devez prendre une épouse, conservez-vous pour votre épouse ; telles vous voulez qu'elles viennent à vous, tels aussi elles doivent vous trouver. Quel est le jeune homme qui ne souhaite pas être sûr de la chasteté de son épouse ? Et s'il doit épouser une jeune fille, quel est celui qui ne la désire pas sans tache ? Tu veux une épouse sans tache ? sois sans tache. Tu cherches une épouse pure ? ne sois pas impur. Car ce qu'elle ne peut pas, toi-même tu ne le peux pas non plus. Par ces paroles et d'autres semblables il est facile de comprendre et de prouver que, tant qu'on n'est pas lié à une épouse, on peut délibérer, mais dès qu'on est lié par un consentement mutuel, il n'est pas permis de chercher à briser ces liens. Depuis la création du monde, le sacrement de mariage a été si naturel et si inviolable que le péché originel n'a pu le détruire, que le déluge, en lavant tous les crimes, n'a pu en changer les lois. Ce sacrement donc que la sentence divine a sanctionné et a voulu être immuable, ce n'est pas à l'homme qu'il appartient de le rompre, à moins qu'il n'ait été fait sans le consentement des contractants ou qu'il ne soit par lui-même criminel, c'est-à-dire adultérin et incestueux. Si pareille chose arrive, il n'y a pas à hésiter ; le remède est la séparation. Si au contraire il n'y a pas ces empêchements, que les époux soient ravisseurs ou excommuniés ou entachés de tout autre crime, tout cela n'importe en rien pour la conservation de la foi conjugale. Quand en effet avons-nous vu les prédicateurs du Nouveau Testament forcer les circoncis ou les incirconcis à renvoyer après le baptême l'épouse qu'ils avaient prise avant le baptême ? Je ne veux pas dire cependant qu'on doive contracter des unions défendues par les institutions ; mais une fois contractées, elles ne doivent pas être dissoutes pour les causes que nous avons énumérées. Ceux qui auront contracté des unions défendues, ou les prêtres qui les auront consacrées doivent, à cause de leur désobéissance, être soumis, suivant la décision de leurs juges, à une juste satisfaction afin d'empêcher les autres de les imiter, mais les mariages ne peuvent être dissous que pour une cause reconnue par les lois. De même en effet que le sacrement de l'ordre, bien qu'il ait été donné par des personnes qui n'avaient pas le droit de le faire, demeure, une fois reçu, chez l'ordonné ; de même le sacrement de mariage, bien que donné par des prêtres insoumis, demeure chez ceux qui ont été unis : car l'indignité des célébrants ne peut annuler la vertu des sacrements. Leur sainteté doit donc toujours être respectée, la perversité des usurpateurs toujours punie. Ainsi l'encensoir de Coré, qui lui avait été fourni en présence de Dieu, par l'ordre de Dieu, fut placé sur l'autel ; mais ceux qui l'avaient apporté furent consumés par le feu. Pour éviter la prolixité dans ma lettre, je n'ai pas osé t'en écrire davantage, car je n'ai pas voulu surcharger la mémoire de ta fraternité de choses que tu connais parfaitement. Mais d'après ce peu de mots tu peux comprendre ce que je pense à ce sujet et ce que je répondrais à ceux qui m'interrogeraient là-dessus. Adieu.

 

EPISTOLA CLVI. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, dilecto sibi in Christo fratri OLRICO salutem.

In litteris tuis continentur facinorosum quemdam cujusdam vicini sui domum succendisse, et ideo, cum satisfacere nollet, a presbytero suo excommunicatum fuisse. Qui postea cum vellet absolvi, secreto crimen suum confessus est presbytero suo, cum nihil restituere vellet de re perdita proximo suo. Quaerit ergo fraternitas tua quid mihi faciendum presbytero ejus excommunicatori videatur, cum ipse excommunicatus ecclesiam ingrediatur, utrum sit a communione publice repellendus, an aliqua dissimulatione tolerandus. Quo in negotio quaedam sententiae sibi repugnare videntur, nisi solerti discretionis libratione pensentur. Primo quia presbyter peccantem absolvere non potest, nisi poenitentem, secundum quod beatus Augustinus scribit ad Armentarium et Paulinam (epist, 54, ad Macedon. et in c. Si res, caus. 14, q. 6). « Si res propter quam peccatum est, cum reddi potest, non redditur, non agitur poenitentia, sed fingitur. Si autem veraciter agitur, non remittitur peccatum nisi restituatur ablatum, si tamen, ut dixi, restitui potest. » Sunt et aliae canonicae sententiae (c. Excommunicatos. caus. 11, q. 3), sicut ipse nosti, quae cum excommunicatis orare (II Cor. VI), vel cibum sumere, vel eis ave dicere (II Joan. I), terribiliter contradicunt. Sunt et aliae quae confitentium secreta publicare non permittunt. Unde habetur in concilio Agathensi, capitulo 8: « Si tantum episcopus alieni se sceleris conscium novit, quandiu probare non potest nihil proferat, sed cum reo ad compunctionem cordis, secretis correptionibus elaboret Qui si correptus pertinacior fuerit, et communioni publicae se ingesserit, ille quamdiu probari nihil potest in communione omnium, praeterquam illius qui eum reum judicat, permaneat. » In conclusione hujus sententiae, solus excommunicator rei, a communione ejus quem excommunicavit, excipi non praecipitur, sed excipiendo permittitur abstinere, quia exceptiones non solent esse regulae, sed permissiones. Est et alia sententia, quae non tantum secretam confessionem publicandam vetat, sed etiam publicanti poenam irrogat. Continetur enim in concilio Carthaginensi cap. 7, cui interfuit Faustinus Romanae Ecclesiae legatus: « Placuit ut si quando dicit episcopus aliquem sibi soli proprium crimen fuisse confessum, atque ille neget, non putet episcopus ad suam injuriam pertinere quod sibi soli non creditur, et si scrupulo propriae conscientiae dicit se ei nolle communicare, quandiu excommunicato non communicaverit suus episcopus, eidem episcopo ab aliis non communicetur episcopis, ut magis caveat episcopus, ne dicat in quemquam quod aliis documentis convincere non potest. » Unde Augustinus ad Vincentium (epist. 48, in cap. 10, Quam magnum, caus. 23, q. 4) : « Facta nocentium quae innocentibus demonstrari, vel ab innocentibus credi non possunt, non inquinant quemquam, si propter innocentes etiam cognita sustinentur; non enim propter malos deserendi sunt boni, sed propter bonos tolerandi sunt mali, sicut toleraverunt prophetae, contra quos tanta dicebant, nec communionem sacramentorum illius populi relinquebant, sicut ipse Dominus nocentem Judam usque ad condignum ejus exitium toleravit, et eum sacram coenam cum innocentibus communicare permisit, sicut toleraverunt apostoli eos qui per invidiam, quod ipsius diaboli vitium est, Christum annuntiabant. » Ne istae ergo sententiae dissonare videantur, sic modificandae sunt, ut quae de vitanda malorum communione loquuntur, de illis tantum nocentibus intelligantur, quorum facinora aut ita nota sunt ut probatione non egeant, aut quae confessione evidenti manifesta sunt, aut judiciario ordine publicata, aut sufficientibus testimoniis comprobata. Unde etiam Augustinus De unico baptismo lib. II: « Sane si judex es, si judicandi potestatem accepisti ex ecclesiastica regula si apud te reus accusatur; si veris documentis testibusque convincitur, coerce, corripe, excommunica. » Idem in sermone De verbis Evangelii (c. 8. caus. 23. q. 4). « A malis corde semper disjungimini, ad tempus caute corpore copulamini. » Idem de eodem (serm. 18, De ver. Domini) : « Recedite, exite inde, et immundum ne tetigeritis; sed contactu cordis non corporis; displicuit tibi quod quis peccavit, non tetigisti immundum, redarguisti, corripuisti, monuisti, adhibuisti etiam, si res exegit, congruam, et quae unitatem non violet, disciplinam, existi inde. » Possemus in hunc modum plura colligere, sed ex iis et similibus intelligere potest dilectio tua, quia peccantem peccata sua secreto confitentem non debemus a nostra communione corporaliter separare, nec contactu cordis ejus pravitati communicare. Hoc tenore utramque sententiam servabimus, et illam qua praecipimur excommunicatis non communicare, et illam qua jubemur confitentium crimina non propalare. Debent tamen presbyteri, non designatis personis, plebibus praedicare, taliter excommunicatos ante tribunal Judicis cuncta cernentis esse damnatos, qui contra praeceptum Dei proximo nocuerunt et rem ejus insatiabili cupiditate in suos usus transtulerunt, aut diabolica malignitate de medio abstulerunt. Sic Dominus discipulis dicens: Unus ex vobis diabolus est (Joan. VI), non designata persona, Judam et excommunicatum praedicebat, et tamen eum a communione sua suorumque minime sequestrabat. Cum igitur vita Domini Jesu disciplina sit morum, perfectus erit quisque dicente Domino, si sit, sicut magister ejus (Luc. VI). Haec de proposita quaestione sentio, sic ista quaerentibus ex ratione et auctoritate respondeo. Vale.

 

CLIX. (15, A. 97, B. — 156, C.) Ives, par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à son frère bien aime en Jésus-Christ, Olric, salut.

Tu me rapportes dans ta lettre qu'un criminel a brûlé la maison de son voisin, et comme il ne voulait pas faire satisfaction, il a été excommunié par son pasteur ; puis désirant obtenir l'absolution, il est venu en secret confesser son crime à son curé, mais sans vouloir indemniser son voisin de la perte qu'il lui avait fait éprouver. Ta fraternité me demande ce qu'il me semble que doit faire le prêtre qui a lancé l'excommunication : lorsque l'excommunié se présente pour entrer à l'église, doit-il le repousser publiquement de la communion, ou doit-il l'y admettre en fermant les yeux sur sa présence ? Les décisions sur ce point semblent se contredire, si on ne les soumet pas à un rigoureux examen. D'abord le prêtre ne peut absoudre le pécheur s'il n'a fait pénitence, c'est ce que témoigne saint Augustin dans sa lettre à Armentaire et à Pauline : Si l’on ne répare pas, quand on le peut, le tort qu'a occasionné le péché, il n'y a pas pénitence, mais semblant de pénitence. Pour agir selon la vérité on ne doit pas remettre le péché avant que ce qui a été enlevé n'ait été rendu, si toutefois, comme je l'ai dit, il peut être rendu. Il y a d'autres sentences canoniques, comme tu le sais, qui défendent par des menaces terribles de prier avec les excommuniés, de manger avec eux ou même de les saluer. Il y en a d'autres qui ne permettent pas de révéler les secrets de la confession. Ainsi on lit dans le concile d'Agde, chap. 8 : Si l'évêque seul connaît un crime, tant qu'il ne peut pas le prouver, qu'il garde le silence, mais qu'il s'efforce par des exhortations secrètes d'amener le coupable à componction. Si malgré les exhortations le criminel s'enracine dans sa faute et qu'il veuille néanmoins participer à la communion publique, tant qu'il ne pourra pas être convaincu, qu'il demeure dans la communion de tous excepté de celui qui le connaît cou able. D'après les derniers mots de ce décret, celui-là seul qui a excommunié le coupable n'est pas forcément excepté de la communion de celui qu'il a excommunié, mais par exception il peut s'en abstenir, car les exceptions ne sont pas des règles, mais des permissions. Il est une autre sentence qui non seulement défend de révéler le secret de la confession, mais qui édicté des peines contre celui qui le révélerait. On lit en effet au chap. 7 du concile de Carthage, où assista Faustin, légat de l'Église Romaine : Nous avons décidé que si un évêque dit qu'un crime a été confessé à lui seul et que le coupable nie ce crime, l'évêque ne doit pas considérer comme un outrage qu'on n'ajoute pas foi à sa seule déposition. Et si, par scrupule de conscience, il dit qu'il ne veut pas être dans la communion de cet homme, tant que le propre évêque du coupable ne sera pas en communion avec l'excommunié, nous voulons que les autres évêques ne soient pas eux-mêmes en communion avec l'évêque accusateur, afin que par là un évêque soit mieux averti de prendre garde à ne pas porter contre quelqu'un une accusation qu'il ne peut soutenir par d'autres preuves. Augustin dit de même dans sa lettre à Vincent : Les crimes qui ne peuvent être démontrés aux innocents ou qui ne peuvent être crus par eux ne semblent déshonorer personne, même quand, les connaissant, on les tolère en faveur de l'innocence. Car on ne doit pas, à cause des méchants, abandonner les bons, mais à cause des bons il faut tolérer les méchants. C'est ainsi que les Prophètes tolérèrent ceux contre lesquels ils entassaient tant d'accusations et n'abandonnèrent pas pour cela la communion des sacrements de ce peuple. C'est ainsi que le Seigneur toléra le coupable Judas jusqu'à sa mort et lui permit de participer à la Cène en communion avec les innocents. C'est ainsi que les Apôtres tolérèrent ceux qui par envie, ce qui est le crime du Diable, annonçaient le règne du Christ. Pour que ces paroles ne paraissent pas contradictoires, il faut les interpréter ainsi : quand elles disent d'éviter la communion des méchants, il faut entendre seulement ces coupables dont les crimes sont si notoires qu'ils n'ont pas besoin d'être prouvés, ou sont devenus certains par une confession publique, ou ont été juridiquement reconnus, ou ont été établis par des témoignages suffisants. C'est ainsi qu'Augustin dit dans son traité sur le Baptême unique, liv. 2 : Si tu es juge, si par la règle ecclésiastique tu as reçu le pouvoir de juger, quand un coupable est accusé devant toi et qu'il est convaincu par des preuves et des témoignages certains, réprime, punis, excommunie. De même dans le discours sur les Paroles de l'Evangile : Soyez toujours par le cœur séparés des méchants ; pour un temps, s'il le faut, ayez fréquentation avec eux. Et plus loin, dans le même discours : Fuyez, sortez d'ici et ne touchez pas l’impur. Ton cœur, non ton corps, a frémi au contact du pécheur ; tu n'as pas touché l'impur : tu l'as admonesté, tu l'as repris, tu l'as averti, tu as même employé contre lui, si le cas l'a exigé, une juste punition, sans rompre pour cela les liens qui doivent t'unir à lui ; tu es sorti sans tache. Nous pourrions citer une foule de textes de ce genre ; mais par ceux-ci et d'autres semblables ta dilection peut comprendre que, quand un pécheur a confessé en secret sa faute, nous ne devons pas le séparer corporellement de notre communion, mais notre cœur doit rester éloigné de son abaissement. De cette manière nous obéirons aux deux préceptes, et à celui qui défend la communion avec les excommuniés, et à celui qui interdit de révéler les crimes qu'on nous a confessés. Cependant les prêtres, sans désigner les personnes, doivent enseigner aux fidèles que les excommuniés de cette sorte sont condamnés devant le tribunal du Juge qui voit tout, pour le tort fait par eux à autrui contre le précepte de Dieu et pour l'insatiable cupidité qui les a poussés à s'approprier les biens du prochain ou à les lui faire perdre par une malice diabolique. C'est ainsi que le Seigneur disant à ses disciples : Un de vous est un diable, sans désigner la personne, indiquait Judas et le proclamait excommunié, et cependant il ne l'éloignait pas de sa propre communion et de celle de ses disciples. Comme la vie de Notre-Seigneur Jésus est la règle de notre conduite, celui-là sera parfait qui, suivant la parole du Seigneur, sera semblable à son maître. Telle est mon opinion sur la question que tu m'as posée ; c'est ainsi que je réponds sur ce sujet d'après la raison et l'autorité. Adieu.

 

EPISTOLA CLVII. PASCHALI summo pontifici, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, debitum cum omni subjectione famulatum.

Cum status Ecclesiae pene ubique terrarum ruinas lamentabiles patiatur, quisque dilector domus Dei, deshonestationes ejusdem domus quanto vicinius sentit, tanto uberius plangit, quoniam et ignis viciniora comburit. Quod idcirco majestati vestrae praelibavimus, quoniam cum in aliis locis unusquisque domus Dei prostitutor malitiam suam aliquo velamine tegere moliatur, in terra Northmannorum ita manifeste prostituta est Ecclesia ut de ea illud propheticum dici possit: Peccatum suum sicut Sodoma praedicaverunt, nec absconderunt (Isa. III). Quod in Ecclesia Luxoviensi paternitas vestra poterit agnoscere, quam jam per plures annos Rannulfus agnomine ( al. cognomine) Flammardus, Dunelmensis episcopus inaudito invasionis genere occupavit, qui duos filios suos vix duodennes accepto pastorali baculo a comite Northmannorum praedictae Ecclesiae intrudi fecit, ea conditione ut si primogenitus moreretur, Judaico more in episcopatum alter alteri subrogaretur. Quod cum partim dolentibus partim deridentibus plurimis diu perpessa esset Ecclesia, monitu quorumdam religiosorum graviter redargui solo charitatis intuitu Rothomagensem archiepiscopum, ad cujus dioecesim pertinet praetaxata Ecclesia (epist. 149 et 153), quod ex adverso non staret, quod pro domo Israel murum non opponeret. Hoc idem feci aliis episcopis ejusdem metropolitani suffraganeis. Tandem cum comes terrae illius periculo amittendi principatus sui urgeretur, quasi poenitentia ductus, monente Ebroicensi episcopo cum metropolitano suo, praecepit ut praedictus Dunelmensis episcopus de Ecclesia cum sua sobole ejiceretur et episcopus ibi canonice eligeretur. Oblatum est igitur praedictae Ecclesiae, ut secundum morem ecclesiasticum episcopum sibi eligerent; qui communicato cum episcopis consilio elegerunt virum strenuum Gulielmum Ebroicensem archidiaconum, quem etiam a metropolitano suo postulaverunt sibi ordinari episcopum. Sed cum subauditum esset quod metropolitanus ab officio episcopali suspensus esset, praedictus archidiaconus, quia familiaris meus erat, et nihil adversus canones sciens praesumere volebat, ad me veniens mecum deliberavit, utrum cum hoc scrupulo posset a metropolitano suo sacram ordinationem suscipere, vel a suffraganeis quibus auctoritas metropolitana solet ista praecipere. In qua deliberatione cum mihi occurreret illud apostoli: Omne quod non est ex fide, peccatum est (Rom. XIV) ; et illud Augustini: « Quia consecratio magis constat in fide, et devotione benedictionem poscentis, quam in merito benedictionem dantis » praedicto fratri consilium dedi (epist. 73), ut tantum sacramentum nulla cum disceptatione susciperet, sed apostolicam sedem aut per se, aut per legatos suos consuleret, et rem, quantum nobis videbatur, bene incoeptam auctoritate apostolica perficeret. Videns itaque Dunelmensis episcopus consecrationem differri, aliud tergiversationis genus arripuit, et praedictum episcopatum cuidam clerico suo a comite Northmannorum datum esse asseruit. Unde ille clericus ad sedem metropolitanam vocatus est, ut proferret si quid juris se habere in episcopatu confideret; qui nulla ratione potuit asserere, quod electionem cleri aut consensum plebis habuisset, aut etiam donum comitis, quod plus obesse quam prodesse debuerat, accepisset. Consilio itaque nostro et quorumdam comprovincialium suorum majestatis vestrae praesentiam adiit, accepturus aut justum pro ratione judicium, aut necessarium pro dispensatione consilium. Ausu igitur familiaritatis filialis suggero sanctitati vestrae, quatenus apud majestatem vestram gaudeat se invenisse paternum suffragium, quae nulli consuevit ad se confugienti denegare medicinale remedium. Vale.

 

CLX. (158, A. — 181, B. — 157, C.) A Pascal, souverain pontife, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, obéissance qui lui est due avec le plus profond respect.

Presque par toute la terre l'Église souffre des ruines lamentables : aussi quand on chérit la maison de Dieu, plus c'est près de soi qu'on voit déshonorer cette maison du Seigneur, plus on est douloureusement frappé, car le feu menace ceux qui sont le plus près de l'incendie. Nous parlons ainsi à votre majesté parce que, tandis que, dans les autres lieux, les profanateurs de la maison de Dieu tentent de cacher sous quelque voile leur méchanceté, dans la terre des Normands, l'Église est si ouvertement violée, qu'on peut lui appliquer ces paroles du Prophète : Ils ont affiché leur péché comme Sodome et n'ont point cherché à le cacher. Votre paternité pourra reconnaître la vérité de ces paroles dans l'église de Lisieux. Depuis plusieurs années déjà, Renouf, surnommé Flammard, évêque de Durham,[13] par une usurpation inouïe jusqu'à ce jour, s'en est emparé : puis il a introduit dans cette église ses deux fils à peine âgés de douze ans, leur ayant fait recevoir le bâton pastoral du comte de Normandie, à cette condition que si l'aîné venait à mourir, le second, à la mode judaïque, prît possession de l’évêché à la place de son frère. Longtemps l'église a supporté cet affront, les uns s'en affligeant, les autres s'en moquant : enfin, sur l'avis de quelques personnes religieuses, par un simple mouvement de charité, j'ai repris sévèrement l'archevêque de Rouen, au diocèse duquel appartient ladite église, lui reprochant de ne pas s'élever contre cet abus, de ne pas opposer un mur pour la défense de la maison d'Israël. J'ai agi de même vis-à-vis des autres évêques suffragants de cette métropole. Enfin le comte de cette province, pressé de la crainte de perdre sa seigneurie, amené à résipiscence par les conseils de l'évêque d'Évreux et de son métropolitain, a commandé de chasser de cette église ledit évêque de Durham avec sa progéniture et d'y élire un évêque selon les règles canoniques. On offrit donc à ladite église de se choisir un évêque selon les usages ecclésiastiques. Après avoir pris conseil des évêques, les chanoines élurent un homme de bien, Guillaume, archidiacre d'Évreux, qu'ils prièrent leur métropolitain de consacrer comme évêque. Mais comme l'on avait entendu dire que le métropolitain était suspendu de l'office episcopal, ledit archidiacre, qui était mon familier, ne voulant rien faire sciemment contre les canons, vint me trouver pour délibérer avec moi, si avec ce soupçon il pouvait recevoir l'ordination sacrée de son métropolitain ou des suffragants que l'autorité métropolitaine a coutume de déléguer à cet effet. Dans cette occurrence, me rappelant cette parole de l'Apôtre : Tout ce qui n'est pas conforme à la foi est péché, et cette autre d'Augustin : La consécration consiste dans la foi et la piété de celui qui demande la bénédiction, plus que dans les mérites de celui qui donne la bénédiction, j'ai conseillé à ce dit frère de ne pas recevoir un si grand sacrement avec quelque doute dans l'esprit, mais de consulter le siège apostolique, par lui-même ou par ses députés, afin qu'une affaire aussi bien commencée, à ce qu'il nous semblait, fût terminée par l'autorité apostolique. Mais l'évêque de Durham, voyant le délai apporté à la consécration, adopta un autre genre d'opposition et affirma que ledit évêché avait été donné par le comte de Normandie à un de ses clercs.[14] Ce clerc fut appelé par le métropolitain afin de déclarer si réellement il croyait avoir quelque droit à l'épiscopat ; mais il ne put en aucune sorte affirmer qu'il eût été élu par les clercs ou par le consentement du peuple, et il n'osa dire qu'il eût reçu l'évêché en présent du comte, sachant que cela lui serait plus nuisible qu'utile. L'élu se rendit donc, sur notre conseil et celui de quelques-uns de ses comprovinciaux, devant votre majesté, afin de recevoir ou un juste jugement d'après la raison, ou un avis nécessaire pour sa conduite. Permettez à ma familiarité filiale de prier votre sainteté de le réjouir d'un encouragement paternel ; car jamais un remède salutaire n'a été refusé à ceux qui se réfugient près de votre majesté. Adieu.

 

EPISTOLA CLVIII. HUGONI, Dei gratia Lugdunensis Ecclesiae primae sedis episcopo, IVO, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, salutem et servitium

Quia Deo annuente sategimus cum rege Francorum, et filio ejus rege designato, ut jam displiceat eis incestum conjugium, quod est inter Constantiam filiam praedicti regis et comitem Trecassinum, fulti, auctoritate legum et adjutorio bonorum, cupiunt hujus conjugii maturare divortium. Dum ergo haec voluntas ita fervens est, eorum instinctu moneo et rogo paternitatem vestram, ut commonitorias litteras mittatis archiepiscopis et episcopis ad curiam quae habenda est in Natale Domini Suessionis, quatenus a rege ipso audiant computationem genealogiae, quam ipse, sicut dicit, paratus est jurejurando approbare, et idoneis testibus confirmare. Et quia haec genealogia ab Arvernensibus multoties est vobis computata, obnixe precantur, ut eamdem computationem litteris aperte signatis per praesentium portitorem episcopis ad curiam transmittatis, et rei veritatem litterarum testimonio manifestiorem faciatis. Nec enim decens est ut tantae nobilitatis sanguis tam publico incestu diutius polluatur, et ad similem incestum perpetrandum ferali exemplo carnalium voluntas animetur. Consulo itaque ut filius et familiaris, ut qui importune instare deberetis, nunc opportune, quantum in vobis est, malagma vulneri superponere minime differatis. Valete.

 

CLXI. (159, A. — 182, B. — 158, C.) A Hugues, par la grâce de Dieu, évêque de l'église primatiale de Lyon, Ives, humble ministre de l’église de Chartres, salut et obéissance.

Avec la permission de Dieu, nous nous sommes efforcé de faire condamner par le roi de France et par son fils roi désigné l'union incestueuse qui existe entre Constance,[15] fille dudit roi et le comte de Troyes.[16] Appuyés sur l'autorité des lois et le concours des gens de bien, ils désirent aujourd'hui hâter la dissolution de ce mariage. Pendant que leur volonté est ainsi ardente, par leur avis, j'avertis et je prie votre paternité d'envoyer aux archevêques et aux évêques des lettres d'imitation à la Cour plénière qui doit se tenir à Noël dans la ville de Soissons. Là le roi lui-même leur exposera la généalogie et le compte des degrés de parenté, qu'il est prêt, comme il le dit lui-même, à prouver par serment et à confirmer par de sûrs témoins. Et comme ces degrés de parenté ont été plusieurs fois énumérés devant vous par les Pères du concile de Clermont, ils vous prient instamment de consigner leur énonciation dans les lettres patentes que vous adresserez par le porteur des présentes aux évêques qui se rendent à la Cour plénière : le témoignage de ces lettres rendra plus évidente la vérité du fait. Il n'est pas convenable qu'un sang de si grande noblesse soit plus longtemps souillé par un inceste aussi public : c'est un exemple fatal qui excite à un semblable crime la volonté des hommes charnels. Je vous conseille, en fils et en ami, puisqu'il vous appartient d'insister jusqu'à l'importunité, de ne pas différer, aujourd'hui que l'opportunité se présente, à apporter, autant qu'il est en vous, le remède à la blessure. Adieu.

 

EPISTOLA CLIX. PASCHALI summo pontifici, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, per mare hujus mundi prospere navigare, et post superata naufragia navem in tuto collocare.

Quoniam judicia Romanae Ecclesiae a nemine foris retractari posse, eadem Romana Ecclesia docente didicimus (c. Patet; c. Nemo; c. Ipsi; c. Cuncta; caus. 9, q. 3), si qui aliquando se praegravatos ipsius Ecclesiae auctoritate conqueruntur, hoc eis consilium damus, ut non descendant in Aegyptum propter auxilium, sed ab ipsa ad ipsam confugiant, et inde expetant levamen, unde se conqueruntur accepisse gravamen, quia quae aliquando corripit paterna severitate, eadem frequenter colligit materna pietate. Quod ideo praelibavimus beatitudini vestrae, ut causam Fossatensium monachorum patienter audiatis, et quantum salva apostolica reverentia fieri potest, anxietatem eorum misericorditer relevetis. Conqueruntur enim se in concilio Turonensi fuisse praegravatos quoniam ad suggestionem comitis Andegavensis dicunt fuisse subreptum domno papae Urbano monasterium Sancti Mauri, situm in patria Andegavensi, quod sub jure Fossatensis monasterii antea per trecentos aut eo amplius annos exstiterat, de ejusdem monasterii jure auferret, et ordinato ibi abbate liberum esse constitueret. Quod et factum est Fossatensibus monachis jus suum reclamantibus, et multis qui concilio intererant, aliter sentientibus, cum viderent privilegium quo nitebantur Fossatenses monachi de manibus eorum ab Andegavensibus fuisse ereptum, et in plures partes fuisse conscissum. Adhibitis ergo multorum intercessionibus supplicant praedicti monachi, ut eorum negotium a majestate vestra legitima discussione retractetur, et vel misericordia flectente, vel justitia dictante terminetur. Vale.

 

CLXII. (160, A. — 138, B. — 159, C.) A Pascal, souverain pontife, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, navigation heureuse sur la mer de ce monde et entra dans le port après avoir échappé au naufrage.

Il n'est permis à personne de réformer les jugements de l'Église Romaine, c'est ce que nous croyons d'après les enseignements qu'elle-même nous a donnés. Lors donc que nous entendons quelqu'un se plaindre d'avoir été maltraité par son autorité, nous conseillons de ne pas descendre en Egypte pour demander du secours, mais d'en appeler de l'Église Romaine à l'Église Romaine elle-même. Nous exhortons à chercher la consolation à la source même d'où est partie l'affliction, car ceux que le Saint-Siège reprend avec une sévérité paternelle, souvent aussi il les console avec une piété maternelle. Nous parlons ainsi à votre béatitude pour la prier d'écouter avec patience la cause des moines de Saint-Maur-des-Fossés, et, autant que peut le permettre l'honneur apostolique, de soulager miséricordieusement leur inquiétude. Ils se plaignent d'avoir été injustement traités dans le concile de Tours ; ils disent qu'à la suggestion du comte d'Anjou le seigneur pape se laissa surprendre une sentence par laquelle le monastère de Saint-Maur, situé au pays d'Anjou, qui depuis trois cents ans dépendait de l'abbaye de Saint-Maur-des-Fossés, fut enlevé à l'obédience de ce couvent et rendu indépendant par la création d'un abbé particulier.[17] Ce changement fut opéré, malgré les protestations des moines de Saint-Maur-des-Fossés et contre le sentiment d'un grand nombre de Pères qui assistaient au concile, bien qu'il fût évident que le privilège invoqué par les moines de Saint-Maur-des-Fossés leur avait été ravi par les moines Angevins, et en plusieurs endroits altéré par ceux-ci. Forts de nombreuses intercessions, lesdits moines supplient votre majesté de reprendre leur cause et de la soumettre à une légitime discussion, de manière à ce qu'elle soit résolue selon l'inspiration de la miséricorde ou selon les règles de la justice. Adieu.

 

EPISTOLA CLX. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, O. Gemetensis monasterii abbati, paternae dilectionis visceribus abundare.

Haec ovis gregis vobis commissi derelicto grege suo luporum morsibus patens miserabiliter per hujus mundi deserta vagatur, et multa ex ejusdem mundi conversatione bella perpetitur, in tantum ut pene usque ad contemptum sui ordinis et monastici habitus venire cogatur. Haec itaque jam panem desiderans filiorum, sicut voto, sic voce dicit: Vadam ad Patrem meum (Luc. XV), sed clausa se dicit invenisse paterna viscera, ut nec inter filios recipi possit, nec inter mercenarios. Novit autem fraternitas vestra, quia quicunque pastoris nomen habet, imitando summum pastorem, pastoris officium implere debet, qui oves quaesivit errantes, invenit perditas, curavit languidas, sanavit morbidas, laetatur de conversis, qui dolere nos admonet de aversis. Non equidem ista dicendo vos docemus, sed commemorando per ipsa viscera charitatis, quibus nos invicem diligere debemus, vos monemus et rogamus, ut hunc fratrem revertentem (epist. 57), de longinqua regione dissimilitudinis paterne suscipiatis, et cum satisfactione quae ejus excessibus debetur, intra ovile a quo aberraverat colligatis. Vale.

 

CLXIII. (161, A. — 184, B. — 160, C.) Ives, par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à Ours, abbé du monastère de Jumièges,[18] entrailles d'affection paternelle.

La brebis, sortie du troupeau qui vous est confié, est misérablement exposée depuis son départ aux morsures des loups : errante à travers les déserts du monde, elle souffre mille attaques dans ses relations avec ce monde, tellement qu'elle en est presque venue à rougir de son ordre et de son habit monacal. Avide du pain du fils de famille, par ses désirs comme par ses paroles, elle s'écrie : J'irai vers mon père, mais elle trouve, dit-elle, les entrailles paternelles fermées pour elle, et elle ne peut être reçue ni parmi les fils ni parmi les mercenaires. Or votre fraternité sait que quiconque a le nom de pasteur doit imiter le souverain pasteur et remplir l'office pastoral. N'a-t-il pas cherché les brebis errantes ? Ne les a-t-il pas retrouvées après qu'elles s'étaient perdues ? N'a-t-il pas soigné celles qui languissaient, guéri celles qui étaient malades ? Ne s'est-il pas réjoui du retour de celles qui revenaient à lui ? Ne nous a-t-il pas enseigné à pleurer sur celles qui restaient éloignées ? Ce n'est pas pour vous donner une leçon que nous parlons ainsi, mais, par ces entrailles de charité qui doivent nous unir d'une mutuelle affection, nous vous avertissons et nous vous prions de recevoir paternellement ce frère qui revient du pays lointain de l'égarement, et de le recueillir dans le bercail d'où il s'était éloigné, après avoir exigé la satisfaction due pour ses excès. Adieu.

 

EPISTOLA CLXI. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, RADULFO Remensis Ecclesiae praeposito, et ODOLRICO bonae spei fratri, salutem.

De viro qui cum muliere, cujus nuptiae interdictae non erant, pactum iniit conjugale, postea vero ad alterius nuptias transiit (epist. 167), hoc sentio, quia sacramentum nuptiarum, quod cum perjurio et pacti conjugalis violatione usurpatum est, aut esse irritum, aut manere ad judicium. Si irritum est, ad prius pactum constat esse redeundum; si autem manet ad judicium, cessare debent opera nuptiarum. Quod si neutrum fecerit, semper juris pervasor erit alieni. Qui enim juramento pactum conjugale firmavit, ex majori parte sacramentum conjugale implevit. Unde et beatam Domini matrem, quae cum sancto Joseph pactum conjugale inierat, angelus conjugem Joseph appellat: Noli timere accipere Mariam conjugem tuam (Matth. I) ; quam nondum traduxerat, nec aliquando carnali commistione cogniturus erat. Super qua re multa Patrum dedimus testimonia in epistola Hildeberto Cenomanensi episcopo missa (epist. 148). Est autem canonica sententia quia « quod contra leges praesumitur, per leges dissolvi meretur, » veluti si quis contra decreta sacerdotii sacramentum sibi usurpet, aut est omnino per leges deponendus, aut a ministerio altaris suspendendus. Quibus auctoritatibus et rationibus liquet quia non debet praeponderare quod illicite et cum injuria proximi praesumptum est, sed id quod legitime et honeste consensu contrahentium prius confoederatum est, quamvis si alterum praeponderaret, cum utrobique crimen sit, periculose tamen secundum Scripturas, illa admittitur compensatio, quae crimen crimine defendit (S. August. in cap. Quod ait, dist. 14). Nec enim in Scriptura sacra laudatur, quod Lot voluit Sodomitis filias suas prostituere (Gen. XIX), ut ea compensatione compescerentur a sua turpitudine. Si ergo aliqua compensatio in talibus admittenda est, ea est praeferenda quae justa severitate saluti proximorum consulit, non ea quae simulata indulgentia latiorem viam ad patranda perjuria, ad committenda scelera lubricis pandit. Tutius enim est unius juris alieni pervasoris voluntati non parcere quam multos falsae misericordiae exemplo in discrimen adducere. Praeterea de sacramentis minoribus ad majora nisi ordinabiliter transiri non oportet, quia desponsata alteri, alteri nubere non debet; sicut conjugatus nisi a conjugio solutus, consecrari presbyter, aut monachus ordinari non potest; et in hunc modum plurima. Vale

 

CLXIV. (162, A. — 185, B. — 161, C.) Ives, par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à Raoul, prévôt de l'église de Reims,[19] et à Odolric, frère de bonne espérance, salut.

Un homme avait fait un pacte de mariage avec une femme qui pouvait légitimement se marier, puis il a convolé à d'autres noces : voici ce que je pense à ce sujet. Le sacrement de mariage contracté par parjure et par violation du pacte conjugal doit, ou être nul, ou tout au moins soumis à la justice.

S'il est nul, il est évident qu'on doit revenir au premier pacte ; s'il est soumis à la justice, toute œuvre nuptiale doit cesser. Celui qui n'observera aucune de ces conditions sera, quoi qu'il fasse, violateur du droit d'autrui : car contracter par serment un pacte conjugal, c'est accomplir pour la majeure partie le sacrement de mariage. C'est ainsi que l'Ange, s'adressant à la bienheureuse mère du Seigneur qui avait conclu un pacte conjugal avec saint Joseph, l'appelle l'épouse de Joseph : Ne crains point de recevoir Marie ton épouse, et cependant Joseph ne l'avait point encore épousée et ne devait jamais avoir avec elle de commerce charnel. Nous avons cité sur ce sujet plusieurs textes des Saints Pères dans une lettre écrite par nous à Hildebert, évêque du Mans.[20] Le décret des canons est formel : Ce qui est fait contre les lois doit être dissous par les lois ; de même que si quelqu'un usurpe contre les décrets le sacrement du sacerdoce, il doit complètement être déposé par les lois, ou tout au moins suspens du ministère de l'autel. De ces autorités et de ces raisons il ressort que ce qui doit prédominer ce n'est pas ce qui a été fait illicitement et au détriment du prochain, mais ce qui a été d'abord convenu légalement et honnêtement par l'accord des contractants. Si l'on adoptait le premier sentiment, sous prétexte qu'il y a crime d'une manière comme de l'autre, ce serait, selon les Écritures, une dangereuse compensation que de vouloir absoudre un crime par un autre crime. L'Écriture Sainte en effet, n'approuve pas Loth, voulant prostituer ses filles aux Sodomites, pour tenter par ce moyen de les arracher à leur turpitude. Si une compensation doit être acceptée en pareille circonstance, on doit préférer celle qui, par une juste sévérité, contribue au salut du prochain, et non celle qui, par une feinte indulgence, ouvre aux débauchés une voie plus large pour commettre leur parjure, pour consommer leur crime. Il est plus sûr de s'opposer à la volonté d'un seul qui veut usurper le droit d'autrui que de pousser un grand nombre dans le péril par l'exemple d'une fausse miséricorde. Enfin, s'il est permis de comparer les plus petits sacrements aux plus grands, la fiancée d'un homme ne peut se marier à un autre, de même qu'un homme marié, à moins que son mariage ne soit dissous, ne peut être consacré prêtre ni ordonné moine. On pourrait en dire bien plus long sur ce sujet.

 

EPISTOLA CLXII. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, JOANNA eadem gratia Aurelianensi episcopo, salutem.

De presbytero qui in statua feminea sacramenta ecclesiastica profanavit, breviter respondeo, quia ut sacrilegus et idololatra judicandus est. Quam si tractare vultis secundum censuram canonicam, oportet ut adhibitis vobis aliis quinque episcopis, publice detractis sacerdotalibus indumentis per singulos eum gradus deponatis, et depositum perpetuo carcere damnetis, aut in aeternum exsilium detrudatis. Quod si id facere vobis fuerit difficile, tamen ab omni honore clericali eum suspendite, et caetera quae supra dicta sunt ad caeterorum correptionem in persona ejus perficite. Quod vero merito sacrilegii sui deponendus sit, testatur decretalis sententia, qua dicitur : « Privilegium meretur amittere, qui concessa sibi abutitur potestate. » Quod vero a conspectu eorum qui scelus ejus cognoverunt removendus sit, ne foeda facti memoria simplicium mentes perturbet, hinc probari potest: quod pecus innocens quod a bestialibus hominibus ascendebatur, secundum legem (Lev. XIX) occidi jubebatur (August., q. 74, ad c. XX Levit.), non propter crimen subacti pecoris, sed propter abolendam memoriam tam exsecrabilis foeditatis. Quanto magis ergo ab oculis consciorum removendus est quem nulla defendit innocentia, nulla excusat ignorantia. Ut ergo ad summam veniam, hoc inauditum sacrilegium prudentia vestra tanta severitate coereeat ut omnes qui audierint, a tam exsecrabili abusione removeat. Sicut enim crimen est inauditum, sic, si necesse sit, inaudita poena est corrigendum, quia, secundum beatum Augustinum, nova genera morborum cogunt nos invenire nova genera curationum (epist. 288). Vale.

 

CLXV. (163, A. — 186, B. — 162, C.) Ives, par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à Jean, par la même grâce, évêque d'Orléans, salut.

Un prêtre a profané les sacrements ecclésiastiques sur une statue de femme, je n'ai que deux mots à vous répondre à ce sujet : il doit être considéré comme sacrilège et idolâtre. Si vous voulez le traiter suivant la rigueur des canons, vous devez, en présence de cinq évêques appelés avec vous, le dépouiller publiquement de ses vêtements sacerdotaux, le déposer successivement de tous ses grades, puis le condamner à une prison perpétuelle, ou le chasser dans un exil éternel. Si vous ne pouvez facilement user de cette dernière rigueur, suspendez-le tout au moins de tout honneur clérical, et, pour servir d'exemple aux autres, accomplissez sur sa personne toutes les cérémonies que je viens de vous indiquer. Afin d'établir que, pour le fait de son sacrilège, il doit être déposé, nous avons la sentence décrétale qui porte : Celui-là doit perdre son privilège qui abuse du pouvoir qui lui est confié. Quant à son éloignement de la présence de ceux qui ont connu son crime, de peur que le souvenir de cet acte honteux ne trouble l'esprit des simples, il est facile d'en prouver la nécessité. Le troupeau innocent qui était souillé par la bestialité des hommes devait, suivant la loi, être mis à mort, non pas qu'il fût coupable, mais pour détruire la mémoire d'un forfait aussi honteux et aussi exécrable. A combien plus forte raison doit-il être éloigné de la vue de ceux qui connaissent son crime, celui que l'innocence ne peut défendre, que l'ignorance ne peut excuser ? Pour me résumer, ce sacrilège sans exemple doit être puni par votre prudence avec une sévérité telle que tous ceux qui connaîtront le jugement redoutent de tomber dans une faute aussi détestable. Comme le crime est inouï, il faut, s'il est nécessaire, une répression inouïe, car, selon saint Augustin, devant de nouvelles sortes de maladies, il nous faut trouver des remèdes d'un genre nouveau. Adieu.

 

EPISTOLA CLXIII. IVO, Dei gratia Ecclesiae Carnotensis minister, GAUFRIDO Vindocinensis monasterii abbati, in omnibus libram tenere justitiae.

 De monacho illo quem juramento constrinxisti, ne ultra illam administraret obedientiam quam aliquandiu sibi usurpaverat per inobedientiam, consilium meum est ut ulterius eam non habeat, quod et illi esset criminosum et caeteris fratribus ruinosum. Cum enim juramentum comites habeat justitiam et veritatem (Jer. IV), si justum fuit, quamvis contra ordinem praesumptum quod juravit (ex S. Hieronymo, epist. 105), oportet ut sit et verum. Testatur enim Apostolus juramentum rem esse immobilem (Hebr. VI), per quod dicit Deum haeredibus Novi Testamenti immobilitatem sui pronuntiasse consilii. Praeterea ad propriam redundaret infamiam, si palliata obedientia perjuranti tuam adhiberes conniventiam. Plura de his dicere possemus, quae silentio praeterimus, quia ignota tibi esse non credimus. Vale.

 

CLXVI. (164, A, — 187, B. — 163, C.) Ives, par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à Geoffroy, abbé du monastère de Vendôme, en toutes choses observation exacte de la justice.

Un de tes moines avait quelque temps usurpé par désobéissance un des prieurés qui te sont soumis ; tu lui as fait jurer de renoncer à l'avenir au gouvernement de ce prieuré : mon avis à ce sujet est qu'il ne puisse le posséder à l'avenir, ce qui serait criminel à lui et dommageable aux autres frères. Le serment en effet doit être appuyé sur la justice et sur la vérité : si celui qu'a fait ce moine est juste, bien que prêté contre l'ordre établi, il faut aussi qu'il soit vrai. Car l'Apôtre dit que le serment est une chose immuable par laquelle Dieu a voulu montrer aux héritiers du Nouveau Testament l'immutabilité de ses desseins. D'ailleurs il retournerait à sa propre infamie, si, sous une apparence d'obéissance, il recevait de toi l'approbation de son parjure. Je pourrais t'en dire plus long à ce propos, mais je le passe sous silence, parce que je sais que je ne parle pas à un ignorant. Adieu.

 

EPISTOLA CLXIV. IVO, Dei gratia Ecclesiae Carnotensis minister, GAUFRIDO sanctae solitudinis cultori, irretortis oculis in anteriora se extendere.

Quam delectabilis, quam necessaria servis Dei sit quies mentis cum quiete corporis, credo, tam scientia quam experientia, didicit sancta fraternitas tua. Aliter enim mens discurrentium rumusculis et dissidentium obtrectationibus patens, perturbatas aut saucias habet orationes, nec se potest quantocunque suo conamine in unitatem colligere, donec Dominus in navi dormiens tantis fluctibus circumacta intenso clamore suscitetur, quo increpante redeat desiderata tranquillitas (Marc. IV). Unde oportet ut sancta fraternitas tua ab auditu auris et ab auditu cordis verba eorum repellat, qui sub specie diligentium et consulentium virus infundunt decipientium et perimentium. Quod ideo praelibavi fraternitati tuae, quia nuper oblatae sunt mihi a quibusdam monachis Blesensibus quaedam litterae a te Mauricio abbati directae, quas vix possum credere a te fuisse dictatas, cum non tranquillo spiritu, sed perturbato dictatae esse videantur, et quasi ferro excusso de manubrio indiscretis ictibus, non lignum caedere, sed fratrem occidere (Deut. XV). Videntur etiam non nihil redolere vanitatis et ambitionis, quasi cum amore relictam abbatiam tenueris, et cum dolore amiseris (epist. 208). Dicis enim in litteris illis, si tamen tuae sunt, praedictum Mauricium, utcunque loco tuo positum, impulsu malorum te esse ejectum, vilissimumque omnium factum, et ab iniquis eum tibi superinductum. Contra quem etiam minaciter loqueris, si in aliquo eum tuae voluntati contraire perspexeris. Si haec verba tua sunt, longe extra te factus es. Non congruunt proposito tuo, non congruunt gestis tuis, qui in manu Romanae Ecclesiae legati nullo te cogente, imo ipso legato dissuadente, abbatiam dimisisti, et in electione ipsius Mauricii primam vocem dedisti. Redi ergo, dilectissime, ad cor tuum, et ne plus credas adulatori tuo, imo perturbatori tuo de te quam tibi quia plus aliquando corrigunt nos inimici reprehendentes quam amici fallaciter blandientes juvant. Nosti enim quia dicit sermo apostolicus: Pacem sequimini, sine qua nemo videbit Deum (Hebr. XII). Pacem ergo nulla tibi auferat praeteritarum injuriarum recordatio. Nec tibi dolendum vel condolendum esse credas, quod de naufragio nudus evasisti, sed illis potius condole quos adhuc vides in alto periclitari. Talem te hactenus intelleximus, talem te adhuc aestimamus, nisi simplicitatem tuam perturbatorum duplicitas moveat, et a tranquillitate mentis expellat. De caetero ergo si quid in abbate, si quid in subjectis corrigendum cognoveris, mitioribus verbis fraterne admone, ut aedificationi studere videaris, non vindictae. Si autem te non audierint, antequam aliqua dissentio oriatur, rem perperam factam ad notitiam nostram perferre stude, ut pacem monasteriis necessariam studeamus talibus monitionibus imponere. Vale.

 

CLXVII. (165, A. — 188, B. — 164, C.) Ives, par la grâce de Dieu, humble ministre de l'église de Chartres, à Geoffroy, retiré dans la sainte solitude,[21] regards sans amertume vers le passé.

Combien est délectable, combien est nécessaire aux serviteurs de Dieu le repos de l'esprit avec le repos du corps, je crois que ta sainte fraternité le sait de science certaine et d'expérience sûre : autrement l'esprit ouvert au bruit des passants et aux murmures des mécontents est troublé et blessé dans ses prières, et malgré tous ses efforts ne peut se concentrer en lui-même, jusqu'à ce que le Seigneur, qui dort dans la barque entourée de si grands flots, réveillé par un cri de détresse, commande aux vagues et rétablisse le calme désiré. Il faut donc que ta sainte fraternité ferme l'oreille du corps et du cœur aux paroles de ceux qui, sous une apparence d'affection et de conseil, glissent le poison de la fraude et de la mort. Si je parle ainsi à ta fraternité, c'est que récemment des moines de Blois m'ont montré une lettre écrite par toi à l'abbé Maurice, lettre que j'ai eu peine à croire émanée de toi, car elle semble dictée par un esprit troublé et qui a perdu sa tranquillité : on dirait que le fer sorti de sa poignée cherche par des coups inconsidérés, non à couper le bois, mais à tuer ton frère. On dirait aussi qu'on y sent je ne sais quelle vanité et quelle ambition, comme si tu avais consacré tout ton amour à l'abbaye que tu as quittée, et que tu ne l'aies abandonnée qu'avec douleur. Tu dis en effet dans cette lettre, si elle est bien de toi, que ledit Maurice occupe ta place, que c'est à l'instigation des méchants que tu as été chassé et rendu le plus vil des hommes, que c'est par leurs intrigues qu'il t'a été injustement substitué : tu lui adresses même des menaces, s'il ne se rend à ta volonté. Si ces paroles sont de toi, tu es sorti de toi-même. Ce n'est pas là ton ancienne résolution, ce ne sont pas là tes anciens actes, alors que, dans les mains du légat de l'Église Romaine, sans que personne te contraignît, et même bien que le légat t'en dissuadât, tu t'es démis de ton gouvernement abbatial et que tu as le premier donné ta voix pour l'élection de ce même Maurice. Reviens à toi, mon frère bien-aimé : crois à toi-même pour ce qui te regarde, plus qu'à ces flatteurs, je dirai mieux à ces perturbateurs. Souvent les reproches d'un ennemi sont plus utiles en nous corrigeant que les trompeuses caresses d'un ami en paraissant nous soutenir. Tu connais cette parole de l'Apôtre : Observez la paix sans laquelle personne ne verra Dieu. Que la paix ne te soit donc enlevée par aucun souvenir des injures passées. Et ne crois pas que tu aies à te chagriner ou à te plaindre d'être sorti nu du naufrage : plains plutôt ceux que tu vois encore exposés aux dangers de la haute mer. Tel nous t'avons connu jusqu'ici, tel nous espérons que tu es encore, à moins que la duplicité des perturbateurs ne trouble ta candeur et ne chasse la tranquillité de ton esprit. Si d'ailleurs tu reconnais quelque faute chez l'abbé ou chez ceux qui lui sont soumis, avertis-les fraternellement par de douces remontrances afin qu'on reconnaisse que tu travailles pour l'édification de l'édifice et non pour ta vengeance. S'ils ne t'écoutent pas, avant qu'aucune dissension s'élève entre vous, fais-nous connaître ce que tu auras à reprocher ; nous userons de tous nos efforts pour conserver par nos avis la paix nécessaire aux monastères. Adieu.

 

EPISTOLA CLXV. SANSONI, Dei gratia Wigornensis Ecclesiae episcopo, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, bene valere et in extremis maris habitare.

Quamvis ad praesens lateres oculos meos, non tamen latebas animam meam, quia bonum odorem tui nominis de transmarinis partibus olfaciebam, et olfactum intime diligebam. Ad ultimum nuntiavit oculus, sensit manus, quod per auditum prius senserat cordis odoratus. Et ita sensibus intus bene nuntiantibus expertus sum tuam in me non tepuisse charitatem, quamvis mutuam ad plenum non habuissemus inter nos collocutionem. Praevenit itaque liberalitas tua tarditatem meam, mittendo calceamenta evangelica quo munere erga me dilectionem tuam demonstrasti, et ad injunctum mihi officium diligentius exsequendum monuisti. Quod ergo ipse monuisti, remigantes per hoc mare spatiosum et undosum porrigamus nobis invicem mutuas orationum manus, quatenus et prospere navigemus, et in optato salutis portu naves nostro regimini commissas collocare valeamus. Hoc tuae dilectioni pro parvitate nostra promittimus; hoc e converso a tua devotione requirimus, nec ulla diligentium corda disjungat localis remotio, quos fraternae dilectionis conglutinat affectio. Plura scriberem, sed verbis nisi necessariis nolo aures onerare prudentis. Vale.

 

CLXVIII. (166, A. — 139, B. — 165, C.) A Samson, par la grâce de Dieu, évêque de l'église de Worcester,[22] Ives, humble ministre de l'église de Chartres, heureuse navigation et arriva au port.

Bien que tu fusses corporellement caché à mes yeux, cependant tu n'étais pas caché à mon âme, car je sentais la bonne odeur de ton nom qui m'était apportée des pays d'outremer, et je jouissais intérieurement de ce que je sentais. Enfin j'ai vu de mes yeux, j'ai touché de mes mains ce qu'auparavant mon oreille avait entendu et ce que l'odorat de mon cœur avait senti. Et ainsi, tous mes sens m'ont rendu intimement ce témoignage ; j'ai compris que ton affection envers moi ne s'était pas refroidie, quoique nous n'ayons pu pleinement avoir un mutuel entretien. Ta libéralité a prévenu ma lenteur en m'envoyant des chaussures évangéliques. Par ce présent, tu m'as témoigné ton affection et tu m'as exhorté à remplir avec plus de soin encore l'office qui m'a été imposé. Comme tu me l'as enseigné toi-même, pendant notre voyage sur cette mer vaste et orageuse, tendons-nous mutuellement les mains de nos prières, afin d'avoir une heureuse navigation et de pouvoir amener dans le port désiré du salut les barques confiées à notre direction. Selon les forces de notre humilité, nous promettons nos prières à ta dilection ; en retour, nous demandons les tiennes. Que l'éloignement des lieux ne disjoigne pas nos cœurs amis, unis entre eux par les liens d'une fraternelle affection. Je t'en écrirais davantage, mais je ne veux charger tes oreilles que des paroles absolument nécessaires. Adieu.

 

EPISTOLA CLXVI. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, HUMBALDO, eadem gratia Antissiodorensis Ecclesiae episcopo, salutem.

Noverit dilectio vestra praeterita aestate, cum domnus Bruno Signinus episcopus (epist. 167) apostolica legatione fungeretur, Hugonem Album praesentiam ejus adiisse, et qualiter Pontius nepos Trecensis episcopi filiam suam nomine Mathildem Galeranno camerario regis prius a parentibus traditam renitentem et flentem in conjugium sibi usurpaverit, sibi indicasse. Sed qui utraque persona absens erat, injunctum est a praetaxato legato Parisiensi episcopo, ut utramque partem die competenti ad causam vocaret, et auditis utriusque partis rationibus controversiam quae erat inter Pontium et praedictam Mathildem prudentium virorum consilio et judicio terminaret. Reversus itaque Parisiensis episcopus diem et locum Pontio et Mathildi constituit, me et quosdam coepiscopos suos ad discutiendam et terminandam hanc rem charitative invitavit. Convenerunt itaque Parisium die constituto ad causam accusatores et accusatus, testes et judices. Quaesitum est a praetaxata Mathilde, quare conjugium Pontii refutaret. Quae breviter respondit, quod non esset ei legitime juncta, quoniam prius esset Galeranno a parentibus tradita (epist. 247), et huic contradicens pro posse suo et flens, nolente matre, copulata. Cum ergo oblatum esset Pontio, ut ad objecta responderet, quaerens quaedam diverticula, nihil ad objecta respondit, sed a conventu, cui se praesentaverat, non satis apte recessit? Mandatum est ei itaque semel et saepius, ut vel ad objecta responderet, vel judicium audire non differret. Cum ergo ita a judicio declinaret, judicatum est ei ex apostolico decreto, quod dilationem sententiae ex absentia lucrari non deberet exinde prolatis ex legum et canonum auctoritate sententiis (cap. Decernimus, caus. 39, q. 9), quia si testes mulieris, adversus Pontium agentis, datis sacramentis probare possent quod mulier objecerat, a conjugio Pontii libera esset, et cui vellet in Christo nubere posset. Iterum mandatum est Pontio, ut ad audiendum haec sacramenta veniret, aut si quid legitime personis testificantium, vel dictis eorum objicere posset, objiceret. Quod cum ut caetera simplicitate vel duplicitate sua subterfugeret, a decem viris vel eo amplius data et accepta sunt sacramenta, quibus probatum est, et mulierem prius a parentibus alteri fuisse traditam et Pontio sine sua voluntate copulatam. Negotio itaque diligenter pertractato et judiciario ordine terminato, judicavimus mulieri quod esset libera a Pontii, ut non dicam conjugio, sed contubernio, et quia nubere posset cui vellet in Domino. Haec scripsimus sanctitati vestrae, quia praedictam mulierem quidam parochianus vester vult habere in conjugem, ne de praeteritis nuptiis aliquod apud vos generetur scandalum, vel presentibus aliquod ponatur offendiculum. Valete, et ex mutua dilectione parvitatis meae memor estote.

 

CLXIX. (167, A. — 190, B. — 166, C.) Ives, par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à Humbauld, par la même grâce, évêque de l'église d'Auxerre, salut.

Sache votre dilection que, l'été dernier, tandis que le seigneur Bruno, évêque de Segni, remplissait l'office de légat apostolique,[23] Hugues le Blanc[24] se présenta devant lui et lui remontra que Pons, neveu de l'évêque de Troyes, avait pris en mariage, malgré sa résistance et ses pleurs, Mathilde, fille dudit Hugues, auparavant unie par ses parents à Galeran, chambrier du Roi.[25] Comme les deux parties étaient absentes, le légat chargea l'évêque de Paris de citer devant lui les intéressés, à un jour convenable, afin qu'après avoir entendu les raisons de chacun, il terminât, par le conseil et l'avis d'hommes sages, le différend qui existait entre Pons et ladite Mathilde. A son retour dans son diocèse, l'évêque de Paris fixa un jour et un lieu à Pons et à Mathilde pour les entendre, et nous invita affectueusement, moi et d'autres coévêques, à nous rendre à cette entrevue pour discuter et juger cette cause. Au jour dit, accusateurs et accusé, témoins et juges se trouvèrent ensemble à Paris. On demanda à Mathilde pour quel motif elle refusait d'épouser Pons. Elle répondit en peu de mots qu'elle n'était pas légitimement unie à lui, puisque auparavant ses parents l'avaient donnée à Galeran ; elle ajouta que c'était contre son gré et malgré ses larmes, contre la volonté de sa mère, que Pons l'avait entraînée. On offrit à Pons de répondre à cette accusation, mais lui, cherchant des faux-fuyants, ne répondit rien a ce qui lui était objecté, et, sans tenir compte des convenances, quitta la conférence où il s'était présenté. On le fit avertir à plusieurs reprises d'avoir à réfuter ce qu'on lui reprochait ou à se présenter pour entendre le jugement. Voyant qu'il voulait se soustraire à toute sentence, d'après le décret apostolique, on déclara que son absence ne devait point lui servir pour faire différer le jugement ; puis, conformément aux sentences appuyées de l'autorité des lois et des canons, on statua que si les témoins fournis par Mathilde contre lui pouvaient prouver sous la foi du serment les faits argués par celle-ci, elle serait affranchie du mariage de Pons et pourrait s'unir devant le Christ à celui qui lui plairait. On invita de nouveau Pons à se présenter pour entendre ces serments ou pour récuser les personnes ou les dires des témoins contre lesquels il aurait de légitimes récusations. Mais, soit par simplicité, soit par duplicité, il ne se rendit pas plus à cette convocation qu'aux autres : alors on octroya à dix personnes ou plus le serment, et sous la foi jurée il fut prouvé que Mathilde avait été auparavant unie à un autre et que c'était malgré elle que Pons s'en était emparé. Cette affaire ainsi diligemment examinée et terminée suivant l'ordre de la justice, nous avons déclaré à cette femme qu'elle était libre vis-à-vis de Pons, nous ne disions pas des liens de mariage, mais de la cohabitation, et qu'elle pouvait épouser qui elle voudrait devant le Seigneur. Nous transmettons ce jugement à votre sainteté, parce qu'un de vos paroissiens veut se marier avec cette femme, et nous ne voulons pas qu'à cause de ses noces antérieures vous éprouviez quelque scandale et qu'on puisse de là mettre obstacle à son présent mariage. Adieu, et au nom de l'affection que nous nous devons réciproquement, n'oubliez pas votre humble serviteur.

 

EPISTOLA CLXVII. HILDEBERTO, Dei gratia Cenomanensi episcopo, IVO, eadem gratia Carnotensis Ecclesiae minister, salutem.

 Quidam parochianus vester vulgari nomine Petitus de Rupibus, nuper causa orationis ad Ecclesiam nostram veniens petivit colloquium nostrum. Qui inter caetera retulit nobis quod filiam suam cuidam alteri parochiano vestro de municipio quod Pontiacum dicitur, conjugali foedere tradidit, et ille eam se ducturum in uxorem tempore sibi constituto absolute juraverit. Nunc vero aliam duxit uxorem contra pactum conjugale, quod legitime cum alia muliere prius inierat. Legitima enim sunt foedera nuptiarum inter eas personas quarum nuptiae interdictae non sunt, cum filia familias a voluntate patris non dissentit. Haec foedera solvi et divinae leges prohibent et humanae. Et si mulier ad alium virum transire voluerit dicit canonica sententia, quia mulierem alii desponsatam, alteri non licet habere in conjugium. E converso: si vir aliud vult inire conjugium, legitur in lege Novellarum (nov. 22, De nupt., et in cap. 9, caus. 30, q. 5) : « Si quis divinis tactis Scripturis mulieri juraverit se eam legitimam uxorem habiturum, vel in oratorio tale sacramentum dederit, sit illa legitima uxor, quamvis nulla dos, nulla scriptura interposita sit. » Qui aliter facit, contra leges sapit: et secundum decretum apostolicum (cap. Vides, dist. 10) : « Quod contra leges praesumitur, per leges dissolvi meretur. » Sic enim cum praeterita aestate Signinus episcopus (epist. 166), apostolicae sedis legatus apud nos esset, et similis causa ad nostras aures delata esset, prolatis legibus justum esse judicavimus et legitimum. Haec scripsi dilectioni vestrae rogatus a praetaxato milite, ut pro eo apud vos interdicerem, quamvis ei non esse necessarium persuadere satagerem. Bene enim sentimus de religione vestra, quia, ubi eluxerit vobis vera et justa sententia, non declinabitis a via regia. Vale.

 

CLXX.[26] (168, A. — 191, B. — 167, C.) A Hildebert, par la grâce de Dieu, évêque du Mans, Ives, par la même grâce, évêque de l'église de Chartres, salut.

Un de vos paroissiens, nommé Petitus des Roches, est venu récemment à notre église pour y prier et nous a demandé de lui accorder un entretien. Entre autres choses, il nous a rapporté qu'il a uni sa fille par les conventions du mariage à un autre de vos paroissiens du municipe appelé Poncé, et celui-ci lui a juré solennellement de la prendre pour épouse dans un temps déterminé. Mais maintenant il prend une autre épouse contre le pacte conjugal contracté légitimement avec une autre femme. Car les conventions nuptiales sont légitimes entre personnes auxquelles le mariage n'est pas interdit, lorsque la fille de famille consent à la volonté du père. Les lois divines et humaines défendent la rupture de ces conventions. Si une femme veut prendre un autre mari, les canons portent qu'il n'est permis à personne de prendre en mariage la femme promise à un autre. D'un autre côté, si un homme veut contracter un autre mariage, on lit dans les Novelles : Si un homme, la main sur les divines Ecritures, a juré à une femme de la prendre pour légitime épouse, ou qu'il ait fait ce serment dans un oratoire, qu'elle soit sa femme légitime, bien qu'aucune dot n'ait été apporta, qu'aucun écrit n'ait été rédigé. Celui qui agit autrement agit contre les lois, et selon le décret apostolique : Ce qui est fait contre la loi doit être brisé par la loi. L'été dernier, tandis que l'évêque de Ségni, légat du siège apostolique, était parmi nous, une cause semblable me fut soumise, et, les textes de lois en main, nous l'avons ainsi résolue suivant ce qui était juste et légitime. J'écris ces lignes à votre dilection, à la prière du susdit chevalier, afin d'intercéder pour lui près de vous, bien que je me sois attaché à lui persuader que cela n'était pas nécessaire : car nous connaissons assez votre religion pour savoir que, dès que la vérité et la justice auront brillé à vos yeux, vous ne vous écarterez pas de la droite voie. Adieu.

 

EPISTOLA CLXVIII. DAIMBERTO, Dei gratia Senonensium archiepiscopo, IVO, eadem Dei gratia Ecclesiae Carnotensis minister, salutem et servitium.

Quoniam in quibusdam negotiis aliqua dubia vel difficilia occurrunt (epist. 169 et 170), debemus invicem manus auxilii vel munus consilii porrigere, seriem cujusdam causae quae praeterita aestate apud nos emersit, et adhuc serpit, congruum duxi paternitati vestrae significare, cui haec causa principaliter litteris apostolicis terminanda committitur, ut et vobis, et nobis, cui secundo loco committitur, bene provideatis, quatenus nec obedientiam apostolicam contemnamus, nec aliquem injuste praegravemus. Erat enim quidam fundus in parochia nostra, cujus partem habebat quidam miles, et in ea domum suam separatim, et alius aliam, et in ea domum suam similiter separatim, pro hujus fundi tuitione, utrique serviebant vicecomiti Carnotensi. Hanc vero tuitionem cum servitio dedit vicecomes (Hugo in epist. 169 et 173) cuidam militi suo in beneficium, domino videlicet Curvaevillae, post non multum temporis emit comes Rotrocus partem illius fundi quae allodium erat, comportavit ibi aggerem, et fecit munitionem. Quod audiens vicecomes quia Hierusalem iturus erat, et dominus Curvaevillae, clamorem fecerunt in auribus Ecclesiae, ut justitia eis fieret, quae debebatur Hierosolymitanis et paci (epist. 169 et 173). Constitutus est dies utrique parti ad agendam causam. Cum convenissent, objectum est a vicecomite comiti Rotroco quod injuste et contra pacem aedificaret munitionem in fundo tuitionis suae. Quo audito responsum est pro Rotroco quod fundus minime pertineret ad tuitionem vicecomitis, sed potius ad tuitionem Rotroci comitis. Quae altercatio cum aliquandiu durasset; praecipimus judicium fieri; judicatumque est quia haec causa sine monomachia terminari non poterat, et judicium sanguinis nobis agitare non licebat (epist. 247), ut utraque pars irent in curiam comitissae, ad quam talia judicia pertinebant, et de cujus feudo ( al. foedo) ista tenebant. Sicut judicatum erat, venerunt utrique in curiam comitissae, et actionibus utrinque ventilatis nescio quibus de causis vicecomes a causa cecidit. Postea coeperunt Ivo dominus Curvaevillae, qui hoc beneficium se asserebat habere a vicecomite, et comes Rotrocus adversum se guerram facere (epist. 20), et alter alterius bona diripere. Et sicut varius est eventus belli, quadam die, cum praedictus Ivo procederet armata manu ad nescio quae negotia sua agenda, captus est a militibus Rotroci, et incarceratus. Praecipitur itaque vobis et nobis ex clamore Hugonis vicecomitis ab apostolica sede, ut pro debito officii nostri, Guidoni fraternarum rerum custodi et Ivoni capto justitiam faciamus. Perlectis ergo litteris apostolicis, diligenter notate verba, et secundum ordinem rei gestae et tenorem litterarum apostolicarum providete vobis quo ordine causa sit agenda, utrum statim sit Rotrocus excommunicandus, an ad judicium invitandus. Quia quo ordine praecedet et in actione causae et in executione justitiae nobis praelata sublimitas eo sequetur pro posse subjecta nostra humilitas. Et si ad praesens non eluxerit vobis certa sententia, his qui in litteris nominati sunt locum et diem competentem constituite, et accusatores et accusatum ad eumdem locum invitate, ut praesentialiter audita et cognita veritate plenius possitis justitiae satisfacere. Quod ex his vobis melius visum fuerit, parvitati meae rescribite. Valete.

 

CLXXI.[27] (169, A. — 192, B. — 168, C.) A Daimbert, par la grâce de Dieu, archevêque de Sens, Ives, par la même grâce, ministre de l'église de Chartres, salut et obéissance.

Lorsque, dans certaines affaires, quelque doute ou quelque difficulté se rencontre, nous devons nous tendre mutuellement des mains secourables ou nous offrir des avis salutaires. J'ai donc jugé à propos d'exposer à votre paternité les détails d'un différend qui a été soulevé devant nous, l'été dernier, et qui subsiste encore aujourd'hui. Comme c'est à vous que les lettres apostoliques en ont confié le jugement définitif, je vous prie, et pour vous et pour nous qui après vous sommes chargé de terminer cette querelle, de prendre garde que nous ne fassions rien de contraire à l'obéissance apostolique, rien de contraire aussi à la justice que nous devons à tous. Il y avait dans notre diocèse un fief dont une partie appartenait à un chevalier et où il avait sa demeure ; une autre partie appartenait à un autre chevalier qui y avait également sa demeure : l'un et l'autre, pour la garde de ce fief, devaient le service au vicomte de Chartres. Or le vicomte de Chartres donna cette garde, avec ce service, en bénéfice à un de ses chevaliers, le seigneur de Courville. Peu de temps après, le comte Rotrou acheta la partie de ce fief qui était un alleu : il y éleva une motte[28] et la fortifia. A cette nouvelle, le vicomte qui s'apprêtait à partir pour Jérusalem et le seigneur de Courville firent clameur à l'Église et demandèrent qu'on leur rendît la justice qui est due aux croisés et aux jurés de la paix. Un jour fut assigné à chaque partie pour plaider sa cause. Lorsqu'ils furent réunis, le vicomte reprocha au comte Rotrou d'avoir, injustement et contre les statuts de la paix, élevé un fort sur un fonds qui appartenait à sa garde. A cela, il fut répondu pour Rotrou que le fonds n'était nullement en la garde du vicomte, mais plutôt en la garde de lui-même, le comte Rotrou. Cette discussion ayant duré quelque temps, nous avons ordonné de rendre le jugement. Il fut décidé que ce différend ne pouvait se terminer que par un combat singulier, et comme il ne nous est pas permis de rendre un jugement qui entraîne l'effusion du sang, il fut prescrit que les deux parties se rendraient à la Cour de la Comtesse, à laquelle appartiennent de semblables jugements et du fief de laquelle relevaient les terres en litige. Obéissant à la sentence, ils se rendirent à la Cour de la Comtesse, et là, après une discussion contradictoire, je ne sais pour quelle cause, le vicomte perdit son procès. Alors Ives, seigneur de Courville, qui prétendait tenir ce bénéfice du vicomte, et le comte Rotrou commencèrent à se faire la guerre et à piller mutuellement leurs domaines. Mais comme la guerre a ses retours, un jour que Ives, avec une troupe de chevaliers, était sorti pour je ne sais quelle affaire, il fut pris par les soldats de Rotrou et mis en prison. En ces circonstances, le siège apostolique, sur la réclamation du vicomte Hugues, a commandé à vous et à nous de rendre justice, comme le réclame notre office, à Gui, gardien des domaines de son frère,[29] et à Ives, prisonnier du comte Rotrou. Relisez donc les lettres apostoliques et pénétrez-vous de leur contenu, afin que, suivant les événements qui se sont passés et selon la teneur des dites lettres, vous jugiez la conduite à tenir en cette affaire, si Rotrou doit être aussitôt excommunié ou s'il doit être appelé en jugement. L'ordre qu'observera dans l'examen de cette cause et dans l'exécution du jugement votre sublimité placée au-dessus de nous, notre humilité qui lui est soumise le suivra de tout son pouvoir. Si pour le moment un avis certain ne brille pas à vos yeux, assignez un jour et un lieu compétents à ceux qui sont nommés dans cette lettre, et invitez accusateurs et accusés à s'y rendre, afin que, d'après leurs dépositions, pleinement instruit de la vérité, vous puissiez prononcer un jugement équitable. Veuillez mander à notre humilité quel parti vous a paru le meilleur à prendre. Adieu.

 

EPISTOLA CLXIX. IVO, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, GALLONI eadem gratia Parisiorum episcopo, salutem.

Cum Rotrocus comes munitionem aedificaret in quodam fundo parochiae nostrae, quem sui juris et suae tuitionis esse defendit (epist. 168 et 170), vicecomes vero Carnotensis, et Ivo Curvaevillae dominus ad jus suum pertinere contendit, suggestum est domno papae, sicut forsitan audistis ab Hugone vicecomite Hierosolymum tendente, quatenus super hac injuria justitiam faceret, et rem Hierosolymitani secundum sua statuta defenderet (epist. 173). Cujus rei veritatem papa ignorans scripsit nobis quatuor, Senonensi archiepiscopo, Carnotensi, Parisiensi, Aurelianensi episcopis, quatenus pro debito officii nostri justitiam faciamus tam de fundi invasione quam de Ivonis captione. Acceptis igitur litteris istis importune exigunt a me Guido fraternarum rerum custos, et dominus Curvaevillae quatenus praedictum Rotrocum etiam in seq. ] sine audientia, sine judicio excommunicem, cum ipse Rotrocus paratum se dicat, ut ad audientiam domni metropolitani, vel nostram, vel comprovincialium episcoporum, congruo tempore et loco veniat, et secundum justum judicium de objectis satisfaciat. Ego itaque servato legum tramite, nolo quemquam more sicariorum sine audientia punire, nolo Satanae tradere, donec vel audientiam subterfugiat, vel judicium contumaciter respuat. Consulatur super hoc Evangelium, consulantur leges divinae et humanae, si de re in contentione posita aliter aliqua lex fieri jusserit, postposita mea sententia libenter cedam alienae. Nec aliter puto domnum papam intellexisse, ubi praecepit nos pro debito officii nostri praedictis petitoribus justitiam facere. Hoc tonitruo circumstrepente, quamvis non essem dubius de veritate scripsi tamen metropolitano, ad quem jam litterae apostolicae venerant, ut diligenter inspectis litteris apostolicis, et intellecta rerum gestarum veritate, quam ei conscripseram, consilium mihi daret, utrum praedictum Rotrocum deberem sine audientia excommunicare, an ad judicium vocare. Ipse vero nescio quo instinctu, quo intellectu, rescripsit mihi ut litteris apostolicis obedirem, et Rotrocum excommunicarem. Nec tamen determinavit juxta inquisitionem meam, utrum hoc facere deberem cum audientia. Litteris itaque vestris petimus muniri sententiam nostram, si justa est, aut removeri, si justa non est. Addimus etiam petitioni nostrae si necesse fuerit, quatenus, si fraterne invitati fueritis, praesentiam vestram nobis exhibeatis, et quod faciendum erit nobiscum faciatis. Valete. Ut melius eas intelligatis exemplar litterarum apostolicarum transmisi vobis.

 

CLXXII. (170, A. — 193, B. — 169, C) Ives par la grâce de Dieu, ministre de l'église de Chartres, à Galon, par la même grâce, évêque de Paris, salut.

Le comte Rotrou, ayant élevé un fort sur une terre de notre diocèse qu'il prétend être de sa juridiction et de sa garde, et le vicomte de Chartres et Ives, seigneur de Courville, soutenant de leur côté que cette terre est de leur juridiction, le seigneur pape, comme vous l'avez peut-être appris, a été sollicité par le vicomte Hugues qui partait pour Jérusalem de lui faire justice de cette usurpation et de défendre selon ses engagements les domaines d'un croisé. Le pape, ne sachant pas ce qui s'était passé, a écrit à quatre prélats, l'archevêque de Sens, les évêques de Chartres, de Paris et d'Orléans, pour nous engager à faire justice, suivant le devoir de notre charge, tant pour l'usurpation de la terre que pour la captivité d'Ives. D'après ces lettres, Gui, garde des terres de son frère, et le seigneur de Courville me pressent d'excommunier Rotrou sans l'entendre, sans le juger. Rotrou se déclare prêt à se présenter, au jour et au lieu convenables, à l'audience du seigneur métropolitain ou à la nôtre ou à celle des évêques comprovinciaux, pour satisfaire aux réclamations, selon un jugement régulier. Quant à moi, désirant suivre le sentier des lois, je ne veux pas, à la mode des sicaires, punir sans entendre. Je ne livrerai aucun accusé à Satan, s'il n'a pas refusé de se présenter à l'audience, ou s'il n'a pas méprisé le jugement rendu. Consultez donc l'Évangile, consultez les lois divines et humaines, et voyez si dans un semblable différend quelque loi a commandé d'en user autrement : je renoncerai volontiers à mon avis pour me rendre à celui d'autrui. C'est ainsi, je crois, que l'a entendu le seigneur pape lorsqu'il nous a mandé de faire satisfaction aux demandeurs suivant le devoir de notre office. Cet orage me menaçait, et quoique je n'hésitasse pas sur ce qui était juste, j'ai écrit au métropolitain, qui avait déjà reçu les lettres apostoliques. Je lui demandais d'examiner avec soin ces lettres, et après avoir reconnu la vérité de ce que je lui mandais, de me conseiller, si je devais excommunier ledit Rotrou sans l'entendre ou si je devais l'appeler en jugement. A je ne sais quelle instigation, par je ne sais quelle appréciation, il m'a répondu de me conformer aux lettres apostoliques et d'excommunier Rotrou, mais il n'a pas déterminé, comme je le lui demandais, si je ne devais le faire qu'après l'avoir entendu. Je vous prie donc de lui écrire afin d'appuyer ma demande si vous la trouvez juste, de la repousser si elle est injuste. Nous vous prions en outre, si cela est nécessaire, au cas où nous vous inviterions fraternellement, de venir nous fortifier de votre présence et d'agir de concert avec nous. Adieu. Afin que vous puissiez mieux les apprécier, je vous transmets un exemplaire des lettres apostoliques.

 

EPISTOLA CLXX. DAIMBERTO, Dei gratia Senonensium archiepiscopo, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, plenum debitae subjectionis obsequium.

De parochiano vestro qui maritum cujusdam mulieris interfecit, et postea uxorem interfecti in uxorem duxit, hoc respondemus excellentiae vestrae quia, si mulier conscientiam suam purgare potest de morte mariti, vir vero, sicut dicitis, purgare se potest legitime quod mulierem illam, vivente viro, non adulteraverit, nec spe hujus conjugii virum hujus mulieris interfecerit, secundum legem naturae et antiquum conjugii statum, potest ei indulgentia quam clavis apostolica viduis aperit aperiri, videlicet ut cui velint nubant in Christo. Sic enim David, de quo dicitur, nemo sanctior David, patrato adulterio et homicidio, postquam ei dictum est, acta poenitentia, dimissum est tibi peccatum tuum, Bersabee uxorem Uriae retinuit in conjugium (II Reg. XII). Sed posteriorum diligentia experta proclive esse humanum genus ad lapsum, et quia in hujusmodi casibus uni parcere nihil aliud esset quam multos in discrimen adducere, severissime sanxit, ut nullum tale conjugium fieri inter hujusmodi personas permitteretur, nisi prius vir et mulier innocentes esse ab adulterio et homicidio districta examinatione probarentur. Nos vero qui medici animarum constituti sumus, et saluti subditorum providere debemus, in nostra deliberatione positum habemus, ut secundum ingruentes necessitates aut rigorem teneamus disciplinae, aut moderationem indulgentiae, quatenus fortes indulgentia non emolliat, nec infirmos nimia severitas frangat. De caetero si relatum fuerit ad vos nos Rotrocum nondum excommunicasse, sciatis nos non inobedienter fecisse (epist. 169), sed rationabili et legitima causa distulisse, quia pendente negotio quamlibet humilem personam, lege prohibente, excommunicare non audeo, nec apostolicus cum ad hanc excommunicationem nobis praesentibus multis persuasionibus urgeretur, aliter fieri voluit; qui litteris suis nos qui vicini eramus admonuit ut rei veritatem investigaremus, et cognita veritate non sententiam praecipitaremus, sed, sicut debet officium nostrum, servato legum tramite rebellium inobedientiam ulcisceremur. Accusatores vero Rotroci ad audientiam venire, et justitiam suam probare dissimulant, aut causae diffidentes, aut praecipitem sententiam a nobis extorquere molientes, cum Rotrocus promittat ad audientiam vestram vel nostram se venturum, et quod lex et justitia dictaverit se facturum. Nec ista dico tanquam velim Rotrocum defendere, vel munitionem quam facit mea sententia confirmare (epist. 168, 169, et 173) quae nulli tantum nocitura est quam mihi, et Ecclesiae mihi commissae. Volo tamen in eum ita sententiam dare, ut possim eam moribus et legibus in omni bonorum conventu approbare. Valete.

 

CLXXIII. (171, A. — 194, B. — 170, C.) A Daimbert, par la grâce de Dieu, archevêque de Sens, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, hommage absolu de l'obéissance qui lui est due.

Au sujet de votre paroissien qui a tué le mari d'une femme, et ensuite a épousé cette femme, voici ce que je réponds à votre excellence. Si cette femme a la conscience nette de la mort de son mari, si cet homme, comme vous le dites, peut prouver légitimement que, du vivant du mari, il n'a eu aucun commerce avec cette femme et que ce n'est pas par espoir de ce mariage qu'il a commis ce meurtre, selon la loi de nature et l'antique constitution du mariage, on peut leur ouvrir la porte de l'indulgence que la clef apostolique ouvre aux veufs, c'est-à-dire leur permettre de contracter en Jésus-Christ l'union qu'ils désirent. Ainsi David, dont il a été dit : « Personne ne fut plus saint que David », après avoir commis un adultère et un homicide, lorsqu'il eut fait pénitence et que le prophète lui eut dit : « Ton péché t'est remis », put garder comme épouse Bethsabée, la femme d'Uri. Mais l'expérience ayant appris combien le genre humain était enclin à tomber, lorsqu'on eut compris que pardonner en pareil cas à un seul était exposer un grand nombre à succomber, on usa d'une plus grande sévérité et l'on décida qu'à l'avenir le mariage ne serait plus permis en ces conditions à moins que d'abord l'homme et la femme n'eussent établi par des preuves certaines qu'ils ne s'étaient rendus coupables ni d'adultère ni d'homicide. Nous qui avons été constitués médecins des âmes et qui devons veiller au salut de ceux qui nous sont soumis, nous devons nous proposer, dans nos délibérations, suivant les nécessités, ou de maintenir la rigueur de la discipline, ou d'user d'une sage tolérance. Que notre indulgence n'amollisse pas les forts, que notre trop grande sévérité n'abatte pas les faibles.

Si l'on vous a rapporté que nous n'avions pas encore excommunié Rotrou, sachez que nous ne nous sommes pas abstenu par désobéissance, mais que nous avons eu des motifs raisonnables et légaux de différer. En effet, tant que le litige dure, nous n'osons, d'après les lois, excommunier une personne, si humble qu'elle soit, et le Saint-Père, lorsqu'en notre présence il était pressé par beaucoup de raisons qu'on lui alléguait de lancer cette excommunication, n'a pas jugé autrement que nous : car il nous enjoignit, par ses lettres, à nous qui étions sur les lieux, de rechercher la vérité, et, celle-ci bien connue, de ne pas trop hâter le jugement, mais de punir, selon le devoir de notre office et la décision des lois, la désobéissance de ceux qui seraient jugés rebelles. Or les accusateurs de Rotrou évitent de venir à l'audience et de présenter leur justification, soit qu'ils se défient de la justice de leur cause, soit qu'ils veuillent surprendre de nous une sentence précipitée. Rotrou au contraire promet de se rendre à votre audience ou à la nôtre et de faire ce qu'ordonneront la loi et la justice. Je ne dis point cela pour défendre Rotrou ni parce que je voudrais, par ma sentence, l'approuver d'avoir élevé une forteresse, qui ne peut nuire à personne autant qu'à moi et à l'église qui m'est confiée ; mais Je veux rendre ma sentence contre lui de telle manière qu'étant conforme aux usages et aux lois elle obtienne l'approbation à tous les gens de bien. Adieu.

 

EPISTOLA CLXXI. DAIMBERTO, Dei gratia Senonensium archiepiscopo, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, delectabiles exitus matutini et vesperae.

 Sicut ex litteris vestris accepimus, undique sunt vobis angustiae, quia si raptores et sacrorum dierum violatores juste a vobis a communione separatos, sine satisfactione in communionem recipitis, offenditis legem; si in separatione eorum ab Ecclesia sicut dignum est, perseveratis offenditis regem. Qua in re si adesset nobis spiritus fortitudinis, sicut adest spiritus consilii, severitatem disciplinae esse servandam censeremus (epist. 137). Sed, quia in hoc rigore gravium dissentionum periculum imminere sentitis, rem dispensatione egere intelligimus. Et ideo non consilium nostrum, sed sanctorum Patrum ante oculos ponimus. Dicit enim Cyrillus episcopus ad Gennadium presbyterum et archimandritam (epist. 214 et epist. 144) : « Dispensationes rerum nonnunquam cogunt parum quid a debito quosdam foras exire, ut majus aliquid lucri faciant. Sicut enim hi qui mare navigant, tempestate urgente, navique periclitante quaedam exonerant, ut caetera salva permaneant, ita et nos cum non habemus salvandorum omnium negotiorum penitus certitudinem, despicimus ex his quaedam, ne cunctorum patiamur dispendia. » Unde et Augustin. in epistola ad Marcellinum (epist. 158) : « Soleo audire in potestate esse judicis mollire sententiam et mitius vindicare quam leges (epist. 236). » Idem in tertio libro contra epistolam Parmeniani: « Cum quisque fratrum et Christianorum in Ecclesiae societate constiturorum in aliquo tali peccato fuerit deprehensus, ut anathemate dignus habeatur, fiat hoc ubi periculum schismatis nullum est. » Item: « Quando cujusque crimen notum est, et omnibus exsecrabile apparet, ut vel nullos prorsus, vel non tales habeat defensores, per quos possit schisma contingere, non dormiat severitas disciplinae. » Et quia dispensationes rerum temporalium regibus attributae sunt, et basilei, id est fundamentum populi et caput existunt, si aliquando potestate sibi concessa abutuntur, non sunt a nobis graviter exasperandi, sed ubi sacerdotum admonitionibus non acquieverint, divino judicio sunt reservandi, ubi tanto districtius sunt puniendi, quanto minus fuerint divinis admonitionibus obnoxii. Unde habetur in libro Capitulorum regalium auctoritate episcoporum constitutorum : « Si quos culpatorum regia potestas, aut in gratiam benignitatis receperit, aut mensae suae participes effecerit, hos et sacerdotum et populorum conventus suscipere ecclesiastica communione debebit; ut quod principalis pietas recipit, nec a sacerdotibus Dei extraneum habeatur. » Ego itaque de mea infirmitate paternitati vestrae profiteor, quia si aliqua dispensatione faciente cogerer aliquem impoenitentem ad reconciliationem admittere, patenter dicerem ei: nolo te fallere, introitum hujus visibilis Ecclesiae cum tuo periculo te habere permitto, sed januam regni coelestis tali reconciliatione tibi aperire non valeo. Et ideo in tantum te absolvo, quantum tua expetit accusatio, et ad nos pertinet remissio. Dicent forsitan fortiores fortiora, meliores meliora: ergo pro mediocritate mea sic sentio, non legem in talibus praescribens, sed propter vitanda majora pericula Ecclesiae, necessitati temporum, si commodius fieri non potest, cedendum esse intelligens. Valete.

 

CLXXIV. (172, A. — 195, B. — 171, C.) A Daimbert, par la grâce de Dieu, archevêque de Sens, Ives, humble ministre de l'église de Chartres, réalisation de ses souhaits au matin et au soir.

Comme nous l'avons appris par votre lettre, de cruels embarras vous entourent de tous côtés ; car si vous recevez à la communion sans exiger de satisfaction ces ravisseurs et ces violateurs des jours saints, que vous avez justement séparés de la communion commune, vous offensez la loi ; si vous persévérez, comme il est digne, à les tenir séparés de l'Église, vous offensez le Roi. En cette occasion, si nous avions l'esprit de foi comme nous avons l'esprit de conseil, nous jugerions que nous devons nous en tenir à la sévérité de la discipline. Mais comme vous comprenez que cette rigueur entraînerait de graves dissensions, pour éviter ce péril, nous pensons qu'il faut user d'accommodement. Et en cela, ce n'est pas notre avis, c'est celui des Saints Pères que nous vous mettons devant les yeux. L'évêque Cyrille dit à Gennadius, archiprêtre et archimandrite : Parfois les convenances humaines forcent à sortir un peu du devoir afin de tirer le meilleur parti possible de la situation. De même que ceux qui naviguent sur mer, lorsque la tempête les menace et que leur navire est en péril, jettent à la mer une partie de la cargaison pour sauver le reste, de même lorsque nous n'avons pas la certitude de sauvegarder absolument tous les intérêts, nous en sacrifions quelques-uns de peur de tout perdre. Augustin s'exprime ainsi dans la lettre à Marcellin : J'ai souvent entendu dire qu'il était au pouvoir du juge d'adoucir la sentence et de se montrer moins sévère que la loi. De même, dans le 3e livre contre la lettre de Parménien : Lorsqu'un frère ou un chrétien admis dans la société de l'Eglise aura été saisi dans un péché tel qu'il ait mérité l'anathème, qu'on n'hésite pas à prononcer la sentence, pourvu qu'il n'y ait aucun danger de schisme. Et ailleurs : Lorsque le crime d'un individu est notoire et qu'il apparaît si exécrable à tous qu'il ne trouve personne pour le défendre ou du moins personne d'une importance telle qu'on ait à craindre un schisme, qu'alors la sévérité de la discipline ne reste pas endormie.

Comme c'est aux rois qu'appartient l'indulgence dans les affaires temporelles et qu'ils sont comme la base et la tête du peuple,[30] si parfois ils abusent du pouvoir qui leur a été accordé, nous ne devons pas les reprendre avec trop d'opiniâtreté : mais du moment qu'ils ne se sont pas rendus aux admonitions des prêtres, il faut les abandonner au jugement de Dieu, où ils seront punis d'autant plus sévèrement qu'ils auront été plus rebelles aux divines remontrances. On lit dans le livre des Capitulaires royaux dressés par l'autorité des évêques : Si le pouvoir royal a reçu dans sa grâce quelque coupable ou l'a admis à sa table, l'assemblée des prêtres et du peuple doit le recevoir à la communion ecclésiastique, car ceux que la piété du prince reçoit, les prêtres de Dieu ne doivent pas les repousser. Aussi ma faiblesse proteste à votre paternité que si, par quelque considération humaine, j'étais forcé d'admettre à la réconciliation un impénitent, je lui dirais ouvertement : « Je ne veux pas te tromper : je te permets l'entrée de cette église visible, à tes risques et périls, mais je ne puis, par une telle réconciliation, t'ouvrir la porte du royaume céleste. Aussi je ne t'absous qu'en tant que le demande ta confession et que peut s'étendre notre rémission. » De plus courageux donneront peut-être de plus courageux conseils, de meilleurs donneront de meilleurs avis, moi, selon ma médiocrité, voilà ce que je pense, ne suivant pas rigoureusement la loi en ces circonstances, mais, pour éviter de plus grands dangers à l'Église, croyant devoir céder à la nécessité du temps, puisqu'il n'y a pas de parti plus sûr à prendre. Adieu.

 

EPISTOLA CLXXIII PASCHALI summo pontifici, IVO, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, debitam cum omni devotione obedientiam.

Secundum tenorem litterarum vestrarum quas dedistis Hugoni vicecomiti Carnotensi Hierosolymam eunti, Rotrocum comitem ad justitiam vocavimus, quia accusabatur munitionem in terra ad jus praedicti Hugonis pertinente, postquam crucem acceperat, aedificare coepisse; et Ivonem ejusdem Hugonis militem, qui praedictam terram ab ipso Hugone habebat in feudum, injuste cepisse et redimisse. In qua vocatione postulatum est a comite Rotroco, ut usque ad exitum causae nihil in coepta munitione aedificaret, nihil de redemptione Ivonis acciperet (epist. 168). Die statuta ventum est ad causam: obtulit se ad judicium Rotrocus, secundum ordinem gestarum rerum dixerunt petitores, qui pro Hugone loquebantur, se nolle ad hanc causam ingredi nisi prius eis satisfaceret de eo quod non erat intermissa aedificatio munitionis, et recredita redemptio Ivonis. Responsum est ex parte Rotroci neutrum debere fieri, quia munitio illa ei adjudicata erat in curia comitissae, de cujus feudo erat, cum judicio Ecclesiae ad praedictam curiam haec causa translata esset, et praedictus IVO pro peregrinatione Hugonis minime erat reddendus, cum praedictus IVO Rotrocum dominum suum diffiduciasset, et praedam ejus prior cepisset, homines suos, ea die qua captus est in vinculis haberet, et ad foris faciendum eidem armata manu militum ea die procederet. Dictum est ex altera parte quod possent omnes istas depulsiones veridicis assertionibus locis suis et temporibus falsificare, sed non esse accedendum ad ista, donec satisfactum esset de iis quae prius objecta fuerant, nisi judicio cogerentur. Praeceptum est ergo confidentibus clericis, ut hanc litem justa sententia dirimerent. Qui cum diu inde disceptassent, non potuerunt in unam convenire sententiam, dicentes novam esse institutionem de tuitione ecclesiastica (epist. 169) impendenda rebus militum Hierosolymam proficiscentium, neque scire utrum haec tuitio ad solas pertineat proprietates eorum, an etiam pertineat ad casamenta eorum quae tenent potentes homines se et sua, fortitudine sua defendentes. Postulaverunt ergo sibi dari inducias, donec super hoc vestra requireretur sententia. Quas inducias ea conditione dare voluit comes Rotrocus, ut aedificatio munitionis non intermitteretur, nec redemptio Ivonis suspenderetur. Quod concedere pars altera omnino refutavit, et de hoc iterum judicium postulavit. Quo judicio cum se praegravari timeret comes Rotrocus, audientiam apostolicam appellavit, cujus eum auctoritate premebamus. Mittimus ergo eos paternitati vestrae cum litteris nostris ordinem causae continentibus, ut prudentia et potestate vobis divinitus concessa litem hanc dirimatis, quia inter nos homines isti magni sunt, nec a nostra parvitate, prout oportet, ad pacem cogi possunt. Valete.

suite

 

CLXXV. (174, A. — 197, B. — 173, C.) A Pascal, souverain pontife, Ives, humble ministre de l’église de Chartres, obéissance et respect qui lui sont dus.

Aux termes de la lettre donnée par vous à Hugues, vicomte de Chartres, à son départ pour Jérusalem, nous avons appelé en justice le comte Rotrou. Celui-ci était accusé d'avoir commencé, après que Hugues eut pris la croix, à élever un fort sur une terre placée sous la juridiction du vicomte de Chartres et d'avoir injustement fait prisonnier et rançonné Ives, chevalier dudit Hugues, qui tenait de celui-ci cette terre en fief. Dans cette assignation, on demanda au comte Rotrou de ne plus faire travailler, jusqu'à la fin du procès, à la construction du fort, et de ne rien recevoir pour la rançon d'Ives. Au jour dit, on vint pour l'audience. Rotrou se présenta afin d'être jugé. Les demandeurs qui parlaient pour Hugues déclarèrent que, selon l'ordre des choses, ils ne voulaient pas aborder la cause tant que satisfaction ne leur serait pas donnée sur deux points, la non interruption des travaux du fort et la non restitution de la rançon d'Ives. Il fut répondu de la part d, e Rotrou qu'aucune de ces deux choses ne devait se faire, parce que la cause ayant été transportée du jugement de l'Église à la cour de la Comtesse, ce fort avait été adjugé au comte par ladite cour de la Comtesse, du fief de laquelle il dépendait. Quant à Ives, il ne devait point être rendu bien que Hugues fut parti pour la croisade, parce qu'il avait manqué à la foi envers Rotrou son seigneur, qu'il avait pillé le premier ses terres, qu'il tenait dans les fers les hommes dudit Rotrou le jour même où il avait été fait prisonnier, et que ce jour même encore il s'avançait avec une troupe armée de chevaliers pour commettre un acte de forfaiture. L'autre partie répliqua qu'on pourrait détruire toutes ces assertions par des preuves véridiques qui seraient fournies en temps et lieu, mais qu'on ne devait pas entrer dans cette discussion, à moins d'y être forcé par jugement, avant qu'il eût été satisfait sur ce qui avait été demandé au préalable. Je m'adressai alors aux clercs qui siégeaient avec moi pour leur demander de terminer ce conflit par une juste sentence. Ceux-ci, après avoir discuté longtemps, ne purent se mettre d'accord, disant que c'était une nouvelle institution que cette protection ecclésiastique garantie aux propriétés des chevaliers partant pour Jérusalem, et qu'ils ne savaient pas si cette protection concernait seulement les biens possédés personnellement par les croisés, ou si elle s'étendait encore à celles de leurs propriétés que tiennent des hommes assez puissants pour défendre par leur force eux et leurs biens. Ils demandèrent donc qu'on fit une trêve pour avoir le temps d'obtenir votre avis. Le comte Rotrou consentit à cette trêve, mais à la condition que la construction du fort ne serait pas interrompue et que le paiement de la rançon d'Ives ne serait pas suspendu. La partie adverse refusa absolument de faire cette concession, et demanda de nouveau à être jugée. Le comte Rotrou, craignant que ce jugement ne lui fût pas favorable, en appela à la Cour apostolique, par l'autorité de laquelle nous le poursuivions. Nous les envoyons donc à votre paternité avec une lettre de nous qui indique l'état de la cause, afin que vous terminiez ce procès par le pouvoir et la prudence que Dieu vous a départis, car ces hommes sont parmi nous de haut parage, et notre faiblesse ne peut, comme il le faudrait, les obliger à la paix. Adieu.

suite

 

[1] Guillaume Bonne-Ame, archevêque de Rouen de juillet 1079 au 9 fév. 1111.

[2] Il y a là un jeu de mots impossible à traduire. Le père de ces enfants s'appelait Renouf Flambard, et c'est à ce dernier nom que saint Ives fait allusion. Voir la note de la lettre CLX.

[3] C'est en l'année 1105 que Guillaume fut élu évêque de Lisieux ; mais il ne put être consacré, comme nous le verrons dans la lettre CLX, et il ne prit pas possession de son siège.

[4] Nous ne saurions affirmer à quel concile saint Ives fait ici allusion. Nous pensons que c'est au synode tenu à Latran, du 26 février au 4 mars 1105, dans lequel une sentence d'excommunication fut prononcée contre Robert de Meulan et contre tous les évêques anglais qui tenaient leurs sièges de l'investiture royale.

[5] Lorsque Galon eut été transféré au siège de Paris et que l'évêché de Beauvais fut ainsi devenu vacant, Ives avait recommandé Etienne de Garlande pour cet épiscopat ; mais celui-ci ne put obtenir les suffrages du clergé de Beauvais, et ce fut Geoffroy de Pisse-leu qui fut nommé (1104). Voir sur ce dernier les lettres LII et CXXXI.

[6] Voir lettre CCXXIX.

[7] Galon avait conservé l'administration du monastère de Saint-Quentin de Beauvais jusqu'à sa translation à l'évêché de Paris. Eudes fut alors élu pour lui succéder ; mais devant la protestation de saint Ives, cette élection fut annulée, et Eudes transféré en 1105 au prieuré de Saint-Georges de Troyes. Voir lettre CCLIX.

[8] Léger, archevêque de Bourges, de 1097 au 31 mars 1120.

[9] Gilbert, fils d'Osberne, évêque d'Evreux, de 1071 au 29 août 1112.

[10] Robert, comte de Meulan, fils de Roger de Beaumont, après avoir été un des partisans les plus fidèles de Guillaume le Roux, devint le principal conseiller de Henri Ier. Il l'accompagna à Londres après la mort de Guillaume le Roux lorsque Henri usurpa la couronne sur son frère Robert Courte-Heuse, et, dans la suite, il ne cessa de se montrer dévoué aux intérêts de son maître. En 1103, il reçut comme récompense de ses services le comté de Leicester. Il mourut le 5 juin 1118.

[11] Ce n'était point par la violence du roi d'Angleterre, Henri Ier, avec lequel il était alors brouillé, mais bien par celle du duc de Normandie, Robert Courte-Heuse, que l'évêque de Durham s'était emparé de l'évêché de Lisieux. Au reste, on sait que Robert prenait, aussi bien que son frère Henri, le titre de roi d'Angleterre ; ce qui explique l'expression dont se sert saint Ives.

[12] Sur les instances de ses barons, et en particulier de Robert de Meulan, Henri Ier avait passé en Normandie en 1104 ; il avait d'abord fait sa paix avec Robert Courte-Heuse ; mais bientôt rappelé par les seigneurs et les prélats mécontents de Robert, il débarquait à Barfleur au mois d'avril 1105, et semblait devoir s'emparer facilement de la Normandie. Nous connaissons ainsi la date très approximative de cette lettre.

[13] Ce personnage joua un rôle fort important en Angleterre et en Normandie, et est resté cependant assez inconnu : aussi croyons-nous devoir rapporter le plus brièvement possible ce qu'Orderic Vital nous a appris sur son compte. Renouf, fils d'un pauvre prêtre du Bessin, sut, par ses flatteries et ses complaisances, gagner la faveur de Guillaume le Roux. Il reçut le surnom de Flambard parce que son activité le faisait comparer par les courtisans du roi d'Angleterre à une flamme dévorante qui consume tout ce dont elle approche. D'abord doyen de la collégiale de Twinham en 1088, il fut nommé abbé de Winchester par le roi Guillaume dont il était chapelain. En 1090, il fut chargé de l'administration de l'archevêché de Cantorbéry ; en 1091, de celle de l'évêché de Lincoln et de l'abbaye de Chertsey. En 1097, il avait sous son administration jusqu'à seize évêchés ou abbayes. Le 29 mai 1099, nommé évêque de Durham, il remplissait en même temps les fonctions de justicier et de trésorier du Roi. Après la mort de Guillaume le Roux, il fut arrêté par l'ordre de Henri Ier et enfermé dans la tour de Londres ; mais il parvint à s'évader et il se réfugia en Normandie, près de Robert Courte-Heuse, dont il gagna la faveur et qu'il excita à passer en Angleterre pour enlever la couronne à Henri Ier. Gilbert de Courbépine, surnommé Marminot, évêque de Lisieux, étant mort au mois d'août 1101, Renouf parvint à faire nommer à cet évêché son frère Foucher. Celui-ci, sous le nom duquel Renouf jouissait de l'évêché, étant à son tour décédé le 29 janvier 1102, le Flambard fit donner l'évêché de Lisieux à son propre fils Thomas, à peine âgé de douze ans : pendant trois ans il put donc administrer à son gré l'évêché de Lisieux. Enfin le duc de Normandie, pressé par les représentations de l'archevêque de Rouen et des autres évêques de la province, mit fin à ce scandale en invitant les chanoines de Lisieux à élire un autre prélat. Cependant Renouf resta à Lisieux et y garda toute son influence. Après la bataille de Tinchebray (1106), il livra cette ville à Henri Ier, et, grâce à cette trahison, il obtint la restitution de son évêché de Durham, qu'il conserva jusqu’à sa mort, en septembre 1128.

[14] Guillaume de Paci, familier de Renouf le Flambard, tenta en effet, en 1105, de s'emparer de l'évêché de Lisieux ; mais il échoua devant l'opposition de l'archevêque de Rouen.

[15] Constance était la fille du roi de France, Philippe Ier, et de Berthe de Hollande, sa femme légitime. Son mariage avec le comte de Troyes eut lieu dans le courant de l'année 1105. Le divorce entre les deux époux fut prononcé vers l'année 1104. Constance se remaria en avril 1106 à Boémond, prince d'Antioche.

[16] Hugues, fils de Thibaut III, comte de Blois et de Champagne, devint comte de Troyes en 1093. Sa parenté avec Constance provenait du mariage de Constance de Toulouse avec le roi Robert, comme celle qui unissait Foulques le Réchin et Philippe Ier dont nous avons déjà parlé, lettre XXII, page 45. En effet Thibaut III était fils d'Ermengarde et d'Eudes II, comte de Blois ; Ermengarde était la fille de Robert Ier, comte d'Auvergne, et d'une autre Ermengarde, qui était la sœur de Constance, fille, comme elle, de Guillaume Taillefer, comte de Toulouse, et de Blanche d'Anjou.

[17] Il est ici question du monastère de Saint-Maur-sur-Loire, dit aussi de Glanfeuil. C'est en ce lieu que furent d'abord déposées les reliques de saint Maur. En 833, le monastère de Glanfeuil fut donné à l'abbaye de Notre-Dame-des-Fossés, qui reçut le nom de Saint-Maur-des-Fossés lorsque la crainte des Normands y eut fait transporter les reliques de saint Maur en 868. Le monastère de Glanfeuil resta soumis à l'abbaye de Saint-Maur-des-Fossés jusqu'en 1096. Dans le concile de Tours tenu en cette année, le pape Urbain II, comme le rapporte saint Ives, sépara Glanfeuil de l'abbaye mère. Pascal II ne crut pas devoir revenir sur la décision de son prédécesseur, mais pour dédommager l'abbaye de Saint-Maur de la perte de ce bénéfice, il lui donna l'abbaye de Sainte-Aure ou de Saint-Éloi près Paris (1107).

[18] Ours de Rouen, abbé de Jumièges, avait succédé en 1101 à Tancard, expulsé de l'abbaye vers 1100. Peut-être est-ce de ce dernier que saint Ives veut parler dans la lettre que nous publions.

[19] Ce Raoul est le même que Raoul le Vert, qui devint archevêque de Reims en 1108.

[20] La lettre adressée à Hildebert se trouve plus loin (lettre CLXX). Il est évident qu'elle aurait dû être placée avant celle-ci.

[21] Geoffroy, d'abord anachorète, fut élu abbé de Saint-Laumer de Blois vers 1100. Il était d'un caractère fort inconstant, et bientôt il aspira de nouveau vers la solitude. En 1106, ayant remis le gouvernement de l'abbaye entre les mains de saint Bruno, légat du pape, et ayant fait nommer à sa place Maurice, moine de Saint-Père de Chartres, il se retira loin du monde. Il ne tarda pas à regretter cette détermination et fit tous ses efforts pour recouvrer sa dignité.

[22] Samson de Bayeux était le frère de Thomas, archevêque d'York. D'abord chapelain de Guillaume le Roux, il fut sacré évêque de Worcester le 15 juin 1097 et mourut le 5 mai 1112.

[23] Saint Bruno, évêque de Segni, avait été envoyé légat en France par Pascal II pour présider le concile de Poitiers (25 juin 1106), où devait être prêchée une nouvelle croisade, inspirée par Boémond, prince d'Antioche, et dirigée surtout contre Alexis Comnène, le perfide empereur de Constantinople.

[24] Hugues le Blanc appartenait à une des nobles familles du comté de Chartres. Son fils Guillaume fut un des témoins de la charte du comte Etienne pour la liberté de la maison épiscopale.

[25] Voir lettre CCXLVII.

[26] Voir la note de la lettre CLXIV.

[27] Voir la lettre précédente.

[28] L'emplacement de cette forteresse sur l'ancien chemin de Nogent-le-Rotrou à Pontgouin porte encore aujourd'hui le nom de la Motte-Rotrou.

[29] Voir sur ce personnage la note de la lettre CCIV.

[30] Ce passage ne peut être traduit exactement : saint Ives joue sur le mot grec basileus qu'il latinise.