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ALLER A LA TABLE DES MATIERES DE L'ALCHIMIE Oeuvre numérisée par Marc Szwajcer
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COLLECTION DES ALCHIMISTES GRECSINTRODUCTION
LISTE DES MÉMOIRES CONTENUS DANS L’INTRODUCTION
II. — Relations entre les métaux et les planètes. III. — La sphère de Démocrite et les médecins astrologues (figures). IV. — Signes et notations alchimiques (planches). V. — Figures d’appareils et autres. VI. — Renseignements et notices sur quelques manuscrits. VII. -- Sur quelques métaux et minéraux provenant de l’antique Chaldée. VIII. — Notices de Minéralogie, de Métallurgie et diverses.
M. BERTHELOT. VI. — RENSEIGNEMENTS ET NOTICESSUR QUELQUES MANUSCRITS ALCHIMIQUESIl existe dans les catalogues imprimés des bibliothèques publiques d’Europe des notices sur le contenu des manuscrits alchimiques de ces bibliothèques. M. H. Kopp a réuni et rapproché ces notices dans ses Beiträge zur Geschichte der Chemie (1869), p. 256 à 315; mais sans prendre une connaissance directe des textes eux-mêmes. J’ai donné moi-même dans mes Origines de l’Alchimie, p. 335 à 385, une analyse plus détaillée du manuscrit 2327 de la bibliothèque de Paris et du vieux manuscrit de la bibliothèque de Saint Marc, à Venise. Je les avais comparés entre eux, et avec les manuscrits 2325, 2275 et 2249, que j’ai eus aussi entre les mains, ainsi qu’avec les manuscrits de la Laurentienne à Florence et quelques autres; ces derniers, d’après les catalogues imprimés. La publication présente rendra inutile ces analyses pour les cinq premiers manuscrits; mais j’ai cru utile de préciser davantage la connaissance de certains autres, tels que les manuscrits du Vatican, que j’ai fait examiner sur place par mon fils, M. André Berthelot, les deux manuscrits de Leide, celui de Gotha et divers manuscrits des Bibliothèques d’Allemagne, examinés également par mon fils; ceux de l’Escurial, que M. de Loynes, secrétaire d’Ambassade à Madrid, a bien voulu collationner pour certains passages importants; le manuscrit 2419 de la Bibliothèque nationale de Paris, que j’ai étudié moi-même; enfin un manuscrit arabe d’Ostanès, appartenant à la même Bibliothèque et dont j’ai fait traduire quelques pages. — Ce sont ces renseignements que je vais communiquer. Je les ferai précéder par quelques données précises, tirées des manuscrits eux-mêmes et spécialement du manuscrit de Saint Marc, lesquelles fournissent des indications nouvelles sur le mode suivi dans leur composition, sur l’ordre relatif et la filiation p174 de leurs copies, et sur les accidents survenus pendant leurs transcriptions successives. Le tout forme une douzaine de petites notices sur les manuscrits alchimiques. I. — Ancienne liste du manuscrit de Saint Marc.En tête du manuscrit de Saint Marc se trouve une liste de traités alchimiques, qui ne coïncide avec le contenu même du manuscrit, ni par les titres des traités, ni par leur disposition; quoique la majeure partie des traités s’y retrouve. L’examen et la discussion de cette liste sont essentiels pour établir la filiation des manuscrits actuels. Donnons d’abord la liste elle-même. Elle a été imprimée en 1745 par Bernard dans son édition du Traité de Palladius de Febribus, p. 114 à 116. Il suffira d’en fournir ici la traduction: (1) Voici la table du livre des sages, avec l’aide de Dieu. (2) Stéphanus d’Alexandrie, philosophe œcuménique et maître, sur l’art sacré de la fabrication de l’or (1ère leçon). (3) 2e leçon, du même. (4) Lettre du même à Théodore. (5) Sur le monde matériel, 3e leçon. (6) Sur ce qui concerne l’acte (ἐνέργεια), 4e leçon. (7) 5e leçon, (8) 6e leçon, (9) 7e leçon. (10) Sur la division de l’art sacré, 8e leçon. (11) Enseignement du même à l’Empereur Héraclius, 9e leçon. (12) Héraclius Empereur, sur la chimie, à Modestus, préfet de la ville sainte (Constantinople) (13) Du même Héraclius, onze chapitres sur la fabrication de l’or. (14) Colloque du même Héraclius sur la question des philosophes, relative à cet art sacré. (15) Lettre de l’Empereur Justinien. (16) Du même Justinien, cinq chapitres sur l’art sacré et entretien avec les philosophes. (17) Entretien de Comérius le philosophe avec Cléopâtre. (18) Dialogue des philosophes et de Cléopâtre. p175 (19) Héliodore le philosophe à l’Empereur Théodose, sur l’art divin: vers iambiques. (20) Théophraste le philosophe, sur cet art vers iambiques. (21) Hiérothée le philosophe, sur cet art divin: vers. (22) Archélaüs le philosophe, sur cet art divin et sacré: vers. (23) Pélage le philosophe; Chrysopée. (24) Ostanès le philosophe à Pétasius sur l’art sacré. (25) Démocrite sur la pourpre et la fabrication de l’or, Physica et mystica. (26) Du même, sur la fabrication de l’asèm. (27) Synésius le philosophe à Dioscorus (commentaire sur le livre de Démocrite): dialogue relatif au livre du divin Démocrite. (28) Le philosophe Anonyme, sur l’eau divine du blanchiment. (29) Du même, sur la Chrysopée, exposant l’enchaînement de la Chrysopée, conformément à la pratique, avec le secours de Dieu. (30) Zosime le divin, de Panopolis, sur la vertu. (31) Chapitre d’Agathodémon (principalement sur la fabrication du tout). (32) Chapitres d’Hermès, Zosime, Nilus, Africanus. (33) Du Chrétien, sur l’eau divine. (34) Zosime le philosophe à Eusébie, sur l’art sacré et divin, 34 chapitres. (35) Olympiodore le philosophe, sur la Chrysopée. (36) Pappus le philosophe, sur l’art divin. (37) Moise, sur la diplosis de l’or. (38) Chapitres d’Eugénius et de Hiérothée. (39) Zosime, sur les instruments et fourneaux. (40) Du même, sur l’eau divine. (41) Du même, sur les instruments et fourneaux. Mémoires authentiques. (42) Trempe ou changement du pyrochalque, en vue de l’astrochalque. (43) Trempe et fabrication du fer indien. (44) Trempe pour les épées et instruments pour tailler la pierre. (45) Fabrication de l’asèm, du mercure et du cinabre. (46) Extrait de l’ouvrage de Cléopâtre sur les poids et mesures. (47) Du Chrétien, sur la bonne constitution (εὐστάθεια) de l’or. (48) Du même, sur la Chrysopée, 30 chapitres. (49) Περὶ φύρμων καὶ τόλων. p176 (50) Sur la diversité du plomb et sur les feuilles d’or. (51) Lexique de la Chrysopée, par ordre alphabétique. (52) Autres chapitres de divers opérateurs sur la Chrysopée. Cette liste représente une rédaction plus ancienne que le manuscrit de Saint Marc qu’elle précède, du moins tel que nous le possédons. Elle en diffère par la composition et par l’ordre relatif. Au point de vue de la composition, les dix premiers numéros sont communs à la liste et au manuscrit; mais les quatre traités (11), (12), (13), (14), attribués à Héraclius, et les deux traités (15), (16), attribués à Justinien, ont disparu. Rappelons ici que l’Empereur Héraclius était un grand fauteur d’astrologie et de sciences occultes. Son nom se retrouve dans les ouvrages arabes et dans la Turba philosophorum (sous la forme erronée de Hercules). Stéphanus, son contemporain, lui a dédié l’une de ses leçons authentiques. Les traités attribués à l’Empereur Justinien sont évidemment pseudonymes et, à ce qu’il semble d’après quelques fragments, d’une date peu reculée: peut-être s’agit-il de Justinien II, l’un des successeurs d’Héraclius, à la fin du viie siècle. Il existe encore une mention qui se rattache à ces traités (pratique de Justinien) dans l’article d’une écriture plus moderne, ajouté sur une page de garde du manuscrit de Saint Marc (Origines de l’Alchimie, p. 348. — Texte grec, II iv bis, Appendice 1). Une page du même auteur nous a été conservée à la fin de l’un des manuscrits alchimiques de Leide (Voss. n° 4, fol. 70 verso). Je la donnerai plus loin. Ces six traités perdus avaient été probablement rattachés à ceux de Stéphanus. Je montrerai tout à l’heure la trace laissée par cette perte. Quant aux traités de Comérius, ou Comarius, et de Cléopâtre (17) et (18), il en subsiste un débris dans le manuscrit de Saint Marc et des portions beaucoup plus étendues, sinon la totalité, dans le manuscrit 2357. Les numéros (19) à (52) de la vieille liste existent, encore aujourd’hui, en substance du moins, dans le manuscrit de Saint Marc; quoique certains, par exemple le numéro (32), chapitres d’Hermès, Zosime, Nilus, Africanus, et le numéro (38), chapitres d’Eugénius et de Hiérothée, aient peut-être subi des mutilations, qu’il n’est pas possible de préciser. Le numéro (42), trempe du pyrochalque, n’existe plus sous ce titre; mais p177 il est probable qu’une partie en a été conservée dans un article relatif à la trempe du bronze (fol. 118). Le traité de Zosime, indiqué sous le numéro (34), comme adressé à Eusébie (au lieu de Théosébie), se retrouve aussi (fol. 141 à 161), à l’exception du titre et des premières lignes, qui ont disparu: sans doute par suite de la perte d’un feuillet. Signalons par contre des traités contenus dans le manuscrit de Saint Marc, dont la liste ancienne ne fait pas mention: tels que les traités sur la fabrication des verres (fol. 115 verso); sur les vapeurs (fol. 116 verso); sur la bière et l’huile aromatique (fol. 162); les chapitres de Zosime à Théodore (fol. 179, à 181); deux articles tirés d’Agatharchide (fol. 138 à 140), etc. Citons aussi le Labyrinthe de Salomon (fol. 102), figure très caractéristique, mais ajoutée à une époque postérieure et vers le xive ou xve siècle. La liste initiale et le contenu actuel du manuscrit de Saint Marc ne se superposent donc pas exactement, quoique la plupart des traités soient communs. Il y a aussi des modifications dans l’ordre relatif, modifications dont je vais signaler les principales, en répartissant par groupes les numéros de la liste. 1er Groupe. — Les numéros (1) à (11) sont communs et disposés dans le même ordre (fol. 8 à 43 du manuscrit actuel); puis vient une lacune, numéros (12) à (18), comme si un ou plusieurs cahiers du manuscrit antérieur, qui a servi de type à la vieille liste, avaient disparu. Les poètes, numéros (19) à (22), et les traités de Pélage, d’Ostanès, de Démocrite, de Synésius, ceux de l’Anonyme, de Zosime, d’Agathodémon, d’Hermès, du Chrétien, numéros (23) à (33), etc., suivent dans le même ordre (fol. 43 à 101). Quant au traité (34), il est probable qu’il est représenté, au moins en substance, ou plutôt à l’état fragmentaire, dans les folios 119 à 128 et dans les folios 141 à 159. Jusqu’ici le même ordre se maintient donc dans la vieille liste et dans le manuscrit actuel. 2e Groupe. — Mais le traité (35) d’Olympiodore se retrouve seulement aux folios 163-179, 35 feuillets plus loin. Le numéro (36), serment de Pappus, les numéros (37, 38), diplosis de Moise et chapitres d’Eugénius, enfin les numéros (39), (40), (41), traité de Zosime sur les fourneaux, etc., forment presque à la suite les folios 184 à 195. Cependant il y a intercalation des p178 chapitres de Zosime à Théodore (fol. 179 à 181) et du traité de l’Anonyme sur l’œuf (fol. 181). 3e Groupe. — Un autre groupe de traités, consécutifs aux précédents dans la vieille liste, en sont au contraire séparés dans le manuscrit actuel. Ils occupent les folios 104-118, transposés par le relieur (Origines de l’Alchimie, p. 350-351), et renfermant les articles (44) à (48). Peut-être aussi une partie se retrouve-t-elle dans les folios 141 à 159, déjà attribués pour une fraction au numéro (34). 4e Groupe. — Les numéros (42) et (43) de la vieille liste répondent à peu près au folio 118. 5e Groupe. — Les numéros (49), (50), (51, lexique), répondent aux folios 129 à 138, placés à la suite. En somme, la place du troisième groupe a été changée par le relieur, comme il est facile de l’établir par la lecture des textes, et il n’ya qu’un autre renversement important, celui des traités du second groupe, lesquels forment en quelque sorte un cahier à part, déjà interverti avant la constitution de la copie actuelle. Si l’on cherchait à décomposer ces traités en séries distinctes, d’après leur contenu, on pourrait trouver ainsi les séries suivantes: 1ère Série. — Stéphanus, en connexion avec les traités perdus d’Héraclius et de Justinien, et probablement avec les Dialogues de Comarius et de Cléopâtre: le tout a formé peut-être à l’origine une collection partielle et indépendante. 2e Série. — Les poèmes, collection également distincte, dont la place varie et qui manque même dans certains manuscrits, tel que le 2325. 3e Série. — Les vieux auteurs Pélage, Ostanès, Démocrite, Synésius, l’Anonyme, Zosime, les extraits d’Agathodémon, de Moise, d’Eugénius, etc. Le tout formait sans doute une collection spéciale. A la vérité, les œuvres de Zosime sont coupées en trois dans le manuscrit actuel de Saint Marc; mais c’est là évidemment le fait des copistes d’une certaine époque. 4e Série. — Olympiodore semble avoir été à part; il est cependant connexe avec les auteurs précédents. Mais la place de son traité varie dans les divers manuscrits. 5e Série. — Le Chrétien était aussi à part. Il est coupé en deux (nos 33, 47) p179 dans la vieille liste; ce qui semble accuser quelque transposition, faite par le copiste d’un manuscrit antérieur. 6e Série. — Une ou plusieurs autres collections renfermaient des traités techniques, lesquels nous sont venus en grande partie par d’autres manuscrits, par le 2327 principalement. Dans la vieille liste, aussi bien que dans le manuscrit de Saint Marc actuel, on rencontre cependant la trempe du bronze et du fer, et la fabrication de l’asèm, du mercure, ainsi que du cinabre. On y a joint dans le manuscrit actuel de Saint Marc les fabrications du verre, de la bière et de l’huile aromatique, non mentionnées dans la vieille liste. L’extrait d’Agatharchide est une annexe d’un autre genre, qui ne figurait non plus pas dans la vieille liste et qui a été abrégée dans le 2327. 7e Série. — A la fin de l’un des manuscrits qui ont précédé celui de Saint Marc, on avait sans doute transcrit l’ouvrage de Cléopâtre sur les poids et mesures et le lexique. Ce lexique devait former la fin du manuscrit originel, d’après un usage assez fréquent chez les anciens copistes. On est autorisé par là à penser que ce qui suit dans la vieille liste représente l’état d’un manuscrit déjà modifié, par des additions faites à un prototype plus antique encore. II. — Sur les copies actuelles de la 9e Leçon de Stephanus.L’étude comparative des divers manuscrits qui renferment les leçons de Stéphanus fournit des renseignements très précis et spécifiques pour établir la filiation de ces manuscrits. J’ai déjà signalé quelques-uns de ces renseignements; mais il me paraît utile d’y revenir et de les compléter. C’est dans la 9e leçon de Stéphanus que se trouvent les principales différences. 1° Dans le manuscrit 2325 de la Bibliothèque Nationale de Paris, cette leçon finit beaucoup plus tôt que dans le manuscrit 2327 et dans le manuscrit de Saint Marc. Elle s’arrête en effet (fol. 81 verso) par une phrase qui répond au folio 73 recto ligne 6, du manuscrit 2327, et à la page 247, l. 23, du t. II d’Ideler: νοηρός· καὶ φησὶν ἐν τοἴς ζωμοῖς μετὰ τὸ ἔα κάτω καὶ γενήσεται. Le dernier mot est ainsi répété pour la seconde fois dans le manuscrit 2325, et cela conformément à la ligne 21, située au-dessus dans p180 Ideler, laquelle ligne contient précisément les mots: ἔα κάτω καὶ γενήσεται. Tandis que dans Ideler (ligne 23) et dans le manuscrit de Saint Marc, on lit après la répétition des mots: ἔα κάτω καὶ... le mot γέλεσαν, au lieu de γενήσεται, le texte poursuivant. Dans le manuscrit 2325 la 9e leçon s’arrête là; puis vient un tiers de page blanche, suivi des mémoires authentiques de Zosime, avec les figures mystiques des cercles concentriques; sans qu’il soit aucunement question de Comarius, ni de Cléopâtre. Telle est la finale la plus courte de la 9e Leçon de Stéphanus. Cette finale, suivie d’un signe qui caractérise la fin du traité, est aussi celle de la 9e leçon dans le manuscrit 2275 de la Bibliothèque de Paris, lequel reproduit fidèlement les figures du manuscrit 2325; voire même (fol. 56) celles qui ont été coupées en partie par le relieur de ce dernier manuscrit, au temps de Henri II: aussi semble-t-il en être une copie directe, faite avant cette reliure. La finale de la 9e leçon dans le manuscrit de Leide, Voss. n°47, a lieu au même endroit, mais avec une variante dans le dernier mot, qui est: γέλεσαν, au lieu de γενήσεται. On y lit en effet: fol. 11: μετά τὸ ἔα κάτω καὶ γέλεσαν. Le dernier mot est celui du manuscrit de Saint Marc et d’Ideler. Mais dans ces deux derniers, le texte poursuit par: καὶ ἀλήθεσαν, etc. pendant plusieurs pages; tandis que la 9e leçon de Stéphanus s’arrête là, dans le manuscrit de Leide comme dans le manuscrit 2325. Cependant un copiste, ou un lecteur, s pris soin d’ajouter en grec dans le manuscrit de Leide: « la fin manque ». Il avait sans doute eu connaissance des autres manuscrits. En tous cas, cette remarque prouve que le manuscrit de Leide n’a pas été copié directement sur le manuscrit de Saint Marc; quoiqu’il appartienne à la même famille. Telle est la seconde finale de la 9e leçon de Stéphanus. 2° Le manuscrit 2327, au contraire (fol. 73 recto, ligne 6), après le premier: ἔα κάτω καὶ γενήσεται poursuit de la façon suivante: ἄρα τί γενήσεται οὐκ ἄρα ἰὸς νοηρὸς καὶ φησὶν ὁ μέγας λυμπιόδωρος (sic) ἐν τοἴς ὑγροῖς ἐπιστεύθη τὸ μυστήριον τῆς χρυσοποιίας, et la suite jusqu’au folio 73 verso, ligne 5. Le tout constitue une page additionnelle; après laquelle le manuscrit 2327 continue comme dans le manuscrit de Saint Marc et dans Ideler, où cette page manque. La jonction du texte du manuscrit 2327 avec celui de Saint Marc et d’Ideler) se fait par les mots μετά τό ἔα κάτω καὶ γενήσεται (répétés pour la seconde fois), ἐκάλεσεν καὶ ἀλῆθειαν εἰπῶν (2327, fol. 73 verso). — Dans le p181 manuscrit de Saint Marc (et dans Ideler), on lit: μετὰ τό ἔα κάτω καὶ γέλεσαν ἀλῆθειαν καὶ ἀλῆθειαν εἶπον. C’est donc entre les deux répétitions des mots μετά τό ἔα κάτω que se trouve le passage intercalaire du manuscrit 2327. Cette répétition même, comme il arrive souvent dans les copies mal collationnées, a pu être l’origine de l’omission de ce passage par le copiste du manuscrit de Saint Marc qui, sautant une page de son original, au moment où il commençait un nouveau feuillet, aurait formé ainsi le mot γέλεσαν en réunissant la syllabe initiale γε de γενήσεται avec les syllabes finales du mot (ἐκα) λεσεν. Cette hypothèse ingénieuse est de M. Em. Ruelle. Elle s’accorderait avec le texte du manuscrit de Saint Marc, dont le folio 39 verso se termine en effet par tandis que le folio 40 commence par λεσαν et continue comme il a été dit. Mais l’existence du mot γέλεσαν, comme finale définitive dans le manuscrit de Leide semble moins favorable à cette hypothèse, à moins de supposer quelque intermédiaire. 3° C’est alors que se trouve le passage relatif aux relations entre les métaux et les planètes, passage plus complet et plus clair dans le manuscrit 2327 que dans Ideler, et dans le manuscrit de Saint Marc (fol. 40), dont le texte d’Ideler dérive par voie indirecte; car il y est mutilé et incompréhensible (Ideler, t. II, p. 247, lignes 31 à 36). En effet, dans ces deux derniers textes, Saturne et le plomb sont seuls opposés d’une façon régulière; tandis que le mercure figure vis-à-vis de Jupiter, par suite de quelque contusion; puis viennent le Soleil et la Lune, sans métaux correspondants. Au contraire, il existe un parallélisme régulier et complet entre les 7 planètes et les 7 métaux, dans le texte donné par le manuscrit 2327: ce texte est donc le seul logique et complet. Le manuscrit 2329 (fol. 158) reproduit le même passage. 4° Au delà, les textes de Saint Marc, d’Ideler, du manuscrit 2327 et du manuscrit 2329 sont sensiblement conformes entre eux, jusqu’au folio 74 du 2327, répondant à la page 248 d’Ideler, ligne 3, et jusqu’à ces mots: καὶ ἕκαστον αὐτῶν ἐν τῇ γῇ κέκρυπται ἐν τῇ ἰδίᾳ δόξῃ. Après ces mots, le manuscrit 2329 termine en cinq lignes … ἐν τῇ ἰδί δόξῃ χαίρουσι καὶ εὐτρεπίζονται, ὡς μόνου θεοῦ τοῦ ἐν τριάδι ὑμνουμένου, τὸ δῶρον αὐτοἴς προστάξαντος εἶναι; puis vient la finale banale attendu qu’il convient d’attribuer en tout gloire, honneur et vénération au Père, au Fils, au Saint-Esprit, maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Amen ». C’est une troisième finale de la 9e leçon.p182 5° Au contraire, après le mot δόξη le manuscrit 3327 poursuit pendant trois pages, lesquelles manquent dans le manuscrit de Saint Marc, dans Ideler et dans le manuscrit 2329; il poursuit, dis-je, jusqu’à la fin de la 9e leçon de Stéphanus, fin explicitement signalée. C’est la quatrième finale, qui paraît la plus exacte. 6° Puis le manuscrit 2337 transcrit un traité de Comarius, grand prêtre, maître de Cléopâtre, renfermant le dialogue des Philosophes et de Cléopâtre (fol. 74 à 79 verso), et précédé de son titre. Le manuscrit 2252 contient aussi le traité de Comarius. Ce traité et ce dialogue répondent aux numéros (17) et (18) de la vieille liste de Saint Marc. 7° Mais le manuscrit de Saint Marc ne reproduit ni le titre ni les débuts de ce traité. Au lieu de cela, après les mots καὶ ἔκαστον αύτῶν ἐν τῇ γῇ κέκρυπται ἐν τῇ ἰδίᾳ δόξῃ, ce manuscrit poursuit en plein texte, et sans apparence de lacune ou d’alinéa (fol. 40, l. 4 en remontant), par les mots: καὶ ὑμεῖς, ὦ φίλοι ὅτ᾿ ἂν τὴν τέχνην ταύτην τὴν προκαλῆ βούλεσθε. (Ideler, t. II, p. 248, l. 13), et ainsi de suite pendant 7 pages jusqu’à la fin du traité: ce qui constitue la cinquième finale de la 9e leçon. Or ces pages, tirées du traité de Comarius, ne sont pas la vraie fin de la leçon de Stéphanus; laquelle fin manque en réalité dans le manuscrit de Saint Marc, ainsi que dans Ideler, dont la publication s été faite d’après une copie de Dietz, exécutée, paraît-il, sur le manuscrit de Munich, qui est un dérivé indirect de celui de Saint Marc. Elle manque aussi dans la traduction latine de Piziment, faite sur quelque manuscrit de la même famille, dérivé également de celui de Saint Marc, mais non identique, puisque cette traduction contient la Lettre de Psellus. Il y a là dans la 9e leçon de Stéphanus une solution de continuité brusque et dont le copiste de Saint Marc ne s’est pas aperçu. 8° Les mots mêmes: ὅταν τὴν τέχνην … se retrouvent dans λe traité de Comarius (2327, fol. 75, l. 2 en remontant), ainsi que les 7 pages consécutives du manuscrit de Saint Marc et d’Ideler. Elles sont conformes en général à la fin de ce traité dans le manuscrit 2327 (jusqu’au fol. 7 verso). Le traité se termine pareillement dans les deux manuscrits par les mots: ἐνταῦθα γὰρ τῆς φιλοσοφίας ἡ τέχνη πεπλήρωται. Ces derniers mots manquent dans Ideler (ce qui fait une sixième finale); mais la phrase précédente est identique. J’ai cru nécessaire d’entrer dans ces détails minutieux, parce qu’ils carac-p183térisent les familles de manuscrits et peuvent servir à reconnaître sûrement ceux qui ont été copiés les uns sur les autres. Je montrerai ailleurs comment ils établissent que le manuscrit de l’Escurial ne représente pas une source propre, mais un dérivé, vraisemblablement direct, de Saint Marc. Il est probable que dans un manuscrit antérieur à celui de Saint Marc, et dont celui-ci même dérive, le verso d’une des pages se terminait par le mot δόξῃ. Quelques folios déchirés ont fait disparaître la fin de Stéphanus et le début de Comarius, et le copiste qui travaillait d’après ce manuscrit a poursuivi en pleine page, au milieu d’une ligne, sans voir la lacune. Le manuscrit 2327 dérive d’un manuscrit antérieur à la destruction de ces feuillets et, par conséquent, à celui de Saint Marc, tel que nous le possédons aujourd’hui. Il renferme en outre une autre page de plus, ainsi qu’il a été dit (2°); page répondant peut-être à l’omission d’une page existant dans un manuscrit antérieur à celui de Saint Marc. Mais cette explication ne suffit pas pour rendre un compte complet de l’état présent des textes; attendu qu’il a disparu, en outre, les traités d’Héraclius et de Justinien, signalés par la vieille liste, et dont le manuscrit 2327, pas plus que le manuscrit de Saint Marc, n’offre aucune trace. Le prototype du manuscrit 2327 devait donc appartenir, soit à une souche distincte de celle qui répondrait à la vieille liste de Saint Marc, et ne contenant pas le cahier qui renfermait les traités d’Héraclius et de Justinien; soit à un dérivé intermédiaire, tiré de la même souche que cette vieille liste, quoique déjà privé de ce cahier, mais renfermant en plus, par rapport au manuscrit de Saint Marc actuel, la fin de Stephanus et les traités de Comarius et de Cléopâtre. Ce n’est pas tout: la finale du manuscrit 2325, le passage intercalaire signalé dans le manuscrit 2327, la confusion dans le texte du manuscrit de Saint Marc concernant les relations des métaux et des planètes, texte resté intact dans le manuscrit 2327, la finale du manuscrit de Saint Marc, ainsi que la finale du manuscrit 2329 et celle du manuscrit de Lεide, Voss. n° 47, semblent indiquer que les manuscrits de Stéphanus ont éprouvé autrefois dans leurs derniers feuillets de grandes perturbations. Enfin, il a subsisté, en dehors de ces divers manuscrits, des fragments des traités de Justinien, tel que celui contenu dans le manuscrit de Leide, Voss. n° 47, qui sera reproduit tout à l’heure. Il ne me paraît pas opportun p184 de développer en ce moment les hypothèses subsidiaires qui rendraient compte de tous ces détails. III. — Diverses lacunes et transpositions du manuscrit de Saint Marc.Voici diverses autres comparaisons que j’ai eu occasion de faire et qui peuvent également très utiles, pour rapprocher les textes et en établir la filiation: 1° Je rappellerai qu’un ancien relieur du manuscrit de Saint Marc a interposé après le folio 103 (traité de Chrétien sur l’eau divine) les folios 104 à 118; le texte du folio 119 faisant en effet suite au folio 103. Ceci peut servir à distinguer les copies faites sur ce manuscrit, après la reliure en question. 2° Dans les folios 104 à 118 règne une grande confusion. Les articles (42), (43), (44) de l’ancienne liste, sur la trempe du fer, sont coupés en deux, au début et à la fin du cahier, et les articles sur l’asèm, le mercure et le cinabre, qui les suivaient dans l’ancienne liste (45), se trouvent interposés. 3° Les traités de Cléopâtre et du Chrétien (46) et (47) sont intervertis, et le dernier auteur est coupé en deux; enfin les traités sur la fabrication du verre, de la bière, etc., ont été ajoutés. Il semble que ces modifications résultent d’un certain trouble, survenu à un moment donné dans les feuillets du manuscrit type, qui répondait à la vieille liste de Saint Marc. 4° Le texte d’Agatharchide est brusquement interrompu à la fin du folio 140, comme si un ou plusieurs feuillets avaient disparu. — Cette lacune est corrélative de la suivante. 5° Les mémoires de Zosime, annoncés dans la vieille liste de Saint Marc (n° 34), ne figurent plus parmi les titres du manuscrit actuel. Cependant ils y existent réellement. En effet, le titre et les premières lignes seules, lesquels sont transcrits dans le manuscrit 2327 (fol. 112), ont disparu dans celui de Saint Marc. Mais le texte transcrit au folio 141 est resté. Car le manuscrit de Saint Marc débute à la 3e ligne du folio 112 verso du manuscrit 2327 et poursuit de même jusqu’au folio 159, répondant au folio 133 verso du manuscrit 2327. — Il manque donc à cette place, je le répète, dans le manuscrit de Saint Marc un ou plusieurs folios entiers, disparus avant l’époque où la pagination actuelle a été numérotée. p185 6° Les articles d’Agatharchide ne débutent pas au commencement d’une page, mais à la 4e ligne du folio 138 recto. Or les trois premières lignes appartiennent à la suite d’un article « sur le jaunissement » Saint Marc, fol. 137 verso), article qui ne comprend que 14 lignes, dont ii sur le folio 137 verso; les 3 dernières forment le commencement du folio 138 verso. Ce dernier article occupe deux feuillets de plus dans le manuscrit 2327 (fol. 110 à 112): il se trouve donc mutilé par un arrêt brusque dans le manuscrit de Saint Marc, et sans que le copiste s’en soit aperçu, puisque le copiste a entamé un autre article, ayant son titre spécial. Il semble que cette solution de continuité répondait, dans un manuscrit antérieur à celui de Saint Marc, à une fin de cahier ou de folio, dont la suite aurait disparu; tandis que cette suite s’est conservée dans un manuscrit prototype du manuscrit 2327. 7° Les articles d’Agatharchide d’ailleurs semblent réellement une intercalation faite dans le manuscrit primitif; car l’article du jaunissement dans le manuscrit 2327 est suivi précisément par les Mémoires authentiques de Zosime, comme dans le manuscrit de Saint Marc; à cela près que le titre et les cinq premières lignes manquent dans le manuscrit de Saint Marc. 8° Au folio 115 (recto) du manuscrit de Saint Marc se trouve un titre Περἰ φώτων (sur les feux), suivi d’une seule ligne: Ἐλαφρὰ φῶτα πᾶσαν τὴν τέχνην ἀναφέρει. « Tout l’art consiste dans un feu léger ». C’est tout ce qui reste à cette place d’un traité qui existe in extenso dans le manuscrit 2327, folio 264 recto: la ligne précédente s’y retrouve, dans les 9e et 10e lignes qui suivent le titre. Il y a encore là l’indice d’un ancien résumé, ou d’une mutilation, faite sur un prototype qui s’est conservé dans le manuscrit 2327, et dont le manuscrit de Saint Marc n’a gardé qu’une trace. Toutes ces lacunes et ces défauts de soudure sont, je le répète, utiles pour constater l’histoire des manuscrits. Signalons encore quelques additions faites, à diverses époques, sur des pages ou demi-pages blanches du manuscrit de Saint Marc; additions dont la reproduction dans les autres manuscrits peut servir à attester qu’ils dérivent, directement ou indirectement, de ce manuscrit type. Tels sont 9° Le Labyrinthe de Salomon, avec ses 24 vers (v. Texte grec I, xx), ajouté, vers le xive ou xve siècle, sur une page blanche, dont le recto porte divers p186 petits articles de l’ancienne écriture: le tout intercalé au milieu d’un traité du Chrétien. On ne comprend pas bien pourquoi ce verso avait été laissé en blanc à l’origine. 10° L’article sur la tutie, au folio 188 recto: écriture du xve ou xvie siècle. 11° La fabrication de l’argent, texte ajouté au bas du folio 194 verso: écriture du xve siècle. 12° Diverses additions initiales: traité de Nicéphore sur les songes, par ordre alphabétique; cercles astrologiques, etc., sur les feuilles de garde[1] et les marges. 13° Je signalerai encore les additions sur les scories et la formule de l’Ecrevisse, en écriture du xve siècle, sur la première feuille de garde (v. p. 152). 14° Une addition du xve siècle, ayant pour titre: Διάγραμμα τῆς μεγάλης ἡλιουργίας, au folio 62 recto. 15° L’étude comparative des figures tracées dans les divers manuscrits fournit aussi des renseignements très intéressants pour l’histoire des sciences, comme pour la filiation des manuscrits. A ce dernier point de vue, je signalerai, par exemple, un petit alambic, figuré en marge du traité de Synésius, dans le manuscrit 2325 (fol. 23 verso), et dans le manuscrit 2327 (fol. 33 verso); tandis qu’il manque dans le manuscrit de Saint Marc, à la même place (fol. 74 recto). Les figures de la Chrysopée de Cléopâtre, celles des appareils à distillation et des appareils à digestion dans les divers manuscrits donnent aussi lieu à une discussion très importante: je l’ai développée plus haut dans un article spécial. IV. — Manuscrits de l’Escurial.Il existe à l’Escurial deux manuscrits alchimiques qui soulèvent des questions intéressantes. Ces manuscrits, les seuls sur cette matière qui aient survécu à un incendie de la Bibliothèque survenu en 1671, proviennent de la Bibliothèque de Hurtado de Mendoza; ils ont été copiés au xvie siècle. Ils ont été visités en 1843 par Emm. Miller, qui a publié un catalogue de leur contenu. p187 L’un d’eux, F-I-11 (Miller, p. 146), reproduit les titres et l’ordre du manuscrit 2327 de la Bibliothèque de Paris, même dans les additions intercalaires faites après coup;[2] il les reproduit avec une telle fidélité que je ne doute pas qu’il n’ait été copié directement sur ce manuscrit. L’autre mérite un examen plus approfondi; car on a supposé qu’il contenait les traités perdus de Justinien et d’Héraclius. Miller, dans son ouvrage sur les manuscrits grecs de l’Escurial, page 416, le désigne, d’après le catalogue officiel, par les signes Ψ-I-13. Il s’exprime ainsi. « Voici le détail de tous les ouvrages contenus dans le manuscrit: 1. Traité d’Étienne d’Alexandrie sur l’art de faire de l’or. 2. De la chimie, adressé par l’empereur Héraclius à Modeste d’Hagiopolis. 3. de la fabrication de l’or, par l’empereur Héraclius. 4. Σύλλογος sur ceux qui cherchent la pierre philosophale, par l’empereur Héraclius. 5. Lettre de l’empereur Justinien sur l’alchimie. 6. De l’art divin, par Justinien. 7. Διάλεξις adressée aux philosophes par l’empereur Justinien. 8. Sur la fabrication de l’or, par Comarius. 9. Dialogue des philosophes et de Cléopâtre. 10. Poème d’Héliodore sur l’art sacré. 11. Vers iambiques de Théophraste sur l’art sacré. 12. d° Hiérothée d° 13. d° Archélaüs d° 14. Pélagius sur la Chrysopée. 15. Ostanès à Pétasius sur l’art sacré. 16. Démocrite de porphyrâ, etc. 17. Démocrite, Περὶ ἀσήμου ποιήσεως 18. Scholies de Synésius sur la physique de Démocrite, à Dioscorus. 19. De l’eau sacrée, par un anonyme. p188 20. De la Chrysopée, par un anonyme. 21. Zosime, περὶ ἀρετῆς, κ., τ., λ. 22. Chapitre d’Agathodémon. 23. Chapitres d’Hermès, Zosime, Nilus, Africanus. 24. Zosime à Eusebia, sur l’art sacré. 25. Olympiodore sur Zosime. 26. Zosime à Théodore, vingt-cinq chapitres. 27. De la Chrysopée, par un anonyme. 28. Pappus, sur l’art sacré. 29. Moïse, περὶ διπλώσεως χρυσοῦ 30. Chapitres d’Eugénius et d’Hiérothée. 31. Zosime, περὶ ὀργάνων καἱ καμίνων. 32. Zosime, sur l’eau sacrée. 33. Zosime, περὶ ὀργάνων καἱ καμίνων γνήσια ὑπομνήματα. « Les articles suivants ne se trouvent pas dans le manuscrit; mais ils sont indiqués dans une table placée en tête du volume, comme existant primitivement. » 34. Βαφὴ ἤτοι μεταβολὴ πυροχάλκου πρὸς ἀστροχάλκου. 35. Βαφὴ καὶ ποίησις ἰνδικοῦ σιδήρου. 36. Βαφὴ πρὸς ξφη καὶ ἐργαλεἴα λαξεύτικά. 37. Περὶ ἀσήμου καὶ ὑδραργύρου καὶ κινναβάρεως ποίησις. 38. Extrait de Cléopâtre sur les mesures. 39. Περὶ εὐσταθείας τοῦ χρυσοῦ, par un philosophe chrétien. 40. De la Chrysopée, par le même. 41. Περὶ φουρμῶν καὶ τίλων ποιήσεως. 42. Περὶ διαφορᾶς μολίβδου καὶ περὶ χρυσοπετάλων. 43. Lexique pour la Chrysopée. 44. Autres chapitres de différents poètes sur la Chrysopée. (Puis deux articles indiqués comme existant dans le manuscrit.) 45. Vers de Nicéphore sur les songes. 46. Synésius suries songes. » Cette liste est fort étrange, dans la forme même donnée par Miller. C’est un mélange de mots grecs, de mots latins et de mots français traduits du grec; mélange dont on ne comprend pas bien l’utilité, si les titres ont été p189 relevés fidèlement par Millet. Les mots traduits contiennent eux-mêmes de singuliers contresens. Par exemple, à l’article (2), au lieu de Modeste d’Hagiopolis, il y a dans la vieille liste grecque de Saint Marc: Μόδεστον ἱέραρχον τῆς ἁγίας πόλεως: Modestus, préfet de la ville sacrée, c’est-à-dire de Constantinople. L’article (18) porte: scholies de Synésius sur la physique de Démocrite; ces derniers mots traduisent τὰ φυσικὰ, dont le sens est tout différent. De même à l’article 44 il ne s’agit pas de « poètes, mais de chimistes opérateurs (ποιητῶν). Ιl semble que Miller ait copié un vieux catalogue, dû à un auteur qui ne savait pas bien le grec, sans se donner la peine de le refaire lui-même. Si nous examinons la liste en elle-même, nous la trouvons, comme titres et ordre relatif (sauf légères variantes), parfaitement conforme à la vieille liste qui se trouve en tête du manuscrit de Saint Marc (fol. 2 à 5), liste que j’ai transcrite dans l’un des articles précédents (p. 174). Or le contenu actuel du manuscrit de Saint Marc ne concorde pas avec cette liste, ni comme matière, ni comme ordre relatif. Ces détails étant donnés, une question capitale se présente: le manuscrit de l’Escurial renferme-t-il réellement, comme le catalogue de Miller semblerait l’indiquer, six à huit traités qui manquent dans tous les autres? La question avait beaucoup d’importance pour la présente publication. J’aurais désiré la vider en examinant moi-même le manuscrit de l’Escurial. Mais le prêt à l’étranger, d’après ce qui m’a été répondu, est absolument interdit aux bibliothèques espagnoles. Heureusement j’ai pu y suppléer et résoudre complètement la question, grâce à l’obligeance de notre ambassadeur, de M. de Laboulaye, et de l’un des secrétaires de l’ambassade, M. de Loynes. Je lui ai adressé les titres exacts, en grec et en latin, des 18 premiers articles de la vieille liste de Saint Marc, avec prière de vérifier s’ils existaient dans le manuscrit de l’Escurial; et, dans ce cas, de relever la première et la dernière ligne de chacun d’eux; enfin de rechercher dans la 9e leçon un passage caractéristique, celui où la leçon de Stéphanus est interrompue brusquement dans le manuscrit de Saint Marc, sans aucun indice apparent de solution de continuité; le manuscrit donnant à la suite la fin du dialogue p190 des philosophes et de Cléopâtre. Cette lacune et cette juxtaposition font suite, comme je l’ai dit plus haut (p. 182) aux mots καὶ ἕκαστον αὐτῶν ἐν τῇ γῇ κέκρυπται ἐν τῇ ἰδίᾳ δόξῃ: et la suite débute aussitôt par: καὶ ὐμεῖς, )ῶ φίλοι ὅταν τὴν τέχνην ταύτην τὴν πρικαλῆ βούλεσθε … M. de Loynes a eu l’obligeance de passer deux jours à l’Escurial pour faire cette vérification et cette recherche. Il a transcrit exactement les 17 premiers articles du catalogue grec placé en tête du manuscrit Y-I-13, catalogue qui se trouve exactement conforme à la vieille liste de Saint Marc, tel que je l’ai reproduit ci-dessus (p. 174) la traduction donnée par Müller est donc incorrecte. Puis il a relevé les neuf leçons et la lettre de Stéphanus, en en transcrivant le titre, la première ligne, la dernière ligne et en indiquant le nombre des folios de chacune d’elles: le tout concorde très exactement avec le texte du manuscrit de Saint Marc, sauf quelques variantes d’orthographe sans importance. Les 10 premiers numéros étant ainsi reconnus identiques, M. de Loynes a vérifié que les huit numéros suivants de la vieille liste (nos 12 à 18 de la p. 174) manquent absolument dans le manuscrit de l’Escurial. La dernière ligne de la dernière leçon de Stéphanus s’y trouve suivie immédiatement par le poème d’Héliodore, lequel forme notre numéro 19: le titre, le premier et le dernier vers ont été relevés. Les traités disparus dans le manuscrit de Saint Marc n’existent donc pas davantage dans le manuscrit de l’Escurial. Ce n’est pas tout: la lacune et la juxtaposition finales de la 9e leçon de Stéphanus se retrouvent exactement, avec les mêmes mots, dans le manuscrit de l’Escurial; ce dernier poursuit de même, sur une étendue comparable, et la 9e leçon se termine, par les mêmes mots: ἐνταῦθα γὰρ τῆς φιλοσοφίας ἡ τέχνη.[3] Il y a plus: en marge, après les mots ἰδία δόξη du manuscrit de l’Escurial, il existe un renvoi d’une autre écriture, postérieure au manuscrit, lequel contient les mots suivants, que M. de Loynes a eu l’obligeance de décalquer sur un papier transparent: ἐντεῦθεν ἄρχεται τὰ κομαρίου τοῦ φιλοσόφου καὶ ἀρχιέρεως διδάσκαοντος κλεοπάτρας ; c’est-à-dire « ici commence l’écrit de Comarius, philo-p191sophe et grand prêtre, maître de Cléopâtre ». Quelqu’un des lecteurs du manuscrit s’était donc aperçu de la lacune et de la juxtaposition; probablement d’après l’autre manuscrit, copié, ainsi que je l’ai dit, d’après le 2327, où cette lacune n’existe pas. La question de savoir si les manuscrits de l’Escurial ont une valeur originale et renferment quelque traité perdu, qui n’aurait pas subsisté ailleurs, est donc ainsi vidée. En fait, l’un de ces manuscrits est une copie du 2327 et l’autre, une copie du manuscrit de Saint Marc. V. — Manuscrits alchimiques grecs du Vatican et des Bibliothèques de Rome.Ces manuscrits ont été en 1885 l’objet d’un examen détaillé par mon fils André Berthelot, membre de l’École française de Rome, examen consigné dans un rapport publié cette année dans les Archives des Missions scientifiques (3e série, t. XIII, p. 819 à 854). J’en extrais les indications suivantes. Le principal manuscrit est à la bibliothèque du Vatican. Il porte le numéro 1174. Il est écrit sur papier et parait être du xve siècle. Il comprend 155 folios, de 21 à 22 lignes à la page. 100 folios seulement appartiennent au texte original; 18 ont été recopiés à une époque tout a fait récente. Il a beaucoup souffert et renferme de graves lacunes, dont Certaines ont été comblées par Angelo Maï, au xixe siècle. Plusieurs folios ont été ajoutés. Ce manuscrit a été connu par Leo Allatius, dans son état originel et il formait probablement l’une des bases du projet (non exécuté) que ce savant avait formé, relativement à la publication des manuscrits alchimiques grecs. Les traités qu’il renferme sont les mêmes que ceux des autres manuscrits, mais avec des différences très notables dans l’ordre relatif. En outre, il a été mutilé. Il y manque une partie de Zosime, de Stéphanus, des poètes, ainsi que les traités de Comarius, Pélage, Sophé, Ostanès, etc. Il comprend: I et III. —Les Physica et mystica de Démocrite, en deux fragments distincts; la teinture en pourpre (fol. 33 à 35) étant séparée du reste (fol. 1 à 10). II et X. —Deux fragments d’Olympiodore (fol. 11 à 33 et fol. 71 à 73). Le second fragment forme le début du traité, tel qu’il existe dans le manuscrit p192 de Saint Marc. Entre deux, il manque trois paragraphes (χρυσόκολλα, πίνoς πρῶτος, πίνoς δεύτερος). IV. — Un traité de l’Anonyme dédié à l’empereur Théodose, sur l’œuf (fol. 35 à 42). Le nom de Théodose ne figure pas dans le manuscrit de Saint Marc. V. — Un traité de Zosime sur les fourneaux (fol. 42 et suiv.). La fin a disparu. Il est interrompu après ces mots: « Marie a décrit beaucoup d’appareils, non destinés à la distillation des eaux; mais elle a donné beaucoup de figures de kérotakis et d’appareils de fourneaux.[4] » VI. — Un fragment intercalaire (fol. 45 à 49), transcrit plus récemment. VII et IX. — La neuvième leçon de Stephanus (fol. 54 à 68), avec la même lacune que dans le manuscrit de Saint Marc). Le texte est à peu près conforme à celui d’Ideler, avec addition finale des mots ἐνταῦθα γὰρ τῆς φιλοσοφίας ἡ τέχνη πεπλήρωται. La finale et la lacune (7e, p. 182) sont caractéristiques. La fin de la lettre de Stéphanus à Théodose (fol. 70), complétée de la main d’Angelo Maï, forme le IX. VIII. — Le poème d’Héliodore: 49 vers seulement (fol. 69). XI. — Le traité de l’Anonyme: sur l’eau du blanchiment (fol 73 à 75). XII. —Autre traité de l’Anonyme (fol. 75 et suiv.), incomplet. XIII. — Synésius (fol. 79 à 91.) XIV. — Le lexique (fol. 91 à 93), jusqu’à la lettre K. — Puis vient une lacune (fol. 94 à 101). XV. —Petits traités techniques (fol. 102 à 112). — Les folios 120 à 126 sont en blanc. — Le texte reprend aux folios 127 jusqu’à 130. — Aux folios 131 à 132, lacune. — Puis le texte recommence (fol. 133-134). Ces petits traités techniques existent dans les autres manuscrits connus. J’en reproduis ici la liste, à cause de la dédicace de certains de ces traités à Théodose, dédicace qui manque dans le manuscrit de Saint Marc: ce qui indique que le manuscrit 1174 du Vatican dérive directement, ou indirectement, d’une source un peu différente: Économie du corps de la magnésie — Calcination des corps — L’ochre p193— Eau de soufre — Sur les mesures, adressé au grand Empereur Théodose — Sur le soufre, adressé au même empereur — Ce qui est substance et non substance — L’art parle d’une seule teinture, adressé à Théodose — Les quatre éléments nourrissent les teintures (les sept dernières lignes de ce traité manquent) — Ensuite il existe une lacune — Puis vient la fin d’un fragment: Diversité du cuivre brûlé — Eau divine tirée de tous les liquides (avec figures, connues d’ailleurs) — Recettes diverses. XVI. — Traité de Cléopâtre sur les poids et mesures; incomplet (fol. 134 à 136. — Lacune (fol. 137 à 144). XVII. — Liste des signes (fol. 145 à 146). XVIII. — Fin du Lexique (fol. 146 à 147). XIX. — Chapitres de Zosime à Théodore (fol. 147). XX. — Traités techniques (fol. 148 à 150). — Chrysopée de Cléopâtre et serpent Ouroboros, muni de pattes — Lacune (fol. 151 à 152). — Fragments (fol. 153-155). Ces textes sont en général conformes au manuscrit de Saint Marc, à la famille duquel ils se rattachent, quoique avec de notables différences, lesquelles indiquent une dérivation non identique, quoique parallèle. On trouvera à cet égard des détails circonstanciés dans la publication de M. André Berthelot, à laquelle je me borne à renvoyer. VI. — Manuscrits de Gotha ou d’Altenbourg et de Munich.Le manuscrit de Gotha se trouvait à l’origine à Altenbourg: de là deux noms distincts d’origine pour un même manuscrit, lesquels ont amené quelques erreurs. La liste des opuscules qu’il renferme a été publiée dans les Beiträge zur altern Litteratur.... (Bibliothèque de Gotha) von Fr. Jacobs und F. A. Ukert, Leipzig, 1835, p. 216. J’ai collationné cette liste avec soin. Le manuscrit lui-même a été examiné par mon fils André Berthelot, ainsi que celui de Munich. Il résulte de cet examen que le manuscrit de Gotha est copié purement et simplement sur celui de Munich, ainsi que les manuscrits de Weimar et de Leipzig, examinés pareillement. Celui de Munich lui-même a été copié en majeure partie sur le manuscrit de Saint Marc. p194 Les deux copies de Gotha et de Munich répondent aux folios 8-195 du manuscrit de Saint Marc. Mais le copiste a ajouté à la suite et comme compléments (fol. 204 à 215 du manuscrit de Gotha) sept morceaux qui manquent dans le manuscrit de Saint Marc, notamment la lettre de Psellus, une partie des signes, une 2e copie d’Ostanès, la lettre de Démocrite à Leucippe le discours d’Isis à son fils, suivi par le mélange du remède blanc, et les noms des faiseurs d’or. Les morceaux nouveaux existent d’ailleurs dans le manuscrit 2327 et ils ont dû être empruntés soit à ce manuscrit, soit à un manuscrit pareil. Grüner, vers la fin du xviiie siècle et au commencement du xixe siècle, s tiré de ce manuscrit quelques petits articles: sur la bière et l’huile aromatique (attribués à tort à Zosime); la première leçon de Stéphanus; les serments hermétiques; sur la trempe du bronze; sur la trempe du fer; ces derniers ont été reproduits dans les Eclogœ physicœ de Schneider, p. 95, 96); sur la cadmie (Καθμίας πλύσις); sur la fabrication du verre. Enfin l’éditeur a copié à la suite un morceau tout différent, ayant pour titre: ὁ οἶκος ὁ περὶ συνάζων πάντα (v. manuscrit 2327, fol. 90 verso). Ces petits articles, publiés dans des dissertations inaugurales et dans des programmes universitaires, sont très difficiles à trouver. Plusieurs renferment, comme il vient d’être dit, des confusions singulières. Les manuscrits de Vienne et de Breslau, exécutés par Cornélius de Naupile, à la fin du xvie siècle, appartiennent à la famille du manuscrit de Venise, avec quelques différences dans l’ordre relatif des traités. Le manuscrit de la Laurentienne (Florence) est au contraire fort analogue au 2327. VII. — Comparaison du contenu du manuscrit de Saint Marc, avec ceux du n° 2325 et du n° 2327 de la Bibliothèque nationale de Paris.Attachons-nous à comparer les trois manuscrits fondamentaux que nous avons surtout employés dans notre publication, savoir celui de Saint Marc (xie siècle), le numéro 2325 (xiiie siècle) et le numéro 2327 (xve siècle), de Paris. J’ai déjà donné une analyse développée du premier et du dernier de ces manuscrits, dans mes Origines de l’Alchimie; mais je me propose de serrer de plus près les comparaisons. p195 Il est facile de voir que ces manuscrits appartiennent à deux types très différents. Voici quelques-uns de leurs caractères différentiels: 1° Le manuscrit de Saint Marc contient des traités qui manquent dans les deux autres, tels que le traité d’Ostanès (fol. 66), et les chapitres de Zosime à Théodore (fol. 179 et suiv.). 2° La liste des signes y est plus ancienne et moins étendue; question sur laquelle je renverrai à la discussion qui a été développée dans ce volume, p. 96 et suivantes. 3° Les figures des alambics ont une forme plus ancienne, ainsi que les figures des digesteurs avec kérotakis; ce dernier instrument ayant disparu dans les figures du manuscrit 2327 (voir la discussion que j’en ai faite p. 150 et 160). 4° La liste des opérateurs manque dans le manuscrit 2325. Dans le manuscrit de Saint Marc, elle offre des différences très sensibles par rapport au manuscrit 2327: parmi ces différences, je rappellerai le nom de Juliana. Il s’agit probablement de cette Juliana Anicia, pour laquelle fut faite à la fin du ve siècle de notre ère une copie de Dioscoride, copie célèbre et magnifique, conservée autrefois à Constantinople avec un soin religieux et qui existe aujourd’hui à Vienne. Il semble donc que les premiers auteurs de la liste des opérateurs, Inscrite dans le manuscrit de Saint Marc, aient eu connaissance du manuscrit de Dioscoride. 5° Les articles relatifs à la trempe des métaux (fol. 104 et 118) sont plus développés dans le manuscrit de Saint Marc que dans les manuscrits 2325 et 2327. Mais ils ne contiennent pas la mention caractéristique du bronze des portes de Sainte-Sophie,[5] laquelle existe dans ces deux manuscrits. 6° Le passage d’Agatharchide sur les mines d’or existe (sauf la fin) dans le manuscrit de Saint Marc, et il est conforme au fragment plus considérable du même auteur, conservé par Photius. Il a probablement été transcrit sur le texte même de Photius, car il n’offre que des variantes insignifiantes. Dans le manuscrit 2325, ce passage manque. Dans le manuscrit 2327, il a été remplacé par un résumé, qui en modifie profondément la signification. p196 7° La Chrysopée de Cléopâtre, avec ses figures multiples, forme une page entière du manuscrit de Saint Marc, page que nous avons reproduite (p. 132 du présent volume). Dans les manuscrits 2325 et 2327, ce titre a disparu. Mais la figure principale, formée de trois cercles concentriques, avec ses axiomes mystiques, est à la même place; c’est-à-dire en tête du mémoire de Zosime sur les instruments et fourneaux, avec lequel elle s’est confondue. C’est là l’indice d’une rédaction plus moderne, pour cette partie du moins, dans les 2325 et 2327. Toute cette comparaison a été développée, p. 134 à 137. 8° Au contraire, le labyrinthe de Salomon, figure cabalistique, offre une physionomie très postérieure. Il a été transcrit vers le xiv siècle et après coup dans le manuscrit de Saint Marc (v. p. 57). Mais il manque dans les manuscrits 2325 et 2327. L’existence simultanée dans un même manuscrit de la Chrysopée de Cléopâtre et du labyrinthe de Salomon peut être regardée comme une preuve sans réplique, propre à établir que ce manuscrit a été copié (par voie directe ou indirecte) sur celui de Saint Marc. 9° Dans la Chrysopée de Cléopâtre, on aperçoit le serpent Ouroboros, figuré simplement, avec l’axiome central ἓν τὸ πᾶν, au-dessous des cercles concentriques. Mais ce serpent n’accompagne pas les trois cercles concentriques dans les manuscrits 2325 et 2327. En outre, dans Saint Marc, il na pas de pattes. Dans le manuscrit 1174 du Vatican, on trouve aussi une figure simple du serpent, mais avec quatre pattes. Dans le manuscrit 2327, il y a deux grandes figures du serpent, avec quatre pattes, l’une avec deux anneaux, l’autre avec trois anneaux coloriés (figure 34, p. 157), sans légende intérieure, mais avec une page entière de commentaires (Texte grec, I, v, et I, vi), tirés en partie de Zosime et d’Olympiodore. 10° Plusieurs traités de l’Anonyme, sans dédicace dans le manuscrit de Saint Marc, sont adressés à l’empereur Théodose dans d’autres manuscrits, tel que celui du Vatican (v. p. 192). Il y a là l’indice d’une filiation spéciale. Le nom de Sergius, auquel sont adressés quelques traités du Philosophe Chrétien, donne lieu à des remarques analogues; car il n’existe pas dans tous les manuscrits. p197 11° Le manuscrit 2325 ne renferme pas les poètes; ceux-ci devaient donc former à l’origine une collection à part. 12° Le manuscrit 2325 ne renferme aucun traité de vieil auteur important, qui ne soit dans le manuscrit de Saint Marc. Il contient en moins le traité d’Ostanès, les chapitres de Zosime à Théodore, le serment de Pappus, le traité de Cléopâtre (poids et mesures) et quelques autres articles; articles qui manquent également dans le manuscrit 2327. La liste des signes offre certaines confusions et diversités (v. pages 97 et 98 du présent volume). Le manuscrit 2325 ne contient aucune trace des traités de Comarius. Il contient en plus, par rapport à Saint Marc, certains traités techniques, tel que celui de l’arabe Salmanas sur les perles, et la fabrication des émeraudes et autres pierres colorées, d’après le livre du Sanctuaire. La Chrysopée de Cosmas est ajoutée à la suite, d’une écriture plus moderne et presque effacée. Dans le manuscrit 2325, l’ordre relatif est absolument, et du commencement à la fin, le même que celui du manuscrit 2327. Ce dernier dérive évidemment d’un type commun, mais complété par des intercalations et additions considérables. Au contraire, l’ordre relatif est très différent entre ces deux manuscrits et le manuscrit de Saint Marc: on y reviendra. 13° Examinons les traités qui manquent dans le manuscrit de Saint Marc et qui existent dans le manuscrit 2327. Parlons d’abord de ceux qui portent des noms d’auteurs. Le manuscrit 2327 débute par la lettre de Psellus adressée à Xiphilin. Dans certains manuscrits, cette lettre est adressée à Michel Cérularius; l’identité complète des deux lettres aurait besoin d’être vérifiée. Le traité de Comarius se trouve dans le manuscrit 2327, sous sa forme la plus complète. Je signalerai encore: Le traité de Jean l’archiprêtre, qui manque dans le 2325 Le traité de Salmanas et celui des émeraudes, qui s’y trouvent au contraire, ainsi que la Chrysopée de Cosmas, transcrite à la suite et à une époque postérieure dans le 2325 p198 Les livres de Sophé (Chéops); La lettre d’Isis à Horus Le livre de Démocrite à Leucippe; Le traité d’Agathodémon sur l’oracle d’Orphée; La coction excellente de l’or, avec les procédés de Jamblique La chimie domestique de Moise; 14° Enfin, parmi les articles anonymes manquant dans le manuscrit de Saint Marc, et existant dans le manuscrit 2327, on peut citer: La liste des faiseurs d’or (manquant dans le 2325). Ainsi que tous les articles et traités consécutifs, tels que: Le serpent figuré, avec commentaires; Le travail des quatre éléments; L’assemblée des philosophes; L’énigme alchimique, dont les vers existent cependant à l’état séparé dans une addition postérieure du manuscrit 2325; La liste planétaire des métaux; La liste des mois; Le traité de la fusion de l’or. Et diverses additions finales (voir Origines de l’Alchimie, p. 346). 15° La lettre d’Isis à Horus mérite d’être signalée, comme élément de classification des manuscrits, autres que celui de Saint Marc. En effet, elle existe sous deux rédactions très différentes dans le manuscrit 2327 et dans le manuscrit 2250 (Texte grec, I, xiii et I, xiii bis). Il y a aussi de grandes différences entre les divers textes d’Olympiodore. 16° Au point de vue de l’ordre relatif, les parties communes de la plupart des manuscrits offrent souvent de très grandes différences. Le manuscrit 2327, en particulier, présente un essai de coordination systématique, qui fait défaut dans les parties semblables de celui de Saint Marc. En effet, on y voit, à la suite de la lettre de Psellus, sorte de préface, des indications générales, telles que: le traité de Cléopâtre sur les poids et mesures, lequel figure au contraire au milieu du manuscrit de Saint Marc, et qui était même placé vers la fin dans l’ancienne liste de ce dernier. Puis viennent dans le manuscrit 2327: les signes, lesquels sont au début du manuscrit de Saint Marc; p199 Et le lexique, qui ne se trouve que vers les deux tiers de ce dernier manuscrit (presqu’à la fin dans l’ancienne liste). Dans le manuscrit 2327, on lit ensuite les traités de Démocrite, de Synésius et de Stéphanus, le premier étant le plus ancien, et les autres représentant des commentaires successifs de ce traité. Tandis que dans le manuscrit de Saint Marc, on débute par Stephanus; les poètes; Pélage, qui est rejeté vers la fin du manuscrit 2327; Ostanès, qui y manque; puis viennent Démocrite et Synésius c’est-à-dire qu’il n’existe aucun ordre systématique dans ce manuscrit. 17° Les poètes, qui suivent Stephanus dans le manuscrit de Saint Marc, sont placés beaucoup plus loin, et avant la liste des faiseurs d’or, dans le manuscrit 2327. Leur texte offre des différences considérables, suivant les manuscrits. 18° Le serpent et Olympiodore manquent dans le manuscrit 2325. Le dernier texte est à part dans les manuscrits qui le contiennent et il offre des variantes très notables. 19° Les traités de Zosime sur les fourneaux et appareils viennent pareillement après. Seulement, dans le manuscrit 2327, c’est une répétition de traités déjà transcrits une première fois à la suite de Stephanus; ce qui indique que le copiste puisait à deux sources différentes (v. p. 169 sur le manuscrit Ru. 6 de Leide). Le texte de ces traités offre de grandes variantes, qui vont parfois jusqu’à des rédactions distinctes, quoique parallèles. 20° Les additions initiales et finales, faites sur les pages de garde, marges et parties blanches des manuscrits, sont très importantes pour en marquer la filiation. Je citerai: dans le manuscrit de Saint Marc l’addition de la première feuille sur la scorie, avec paroles et signes magiques (v. p. 151), et le traité sur les songes de Nicéphore; Dans le manuscrit 2327, la lettre de Psellus au début, les fragments sur la colle, sur l’asbestos,[6] etc., et vers la fin, le dire de Rinaldi Telanobebila (Arnaud de Villeneuve), etc. (voir Origines de l’Alchimie, p. 336 et 346). Il y a encore bien d’autres différences de détail dans la distribution des p200 traités du Chrétien et de l’Anonyme, mais moins importantes. Les remarques précédentes sont d’ailleurs assez nombreuses et minutieuses pour permettre de caractériser les filiations des manuscrits. VIII. — Hypothèses générales sur l’origine et la filiation des manuscrits alchimiques grecs.D’après l’ensemble des observations que j’ai recueillies, l’origine des manuscrits alchimiques grecs pourrait être établie avec quelque probabilité de la manière suivante: 1° Il existait en Egypte, avant l’ère chrétienne, des groupes de recettes techniques, relatives à l’orfèvrerie, à la fabrication des alliages et des métaux pour les armes et les outils, à la fabrication du verre et des émaux, à la teinture des étoffes, à la matière médicale. L’emploi de ces recettes était accompagné par certaines formules magiques. Le tout était transmis traditionnellement, comme secret de métier, depuis une époque fort reculée, avec le concours de signes hiéroglyphiques, destinés à servir de mémentos, plutôt qu’à exposer le détail des opérations.[7] Ces signes étaient inscrits sur des stèles; ils étaient anonymes, comme toute la science égyptienne d’alors. Il semble qu’il y avait aussi des textes écrits en démotique sur papyrus; tels étaient le Livre du Sanctuaire, cité à plusieurs reprises, et le texte transcrit dans le papyrus V de Leide (p. 8 du présent ouvrage). 2° Vers l’ère chrétienne, on commença à écrire en grec (sur papyrus), les recettes et les formules magiques, d’une façon précise et détaillée. Une partie de ces recettes nous ont été transmises dans les écrits de Dioscoride, de Pline et de Vitruve. Les papyrus de Leide, écrits au iiie siècle, mais dont le texte est plus ancien, fournissent le détail précis et authentique de quelques-unes d’entre elles (ce volume, article I). La plupart de ces recettes sont claires, positives; elles con-p201cernent l’imitation, parfois frauduleuse, de l’or et de l’argent, ainsi que la fabrication de l’asèm, alliage doué de propriétés intermédiaires. Dioscoride et le papyrus V ont conservé le nom de certains des auteurs d’alors, tels que Phiménas (Pammenès) et Pétésis. Il existait un grand nombre de papyrus analogues; mais la plupart ont été détruits systématiquement par les Romains, vers le temps de Dioclétien. Cependant il est incontestable qu’un certain nombre de recettes relatives à l’asèm e à d’autres sujets, conservées dans nos manuscrits actuels, offrent un caractère semblable à celui du papyrus et remontent probablement à la mime époque. Le traité des émeraudes et pierres vitrifiées, « d’après le Livre du Sanctuaire », a été reproduit sans doute de vieux textes analogues, et il en est probablement de même du traité des perles, qui nous est venu sous le nom de l’arabe Salmanas: c’est vraisemblablement l’auteur des derniers remaniements de ce traité technique. 3° A la même époque, c’est-à-dire vers la fin du règne des Ptolémées, il existait des écoles gréco-égyptiennes, participant dans une certaine mesure de la science hellénique: j’ai signalé spécialement une école démocritaine, à laquelle appartenait Bolus de Mendès: cette école mit ses écrits sous le patronage du nom vénéré de Démocrite (Origines de l’Alchimie, p. 156 et suiv.). Il nous en est parvenu un traité (Physica et mystica), formé de trois fragments, l’un magique, l’autre relatif à la teinture en pourpre, le dernier à la fabrication, ou plutôt à l’imitation de l’or et de l’argent. Les recettes du dernier fragment sont analogues à celles du papyrus de Leide; quelques-unes même identiques. Mais, dans les écrits de cette école, les recettes positives sont associées à des interprétations, mystiques, association que l’on ne trouve pas dans les papyrus de Leide; quoique la magie abonde dans ces derniers. 4° L’École Démocritaine d’Égypte a créé une tradition scientifique, spécialement en alchimie; tradition qui s’est prolongée jusqu’au viie siècle de notre ère, par toute une suite d’écrits originaux et de commentaires, lesquels forment la partie principale de nos collections actuelles. Les auteurs qui l’ont continuée au début étaient des gnostiques, des païens et des juifs, qui ont développé de plus en plus le symbolisme mystique. Le principal auteur venu jusqu’à nous, Zosime, semble avoir constitué vers la fin du iiie siècle, une sorte d’encyclopédie chimique, reproduisant spécialement les traités de Cléopâtre, sur la distillation, ceux de Marie la Juive, p202 sur les appareils à digestion, ceux de Pamménès et de Pétésis, sur les alliages métalliques, etc. Nous possédons près de 150 pages tirées des ouvrages de Zosime, sous la forme d’extraits faits plus tard par des Byzantins, non sans quelques additions ou interpolations, dues aux commentateurs. Les écrits d’Africanus, auteur aujourd’hui perdu, seraient du même temps que Zosime. Nous en avons quelques fragments dans nos textes alchimiques. 5° Vers la même époque que Zosime et Africanus remontent les écrits pseudonymes attribués à Sophé (Chéops), qui rappellent un texte d’Africanus, compilé par Eusèbe.[8] Avant Zosime également, ou vers le même temps, ont été écrits les fragments attribués à Hermès, à Agathodémon, les écrits du Pseudo-Moïse, les recettes de Jamblique, ainsi que la lettre d’Isis à Horus. 6° Entre le faux Démocrite et Zosime, semblent aussi se placer les écrits d’Ostanès, de Pélage, de Comarius, de Jean l’Archiprêtre. Mais, sous la forme où nous les possédons, ces écrits manquent d’authenticité. Il est difficile d’y distinguer la trame originale des interpolations successives faites par les moines chrétiens d’Alexandrie et de Byzance. 7° C’est au même temps que remonterait la première rédaction des textes actuels des traités techniques sur le verre, les perles artificielles, la trempe des métaux, etc.; textes qui se rattachent à une tradition beaucoup plus ancienne, mais qui ont été remaniés à diverses reprises, pendant le cours des siècles. 8° Vers le temps des deux empereurs Théodose, on trouve le commentaire de Synésius sur Démocrite, qui est l’ouvrage le plus philosophique de toute la série, et le groupe des poètes, complété plus tard. 9° Olympiodore, auteur un peu postérieur, se rattache aussi aux commentateurs Démocritains. 10° La tradition se continue par le Philosophe Chrétien, par l’Anonyme, et par Stéphanus, jusqu’au viie siècle de notre ère. Les traités pseudonymes d’Héraclius et de Justinien, aujourd’hui perdus, seraient aussi de cette dernière époque; car ils ont précédé les Arabes, qui citent fréquemment Héraclius. p203 11° Vers le viie ou le viiie siècle de notre ère s’est constituée une première collection, qui semble avoir été formée autour du commentaire de Stéphanus, avec adjonction des auteurs de l’École Démocritaine et des premiers commentateurs. Cette collection, grossie parcelle des poètes et par plusieurs autres dont j’ai donné la liste (p. 178), et reprise parmi les 53 séries de Constantin Porphyrogénète, au xe siècle, aurait servi à constituer le prototype, duquel dérivent la vieille liste de Saint Marc et le manuscrit de Saint Marc. Cependant un certain nombre de mémoires d’auteurs renommés, de recettes partielles et plusieurs traités techniques n’étaient pas compris dans cette collection. Ils sont entrés plus tard dans d’autres collections, fondues avec la principale dans le manuscrit 2325, et depuis, avec des additions plus étendues, dans le manuscrit 2327. Les traités de Cosmas et de Blemmydès sont postérieurs. 12° Je pourrais essayer d’expliquer maintenant plus en détail, comment la collection primitive, modifiée par des additions successives, a constitué plusieurs prototypes, dont le principal (O) répondait au manuscrit qui a précédé la liste initiale du manuscrit de Saint Marc. De ce prototype a dérivé un manuscrit (P), répondant à cette liste. Mais il a perdu plus tard les cahiers qui renfermaient les traités attribués à Héraclius et à Justinien et il a formé alors un autre type (Q). C’est à cet autre type que se rattache le manuscrit 2327, quoique non directement. En effet, il a été grossi par l’adjonction de traités tirés d’un autre prototype, contenant par exemple Jean l’Archiprêtre, la lettre d’Isis, etc. A un certain moment, le type (Q) a éprouvé une mutilation, vers la fin des leçons de Stephanus, et il a perdu plusieurs feuillets, comprenant cette fin et le commencement du traité de Comarius. Cette mutilation n’a pas coïncidé avec la première, attendu que le manuscrit 2327 contient la fin de Stephanus et le traité de Comarius; tandis que les traités d’Héraclius et de Justinien y manquent. C’est plus tard qu’un copiste ignorant, ayant transcrit à la suite le manuscrit mutilé, sans s’apercevoir de la lacune, a constitué le type (R), qui est celui du manuscrit actuel de Saint Marc; une lacune analogue y a mutilé le traité du jaunissement, etc. p204 Le manuscrit de Saint Marc a perdu dans le cours des siècles un ou plusieurs folios, à la fin des fragments d’Agatharchide; il a eu plusieurs cahiers transposés par le relieur, cahiers qu’il s conservés d’ailleurs; Enfin il a éprouvé diverses additions, telles que le Labyrinthe de Salomon et quelques autres, aux xv’ et xvi’ siècles. C’est ainsi qu’il nous est parvenu. La filiation des manuscrits 2325 et 2327 est plus complexe. Rappelons d’abord que le contenu et l’ordre relatif du manuscrit 2325, le plus ancien des deux (xiii’ siècle), se retrouve exactement dans le manuscrit 2327 (xve siècle). Mais ce dernier est plus étendu.et renferme un grand nombre de traités techniques ou mystiques, qui manquent dans le manuscrit de Saint Marc et qui ont été tirés de prototypes tout différents. Aussi, quoiqu’il représente sur certains points une rédaction plus moderne que celui de Saint Marc, il en est d’autres où il répond à des souches antérieures. Le manuscrit 2275 paraît la copie directe du 2325; le manuscrit 2329, le second manuscrit de l’Escurial, le manuscrit de la Laurentienne et celui de Turin, dérivent du manuscrit 2327, ou d’une souche commune. Les manuscrits 2250, 2251, 2252, qui appartiennent à une même copie faite au xviie siècle,[9] accusent une souche distincte à certains égards des précédentes: par exemple, pour la rédaction de la lettre d’Isis à Horus. Le manuscrit du Vatican et celui de Leide, Voss. n° 47, offrent aussi d’assez grandes diversités, quoique dérivés en somme de la même souche que le manuscrit de Saint Marc. Sur le manuscrit de Saint Marc, ont été copiés directement ou indirectement[10] presque tous ceux qui existent en Allemagne, d’après ce que j’ai pu savoir: tels celui de Munich, qui a servi à la publication d’Ideler, celui de Gotha, probablement ceux de Vienne et de Breslau; de même le numéro 2249 de la Bibliothèque de Paris, celui sur lequel Pizimenti a fait sa traduction latine, l’un de ceux de l’Ambroisienne, l’un de ceux de l’Escurial, etc. p205 Pour pousser plus loin la discussion détaillée de toute cette filiation, il serait nécessaire de faire une comparaison minutieuse de tous les manuscrits, comparaison dont je ne possède pas encore les éléments complets; je ne crois donc pas utile d’en dire davantage. IX. — Sur le manuscrit grec 2419 de la Bibliothèque nationale de Paris.Ce manuscrit in-folio, transcrit vers 1460 par Georges Midiates (fol. 288), est des plus précieux pour l’histoire de l’Astronomie, de l’Astrologie, de l’Alchimie et de la Magie au moyen âge; c’est une réunion indigeste de documents de dates diverses et parfois fort anciens, depuis l’Almageste de Ptolémée et les auteurs arabes jusqu’aux écrivains de la fin du moyen âge. L’écriture en est souvent difficile à déchiffrer. La table des matières de ce manuscrit s été imprimée dans le Catalogue de ceux de la Bibliothèque nationale de Paris. Aussi je me bornerai à relever les morceaux et traités qui offrent quelque intérêt pour les études auxquelles le présent volume est consacré. Au folio i se trouve une grande figure astrologique du corps humain, dessinée avec soin, placée au milieu de deux cercles concentriques, avec indication de la relation entre ses parties et les signes du Zodiaque. Cette figure répondant à des textes d’Olympiodore[11] et de Stephanus, je crois utile d’en donner la description. En haut: le Bélier. Puis se trouvent deux séries parallèles, l’une à droite, l’autre à gauche.
Au bas, les Poissons commandent les pieds. p206 On peut voir un texte analogue dans la Bibl. Chem. de Manget, I, 917. Au folio 32, on rencontre le cercle de Pérosiris, pour prévoir l’issue des maladies; cercle donc j’ai donné (p. 88) la photogravure et la description. Au folio 33, on lit deux tableaux horizontaux analogues, que j’ai également décrits, à cause de leur similitude avec le tableau d’Hermès du manuscrit 2327 (p. 87) et avec la sphère de Démocrite du papyrus de Leide (p. 86). Ils accompagnent des traités de l’astrologue Pythagoras et divers calculs pour connaître le vainqueur d’un combat singulier. Au folio 46 verso, on rencontre la liste des relations entre les planètes et les métaux et autres corps subordonnés à ces astres. Cette liste est la même qui figure dans plusieurs manuscrits alchimiques; les noms en sont également grecs; quelques-uns sont transcrits en caractères hébraïques. La liste fait partie d’un traité d’Albumazar, astronome arabe du Ixe siècle (800 à 885) de notre ère (v. p. 79 du présent volume et Texte grec, p. 24, notes).J’y relève deux indications caractéristiques. Le signe de la planète Hermès comprend parmi les corps dérivés, vers la fin de son paragraphe, le nom du mercure, ὑδράργυρος, et à la suite les mots: οἱ δὲ πέρσαι κασσίτερον; « les Persans rangent sous ce signe l’étain ». Le signe de Jupiter comprend l’étain et à la suite les mots: οἱ δὲ πέρσαι οὐχ οὔτως ἀλλά διάργυρος. « Les Persans ne l’entendent pas ainsi, mais rangent sous ce signe le métal argentin c’est-à-dire l’asèm ou électrum ». Ceci est conforme à ce qui a été dit ailleurs sur les changements successifs des notations métalliques et planétaires (pages 81 à 85). Ala suite vient une liste des animaux répondant à chaque planète. Au folio 86 verso: sur les sorts royaux, traité attribué à Nécepso. Au folio 99-100: figures de comètes, Au folio 119: traité divinatoire de Zoroastre. Au folio 153: tableau des mesures antiques. Au folio 154: tableau des signes et abréviations. Ils sont semblables en général à ceux de la fin de la liste du manuscrit 2327, sauf un petit nombre de différences: par exemple, pour les mots ange et démon (voir p. 100);mais l’ordre n’est pas le même. Puis vient un ouvrage de Bothrus, qui s’intitule roi de Perse; c’est un astrologue, inconnu d’ailleurs. p207 Au folio 156: autre cercle médical de Pétosiris, dont j’ai donné la photogravure et la description (p. 90). Au folio 265 verso: liste des plantes qui répondent aux 12 signes du Zodiaque, d’après Hermès Trismégiste. Au folio 271 verso et au folio 272: préparations chimiques. Au folio 273: mots magiques, analogues à ceux qui figurent dans Jamblique, dans les papyrus de Leide, au-dessus de la formule de l’Ecrevisse dans le manuscrit de Saint Marc (p. 153), etc.; sans qu’aucun m’ait paru identique, à première vue du moins. Au folio 274: une page renfermant un grand nombre d’alphabets magiques, lesquels ne sont autres que des alphabets grecs altérés (v. p. 156), analogues à ceux du manuscrit de Saint Marc. Dix-sept de ces alphabets figurent au recto, cinq au verso. La traduction existe à l’encre rouge, presque effacée, dans les intervalles des lignes. Au folio 274 verso: liste des signes, en lignes, sans traduction, sauf pour quelques mots tels que ceux-ci: cœur et foie. Cette liste se retrouve exactement transcrite, vers la fin de celles du manuscrit 2327, Pl. VI, l. 20 à 25, jusqu’à ἀλόν (v. p. 100). Au folio 279 commence un ouvrage considérable intitulé:, la voie droite vers l’art de l’Alchimie, par le grand maître Pierre Théoctonicos. Cet ouvrage se poursuit jusqu’au folio 287 verso, où la fin est indiquée à l’encre rouge. Voici la fin de la route pure du frère Ampertos Théoctonicos, le grand philosophe de l’Alchimie, transcrite par Georges Midiates. » Ce traité va être décrit tout à l’heure plus en détail. Au folio 288: suite de préparations chimiques. Figure d’un entonnoir à filtration et d’une fiole à fond rond. Aux folios 319 à 341: lexique étendu, donnant l’interprétation des noms des opérations, substances, plantes, maladies. Ce lexique renferme un certain nombre de mots arabes. Il y a beaucoup de noms chimiques. Revenons maintenant à l’ouvrage manuscrit de Théoctonicos, personnage qui a donné lieu à diverses discussions de la part d’Hœfer, lequel lui attribue le prénom de Jacob, et de la part de H. Kopp. L’examen direct de son traité m’a paru utile pour éclaircir la question. Elle n’est pas sans intérêt; car c’est un des rares auteurs de quelque importance, cités dans les histoires p208 de la chimie et sur lesquels nous ne possédions pas encore de lumière suffisante. Le titre exact de l’ouvrage est le suivant: Ἀρχὴ τῆς εὑθείας ὁδοῦ τοῦ μεγάλου διδασκάλου Πέτρου τοῦ Θεοκτονίκου πρὸς τὴν τέχνην τῆς ἀρχημίας, titre déjà traduit plus haut; et au bas de la page: ἐγὼ ὁ Πέτρος Θεοκτονίκος φιλοσόφων ὁ ἐλάχιστος; c’est-à-dire: « Moi Pierre Théoctonicos, le moindre des philosophes. » A la fin du traité, il est désigné sous le nom de τοῦ ἀδελφοῦ Ἀμπερτοῦ τοῦ Θεοκτονίκοθ. La dernière forme rappelle le latin Albertus Teutonicus, personnage identifié en général par les vieux auteurs avec Albert le Grand et sous le nom duquel il existe un ouvrage latin d’Alchimie, désigné parfois par les mots: Semita recta. Cet ouvrage latin se trouve au tome XXI des œuvres d’Albert le Grand, qui est regardé ici comme un pseudonyme, et il est imprimé dans le tome II du Theatrum Chemicum. Les deux textes latins concordent très exactement, comme je l’ai vérifié. L’ouvrage est écrit avec assez de sincérité; il date du xiiie ou xive siècle. Les articles techniques qui le terminent sont complétés par des additions faites par quelques copistes plus modernes, d’après Geber, Razès, Rager Bacon, maître Joi (sic, pour Jean?) de Meung, expressément nommés. Il semble même en certains endroits qu’il y ait deux étages d’additions. Or le traité de Théoctonicos est une traduction grecque du traité attribué à Albert le Grand, traduction antérieure aux textes latins imprimés que je viens de citer, et qui renferme certaines indications spéciales et différentes; mais qui, par contre, ne contient pas les additions. C’est ce qui résulte de l’examen détaillé auquel je me suis livré. En effet, j’ai d’abord constaté la conformité générale du texte latin et du texte grec, en les comparant ligne par ligne jusqu’à la fin. Je me bornerai à la citation suivante, qui est caractéristique. Dans le grec: Εὕρον πάλιν ὑπερέχοντας μονάχους καὶ πρεσβυτέροθς καὶ κανονικοὺς, φιλοσόφους καὶ γραμματεῖς. Dans le latin: Inveni autem prœdivices litieratos, abbates, prœposios, canonicos, physicos et illiteratos, etc. p209 C’est-à-dire (d’après le grec): « J’ai trouvé des moines éminents, des prêtres, des chanoines, des clercs, des philosophes et des grammairiens ». Le texte grec est plus ferme que le texte latin; cependant il est difficile de refuser d’admettre que la phrase précédente ait été traduite du latin. A la page suivante, folio 279 verso, on retrouve pareillement dans les deux langues la phraséologie ordinaire des alchimistes: « Voulant écrire pour mes amis, de façon que ceux qui voient ne voient pas, et que ceux qui entendent ne comprennent pas, je vous conjure, au nom de Dieu, de tenir ce livre caché aux ignorants. » Le texte grec est plus développé que le latin dans le passage suivant (même page): « J’ai écrit moi-même ce livre, tiré des livres de tous les philosophes de la science présente, tels que Hermès, Avicenne, Rhazès, Platon et les autres philosophes, Dorothée, Origène, Geber (?), beaucoup d’autres, et chacun a montré sa science; ainsi que Aristote, Hermès[12] et Avicenne. » Cette suite de noms propres et d’autorités manquent dans le latin. Le traité poursuit pareillement, en expliquant dans les deux langues qu’il faut réduire les métaux à leur matière première. Puis commence un autre chapitre, qui dé bute par ces mots singuliers (fol. 280), en grec: Ἀρχημία ἕστιν πρᾶγμα παρὰ τῶν ἀρχαίων εὑριοκομένην, χιμία δὲ λέγεται ῥωμαιστὴ, φραγγικὰ δὲ μᾶζα (sic). « L’Alchimie est une chose découverte par les anciens: on l’appelle Chimie en romaïque, Maza en langue franque. » Dans le texte latin on lit, dans les deux publications citées: « Alchimia est ars ab Alchimo inventa et dicitur ab archymo grœce, quod est massa latine. » L’Alchimie est un art découvert par Alchimus; c’est d’après le mot grec archymus qu’elle a été nommée, mot qui signifie massa en latin. Cette phrase étrange se trouve aussi dans le Liber trium verborum Kalid (Bibliotheca Chemica de Manget, t. II, p. 189) « Alchimia ab Alchimo inventa. Chimia autem grœce, massa dicitur latine. » Pic de la Mirandole, au xve siècle, cite aussi cet Alchimus, en répudiant p210 l’étymologie précédente. Il y a là sans doute quelque réminiscence de l’ancien Chymès.[13] Quant au mot μᾶζα ou massa, il existe comme synonyme de la Chimie dans le Lexicon Alchemiœ Rulandi (au mot Kymus). Le latin explique ensuite que les métaux diffèrent seulement par une forme accidentelle et non essentielle, dont on peut les dépouiller Formα accidentali tantum, nec essentiali : ergo possibilis est spoliatio accidentum in metallis. Mais le grec est ici plus vague. Au contraire, le grec développe davantage la génération des métaux et parle de la terre vierge,[14] comme l’ancien Hermès: διὰ γῆς παρθένου καὶ σαθρῆς ce que le latin traduit simplement par terra munda, la terre pure. Les deux textes se suivent ainsi parallèlement, avec des variantes considérables et des développements inégaux. Puis viennent la description des fourneaux (fol. 282), celle des quatre esprits volatils: le mercure (signe de la planète Hermès), le soufre, l’arsenic (même signe que celui de la Pl. VI, l. 26), le sel ammoniac. Le nom ancien de l’orpiment, ἀρσένικον est changé ici en ἀοριπήγματον: ce qui est une transcription littérale du latin auri pigmentum, transcription montrant par une nouvelle preuve que le texte original a été écrit en latin. Divers sels, le tartre, le vert-de-gris, le cinabre, la céruse, le minium figurent ici. Puis viennent les opérations, dont la description fournit des équivalences intéressantes entre les mots grecs du xive siècle et les mots latins; équivalences dont plusieurs sont distinctes des anciennes expressions contenues dans les premiers alchimistes. Par exemple (fol. 285). ῥίνισμα, qui voulait dire à l’origine limaille, est traduit par sublimatio. — Il y a ici l’idée de l’atténuation extrême de la matière, exprimée plus tard par le mot alcoolisation, qui voulait dire réduction à l’état de poudre impalpable, Ἀσβέστωμα. — Calcinatio. — Ce mot nouveau a remplacé l’ancien ἴωσις; et le mot ἄσβεστος, ou caix (chaux métallique), s’est substitué à ἰός. Πῆγμα. — Coagulatio. — Solidification d’un corps liquide. Πῆγξις. — Fixio. — Fixation d’un corps volatil, Ἀνάλυμα— Solutio. — Dissolution. p211 Στάλαγμα— Sublimatio. — C’est la distillation, opérée par vaporisation, ou par filtration. Κήρωμα. — Ceratio. — Ramollissement. Ἐψησις. — Decoctio. — Cuisson, emploi de fondants. Les deux textes se suivent jusqu’au bout. Ainsi le traité de Théoctonicos n’est autre chose que la traduction grecque de l’ouvrage latin d’Alchimie attribué à Albert le Grand. Ce fait de la traduction en grec d’un ouvrage latin, au moyen âge, est exceptionnel. Peut-être s’explique-t-il par l’époque même où il s’est produit, qui est celle du contact forcé établi entre les Grecs et les Latins, par suite des croisades et de l’occupation de Constantinople. On trouve d’ailleurs des textes grecs de la même époque, inspirés également des Arabes, parmi les manuscrits du Vatican, tels que le n°914 (Recettes pour écrire en lettres d’or, etc.); le n° 1134, daté de 1378, sur le τίτανος, l’ἐλεχιρ, l’arsenic, le sel ammoniac, les aluns, la cadmie, etc.[15] Je rappellerai encore la page d’Arnaud de Villeneuve, traduite en grec, qui se trouve ajoutée à la fin du manuscrit 3327 de Paris (fol. 291). X. — Manuscrits alchimiques de Leide.Il existe à Leide des manuscrits alchimiques grecs, signalés par divers auteurs et dont il m’a paru utile de prendre une connaissance plus approfondie. Mon fils, André Berthelot, déjà préparé par l’examen des manuscrits du Vatican, et des bibliothèques allemandes (p. 191 et 193), s’est chargé de ce travail. Je vais en donner le résumé. Il y a deux manuscrits alchimiques grecs de quelque importance à Leide, l’un intitulé: Codex Vossianus Grœcus, n°47, in 4°, 72 folios, très mal écrit, daté de 1440; l’autre provenant des livres de Ruhnkenius, savant helléniste du dernier siècle, inscrit sous la rubrique XXIII, Ru. 6, in 4°, 30 folios; sur papier, écrit au xviie siècle. J’appellerai pour abréger le premier: Voss. et le second: Ru. p212 Ces manuscrits sont tous deux intéressants: le premier, Voss., parce qu’il renferme quelques fragments qui n’existent pas ailleurs; le second, Ru., en raison de certaines de ses figures, qui établissent complètement le passage entre les appareils des vieux manuscrits et l’aludel des Arabes. Je les ai données plus haut, avec commentaires (p. 167 à 173). Codex Ru. 6. Quant au texte même, le Ru. paraît, d’après une collation rapide mais précise, ne rien renfermer qui ne soit déjà contenu dans le manuscrit 2327 et plus spécialement dans celui de la Laurentienne. Il représente d’ailleurs, non les textes mêmes, mais surtout une table des matières, suivie de quelques extraits. Il paraît donc inutile d’entrer ici dans plus de détails. Disons seulement que dans ce manuscrit le texte alchimique proprement dit comprend 20 folios, dont les quatre derniers consacrés au traité de Psellus. Puis vient un traité mutilé sur la musique (fol. 23-24) et un traité sur les oiseaux (fol. 25-29), déjà édité dans Rei Accipitrariœ Scriptores, pages 243 à 255 (sauf que l’ordre des chapitres diffère). — Les signes du manuscrit 2327, c’est-à-dire nos planches IV, V, VI, VII et VIII (v. page 168) figurent textuellement dans Ru.; ce qui établit la filiation. Codex Vossianus. Ce manuscrit mérite une attention spéciale; car il se distingue à certains égards de tous les autres manuscrits alchimiques connus. Les textes chimiques commencent (fol. 4-11) par un abrégé des leçons de Stéphanus, se terminant par les mots: μετὰ τὸ ἔα κάτω καὶ γέλεσαν mots qui répondent à la fin des mêmes leçons dans le manuscrit 2325 (sauf γενήσεται au lieu de γέλεσαν). Cette circonstance joue un rôle essentiel dans la classification des manuscrits (v. p. 179 à 181). Puis vient une feuille blanche, suivie des mots: ἐκ τοῦ διαλόγου Κλεοπάτρας οὗ ἡ ἁρχὴ λείπει. La phrase du début: Ἡ πλάνη ἐσπάρι ἑν τῷ κόσμῳ διὰ τὸ πλῆθος τῶν ἐπονύμων se trouve dans la 9e leçon de Stéphanus, imprimée par Ideler (t. II, p. 247, l. 25). Cette phrase y est séparée du mot γέλεσαν par deux lignes de texte, supprimées dans Voss. Rappelons que j’ai établi plus haut (p. 192), comment la fin de la 9e leçon de Stéphanus et le milieu du Dialogue de Cléopâtre ont été confondus et mis bout à bout dans le manuscrit de Saint Marc, ainsi que dans le texte d’Ideler, par suite d’une erreur fort ancienne des copistes. La même confusion a lieu dans le Voss.; à cela près qu’il y manque les dix lignes (14 à 24) de la page p213 248 d’Ideler, depuis le mot προσεγγίσαι qui y marque le début du fragment du Dialogue, jusqu’aux mots θανατώσηται. Βλέπετε τὸ θεῖον ὔδωρ τὸ ποτίζον αὐτὰ καὶ τὴν νεφήλνν, lesquels font en effet partie du Dialogue de Cléopâtre, dans le manuscrit 2327. — Dans Ideler, on les retrouve à la ligne 23 de la page 248. Tout ceci indique une confusion analogue, mais qui n’est pas identique dans les diverses copies. La dernière ligne du Dialogue dans le Voss. est la même que celle d’Ideler. Au folio 24 sont les extraits des poètes; puis ceux de Pélage (fol. 14-17), d’Ostanès (fol. 17), de Synésius: ce dernier déjà reproduit par Reuvens (lettre à M. Letronne). La plupart de ces extraits ont un caractère technique très manifeste. L’auteur abrège ou supprime la phraséologie mystique, conservant au contraire in extenso les recettes proprement dites. Puis vient Démocrite (Physica et Mystica), l’Anonyme, Zosime, sur la vertu (extrait, fol. 31 verso), et une série de petits écrits sur l’ἄσβεστος et autres, qui se trouvent au long dans le manuscrit de Venise. Le tout se poursuit dans le Voss. sans rien de spécial, jusqu’au folio 49, περὶ ὀργάνςν, de Zosime. — On rencontre alors la Chrysopée de Cléopâtre et des figures pareilles à celles du manuscrit de Venise. La similitude des figures est si grande que l’on ne saurait douter d’une origine commune; le Voss. reproduit en effet (fol. 49 verso) la Chrysopée (notre fig. 11), avec ces mots en face: ὄτι ἀπὸ ἀσκιάστου χαλκοῦ ἰὸς. Et plus bas: Ἐχει δὲ οὕτος βήκος, ὕελος, σωλὴν Puis (fol. 50 verso) les deux figures de dibicos (nos fig. 14 et 14. bis); au folio 5, recto, les mots ἑξῆς τό τρίβηκον ὑπόγραφε, et au bas de la page: οἱ δὲ τύτοι οὕτως; puis les mots ἕστιν ἀρχὴ, et la figure en cœur (notre fig. 31); Au folio 51 verso, la figure du tribicos (notre fig. 15) et celle de l’appareil distillatoire (notre fig. 16). Au folio 52 recto, en face: ἕτερον ποίησις καὶ ἕτερον ἅρσις. Au folio 52 verso: les kérotakis (nos fig. 22 εt 24). Au folio 53 recto: la palette (notre fig. 24. bis). Au folio 53 verso: les deux appareils à digestion (nos fig. 20 et 21). Au folio 55 verso: les trois autres figures de kérotakis, ajoutées sur les marges du manuscrit de Saint Marc (nos fig. 25, 26 et 27), avec les mots: ὁπάν p214 ἔχει τὸ ὀσράκινον ἄγγος καλύπτον τὴν φιάλην τὴν ἐπὶ τὴν κηροτακίδα ἵνα περιβλέπη. Puis viennent les figures et les mots: ἐκ φι ἔστι τὸ πλυν (sic; mots abrégés). ἐκ τῶν ἱουδαικῶν. Au folio 58 recto, la figure de la chaudière et du πόντος (notre fig. 18), qui n’existe dans aucun autre que celui de Saint Marc. Aux folios 54 et 55, on lit quelques petits morceaux, d’un caractère spécial, qui débutent ainsi: τὰ τὴν ἀπὸ τοῦ χρυσορρόου ποταμοῦ σύμφυραν ἀφαιρέματι … πρὸς μίξεις οὔ ποίησει φύραμα εἰς λεκάνην ὀστρακίνην … ὥς φύραμα ἀργύρου … Les articles qui suivent: sur les feux, le cuivre brûlé, la trempe du fer persan, et celle du fer indien, les poids et mesures (fol. 56 à 64), ne diffèrent pas du manuscrit de Venise. La liste des signes (fol. 70 à 72) reproduisant nos figures 3, 4, 5, Pl. I, II, III, est très significative; car c’est celle des signes du manuscrit de Saint Marc, modifiée par des interversions, dues évidemment au copiste qui a embrouillé l’ordre des colonnes. La liste finale des noms des philosophes est exactement la même. A la fin on lit (fol. 70) la formule de l’Ecrevisse (notre fig. 28), avec son explication et le texte qui l’accompagne, dans l’addition faite au début du manuscrit de Saint Marc (v. p. 152 à 155). Ce dernier texte est terminé de mime par les mots: « Ainsi a été accomplie, avec l’aide de Dieu, la pratique de Justinien ». Formule et texte sont précédés par un autre morceau sur l’œuf, attribué à Justinien et que je vais reproduire, comme formant avec la phrase précédente les seuls débris qui nous restent de ces traités alchimiques de Justinien, indiqués dans la vieille liste du manuscrit de Saint Marc (p. 176). Il semble que c’était l’œuvre pseudonyme d’un commentateur, analogue à l’Anonyme et à Stéphanus. En tout cas, l’existence de ce morceau prouve que le Voss. a dû puiser dans des sources perdues aujourd’hui. Cependant, sauf quelques petits fragments, on vient de voir que son contenu n’apporte rien d’essentiellement nouveau. Peut-être vaudra-t-il plus tard la peine d’être collationné avec le texte grec de la publication présente. p215 Codex Vossianus (Leide), n° 47, in 4° — fol. 69 verso[16]
Ὁ Ἰουστινιανὸς οὑτως
κέκληται τὰ πρὸς τὸ ὠὸν ἕκαστα « Justinien met ainsi en lumière chacune des parties relatives à l’œuf (philosophique; v. Texte grec, I, iii et 1, iv) Le jaune, c’est l’ocre attique; le vermillon du Pont; le nitre roux; la chalcite grillée; le bleu d’Arménie, le safran de Cilicie, la chélidoine. La coquille, c’est le cuivre, le fer, l’étain, le plomb, le corps solide. La chaux, c’est la terre de Chio, la pierre scintillante, la sélénite; la gomme d’acanthe; le suc du figuier; le suc du tithymale; la magnésie blanche; la céruse. L’eau jaune qui teint en bleu, c’est l’eau du soufre apyre, l’eau d’arsenic, l’eau citrine, le coquillage, l’aristoloche, l’eau de la pyrite dorée, l’eau de lie, et les autres choses. Il a appelé l’eau blanche: eau divine obtenue par écoulement, vinaigre, eau d’alun, eau de chaux, eau de cendres de choux, urine, lait nouveau produit par une femelle (?), lait de chèvre, lait de la cendre des bois blancs, lait de palmier, liqueur argentine, eau de nitre blanc, et le reste. » XI. — Manuscrits divers.Je relaterai, pour ne rien omettre, dans le manuscrit 113 de la Biblio-p216thèque du Métoque du Saint-Sépulcre, à Constantinople, un petit traité περὶ χημικῶν ainsi que la lettre de Psellus au patriarche Michel sur l’art chimique: ces indications m’ont été fournies par M. J. Psichari, qui a visité cette Bibliothèque l’an dernier. Enfin M. Ludwig Stem a publié dans la Zeitschrift für Aegypt. Sprache, pages 102-119, 3e livraison, 1885, des fragments d’un Traité copte, écrit à la fin du moyen âge et composé surtout d’une série de courts articles, qui semblent avoir un caractère purement technique. XII. — Manuscrit arabe d’Ostanès.Il existe à la Bibliothèque Nationale de Paris un manuscrit alchimique arabe, renfermant un Traité attribué à Ostanès (n° 972 de l’ancien fonds). Ce manuscrit est d’une très belle écriture; il a été transcrit au xive ou au xve siècle. Un savant très compétent a bien voulu en traduire verbalement pour moi quelques pages, que j’ai prises sous sa dictée, et que je vais reproduire, à titre de renseignement Livre des Douze Chapitres d’Ostanès le Sage sur la Science de la Pierre illustre. Introduction. — Au nom de Dieu, etc., le sage Ostanès dit: « ceci est l’interprétation du livre du Contenant, dans lequel on trouve la science de l’œuvre, sa composition et sa dissolution, sa synthèse et son analyse, sa distillation et sa sublimation, sa combustion et sa cuisson, sa pulvérisation et son extraction, son grillage, son blanchiment et son noircissement, l’opération qui la rend rouge, sa fabrication avec des éléments provenant des règnes minéral, végétal, animal, et la constitution de l’or philosophique, lequel est le prix du monde ainsi que l’acide et la composition du sel et le dégagement de l’esprit; la synthèse des mercures et l’analyse des soufres, et tout ce qui se rapporte à la méthode de l’œuvre ». Avant l’introduction, il est dit que l’ouvrage a été traduit du pehlvi, du grec, etc., etc., et le traducteur prétendu ajoute: « La première partie renferme: un chapitre sur la description de la pierre philosophique et un chapitre sur la description de l’eau; — sur les préparations; — sur les animaux. « La seconde partie renferme un chapitre sur les plantes; — sur les tem-p217 péraments; — sur les esprits; — sur les sels; — un chapitre sur les pierres; — sur les poids; — sur les préparations; — sur les signes secrets. « J’ai donné, ces choses, dit-il, d’après les paroles d’Ostanès le Sage et j’ai ajouté à la fin deux chapitres, d’après les paroles d’Hercule (Héraclius) le Romain, les paroles d’Abu-Alid l’Indien, les paroles d’Aristote l’Égyptien, les paroles d’Hermès, les paroles d’Hippocrate, et les paroles de Géber, et les paroles de l’auteur d’Emèse. » Ailleurs, il cite Aristote comme son contemporain: « j’ai entendu Aristote dire... » Il cite aussi Platon (fol. 34), Galien (fol. 19 verso), Romanus (fol. 17 verso et 23 verso), les livres des anciens en langue grecque (fol. 14 verso), Abubekr,[17] alchimiste arabe du ive siècle de l’Hégire (fol. 23 verso), Djamhour, autre alchimiste arabe (fol. 3). La personne qui me traduisait ces pages n’a pas retrouvé dans le manuscrit les chapitres techniques annoncés plus haut et qui auraient offert beaucoup d’intérêt. Voici seulement quelques extraits, qu’elle a eu l’obligeance de me dicter: « 1er Chapitre: Sur la description de la pierre, tirée du livre du Contenant;[18] le sage dit: « La première chose qu’il faut chercher, c’est la connaissance de la pierre qui fut recherchée par les anciens, et dont ils acquirent le secret avec le tranchant du sabre. Et il leur fut interdit de la nommer, ou s’ils la mentionnaient nominativement, c’est par un nom vulgaire. Et ils conservaient le secret jusqu’à ce qu’ils pussent le révéler aux âmes pures. » Et plus loin: « La pierre, on l’a décrite en disant qu’elle est l’eau courante, l’eau éternelle; — qu’elle est le feu ardent, le feu glacé, la terre morte, la pierre dure, la pierre douce;— c’est l’esclave fugitif; le stable et le rapide; la chose qui fait, celle qui est faite; celle qui lutte contre le feu, celle qui tue parle feu celui qui a été tué injustement, qui a été pris de force; l’objet précieux, l’objet sans valeur; la plus haute magnificence, la plus basse abjection; il exalte celui qui le cannait; il illustre celui qui s’y applique; il dédaigne p218 celui qui l’ignore; il abaisse celui qui ne le connait pas; il est proclamé chaque jour par toute la terre. O vous, cherchez-moi, prenez-moi — et faites-moi mourir, puis après m’avoir tué, brûlez-moi: après tout cela, je ressuscite et j’enrichis celui qui m’a, tué et qui m’a brûlé. S’il m’approche vivant du feu, je le rends glacé. Si l’on me sublime entièrement et qu’on me lie fortement, je retiens alors la vie dans mes convulsions extrêmes et par Dieu je ne m’arrête que lorsque je suis saturé du poison qui doit me tuer. » « Je t’ai montré ces sources (de la connaissance) en principe et non pas ta fait... Et je n’ai rien caché, Dieu m’en est témoin... Je l’ai posée d’une façon exacte dans le but. — Il ne faut pas que tu le dépasses… » Ce langage mystique et déclamatoire rappelle à la fois Zosime et les vieux alchimistes arabes du moyen âge, cités dans Vincent de Beauvais. Au folio 62 on lit un second ouvrage, attribué aussi à Ostanès. En voici un extrait: « Le sage Ostanès dit en réfléchissant et en regardant cette œuvre: L’amour de cette œuvre est entré dans mon cœur et en même temps le souci a pénétré en moi, de sorte que le sommeil a fui mes yeux et j’ai perdu le boire et le manger: par là mon corps s’est affaibli et j’ai changé de couleur. Lorsque je vis cela, je m’adonnai à la prière et au jeûne. » « Il a prié Dieu, et il a vu, étant couché, une apparition qui lui dit: Lève-toi et elle le conduisit à un lieu où il vit sept portes. Mon guide me dit: ce sont les trésors de ce monde que tu recherches. Je lui dis: Donne moi la faculté d’y pénétrer — Il répondit: il faut l’aile de l’aigle et la queue du serpent ». « Il vit plusieurs tablettes: sur l’une était écrit ce qui suit. C’était un livre persan, plein de science, où il était dit: l’Égypte est une contrée tout à fait privilégiée. Dieu lui a donné la sagesse et la science en toute chose. Quant à la Perse, les habitants de l’Égypte et des autres contrées lui sont redevables: rien ne réussit sans, son concours. Tous les philosophes ont été en Perse, etc. » Il est difficile de distinguer dans ces citations ce qui appartient en propre à l’auteur arabe et ce qui pourrait provenir d’une source grecque, plus ou moins éloignée. Mais le dernier morceau a une physionomie singulière; on y voit alors une apparition, conformément aux vieilles traditions magiques du persan Ostanès; l’éloge de la Perse semble pareillement l’indice p219 d’une antique tradition. On peut aussi rapprocher les paroles relatives à l’Egypte, de celles qui concernent la terre de l’Ethiopie dans le dialogue grec de Comarius Ideler, t. II, p. 253, lig. 11), dialogue où Ostanès est également cité (même ouvrage, II, p. 248, lig. 27). VII. — SUR QUELQUES MÉTAUX ET MINÉRAUX PROVENANT DE L’ANTIQUE CHALDÉEEn poursuivant mes études sur les origines de l’Alchimie et sur les métaux antiques, j’ai eu occasion d’examiner diverses matières, provenant, les unes du palais de Sargon, à Khorsabad, les autres des fouilles de Tello par M. de Sarzec. C’est grâce à l’extrême obligeance de notre confrère, M. Heuzey, conservateur au musée du Louvre, que j’ai pu étudier les échantillons, tirés des précieuses collections de notre grand Musée national. Je vais présenter les résultats de mes analyses, et j’exposerai ensuite divers documents nouveaux ou peu connus, relatifs à l’origine de l’étain employé par les anciens dans la fabrication du bronze. Commençons par les objets provenant de Khorsabad. Dans le cours de ses fouilles, en 1854, M. Place découvrit, sous l’une des pierres angulaires du palais de Sargon, un coffre de pierre contenant des tablettes votives, couvertes d’inscriptions cunéiformes très nettes, destinées à rappeler La fondation de l’édifice (706 av. J.-C.). D’après M. Place, ces tablettes auraient été au nombre de cinq; mais les inscriptions indiquent formellement qu’il y en avait sept, désignées nominativement. Quatre seulement de ces tablettes se trouvent aujourd’hui au musée du Louvre. Les trois autres sont perdues. Les quatre tablettes qui restent portent des inscriptions longues et détaillées. M. Oppert a publié la traduction de trois d’entre elles, dans l’ouvrage intitulé: Ninive et l’Assyrie, par V. Place (t. II, p. 303; 1870). Le sens en est à peu près le même pour les trois et il se rapporte à la construction du palais. D’après cette traduction, les tablettes étaient en or, argent, cuivre, en deux autres corps dont les noms ont été identifiés avec le plomb et l’étain, ce dernier plus douteux, d’après M. Oppert: p220 enfin en deux derniers corps portant le déterminatif des pierres employées comme matériaux de construction, et qui sont regardés comme du marbre et de l’albâtre. Malheureusement chaque tablette ne contient pas à part le nom de la matière dont elle est faite. J’ai examiné les quatre tablettes actuellement existantes au Louvre. Elles sont rectangulaires et épaisses de plusieurs millimètres. La lame d’or est la plus petite; elle se reconnaît aisément, quoiqu’elle ait perdu son éclat. Elle pèse environ 167g. Elle a été façonnée au marteau. Le métal n’est pas allié avec un autre en proportion notable. La lame d’argent est également pure, ou à peu près. Elle est légèrement noircie à la surface, en raison de la formation d’un sulfure, comme il arrive à l’argent exposé pendant longtemps aux agents atmosphériques. Elle pèse environ 435g. Je donne ces poids à titre de renseignements, sans préjuger la question de savoir s’ils répondaient aux valeurs relatives des métaux à l’époque de la fondation du palais. On sait que le rapport de valeur de l’or à l’argent s varié beaucoup suivant les temps et les lieux. La lame réputée de cuivre est profondément altérée et en partie exfoliée par l’oxydation. Elle pèse, dans son état présent, environ 952g. Ceci joint à la densité du métal, moindre que celle de l’or et de l’argent, suffit pour montrer que les dimensions en sont beaucoup plus considérables que celles des deux autres. La couleur en est rouge foncé, déterminée surtout par la présence du protoxyde de cuivre. Cependant ce n’est pas du cuivre pur, mais du bronze. En effet, un échantillon prélevé à la lime sur les bords renfermait, d’après l’analyse: Étain 10,04; Cuivre 85,25; Oxygène, etc. 4,71 100,00 Il n’y a ni plomb, ni zinc ou autre métal en quantité notable. La proportion de l’étain répond à celle d’un bronze jaune d’or; mais la présence du protoxyde de cuivre a altéré la couleur. Cette composition se retrouve d’ailleurs dans un grand nombre de bronzes antiques. Je citerai seulement un miroir égyptien, datant du xviie ou du xviiie siècle avant notre ère, et que p221 j’ai analysé autrefois pour M. Manette. Il renfermait 9 parties d’étain et 91 de cuivre. La quatrième tablette est la plus intéressante de toutes, à cause de sa composition. Elle pèse environ 185g. Elle est constituée par une matière d’un blanc éclatant, opaque, compacte, dure, taillée et polie avec soin. Elle a été réputée jusqu’ici formée par un oxyde métallique et désignée même à l’origine sous le nom de tablette d’antimoine, d’autres disent d’étain; d’après l’opinion qu’elle aurait été fabriquée autrefois avec un métal que le temps aurait peu à peu oxydé. Cependant, ni l’antimoine ni l’étain ne possèdent la propriété de s’altérer de cette façon, surtout lorsqu’ils sont contenus dans un coffre de pierre. Tout au plus le plomb ou le zinc sont-ils susceptibles de se changer en oxyde, ou en carbonate, dans un milieu humide; mais alors ils se désagrègent et tombent en poussière, tandis que la tablette est parfaitement compacte et couverte d’une inscription très fine et d’une extrême netteté. Sa nature réelle constituait donc une véritable énigme. Pour l’examiner de plus près, nous avons d’abord pratiqué avec précaution un sondage, et constaté qu’il n’existait pas de feuille de métal centrale dans l’épaisseur de la tablette. L’analyse chimique a indiqué ensuite que la matière de la tablette est du carbonate de magnésie pur et cristallisé, substance bien plus résistante aux acides étendus et aux agents atmosphériques que le carbonate de chaux. Le poli de cette tablette paraît avoir été complété à l’aide d’une trace presque insensible de matière grasse, laquelle se manifeste par calcination. Observons ici que notre magnésie et ses sels étaient inconnus dans l’antiquité et au moyen âge, le nom de magnésie ayant eu autrefois des sens très différents, multiples d’ailleurs.[19] Dans Pline, ce mot désigne divers minéraux noirs, blancs, ou roux, provenant des villes et provinces du même nom: en particulier la pierre d’aimant ou pierre magnétique (qui en a conservé la dénomination); un minéral qui parait être notre oxyde de manganèse (autre transformation du même nom); enfin les pyrites de fer, de cuivre, peut-être d’étain et de plomb. Par extension, le nom de magnésie fut ensuite appliqué aux p222 produits successifs: oxydes et même alliages, provenant du grillage et du traitement de ces diverses pyrites. Le sens du mot a changé encore chez les Alchimistes, qui l’ont étendu à certains alliages et amalgames, parfois argentifères. C’est seulement vers le xviii siècle qu’il a été donné aux mélanges de sulfate et de carbonate de chaux, renfermant souvent des sels de magnésie; et finalement au carbonate précipité du sel d’Epsom: dernière attribution qui a conduit le mot magnésie à sa signification actuelle. Quoi qu’il en soit, le carbonate de magnésie pur et cristallisé est un mineral fort rare, que Haûy ne connaissait pas encore au commencement de ce siècle. Son association intime avec le carbonate de chaux engendre la dolomie, roche au contraire fort répandue. On rencontre surtout le carbonate de magnésie proprement dit, en veines intercalées dans les schistes talqueux, serpentines et autres silicates magnésiens; il résulte de la décomposition lente de ces schistes par les agents naturels. La matière de la tablette du palais de Sargon renferme en effet quelques traces de silice, qui trahissent la même origine. Le choix d’un minéral aussi exceptionnel, pour fabriquer une tablette sacrée, n’a pas dû être fait au hasard: il répondait sans doute à quelque idée religieuse particulière. En tous cas, il prouve que les Assyriens connaissaient le carbonate de magnésie comme une substance propre. A quel mot répondait réellement cette tablette dans l’inscription, où elle paraît figurer sous l’un des noms réputés jusqu’ici métalliques? Malgré l’absence d’une dénomination spéciale sur cette tablette, M. Oppert a bien voulu me dire qu’elle était désignée par le mot a-bar, pris auparavant pour celui de l’étain. Il m’a semblé utile, pour tacher d’obtenir quelque lumière nouvelle à cet égard, d’analyser la matière même avec laquelle sont construits les grands taureaux du musée du Louvre et de rechercher surtout si elle contiendrait de la dolomie. Mais j’ai vérifié que c’est du carbonate de chaux cristallisé, présentant la constitution physique soit du marbre, soit plutôt de cette variété de calcaire, confondue autrefois sous le nom d’albâtre avec le sulfate de chaux anhydre. Il ne m’appartient pas de discuter davantage la question philologique de la vraie dénomination de ces matières (v. ce volume, p. 80). Pendant que j’étudiais les tablettes de Khorsabad, M. Heuzey appela mon p223 attention sur certains objets métalliques, provenant des fouilles faites à Tello par M. de Sarzec: c’étaient un fragment d’un vase et une figurine votive. Le fragment représente une portion d’un cordon circulaire cylindrique, de 7 à 8 mm de diamètre, qui formait l’orifice d’un vase moulé, préparé par fusion et coulage. On voit encore une partie de la gorge qui séparait ce cordon du corps du vase proprement dit. La forme en est très simple et sans aucuns linéaments délicats, ni inscription. La surface est couverte d’une très légère patine, d’un noir jaunâtre. La masse est formée par un métal brillant, noir, dont la cassure présente des cristaux volumineux et miroitants. La matière même est très dure, mais fragile. D’après l’analyse, elle est constituée par de l’antimoine métallique, sensiblement pur et ne renfermant à dose notable ni cuivre, ni plomb, ni bismuth, ni zinc, mais seulement quelques traces de fer. La patine paraît être un oxysulfure, formé par l’action des traces d’hydrogène sulfuré qui existent dans l’atmosphère. L’existence d’un fragment brisé de vase moulé en antimoine pur a quelque chose de singulier; car l’industrie actuelle n’emploie pas ce métal pur à un semblable usage, quoiqu’elle se serve fréquemment de ses alliages, et je n’ai vu aucun autre exemple analogue dans les ustensiles, soit du temps présent, soit des temps passés. Cependant on m’avait affirmé que les Japonais l’emploient dans leurs fabrications et l’on m’a même remis un petit dauphin ailé, réputé constitué par de l’antimoine. Mais l’analyse exacte de ce dauphin a montré qu’il contenait du zinc et divers métaux associés (étain, bismuth, fer), mais qu’il était loin d’être formé par l’antimoine pur. Si l’antimoine pur a été réellement employé par les Japonais, ce dont je doute, il y aurait là un rapprochement singulier avec les antiques industries chaldéennes. C’est d’ailleurs une circonstance extrêmement curieuse que la trouvaille authentique d’un tel fragment travaillé d’antimoine, faite à Tello, lieu demeuré inhabité depuis le temps des Parthes, et qui renferme les débris de la plus vieille civilisation chaldéenne. L’antimoine, en effet, est réputé ne pas avoir été connu des anciens et avoir été découvert seulement vers le xve siècle. Cependant on doit observer que les anciens connaissaient parfaitement notre sulfure d’antimoine, minéral naturel auquel ils donnaient p224 le nom de stibium ou stimmi et qu’ils employaient à de nombreux usages, particulièrement en Médecine. Il existe même dans Dioscoride un passage reproduit par Pline et dont je crois pouvoir conclure que l’antimoine métallique avait déjà été obtenu à cette époque. On lit en effet dans Dioscoride (Matière médicale, liv. V, ch. xcix): On brûle ce minéral en le posant sur des charbons et en soufflant jusqu’à incandescence; si l’on prolonge le grillage, il se change en plomb (πολυβδοῦται) ». Pline dit de même (Histoire naturelle, liv. XXXIII, chap. xxxiv): Il faut surtout le brûler avec précaution, pour ne pas le changer en plomb (ne plumbum fiat) ». Ces observations répondent à des phénomènes bien connus des chimistes. En effet, le grillage ménagé du sulfure d’antimoine, surtout en présence du charbon, peut aisément le ramener à l’état d’antimoine fusible et métallique, substance que Pline et ses contemporains confondaient, au même titre que tous les métaux noirs et facilement fusibles, avec le plomb. L’existence du vase de Tello prouve que l’on avait également en Mésopotamie, et dès une époque probablement beaucoup plus ancienne, essayé de préparer des vases moulés avec cette prétendue variété de plomb, moins altérable que le plomb ordinaire. Depuis la première publication de ces analyses, j’ai reçu une lettre de M. R. Virchow, qui m’annonce avoir imprimé, dans le Bulletin de la Société anthropologique de Berlin,[20] une Note sur de petits ornements en antimoine, trouvés dans une ancienne nécropole transcaucasienne (Redkin-Lager), datant probablement du temps de la première introduction du fer. C’est là un autre exemple de l’antique connaissance de l’antimoine. La figurine métallique votive de Tello donne lieu à des observations non moins intéressantes. Elle représente un personnage divin, agenouillé, tenant une sorte de pointe ou cône métallique. Elle porte le nom gravé de Goudéah, c’est-à-dire qu’elle répond à l’époque la plus ancienne à laquelle appartiennent les objets trouvés jusqu’ici en Mésopotamie. M. Oppert lui attribuerait une antiquité de quatre mille ans avant notre ère. Nous nous trouvons ainsi reportés aux temps les plus reculés de la métallurgie histo-p225rique.[21] Cette figurine est recouverte d’une épaisse patine verte. Au-dessous de la patine se trouve une couche rouge, constituée par le métal, profondément altéré et oxydé dans la majeure partie de son épaisseur. Puis vient un noyau métallique rouge, qui offre l’apparence et la ténacité du cuivre proprement dit: c’est le dernier reste du métal primitif, progressivement détruit par les actions naturelles. J’ai analysé ces différentes parties. La patine verte superficielle est un mélange de carbonate de cuivre et d’oxychlorure de cuivre hydraté. Ce dernier composé est bien connu des minéralogistes sous le nom d’atakamite. Il résulte de l’altération du métal par les eaux saumâtres, avec lesquelles la figurine s’est trouvée en contact pendant la suite des temps. La couche moyenne est du protoxyde de cuivre à peu près pur, ne renfermant ni étain, ni antimoine, ni plomb ou métal analogue, ni zinc, à dose notable; elle résulte d’une altération lente du cuivre métallique. Enfin le noyau est constitué par du cuivre métallique, très sensiblement pur. L’absence de tout métal autre que le cuivre dans cette figurine mérite d’être notée; car les objets de ce genre sont d’ordinaire fabriqués avec du bronze, alliage d’étain et de cuivre, plus dur et plus facile à travailler que ses composants. L’absence même de l’étain dans le cuivre de Tello pourrait offrir une signification historique toute particulière. En effet, l’étain est bien moins répandu que le cuivre à la surface de la terre et son transport a toujours été, dans l’antiquité comme de nos jours, l’objet d’un commerce spécial. En Asie notamment, on n’avait, jusqu’à ces derniers temps, signalé d’autres gites d’étain un peu abondants que ceux des îles de la Sonde et des provinces méridionales de la Chine. Le transport de cet étain vers l’Asie occidentale se faisait autrefois par mer, jusqu’au golfe Persique et à la mer Rouge, au moyen d’une navigation longue et pénible; et il était transmis de là sur les côtes de la Méditerranée, où il venait faire concurrence à l’étain des îles anglaises (îles Cassitérides), transporté soit p226 à travers la Gaule, soit par le détroit de Gadès; ainsi qu’à celui des gîtes moins abondants de la Gaule centrale,[22] où l’étamage du cuivre fut d’abord pratiqué;[23] enfin à l’étain des gîtes de la Thrace, peut-être aussi à celui de la Saxe et de la Bohème, et autres provenances locales, répondant à des gîtes peu abondants, mais dont la connaissance par les anciens est incertaine. L’importance de ces gîtes locaux a été spécialement discutée dans l’ouvrage de M. A. B. Meyer sur des fouilles en Carinthie, intitulé: Gurina in Obergailthales (Kärinthen) 1885 (p. 65 et suivantes); ouvrage que l’auteur a bien voulu m’adresser. Elle mérite d’autant plus notre attention que des voyages aussi longs et aussi pénibles, des navigations si difficiles n’ont dû s’établir qu’après bien des siècles de civilisation. Les Phéniciens, venus autrefois des bords du golfe de Persique à ceux de la Méditerranée, paraissent avoir té les premiers promoteurs de cette navigation, du moins en Occident (Strabon, liv. III, chap. V, ix). En fait, j’ai eu connaissance récemment de deux documents, qui sont de nature à fixer une origine moins lointaine à l’étain des bronzes de l’Assyrie et de l’Égypte.[24] En effet, d’après une Note publiée par M. G. Bapst, dans les Comptes rendus de l’Académie des inscriptions (1886), un voyageur russe, M. Ogorodnikoff, aurait appris des habitants de Meched qu’il existait, à 120 kilomètres de cette ville et dans divers points du Khorassan,[25] des mines d’étain, actuellement en exploitation. Ces renseignements sont regardés par l’auteur comme sujets à caution, en raison de l’incertitude de témoignages de cet ordre, purement oraux et fournis par des Tatars. Cependant, circonstance remarquable, ils se trouvent en certain accord avec un passage de Strabon, que m’a indiqué M. P. Tannery. Strabon signale en effet (liv. XV, chap. II, 10) des mines d’étain dans la Drangiane, région qui répond au sud du Khorassan, au-dessous d’Hérat, vers p227 les limites occidentales de notre Afghanistan. Mais le transport de l’étain de ce point jusqu’à la Chaldée aurait encore exigé un voyage par terre, de longue durée, à travers des régions où les modernes eux-mêmes ne parviennent que bien difficilement. A la vérité, les métaux usuels, et leurs alliages semblent avoir été transportés autrefois à travers le monde par des fondeurs nomades, analogues aux Tziganes et qui passaient partout. La principale difficulté que l’on puisse objecter à ces petits gîtes et à ces transports individuels d’étain, c’est l’abondance et la diffusion universelle des armes de bronze, pendant de longs siècles. Les hypothèses précédentes ne semblent pas répondre aux besoins d’une fabrication aussi prolongée, aussi générale et aussi considérable. Pour y satisfaire, il a dû exister des transports réguliers de masses d’étain, venant de mines abondantes et inépuisables. Si l’étain est rare dans le monde, il n’en est pas de même du cuivre. Les minerais de cuivre se trouvent sur un grand nombre de points. Les mines du Sinaï, pour ne pas en citer de plus lointaines, sont célèbres dans la vieille Egypte. L’extraction du cuivre métallique à l’aide de ses minerais est d’ailleurs facile. En raison de ces circonstances, plusieurs archéologues ont supposé qu’un âge du cuivre pur, c’est-à-dire un âge ou l’on fabriquait avec ce métal les armes et les ustensiles, avait dû précéder l’âge du bronze. Le bronze, plus dur et plus résistant, aurait ensuite remplacé le cuivre, dès qu’il fut découvert. Pour juger de cette hypothèse et pour établir la date à laquelle ont commencé ces transports lointains et cette vieille navigation, il serait nécessaire de posséder l’analyse des objets les plus anciens qui aient une date certaine, parmi les débris de l’antiquité venus jusqu’à nous. Or le bronze à base d’étain existait déjà en Egypte, près de deux mille ans avant notre ère, d’après les analyses de ce genre (v. p. 220). L’analyse de la figurine de Tello semble indiquer, au contraire, que l’étain n’était pas encore connu, à l’époque reculée de la fabrication de cet objet, l’étain n’arrivant pas alors jusqu’au golfe Persique. Ce n’est là d’ailleurs qu’une induction, quelque circonstance religieuse ou autre ayant pu déterminer l’emploi exclusif du cuivre dans cette figurine: il faudrait examiner des objets plus nombreux et plus variés pour ar-p228river à cet égard à une certitude. Mais il m’a paru intéressant de signaler les problèmes d’ordre général soulevés par l’analyse des métaux de Tello. VIII. — NOTICES DE MINÉRALOGIE, DE MÉTALLURGIE ET DIVERSESDurant le cours de mes recherches sur les Alchimistes, j’ai recueilli dans les auteurs anciens et dans ceux du moyen âge, un grand nombre de renseignements intéressants sur la minéralogie et sur la métallurgie des anciens; renseignements qui n’ont pu trouver une place suffisante dans les articles de l’Introduction, ou dans les notes de la Traduction. C’est pourquoi il m’a semblé utile de les reproduire ici dans un article spécial, lequel ne sera pas, je l’espère, sans quelque fruit pour les personnes qui étudieront le présent ouvrage. J’en donne d’abord, pour plus de clarté, la liste alphabétique; puis viendront les notices elles-mêmes. LISTE ALPHABÉTIQUE DES NOTICES AES, AIRAIN, Bronze, CUIVRE, χαλκός et dérivés. — Aerugo, viride œris, œruca — rubigo — Ἰὸς χαλκοῦ. Ἰὸν ξυστόν — scolex — Flos, ἄνθος χαλκοῦ — œs ustum χαλκός κεκαθμένος — scoria, lepis — squama — stomoma — smegma, — diphryges — fœx œris — craie verte, théodotion. AÉTITE, pierre d’aigle. ALCHIMISTES GRECS (tradition au moyen âge.) ALPHABETS et écritures hermétiques. ALUN, στυπτερία. AMMONIAC (sel). ANTIMOINE (sulfuré), στίμμι, larbason, alabastrum — soufre noir — antimoine brûlé, — métallique, — blanc, — rouge. ARSENIC (sulfuré) — jaune, orpiment — rouge, sandaraque, réalgar; Kermès minéral — métallique — second mercure — l’hermaphrodite. CADMIE — naturelle (minerais de cuivre et de laiton) — artificielle, ou des fourneaux — ses espèces: capnitis, pompholyx; botruitis, placitis, zonitis, onychitis, ostracitis— cathmia — nihil album — spodos, lauriotis — antispode — tutie — magnésie. CHALCANTHON — couperose — vitriol — sens multiples — Misy, sory — colcothar — melanteria. CHALCITIS. CHAUX, ἄσβεστος; — titanos — gypse. CHRYSOCOLLE — œrugo — santerna — soudure des orfèvres — sens mul-p229tiples. — Malachite — Azurite — armenium — sens actuel. CHRYSOLITHE — moderne, ancienne. CINABRE. CLAUDIANOS. CLEFS (les) de l’art. COBALT, cobathia, kobold. COUPHOLITHE, talc et analogues. ÉLÉMENTS ACTIFS. ESPRITS, Πνεύματα —Corps et âmes; sens de ces mots. — Les esprits: mercure, sel ammoniac, soufre, arsenic, marcassite, magnésie, tutie, wismath — explication de ces mots. ÉTAIN —κασσίτερος—stannum — plomb blanc. ÉTYMOLOGIES CHIMIQUES DOUBLES· asèm, chimie, sel ammoniac. FER et dérivés — basalte — rubigo ou ferrugo, ἰός, rouille — squama — scorie — sideritis — aimant, magnes ou pierre magnétique, — ferrum vivum — hématite — pierre schisteuse — ocres — pyrites — chalcopyrite. FEU (vertus). FIGURES GEOMETRIQUES des saveurs et des odeurs. FIXATION du mercure et des métaux. GAGATES (jais), — pierre de Memphis — asphalte. Ἰός, virus. — Ἰωσις, plusieurs sens. MAGNESIE — sens multiples — pierre d’aimant — minerai du molybdochalque —sulfures, oxydes, alliages et amalgames divers — magnésie noire — magnésie calcaire, — sens moderne. MARCASSITES. MASSA. MERCURE, Argentum vivum et hydrargyrum — sa sublimation dans l’ambix — αἱτάλη. — Anecdote d’Aristote — idées et synonymes alchimiques — dialogue de l’or avec le mercure. MÉTAUX — Génération d’après Aristote — d’après les Arabes et les alchimistes — odeur des métaux. MINIUM, RUBRIQUE ou matière rouge— μίλτος —oxydes de fer (sanguine, ocre brûlée, hématite), de plomb, de mercure, de cuivre—sulfures métalliques — sinopis, — terre de Lemnos — minium, sens multiples — fausse sandaraque —cinabre — Sandyx, sericum — découverte de Callias — couleurs bleues cœruleum ; armenium — couleurs vertes: chrysocolle, verdet — couleurs jaunes — ocre — sil, etc. NITRUM — natron — spuma nitri, ἁφρὸς νίτρου. OPÉRΑTIΟNS ALCHIMIQUES. OR — coupellation par le soufre d’antimoine (loup des métaux, bain du roi, etc.). PAROS ET PORUS. PLOMB et dérivés— plomb noir et plomb blanc — stannum — galène — plomb lavé — plomb brûlé — scorie — spode — pierre plombeuse — molybdène — scorie d’argent — helcysma — encauma — litharge — chrysitis — argyritis — écume d’argent — céruse — minium. PSEUDARGYRE. SAMOS (pierre de). SÉLÉNITE, aphrosélinon. SEL — fossile — de Cappadoce — factice. — lanugo — muria, saumure —flos —favilla. SOUFRE — apyre. TERRES DIVERSES. TREMPE et TEINTURE — Βαφή. TUTIE. p230 Aes. Airain, Bronze, Cuivre, χαλκὸς. Ce mot était employé pour représenter à la fois le cuivre pur et les alliages très divers qu’il forme par son association avec l’étain, le zinc, le plomb, le nickel, l’arsenic et divers autres métaux; c’est-à-dire les bronzes et les laitons des modernes. Le mot cuivre, même de nos jours, est parfois usité dans un sens aussi compréhensif: cuivre rouge, cuivre jaune, cuivre blanc, etc.; tandis que le mot airain, dans la langue de nos orfèvres, a fini par désigner un alliage particulier, formé de 9 parties de cuivre et 3 de zinc. Mais le sens ancien du mot airain était synonyme de celui du cuivre. Le nom même du cuivre vient d’une épithète appliquée à l’airain de Chypre (Κύπριος); notre cuivre pur n’était pas désigné par un mot unique chez les anciens peuples, pas plus chez les Orientaux, que chez les Grecs, ou chez les Romains; du moins jusqu’au in’ siècle de notre ère, époque où apparaît le mot cuprum. Insistons sur ce point que ni les Grecs, ni les anciens Romains n’ont employé deux mots distincts et spécifiques pour le cuivre et le bronze, et que l’on ne doit pas chercher deux noms de ce genre chez les vieux Orientaux. Le mot œs, airain, s’appliquait indifféremment au cuivre et à ses alliages avec l’étain, le plomb, le zinc. Pour bien comprendre les textes anciens, il convient d’écarter de notre esprit les définitions précises, acquises par la chimie de notre temps; car les corps simples n’ont, à première vue, aucun caractère spécifique qui les distingue de leurs composés. Personne dans l’antiquité n’a regardé le cuivre rouge comme un élément qu’il fallût isoler, avant de l’associer aux autres. Les anciens, je le répète, n’ont pas conçu ces alliages comme nous, en les ramenant à l’association de deux ou trois métaux élémentaires, tels que notre cuivre, notre étain, notre plomb, métaux élémentaires que nous fondons ensemble pour obtenir les bronzes et les laitons. Mais ils opéraient surtout sur les minerais de ces métaux, plus ou moins purs, minerais appelés cadmies, ou chalcites; ils les mélangeaient, avant d’opérer la fabrication et la fonte du métal proprement dit; parfois, quoique plus rarement, ils unissaient entre eux les alliages et métaux obtenus du premier jet. Tout métal et alliage rouge ou jaune, altérable au feu, s’appelait χαλκός ou œs; tout métal et alliage blanc, fusible et altérable au feu, s’appelait à l’ori-p231gine plomb. Plus tard on distingua deux variétés: le plomb noir, qui comprenait notre plomb et plus rarement, notre antimoine, etc.; et le plomb blanc, qui comprenait notre étain et certains alliages de plomb et d’argent. Quant au ou œs, on en distinguait les variétés d’après le lieu de provenance:[26] cuivre de Délos, d’Égine, de Chypre, de Syracuse, de Cordoue; ou d’après le nom du propriétaire de la mine: cuivre Sallustien, Marien, Livien;[27] sans que l’on attachât à l’une de ces variétés, le caractère d’un métal plus simple, plus élémentaire que les autres. Les seules distinctions précises que nous lisions dans les auteurs anciens sont celles de l’orichalque, et de l’airain de Corinthe. L’orichalque, mot dont l’étymologie est inconnue, est regardée par Hésiode et par Piston comme un métal précieux.[28] D’après Pline, sa découverte fit tomber le cuivre de Chypre en discrédit; mais le minerai qui le fournissait s’épuisa. Le cuivre Marien en approchait, et était employé de préférence pour les monnaies les plus chères, telles que les sesterces et les doubles as; le cuivre de Chypre étant réservé pour les monnaies plus viles, telles que les as. On sait ailleurs que la valeur de l’orichalque a été double à une certaine époque de celle du cuivre ordinaire: c’était sans doute quelque bronze plus beau et plus résistant. Quant à l’airain de Corinthe, c’était un alliage du a)xiç avec l’argent et l’or. On distinguait trois variétés: la blanche, où l’argent dominait; la jaune, où l’or dominait; et une troisième, formée à parties égales avec les trois métaux; il y avait encore une variété de couleur hépatique. L’airain avait des dérivés assez nombreux, que nous allons énumérer et définir d’après les textes. Ajoutons que la distinction absolue de ces dérivés entre eux ne paraît pas possible en toute rigueur, parce que leur identification avec les composés définis de la chimie actuelle ne peut être qu’imparfaite, nos composés n’ayant été ni isolés, ni spécifiés par les anciens. AErugo; parfois rubigo, viride œris AEruca. Ἰὸς χαλκοῦ. Ἰὸν ξυστόν — vert de gris — raclure de cuivre.[29] p232 Le mot œrugo désignait: 1° Des produits naturels formés dans les mines de cuivre, les uns par efflorescence; les autres par déliquescence, ou imbibition. Les produits étaient lavés, séchés, grillés dans un plat neuf. Aerugo fossilis était une matière congénère de la chalcitis (pyrite cuivreuse), du vitriol bleu et de la chrysocolle (malachite et autres sels basiques de cuivre, de couleur verte). Pour la soudure de l’or, les orfèvres opéraient avec de l’urine d’enfant impubère, broyée dans un mortier de cuivre (v. ce volume, p. 46); opération qui produisait un sel de cuivre basique, aux dépens du mortier. 2° Des produits factices et spécialement le verdet (acétate de cuivre basique), substance dont Dioscoride et Pline décrivent la préparation au moyen des lames de cuivre et de la vapeur du vinaigre, ou bien du marc de raisin. Scolex: Ἰοῦ σκώληξ., rouille vermiculaire.[30] — Matière native et factice, congénère de la précédente. On la préparait avec du cuivre, ou l’un de ses minerais, associé avec du vinaigre, de l’alun, du sel, ou du natron; le mélange était exposé au soleil. Ces préparations pouvaient fournir, suivant la nature et la proportion des ingrédients, des acétates, sulfates, oxychlorures, carbonates basiques de cuivre. Aeris flos,[31] ἄνθος χαλκοῦ. Fleur de cuivre.[32] — Matière rejetée par le cuivre fondu, sous la forme d’écailles légères projetées par le vent du soufflet pendant la coulée. On l’obtenait aussi sous l’influence de l’eau, projetée à sa surface. On la définit encore: Paillette des vieux clous de cuivre; elle devient rouge sous le pilon. Ceci paraît être du protoxyde de cuivre, souillé sans doute par des oxydes de métaux étrangers. Le nom de flos œris a été appliqué plus tard au vert de gris. Ce corps, pas plus que les précédents, ne doit pas être identifié avec le κάλκανθον, couperose ou vitriol, qui est notre sulfate de cuivre. Mais les deux produits sont congénères et les deux noms ont été souvent confondus dans les manuscrits, confusion rendue plus facile par les abréviations des copistes. p233 Aes ustum,[33] κεκαυμένος χαλκός. — Cuivre brûlé. Pour le préparer, on chauffait du vieux cuivre avec du soufre et du sel, placés au-dessous et au-dessus, dans un vase de terre crue, à couvercle luté; ou bien, avec de l’alun, du soufre et du vinaigre. On l’obtenait encore cri chauffant le cuivre seul, pendant longtemps; ou bien parfois, en l’aspergeant de vinaigre de temps en temps. On lavait à l’eau de pluie, avec broyage et décantation, jusqu’à ce que le produit eût pris l’aspect du minium. On le fabriquait à Memphis et à Chypre. Ceci paraît répondre à notre protoxyde de cuivre. On sait aujourd’hui que ce corps peut être obtenu en chauffant, dans un vase fermé, parties de sulfate de cuivre sec et 29 parties de fil de cuivre. L’action de la chaleur sur l’œrugo fournissait le même produit. Scoria. —Obtenue par l’action de l’air sur le cuivre chauffé; corps congénère du précédent. Lepis, λεπίς. — Squama.[34] Matière détachée par le marteau des clous forgés avec les pains de cuivre de Chypre; congénère de la fleur, qui se détachait d’elle-même, et du stomoma, duvet plus fin que la lepis. Le stomoma s’obtenait aussi par la macération du cuivre dans l’urine d’enfant. Le vinaigre changeait la lepis en vert-de-gris. Ce sont encore là des sous-oxydes de cuivre, ou des sels basiques, tels que acétates, phosphates, sous-chlorures, etc. Smegma.[35] — Matière projetée par le vent du soufflet sur le cuivre fondu, entouré de charbons. Diphryges —fœx œris.[36] — « Le cuivre coule; la scorie sort du fourneau; la fleur surnage; le diphryge reste. C’est donc le résidu, qui n’a pas fondu pendant le traitement. Ce nom est aussi attribué à la pyrite grillée, jusqu’à transformation en matière rouge (peroxyde de fer ou sulfate basique); ainsi qu’au limon d’une caverne de Chypre, séché et calciné (c’était probablement un oxyde, ou un sel basique de fer hydraté). p234 La craie verte paraît être soit un hydrocarbonate de cuivre, soit de la cendre verte. La meilleure variété, nommée θεοδότιον, venait de Smyrne (Vitruve, l. VIII, chap. 7.) AETITE ou pierre d’aigle.[37] Variété géodique de fer hydroxydé, ou d’argile ferrugineuse, jaune ou rougeâtre, contenant un noyau mobile, qui résonne quand on agite la pierre. Cette pierre, grosse en apparence d’une pierre plus petite, était réputée par analogie avoir une influence sur les grossesses des femmes; préjugé qui s’est perpétué jusqu’à notre époque chez les gens ignorants. On pensait qu’elle était employée par les aigles dans la construction de leurs aires; de là le nom de pierre d’aigle. Le nom d’aétite semble avoir été employé pour toute géode renfermant un noyau mobile. Pline en distingue quatre espèces. On a même étendu le sens de ce mot aux pierres renfermant un liquide. D’après Solin (ch. XXXVII), le son produit par cette pierre était attribué à un esprit ou âme intérieure et Zoroastre regardait l’aétite comme ayant une grande puissance magique. On trouve un passage analogue dans les Alchimistes. Un aigle tenant une pierre exprimait la sécurité chez les Égyptiens, suivant Horapollon. ALCHIMISTES GRECS (tradition au moyen âge). Les noms et la tradition directe des Alchimistes grecs ne se retrouvent que peu ou point chez les Alchimistes latins, lesquels se rattachent eux-mêmes directement aux Arabes. Les noms de ces Grecs ne reparaissent pas d’une manière explicite et détaillée avant le xve siècle, époque où les manuscrits grecs se répandirent en Occident. Il n’en est que plus intéressant de signaler les quelques réminiscences qui s’y rapportent chez les latins du moyen âge. Quant aux Arabes, j’en ai signalé ailleurs la filiation immédiate avec les Grecs d’après le Kitab-al Fihrist;[38] et je donnerai plus loin certains autres souvenirs analogues, en parlant des alphabets hermétiques. Dans la Bibliotheca Chemica de Manget, t. II, il existe des planches indiquant la figure des divers philosophes alchimiques, d’après la tradition du moyen âge chaque figure est accompagnée par une sentence, à peu près p234 comme dans la Turba philosophorum. J’y relève les noms suivants: Hermès, Cléopâtre, reine d’Égypte, Anaxagore, Zamolxis, Michel Psellus, Marie l’Hébreuse, Démocrite le Grec, Pythagore, Platon, Hercule (c’est-à-dire Héraclius), roi sage et philosophe, Stephanus le philosophe chimique, Albert le Grand, une multitude d’Arabes, etc. La Turba philosophorum relate de même la plupart de ces noms, mais à ce qu’il semble, à travers une transmission arabe. Je n’insisterai pas sur Hermès, dont le nom est toujours resté étroitement lié aux spéculations de l’Alchimie et de l’astrologie. Mais les autres auteurs étaient moins connus. Dans le Traité De Mineralibus, attribué à Albert le Grand (l. III, traité I, ch. 4), on rencontre une mention de Démocrite l’alchimiste, d’après lequel la chaux et la lessive (lixivium ou aqua acuta) seraient la matière des métaux. Dans un autre passage, on lui attribue cette opinion que les pierres ont une âme, un principe intérieur de vie. Callisthène y est cité comme alchimiste. Rappelons aussi quelques indications tirées du traité de Théoctonicos, traduction grecque de l’ouvrage d’Alchimie attribué à Albert le Grand (ce volume, p. 209 et suiv.). Les Traités alchimiques du Pseudo-Aristote arabe, tels qu’on les connait par des traductions latines, me paraissent toucher de très près, sur certains points du moins, à la tradition des alchimistes grecs. — Donnons encore cette citation, tirée de la Bibl. Chem. de Manget, t. I, 917: « Le secret est dans le plomb, d’après Pythagore et Hermès, etc. ». ALPHABETS ET ECRITURES HERMÉTIQUES.Dans Zosime et dans Olympiodore, les inscriptions hiéroglyphiques sont regardées comme ayant un sens alchimique. Ces inscriptions étaient aussi réputées des talismans, destinés à protéger les trésors contenus dans les chambres des pyramides. Il semble même que la description de certaines opérations chimiques ait été réellement consignée sur des stèles:[39] mais c’était là une circonstance rare, car aucune de ces stèles n’a été retrouvée jusqu’à présent. Cette circonstance, généralisée par suite d’une hypothèse fort répandue, aurait donné lieu au préjugé précédent. Il a duré jusqu’à notre temps; en effet, d’après Sylvestre de Sacy, « les Orientaux regardent les p236 monuments Egyptiens comme destinés à des opérations alchimiques, magiques, etc.; ils appellent écritures hermétiques les hiéroglyphes, convaincus qu’ils renferment la révélation du secret de ces opérations ». (Sylvestre de Sacy, Magasin encyclopédique, p. 145; novembre 1819.) De là l’imagination des alphabets hermétiques, destinés à l’interprétation des écritures secrètes. On peut voir divers exemples de ces alphabets mystérieux dans un ouvrage intitulé: Anciens alphabets et caractères hiéroglyphiques, expliqués en arabe par Ahmed ben Abubekr ben Wahschijich, et en anglais, par J. Hammer, Londres, 1806. Ce livre, soi-disant trouvé au Caire, renferme 80 alphabets imaginaires, mais dont les noms mêmes indiquent la préoccupation de l’auteur et des lecteurs. Tels sont les alphabets des philosophes: Hermès, Platon, Pythagore, Asclépius, Socrate, Aristote, etc.; — de Ptolémée le grec; — de Hermès, père de Tat (Toth), qui a écrit sur le grand œuvre; — de Dioscoride, qui a écrit sur les herbes, les plantes, leurs vertus, etc.; — du sage Démocrite, lequel l’a reçu, dans un souterrain, du génie qui préside à la planète Mercure; — du sage Zosime l’Hébreu, écriture mystique pour les traités sur le grand œuvre — Le nom de Théosébie, congénère de Zosime, se trouve un peu plus loin. — On y rencontre encore les alphabets des anciens rois, parmi lesquels Kimas l’hermétique (le Chymès des textes Grecs); — les alphabets des sept planètes des douze constellations — une interprétation des hiéroglyphes, etc. Tous les signes de cet ouvrage ne représentent guère que des jeux d’esprit individuels; mais les noms propres auxquels ils sont attribués témoignent que le souvenir même des vieux alchimistes avait été conservé en Égypte par une certaine tradition. Nous avons signalé précédemment (p. 207) les alphabets magiques du manuscrit de Saint Marc (p. i56) et ceux du manuscrit 2419: ils ne portent aucun nom propre. La formule de l’Écrevisse dans Zosime (p. 152) se rattache de plus près à la tradition des symboles alchimiques. ALUN, στυπτηρία. Alumen.[40] p237 L’alun était employé comme fondant et purificateur des métaux. On distinguait, d’une part: l’alun blanc et l’alun noir, corps en réalité de teinte voisine du blanc, mais probablement ainsi nommé parce qu’il noircissait au contact de certains sucs végétaux, en raison de la présence de fer dans l’alun, et du tannin dans les sucs. Ces corps étaient employés pour purifier l’or. D’autre part, les auteurs indiquent: l’alun lamelleux (schiste), blanchâtre; — l’alun rond; — l’alun capillaire, appelé aussi schisteux, lequel peut être rapproché de notre alun de plume, efflorescence mêlée de sels de fer et d’alumine. L’alun liquide, solution de sulfate d’alumine plus ou moins pur, et l’alun calciné étaient aussi employés. Les alchimistes désignaient encore sous le nom d’alun, l’acide arsénieux, comme on peut le voir dans Olympiodore (ce volume, p. 67 et 68). Dans la Cyrénaïque, ce sel se trouve sous le sable, en longues aiguilles sans transparence d’après Pline (H. N., l. XXXI, 39). Cette indication rappelle un carbonate de soude fossile, et non notre chlorhydrate d’ammoniaque. Dioscoride (l. V, 125) nomme le sel ammoniac, en disant qu’il se distingue par un clivage facile et suivant des directions droites ce qui semble aussi le caractère d’un sel cubique, c’est-à-dire du sel gemme. Dans le Pseudo-Aristote (Manget, Bibliotheca Chemica, t. I, p. 648) il est dit que le sel ammoniac, chauffé sur une lame de métal, doit fondre sans répandre de fumée; ce qui répond au carbonate ou au chlorure de sodium, mais non au chlorhydrate d’ammoniaque. Cependant ailleurs le même auteur en indique la sublimation (Manget. I, 645): ce qui répond bien à notre chlorhydrate. Le mot de sel ammoniac a donc désigné deux substances très différentes. Le sens actuel du sel ammoniac sublimable est indiqué expressément dans ce passage d’Avicenne (xi’ siècle), cité par Vincent de Beauvais (Speculum majus, VIII, 60): Il ya quatre esprits (c’est-à-dire quatre corps sublimables), le soufre, l’arsenic, le sel ammoniac et le mercure. » On trouve déjà une indication analogue dans Geber (Summa perfectionis, l. I, ch. x, etc. Bibl. chemica de Manget, t. I, p. 525, 1ère colonne). La préparation même en est décrite dans l’ouvrage intitulé: Libri investigationis (p. 559 du t. I. de la p238 Bibliotheca de Manget), ouvrage attribué au même auteur. Le sel ammoniac véritable aurait donc été connu au ixe siècle. (Voir aussi le présent volume, p. 45, Note.) ANTIMOINE, στίμμι, stibi, larbason, chalcédoine; élément féminin (par opposition avec l’arsenic, élément masculin?). C’est notre sulfure d’antimoine, le soufre noir des alchimistes. D’après Dioscoride,[41] c’est un corps brillant, rayonné, fragile et exempt de parties terreuses. On le brûle en le recouvrant de farine; ou bien, en l’exposant sur des charbons allumés, jusqu’à ce qu’il rougisse (oxysulfure?). Si on prolonge, ajoute l’auteur, il prend les caractères du plomb (c’est-à-dire que l’antimoine métallique ou régule se produit). D’après Pline (H. N., l. XXXIII, 33), on l’appelle στίμμι, alabastrum, larbason mâle et femelle; il est blanc et brillant. S’il devenait ainsi blanc, c’est sans doute après un grillage qui l’avait changé en oxyde d’antimoine, corps confondu souvent chez les anciens chimistes avec notre minium blanchi par certains traitements. L’antimoine oxydé se trouve d’ailleurs dans la nature, ainsi que l’oxysulfure rouge (Kermès minéral). Ce dernier a du être pareillement confondu avec la sandaraque, le minium, la sanguine et le cinabre, substances que l’on trouve souvent prises les unes pour les autres. D’après Dioscoride,[42] ce corps est terreux et doré: c’est donc un sulfure d’arsenic (voir ce volume, p. 43); une autre variété est rougeâtre, d’après Pline (H. N., l. XXXIV, 56). C’est l’orpiment (voir aussi Vincent de Beauvais, VI.II, 69, 70). Le nom même de l’orpiment figure textuellement dans le texte grec de Théoctonicos, auteur du xiiie ou xive siècle (ce volume, p. 210). Sandaraque. — D’après Dioscoride (Mat. Méd., V, 121), c’est une matière rouge, brillante, couleur de cinabre (voir aussi Pline, H. N., l. XXXIV, 55; l. XXXV, 22). C’est le réalgar; peut-être, aussi dans certains cas, le Kermès minéral ou oxysulfure d’antimoine. Rappelons que le nom de sandaraque est appliqué aujourd’hui à une résine d’une composition toute différente, dérivée de la colophane, et que les anciens ne connaissaient pas sous ce nom. p239 Il a été employé aussi par les anciens pour le cinabre et pour le minium. Vitruve, notamment, indique la préparation de la sandaraque par la cuisson de la céruse au four. Notre arsenic métallique a été entrevu par les alchimistes, qui l’ont regardé comme un second mercure,[43] de nature analogue au vif argent, sublimable comme lui et communiquant pareillement sa volatilité à ses dérivés, spécialement aux sulfures. La sandaraque (réalgar) a été ainsi assimilée au cinabre. Le rapprochement entre le mercure et l’arsenic se complète à ce point de vue, si l’on remarque que l’arsenic blanchit le cuivre par sublimation, comme le fait le mercure, et qu’il attaque de même à chaud la plupart des métaux. L’arsenic est parfois appelé l’hermaphrodite, en tant que réputé intermédiaire entre l’or et l’argent et composé, comme eux, de soufre et de mercure.[44] Mais ce sens ne lui est pas propre. CADMIE.[45] Chez les anciens ce mot avait deux sens; il désignait: 1° Un produit naturel, tel que la pierre dont on tire le cuivre, ou plutôt le laiton: par exemple notre aurichalcite, carbonate de zinc et de cuivre; notre hydrosilicate de zinc, notre carbonate de zinc ou calamine, etc. 2° Un produit artificiel, sorte de fumée des métaux, soulevée dans les fourneaux de cuivre par l’action de la flamme et du soufflet. Ce produit adhérait aux parois, au sommet, et à l’orifice du fourneau, Le grillage de la pyrite des monts de Soli (Chypre) en fournissait aussi. Les fourneaux d’argent en développaient un autre plus blanc, moins pesant. On distinguait la capnitis, c’est-à-dire la cadmie plus tenue, recueillie à la bouche de sortie des gaz, laquelle doit être rapprochée du pompholyx; La botruitis, suspendue en forme de grappes, cendrées ou rouges; La placitis ou placodes, agglomérée en croûtes, le long des parois; parfois elle était entourée de zones, et dite alors onitis p240 L’onychitis, bleuâtre à la surface, avec des veines intérieures plus blanches, rappelant l’onyx; elle se trouvait aussi dans les vieilles mines; L’ostracitis, mince, noirâtre, d’apparence testacée. Macquer (Dict. de Chimie, 1778) distingue de même la cadmie naturelle, ou fossile, qui est la calamine employée à la fabrication du laiton; et la cadmie des fourneaux, sublimé produit dans la fusion des minerais de zinc, laquelle éprouve une demi-fusion et forme incrustation aux parois des fourneaux. Il ajoute que quelques-uns appellent aussi cadmie fossile un minerai de cobalt (répondant à notre arsénio-sulfure actuel). En réalité, ce nom était donné à toute suie et sublimé métallique, s’élevant dans la fonte en grand du cuivre et des autres métaux. Au point de vue de la Chimie moderne, la cadmie des fourneaux serait de l’oxyde de zinc, mêlé d’oxyde de cuivre, de plomb, parfois d’oxyde d’antimoine et d’acide arsénieux; ces oxydes étant en outre unis quelquefois au soufre, sous forme d’oxysulfures ou de sulfates basiques. Dans les livres du moyen âge, on trouve encore ce mot Cathmia ou Cathimia appliqué à certaines veines des mines d’or ou d’argent; aux sublimés des fourneaux d’or ou d’argent; à l’écume échappée de l’argent, de l’or, du cuivre, etc. Les modernes, suivant un usage courant en chimie et en minéralogie, mais très fâcheux pour l’histoire de la science, ont détourné le mot cadmie de son sens primitif et l’ont appliqué à un métal nouveau, le cadmium, inconnu des anciens. Il convient de rapprocher de la cadmie certaines substances congénères, telles que le pompholyx,[46] devenu depuis le nihil album des auteurs du moyen âge, et confondu avec la spodos blanche, laquelle s’envole au loin et va s’attacher aux toits, D’après un texte de Pline, le pompholyx se produit pendant la purification de l’airain; ou bien encore, en projetant le jet des soufflets sur la cadmie. La spodos ou spodion (cendre) est au contraire, d’après Dioscoride, la partie plus lourde et plus noire, qui tombe sur la sole des fourneaux de p241 cuivre, où on la balaie ensuite. Elle est mêlée de paille, de poils et de terre, dont on la débarrasse par des lavages. La spode des fourneaux d’argent s’appelle lauriotis (nom qui vient des mines du Laurium). L’or, le plomb en produisent aussi. Elle peut être de couleur cendrée, jaune, verte, rouge, noire. Le Lexicon Alchemiœ assimile la spode au vert de gris (œrugo œris, ios œris). L’antispode,[47] est un produit que l’on substituait au spode pour les usages médicaux. C’était la cendre de divers végétaux, incinérés dans une marmite de terre crue, à couvercle percé de trous, puis lavés. Le nom de la cadmie a été remplacé pendant le cours du moyen âge par celui de tutie, donné de même à toute fumée métallique. Nous appliquons aujourd’hui ce nom de tutie à l’oxyde de zinc; mais il avait autrefois un sens plus compréhensif. La magnésie de Démocrite, de Geber et de certains alchimistes est, dans certains cas, équivalente à la cadmie ou tutie, mais réputée plus volatile qu’elle; sa réduction fournissait le molybdochalque, alliage renfermant du plomb et du cuivre et analogue à certains bronzes. CHALCANTHON, χάλκανθον, couperose, vitriol, noir de cordonnier.[48] Cette matière se préparait avec une liqueur résultant de la macération spontanée ou provoquée des minerais dans l’eau, à l’intérieur des mines de cuivre. Le premier produit obtenu par évaporation spontanée était du sulfate de cuivre, bleu, demi-transparent, lancéolé. On l’obtenait aussi en concentrant la liqueur au feu, et l’abandonnant à la cristallisation dans des bacs de bois, sur des cordes ou des barres suspendues. Après le sel pur, venaient des sulfates plus ou moins basiques et ferrugineux. Le nom de vitriol apparaît au xiiie siècle, dans Albert le Grand. Observons les sens divers de ce mot couperose, ou de son équivalent vitriol, tels que Vitriol bleu: sulfate de cuivre. p242 Vitriol vert: sulfate de fer, et sulfate de cuivre basique. — jaune et rouge: sulfates de fer basiques. — blanc: sulfate de zinc; sulfate d’alumine, voire même alun. La décomposition spontanée des pyrites peut fournir tous ces composés, suivant leur degré d’impureté. Le cuivre contenu dans les eaux mères résultant de cette décomposition en est précipité aujourd’hui sous forme métallique, au moyen des débris de fer de toute origine, lesquels fournissent des dépôts de cuivre, reproduisant souvent la forme et l’apparence des morceaux de fer. De là cette opinion, très répandue parmi les alchimistes, que le vitriol peut transmuter le fer en cuivre. Elle reposait sur un phénomène réel, mais mal compris. Misy.[49] D’après les anciens, le misy de Chypre est doré, dur, et scintille quand on l’écrase. C’était de même une concrétion naturelle ou minerai, à cassure dorée, qui a été décrite sous le nom de misy dans les mines de Gozlar au xviie siècle. Le vitriol, ajoutait-on, se change aisément en misy. A la fin du xviiie siècle, on appelle misy une matière vitriolique jaune, luisante, en pierre, ou en poudre non cristallisée[50] et assimilée à la couperose jaune. En somme, c’est toujours là un sulfate de fer basique, renfermant du sulfate de cuivre et parfois du sulfate d’alumine, résultant de la décomposition spontanée des pyrites. Sory.[51] — On appelait de ce nom une matière congénère du misy, plus grasse, à odeur vireuse, de couleur rouge, tournant au noir. Les Arabes désignaient sous ce même nom de sory le vitriol rouge (voisin du colcothar). Enfin les Grecs modernes ont assimilé parfois le sory à la céruse brûlée (minium). p243 Melanieria.[52] — On appelait ainsi une sorte d’efflorescence saline, développée dans l’orifice des mines de cuivre; une autre partie apparaissait à leur face supérieure. Elle se trouvait sous terre en Cilicie. Elle présentait, ajoute-t-on, une couleur de soufre légère et noircissait aussitôt au contact de l’eau (présence du manganèse?). D’après Rulandus, c’est une sorte de vitriol, dont la couleur dépend des terres qui l’ont produite et varie du jaune au bleu. CHALCITIS:[53] minerai de cuivre, pyrite cuivreuse spécialement. On en tirait le cuivre métallique, le misy, le sory, etc. En fait, la pyrite de fer, sous l’influence de l’air et de l’eau, se délite et s’oxyde, en formant des sulfates de cuivre, de fer, d’alumine et de l’alun. Le sel de fer ainsi produit devient bientôt basique, en se suroxydant. CHAUX VIVE: ἄδβετος — titanos : chaux, ou plutôt pierre calcaire. Gypse, γύψος, plâtre. CHRYSOCOLLE — œrugo — santerna — soudure des orfèvres.[54] Ce mot a plusieurs sens, il désigne 1° L’opération même de la soudure de l’or. 2° Les matières employées pour cette opération, telles que certains alliages d’or, encore usités chez les orfèvres. Dans le Lexique alchimique, on interprète molybdochalque (alliage de cuivre et de plombs par chrysocolle. 3° Un sous-sel de cuivre mêlé de fer, provenant de la décomposition d’une veine métallique par l’eau; décomposition spontanée, ou provoquée en introduisant l’eau dans la mine en hiver jusqu’au mois de juin; on laissait sécher en juin et juillet. Le produit natif était jaune. La Malachite proprement dite, sous-carbonate de cuivre vert: L’azurite, carbonate de cuivre bleu congénère, était désigné sous le nom d’arménium; probablement parce qu’on la tirait d’Arménie.[55] Peut-être aussi le bleu de Chypre (κυανος) a-t-il été parfois exprimé par le mime nom. p244 5° Le produit obtenu en faisant agir sur le vert de gris l’urine d’un garçon impubère t le natron. L’urine apportait ici des phosphates, des chlorures et des sels ammoniacaux. Ajoutons que nos traités de minéralogie moderne ont détourné le mot chrysocolle pour l’appliquer arbitrairement à un hydrosilicate de cuivre. CHRYSOLITHE. La chrysolithe moderne est le péridot: mais ce corps n’a rien de commun avec le sens ancien du mot. La chrysolithe ancienne désignait la topaze et divers autres minéraux jaunes et brillants, qu’il est d’ailleurs difficile de préciser complètement. CINABRE. — Ce mot s’applique aujourd’hui à une variété de sulfure de mercure, appelée aussi anthrax autrefois; mais chez les Grecs et chez les Alchimistes, il a eu des sens plus complexes. Il a exprimé également: Notre oxyde de mercure; Notre minium, mot employé par les anciens dans des sens multiples (voir les articles plomb et rubrique) Notre réalgar (sulfure d’arsenic) Tous les sulfurez, oxydes, oxysulfures métalliques rouges; Enfin le sang dragon, matière végétale qui est le suc du dracœna draco. Le signe (Pl. 11, l. 13) du cinabre est un cercle avec un point central. Mais le même signe a été plus tard et à la fin du moyen âge employé pour l’œuf philosophique, pour le soleil, ainsi que pour l’or: de là diverses confusions, contre lesquelles on doit se tenir en garde (y. ce volume, p. 122). CLAUDIANOS ou claudianon. C’était un alliage de cuivre et de plomb, renfermant probablement du zinc. Il n’en est question que chez les alchimistes. Ce nom semble dériver du mot latin Claudius. S’agissait-il d’un corps fabriqué au temps de cet empereur et analogue aux cuivres Marien, Livien, etc.? Pline n’en parle pas. Le mot clefs est employé comme titre d’ouvrages, dès l’époque alexandrine (après l’ère chrétienne, dans Hermès,[56] Zosime, etc.). Les Arabes s’en servent fréquemment et il a été fort usité au moyen âge. p245 Une dizaine de lignes du texte ne sont pas reproductibles. De même dans Vincent de Beauvais (Speculum majus, VIII, 88): « les clefs ou les pratiques de cet art sont la mortification (amortissement des métaux), la sublimation, la distillation, la solution, la congélation, la fixation, la calcination ». Basile Valentin parle aussi des douze clefs de l’art. COBALT — cobathia — kobold. — Le cobalt est réputé avoir été découvert en 1742 par Brandes, qui l’isola sous forme métallique. Son nom même est tiré de celui de certains de ses minerais, appelés kobalt ou kobold, et constitués par des arsénio-sulfures complexes. Ce nom de kobold a été expliqué jusqu’ici par celui de certains démons trompeurs, habitant les mines: c’est, dit-on, une allusion à la difficulté de traiter ces minerais et aux tentatives infructueuses que l’on avait faites pour en extraire du cuivre, métal indiqué par la production des verres bleus, qui dérivent de ce minerai. En fait, le bleu de cobalt était connu des anciens. H. Davy a trouvé ce métal dans certains verres bleus, d’origine grecque et romaine, et M. Clemmer dans des perles égyptiennes. Le bleu mâle de Théophraste, opposé au bleu femelle, ne serait autre que du bleu de cobalt, opposé aux dérivés bleus du cuivre. L’étymologie même du mot cobalt semble remonter au grec. En effet, dans le Lexicon Alchemiœ Rulandi, p. i58, on lit: Cobatiorum fumus est koboit; c’est-à-dire « la fumée des cobatia, c’est le kobolt. Cette expression fumée des cobathia figure dans un passage d’Hermès cité par Olympiodore (texte grec, p. 85). Elle est traduite dans le Lexique alchi-p246mique (texte grec, p. 9, note) par « les vapeurs de l’arsenic » (sulfuré): il s’agit donc bien d’un composé arsenical. Il y aurait eu dès lors pour l’étymologie du cobalt une confusion entre un mot grec ancien et un mot allemand, analogue à celle qui s’est produite entre l’égyptien et le grec, pour les mots chimie, sel ammoniac, etc.: ces mots n’auraient pas d’ailleurs eu le sens précis de notre cobalt au début, mais ils l’auraient acquis par une extension postérieure. Quant au cobalt métallique, sa connaissance remonte au-delà du xviiie siècle. En effet, on lit dans le Lexicon Alchemiœ Rulandi, ouvrage publié à Francfort, en 1612, p. 27!, un texte latin, suivi d’un texte allemand équivalent, dont voici la traduction: « Kobolt; kobalt ou collet: c’est une matière métallique, plus noire que le plomb et le fer, grisâtre, ne possédant pas l’éclat métallique; elle peut être fondue et laminée (au marteau) ». Puis viennent des indications relatives au minerai, exprimé par le même nom. « C’est un soufre donnant des fumées, et sa fumée entraîne le bon métal. — C’est aussi une cadmie fossile d’où l’on tire un airain utile en médecine, etc. » La première phrase désigne évidemment le cobalt impur, l’un de ces demi- métaux dont Brandes reprit plus tard l’étude. Observons que les alchimistes du moyen âge traitaient les minerais métalliques par les mêmes procédés de grillage, réduction et fonte que les modernes, et dès lors ils ont dû obtenir les mimes métaux; mais ils n’avaient pas nos règles scientifiques pour les purifier, les définir et les distinguer avec exactitude. J’ai déjà mis en évidence la connaissance du régule d’antimoine dès l’antiquité, mais il était confondu avec le plomb. Le cobalt et le nickel ont dû être confondus aussi, soit avec le fer, soit avec le cuivre et ses alliages (v. Pseudargyre). COUPHOLITHE. —Ce mot semble avoir été appliqué au talc et à des silicates tendres, analogues. Le nom de coupholithe est resté parmi les noms des pierres usitées par les orfèvres.[57] Il est aussi appliqué en Minéralogie à une variété de prehnite (silicate d’alumine et de chaux ferrugineux et hydraté) qui se présente tantôt en lames minces blanches, analogues au sulfate de chaux; tantôt en masses fibreuses un peu verdâtres. Il semble d’ailleurs que ce soit là un vieux nom, conservé à l’une des p247 substances auxquelles il s’appliquait autrefois; et non une dénomination ancienne transportée à une substance moderne, comme il est arrivé trop souvent, en Minéralogie. Autrement on ne comprendrait ni la persistance de ce nom chez les orfèvres, ni sa spécialisation à une simple variété. ELEMENTS ACTIFS. D’après Aristote (Météorol. l. IV), il y a deux éléments actifs, le chaud et le froid; deux passifs, le sec et l’humide. Ailleurs il s’agit de simples qualités, mises en relation avec les quatre éléments ordinaires (de Generatione, l. II, ch. 3 et 4). Le feu est chaud et sec; l’air chaud et humide; l’eau froide et humide; la terre froide et sèche; etc., etc. Ces éléments se transforment les uns dans les autres. Stephanus expose à peu près la même théorie. Ces idées ont joué un grand rôle en médecine. Aristote dit encore (Metéorol. l. III, ch. 7): dl y a deux exhalaisons (ἀναθυμίασεις), l’une vaporeuse (ἀτμιδώδης), l’autre enfumée (παπνώδεης). « L’exhalaison sèche et brûlante produit les matières fossiles (ὀρυκτά), telles que les pierres infusibles, la sandaraque, l’ocre, la rubrique, le soufre, etc. L’exhalaison humide produit les minéraux (μεταλλεθτά), c’est-à- dire les métaux fusibles et ductiles, comme le fer, le cuivre, l’or, etc. En général, ils sont détruits par le feu (πθροῦται) et contiennent de la terre, car ils renferment une exhalaison sèche. L’or seul n’est pas détruit par le feu... » — On voit ici l’origine de certaines idées alchimiques. C’est ainsi que Stéphanus (6e leçon dans Ideler, t. II, p. 224, l. 7), dit, presque dans les mêmes termes qu’Aristote: « Il y a deux choses qui sont les matières et les causes de tout, la vapeur qui s’élève et l’exhalaison fuligineuse des corps, en laquelle est la cause des modifications en question. La vapeur est la matière de l’air; la fumée, la matière du feu, etc. ». Les mots esprits, corps, âmes, sont fréquemment employés par les alchimistes dans un sens spécial, qu’il importe de connaître pour l’intelligence de leurs écrits. Les passages suivants, quoique d’une époque plus moderne, jettent beaucoup de lumière sur ce point. On lit dans le traité de Mineralibus, prétendu d’Albert le Grand (l. I, tr. i, ch. 1er): ce qui s’évapore au feu est esprit, âme, accident; ce qui ne s’éva-p248pore pas, corps et substance). Cet auteur attribue encore à Démocrite l’opinion qu’il y a dans les pierres une me élémentaire, laquelle est la cause de leur génération (l. I, tr. i, ch. 4). Le Pseudo-Aristote[58] définit de même les corps et les esprits, et il ajoute: les corps volatils sont des accidents, parce qu’ils ne manifestent leurs qualités et vertus que s’ils sont associés aux substances ou corps fixes: pour opérer cette association, il faut purifier les uns et les autres. Il y a là un mélange de pratiques matérielles et d’idées mystiques. Vincent de Beauvais, Speculum majus (VIII, 60), donne sous le nom d’Avicenne l’exposé suivant. « Il y a quatre esprits minéraux: le soufre, l’arsenic, le sel ammoniac, le mercure, distincts par leur aptitude à être sublimés; et six corps métalliques: l’or, l’argent, le cuivre, l’étain, le fer, le plomb. Les premiers sont des esprits, parce que leur pénétration dans le corps (métallique) est nécessaire, pour accomplir sa réunion avec l’âme» — « Spiritus, inquam, sunt quia per eos imprimitur corpus ut possit cum anima conjungi. » Et plus loin (VIII, 62) « Nulle chose ne peut être sublimée sans le concours d’un esprit. La pierre ne s’élève pas d’elle-même par l’action du feu tandis que les esprits s’élèvent d’eux-mêmes, c’est-à-dire se subliment, se dissolvent et déterminent la dissolution des autres substances; ils brûlent, refroidissent, dessèchent et humectent les quatre éléments ». Cette dernière phrase attribue aux esprits le rôle des qualités aristotéliques citées plus haut. « Ce qui ne fuit pas le feu), dit encore Avicenne, « est dit fixe: tels sont les corps des pierres et des métaux. » Dans la langue même de notre temps, le nom d’esprits volatils est encore appliqué à certaines substances, tels que l’ammoniaque, l’alcool, les essences, etc. D’après Geber[59] il y a sept esprits, dont voici les noms, rangés dans l’ordre de leur volatilité: le mercure, le sel ammoniac, le soufre, l’arsenic, p249 (c’est-à-dire son sulfure, placé auprès du soufre par l’auteur), la marcassite, la magnésie et la tutie. Geber dit encore: « Les esprits (corps volatils) seuls et les matières qui les contiennent en puissance, sont capables de s’unir aux corps (métalliques); mais ils ont besoin d’être purifiés pour produire une teinture parfaite, et ne pas gater, brûler, noircir les produits. Il y a des esprits corrosifs et brûlants, tels que le soufre, l’arsenic (sulfuré), la pyrite; d’autres sont plus doux, tels que les diverses espèces de tutie (oxydes métalliques volatils). C’est par la sublimation qu’on les purifie. » — Cette sublimation se compliquait de l’action oxydante de l’air, spécialement dans le cas de la pyrite et du sulfure d’arsenic. L’Aludel, appareil destiné à ces sublimations, devait être construit en verre, ou en une substance analogue, non poreuse, et capable de retenir les esprits (matières volatiles) et de les empêcher de s’échapper, d’être éliminés par le feu. Les métaux ne conviennent pas, parce que les esprits s’y unissent, les pénètrent, et même les traversent. Tout ceci est très clair pour nous. Le Pseudo-Aristote donne la même liste[60] des esprits que Geber, en assimilant ces êtres aux planètes. Dans Rulandus, qui développe la même énumération, la magnésie est remplacée par le wismath, lequel semble être un sulfure métallique, se rattachant aux minerais d’étain et de plomb. Ce nom a été détourné de son vieux sens, pour être appliqué parles modernes à un métal nouveau, inconnu des anciens, le bismuth; de même que le nom de cadmie a été détourné de son sens pour être appliqué au cadmium. Mais ce n’était pas là la signification ancienne du mot. Revenons aux esprits de Geber et d’Avicenne, afin de tâcher de comprendre les idées d’autrefois et les faits qui leur correspondaient. Les uns de ces esprits, tels que le mercure, le sel ammoniac, le soufre, le sulfure d’arsenic, sont en effet des substances susceptibles de sublimation pure et simple. Les autres sont réputés secondaires: la sublimation n’ayant lieu p250 que par l’effet d’une opération complexe, et niai comprise, mais dont la complexité avait été entrevue par les alchimistes. En effet la marcassite, ou pyrite, chauffée dans un appareil distillatoire en terre, donne d’abord du soufre, en laissant un résidu; ce résidu s’oxyde peu à peu sous l’influence de l’air, qui pénètre dans l’appareil, et une partie du produit se sublime à son tour peu à peu, à une température plus haute, en fournissant des oxydes métalliques, blancs ou colorés. Geber distingue nettement ces deux phases du phénomène (Bibl. Chemica de Manget, t. I, p. 534). La tutie était réputée le moins volatil des esprits; la magnésie était intermédiaire entre la tutie et la marcassite: enfin la sublimation de la tutie et celle de la magnésie étaient assimilées à la seconde phase de celle de la marcassite, phase dans laquelle l’action de l’air développait les oxydes métalliques. On voit par là que la magnésie de Geber, comme celle du Pseudo-Démocrite, et, plus tard, la tutie, désignaient à la fois certains minerais sulfurés de zinc, de plomb, d’étain, de cuivre, etc., ainsi que le mélange des oxydes formés par sublimation lente aux dépens de ces minerais de zinc, de plomb, de cuivre, etc.; c’est-à-dire que cette magnésie se rattache à la famille des cadmies, dans laquelle on rencontre également le double sens de minerai naturel et de ses dérivés obtenus par grillage. Les sens du mot magnésie sont d’ailleurs plus compréhensifs encore, comme ii sera dit plus loin. ÉTAIN κασσίτερος — Stannum — plomb blanc.[61] Dans Homère, le mot κασσίτερος désigne un alliage d’argent et de plomb (ou d’étain?). Le sens actuel du métal étain n’a peut-être été acquis à ce mot d’une manière précise et exclusive que vers le temps d’Alexandre et des Ptolémées, bien que le métal même ait été employé comme composant du bronze depuis les époques préhistoriques. De même le mot stannum est donné par Pline au plomb argentifère (H. N., l. XXXIV, 47), aussi bien qu’au plomb blanc, qui était l’étain véritable. Dans la lecture des anciens auteurs, il faut se métier continuellement de ces sens multiples et variables avec les temps des dénominations métalliques qu’ils emploient. Pour pouvoir tirer d’un mot des conséquences certaines, au point de vue p251 des connaissances chimiques d’une certaine époque, il est nécessaire, en général, de posséder des objets, armes, statues, ou instruments, répondant exactement à cette époque et à ce mot. En dehors de cette règle, on est exposé aux erreurs et aux confusions les plus étranges. Pline ajoute qu’on contrefait l’étain avec un mélange renfermant 1/3 de cuivre blanc et 2/3 de plomb blanc; ou bien avec poids égaux de plomb blanc et de plomb noir: c’est ce qu’on appelait alors plomb argentaire. Ces fraudes sont encore usitées aujourd’hui, les fabricants d’objets d’étain mêlant le plus de plomb qu’ils peuvent à l’étain pur, à cause du bas prix du plomb. ÉTYMOLOGIES CHIMIQUES DOUBLES. — C’est une circonstance digne d’intérêt qu’un certain nombre de mots chimiques ont deux étymologies: l’une égyptienne, qui paraît la véritable; l’autre grecque, qui semble fabriquée après coup et pour rendre compte de la transcription hellénique du mot ancien. Je citerai, par exemple, les mots asèm, chimie, sel ammoniac. Le mot asèm désignait un alliage métallique particulier imitant l’or et l’argent et spécialement ce dernier métal (p. 62 et suiv.). Il a été traduit en grec par les mots: ἄσεμος, ἄσεμον, ἄσήμη lesquels signifiaient d’abord l’argent sans titre, et ont pris, en grec moderne, le sens complet de l’argent. La confusion entre ces mots est l’une des origines des idées de transmutation. Le mot chimie paraît dérivé du mot égyptien chemi, qui est le nom de l’Egypte elle-même. Mais les Grecs l’ont rattaché soit à χυμός (suc), soit à χέω (fondre), parce que c’était l’art du fondeur en métaux. Le nom du sel ammoniac (carbonate de soude d’abord, plus tard chlorhydrate d’ammoniaque (p. 45), est dérivé de celui du dieu égyptien Ammon. Mais il a été rattaché aussi par les Grecs au mot ἄμμον, sable, etc. Ces fausses étymologies rappellent le système de Platon pour les cas analogues. Le basalte était désigné par le nom du fer chez les Egyptiens. On distinguait parmi les dérivés du fer, les corps suivants: Rubigo ou ferrugo, ἰός, la rouille, c’est-à-dire l’oxyde de fer hydraté et p252 les sels basiques de même teinte.[62] A l’état anhydre ce corps est devenu le colcotar du moyen âge, qui est à proprement parler le résidu de la calcination des sulfates de fer. Squama. — C’est l’écaille tirée des armes pendant leur fabrication, ex acie aut mucronibus.[63] Il semble que ce corps répondait à notre oxyde des batitures. Scoria,[64] autre résidu ferrugineux. — Elle est appelée aussi sideritis. Au fer se rattachent l’aimant ou pierre magnétique, l’hématite, la pierre schisteuse, les ocres, les pyrites, ainsi que la rubrique. Donnons quelques détails sur ces différentes matières. Aimant ou magnes, dénommé parfois également sideritis.[65] L’aimant était appelé ferrum vivum et assimilé à un être vivant, à cause de son action attractive sur le fer. On distinguait le mêle et le femelle. On en reconnaissait plusieurs espèces: les uns roux, les autres bleuâtres, qui étaient les meilleurs; d’autres noirs, sans force; d’autres blancs et n’attirant pas le fer. L’aimant tirait son nom de magnes, de celui de Magnésie, qui appartenait à une province de Thessalie et à deux villes d’Asie (y. Magnésie). Hématite.[66] — Le sens moderne de ce mot est resté à peu près le même que le sens antique fer oligiste et fer oxydé hydraté. La pierre schiste est congénère:[67] c’est l’hématite fibreuse, Ocres.[68] — L’ocre, brûlée dans des pots neufs, donnait la rubrique (sanguine). Les mots su, usta[69] ont un sens analogue. On les obtenait aussi en brûlant l’hématite.[70] Pyrites.[71] — Ce mot désignait les sulfures de fer et de cuivre et les corps congénères: sens qu’il a conservés. La pyrite blanche et la pyrite dorée p253 notamment sont distinguées par Pline. La chalcite, ou minerai de cuivre répondait surtout à la pyrite cuivreuse. D’après Pline, le même nom était donné à la meulière et à la pierre à briquet, que l’on supposait contenir le feu produit par leur intermédiaire. Le mot Chalcopyrite, qui désignait sans doute à l’origine la pyrite cuivreuse, a changé de sens plus tard: il aurait signifié le plomb (ou plutôt l’un de ses minerais) chez les alchimistes, d’après le Lexicon Alch. Rulandi. Le mot marcassite a remplacé celui de pyrite au moyen âge, avec un sens encore plus étendu. (Voir ce mot.) Rubrique. — Ce mot désignait la sanguine; mais on l’appliquait aussi au minium, au vermillon et même parfois au cinabre. FEU (les vertus du). D’après Pline: Ignis accipit arenas, ex quibus alibi vitrum, alibi argentum, alibi minium, alibi plumbi genera, alibi medicamenta fundit. Igne lapides in œs solvuntur, igne ferrum gignitur ac domatur, igne aurum perficitur, etc.[72] Ce passage aurait pu être écrit par un alchimiste. On lit déjà dans un hymne chaldéen au feu, traduit par M. Oppert « O toi qui mêles ensemble le cuivre et le plomb;[73] ô toi qui donne la forme propice à l’or et à l’argent, etc. » FIGURES GEOMETRIQUES DES SAVEURS ET DES ODEURS. Démocrite leur a attribué des figures. On lit aussi dans Théophraste, de Causis Plantarum, l. VI, ch. i: La saveur douce résulte de matières rondes et grosses; — acerbe et aigre, de matières polyédriques, âpres; — aigué — de certains corps pointus, petits, courbes; — âcre — de corps ronds, petits, courbes; — salée — de corps anguleux, grands, tordus, etc.; — amère — de corps ronds, légers, tordus, petits; p254 — grasse — de corps ténus, ronds, petits; FIXATION DES METAUX. Ce terme est employé comme synonyme de transmutation; il signifie, à proprement parler 1° L’acte qui consiste à ôter au mercure sa mobilité, soit en l’associant à d’autres métaux ou bien au soufre, soit en l’éteignant à l’aide de divers mélanges. 2° L’opération par laquelle on ôte au mercure et plus généralement aux métaux très fusibles, tels que le plomb et l’étain, leur fusibilité, de façon à les rapprocher de l’état de l’argent. 3° L’opération par laquelle on ôte au mercure sa volatilité. Les métaux étant ainsi fixés et purifiés de leur élément liquide, 4° On leur communiquait une teinture solide, fixe, qui les amenait à l’état d’argent ou d’or. Arrivés au dernier état, ils étaient définitivement fixés, c’est-à-dire rendus incapables d’une altération ultérieure. GAGATES (PIERRE), notre jais?[74] Pierre de Memphis,[75] sorte d’asphalte. Ces mots ont des sens très divers chez les anciens. Virus s’applique dans Pline à certaines propriétés ou vertus spécifiques des corps, telles que: l’odeur[76] du cuivre, du sory, de la sandaraque[77] — leur action vénéneuse. L’action médicale des cendres d’or;[78] La vertu magnétique communiquée au fer par l’aimant.[79] Ἰός signifie plus particulièrement la rouille ou oxyde des métaux, ainsi que le venin du serpent, parfois assimilé à la rouille dans le langage symbolique des alchimistes. La pointe de la flèche, symbole de la quintessence, l’extrait doué de propriétés spécifiques, la propriété spécifique elle-même; enfin le principe des colorations métalliques, de la coloration jaune en particulier. p254 IOSIS, — ἴωσις, — signifie 1° L’opération par laquelle on oxyde (ou l’on sulfure, etc.) les métaux; 2° La purification ou affinage des métaux, tels que l’or: c’est une conséquence des actions oxydantes exercées sur l’or impur, avec élimination des métaux étrangers sous forme d’oxydes; 3° La virulence ou possession d’une propriété active spécifique, communiquée par exemple à l’aide de l’oxydation; 4° Enfin la coloration en jaune, ou en violet, des composés métalliques, coloration produite souvent par certaines oxydations. Nous conserverons quelquefois ce mot sans le traduire, afin de lui laisser sa signification complexe. MAGNÉSIE. — C’est l’un des mots dont la signification a le plus varié dans le cours des temps (v. p. 221). Jusqu’au xviiie siècle, il n’a rien eu de commun avec la magnésie des chimistes d’aujourd’hui. A l’époque de Pline et de Dioscoride, la pierre de Magnésie désigna d’abord la pierre d’aimant, l’hématite (voir le mot fer) et divers minéraux appelés aussi magnes, de couleur rouge, bleuâtre, noire ou blanche, originaires de la province ou des villes portant le nom de Magnésie; ils comprenaient certaines pyrites métalliques. Le magnes était l’espèce mâle et la magnesia l’espèce femelle. Les alchimistes grecs ont appelé de ce dernier nom les mêmes corps et spécialement les minerais, parfois sulfurés, tels que les pyrites, employés dans la fabrication du molybdochalque (voir p. 153), alliage de cuivre et de plomb (Zosime). Ils l’appliquent même au sulfure d’antimoine (voir le Lexique alchimique). Puis, par extension, ce nom a été donné aux cadmies ou oxydes métalliques, au plomb blanc et mime aux alliages, provenant du grillage et des traitements des pyrites. En raison de son rôle dans la transmutation, le molybdochalque, substance appelée aussi métal de la magnésie (τὸ σῶμα τῆς μαγνησίας), est appelée τὸ τᾶν (le tout), en certains endroits de Zosime. Plus tard, chez les Arabes, le mot magnésie s’applique à des minerais de plomb et d’étain, sulfurés aussi; ainsi qu’aux marcassites ou pyrites, susceptibles de fournir des sublimés analogues à la cadmie et à la tutie Geber et le Pseudo-Aristote, Bibl. chem. de Manget, t. I, p. 645, 649, etc.). p256 Les alchimistes latins[80] ont désigné sous le nom de magnésie non seulement les pyrites (dont certaines appelées wismath), mais aussi l’étain allié au mercure par fusion, et un amalgame d’argent très fusible, de consistance cireuse, appelé la magnésie des philosophes, parce qu’il servait à fabriquer la pierre philosophale. C’était « l’eau mystérieuse congelée à l’air et que le feu liquéfie. » D’après un texte du Lexicon Alch. de Rulandus (p. 322), la magnésie représentait un certain état intermédiaire de la masse métallique, pendant les opérations de transmutation. Il est difficile de ramener de semblables notions, à la précision de nos définitions modernes. Dans le Pseudo-Aristote arabe,[81] on lit pareillement: Dicitur argentum vivum, quod in corpore magnesiœ est occultatum et in eo gelandum. Il entendait par là un synonyme du mercure des philosophes, que l’on supposait contenu dans le métal de la magnésie. La magnésie noire désignait chez les anciens, tantôt un oxyde de fer, tantôt le bioxyde de manganèse.[82] Elle est déjà mentionnée comme servant à purifier le verre dans le livre De Mineralibus (l. II, tr. II, ch. ii), attribué à Albert le Grand. Macquer (Dictionnaire de Chimie, 1778), à la fin du xviiie siècle, distingue: 1° La magnésie calcaire, précipité formé par la potasse (carbonatée) dans les eaux-mères du nitre ou du sel commun: c’était du carbonate de chaux impur, parfois mêlé avec le carbonate de magnésie actuel 2° Une autre magnésie calcaire, formée en précipitant les mêmes eaux- mères par l’acide sulfurique ou par les sulfates: c’était du sulfate de chaux; 3° La magnésie du sel d’Epsom ou de Sedlit, précipité obtenu au moyen du carbonate de potasse c’était notre carbonate de magnésie, dont l’oxyde a seul retenu définitivement le nom de magnésie, dans la chimie scientifique actuelle. Le carbonate en porte aussi le nom en pharmacie. p257 MARCASSITE. Ce mot, regardé parfois comme synonyme de pyrite, est employé par les alchimistes du moyen âge pour désigner les sulfures, arsénio-sulfures et minerais analogues, de tous les métaux proprement dits: fer, cuivre, plomb et antimoine, étain, argent, or. La marcassite blanche ou pyrite argentine était appelée spécialement Wismath ou magnésie. La marcassite plombée est le sulfure d’antimoine. MASSA, μᾶζα. Ce mot est donné comme synonyme d’Alchimie dans le traité attribué à Albert le Grand et dans sa traduction grecque (Théoctonicos; ψ. p. 209). On trouve également dans le Lexicon Alch. Rulandi : Kymus, id est massa. Kuria vel kymia, id est massa, alchimia. MERCURE.[83] Pline distingue l’argentum vivum, métal natif, et l’hydrargyrum ou argent liquide, métal artificiel. Il prépare celui-ci sans distillation, en broyant le cinabre et le vinaigre dans un mortier de cuivre avec un pilon de cuivre. On obtenait aussi le mercure en plaçant le cinabre dans une capsule de fer, au milieu d’une marmite de terre, surmontée d’un chapiteau (ambix), dans lequel se condensait la vapeur sublimée: (αἰθαλη). On lit dans Dioscoride: Ἡ γὰρ προσίζουσα τῷ ἄμβικι αἰθάλη ἀποξυθεῖσα καὶ ἀποψυχθεῖσα ὑδράργυρος γίνεται.
La vapeur sublimée adhérente à l’alambix, raclée et refroidie devient mercure. » — C’est l’origine de l’alambic. Dans Aristote se trouve le curieux passage que voici: « Quelques-uns disent que l’âme communique au corps son propre mouvement: ainsi fait Démocrite, lequel parle à la façon de Philippe, auteur comique. Ce dernier dit que Dédale communique le mouvement à une Vénus de bois, en y plaçant de l’argent liquides. (De Anima, l. 1, ch. 3.) C’est déjà le principe de l’expérience du culbuteur chinois, que l’on fait aujourd’hui dans les Cours de Physique. Mais on peut aussi voir là l’origine de quelques-unes des idées mystiques des Alchimistes, qui ont pris au sérieux les apparences tournées en plaisanterie par les anciens Grecs. p258 Le mercure des philosophes, ou matière première des métaux,[84] représentait pour les Alchimistes une sorte de quintessence du mercure ordinaire; ces deux corps étant tantôt confondus, tantôt distingués. C’est dans ce sens qu’il convient d’entendre ce qui suit. D’après les Alchimistes du moyen âge, le mercure est l’or vivant; la mère des métaux. Il les engendre par son union avec son mile, le soufre; il tue et fait vivre; il rend humide et sec; il chauffe et refroidit, etc. L’Eau c’est Adam, la Terre est Eve (Rulandus, Lexicon Alchemiœ, p. 47), etc. Tout ceci atteste la persistance des vieilles formules, à travers le moyen âge; car la dernière assimilation remonte à Zosime et aux gnostiques. Citons encore quelques-uns des synonymes alchimiques du mercure: Aquam autem simplicem, alias vocant venenum, argentum vivum, cambar, aquam permanentem, gumma, acetum, urinam, aquam maris, Draconem, serpentem.[85] On lit les noms suivants du mercure dans Vincent de Beauvais, Speculum Majus, VIII, 62: Acetum attrahens, et aqua aggrediens et olezun mollicans... servus quoque fugitivus.[86] Puis vient un dialogue entre l’or et le mercure. L’or dit au mercure: (Pourquoi te préfères-tu à moi? je suis le maître des pierres qui ne souffrent pas le feu.. Et il lui répond Je t’ai engendré et tu ne sais pas que tu es né de moi. Une seule partie tirée de moi vivifie un grand nombre des tiennes; tandis que dans ton avarice tu ne donnes rien de toi dans les traitements. » Le mercure est présenté comme l’élément de tous les corps métalliques liquéfiables par le feu; après leur liquéfaction, ils prennent l’apparence rouge. D’après Avicenne (Bibl. chem. de Manget, t. I, p. 627), « le mercure est le serpent qui se féconde lui-même, engendrant en un jour; il tue tout par son venin; il s’échappe du feu. Les sages le font résister au feu: alors il accomplit les œuvres et mutations... Il se trouve dans tous les minéraux et il possède avec tous un principe commun; c’est la mère des minéraux. p259 « Un seul métal tombe au fond, c’est l’or et par là tu connais le plus grand secret, parce que le mercure reçoit dans son sein ce qui est de la même nature que lui. Il repousse les autres, parce que sa nature se réjouit plus avec une nature pareille qu’avec une nature étrangère.[87] Il est le seul qui triomphe du feu et n’est pas vaincu par lui; mais il s’y repose amicalement... Il contient son propre soufre excellent, par lequel on fixe l’or et l’argent, suivant le mode de digestion. » METAUX. — Génération des métaux. Aux opinions des anciens, relatives à cette question et rapportées dans mes Origines de l’alchimie, il parait intéressant d’ajouter quelques textes. Les métaux sont formés d’eau et de terre, d’après Aristote (Méteor., l. IV, chap. 8): ce qui exprime leur fusibilité et leur fixité, aussi bien que leur aptitude à être changés en oxydes. Aristote (De Generatione, l. I, chap. 10) distingue encore les corps en réceptifs ou passifs, et actifs ou donnant la forme: ὡς θάτερον μὲν δεκτικὸν, θάτερον δ’ εἶîδος. C’est ainsi que l’étain disparaît, en subissant l’influence de la matière du cuivre qui le colore: πάθος τι ὢν ἄνευ ὕλης τοῦ χαλκοῦ οχεδὸν ἀφανίζεται καὶ μιχθεὶς ἄπεισι χρωματίσας μόνον. Nous touchons ici aux notions alchimiques. J’ai cité plus haut (article éléments actifs, p. 246) le passage d’Aristote sur l’exhalaison sèche et sur l’exhalaison humide, laquelle produit les métaux. Une partie de ceci rappelle, sous une forme plus vague, les théories actuelles sur les minéraux de filons, produits par les vapeurs souterraines. Et ailleurs (Météor., l. IV, ch. 2): « L’or, l’argent, le cuivre, l’étain, le plomb, le verre et bien des pierres sans nom, participent de l’eau: car tous ces corps fondent par la chaleur. Divers vins, l’urine, le vinaigre, a lessive, le petit-lait, la lymphe participent aussi de l’eau, car tous ces corps sont solidifiés par le froid. Le fer, la corne, les ongles, les os, les tendons, le bois, les cheveux, les feuilles, l’écorce, participent plutôt de la terre: ainsi que l’ambre, la myrrhe, l’encens, etc. » p260 J’ai cité des passages analogues tirés du Timée de Platon.[88] Tous ces énoncés témoignent de l’effort fait par la science antique pour pénétrer la constitution des corps et manifestent les analogies vagues qui guidaient ses conceptions. La Théorie des exhalaisons est le point de départ des idées ultérieures sur la génération des métaux dans la terre, que nous lisons dans Proclus (voir Origines de l’Alchimie, p. 48), et qui ont régné pendant le moyen âge (voir le présent volume, p. 78). On lit encore, dans Vincent de Beauvais (VIII, 6): « D’après Rhazès, les minéraux sont des vapeurs épaissies et coagulées au bout d’un temps considérable. Le vif argent et le soufre se condensent d’abord. Les corps transformés graduellement pendant des milliers d’années dans les mines arrivent à l’état d’or et d’argent; mais l’art peut produire ces effets en un seul jour. » Dès les temps les plus anciens, ces idées se sont mêlées avec des imaginations astrologiques, relatives aux influences sidérales (ce volume, p. 73 et suiv.). C’est ainsi qu’on lit dans la Bibl. Chem. de Manget, t. I, p. 913: « Les métaux et les pierres n’éprouvent pas les influences célestes, sous leur forme même de métaux ou de pierres, mais lorsqu’ils sont sous la forme de vapeurs et tandis qu’ils durcissent. » On voit par là le sens mystique de ces mots attribués à Hermès par Albert le Grand: « la terre est la mère des métaux; le ciel en est le père. » De même cet autre axiome hermétique: « En haut les choses terrestres; en bas les choses célestes[89] », lequel s’appliquait à la fois à la transformation des vapeurs dans la nature et à la métamorphose analogue que l’on effectuait par l’art dans les alambics. Avicenne, après avoir décrit le détail supposé de cette création des métaux, ajoute: « Cependant il est douteux que la transmutation effective soit possible. Si l’on a donné au plomb purifié les qualités de l’argent (chaleur, saveur, densité), de façon que les hommes s’y trompent, la différence spécifique ne peut être enlevée parce que l’art est plus faible que la nature (Vincent de Beauvais, VIII, 84). » Albert le Grand (De Mineralibus, l. III, tr. i, ch. 9) dit de même: « Ceux qui blanchissent par des teintures blanches et jaunissent par des teintures p261 jaunes, sans que l’espèce matérielle du métal soit changée, sont des trompeurs, et ne font ni vrai or, ni vrai argent… J’ai fait essayer l’or et l’argent alchimiques en les soumettant à six ou sept feux consécutifs; le métal se consume et se perd, en ne laissant qu’un résidu sans valeur. » Dans le traité d’alchimie pseudonyme, attribué au même auteur, il est dit que le fer alchimique n’attire pas l’aimant et que l’or alchimique ne réjouit pas le cœur de l’homme et produit des blessures qui s’enveniment; ce que ne fait pas l’or véritable. Odeur des Métaux D’après Aristote (De sensu et sensilibus, ch. 5): « L’or est inodore; le cuivre, le fer sont odorants; l’argent et l’étain moins que les autres. Il y avait un cuivre indien de même couleur que l’or parmi les vases du trésor de Darius; les coupes de ce métal ne se distinguaient que par l’odeur (De mirabilibus, ch. 49). MINIUM, RUBRIQUE ou matière rouge. — μίλτος — Sous ce nom on trouve confondues un grand nombre de substances rouges d’origine minérale, telles que, d’une part: Les oxydes de fer (sanguine, ocre brûlée ou usta, hématite). Les oxydes de plomb (minium et congénères) et peut-être l’oxyde de mercure (confondu avec le cinabre), ainsi que le protoxyde de cuivre; D’autre part, le sulfure de mercure (vermillon, cinabre), le sulfure d’arsenic (réalgar, appelé aussi sandaraque), le sulfure d’antimoine (sulfure artificiel précipité et kermès minéral), son oxysulfure, et divers composés métalliques analogues, que les anciens ne savaient pas bien distinguer les uns des autres (voir plus haut l’article cinabre, et plus loin l’article plomb). Ainsi les mots rubrique, rubrica (μίλτος), minium, cinabre, vermillon, sont-ils souvent synonymes dans les anciens auteurs. La sinopis, ou rubrique de Sinope,[90] était à proprement parler un oxyde de fer naturel et artificiel (usta); mais ce nom a été aussi donné à notre minium (oxyde de plomb) et à notre sulfure de mercure. La terre de Lemnos[91] était aussi une rubrique (probablement un peroxyde de fer hydraté); on la vendait sous cachet. p262 La sinopis, broyée avec du sil brillant (ocre jaune) et du melinum (argile blanche), donnait le leucophoron, matière employée pour fixer l’or sur le bois.[92] Le minium ou ammion (petit sable) désigne: Tantôt un oxyde de plomb, dans le sens d’aujourd’hui, oxyde obtenu par la calcination ménagée de la céruse et nommé aussi usta, comme l’ocre,[93] ou bien encore fausse sandaraque;[94] Tantôt le vermillon et le cinabre ou sulfure de mercure.[95] Le minium, chauffé à parties égales avec la rubrique, fournissait le sandyx,[96] nom qui a été appliqué aussi au minium seul.[97] Cette confusion se retrouve dans certaines dénominations modernes: c’est ainsi que le minium de fer, employé aujourd’hui pour peindre ce métal, est formé de 60 pour cent de minium et de 40 pour cent d’oxyde magnétique. Un premier germe des idées alchimiques sur la fabrication de l’or se trouve dans ce fait, rapporté par Théophraste,[98] que l’Athénien Caillas, au ve siècle avant notre ère, vers les commencements de la guerre du Péloponnèse, découvrit le minium dans les mines d’argent et qu’il espérait obtenir de l’or par l’action du feu sur ce sable rouge. Le sandyx mêlé de sinopis constituait le syricum ou sericum.[99] Ajoutons, pour compléter ce qui est relatif aux couleurs dérivées des métaux dans l’antiquité. L’armenium, matière bleue qui paraît être la cendre bleue, ou l’azurite; Et le ceruleum ou azur,[100] mot qui désigne à la fois une laque bleue, dérivée du pastel, et un émail bleu, fritte ou vitrification, obtenu avec du natron, de la limaille de cuivre et du sable fondu ensemble (Vitruve). Parmi les couleurs vertes, on cite l’œrugo, le verdet, la chrysocolle (malachite; cendres vertes et sous-carbonates de cuivre). Les couleurs jaunes étaient: l’ocre ou su, parfois mêlé- de matières végé-p263tales; l’arsenic ou orpiment; les sous-sulfates de fer (misy et congénères); parfois la litharge, le soufre, l’or en poudre; enfin diverses matières végétales. NITRUM — νίτρον — natron, — à proprement parler notre carbonate de soude. C’est par erreur que la plupart des éditeurs des auteurs grecs ou latins traduisent ces mots par nitre ou salpêtre, substance presque inconnue dans l’antiquité, et qui apparaît seulement à partir du vi’ siècle à Constantinople, avec le feu grégeois dont elle était la base.[101] Les anciens parlent aussi du nitrum factice, préparé avec les cendres de chêne, c’est-à-dire du carbonate de potasse. Spuma nitri, ἀφρὸς νίτρου ou ἀφρὸνίτρου. — Se trouve dans des cavernes. Ce devait être dans certains cas du nitre vrai. OPÉRATIONS ALCHIMIQUES. —Voici le nom de quelques-unes des opérations signalées dans les écrits des Alchimistes Grecs; j’ai cru utile de les réunir ici pour la commodité du lecteur.[102] ἀναζωπύρωσις Régénération par le feu; coupellation. ἀνάλυσις Dissolution, désagrégation. ἀποσείρωσις Décantation. ἀχλύωσις Obscurcissement de la surface brillante d’un métal, par oxydation, sulfuration, etc. ἐκστροφὴ, ἔκστρεψις Extraction, transformation. ἐλαίωσις Graissage; Transformation en huile, ἐξίωσις Réduction, affinage, ἐξυδάτωσις Dessiccation; opération par laquelle on dépouille un corps de sa liquidité. ἐπιβολαί Projections. ἕψησις Décoction. ἵωσις Oxydation; affinage; coloration en violet (v. p. 255). καῦσις Grillage; calcination. λείωσις Pulvérisation; délaiement. λεύκωσις Blanchiment, p264 μελάνωσις Teinture en noir. ὄπτησις Torréfaction. ξάνθωσις Teinture en jaune. πλύσις Lavage. σῆψις Putréfaction, décomposition. ὕλη Matière. φύσις Nature, qualité intérieure. OR. Rappelons sa coupellation par le sulfure d’antimoine, qui en sépare même l’argent. On fond ensemble; la fonte se sépare en deux couches; la couche supérieure renferme les métaux étrangers, sous forme de sulfures unis à l’antimoine; la couche inférieure contient l’or et le régule d’antimoine. On répète la fonte deux ou trois fois; puis on soumet l’or à un grillage modéré, qui brûle l’antimoine; en évitant de chauffer trop fort pour ne pas volatiliser l’or. En raison de ces propriétés l’antimoine était dit au moyen âge le loup dévorant des métaux; ou bien encore le bain du roi ou du soleil. Mais elles ne sont exposées très explicitement que vers la fin du moyen âge. PAROS et PORUS.[103] La pierre appelée porus, était blanche et dure comme le marbre de Paros; mais moins pesante. Ces deux mots sont parfois confondus dans les Papyrus de Lede. PLOMB: On distinguait 2 espèces, le noir et le blanc, ce dernier assimilable à notre étain.[104] Du plomb noir on extrayait aussi l’argent. —Il était soudé par l’intermède de l’étain. Le métal de première coulée, obtenu avec le plomb argentifère, s’appelait stannum; le second, argent; ce qui restait dans le fourn.eiu, galène. La galène refondue produisait du plomb noir. On voit que le mot stannum signifie ici un alliage d’argent et de plomb. Quant au mot galène, il n’avait pas le même sens qu’aujourd’hui, où il veut dire sulfure de plomb. p265 Chez les anciens, le plomb était souvent confondu avec ses alliages d’étain, aussi bien qu’avec l’antimoine (v. p. 224 et le bismuth, métal plus rare et dont la découverte est moderne. Plomb lavé. — πεπλυμένος μόλυβδος.[105] Voici la préparation de cette substance. On broie de l’eau dans un mortier de plomb avec un pilon de plomb, jusqu’à ce que l’eau noircisse et s’épaississe: ce que nous expliquons aujourd’hui par la formation d’un hydrocarbonate de plomb, résultant de l’action de l’air et de l’eau sur le métal. — On lave par décantation. — On peut aussi broyer de la limaille de plomb dans un mortier de pierre. Vincent de Beauvais (Speculum majus, VIII, 17) décrit la soudure autogène, plomb sur plomb, qui a été regardée comme une invention moderne, Plomb brûlé, — κεκαυμένος μόλυβδος.[106] — Voici la préparation de ce corps: « On stratifie dans un plat des lames de plomb et de soufre. On chauffe, on remue avec du fer, jusqu’à disparition du plomb, et transformation en une sorte de cendre. D’autres remplacent le soufre par de la céruse, ou par de l’orge. Si l’on chauffe le plomb seul, le produit prend la couleur de la litharge ». — Le produit obtenu par ces procédés est un sous-oxyde de plomb, mêlé, suivant les cas, de sulfure et de sulfate. Scorie [de plomb].[107] —.Corps jaune, vitreux, analogue à la céruse, ou plutôt à notre litharge impure. Spode [de plomb].[108] — V. l’article Aes, sur le sens du mot apode. Pierre plombeuse.[109] — C’est notre galène (sulfure de plomb)? Galena. — Minerai de plomb,[110] employé dans la fusion de l’argent. On appelait aussi de ce nom le résidu des fontes du plomb argentifère (v. plus haut). Molybdène — μολύβδαινα.[111] (Ce corps est produit dans les fourneaux d’or et d’argent. Il est jaune, et devient rouge par le broiement; il est semblable à la litharge». — Ce nom a été aussi étendu à la plombagine (notre graphite) p266 et à notre galène (sulfure de plomb natif). — On en a rapproché encore[112] la scorie d’argent, appelée aussi helcysma ou encauma. Le mot molybdène a été suivant l’usage fâcheux des modernes, détourné de son sens historique par les chimistes de notre temps, pour être appliqué à un métal inconnu de l’antiquité. Litharge.[113] — Elle se préparait avec un sable (minerai) plombeux, ou bien elle était obtenue dans la fabrication de l’argent, ou dans celle du plomb. — La litharge jaune s’appelait chrysitis; celle de Sicile, argyritis; celle de la fabrication de l’argent, lauriotis (mot qui rappelle les mines du Laurium) « ce sont à proprement parler les écumes d’argent, produites à la surface du métal; la scorie est le résidu qui reste au fond » (Pline). Céruse— ψιμύθιον.[114] — Les anciens ont indiqué le procédé de préparation de la céruse par le plomb et le vinaigre. — Dioscoride décrit aussi sa torréfaction (ὀπτητέον), sa cuisson (χαῦσαι θέλων), laquelle lui donne une couleur rouge et la change en sandyx (minium). Minium (v. p. 251, 260; Rubrique). — Rappelons que ce mot a désigné non seulement le suroxyde de plomb, appelé aujourd’hui de ce nom, mais aussi le vermillon, le cinabre, le réalgar et certains oxydes de fer. PSEUDARGYRE. On lit dans Strabon:[115] « Près d’Andira on trouve une pierre qui se change en fer par l’action du feu. Ce fer, traité par une certaine pierre, devient du pseudargyre, lequel, mêlé avec du cuivre, produit ce que l’on appelle onchalque. Le pseudargyre se trouve aussi près du Tmolus. » Était-ce du zinc, ou du nickel, ou un alliage? Stos (pierre de). — C’est le tripoli. SEL.[116] — Sel fossile naturel, notre sel gemme, ou chlorure de sodium — sel de Cappadoce, sel factice obtenu par l’évaporation des salines. Lanugo salis. — Ἄχνη ἁλός. — Paillette écumeuse, produite par l’eau de mer déposée sur les rochers. p267 Saumure — muria. — Ἅλμη Flos salis, ἁλός ἄνθος. — Efflorescences salines et odorantes, couleur de safran — elles surnageaient dans certains étangs, ainsi que dans l’eau du Nil. Favilla salis. — Efflorescence blanche et légère. SELENITE[117] ou aphrosélinon, pierre de lune, pierre spéculaire, glace de Marie; blanche, légère, translucide. Ce mot désigne notre sulfate de chaux et notre mica, ainsi que divers silicates, lamelleux et brillants. SOUFRE.[118] — Soufre vif, ou apyre. Pline ajoute: Ignium vim magnam ei inesse; il renferme beaucoup de feu — sans doute parce qu’il s’allume aisément. TERRES.[119] On désignait sous ce nom divers calcaires et surtout des argiles blanches, ou grisâtres, employées Soit comme fondants en métallurgie; Soit comme base de poteries en céramique; Soit comme ciments dans les constructions; Soit comme supports de couleurs en peinture; Soit comme collyres, et pour divers autres usages, en matière médicale. Ces terres étaient lavées à grande eau, mises en trochisques, cuites dans des plats de terre, etc. On distinguait: la terre de Chio, la terre de Samos et la pierre de Samos, la terre cimolienne, la terre d’Erétrie, la terre de Melos (assimilée au tripoli) la terre de Sélinonte, la terre de Lemnos (v. Rubrique p. 251, 260), le Parœtonium, la pignitis, l’ampelitis ou schiste bitumineux, etc. La terre de Lemnos était une sanguine, ou oxyde de fer hydraté. La trempe du fer était connue de toute antiquité. Homère en fait mention dans l’Odyssée (l. IX, 393). Les alchimistes grecs y ont consacré plusieurs articles que nous reproduirons. La trempe du bronze est aussi décrite par eux. p268 Il est digne d’intérêt que le même mot Βαφή signifie 1° La trempe des métaux; 2° La teinture des étoffes, du verre et des métaux; 3° Par extension la matière colorante elle-même, 4° Et aussi le bain dans lequel on la fixait. TUTIE. — Le nom de tutie, qui semble ancien,[120] n’apparaît avec certitude qu’au temps des Arabes. Il a désigné surtout le pompholyx, oxyde de zinc impur. Mais il a été appliqué aussi à toute cadmie, toute fumée des métaux, et il en a souvent remplacé le nom chez les alchimistes du moyen âge. On en a parfois rapproché la magnésie (v. ce mot). [1] Une partie de celles-ci sont palimpsestes, la vieille écriture ayant été grattée. [2] Par exemple, l’article de Zosime sur l’asbestos, intercalé entre la lettre de Psellus et le traité de Cléopâtre sur les poids et mesures, dans des feuilles originairement blanches du manuscrit 2327. [3] Voir page 182. [4] Manuscrit de Saint Marc, folio 186, avant-dernière ligne. [5] Origines de l’Alchimie, page 103. [6] C’est l’article: Zosime dit sur la Chaux, ajouté sur des pages blanches, entre la préface de Psellus et le traité de Cléopâtre. [7] Voir ce que j’ai dit sur la Chrysopée de Cléopâtre et sur la formule de l’Ecrevisse, pages 137 et 153 à 155. [8] Origines de l’Alchimie, p. 58. Les traités astrologiques et autres de Zoroastre, Manéthon, Pythagore, seraient aussi du même temps. [9] Mise au net du 2329 corrigé, pour la majeure partie. [10] Avec certaines additions finales, tirées des autres souches, telles que la lettre de Psellus, le traité de Démocrite à Leucippe, la lettre d’Isis Horus, etc. [11] Texte grec. p. 101 et 106. [12] Figuré par le symbole de la planète Mercure. [13] Origines de l’Alchimie, p. 167. [14] Origines de l’Alchimie, p. 63. [15] Rapport sur les manuscrits alchimiques de Rome, par A. Berthelot, dans les Archives des missions scientifiques, 3’ s., t. XIII, p. 835 et suiv. [16] Le nom de chaque métal est suivi de son signe dans le manuscrit. [17] C’est Rhazès. — Voir Rufus d’Ephèse, édition de 1879, préface, p. XLVIII. [18] Ce titre est le même que celui de l’ouvrage médical de Rhazès. [19] Voir ce volume, p. 28, 66, 153 et plus loin. [20] Verhandlungen der Berliner Anτhropologischen Gesellschaft, Sitzung vom 19 Januar 1884. Les dessins sont:aux pages 129 et 130. [21] La figurine est dessinée dans Chaldée, par E. de Sarzec (PI. i8, l’ouvrage intitulé: Découvertes en figures 3 et 4). [22] ) Strabon le signale aussi en Lusitanie (Liv. III., ch. 11, 8). [23] Pline. H. N., l. XXXIV, 48. [24] Quelques auteurs ont supposé qu’il avait dû exister autrefois des minerais d’étain dans l’Ibérie du Caucase. Mais les géologues n’en ont jamais trouvé jusqu’ici dans cette région. Voir sur cette question: Recherches anthropologiques dans le Caucase, par E. Chantre, t. I. p. 81 (1885), et Age du bronze, t. II, p. 305. [25] L’existence de mines d’étain au Khorassan a été signalée par Von Baer, Archiv für Anthropologie, t. IX, 1876. [26] Pline, H. N., l. XXXIV. [27] Le Claudianos était probablement un métal analogue (v. ce mot). [28] Origines de l’Alchimie, p. 226. [29] Diosc., Mat. méd., l. V, 91. Pline, H. N., l. XXXIV, 26; l. XXXIII, — 29. — Vitruve, l. VII, chap. 7. —Vincent de Beauvais (Spec. majus), VIII, 30. — Lexicon Alch. Rulandi, page 14 et suivantes. [30] Diosc., Mat. méd., l. V, 93. Pline, H. N. l. XXXIV, 28. [31] Diosc. Mat. méd., V, 88. — Pline, H. N., l. XXXIV, 24. — Lexicon Alchem. Rulandi, page 12. [32] Le mot flos dans Pline signifie couleur — fondus, d’une couleur vive. [33] Diosc., Mat. méd., l. V, 87. — Pline, H. N., l. XXXIV, 23, 24. [34] Diosc., Mat. méd., l. V, 89. — Pline, H. N. l. XXXIV, 24, 25, Vincent de Beauvais, Sp. m. VIII, 29. — Lexicon Alch. Rulandi, p. 12, 18. [35] Pline, H. N., l. XXXIV, 36. [36] Diosc., Matière médicale, l. V, 119. — Pline, H. N., l. XXXIV, 37. [37] Pline, H. N., l. X, l. XXXI, 39. — Diosc., Mat. Méd., I. V, 160. — Lexicon Alchemiœ Rulandi, p. 21 (1612). — Salmasii Plinianœ exercitationes, p. 177, 501, 502 (1689). [38] Origines de l’Alchimie, p. 130. [39] Origines de l’Alchimie, p. 23, z, etc. —Voir Texte grec: Jean l’Archiprêtre. [40] Dιosc., Mat. méd., l. V, 122. —Pline, H. N., l. XXXIII, 25; LXXXV, 52; l. XXXVI, 37. — Lexicon Alch. Rulandi, p. 32 et suiv. [41] Mat. méd., l. V, 99. [42] Mat. méd.., l. V, 120. [43] Voir notamment notre Pl. VI, l. 4, et ce volume, p. 99. [44] Manget. Bibl. Chem., t. I, p. 920. [45] Diosc., Mat. méd., I. V, 84. — Pline, H. N., l. XXXIV, 2, 22. — Vincent de Beauvais, VIII, 28. —Lexicon Alchemiœ Rulandi, p. 110 et suiv, — Dia, de Chimie de Macquer, 1778. [46] Diosc., Mat. méd., I. V, 85. — Pline, H. N., l. xxxiv, 34. — Lexicon Alch. Rulandi, p. 442. [47] Diosc., Mat. méd., l. V, 86. — Pline, H. N., l. XXXIV, 35. [48] Diosc., Mat. méd., l. V, 113. — Pline, H. N., l. XXXII, 32. — Vincent de Beauvais, Spec. Majus, VIII, 32. [49] Diosc., Mat. méd., l. V, 116. — Pline, H. N., l. XXXIV, 31. [50] Macquer, Dict. de Chimie, t. IV, p. 85; 1778. [51] Diosc., Mat. méd., l. V, 118. — Pline, H. N., l. XXXIV, 30. — Lexicon Alch. Rulandi, p. 336. Lexicon Alch. Rulandi, p. 142. — Salmasii Plin. Exerc., p. 814, 6 E. [52] Diosc.. Mat. méd., l. V, 117. — Lexicon Alch. Rulandi. p. 329. [53] Diosc., Mat. méd., l. V, 115 v. — Pline, H. N., l. XXXIV, 29. — Vincent de Beauvais, VIII. — Lexicon Alch. Rulandi, p. 141. [54] Pline, H. N., l. XXXIII, 16, 27, 28, 29. — Diosc., Mat. méd., l. V, 104. — Voir le présent volume, p. 57. [55] Diosc., Mat. méd., l. V, 105, 106. — Pline, H. N., l. XXXV, 28. [56] Cité par Lactance et par Stobée (v. ce volume, p. i6, note). [57] Manuel Roret du Bijoutier, t. I, p. 130, 1832. [58] De perfecto magisterio, Bibl. chem. de Manget, t. I, p. 638. [59] Voir aussi Lexicon Alchemiœ Rulandi, p. 442. [60] De Perfecto Magisterio, Bibl. chem. de Manget, t. I, p. 638. [61] Pline, H. N., l. XXXIV, 47. [62] Pline, H. N., l. XXXIV, 45. — Diosc. Mat. méd., l. V, 93. [63] Pline, H. N., l. XXXIV, 46. [64] Diosc., Mat. méd., l. V, 94. [65] Diosc., Mat. méd., l. V, — Pline, H.N., l. XXXIV, 42, et l. XXXVI, 25. — Lexicon Alch. Rulandi, p. 275, 314. [66] Diosc., Mat. méd., l. V, 143. Pline. H. N., l. XXXVI, 25. [67] Pline, H. N., l. XXXIV, 37. [68] Diosc., Mat. méd., l. V.108. — Pline. H. N., l. XXXV, 16, 20, 22. [69] Pline, H. N., l. XXXV, 32; l. XXXIII, 56, 57. [70] Vitruve, l. VII, ch. vii. — Pline, H. N., l. XXXVI, 37. [71] Diosc., Mat. méd., l. V, 142. — Pline, H. N., l. XXXVI, 30. [72] Pline, H. N., l. XXXVI, 68. [73] Ou l’étain, suivant d’autres interprètes. [74] Pline, l. XXXVI, 34. — Diosc., Mat. Méd., l. V, 145. [75] Diosc., Mat. méd., l. V, 157. [76] Quelque chose de ce sens s’est conservé dans les mots « odeur vireuse », usités en botanique et en chimie. [77] H. N., l. XXXIV, 30, 48, 55. [78] Pline, H. N., l. XXXIII, 25. [79] Id., l. XXXIV, 42. [80] Lexicon Alch. Rulandi, p. 316. [81] Tractatulus; Bibl. chem. de Manget t I, 661. [82] Le nom même de notre manganèse est une autre transformation moderne du mot magnes. [83] Dioscoride, Mat. méd., l. V, 110. Pline, H. N., l. XXXIII, 32-42 [84] Origines de l’Alchimie, p. 279. [85] Voir Turba philosophorum (Biblioth. Chem. de Manget, t. I, p. 500). [86] Voir Ostanès, ce v. p. 257. [87] Ceci montre quel intérêt on attachait à des propriétés qui nous paraissent aujourd’hui peu importantes. On remarquera aussi l’axiome du Pseudo-Démocrite sur les natures, reproduit par Avicenne. [88] Origines de l’Alchimie, p. 269 à 271. [89] Ce volume, p. 61 et 163, fig. 37. [90] Diosc., Mat. méd., V, iii. — Pline, H. N., l. XXXV, 16; XXXVI, 37. [91] Pline, H. N., l. XXXV, 14. [92] Pline, H. N., l. XXXV, 17. [93] Pline, H. N., l. XXXV, 20. [94] Le même, 22. [95] Vitruve — Dioscoride, Mat. méd., l. V, 109. — Pline, H. N., l. XXXIII, 37 à 41. [96] Pline, H. N., l. XXXV, 23. [97] Diosc., Mat. méd., l. V, 103. [98] De Lapidibus, 58, 59. [99] Pline, H. N., l. XXXV, 24. [100] Pline, H. N., l. XXXIII, 57. [101] Voir mon ouvrage: Sur la force des matières explosives, 3e éd., t. I, p. 352. [102] Voir aussi ce volume, p. 210. [103] Pline, H. N., l. XXXVI, 28. [104] Pline, H. N., l. XXXIV, 47. [105] Diosc., Mat. méd., l. V, 95. [106] Diosc., Mat. méd., l. V, 96. — Pline, H. N., l. XXXIV, 50. [107] Diosc., Mat. méd., l. V, 97. — Pline, H. N., l. XXXIV, 49, 51. [108] Pline, H. N., l. XXXIV, 12. [109] Diosc., Mat. méd., l. V, 98. [110] Pline, l. XXIII, 31. [111] Diosc., Mat. méd., l. V, 100. — Pline, H. N., l. XXXIV, 33. [112] Diosc., l. V, 101. [113] Diosc., Mat. méd., V, 102. [114] Diosc., l. V, 103. — Pline, l. XXXIII, 54. —Vittuve, LVII,ch. 7. [115] Liv. XIII, 56. [116] Diosc., Mat. méd., l. V, 125, 130. — Pline, H. N., l. XXXI, 39-45. [117] Diosc., l. V, 158. -— Lexicon Alch. Rulandi, p. 289 et 427. [118] Diosc., l. V, 123. — Pline, H.N., l. XXXV, 50. [119] Diosc., Mat. méd., LV, 17o à 18o. — Pline, H. N., l. XXXV, 31, 32, 53 à 55; XXXVI, 40, etc. — Lexicon Alch. Rulandi, p. 463. [120] On trouve la mention de la Tutia Alexandrina (manuscrit 7161 du fonds latin de la Bibliothèque nationale de Paris, f. 13).
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